Mot «Nous» [22930 fréquence]


01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html
  A001000066 

 Que c'est que nous entendons par Tradition Apostolique.

  A001000069 

 Que nous avons besoin de quelqu'autre Regle, outre la Parole de Dieu.

  A001000133 

 Elle portera chez vous ce que vous ne voules pas prendre chez nous en l'assemblëe.

  A001000136 

 Mays sur tout je vous prie, que vous ne layssies jamais entrer en vos espritz autre passion que celle de nostre Sauveur et Maistre Jesuchrist, par laquelle nous avons estés tous rachetés, et serons sauvés s'il ne tient a nous, puysqu' il desire que tous les hommes soient sauvés, et viennent a cognoissance de la verité.

  A001000144 

 La 1. et principale c'est quelle portera chez vous ce que vous ne voules pas venir prendre chez nous en l'assemblee.

  A001000162 

 Cherchons, je vous prie, la caus'en nous de nos vices et pechés, nostre volonté en est la seule source.

  A001000162 

 Mays un peu de patience: Nostre Seigneur ne peut estre scandaleux, car tout y est sauverainement bon, ny scandalizable, car il est sauverainement puyssant et sage; comme donques se peut il faire qu'on se scandalize en luy, et quil soit mis a la ruyne de plusieurs? Ce seroit un horrible blaspheme d'attribuer nostre mal a sa Majesté: elle veut que chacun soit sauvé et vienne a connoissance de la verité; elle ne veut qu'aucun perisse; nostre perdition vient de nous, et nostr' ayde de la bonté divine.

  A001000162 

 Nostre Seigneur donques, ni sa sainte Parole, ne nous scandalize point, mays nous nous scandalizons nous mesmes en luy: qui est la propre façon de parler en ce faict, que luy mesme enseigne, disant: Bienheureux qui ne sera point scandalizé en moy.

  A001000163 

 J'ay dict tout cecy, Messieurs, pour vous faire connoistre d'ou vient ceste grande dissention de volontés au faict de la religion, que nous voyons estre par my ceux qui font profession en bouche du Christianisme.

  A001000164 

 Tout ce que tant de doctes hommes ont escrit tend la et y revient, mays non pas a droit fil, car chacun se propose un chemin particulier a tenir: je tascheray de reduyre toutes les lignes de mon discours a ce point, comm'au centre, le plus justement que je pourray; et la premiere Partie servira quasi egalement pour toutes sortes d'heretiques, la seconde s'addressera plus a ceux a la reunion desquels nous avons plus de devoir.

  A001000171 

 Le scandale pris et passif se voit si dru es Escritures quil ny a quasi chapitre ou on n'en puysse voir des marques:.. ce seroit monstrer le jour en plein mydi de s'amuser d'en produire les passages;.. ceux ci nous serviront pour tous.

  A001000171 

 Or, combien aye esté en vogue ceste troysiesme façon de scandale jusques a present, le tesmoignage de toutes les histoires ecclesiastiques y est en mille lieux; nous ne trouverons quasi pas tant de traitz pour y remarquer tous les autres vices que pour celuyci seul.

  A001000172 

 Confessons donques que personne d'entre nous autres hommes n'est offencé que de soy mesme; c'est ce que j'entreprens de persuader icy a force de raysons.

  A001000174 

 Comme ceux qui regardent le col d'une colombe, le voyent changer en autant de diversités de couleurs comm'ilz changent de postures et de distances, ainsy ceux qui considerent la Saint'Escriture, par laquelle comme par un col nous recevons la nourriture celeste, y voyent, ce leur semble, toutes sortes d'opinions, selon la [14] diversité de leurs passions.

  A001000179 

 .. Nous pouvons prattiquer si exactement l'enseignement de Plutarque, quon doit retirer utilité de son hayneur, que le peché mesme, nostre capital ennemy et le sauverain mal du monde, nous peut remettr'en connoissance de nous mesmes, en humilité et contrition, et la cheute de l'homme de bien le faict marcher par après plus droit et plus advisé: tant est veritable la parole de S t Pol: Nous sçavons que toutes choses aydent a bien a ceux qui ayment Dieu..

  A001000179 

 .. Nous sçavons, dict S. Pol, que toutes choses servent a bien a ceux qui ayment Dieu.

  A001000180 

 N'est-ce pas donq une chose estrange, que pouvans proufiter en toutes choses, pour mauvayses quelles soyent, nous convertissions tout a nostre perte? Que si du mal seulement nous prenons le mal, ce ne seroit pas grand [15] merveille, car c'est ce qui s'y presente de prime face; si des choses indifferentes et neutres nous nous servions en mal, la nature n'en seroit pas tant outragee, puysque ce sont armes a toutes mains: et neantmoins la couardise seroit tousjours grande, si, pouvans changer toutes choses en bien, par un'alchimie si aysëe et de si peu de frais, ou une seul'estincelle de charité suffit, nous avions le courage si lasche de demeurer en misere et nous procurer le, mal.

  A001000180 

 Non ja que le peché estant en nous proufite, ou ny estant plus puysse y operer quelque bien, car le peché est mauvais tout au long, mays nous pouvons y faire naistre des occasions de beaucoup de bien, lesquelles il ne produiroit jamais de soymesme: semblables aux abeilles lesquelles vindrent faire leur miel dans la puante caroigne du fier lion que Samson avoit egorgé.

  A001000213 

 v. 24: Pour ce que nous avons entendu qu'aucuns partis d'entre nous vous ont troublés par aucuns propos, renversans vos ames, ausquelz n'en avions point donné charge. S'ilz eussent donné charge, bien, mais vouloir enseigner sans charge.

  A001000245 

 .. Comme croyrons nous que le peuple, et les princes seculiers, aÿe appellés Calvin, Brence, Luther, pour enseigner la doctrine que jamais il n'avoyt ouÿe? et devant, quand ilz commencerent a prescher et semer ceste doctrine, qui les avoit chargés de ce faire?.. Vous dites que le peuple devot vous a appellés, mays quel peuple? Car, ou il estoit Catholique, ou il ne l'estoit pas: sil estoit Catholique, comme vous eut il appellé et envoÿé præcher ce quil ne croyoit pas? et ceste vocation de quelque bien petite partie du peuple lhors Catholique, comme pouvoit elle contrevenir a tout le reste qui sy opposa? et comme vous pouvoit une partie du peuple donner authorité sur l'autre partie, affin que vous allassies de peuple en peuple distraissant tant que vous pouvies les ames de l'ancienne obeissance? car un peuple ne peut donner l'authorité que sur soymesme.

  A001000250 

 Car, de faict, qu'est ce se dire prædicateur de la parole de Dieu et pasteur des ames, que se dire ambassadeur et legat de N. S.? selon le dire de l'Apostre, Nous sommes donques ambassadeurs pour Christ.

  A001000251 

 Car si N. S. les avoyt envoyés, ou c'eust esté mediatement ou immediatement: nous appelions mission faicte mediatement, quand nous sommes envoyés de qui en a le pouvoir de Dieu, selon l'ordre quil a mis en son Eglise, et telle fut la mission de S t Denis en France par Clement, et de Timothëe par S t Pol.

  A001000253 

 Or, silz disent que les magistratz et peuples seculiers les ayent envoyés, ilz auront deux preuves a faire qu'ilz ne feront jamais: l'une que les seculiers l'ayent faict, l'autre quilz l'ayent peu faire; car nous nions et factum et jus faciendi.

  A001000255 

 Au contraire nous produysons l'expresse prattique de toute [24] l'Eglise, qui a esté de tous tems d'ordonner les pasteurs avec l'imposition des mains des autres pasteurs et Evesques.

  A001000266 

 Mays nous nions formellement que vos ministres en ayent eu aucune communication, pour præcher ce quilz ont præché, parce que:.

  A001000266 

 Nous avouons, donques, que la mission estoit riere nos Evesques, et principalement es mains de leur chef, l'Evesque Romain.

  A001000273 

 Mettons donques nostre dire par ordre, pour voir si nous pourrons forcer ceste leur derniere baricade..

  A001000274 

 Car, je vous prie, a quoy en serions nous, si ce prætexte de mission extraordinaire estoit recevable sans preuve? ne seroit ce pas un voile a toutes sortes de resveries? Arrius, Marcion, Montanus, Massalius, ne pourroyent ilz pas estre receuz a ce grade de reformateurs en prestant le mesme serment? 2.

  A001000274 

 Si donques ilz alleguent la mission extraordinaire, quilz nous monstrent quelques œuvres extraordinaires, autrement nous ne sommes pas obligés de les croire.

  A001000275 

 Comment donques authorizeroit il deux sortes de pasteurs, l'une extraordinaire, l'autre ordinaire? [31] Quand a l'ordinaire qu'elle soit authorisëe, cela est certain; quand a l'extraordinaire, nous le præsupposons: ce seroyent donques deux eglises differentes, qui est contre la plus pure parole de Nostre Seigneur, qui n'a qu'une seul'espouse, qu' une seule colombe, qu'une seule parfaitte.

  A001000275 

 Il faut donques revenir a ce que nous disions, que jamais la vocation extraordinaire n'est legitime quand ell'est desavouëe de l'ordinaire.

  A001000275 

 Que si nous considerons les paroles de saint Pol, nous apprendrons mesme, 5.

  A001000275 

 nous sommes obligés d'obeir a nos pasteurs ordinaires sous peyne d'estre publicains et payens; comment donques nous pourrions nous ranger sous autre discipline que la leur? les extraordinaires viendroyent pour neant, puysque nous serions obligés de ne les ouïr pas, en cas, comme j'ay dict, quilz fussent desavoüés des ordinaires.

  A001000276 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A001000276 

 Or la parole de Nostre Seigneur nous oste de toutes ces difficultés, qui a edifié son Eglise sur un si bon fondement, et avec une proportion si bien entendue, que les portes d'enfer ne prævaudront jamais contre elle.

  A001000276 

 Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour monstrer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy.

  A001000276 

 [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A001000285 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A001000288 

 En fin, vos ministres auroyent bonne grace silz vouloient s'usurper le pouvoir de prophetes, eux qui n'en ont jamais eu le don ni la lumiere: ce seroit plustost a nous, qui pourrions produire infinité des propheties des nostres; comme de saint Gregoire Taumaturge, au rapport de saint Basile, de saint Anthoine, tesmoin Athanase, de l'abbé Jan, tesmoin saint Augustin, de saint Benoist, saint Bernard, saint François et mill'autres.

  A001000288 

 Si donques il est question entre nous de l'authorité prophetique, elle nous demeurera, soit elle ordinaire ou extraordinaire, puysque nous en avons l'effect, non pas a vos ministres qui n'en ont jamais faict un brin de preuve: sinon quilz voulussent appeller propheties la vision de Zuingle, au livre inscrit, Subsidium de Eucharistia, et le livre intitulé, Querela Lutheri, ou la prædiction quil fit, l'an 25 de ce siecle, que sil præchoit encor deux ans il ne demeureroit ni Pape, ni prestres, ni moynes, ni clochers, ni Messe.

  A001000299 

 Les adversaires, voyans bien qu'a ceste touche leur doctrine seroit reconneüe de bas or, ont tasché par tous moyens de nous divertir de ceste preuve invincible que nous prenons es marques de la vraÿe Eglise, et partant ont voulu maintenir que l'Eglise est invisible et imperceptible, et par consequent irremarquable.

  A001000301 

 Ayes patience, au nom de Dieu; nous irons par ordre et briefvement, monstrant la vanité de ces opinions..

  A001000301 

 Tous ces discours ressentent le mal de chaud; ce sont des songes qu'on faict en veillant, qui ne valent pas celuy que Nabuchodonosor fit en dormant; aussy luy sont ilz du tout contraires, si nous croyons a l'interpretation de Daniel: car Nabuchodonosor vit une pierre taillëe d'un mont sans œuvre de mains, qui vint roulant et renversa la grande statue, et s'accreut tellement que devenue montaigne elle remplit toute [41] la terre; et Daniel l'entendit du royaume de Nostre Seigneur qui demeurera æternellement.

  A001000304 

 J'entens parler de l'Eglise militante de laquelle l'Escriture nous a laissé tesmoignage, non de celle que proposent les hommes.

  A001000305 

 Nostre Seigneur et Maistre nous renvoÿe a l'Eglise en nos difficultés et dissentions; saint Pol enseigne son Timothee comm'il faut converser en icelle, il fit apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne, il leur remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour regir l'Eglise, il est envoyé par l'Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l'Eglise, il confirmoit les Eglises, il constitue des prestres par les Eglises, il [43] assemble l'Eglise, il salue l'Eglise en Cæsaree, il a persecuté l'Eglise.

  A001000306 

 Que dira l'on aux propheties, qui nous repræsentent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique? Ilz la depeignent comm' une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une belle varieté d'enrichissemens, comm' une montaigne, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, comme l'arc en ciel, tesmoin fidele et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis..

  A001000312 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A001000312 

 Les anciens Juifz comm'entroyent ilz sur le roole du peuple de Dieu? par la circoncision, signe visible; nous autres, par le Baptesme, signe visible.

  A001000312 

 Les anciens par qui gouvernés? par les prestres Aaroniques, gens visibles; nous autres, par les Evesques, personnes visibles.

  A001000312 

 Les anciens par qui prechés? par les Prophetes et docteurs, visiblement; nous autres, par nos pasteurs et prædicateurs, visiblement encores.

  A001000312 

 Les anciens quelle manducation religieuse et sacrëe avoyent ilz? de l'aigneau Paschal, de la manne, tout est visible; nous [46] autres, du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, signe visible quoy que de chose invisible.

  A001000316 

 Maintenant, si on dict que la loy Evangelique a esté donnée dans les cœurs interieurement, non sur les tables de pierre exterieurement, comme dict Hieremie, on doit respondre, qu'en l'interieur de l'Eglise et dans son cœur est tout le principal de sa gloire, qui ne laysse pas de rayonner jusques a l'exterieur qui la faict voir et reconnoistre; ainsy quand il est dict en l'Evangile, que l'heur'est venüe quand les vrays adorateurs adoreront le Pere en esprit et verité, nous sommes enseignés que l'interieur est le principal, et que l'exterieur est vain s'il ne tend et ne se va rendre dans l'interieur pour s'y spiritualizer..

  A001000319 

 Quand a ce que saint Pol a dict aux Hebrieux, que nous ne sommes pas venus vers une montaigne maniable, comme celle de Sina, mays vers une Hierusalem cæleste, il ne faict pas a propos pour faire invisible l'Eglise; car saint Pol monstre en cest endroit que l'Eglise est plus magnifique et enrichie que la Sinagogue, et qu'elle n'est pas une montaigne naturelle comme celle de Sina, mays mistique, dont il ne s'ensuit aucune invisibilité: outre ce qu'on peut dire avec rayson quil parle vrayement de la Hierusalem cæleste, c'est a dire de l'Eglise triomphante, dont il y adjouste, la frequence des Anges, comme sil vouloit dire qu'en la vielle Loy Dieu fut veu en la montaigne en une façon espouvantable, et que la nouvelle nous conduit a le voir en sa gloire la haut en Paradis..

  A001000320 

 Aussy voit on l'Eglise, mays non sa sainteté interieure, on voit ses yeux de colombe, mays on croit ce qui est caché au dedans, on voit sa robbe richement recamëe en belle diversité avec ses houppes d'or, mays la plus claire splendeur de sa gloire est au dedans, que nous croyons; il y a en ceste royale Espouse de quoy repaistre l'œïl interieur et exterieur, la foy et le sens, et c'est tout pour la plus grande gloire de son Espoux..

  A001000326 

 De vray, ceste ruse n'est pas petite, de destourner les yeux spirituelz des gens de l'Eglise militante a la prædestination eternelle, affin qu'esblouÿs a l'esclair de ce mistere inscrutable nous ne voyons pas ce qui est devant nous.

  A001000327 

 Mays nous monstrerons clairement que la vraye Eglise contient les bons et les mauvais, les reprouvés et les esleuz, et voyci dequoy:.

  A001000330 

 Et Nostre Seigneur nous enseigne il pas, qu'estans offensés par quelqu'un de nos freres, apres l'avoir repris et corrigé par deux fois en deux diverses façons, [51] nous le deferions a l'Eglise? Dis le a l'Eglise; que s'il n'entend l'Eglise, quil te soit comme ethnique et publicain.

  A001000330 

 Les bons, donques, ne sont pas seulement de la vraye Eglise, mays les mauvais encores jusques a tant quilz en soyent chassés: sinon qu'on veuille dire que l'Eglise a laquelle Nostre Seigneur nous renvoÿe soit l'eglise errante, peccante et antichrestienne; ce seroit blasphemer trop a la descouverte..

  A001000334 

 Or quell'absurdité seroit ce, je vous prie, si les seulz esleuz estoyent de l'Eglise? il s'ensuyvroit ce qu'ont dict les Donatistes, que nous ne pourrions pas connoistre nos prælatz, et par consequent ne leur pourrions rendre l'obeissance: car, comme connoistrions nous si ceux qui se diroyent prælatz et pasteurs seroyent de l'Eglise? puysque nous ne pouvons connoistre qui est prædestiné et qui non d'entre les vivans, comm'il se dira ailleurs; et s'ilz ne sont de l'Eglise, comme y peuvent ilz tenir le lieu de chefz? ce seroit bien un monstre des plus estranges qui se peut voir que le chef de l'Eglise ne fut de l'Eglise.

  A001000336 

 Mays ou trouveront ilz en l'Escriture aucun lieu qui leur puysse servir de quelqu'excuse en tant d'absurdités, et contre des preuves si claires que celles que nous avons faict? il ne manque pas de contreraysons en ce point, jamays l'opiniastreté n'en laisse avoir faute a ses serviteurs..

  A001000337 

 Apporteront ilz donques ce qui est escrit aux Cantiques, de l'Espouse, que c'est un jardin fermé, une fontayne ou source cachetëe, un puys d'eau vivante, qu'elle est toute belle et sans aucune tache, ou, comme dict l'Apostre, glorieuse, sans ride, sainte, immaculëe? Je les prie de bon cœur quilz regardent ce quilz veulent conclure de cecy, car silz veulent conclure quil ni doive point avoir en l'Eglise que de saints immaculés, sans ride, glorieux, je leur feray voir avec ces mesmes passages quil ny a en l'Eglise ni esleu ni reprouvé: car, n'est ce pas « la voix humble mais veritable, » comme dict le grand Concile de Trente, « de tous les justes » et esleuz, « remettes nous nos debtes comme nous les remettons a nos debiteurs »? Je tiens saint Jaques pour esleu, et neantmoins il confesse: Nous offençons tous en plusieurs choses; saint Jan nous ferme la bouche et a tous les esleuz, affin que personne ne se vante d'estre sans peché, ains au contraire veut [que] chacun sache et confesse quil peche; je crois que David en son ravissement et extase sçavoit que c'estoit que des esleuz, et neantmoins il tenoit tout homme pour mensonger.

  A001000339 

 Toutes ces qualités donques sont justement attribuees a l'Eglise, a cause de tant de saintes ames qui y sont qui observent tres etroittement les saintz commandemens de Dieu, et sont parfaictes de la perfection qu'on peut avoir en ce pelerinage, non de celle que nous esperons en la bienheureuse Patrie..

  A001000341 

 On produict le passage de saint Jan: Je connois mes brebis, et personne ne les levera de mes mains; et que ces brebis la sont les prædestinés qui sont seulz du bercail du Seigneur, on produict ce que saint Pol dict a Timothee: Le Seigneur connoist ceux qui sont a luy, et ce que saint Jan a dict des apostatz: Ilz sont sortis d'entre nous, mais ilz n'estoyent pas d'entre nous..

  A001000342 

 Mays quelle difficulté trouve l'on en tout cela? nous confessons que les brebis prædestinëes entendent la voix de leur pasteur, et ont toutes les proprietés qui sont descrittes en saint Jan, ou tost ou tard, mays nous confessons aussy qu'en l'Eglise, qui est la bergerie de Nostre Seigneur, il ni a pas seulement des brebis ains encores des boucz; autrement, pourquoy seroit il dict qu'a la fin du monde, au jugement, les brebis seront separëes, sinon par ce que jusques au jugement, pendant que l'Eglise est en ce monde, ell'a en soy des boucz avec les brebis? certes, si jamais ilz n'avoyent estés ensemble, jamais on ne les separeroit: et puys en fin de conte, si les prædestinés sont apellés brebis aussy le sont bien les reprouvés, tesmoin David: Vostre fureur est courroucëe sur les brebis de vostre parc; [57] J'ay erré comme la brebis qui est perdüe; et ailleurs, quand il dict: O vous qui regentes sur Israel, escoutes, vous qui conduyses Joseph comm' une oüaille: quand il dict Joseph, il entend les Josephois et le peuple Israelitique, parce qu'a Joseph fut donné la primogeniture, et l'aisné baille nom a la race.

  A001000342 

 Nous confessons, donques, quil y a des brebis sauvëes et prædestinëes, desquelles il est parlé en saint Jan, il y en a d'autres damnëes, desquelles il est parlé ailleurs, et toutes sont dans un mesme parc..

  A001000344 

 De mesme ce que saint Jan dict, Ilz sont sortis d'entre nous, mays n'estoyent pas d'entre nous, ne faict rien a propos, car je diray, comme dict sainct Augustin: ilz estoyent des nostres ou d'entre nous numero, et ne l'estoyent pas merito, c'est a dire, comme le mesme Docteur: « Ilz estoyent entre nous et des nostres par la communion des Sacremens, mays selon la particuliere proprieté de leurs vices ilz ne l'estoyent pas; » ilz estoyent ja heretiques en leur ame et de volonté, quoy que selon l'apparence exterieure ilz ne le fussent pas.

  A001000345 

 Que si on veut dire que les reprouvés n'ont point Dieu pour pere par ce quilz ne seront point heritiers, selon la parole de l'Apostre, S'il est filz il est hæritier, nous nierons la consequence; car non seulement les enfans sont en l'Eglise, mays encores les serviteurs, avec ceste difference, que les enfans y demeureront a jamais comm'heritiers, les serviteurs non, mays seront chassés quand bon semblera au Maistre.

  A001000354 

 Sa divine providence, des qu'ell'eust creë l'homme, le ciel, la terre, et ce qui est au ciel et a la terre, les conserva et conserve perpetuellement, en façon que la generation du moindre oysillion n'est pas encores estainte; que dirons nous donques de l'Eglise? Tout ce monde ne luy costa de premier marché qu'une simple parole: Il le dict et tout fut faict, et il le conserve avec une perpetuelle et infallible providence; comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang, tant de peynes et travaux? Il a tiré l'Israel de l'Egipte, des desers, de la mer Rouge, de tant de calamités et captivités, et nous croirons quil ayt layssé engolfé le Christianisme en l'incredulité? Il a tant eu de soin de son Agar, et il mesprisera Sara? il a tant favorisé la servante qui devoit estre chassëe hors de la mayson, et n'aura tenu conte de l'Espouse legitime? il aura tant honnoré l'ombre, et il abandonnera le cors? O que ce [62] seroit bien pour neant que tant et tant de promesses auroyent estees faites de la perpetuité de cest'Eglise..

  A001000355 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondëe en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie filz de David, en la personne du Pere eternel) sera comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles et son trosne comme les jours du ciel, c'est a diré, autant que le ciel durera; Daniel l'apelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement, l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'auroit point de fin, et parle de l'Eglise comme nous le prouvons ailleurs; Isaïe avoit il pas predict en ceste façon de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peché il verra une longue race, c'est a dire, de longue durëe? et ailleurs: Je feray un'alliance perpetuelle avec eux; apres: Tous ceux qui les verront (il parle de l'Eglise visible) les connoistront? Mays, je vous prie, qui a baillé charge a Luther et Calvin de revoquer tant de saintes et solemnelles promesses que Nostre Seigneur a faites a son Eglise, de perpetuité? n'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contr'elle? et comme verifiera-on ceste promesse si l'Eglise a esté abolie mill'ans ou plus? et ce doux adieu que Nostre Seigneur dict a ses Apostres, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi, comme l'entendrons nous si voulons dire que l'Eglise puisse perir?.

  A001000356 

 Mays voudrions nous bien casser la belle regle de Gamaliel qui, parlant de l'Eglise naissante, usa de ce discours: Si ce conseil ou cest'œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si ell'est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre? L'Eglise est ce pas l'œuvre de Dieu? et comment donques dirons nous qu'elle soit dissipëe? Si ce bel arbre ecclesiastique avoit esté planté de main d'homme, j'avoueroys aysement quil pourroit estre arraché, mays ayant esté planté de si bonne main qu'est celle de Nostre Seigneur, je ne sçaurois [63] conseiller a ceux qui entendent crier a tous propos que l'Eglise estoit perie sinon ce que dict Nostre Seigneur: Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantée sera arrachëe, mays celle que Dieu a plantëe ne sera point arrachëe..

  A001000359 

 O quel contrechange on faict a ces bons peres qui ont tant souffert pour nous præserver l'heritage de l'Evangile, et maintenant, outrecuydés que sont les enfans, on se mocque d'eux, on les tient pour folz et insensés..

  A001000360 

 Je veux conclure ceste preuve avec saint Augustin, et parler a vos ministres: « Que nous apportes vous de nouveau? faudra il encor une foys semer la bonne semence, puysque des qu'ell'est semëe elle croit jusqu'à la moysson? Si vous dites estre par tout perdue celle que les Apostres avoyent semëe, nous vous respondons: lises nous cecy es Saintes Escritures, ce que pour vray vous ne lires jamais que premierement vous ne nous monstries estre faux ce qui est escrit, que la semence [65] qui fut semëe au commencement croistroit jusqu'au tems de moyssons.

  A001000370 

 Nous nous fions donques en la sainte parole qui promet perpetuité a l'Eglise..

  A001000388 

 .. Qui ouyt jamais deviser d'une academie ou chacun enseignat, personne ne fut auditeur? Telle seroit la republique Chrestienne si les particuliers... Car si l'Eglise mesme erre, qui n'errera? et si chacun y erre, ou peut errer, a qui m'addresseray je pour estre instruit? A Calvin? mays pourquoy plus tost qu'a Luther, ou a Brence, ou au Pacimontain? Nous ne sçaurions donques ou recourir en nos difficultés si l'Eglis'errait.

  A001000388 

 Quicomque dict que nostre Maistre ne nous a pas laissé des guides en un si dangereux et malaysé chemin, il dict quil nous veut perdre; quicomque dict quil nous a embarqués a la mercy [des vents] et de la marëe, sans nous donner un expert pilote qui sache bien entendre sur la bussole et la charte marine, il dict que ce Seigneur a faute de provoyance; quicomque dict que ce bon Pere nous a envoyés en cest'escole Ecclesiastique, sachant que l'erreur y estoit enseignëe, il dict quil a voulu nourrir nostre vice et nostre ignorance.

  A001000389 

 Mays qui considerera le tesmoignage que Dieu a donné pour l'Eglise, si authentique, il verra que dire, l'Eglise erre, n'est autre sinon dire, Dieu erre, ou se plaict et veut qu'on erre, qui seroit un grand blaspheme: car, n'est ce pas Nostre Seigneur qui dict: Si ton [frere] a peché (contre toy), dis le a l'Eglise; que si quelqu'un n'entend l'Eglise, quil te soit comme ethnique [74] et peager? Voyes vous comme Nostre Seigneur nous renvoÿe a l'Eglise en nos differens, et quelz qu'ilz soyent? mays combien plus es injures et differens plus importans? certes, si je suys obligé, apres l'ordre de la correction fraternelle, d'aller a l'Eglise pour fayre amander un vicieux qui m'aura offencé, combien plus seray je obligé d'y deferer celuy qui apelle toute l'Eglise Babilone, adultere, idolatre, mensongere, parjure? d'autant plus principalement qu'avec ceste sienne malveillance il pourra desbaucher et infecter tout'une province, le vice d'heresie estant si contagieux que comme chancre il se va tousjours traynant plus avant pour un tems.

  A001000389 

 Que si elle peut errer, ce ne sera plus moy, ou l'homme, qui nourrira cest erreur au monde, ce sera nostre Dieu mesme qui l'authorisera et mettra en credit, puysqu'il nous commande d'aller a ce tribunal pour y ouyr et recevoir justice: ou il ne sçait pas ce que s'y faict, ou il nous veut decevoir, ou c'est a bon escient que la vraÿe justice s'y administre, et les sentences sont irrevocables.

  A001000391 

 Je conclus, donques, que quand nous voyons que l'Eglise universelle a esté et est en creance de quelqu'article, soyt que nous le voyons expres en l'Escriture, soyt quil en soit tiré par quelque deduction, ou bien par Tradition, nous ne devons aucunement conteroller ni disputer ou douter sur iceluy, ains prester l'obeissance et l'hommage a ceste celeste Reyne que Nostre Seigneur commande, et regler nostre foy a ce niveau.

  A001000398 

 Mays on ne se peut eschapper de ce costé la: car, quell'Eglise i avoit il au monde il y a deux cens, trois cens, quatre cens et cinq cens ans, sinon l'Eglise Catholique Romayne, toute telle qu'ell'est a præsent? il ni avoit point d'autre sans doute; donques, c'estoit la vraÿe Eglise et neantmoins erroit, ou il ni avoit point de vraÿe Eglise au monde: et en ce cas la encores est il contraint d'avoüer que cest aneantissement estoit venu par erreur intolerable et en choses necessaires a salut, car, quand a ceste dissipation de fideles et secrett'Eglise quil cuyde produire, j'en ay desja asses faict voir la vanité cy devant; outre ce que quand ilz confessent que l'Eglise visible peut errer, ilz violent l'Eglise a laquelle Nostre Seigneur nous adresse en nos difficultés, et que saint Pol apelle colomne et pilier de verité, car ce n'est [78] que de la visible delaquelle s'entendent ces tesmoignages, sinon qu'on voulut dire que Nostre Seigneur nous eust renvoyé a parler a une chose invisible, imperceptible et du tout inconneüe, ou que saint Pol enseignat son Timothëe a converser en un'assemblëe delaquelle il n'eut aucune connoissance..

  A001000433 

 Saint Luc nous monstre bien que saint Pierre est ce serviteur, car, apres avoir raconté que Nostre Seigneur avoit dict par advertissement a ses disciples: Beati servi quos cum venerit Dominus invenerit vigilantes; amen, dico vobis, quod præcinget se, et faciet illos discumbere, et transiens ministrabit illis, saint Pierre seul interrogea Nostre Seigneur: Ad nos dicis hanc parabolam an et ad omnes? Nostre Seigneur, respondant a saint Pierre, ne dict pas: Qui putas erunt fideles, comm'il avoit [dit] beati servi, mais, Quis putas est dispensator fidelis et prudens, quem constituit Dominus super familiam suam ut det illis in tempore tritici mensuram? Et de faict, Theophylacte dict que saint Pierre fit ceste demande comme ayant la supresme charge de l'Eglise, et saint Ambroise, l. 7.

  A001000434 

 Et de vray, si nous voulons un peu espelucher ceste parabole, qui peut estre le serviteur qui doit donner le froment sinon saint Pierre, auquel la charge de nourrir les autres a estëe donnëe: Pasce oves meas? Quand le maistre de la maison va dehors, il donne les clefz au maistre valet et œconome, et n'est ce pas a saint Pierre auquel Nostre Seigneur a dict: Tibi dabo claves regni cælorum? Tout se rapporte au gouverneur, et le reste des officiers s'appuyent sur iceluy, quand a l'authorité, comme tout l'edifice sur le fondement.

  A001000441 

 Je vous accorde que tant la militante que la triomphante Eglise sont fondëes sur Nostre Seigneur comme sur le fondement principal, mays Isaïe nous prædict qu'en l'Eglise on devoit avoir deux fondements, au chap. 28: Ecce ego ponam in fundamentis Sion lapidem, lapidem probatum, angularem, prætiosum, in fundamento fundatum.

  A001000450 

 Vous sçaves que tous tant que nous sommes de Catholiques reconnoissons le Pape comme vicaire de Nostre Seigneur: l'Eglise universelle le reconneut dernierement a Trente, quand elle s'addressa a luy pour confirmation de ce qu'elle avoit resolu, et quand elle receut ses deputés comme presidens ordinaires et legitimes du Concile..

  A001000464 

 C'est ce qui nous tient tous parés d'une mesme livree de creance, car, sçachant qu'il y a un chef et lieutenant general en l'Eglise, ce qu'il resoult et determine avec l'advis des autres Prelatz, lhors qu'il est assis sur la chaire de saint Pierre pour enseigner le Christianisme, sert de loy et de niveau a nostre creance.

  A001000464 

 C'est « le commencement de l'unité de prestrise, » c'est « le lien d'unité, » ce dict saint Cyprien; « Nous n'ignorons pas, » [dit] il encores, « qu'il y a un Dieu, qu'un Christ et Seigneur, lequel nous avons confessé, un Saint Esprit, un Evesque en l'Eglise Catholique.

  A001000464 

 Tous tant qu'il y a de Catholiques en [93] cest aage sont en mesme resolution; nous tenons l'Eglise Romaine pour nostre rendes vous en toutes nos difficultés, nous sommes tous ses humbles enfans et prenons nourriture du lait de ses mammelles, nous sommes tous branches de ceste tige si feconde et ne tirons autre suc de doctrine que de ceste racine.

  A001000466 

 Ne sçaves pas que l'un de vos plus grans ministres dict a Poissy que le Cors de Nostre Seigneur estoit « aussi loin de la cene que la terre du ciel »? et ne sçaves pas encores que cela est tenu pour faux par plusieurs des autres? l'un de vos maistres n'a il pas confessé dernierement la realité du Cors de Nostre Seigneur en la cene, et les autres la nient ilz pas? Me pourres vous nier, qu'au fait de la [95] justification vous soyes autant divisés entre vous autres comme vous Testes d'avec nous? tesmoin l' Anonyme disputateur.

  A001000468 

 Ceste unité de langage est en nous un vray signe que nous sommes l'armee du Seigneur, et vous ne pouves estre reconneus que pour Madianites, qui ne faites en vos opinions que criailler et hurler chacun a sa mode, chamailler les uns sur les autres, vous entr'esgorgeans et [97] massacrans vous mesmes par vos dissentions, ainsy que dict Dieu par Isaïe: Les Egyptiens choqueront contre les Egyptiens, et l'esprit d'Egypte se rompra: et saint Augustin dict que « comme Donatus avoit tasché de diviser Christ, ainsy luy mesme par une journelle separation des siens estoit divisé en luy mesme.

  A001000468 

 Mays quant a nous autres, nous avons tous un mesme canon des Escritures, et un mesme chef, et pareille regle pour les entendre; vous aves diversité de canon, et en l'intelligence vous aves autant de testes et de regles que vous estes de personnes.

  A001000468 

 Nous sonnons tous au ton de la trompette d'un seul Gedeon, et avons tous un mesme esprit de foy au Seigneur et a son lieutenant, l'espee des decisions de Dieu et de l'Eglise, selon la parole des Apostres, Visum est Spiritui Sancto et nobis.

  A001000474 

 Mais, outre tout cela, il y a des signes avec lesquelz Dieu faict connoistre son Eglise, qui sont comme parfums et odeurs, comme dict l'Espoux es Cantiques: L'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens; ainsy pouvons nous, a la piste de ses odeurs et parfums, quester et trouver la vraye Eglise, et le giste du filz de la licorne..

  A001000480 

 L'Eglise, donques, a le lait et le miel sous sa langue, en son cœur, qui est la sainteté interieure laquelle nous ne pouvons voir; elle est richement paree d' une belle robbe bien recamee et brodee a varietés, qui est la sainteté exterieure laquelle se peut voir.

  A001000483 

 Pourquoy voules vous, donques, que la mesme Eglise cesse maintenant d'avoir des miracles? quelle rayson y auroit il? Pour vray, ce que nous avons tousjours veu, en toutes sortes de saisons, accompagner l'Eglise, nous ne pouvons que nous ne l'appellions proprieté de l'Eglise: la vraye Eglise donques faict paroistre sa sainteté par miracles.

  A001000496 

 que les miracles de l'Antichrist ne sont pas telz que ceux que nous produisons pour l'Eglise, et partant ne s'ensuit pas que, si ceux la ne sont pas Marque d'Eglise ceux cy ne le soyent pas aussi; ceux la seront monstrés faux et combattus par des plus grans et solides, ceux cy sont solides, et personne n'en peut opposer de plus asseurés.

  A001000502 

 Dites ce que bon vous semblera, mais en ce tems la elle avoit le caractere des miracles; monstres le nous maintenant, car, si vous ne nous monstres bien particulierement l'inscription et l'image du Roy en vostre monnoye, et nous la vous monstrons en la nostre, la nostre passera comme loyale et franche, la vostre, comme courte et rognee, sera renvoyee au billon.

  A001000502 

 Ha, ce dites vous, nous n'avons point faict nouvelle eglise, nous avons frotté et espuré ceste vielle monnoye, laquelle, ayant long tems demeuré couverte es masures, s'estoit toute noircie, et souïllee de crasse et moisi.

  A001000502 

 Mais ne nous arrestons pas icy: aves vous espuré ceste Eglise? aves vous nettoyé ceste monnoye? monstres nous, donques, les caracteres qu'elle avoit quand vous dites qu'elle cheut en terre, et qu'elle commença a se rouiller.

  A001000502 

 Que si vous voulies dire qu'alhors elle estoit plus nouvelle que maintenant, je vous respondrois, qu'une si notable interruption comme est celle que vous pretendes, de 900 ou mille ans, rend ceste monnoye si estrange que si on n'y voit en grosses lettres les caracteres ordinaires, l'inscription et l'image, nous ne la recevrons jamais.

  A001000502 

 Si vous nous voules representer l'Eglise en la forme qu'elle avoit au tems [107] de saint Augustin, monstres la nous non seulement bien disante mais bien faisante en miracles et saintes operations, comme elle estoit alhors.

  A001000509 

 Adjoustes, comme je disois des miracles, qu'en toutes les saisons l'Eglise a eu des prophetes; nous ne pouvons donques dire que ce ne soit une de ses proprietés et une bonne piece de son douaire.

  A001000516 

 Calvin a voulu, ce semble, prophetiser, en la preface sur son Catechisme de Geneve, mais sa prediction est tellement favorable pour l'Eglise Catholique, que quand nous en aurons l'effect nous sommes contens de le tenir pour tel quel prophete.

  A001000516 

 Nous sçavons que les Sybilles furent comme les prophetesses des Gentilz, desquelles parlent presque tous les Anciens; Balaam aussi prophetisa, mais c'estoit pour la vraye Eglise; et partant leur prophetie n'authorisoit pas l'eglise; en laquelle elle se faisoit, mais celle pour laquelle elle se faisoit: quoy que je ne nie pas qu'entre les Gentilz il n'y eust une vraye Eglise de peu de gens, ayans la foy d'un vray Dieu et l'observation des commandemens naturelz en recommandation, par la grace divine; tesmoin Job en l'ancienne Escriture, et le bon Cornelius, avec ces autres soldatz craignans Dieu, en la nouvelle.

  A001000516 

 Produises nous maintenant quelqu'un des vostres qui ait prophetisé pour vostre eglise.

  A001000522 

 Le Filz de l'homme n'a pas lieu ou il puisse reposer sa teste; il a esté tout pauvre pour nous enrichir; il vivoit d'aumosnes, dict saint Luc: Mulieres aliquæ ministrabant ei de facultatibus suis; en deux Psalmes qui touchent proprement sa personne, comme interpretent saint Pierre et saint Pol, il est appellé mendiant; quand il envoye prescher ses Apostres, il les enseigne, Nequid tollerent in via nisi virgam tantum, et qu'ils ne portassent ni pochette, ni pain, ni argent a la ceinture, mays chaussés de sandales, et qu'ilz ne fussent affeublés [111] de deux robbes.

  A001000522 

 Saint Pierre nous invite avec son exemple et de ses compaignons: Voici, nous avons tout laissé et t'avons suivi; Nostre Seigneur recharge avec ceste solemnelle promesse: Vous qui m'aves suivi seres assis sur douze chaires, jugeans les douze tribus d'Israël, et quicomque laissera sa mayson, ou ses freres, ou ses sœurs, ou son pere, ou sa mere, ou sa femme, ou ses enfans, ou ses champs, pour mon nom, il en recevra le centuple, et possedera la vie eternelle.

  A001000524 

 En fin, la tres humble obeissance de Nostre Seigneur, qui est si particulierement notee es Evangiles, non seulement a son Pere, a laquelle il estoit obligé, mays a saint Joseph, a sa Mere, a Cesar auquel il paya le tribut, et a toutes creatures, en sa Passion, pour l'amour de nous: Humiliavit semetipsum, factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis.

  A001000524 

 Il veut que nous apprenions de luy l'humilité, et il s'humilioit, non seulement a qui il estoit inferieur entant qu'il portoit [113] la forme de serviteur, mais encores a ses inferieurs mesmes; il desire donques que, comme il s'est abaissé non jamais contre son devoir mais outre le devoir, ainsy nous obeissions volontairement a toutes creatures pour l'amour de luy: il veut que nous renoncions a nous mesmes par son exemple, mais il a renoncé si fermement a sa volonté qu'il s'est sousmis a la croix mesme, et a servi ses disciples et serviteurs, tesmoin celuy qui le trouvant estrange luy disoit: Non lavabis mihi pedes in æternum.

  A001000524 

 Ne sont ce pas des perpetuelles repliques et expositions de ceste tant douce leçon, Apprenes de moy que je suis debonnaire et humble de courage? et de ceste autre, Si quelqu'un veut venir apres moy, qu'il renonce a soy mesme, qu'il prenne sa croix tous les jours, et qu'il me suive? Qui garde les commandemens il renonce asses a soy mesme pour estre sauvé, c'est bien asses s'humilier pour estre exalté, mais d'ailleurs il reste une autre obeissance, humilité et renoncement de soy mesme, auquel l'exemple et les enseignemens de Nostre Seigneur nous invitent.

  A001000524 

 Que reste il donques, sinon qu'en ces paroles et actions nous reconnoissions une douce invitation a une sousmission et obeissance volontaire, vers ceux auxquels d'ailleurs nous n'avons point d'obligation? ne nous appuyans point tant peu soit il sur nostre propre volonté et jugement, selon l'advis du Sage, mais nous rendans sujetz et esclaves a Dieu et aux hommes, pour l'amour de Dieu.

  A001000545 

 comme les fourbeurs et chaudronniers, car le reste du monde nous appelle Catholiques; que si on y adj ouste Romaine, ce n'est sinon pour instruire les peuples du siege de l'Evesque qui est Pasteur general et visible de l'Eglise, et ja du tems de saint Ambroise, ce n'estoit autre chose estre Romains de communion qu'estre Catholiques..

  A001000552 

 Saint Jan dict des heretiques: Ilz sont sortis de nous, ilz estoyent donques dedans avant que de sortir; la sortie, c'est l'heresie, l'estre dedans, la fidelité.

  A001000558 

 Dites nous maintenant, je vous prie, cottes le tems et le lieu ou premierement nostre Eglise comparut des [123] l'Evangile, l'autheur et le docteur qui la convoqua: j'useray des mesmes paroles d'un Docteur et Martyr de nostre aage, dignes d'estre bien pesees.

  A001000558 

 « Vous nous confesses, et n'oseries faire autrement, que pour un tems l'Eglise Romaine fut Sainte, Catholique, Apostolique: lhors qu'elle merita ces saintes loüanges de l'Apostre: Vostre foy est annoncee par tout le monde.

  A001000559 

 Je vous prie, Messieurs, si vous sçaves quand nostre Eglise commença l'erreur pretendu, dites le nous franchement, car c'est chose certaine que, comme dict saint Hierosme, Hæreses ad originem revocasse, refutasse est.

  A001000559 

 Remontons le cours des histoires jusqu'au pied de la Croix, regardons deça et dela, nous ne verrons jamais, en pas une saison, que ceste Eglise Catholique ait changé de face, c'est tousjours elle mesme en doctrine et en Sacremens..

  A001000560 

 Nous n'avons pas besoin contre vous, en ce point, d'autres tesmoins que des yeux de nos peres et ayeux, pour dire quand vostre eglise commença.

  A001000560 

 Voules vous que je cotte par le menu comment, par quelz succes et actions, par quelles forces et violences, ceste reformation s'empara de Berne, Geneve, Lausanne et autres villes? quelz troubles et lamentations elle a engendrés? vous ne prendries pas playsir a ce recit, nous le voyons, nous le sentons: en un mot, vostre eglise n'a pas 80 ans, son autheur est Calvin, ses effectz, le malheur de nostre aage.

  A001000561 

 Or, si Tertullien, ja de son tems, atteste que les Catholiques debouttoyent les heretiques par leur posteriorité et nouveauté, quand l'Eglise mesme n'estoit qu'en son adolescence ( Solemus, disoit il, hæreticos, compendii gratia, de posterioritate præscribere ), combien plus d'occasion avons nous maintenant? Que si l'une de nos deux eglises doit estre la vraye, ce tiltre demeurera a la nostre qui est tres ancienne, et a vostre nouveauté, l'infame nom d'heresie.

  A001000569 

 Sa divine providence conserve perpetuellement la generation du moindre oysillon du monde, comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang et tant de peynes et travaux? Dieu tira l'Israël de l'Egypte, des desers, de la mer Rouge, des calamités et captivités, comment croirons nous qu'il ayt laissé le Christianisme en l'incredulité? s'il a tant aymé son Agar, comme mesprisera il Sara?.

  A001000574 

 O quel contrechange; nos Anciens ont tant souffert pour nous conserver l'heritage de l'Evangile, et maintenant on se mocque d'eux et les tient on pour folz et insensés..

  A001000575 

 « Que nous dites vous de nouveau? » dict saint Augustin, « faudra il encores une fois semer la bonne semence, puysque des qu'elle est semee elle croist jusqu'a la moisson? Que si vous dites que celle que les Apostres avoyent semee est par tout perdue, nous vous respondrons, lises nous cecy es Saintes Escritures, et vous ne le lires jamais que vous ne rendies faux ce qui est escrit, que la semence qui fut semee au commencement croistroit jusqu'au tems de moissonner.

  A001000608 

 Au contraire, Messieurs, les pretendus ne passent point les Alpes de nostre costé ni les Pyrenees du costé d'Espagne, la Grece ne vous connoist point, les autres trois parties du monde ne sçavent qui vous estes, et n'ont jamais ouÿ parler de Chrestiens sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans chef, sans Croix, comme vous estes; en Allemagne, vos compaignons lutheriens, brensiens, anabaptistes, trinitaires, rognent vostre portion, en Angleterre, les puritains, en France, les libertins: [136] comme donques oses vous plus vous opiniastrer de demeurer ainsy a part du reste de tout le monde a guise des Luciferiens et Donatistes? Je vous diray, comme disoit saint Augustin a l'un de vos semblables, daignes, je vous prie, nous instruire sur ce point, comme il se peut faire que Nostre Seigneur ayt perdu son Eglise par tout le monde, et qu'il ayt commencé de n'en avoir qu'en vous seulement.

  A001000641 

 Helas, il ne manquoit [142] pas de pierres de touche pour descouvrir le bas or de leurs happelourdes, car Celuy qui nous fait dire que nous esprouvions les espritz, ne l'eut pas fait s'il n'eut sçeu que nous avions des Regles infallibles pour reconnoistre le saint d'avec le faint esprit.

  A001000641 

 Nous en avons donques, et personne ne le nie, mays les seducteurs en produysent de telles quilz les puyssent faulser et plier a leurs intentions, affin qu'ayans les regles en main ilz se rendent recommandables, comme par un signe infallible de leur maistrise, sous pretexte duquel ilz puyssent former une foy et religion telle qu'ilz l'ont imaginee.

  A001000643 

 Il faut donques, outre ceste premiere et fondamentale Regle de la Parole de Dieu, un'autre seconde Regle par laquelle la premiere nous soit bien et deuement proposee, appliquee et declairee; et affin que nous ne soyons sujetz a l'esbranslement et a l'incertitude, il faut [144] que non seulement la premiere Regle, a sçavoir, la Parole de Dieu, mays encor la seconde, qui propose et applique ceste Parole, soit du tout infallible, autrement nous demeurons tousjours en bransle et en doute d'estre mal regles et appuyés en nostre foy et croyance; non ja par aucune defaute de la premiere Regle, mays par l'erreur et faute de la proposition et application d'icelle.

  A001000646 

 L'Eglise, qui est la Regle d'application, ou elle se declaire en tout son cors universel, par une croyance generale de tous les Chrestiens, ou en ses principales et nobles parties, par un consentement de ses pasteurs et docteurs; et en ceste derniere façon, ou c'est en ses pasteurs assemblés en un lieu et en un tems, comm'en un Concile general, ou c'est en ses pasteurs divisés de lieux et d'aage mays assemblés en union et correspondance de foy, ou bien, en fin, ceste mesm'Eglise se declaire et parle par son chef ministerial: et ce sont quattre Regles explicantes et applicantes pour nostre foy, l'Eglise en cors, le Concile general, le consentement des Peres et le Pape; outre lesquelles nous ne devons pas en rechercher d'autres, celles ci suffisent pour affermir les plus inconstans..

  A001000660 

 Helas, il ne manquoit pas de pierres de touche pour connoistre le bas or avec lequel ilz pipoyent le monde, car Celuy qui nous faict dire que nous esprouvions les espritz silz sont bons ou mauvais, ne l'eut pas faict sil n'eust sceu que nous avions des Regles infallibles pour reconnoistre le saint d'avec le fainct esprit, le consolateur d'avec le desolateur.

  A001000660 

 Nous avons donques en l'Eglise des Regles tres certaines pour connoistre la doctrine fause d'avec la vraye, et pour establir nostre foi; et c'est icy ou je vous appelle et vous prie de juger justement: car je me prometz de vous monstrer tresclairement, que Calvin et tous vos ministres ont violé en leur doctrine toutes les Regles de la vraye foi et de la predication Chrestienne; affin que, comme vous aves veu quilz vous ont levé du giron de la vraÿe Eglise, vous voyes encores quilz vous ont osté la lumiere de la vraye foi, pour vous faire suivre les illusions de leurs nouveautés..

  A001000661 

 Mays parce que ceste infallible Regle ne peut regler nostre croyance sinon qu'elle nous soit appliquee, prechee, proposee et declairee, et qu'elle peut estre bien et mal appliquee, prechee, proposee et declairee, encor devons nous avoir ................

  A001000662 

 Or, je me tiendray tousjours sur une mesme demarche, car je monstreray, pnt, que les Regles que je produis sont vraÿes Regles, puys, comme vos docteurs les ont violëes: et par ce que je ne pourrois pas aysement prouver que nous autres Catholiques les avons gardé tres étroittement, sans faire des grandes interruptions et digressions, je reserveray ceste preuve pour la troysiesme Partie, qui servira encores d'une tres solide confirmation pour toute la seconde Partie.

  A001000674 

 Mays je pers tems; nous sommes d'accord en ce point, et ceux qui sont si desesperés que d'y contredire, ne sçavent appuyer leur contradiction que sur l'Escriture mesme, se contredisans a eux mesmes avant que de contredire a l'Escriture, se servans d'elle en la protestation quilz font de ne s'en vouloir servir.

  A001000683 

 L'Escriture Sainte est tellement Regle de la foi Chrestienne, que nous sommes obligés par toute sorte d'obligation de croire tresexactement [148] tout ce qu'elle contient, et de ne croire jamais ce qui luy est tant soit peu contraire; car, si Nostre S r mesme y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy, il faut que ce soit un niveau tresasseuré.

  A001000683 

 Mays je pers le tems; ceste dispute seroit propre contre les libertins, nous sommes a mon advis d'accord en ce point.

  A001000696 

 Quand deux choses sont bien justes ensemble, qui [150] remue l'une leve l'egalité et la justice d'entr'elles; si c'est une juste sentence, a quoy faire l'altererons nous?.

  A001000696 

 » Nostre S r, par ses Saintes Escritures, nous monstre ce quil nous faut croire, esperer, aimer et faire, et ce par une juste sentence de sa volonté: si nous y adjoustons, levons ou changeons, ce ne sera plus la juste sentence de la volonté de Dieu; car Nostre S r ayant adjusté l'Escriture a sa volonté, si nous y adjoustons du nostre nous ferons la sentence plus grande que la volonté du testateur, si nous en ostons nous la ferons plus courte, si nous y changeons nous la rendrons bossue, et ne pourra plus joindre a la volonté de l'autheur ni n'en sera plus la juste sentence.

  A001000698 

 Tell'est la conscience avec laquelle nous devons contempler et manier le sacré depost des Escritures.

  A001000714 

 Voyla tant que nous pouvons sçavoir les Livres et les parties desquelz on aÿe douté anciennement, dont nous ayons quelqu'apparence, et neantmoins tous ces Livres, avec toutes leurs parties, sont receuz en l'Eglise Catholique..

  A001000716 

 Mais combien est il important a l'Eglise qu'elle puysse sçavoir en tems et lieu quell'escriture est sainte et quelle non; car, si elle recevoit un'escriture non sainte pour ste elle nous conduiroit a la superstition, et si elle refusoit l'honneur et la creance qui est deüe a la Parole de Dieu a un'escriture sainte, ce seroit impieté.

  A001000716 

 Nous [sommes] en ce faict de pareille condition; car Calvin, et les bibles mesme de Geneve, et [157] les Lutheriens, reçoivent plusieurs Livres pour saintz, sacrés et canoniques qui n'ont pas esté advoüez par tous les Anciens pour telz, et desquelz on a esté en doute: si l'on en a douté ci devant, quelle rayson peuvent ilz avoir pour les tenir asseurés et certains maintenant? sinon celle qu'avoit S t Augustin, Ego vero Evangelia non crederem nisi me Catholicæ Ecclesiæ commoveret authoritas; ou comm'il dict ailleurs: Novum et Vetus Testamentum in illo Librorum numero recipimus quem sanctæ Ecclesiæ Catholicæ tradit authoritas..

  A001000716 

 Quand donques l'Eglise a declairé qu'un Livr'est canonique, nous ne devons jamais douter quil ne le soit.

  A001000724 

 des Machabees en Hebreu, qu'en peut mais le premier? receves-le tousjours a bon conte, nous traitterons par apres du second.

  A001000726 

 » Dieu merci, nous ne sommes pas Juifz, nous sommes Catholiques: monstres moy par l'Escriture que l'Eglise Chrestienne [162] n'aye pas autant de pouvoir pour authoriser les Livres sacrés qu'en avoit la Mosaïque: il ni a en cela ni Escriture ni raison qui le monstre..

  A001000729 

 Et le canon Sancta Romana, qui est de Gelaise premier, je crois que vous l'aves rencontré a tastons, car il est tout contre vous; puysque, censurant les Livres apocriphes, il n'en nomme pas un de ceux que nous recevons, ains au contraire atteste que Tobie et les Maccabees estoyent receuz publiquement en l'Eglise..

  A001000732 

 Mays vous voules sur tout que les Maccabees nous tumbe des mains, quand vous dittes qu'ilz ont estés corrompuz; or, puysque vous n'avances qu'une simple affirmation, je n'y pareray que par une simple negation..

  A001000735 

 Voyla, ce me semble, toutes vos raysons esvanouÿes, et n'en sçauries produire d'autres; mays nous sçaurons bien dire, que sil est ainsy loysible indifferemment de rejetter ou revoquer en doute l'authorité des Escritures desquelles on a douté pieça, quoy que l'Eglise en aÿe determiné, il faudra rejetter ou douter d'une grande partie du Viel et Nouveau Testament.

  A001000743 

 de Cartage, Gelasius, in decreto de Libris canonicis quil fit avec le conseil de septante Evesques, Innocent I r, en l'epistre ad Exuperium, S t Augustin, ont vescu avant S t Gregoire, avant lequel Calvin confesse que l'Eglise estoit encores en sa pureté; et neantmoins ceux la font foi que tous les Livres que nous avions pour canoniques quand Luther comparut, estoyentja telz en ce tems la.

  A001000743 

 pro canonicis habet. Que dires vous a cela? que les Juifz ne les avoient pas en leurs cathalogues? S t Augustin le confesse, mais estes vous Juifz ou Chrestiens? et si vous voules estre appellés Chrestiens, contentes vous que l'Eglise Chrestienne les reçoive: la lumiere du S t Esprit s'est elle estainte avec la Sinagogue? N. S. et les Apostres n'ont ilz pas eu autant de pouvoir que la Sinagogue? Et bien que l'Eglise n'ait pas pris l'authorité de ses Livres de la bouche des Scribes et Pharisiens, suffira il pas qu'elle l'ait prise du tesmoignage des Apostres? Or, il ne faut pas penser que l'ancienn'Eglise et ces tres anciens Docteurs eussent pris la hardiesse de mettre ces Livres au roole des canoniques si elle n'en [162] eust eu quelque advis par la Tradition des Apostres et leurs disciples, qui pouvoyent sçavoir en quel rang le Maistre mesme les tenoit; sinon que pour excuser nos fantasies, nous accusions de prophanation et sacrilege ces tant sts et graves Docteurs, avec toute l'Eglise ancienne.

  A001000747 

 Les raysons que les reformeurs ont avancees au chapitre precedent ne sont que biffes, comme nous avons veu, desquelles on se sert comme d'amusement, pour voir si quelque simple et foible cervelle s'en voudroit contenter: et de faict, quand on vient au joindre, ilz confessent que ni l'authorité de l'Eglise, ni de saint Hierosme, ni de la Glosse, ni du Caldee, ni de l'Hebreu, n'est pas cause suffisante pour recevoir ou rejetter quelque Escriture.

  A001000747 

 Voicy leur protestation en la Confession de foy presentee au Roy de France par les François pretendus reformés: apres qu'ilz ont mis en liste, en l'Article troisiesme, les Livres qu'ilz veulent recevoir, ilz escrivent ainsy en l'Article quatriesme: « Nous connoissons ces Livres estre canoniques et regle tres certaine de nostre foy, non tant par le commun accord et consentement de l'Eglise, que par le tesmoignage et persuasion interieure du Saint Esprit, qui les nous faict discerner [167] d'avec les autres livres ecclesiastiques.

  A001000748 

 Car, je vous prie, s'ilz deferoient tant soit peu a l'authorité ecclesiastique, pourquoy recevroient ilz plustost l'Apocalipse que Judith ou les Machabees, desquelz saint Augustin et saint Hierosme nous sont fideles tesmoins qu'ilz ont esté receuz unanimement de toute l'Eglise Catholique? et les Conciles de Carthage, Trulles, de Florence, nous en asseurent.

  A001000748 

 « Nous connoissons, » disent ilz, « ces Livres estre canoniques, non tant par le commun accord de l'Eglise: » a les ouÿr parler, ne diries vous pas qu'au moins en quelque façon ilz se laissent guider a l'Eglise? Leur parler n'est pas franc: il semble qu'ilz ne refusent pas du tout credit au commun accord des Chrestiens, mais que seulement ilz ne le reçoivent pas a mesme degré que leur persuasion interieure, et neantmoins ilz n'en tiennent aucun conte; mais ilz vont ainsy retenus en leur langage pour ne paroistre pas du tout incivilz et desraysonnables.

  A001000749 

 » O Dieu, quelle cachette, quel brouillait, quelle nuict; ne nous voyla pas bien esclaircis en un si important et grave different? On demande comme l'on peut connoistre les Livres canoniques, on voudroit bien avoir quelque regle pour les discerner, et l'on nous produit ce qui se passe en l'interieur de l'ame, que personne ne voit, personne ne connoit, sinon l'ame mesme et son Createur..

  A001000752 

 Cest esprit faict il ses persuasions indifferemment a chacun, ou seulement a quelques uns en particulier? si a chacun, et que veut dire que tant de milliades de Catholiques ne s'en sont jamais aperceuz, ni tant de femmes, laboureurs et autres parmi vous? si c'est a quelques uns en particulier, monstres les moy, je vous prie, et pourquoy a ceux la plus tost qu'aux autres? quelle marque me les fera connoistre et trier de la presse du reste des hommes? Me faudra il croire au [169] premier qui dira d'en estre? ce seroit trop nous mettre a l'abandon et a la mercy des seducteurs: monstres moy donques quelque regle infallible pour connoistre ces inspirés et persuadés, ou me permettes que je n'en croye pas un..

  A001000754 

 Certes, quand Dieu auroit revelé mille fois une chose a quelque particulier nous ne serions pas obligés de le croire, sinon que Dieu le marquast tellement que nous ne puissions plus revoquer en doute sa fidelité; mays nous ne voyons rien de tel en vos reformeurs.

  A001000754 

 Puys, quelle rayson y a il que le Saint Esprit aille inspirant ce que chacun doit croire a des je ne sçay qui, a Luther, a Calvin, ayant abandonné sans aucune telle inspiration les Conciles et l'Eglise tout entiere? Nous ne nions pas, pour parler clairement, que la connoissance des vrays Livres sacrés ne soit un don du Saint Esprit, mays nous disons que le Saint Esprit la donne aux particuliers par l'entremise de l'Eglise.

  A001000756 

 Es misterieuses parolles de l'Eucharistie, ne veut on pas esbranler l'authorité de ces motz, Qui pro vobis funditur, par ce que le texte grec monstre clairement que ce qui estoit au calice n'estoit pas vin, mais le sang du Sauveur? comme qui diroit en françois, Ceci est la coupe du nouveau testament en mon sang, laquelle sera respandue pour vous; car en ceste façon de parler, ce qui est en la coupe doit estre le vray sang, non le vin, puysque le vin n'a pas esté respandu pour nous, mais le sang, et que la coupe ne peut estre versee qu'a rayson de ce qu'elle contient.

  A001000757 

 Au contraire, Messieurs, saint Augustin proteste: « Ego vero Evangelio non crederem, nisi me Catholicæ Ecclesiæ commoveret authoritas: Je ne croirois pas a l'Evangile si l'authorité de l'Eglise Catholique ne m'esmouvoit; » et ailleurs: « Novum et Vetus Testamentum in illo Librorum numero recipimus quem sanctæ Ecclesiæ Catholicæ tradit authoritas: Nous recevons le Viel et Nouveau Testament au nombre de Livres que l'authorité de la saint'Eglise Catholique propose.

  A001000757 

 Nous meriterions d'estre abismés, si nous nous jettions hors le navire de la publique sentence de l'Eglise, pour voguer dans le miserabl'esquif de ces persuasions particulieres, nouvelles, discordantes; nostre foy ne seroit plus Catholique, ains particuliere..

  A001000757 

 Pour vray, nous serions tres mal asseurés si nous appuyions nostre foy sur ces particulieres inspirations interieures, que nous ne sçavons si elles sont ou furent jamais que par le tesmoignage de certains particuliers; [174] et supposé qu'elles soyent ou ayent esté, nous ne sçavons si elles sont du vray ou faux esprit; et supposé qu'elles soyent du vray esprit, nous ne sçavons si ceux qui les recitent les recitent fidellement ou non, puys qu'ilz n'ont aucune marque d'infallibilité.

  A001000757 

 » Le Saint Esprit peut inspirer que bon luy semble, mays quand a l'establissement de la foy publique et generale des fideles, il ne nous addresse qu'a l'Eglise; c'est a elle de proposer quelles sont les vrayes Escritures, et quelles non: non qu'elle puysse donner verité ou certitude a l'Escriture, mays elle peut bien nous faire certains et asseurés de la certitude d'icelle.

  A001000758 

 Vous ne l'aves pas pris des Juifz, car les Livres Evangeliques n'y seroyent pas, ni du Concile de Laodicee, car l'Apocalipse n'y seroit pas, ni du Concile de Cartage ou de Florence, car l'Ecclesiastique et les Maccabees y seroyent; ou l'aves vous donq pris? Pour vray, jamais il ne fut parlé de semblable canon avant vous; l'Eglise ne vit onques canon des Escritures ou il n'y eut ou plus ou moins qu'au vostre: quelle apparence i a il que le Saint Esprit se soit recelé a toute l'antiquité, et qu'appres 1500 il ait descouvert a certains particuliers le roolle des vrayes Escritures? Pour nous, nous suyvons exactement la liste du Concile Laodicean, avec l'addition faitte au Concile [175] de Cartage et de Florence; jamais homme de jugement ne laissera ces Conciles, pour suivre les persuasions des particuliers..

  A001000765 

 Mays quoy? qu'aves vous faict de mieux? chacun a prisé la sienne, chacun a mesprisé celle d'autruy; on a [178] tournaïllé tant qu'on a voulu, mays personne ne se conte de la version de son compaignon: qu'est ce autre chose que renverser la majesté de l'Escriture, et la mettre en mespris vers les peuples, qui pensent que ceste diversité d'editions vienne plustost de l'incertitude de l'Escriture que de la bigarrure des traducteurs? bigarrure laquelle seule nous doit mettre en asseurance de l'ancienne traduction, laquelle, comme dict le Concile, l'Eglise a si longuement, si constamment et si unanimement approuvëe..

  A001000765 

 Que dites vous? que l'edition ordinaire est corrompue? Nous avoüons que les transcriveurs et les imprimeurs y ont layssé couler certains æquivocques, de fort peu d'importance (si toutefois il y a rien en l'Escriture qui puysse estre dict de peu d'importance), lesquelz le Concile de Trente commande estre levés, et que d'ores en avant on prene garde a la faire imprimer le plus correctement quil sera possible; au reste, il n'y a rien qui ny soit tres sortable au sens du Saint Esprit qui en est l'autheur: comme ont monstré ci devant tant de doctes gens des nostres, qui se sont opposés a la temerité de ces nouveaux formateurs de religion, que ce seroit perdre tems d'en vouloir parler davantage; outre ce que ce seroit folie a moy de vouloir parler de la naifveté des traductions, qui ne sceuz jamais bonnement lire avec les pointz en l'une des langues necessaires a ceste connoissance, et ne suys guere plus sçavant en l'autre.

  A001000772 

 « Sçavons nous bien, » dict un docte prophane, « qu'en Basque et en Bretaigne il y ait des juges asses pour establir ceste traduction faicte en leur langue? l'Eglise universelle n'a point de plus ardu jugement a faire.

  A001000773 

 Mays disons candidement; ne sçavons nous pas que les Apostres parloyent toutes langues? et que veut dire quilz n'escrivirent leurs Evangiles et Epistres qu'en Hebrieu, comme saint Hierosme atteste de l'Evangile de saint Matthieu, en Latin, comme quelques uns pensent de celuy de saint Marc, et en Grec, comm'on tient des autres Evangiles; qui furent les trois langues choysies, des la Croix mesme de Nostre Seigneur, pour la prædication du Crucifix? Ne porterent ilz pas l'Evangile par tout le monde, et au monde ny avoit il point d'autre langage que ces trois la? si avoit a la verité, et neanmoins ilz ne jugerent pas estre expedient de diversifier en tant de langues leurs escritz: qui mesprisera donques la coustume de nostre Eglise, qui a pour son garand l'imitation des Apostres?.. Dequoy nous avons une notable trace et piste en l'Evangile: car le jour que Nostre Seigneur entra en Hierusalem, les troupes alloyent criant, Osanna filio David; benedictus qui venit in nomine Domini; osanna in excelsis; et ceste parole, Osanna, a estëe laissëe en son entier parmi les textes grecz de saint Marc et saint Jan, signe [180] que c'estoit la mesme parole du peuple: or est il que Osanna, ou bien Osianna (et l'un vaut l'autre, disent les doctes en la langue), est une parole hebraique, non siriacque, prise, avec le reste de ceste louange la qui fut donnëe a Nostre Seigneur, du Psalme 117.

  A001000773 

 Qu'on prenne en main les Memoyres du sire de Joinville, ou encores celles de Philippe de Commines; on verra que nous avons du tout changé leur langage: qui neantmoins devoient [être] des plus politz de leur tems, estans tous deux nourris en court.

  A001000773 

 Si donques il nous failloit avoir (sur tout pour les services publiqs) des bibles chacun en son langage, de cinquant'ans en cinquante il faudroit remuer mesnage, et tousjours en adjoustant, levant ou changeant une bonne partie de la naifveté sainte de l'Escriture, qui ne se peut faire sans grande perte.

  A001000774 

 Mays je vous advise que le saint Concile de Trente ne rejette pas les traductions vulgaires imprimëes par l'authorité des ordinaires, seulement il commande qu'on [181] n'entreprene pas de les lire sans congé des superieurs; ce qui est tres raisonnable, pour ne mettre pas ce couteau, tant affilé et tranchant a deux costés, en la main de qui s'en pourrait esgorger soymesme, dequoy nous parlerons cy apres; et partant il ne trouve pas bon que chacun qui sçait lire, sans autr'asseurance de sa capacité que celle quil prend de sa temerité, manie ce sacré memorial.

  A001000781 

 L'unité et la grand'estendue de nos freres requiert que nous disions nos publiques prieres en un langage qui soit un a toutes nations; en ceste façon nos prieres sont universelles, par le moyen de tant de gens qui en chaque province peuvent entendre le Latin; et me semble en conscience que ceste seule rayson doit suffire, car, si nous contons bien, nos prieres ne sont pas moins entendues en Latin qu'en François.

  A001000781 

 Mays qui est celuy, tant houppé soit il et ferré, qui entende sans estude les Propheties d'Ezechiel et autres, et les Psalmes? et que servira donques aux peuples de les ouir, sinon pour les prophaner et mettre en doute? et quand au reste, nous autres Catholiques ne devons en aucune façon reduire nos offices sacrés aux langages particuliers, ains plus tost, comme nostr'Eglise est universelle en tems et en lieux, elle doit aussi faire ses services publicqs en un langage qui soit de mesme universel en tems et en lieux, tel qu'est le Latin en Occident, le Grec en [183] Orient; autrement nos præstres ne sçauroyent dire Messe, ni les autres l'entendre, hors de leurs contrëes.

  A001000787 

 Certes, nous ne refusons pas a personne de chanter avec le chœur, modestement et decemment; mays il semble plus convenable que les ecclesiastiques et deputés chantent pour l'ordinaire, comm'il fut faict a la dedicace du Temple de Salomon, 2 Parai.

  A001000796 

 L'eunuche tresorier general d'Ethiopie estoyt bien fidele, puysqu'il estoit venu adorer au Temple de Hierusalem; il lisoyt Isaïe, il entendoit bien les paroles, puys quil demandoit de quel Prophete s'entendoit ce quil avoit leu; neantmoins il n'en avoit pas l'intelligence ni l'esprit, comme luy mesme confessoit: Et quomodo possum si non aliquis ostenderit mihi? Non seulement il n'entend pas, mays confesse de ne le pouvoir sil n'est enseigné; et nous verrons une lavandiere se vanter d'entendre aussy bien l'Escriture que saint Bernard.

  A001000797 

 Ne voyla pas un beau sens et rare? mays la rayson estoit encores plus belle, par ce qu'a l'entendre autrement ce seroit contre nature, et qu'il faut interpreter l'Escriture par l'Escriture, ou nous trouvons que Nostre Seigneur n'en fit pas de mesme quand le serviteur le frappa: c'est le fruict de vostre triviale theologie.

  A001000810 

 Croyes qu'encores selon l'esprit il est veritable ce que disoit le Sage: Melior est pauper ambulans in simplicitate sua quam dives in pravis itineribus; et ailleurs: Simplicitas justorum diriget eos; et: Qui ambulat simpliciter ambulat confidenter. Ou je ne voudrois pas dire quil ne faille prendre peyne d'entendre, mays seulement qu'on ne se doit pas penser de trouver de soymesme son salut ni son pasturage, sans la conduicte de qui Dieu a constitué pour cest effect, selon le mesme Sage: Ne innitaris prudentiæ tuæ; et, Ne sis sapiens apud temetipsum: ce que ne font pas ceux qui pensent en leur seule suffisance connoistre toute sorte de misteres, sans observer l'ordre que Dieu a establi, qui en a faict entre nous les uns docteurs et pasteurs, non tous, et un chacun pour soymesme.

  A001000812 

 Voyes vous comme le peuple oyoyt la leçon publique de l'Evangile, et ne l'entendoit pas, sinon ce mot, Confiteor tibi, Pater? qu'il entendoit par coustume, par ce qu'on le disoit tous au commencement de la Messe, comme nous faysons maintenant: c'est sans doute que la leçon s'en faysoit en Latin, qui n'estoit pas leur langage vulgaire..

  A001000814 

 Ce grand amy de Dieu, saint François, a la glorieuse et tressainte memoyre duquel on celebroit hier par tout le monde feste, nous monstroit un bel exemple de [194] l'attention et reverence avec laquelle on doit prier Dieu.

  A001000826 

 En quoy vous verres arrester quasi tous vos ministres, faysans des grandes harangues pour monstrer quil ne faut mettre en comparayson la tradition humayne avec l'Escriture; mays a quel propos tout cela, sinon pour enjoler les pauvres auditeurs? car jamais nous ne dismes cela..

  A001000827 

 En cas pareil ilz produysent contre nous ce que saint Pol disoit a son bon Timothëe: Omnis scriptura divinitus inspirata utilis est ad docendum, ad corripiendum, ad erudiendum in justitia, ut perfectus sit homo Dei, ad omne bonum opus instructus.

  A001000827 

 Qui nie la tres excellente utilité de l'Escriture, sinon les huguenotz qui en levent des plus belles pieces comme vaynes? Elles sont tres utiles, certes; ce n'est pas une petite faveur que Dieu nous a faict de les nous conserver parmi tant de persecutions: mays l'utilité de l'Escriture ne rend pas les saintes Traditions inutiles, nom plus que l'usage d'un œïl, d'une jambe, d'une oreille, d'une main, ne rend pas l'autre inutile; [197] dont le Concile dict: Omnes Libros tam Veteris quam Novi Testamenti, nec non Traditiones ipsas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur.

  A001000828 

 De mesme: Multa quidem et alia signa fecit Jesus quæ non sunt scripta in libro hoc; hæc autem scripta sunt ut credatis quod Jesus est Filius [Dei], et ut credentes vitam habeatis in nomine ejus: donques il ny a rien autre a croire que cela; belle consequence! Nous sçavons bien que Quæcumque scripta sunt ad nostram doctrinam scripta sunt; mays cela empechera il que les Apostres præchent? Hæc scripta sunt ut credatis quod Jesus est Filius Dei; mays cela ne suffit pas, car, quomodo credent sine prædicante? Les Escritures sont donnees pour nostre salut, mays nompas les Escritures seules, les Traditions y ont encor place: les oyseaux ont l'aisle droite pour voler; donques l'aysle gauche ny sert de rien? ains l'une ne va pas sans l'autre.

  A001000830 

 Et ny a pas seulement Tradition des ceremonies, et de certain ordre exterieur arbitraire et de bienseance, mays, comme dict le saint Concile, en doctrine qui appartient a la foy mesme et aux mœurs; quoy que, quand aux Traditions des mœurs, il y en a qui nous obligent tres étroittement, et d'autres qui ne nous sont proposëes que par conseil et bienseance, et cellescy n'estans observëes ne nous rendent pas coulpables, pourveu qu'elles soyent approuvëes et prisëes comme saintes, et ne soyent mesprisëes.

  A001000830 

 Nous appelions donques Tradition Apostolique la doctrine, soit de la foy soit des mœurs, que Nostre Seigneur a enseignëe de sa propre bouche ou par la bouche des Apostres; laquelle n'estant point escritte es Livres canoniques, a esté ci devant conservëe jusqu'a nous comme passant de main en main, par continuelle succession de l'Eglise: en un mot, c'est la Parole de Dieu vivant, imprimëe non sur le papier mais dans le cœur de l'Eglise seulement.

  A001000836 

 Nous confessons que la tressainte Escriture est tres excellente et tres utile; elle est escrite affin que nous croyons; rien ne luy peut estre contraire que le mensonge et l'impieté: mays pour establir ces verités il ne faut pas rejetter cellecy, a sçavoir, que les Traditions [199] sont tres utiles; donnees affin que nous croyons; rien ne leur est contraire que l'impieté et le mensonge; car pour establir une verité il ne faut jamais destruire l'autre.

  A001000836 

 Que si Nostre Seigneur ni ses Apostres ne l'ont jamais escrit, pourquoy nous evangelises vous ces choses cy? au contraire, il est defendu de lever rien de l'Escriture, pourquoy voules [vous] lever les Traditions, qui y sont si expressement authentiquëes?.

  A001000839 

 Et quand a la fin il leur dict, Cætera cum venero disponam, il nous laysse a penser quil leur avoyt enseigné plusieurs choses bien remarquables, et neanmoins nous n'en avons aucun escrit ailleurs: sera il donq perdu pour l'Eglise? non certes, mais est venu par Tradition, autrement l'Apostre ne l'eust pas envié a la posterité et l'eust escrit..

  A001000839 

 Si c'estoit en la seconde des Corinthiens, on pourroit dire que par ses commandemens il entend ceux de la premiere, quoy que le sens y seroit forcé (mays a qui ne veut marcher tout ombre sert), mays cecy est escrit en la premiere; il ne parle pas d'aucun Evangile, car il ne l'appelleroit pas præcepta mea: qu'estoit ce donques sinon une doctrine Apostolique non escritte? cela nous l'appelions Tradition.

  A001000840 

 Je vous demande, quand leur dict il ces choses quil avoit a leur dire? pour vray, ou ce fut apres sa resurrection les 40 jours quil fut avec eux, ou par la venue du Saint Esprit; mais que sçavons nous que c'est quil comprenoit sous ceste parole, Multa habeo, et si tout est escrit? il est bien dict quil fut 40 jours avec eux, les enseignant du royaume des cieux, mays nous n'avons ni toutes ses apparitions ni ce quil leur disoit en icelles.

  A001000853 

 J'ay veu un des plus recens livres de Theodore de Beze, intitulé, Des vrayes, essentielles et visibles marques de la vraÿe Eglise Catholique: il me semble quil vise la dedans a se rendre juge, avec ses collateraux, de tout le different ou nous sommes.

  A001000853 

 » A la marge il met cest advertissement, quil a mis quasi par tout le texte: « L'interpretation de l'Escritture ne se doit puyser d'ailleurs que de l'Escritture mesme, en conferant les passages les uns avec les autres, et les rapportant a l'analogie de la foy; » et en l'Epistre au Roy de France: « Nous demandons qu'on s'en rapporte aux Saintes Escrittures canoniques, et que, sil y a doute sur l'interpretation d'icelles, la convenance et le rapport qui doit estre tant entre les passages de l'Escriture qu'entre les articles de la foy en soyent juges.

  A001000853 

 » Il y reçoit « les Peres, avec tout autant d'authorité quilz se trouveront de fondement es Escrittures; » il poursuit: « Quand au point de la doctrine, nous ne sçaurions appeller a aucun juge non reprochable qu'au Seigneur mesme, qui a declaré tout son conseil touchant nostre salut par les [Apostres] et [203] Prophetes.

  A001000854 

 Amen, amen, disons nous; mais nous ne demandons pas comment on doit interpreter l'Escriture, mays qui sera le juge: car, apres avoir conferé les passages aux passages et le tout au Simbole de la foy, nous trouvons que par ce passage, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt; et tibi dabo claves regni cælorum, saint Pierre a esté chef ministerial et supreme œconome en l'Eglise de Dieu; vous dites, de vostre costé, que ce passage, Reges gentium dominantur eorum, vos autem non sic, ou cest autre (car ilz sont tous si foibles que je ne sçay pas lequel vous peut estre fondemental), Nemo potest aliud fundamentum ponere, etc., conferé avec les autres passages et a l'analogie de la foy, vous faict detester un chef ministerial: nous suyvons tous deux un mesme chemin en la recherche de la verité de ceste question, a sçavoir, sil y a en l'Eglise un vicaire general de Nostre Seigneur, et neantmoins je suys arrivé en l'affirmative, et vous, vous estes logés en la negative; qui jugera plus de nostre different?.. Certes, qui s'addressera a Theodore de Beze, il dira que vous aves mieux discouru que moy, mays ou se fondera il en ce jugement, sinon sur ce quil luy semble ainsy, selon le præjugé quil en a faict il y a si long tems? et [204] quil dise ce quil voudra, car qui l'a establi juge entre vous et moy?...

  A001000854 

 Mays a cela nous repliquons, Amen: mays nous disons que nostre different n'est pas la; c'est qu'es differens que nous aurons sur l'interpretation, et qui s'y trouveront de deux motz en deux motz, nous avons besoin d'un juge.

  A001000855 

 Mays il la faut bien entendre, adjustant les passages aux passages, le tout au Simbole; nous sommes en ce train il y a quinze centz ans et passent.

  A001000855 

 On vous renvoye a l'Escriture; nous y sommes devant que vous fussies au monde, et y trouvons ce que nous croyons, clair et net.

  A001000855 

 Prenes garde; avec ces parades nous tirons l'Escriture apres nos fantasies, nous ne la suyvons pas.

  A001000855 

 Vous dites qu'en ayant faict de mesme vous y trouves du faux; que voules vous que je face? tant de maistres l'ont maniëe cy devant, et tous ont faict mesme jugement que moy, et avec tant d'asseurance quilz ont forclos, es assemblëes generales du mestier, quicomque y a voulu contredire: mon Dieu, qui nous mettra hors de doute? Il ne faut plus dire la pierre de touche, autrement on dira, In circuitu impii ambulant: il faut que ce soit quelqu'un qui la manie, et face la preuve luymesme de la piece, puys, qu'il en face jugement, et que nous le subissions, et l'un et l'autre, sans plus contester; autrement chacun en croira ce quil luy plaira.

  A001000856 

 Ah, quicomque dict que Nostre Seigneur nous a embarqués en son Eglise, a la mercy des ventz et de la marëe, sans nous donner un expert pilote qui s'entende parfaittement en l'art nautique sur la charte et la bussole, il dict quil nous veut perdre.

  A001000856 

 Quil y ayt mis la plus excellente bussole et la charte la plus juste du monde, mays dequoy sert cela si personne n'a le sçavoir d'en tirer quelque regle infallible pour conduire le navire? dequoy servira il quil y ait un tresbon timon, sil ny a un patron pour le mouvoir a la mesure qu'enseignera la charte? mays sil est permis a chacun de le tourner au fil que bon luy semblera, qui ne void que nous sommes perdus? Ce n'est pas l'Escriture qui a besoin de regle ni de lumiere estrangere, comme Beze pense que nous croyons; ce sont nos gloses, nos consequences, intelligences, interpretations, conjectures, additions et autres semblables mesnages du cerveau de l'homme, qui ne pouvant demeurer coy s'embesoigne [206] tousjours a nouvelles inventions: ni moins voulons nous un juge entre Dieu et nous, comm'il semble quil veuille inferer en son Epistre; c'est entr'un homme tel que Calvin, Beze, Luther, et entr'un autre tel que Echius, Fischer, Morus; car nous ne demandons pas si Dieu entend mieux l'Escriture que nous, mays si Calvin l'entend mieux que saint Augustin ou saint Cyprien.

  A001000857 

 Et c'est icy ou je crois d'avoir fermement prouvé que nous avons besoin d'une autre Regle pour nostre foy outre la Regle de l'Escritture Sainte: Si diutius steterit mundus (dict une bonne fois Luther), iterum fore necessarium, propter diversas Scripturce interpretationes quæ nunc sunt, ut ad conservandam fidei unitatem Conciliorum decreta recipiamus, atque ad ea confugiamus; il confesse qu'auparavant on la recevoit, et confesse que ci apres il le faudra faire.

  A001000858 

 Autant en dis je des Traditions; car si chacun veut [207] produyre des Traditions, et que nous n'ayons poinct de juge en terre, pour mettre en dernier ressort difference entre celles qui sont recevables et celles qui ne le sont pas, a quoy, je vous prie, en serons nous? L'exemple est clair: Calvin trouve recevable l'Apocalipse, Luther le nie, autant en est il de l'Epistre de saint Jaques; qui reformera ces opinions des reformateurs? l'une ou l'autre est mal formëe, qui y mettra la main? Voyla une seconde necessité que nous avons d'une autre 3 e Regle outre la Parole de Dieu..

  A001000859 

 Il faut donques qu'il y ait quelqu'infallible authorité, a la proposition de laquelle nous soyons obligés d'acquiescer: la Parole de Dieu ne peut errer, qui la propose ne peut errer, tout sera donques tres asseuré..

  A001000859 

 Il y a neanmoins tresgrande difference entre les premieres Regles et celle cy; car la premiere Regle, qui est la Parole de Dieu, est Regle infallible de soy mesme, et tres suffisante pour regler tous les entendemens du monde, la seconde n'est pas proprement Regle de soymesme, mays seulement entant qu'elle applique la premiere, et qu'elle nous propose la droitture contenue en la Parole sainte: ainsy qu'on dict les loix estre une regle des causes civiles; le juge ne l'est pas de soy mesme, puysque son jugement est obligé au reglement de la loy, neantmoins il est, et peut tresbien estre appellé, regle, par ce que l'application des loix estant sujette a varieté, quand il l'a une fois faicte il faut s'y arrester.

  A001000859 

 La premiere proposition est inevitable: nous sommes en difficulté de la 2 e avec Calvin; qui nous appointera? qui determinera de ce doute? si chacun a l'authorité de proposer le sens de la sainte Parole, la difficulté est immortelle; si celuy qui a l'authorité de proposer peut [208] errer en sa proposition, tout est a refaire.

  A001000865 

 Mays c'est impieté de croire que Nostre Seigneur ne nous ayt layssé quelque supreme juge en terre, auquel nous puyssions nous addresser en nos difficultés, et qui fust tellement infallible en ses jugemens que suyvant ses decretz nous ne puyssions errer.

  A001000865 

 Or, n'est il pas raysonnable qu'aucun particulier s'attribue cest infallible jugement sur l'interpretation ou explication de la sainte Parole; car, a quoy en serions nous? Qui voudroit subir le joug du jugement d'un particulier? pourquoy plus tost de l'un que de l'autre? quil parle tant quil voudra de l'analogie, de l'entousiasme, du Seigneur, de l'Esprit, tout cela ne pourra jamais brider tellement mon cerveau que, sil faut s'embarquer a l'adventure, je ne me jette plus tost dans le vaysseau de mon jugement que dans celuy d'un autre, quand il parleroit Grec, Hebrieu, Latin, Tartarin, Moresque et tout ce que vous voudres.

  A001000872 

 qui l'assembla: et nous trouverons quil fut assemblé par l'authorité mesme des pasteurs: Conveneruntque Apostoli et seniores videre de verbo hoc.

  A001000873 

 Il succede que nous remarquions, en ce premier Concile chrestien qui fut faict par les Apostres, qui y fut apellé Convenerunt, dict le texte, Apostoli et presbiteri videre de verbo hoc; les Apostres et les prestres, en un mot, les gens d'Eglise: la rayson le vouloit, car le vieux proverbe est par tout bon, Ne sutor ultra crepidam, et le mot du bon pere Hosius, rapporté par saint Athanase, quil escrivit a l'empereur Constantius, Tibi Deus imperium commisit, nobis quæ sunt Ecclesiæ concredidit.

  A001000874 

 Troysiesmement, qui y doit estre juge: et nous ne voyons pas que personne y portast sentence que 4 des Apostres, saint Pierre, saint Pol, saint Barnabas et saint Jaques, au jugement desquelz chacun acquiesça.

  A001000875 

 Si nous considerons qui y præsida, nous trouverons que ce fut saint Pierre qui y porte le premier la sentence, qui fut apres suyvie du reste, comme dict saint Hierosme; aussy avoit il la principale charge de pasteur, Pasce oves meas, et estoit le grand œconome sur le reste, Tibi dabo claves regni cælorum, il estoit confirmateur des freres, office qui appartient proprement au præsident et surintendant.

  A001000883 

 Nous parlons donq icy d'un Concile tel que celuy la, ou se trouve l'authorité de saint Pierre, tant au commencement qu'a la conclusion, et des autres Apostres et pasteurs qui s'y voudront trouver, sinon de tous au moins d'une notable partie; ou la discussion soit libre, c'est a sçavoir, que qui voudra y propose ses raysons sur la difficulté qui y est proposëe; ou les pasteurs ayent voix judiciaire; telz en fin qu'ont esté ces quatre premiers, desquelz saint Gregoire faisoit tant de conte, quil en fit ceste protestation: Sicut sancti Evangelii 4 Libros, sic 4 Concilia suscipere et venerari me fateor..

  A001000886 

 En fin, quel plus estroit commandement avons nous que de prendre la pasture de la main de nos pasteurs? saint Pol ne dict il pas que le Saint Esprit les a colloqués au bercail pour nous regir, et que Nostre Seigneur les nous a donnés affin que nous ne soyons point flottans et emportés a tout vent de doctrine? quel respect donques devons nous porter aux ordonances [217] et canons qui partent de leur assemblëe generale? Certes, pris a part l'un de l'autre, leurs doctrines sont encores sujettes a l'espreuve, mays quand ilz sont ensemble, et que toute l'authorité ecclesiastique est ramassëe en un, qui peut conteroller l'arrest qui en sort? Si le sel s'esvanouÿt, en quoy le conservera-on? si les chefz sont aveugles, qui conduira le reste? si les colomnes tumbent, qui les soutiendra?.

  A001000887 

 Le Sage nous baille un autre advis: Parole sapientium sunt sicut stimuli, et sicut clavi in altum defixi, quæ per magistrorum consilium data sunt a pastore uno; his amplius, fili mi, ne requiras..

  A001000894 

 Nous ne sommes pas en doute sil faut recevoir une doctrine a la volee, ou sil en faut faire l'espreuve a la touche de la Parole de Dieu; mays nous disons que quand un Concile general en a faict l'espreuve, nos cerveaux n'y ont plus rien a revoir, mays seulement a croire: que si une fois on remet les canons des Conciles a l'espreuve des particuliers, [220] autant de particuliers autant d'espreuves, autant d'espreuves autant d'opinions.

  A001000896 

 Mays i a il article auquel nous ayons different avec vous qui n'ait esté plusieurs fois condamné es saintz Conciles generaux ou particuliers generalement receus? et neantmoins vos ministres les ont reveillés sans honte, sans scrupule, nom plus que si c'eussent estés quelques saintz depostz et tresors cachés a l'antiquité, ou que l'antiquité eust serrés bien curieusement affin que nous en eussions la jouissance en cest aage..

  A001000897 

 Outre tout cela, la Sinagogue devoit estre changëe et transferëe en ce tems la, et ceste sienne faute avoit esté predicte, mays l'Eglise Catholique ne doit jamays estre transferëe pendant que le monde sera monde, nous n'attendons point de troysiesme legislateur ni aucun autre sacerdoce, mays doit estre æternelle.

  A001000898 

 J'ay voulu lever occasion a ces deux objections qu'on faict contre l'infallible authorité des Conciles et de l'Eglise; les autres s'iront resoulvant cy apres, es essays particuliers que nous ferons de la doctrine Catholique: il n'y [a] chose si certayne qui n'ait des oppositions, mays la verité demeure ferme et glorieuse par les assautz de ses contraires.

  A001000912 

 Il ny a point de meilleur expedient au monde: ja que Calvin et Beze confessent que l'Eglise demeura pure les six premieres centeynes d'annees, [226] que nous regardions si vostre eglise est en mesme foy et doctrine que cellela; et qui nous pourra mieux tesmoigner la foy que l'Eglise suyvoit en ces anciens tems, que ceux qui vivoyent alhors avec elle et en sa table? qui pourra mieux desduire les deportemens de ceste celest'Espouse, en la fleur de son aage, que ceux qui ont eu cest honneur d'avoir les principaux offices chez Elle? Et de ce costé, les Peres meritent qu'on leur ajouste foy non pour l'exquise doctrine dont ilz estoyent pourveuz, mays pour la realité de leurs consciences, et la fidelité avec laquelle ilz ont marché en besoigne..

  A001000913 

 Mays nous ne devons pas seulement honorer leurs tesmoignages comme tres asseurés et irreprochables, ains encores bailler grand credit a leur doctrine sur toutes nos inventions et curiosités.

  A001000913 

 Nous ne les voulons pas icy pour autheurs de nostre foy, mays seulement pour tesmoins de la creance en laquelle vivoyt l'Eglise de ce tems la; personne n'en peut deposer plus pertinemment qu'eux qui y commandoyent, ilz sont irreprochables de tous costés; qui veut sçavoir le chemin que l'Eglise a tenu en ce tems la, quil le demande a ceux qui l'ont tres fidelement accompagnee: Sapientiam omnium antiquorum exquiret sapiens, et in prophetis vacabit; narrationem virorum nominatorum conservabit.

  A001000913 

 Nous ne sommes pas en doute si les Peres anciens doivent estre tenuz pour autheurs de nostre foy, nous sçavons mieux que tous vos ministres que non; ni ne sommes pas en dispute s'il faut recevoir pour certain ce qu'un ou deux Peres auront eu en opinion.

  A001000913 

 Or, qui ne voit qu'au premier cas c'est une impudence intolerable de refuser creance a ceste milliade de Martirs, Confesseurs, Docteurs qui nous ont præcedé? et si la foy de ceste ancienne Eglise nous doit servir de Regle pour bien croire, nous ne sçaurions mieux trouver ceste Regle qu'es escritz et depositions de ces tressaintz et signalés ayeulz ................................................... [228].

  A001000913 

 Outre cela, vous dites que vostre eglise a estëe taillëe.. a la regle et compas de l'Escriture; nous le nions, et disons que vous aves accourcy, estressy et plié ceste regle, comme faysoyent ceux de Lesbos, pour l'accomoder a vostre cerveau, et..... et reformëe selon la vraye intelligence de l'Escriture; nous le nions, et disons que les anciens Peres ont eu plus de suffisance et d'erudition que vous, et neantmoins ont jugé que l'intelligence des Escritures n'estoit pas telle que vous dittes; n'est ce pas une preuve tres certaine? Vous dites que selon les Escrittures il faut abolir la Messe; tous les anciens Peres le nient: a qui croirons nous, ou a ceste troupe d'Evesques et Martirs anciens, ou a ceste bande de nouveaux venuz? voyla ou nous en sommes.

  A001000913 

 Voicy nostre different: vous dites que vous aves reformé vostre eglise sur le patron [227] de l'Eglise ancienne; nous le nions, et prenons a tesmoins ceux qui l'ont veüe, qui l'ont conservëe, qui l'ont gouvernëe; n'est ce pas une preuve franche et nette de toute supercherie? icy nous ne produysons que la preudhommie et bonne foy des tesmoins.

  A001000920 

 Sil change Jacob en Israel, la rayson est en realité sur le champ: Par ce que si tu as esté puyssant contre Dieu, combien plus surmonteras tu les hommes? Si que Dieu, par les noms quil impose, ne marque pas seulement les choses nommëes, mays nous instruit de leurs qualités et conditions: tesmoins [229] les Anges, qui ne portent point de noms que selon leurs charges, et saint Jan Baptiste, qui porte la grace en son nom quil annonça en sa prædication; ce qui est ordinaire a ceste sainte langue des Israelites.

  A001000922 

 Ce nom est l'un de ceux de Nostre Seigneur; car, quel autre nom trouvons nous attribué plus frequemment au Messie que celuy de pierre? Ce changement donques, et ceste imposition de nom, est tres considerable, car les noms que Dieu donne sont moelleux et massifz: il communique son nom a saint Pierre, il luy a donques communiqué quelque qualité sortable au nom.

  A001000922 

 Mays en saint Pierre il donne un nom permanent, plein d'authorité, et qui luy est si particulier que nous pouvons bien dire, auquel des autres a il dict, tu es pierre? pour monstrer que saint Pierre a esté superieur aux autres..

  A001000923 

 Mays je vous adviseray que Nostre Seigneur n'a pas changé le nom de saint Pierre, mays a seulement joint un nouveau nom a l'ancien quil avoit; peut estre affin quil se resouvint en son authorité de ce quil estoit de son estoc, et que la majesté du second nom fust attrempëe par l'humilité du premier, et que si le nom de Pierre le nous faisoit reconnoistre pour chef, le nom de Simon nous avisast quil n'estoit pas chef absolu, mays chef obeissant, subalterne et maistre valet.

  A001000924 

 Maintenant, quel doute reste il que ce n'est qu'un mesme duquel il a dict, Tu es Roche, et duquel il dict, et sur ceste roche? certes, il ne s'estoit point parlé d'autre Cepha en tout ce chapitre la que de Simon; a quel propos donques allons nous rapporter ce relatif, hanc, a un autre Cepha que celuy qui est immediatement præcedent?.

  A001000924 

 Mays nous n'equivoquons point icy; car ce n'est qu'un mesme mot, et pris sous la mesme signification, quand Nostre Seigneur a dict a Simon, Tu es Pierre, et quand il a dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise: et ce mot de pierre n'estoit pas un nom propre d'homme, mays seulement il fut approprié a Simon Bar Jona; ce que vous entendres bien mieux si on le prend au langage auquel Nostre Seigneur le dict.

  A001000924 

 Mays nous voicy en difficulté: car on accorde bien que Nostre Seigneur ait parlé a saint Pierre et de saint Pierre jusques icy, et super hanc petram, mays que par ces paroles il ne parle plus de saint Pierre.

  A001000924 

 Or, je vous prie, quelle apparence y a il que Nostre Seigneur eust faict ceste grande præface, Beatus es Simon Bar Jona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cælis est; et ego dico tibi, pour ne dire autre sinon, quia tu es Petrus, puys, changeant tout a coup de propos, il allast parler d'autre chose? Et puys, quand il dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, ne voyes vous pas quil parle notoirement de la pierre delaquelle il avoit parlé præcedemment? et de quell'autre pierre avoit il parlé que de Simon, au quel il avoit dict, Tu es Pierre? Mays voicy tout l'equivoque qui peut faire scrupule a vos imaginations; c'est que peut estre penses vous que comme Pierre est maintenant un nom propre d'homme, il le fut aussy alhors, et que Petrus ne soit pas la mesme chose que petra, et que, partant, nous passions la signification de Pierre a la pierre, par equivocque du masculin au feminin.

  A001000926 

 En fin, pour vous monstrer que c'est bien de saint Pierre duquel il dict, et super hanc petram, je produis les paroles suivantes; car c'est tout un de luy promettre l es clefz du royaume des cieux, et de luy dire, super hanc petram; et neantmoins nous ne pouvons pas douter que ce ne soit saint Pierre auquel il promet les [233] clefz du royaume des cieux, puys quil dict clairement, et tibi dabo claves regni cælorum: si donques nous ne voulons descoudre ceste piece de l'Evangile d'avec les paroles præcedentes et les suivantes, pour la joindre ailleurs a nostre poste, nous ne pouvons croire que tout cecy ne soit dict a saint Pierre et de saint Pierre, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; ce que la vraÿe et pure Eglise Catholique, mesme selon la confession des ministres, a avoüé haut et cler en l'assemblëe de 630 Evesques au Concile de Calcedoyne..

  A001000928 

 .. Il monstre une des differences quil y a entre saint Pierre et luy: car Nostre Seigneur est fondement et fondateur, fondement et ædificateur de l'Eglise, mays saint Pierre n'en est que fondement; Nostre Seigneur en est le Maistre et Seigneur en proprieté, saint Pierre en a seulement l'œconomie; dequoy nous dirons cy apres.

  A001000935 

 En ce cas donques, puysque nous voyons que l'Escriture nous enseigne qu'il ni a point d'autre fondement que Nostre Seigneur, et que la mesme nous enseigne clairement que saint Pierre l'est encores, et plus outre encores que tous les Apostres le sont, il ne faut pas refuser le premier enseignement pour le second, ni le second pour le troysiesme, ains les laysser tous troys en leur entier; ce qui se fera aysement si nous considerons ces passages a la bonne foy et franchement..

  A001000935 

 Mays une grande preuve au contraire, ce semble aux adversaires, c'est que selon saint Pol, Fundamentum aliud nemo potest ponere præter id quod positum est, quod est Christus Jesus; et selon le mesme, nous sommes domestiques de Dieu, superædificati supra fundamentum Apostolorum et Prophetarum, ipso summo angulari lapide, Christo Jesu; et en l'Apocalipse, la muraille de la sainte cité avoit douze fondemens, et en ces douze fondemens le nom des douze Apostres.

  A001000936 

 Ainsy la supreme charge qu'eut saint Pierre en l'Eglise militante, a raison de laquelle il est apellé fondement de l'Eglise, comme chef et gouverneur, n'est pas outre l'authorité de son Maistre, ains n'est qu'une participation d'icelle; si que luymesme n'est pas fondement de ceste hiérarchie outre Nostre Seigneur, mays plus tost en Nostre Seigneur, comme nous l'appelions tressaint Pere en Nostre Seigneur, hors duquel il ne seroit rien.

  A001000936 

 Certes, nous ne reconnoissons point d'authorité seculiere outre celle de son Altesse; mays nous en reconnoissons bien plusieurs sous icelle, lesquelles ne sont pas proprement autres que celle de son Altesse, puysqu'elles en sont seulement certaynes portions et participations.

  A001000936 

 Vous nous faictes tort; nous ne le mettons pas pour fondement, Celuy la outre lequel on n'en peut point mettre d'autre, l'a mis luy mesme; si que, si Nostre Seigneur est vray fondement de l'Eglise, comm'il l'est, il faut croire que saint Pierre l'est encores, puysque Nostre Seigneur l'a mis en ce rang: que si quelqu'autre que Nostre Seigneur mesme luy eust donné ce grade, nous crierions tous avec vous: Nemo potest aliud fundamentum ponere præter id quod positum.

  A001000937 

 Ceste si grande difference faict qu'en comparayson, l'un ne soit pas apellé fondement au pris de l'autre, qui neanmoins pris a part peut estre appellé fondement, affin de laisser lieu a la proprieté des Parolles saintes: ainsy qu'encores quil soit le bon Pasteur il ne laysse de nous en donner sous luy, entre lesquelz et sa majesté il y a si grande difference, que luy mesme monstre quil est le seul Pasteur..

  A001000939 

 Mays le lieu de saint Pol semble ne s'entendre pas tant de la personne des Apostres que de leur doctrine; car il n'est pas dict que nous soyons suredifiés sur les Apostres, mays, sur le fondement des Apostres, c'est a dire, sur la doctrine quilz ont annoncëe: ce qui est aysé a reconnoistre, puysqu'il ne dict pas seulement que nous sommes sur le fondement des Apostres, mays encores des Prophetes, et nous sçavons bien que les Prophetes n'ont pas autrement estés fondemens de l'Eglise Evangelique que par leur doctrine.

  A001000939 

 Sunt quidem, dict saint Bernard parlant a son Eugene, et nous en pouvons autant dire de saint Pierre par mesme rayson, sunt alii cæli janitores et gregum pastores, sed tu tanto gloriosius quanto differentius nomen hæreditasti..

  A001000945 

 .. Il fache tant aux adversaires qu'on leur propose le siege de saint Pierre comme une sainte pierre de touche, a laquelle il faille faire l'espreuve des intelligences, imaginations et fantasies quilz font es Escrittures, quilz renversent le ciel et la terre pour nous oster des mains les expresses parolles de Nostre Seigneur par les......

  A001000946 

 Mays les ministres tachent tant quilz peuvent de troubler si bien la clere fontayne de l'Evangile, que saint Pierre n'y puysse plus trouver ses clefz, et a nous degouster d'y boire l'eau de la sainte obeissance qu'on doit au Vicaire de Nostre Seigneur; et partant ilz se sont avisés de dire que saint Pierre avoit receu ceste promesse de Nostre Seigneur au nom de toute l'Eglise, [240] sans quil y ait receu aucun privilege particulier en sa personne.

  A001000946 

 Nostre Seigneur ayant dict a saint Pierre quil ædifieroit sur luy son Eglise, affin que nous sceussions plus particulierement ce quil vouloit dire, poursuit en ces termes: Et tibi dabo claves regni cælorum.

  A001000946 

 Que sil est permis d'aller ainsy devinant sur des paroles si claires, il ny aura rien en l'Escriture qui ne se puysse plier a tous sens: quoy que je ne nie pas que saint Pierre en cest endroit ne parlast en son nom et de toute l'Eglise, quand il fit ceste noble confession; non ja comme commis par l'Eglise ou par les disciples (car nous n'avons pas un brin de marque de ceste commission en l'Escriture, et la revelation sur laquelle il fonde sa confession avoit esté faite a luy seul, sinon que tout le college des Apostres eut nom Simon Barjona), mays comme bouche, prince et chef des autres, selon saint Chrysostome et saint Cyrille, et « pour la primauté de son apostolat, » comme dict saint Augustin.

  A001000948 

 Je respons qu'en la promesse, et en l'execution de la promesse, Nostre Seigneur a tousjours præferé saint Pierre, par des termes qui nous obligent a croire quil a esté chef de l'Eglise..

  A001000950 

 A la verité, quand l'Escriture veut ailleurs declairer une sauveraine authorité, elle a usé de semblables termes: en l'Apocalipse, quand Nostre Seigneur se veut faire connoistre a son serviteur, il luy dict: Ego sum primus et novissimus, et vivus et fui mortuus, et ecce sum vivens in secula seculorum; et habeo claves mortis et inferni; qu'entend il par les clefz de la mort et de l'enfer, sinon la supreme puyssance et sur l'un et sur l'autre? et la mesme quand il est dict de Nostre Seigneur, Hæc dicit sanctus et verus, qui habet clavem David, qui aperit et nemo claudit, claudit et nemo aperit, que pouvons nous entendre que la supreme authorité en l'Eglise? et ce que l'Ange dict a Nostre Dame, Dabit illi Dominus sedem David patris ejus et regnabit in domo Jacob in æternum? le Saint Esprit nous faysant connoistre la royauté de Nostre Seigneur ores par le siege ou trosne, ores par les clefz..

  A001000955 

 Nostre Seigneur, qui devoit maintenir la foy en son Eglise, n'a point prié pour la foy d'aucun des autres en particulier, mays seulement de saint Pierre comme chef: car, quelle rayson penserions nous en ceste prærogative, Expetivit vos, tous tant que vous estes, ego autem rogavi pro te? n'est ce pas le mettre luy tout seul en conte pour tous comme chef et conducteur de toute la troupe? Mays qui ne voit combien ce lieu est pregnant a ceste intention? Regardons ce qui precede, et nous y trouverons que Nostre Seigneur avoit declaré a ses Apostres quil y en avoit un entr'eux plus grand que les autres, qui major est inter vos, et qui præcessor; et tout d'un train Nostre Seigneur luy va dire que l'adversaire cherchoyt de les cribler, tous tant quilz estoyent, et neantmoins quil avoit prié pour luy [en] particulier, affin que sa foy ne manquast.

  A001000962 

 Nous sçavons bien que Nostre Seigneur fit tres ample procure et commission a ses Apostres de traitter avec le monde, de son salut, quand il leur dict: Sicut misit me Pater, et ego mitto vos; accipite Spiritum Sanctum, quorum remiseritis, etc.: ce fut l'execution de sa promesse quil leur avoit faict en general, quæcumque alligaveritis.

  A001000964 

 En l'Escriture, regir et paistre le peuple se prend pour une mesme chose, comm'il [est] aysé a voir en Ezechiel, au second des Rois; et es Psalmes en plusieurs endroitz, la ou, selon l'original, il y a pascere, nous avons regere, comme au Psalme second, Reges eos in virga ferrea, et de faict, entre regir et paistre les brebis avec une holette de fer il ny a pas difference; au Psalme 22, Dominus regit me, c'est a sçavoir, me gouverne comme pasteur; et quand il est dict que David avoit esté esleu pascere Jacob servum suum, et Israel hæreditatem suam; et pavit eos in innocentia cordis sui, c'est tout de mesme que sil disoit, regere, gubernare, præesse; et c'est avec la mesme façon de parler que les peuples sont appellés brebis de la [251] pasture de Nostre Seigneur, si que avoir commandement de paistre les brebis Chrestiennes, n'est autre que d'en estre le regent et pasteur..

  A001000970 

 Ni ce que les Apostres ont faict des diacres sans le commandement de saint Pierre, es Actes des Apostres; car saint Pierre y estant authorisoit asses cest acte: outre ce que nous ne nions pas que les Apostres n'eussent pleyne administration en l'Eglise, sous l'authorité pastorale de saint Pierre..

  A001000981 

 Au Psalme second, la ou, selon l'original, il y a pascere, nous avons regere, Reges eos in virga ferrea; aussi ny a il pas grande difference entre regir et paistre les brebis avec une holette de fer.

  A001000987 

 Ni ce que les Apostres ont faict des diacres sans le commandement de S t Pierre; car S t Pierre y estant authorisoit asses cest acte: outre ce que nous ne nions pas que les Apostres n'eussent pas pleine administration en l'Eglise, sous l'authorité pastorale de S t Pierre; et nos Evesques, en l'union du Saint Siege de Rome, ordonnent et des diacres et des prestres sans autre particulier commandement..

  A001000996 

 Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblëes, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray [est] il encor plus certain que si nous l'avions veu; quand nous verrions par tout saint Pierre le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et saint Pierre, le chef et cappitaine?.

  A001000999 

 Mays quand bien ceux que nous avons maintenant seroyent originaires, on ne sçauroit que deduyre de ce seul passage contre l'ordre de tant d'autres; car il se peut faire que saint Pol tient l'ordre du tems auquel il a receu la main d'association, ou que, sans s'amuser a l'ordre, il ait escrit le premier qui luy revint.

  A001000999 

 Mays saint Mathieu nous monstre clairement quel ordre il y avoit entre les Apostres, c'est a sçavoir, quil y en avoit un premier, tout le reste egal, sans second ni troysiesme: Primus, dict il, Simon, qui dicitur Petrus; il ne dict poinct, secundus Andreas, tertius Jacobus, mays les va nommant simplement, pour nous faire connoistre que pourveu que saint Pierre fut premier, tout le reste estoient a mesme, et qu'entr'eux il ni avoit point de præseance.

  A001001004 

 Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblees, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray il est encor plus certain; quand nous verrions par tout et en toutes occasions S t Pierre marcher le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et S t Pierre, le chef et cappitaine?.

  A001001007 

 Au reste, S t Mathieu nous monstre clairement quel ordre il y avoit entre les Apostres, a sçavoir, quil y en avoit un premier et tout le reste egal, sans second ni troysiesme: Primus, dict il, Simon, qui dicitur Petrus; il ne dict poinct, secundus Andreas, tertius Jacobus, mays les va nommant simplement, pour nous faire connoistre que pourveu que S t Pierre fut premier, tout le reste estoient a mesme, et ny avoit plus de precedence.

  A001001064 

 Si tout cecy mis ensemble ne nous faict reconnoistre S t Pierre pour chef de l'Eglise et des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, ni les pasteurs, pasteurs; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pourroit on faire connoistre l'authorité d'un Apostre et pasteur sur le peuple, que celles que le S t Esprit a mis es Escritures pour faire paroistre S t Pierre au dessus des Apostres, des pasteurs et de toute l'Eglise? [268].

  A001001070 

 Si nous commencions a la tirer [en] consequence pour la primauté de saint Pierre, on pourroit croire que nous la forçons; mays quoy? ell'est tres claire en ce faict, et a esté entendue de toute l'Eglise premiere en ce sens.

  A001001099 

 Nostre cause est si clairement deduitte en l'Escriture, que c'est presque chose vaine d'y rien adjouster: mays affin que vous sçachies que nous n'y apportons point d'interpretation forcee ou controuvee, je produiray ce qu'en a pensé toute l'Eglise premiere..

  A001001125 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le S t Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puissans, avoyent besoin de confirmateur et pasteur pour la forme et entretenement visible de leur union, et de toute l'Eglise, combien plus maintenant en avons nous necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? et si les volontés des Apostres, si fermement liees par la charité, eurent besoin d'une liaison exterieure de l'authorité d'un chef, combien plus par apres, quand la charité s'est tant rafroidie, a l'on eu besoin de ceste liaison d'une authorité et d'un magistrat visible? Que si, comme dict S t Hierosme, au tems des Apostres Unus inter omnes eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio, combien plus maintenant, pour la mesme rayson, est il necessaire qu'il y ait un chef en l'Eglise? La bergerie Chrestienne doit durer en unité visible jusqu'a la consummation du monde, donques l'unité de gouvernement exterieur y doit demeurer encores, et personne n'a l'authorité de changer la forme d'administration que Nostre Seigneur y a mise: dont il s'ensuit notoirement que S t Pierre a eu des successeurs, en a encores, et en aura jusqu'a la fin du siecle.

  A001001131 

 Or nous avons monstré que saint Pierre a esté supreme chef ministeriel de l'Eglise, et que cest office ou dignité ne luy a pas esté baillé pour luy seulement, mays pour le bien et prouffit de toute l'Eglise, si que ce doit estre un office perpetuel en l'Eglise militante.

  A001001142 

 Or nous avons monstré que S t Pierre a esté chef ministeriel de l'Eglise, et que ceste charge luy a esté baillee pour le bien et utilité publique du Christianisme, si que, le Christianisme durant tousjours, ceste mesme charge et authorité doit estre perpetuelle en l'Eglise militante; mays S t Pierre n'est plus pasteur de l'Eglise, puysqu'il n'est plus en l'Eglise militante, ni homme visible, qui est une condition requise pour administrer en l'Eglise visible.

  A001001162 

 a esté cité par Gratien il y a 400 [ans], et par Isidore il y en a 900, et le grand Pere Vincent Lirinois en faict mention il y a environ mill'ans: ce que je dis par ce que tous les canons du Concile de Nicëe ne sont pas en estre, n'en estant demeuré que vingt; mays tant de graves autheurs en citent tant d'autres outre les vingt que nous avons, que nous avons a croire ce que disent ces bons Peres Alexandrins cy dessus, que les Arriens en ont faict perdre la pluspart..

  A001001163 

 Bref, jamays il ne fut dict ni douté d'aucun Evesque, es premiers cinq cens ans, quil fut chef ou superieur aux autres, que de celuy de Rome, duquel on ne douta voirement jamais, mays a on tenu pour tout resolu quil estoit tel: a quel propos donques, apres quinze cens ans passés, veut [on] mettre cest'ancienne tradition en compromis? Je n'aurois jamais faict si je voulois apporter sur table toutes les asseurances et recharges que nous avons de ceste verité es escritz des Anciens; cecy cependant suffira, de ce costé, pour prouver que l'Evesque de Rome est successeur de saint Pierre, et que saint Pierre a esté et est mort Evesque a Rome.

  A001001163 

 Ou quilz nous dient quel autre Evesque est chef de l'Eglise et successeur de saint Pierre: au Concile de Nicëe, en celuy de Constantinople et de Calcedoyne, on ne voit pas qu'aucun Evesque s'usurpe la primauté; ell'est deferëe selon l'ancienne coustume au Pape, autre quelconque ny est nommé en pareil grade.

  A001001163 

 Pour Dieu, jettons l'œil sur ceste tresancienne et trespure Eglise des six premieres centeynes, et la regardons de toutes pars; que si nous la voyons croire fermement que le Pape fut successeur de saint Pierre, quelle temerité sera ce de le nier? Voicy, ce me semble, une rayson qui ne demande plus aucun credit, mays consiste en beau content: saint Pierre a eu des successeurs en son vicariat; et qui a jamais esté en reputation en l'Eglise ancienne, d'estre successeur de saint Pierre et chef de l'Eglise, que l'Evesque de Rome? Certes, tout tant quil y a d'autheurs anciens [285] donnent tous ce tiltre au Pape, et jamais aux autres, et comme donques dirons nous quil ne le soit pas? certes, c'est nier la verité conneüe.

  A001001180 

 a esté cité par Gratien il y a 400 ans, et par Isidore il y en a 900, de quoy le grand Pere Vincent Lirinois faict mention il y a environ mille ans: ce que je dis par ce que tous les canons du Concile de Nicee ne sont pas en estre, n'en estant demeuré que 20, mays tant de graves autheurs en citent plusieurs autres outre les 20 que nous avons, que nous devons croire ce que disent ces bons Peres Alexandrins cy dessus, que les Arriens en ont faict perdre la pluspart.

  A001001181 

 Bref, jamais il ne fut douté d'aucun autre Evesque, es premiers cinq cens ans de l'Eglise, s'il estoit chef ou superieur aux autres; on tenoit pour tout resolu que c'estoit celuy la seul de Rome: a quel propos donques mettrons nous maintenant ceste ancienne resolution en compromis? Cecy cependant suffira pour prouver que l'Evesque de Rome est successeur de S t Pierre.

  A001001187 

 Mays a la verité, quoy quil n'eust esté que fort peu de tems Evesque de Rome, sil y est mort Evesque, il y a laissé son siege et sa succession: [287] de façon que quand a Calvin, nous n'aurions pas grand cas a debattre, pourveu quil fut resolu de confesser fermement que saint Pierre est mort a Rome, et quil y estoit Evesque quand il mourut; et quand aux autres, nous avons asses prouvé cy dessus que saint Pierre est mort Evesque a Rome..

  A001001199 

 Mays quoy qu'il n'eust esté que fort peu de tems Evesque de Rome, sil y est mort Evesque, il y a laissé son siege et sa succession: [287] de façon que quand a Calvin, nous n'aurions pas grand cas a debattre, pourveu quil fut resolu de confesser fermement que S t Pierre est mort a Rome, et que quand il mourut il en estoit Evesque; mays quand a ceux qui le nient, nous avons asses prouvé que S t Pierre est mort Evesque a Rome..

  A001001272 

 Restoit le nom de Pape, lequel j'ay reservé pour fermer ce discours, et qui est l'ordinaire duquel nous appelions l'Evesque de Rome.

  A001001277 

 Et affin que vous sachies combien est ancien ce nom parmi les gens de bien, saint Ignace, disciple des Apostres, Epistola ad Mariam Zarbensem, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam Linum; ja de ce [301] tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Nous l'appelions Sa Sainteté; et nous trouvons que saint Hierosme l'appelloit desja en ceste façon: Obtestor Beatitudinem tuam per Crucem, etc., Ego nullum primum nisi Christum sequens, Beatitudini tuæ, id est, Cathedræ Petri, communione consocior.

  A001001277 

 Nous l'appelions Saint Pere; mais vous aves veu que saint Hierosme appelle ainsy saint Augustin.

  A001001324 

 Restoit le nom de Pape, que j'ay reservé pour fermer ce discours, et qui est l'ordinaire duquel nous appelions l'Evesque de Rome.

  A001001329 

 Nous l'appelions par fois Sa Sainteté, mais S t Hierosme l'appelloit desja ainsy: Obtestor Beatitudinem tuam, etc., Beatitudini tuæ, id est, Cathedræ Petri, communione consocior.

  A001001329 

 Pour vray, nous ne les appelions jamais filz de Dieu sinon au pris ordinaire, comme chacun le peut estre sil garde les commandemens, selon le pouvoir concedé iis qui credunt in nomine ejus.

  A001001335 

 Ne voyes vous pas qu'en l'election de saint Matthias c'est luy seul qui parle et determine? Les Juifz demanderent a tous les Apostres: Quid faciemus viri fratres? saint Pierre seul respond pour tous: Pænitentiam agite, etc. Et c'est a ceste rayson que saint Chyrsostome et Origene l'ont appellé Os et verticem Apostolorum, comme nous avons veu cy dessus, par ce quil souloit parler pour tous les Apostres; et le mesme saint Chrysostome l'appelle Os Christi, par ce que ce quil dict pour toute l'Eglise et a toute l'Eglise, comme chef et pasteur, ce n'est pas tant parole humaine que de Nostre Seigneur: Amen, dico vobis, qui accipit si quem misero, me accipit; dont ce quil disoit et determinoit ne pouvoit estre faux.

  A001001336 

 Et n'est pas raysonnable que les brebis..... De mesme, si le pasteur supreme ministerial peut conduire ses brebis es pasturages veneneux, on voit clairement que le parc est pour estre bien tost perdu; car, si le supreme pasteur ministerial conduit a mal, qui le redressera? sil s'egare, qui le ramenera? a la verité, il faut que nous ayons a le suivre simplement, non a le guider, autrement les brebis seroyent pasteurs.

  A001001339 

 Ainsy donques le supreme pasteur de l'Eglise nous est juge competent et suffisant en toutes nos plus grandes difficultés, autrement nous serions de pire condition que cest ancien peuple, qui avoyt un tribunal auquel il pouvoit s'addresser pour la resolution de ses doutes, specialement en matiere de religion.

  A001001340 

 Que si Dieu a eu une si grande prouvoyance a la religion et tranquillité de conscience des Juifz, que de leur establir un juge sauverain a la sentence duquel ilz devoyent acquiescer, il ne faut pas douter quil ne nous aÿe prouveu, au Christianisme, d'un pasteur qui ayt ceste mesm'authorité, pour nous lever les doutes et scrupules qui pourroyent survenir sur les declarations des Escritures..

  A001001341 

 Je vous prie, si en l'ombre il y avoit des illuminations de doctrine et des perfections de verité en la poitrine du Prestre, pour en repaistre et raffermir le peuple, qu'est ce que nostre grand Prestre n'aura pas? de nous, dis je, qui sommes au jour et au soleil levé? Le grand Prestre ancien n'estoit que vicaire et lieutenant de Nostre Seigneur, nomplus que le nostre, mays il semble quil præsidoit a la nuict, par ses illuminations, et le nostre præside au jour, par ses instructions; ministeriellement tous deux, et par la lumiere du Soleil de justice, lequel, bien quil soit levé, est neanmoins voilé a nos yeux par nostre propre mortalité, car le voir face a face ordinairement [307] n'appartient qu'a ceux qui sont delivrés du cors qui se corrompt..

  A001001341 

 Que si le grand Præstre portoit le Rational du jugement en la poitrine, ou estoyt le Urim et Thummim, doctrine et verité comme interpretent les uns, ou les illuminations et perfections comme disent les autres, qui n'est presque qu'une mesme chose, puysque la perfection consiste en verité et la doctrine n'est qu'illumination, penserons nous que le grand Præstre de la Loy nouvelle n'en ayt pas encores les effectz? a la verité, tout ce qui fut concedé de bon a l'ancienne Eglise et a la chambriere Agar, aura esté donné en beaucoup meilleure façon a Sara et a [306] l'Espouse: nostre grand Præstre donques a encores le Urim et Thummim en sa poitrine. Or, soit que ceste doctrine et verité ne fust autre que ces deux motz escritz au Rational, comme semble croire saint Augustin, et Hugues de saint Victor l'asseure, ou que ce fust le nom de Dieu, comme veut Rabbi Salomon, au récit de Vatable et Augustin Evesque d'Eugubbium, ou que ce fussent les seules pierres du Rational par lesquelles Dieu tout puyssant reveloit ses volontés au Prestre, comme veut ce docte homme François Ribera, la rayson pour laquelle le grand Præstre avoyt au Rational sur sa poitrine la doctrine et la verité, estoit sans doute par ce que judicabat judicii veritatem; mesme que par le Urim et Thummim les prestres estoyent instruitz du bon plaisir de Dieu, et leurs entendemens esclairés et perfectionnés par la revelation divine, comme le bon de Lyra l'a entendu, et Ribera l'a asses suffisamment prouvé, a mon advis: dont quand David voulut sçavoir sil devoit poursuivre les Amalecites, il dict au Præstre Abiathar, Applica ad me ephod, ou, le superhumeraire; ce quil fit sans doute pour reconnoistre la volonté de Dieu au Rational qui y estoit joint, comme va deduysant doctement ce docteur Ribera.

  A001001345 

 La 3 e, par ce quil ne faut pas resister a Dieu qui nous veut presser et charger de plusieurs princes, selon le dire de Salomon en ses Proverbes.

  A001001352 

 Ainsy disons nous quil faut avoir recours a luy non comme a un docte homme, car en cela il est ordinairement devancé par plusieurs [312] autres, mays comme au chef et Pasteur general de l'Eglise, et, comme tel, honnorer, suivre et embrasser fermement sa doctrine, car alhors il porte en sa poitrine le Urim et Thummim, la doctrine et verité..

  A001001352 

 En l'ancienne Loy le grand Prestre ne portoit pas le Rational sinon quand il estoit revestu des habitz pontificaux, et quil entroit devant le Seigneur: ainsy ne disons nous pas que le Pape en ses opinions particulieres ne puysse errer, comme fit Jean 22, ou estre du tout heretique, comme peut estre fut Honorius.

  A001001353 

 Et ne faut pas nomplus penser qu'en tout et par tout son jugement soit infallible, mays lhors seulement quil porte sentence en matiere de foy ou des actions necessaires a toute l'Eglise; car es cas particuliers, qui dependent du faict humain, il y peut errer sans doute, quoy que nous autres ne devions le contreroller en cest endroit qu'avec toute reverence, submission et discretion.

  A001001354 

 Mays le grand Cardinal Toletus remarque tresbien a propos sur ce lieu, quil n'est pas dict, portabit Ecclesiam in omnem veritatem, mays, deducet, pour monstrer que quoy que le Saint Esprit esclaire a l'Eglise, si veut il qu'elle use de la diligence requise a tenir le bon chemin; comme firent les Apostres, qui ayans a respondre sur une question d'importance, debattirent de part et d'autre, conferant les Escritures ensemble, ce qu'ayans faict diligemment, ilz conclurent par le Visum est Spiritui Sancto et nobis, c'est a dire, le Saint Esprit nous a esclairé, et nous avons marché, il nous a guidé, nous l'avons suivi jusques a ceste verité; il faut employer les moyens ordinaires pour la recherche de la verité, et neanmoins reconnoistre la treuve et l'abord en icelle de l'assistence du Saint Esprit.

  A001001355 

 Et comment seroit l'Eglise une et sainte, telle que les Escritures et simboles la descrivent? car, si elle suivoit un pasteur et que le pasteur errast, comme seroit elle sainte? si elle ne le suivoit pas, comme seroit elle une? et quelle desbauche verroit on parmi le Christianisme, pendant que les uns trouveroient et jugeroient une loy mauvayse, les autres, bonne, et que les brebis, au lieu de paistre et s'engraisser es pasturages de l'Escriture et sainte Parole, s'amuseroyent a conteroller les jugemens du superieur? Reste donq que selon la divine providence nous tenions pour fermé ce que saint Pierre fermera avec ses clefz, et pour ouvert ce quil ouvrira, estant assis en la chaire instruisant toute l'Eglise..

  A001001356 

 Mays remplir l'air et la terre d'injures, invectives, outrages, calomnier le Pape, et non seulement en sa personne, ce qui ne se doit jamais faire, mays en sa dignité, attaquer le Siege que toute l'antiquité a honnoré, le vouloir juger contre le conseil de toute l'Eglise, apeller la dignité mesme antichristianisme, qui sera celuy qui le pourra trouver bon? Le grand Concile de Calcedoine trouva si estrange que Dioscorus, Patriarche, excommuniast le Pape Leon; et qui pourra souffrir l'insolence de [315] Luther, qui fit une bulle ou il excommunie et le Pape, et les Evesques, et toute l'Eglise? Toute l'Eglise luy donne des tiltres honnorables, luy parle avec reverence: que dirons nous de ce beau commencement de livre que Luther addressa au Saint Siege? Martinus Lutherus, Sanctissimæ Sedi Apostolicæ et toti ejus parlamento, meam gratiam et salutem.

  A001001370 

 Car, ou le miracle est une juste persuasion et confirmation, ou non: si non, donques Nostre Seigneur ne confirmoit pas justement sa doctrine; si c'est une juste persuasion, donques en quel tems quilz se facent ilz nous obligent a les prendre pour une tres ferme rayson, aussy le sont ilz.

  A001001370 

 Et ne sert de rien de respondre que les miracles ne sont pas necessaires apres la foy semëe, car, outre ce que j'ay monstré le contraire cy devant, je ne dis pas maintenant quilz soyent necessaires, mays [318] seulement que la ou il plaict a la bonté de Dieu d'en fayre pour confirmation de quelqu'article, nous sommes obligés de le croire.

  A001001372 

 Car, ramener la privation en son habitude, le non estre a l'estre, et donner les operations vitales aux hommes, sont choses impossibles a toutes les puyssances humaynes, ce sont des coups du sauverain [320] Maistre; lequel quand puys apres il luy plaict faire des cures par sa toute puyssance, ou des mutations es choses, ne laysse pas de les faire reconnoistre pour miraculeuses, quoy que la nature secrette en peut faire tout autant, parce qu'ayant faict ce qui surpasse nature, il nous a ja rendus asseurés de sa qualité et de la valeur de la [merveille]: ainsy que quand un homme a faict un chef d'ceuvre, quoy quil face puys apres plusieurs ouvrages communs, on ne laisse pas de le tenir pour maistre..

  A001001379 

 Les miracles qui se font en l'Eglise, monstrans ou est la vraye Eglise, font suffisante preuve de toute la creance de l'Eglise; car Dieu ne porteroit jamays tesmoignage a une eglise qui n'eust la vraÿe foy et fust errante, idolatre, trompeuse: mays ceste bonté supreme ne s'arreste pas la; elle a confirmé presque tous les pointz de la foy Catholique par tres illustres miracles, et, par une speciale providence de Dieu, nous trouvons que quasi sur tous les articles esquelz nous sommes en different avec les ministres, Nostre Seigneur a rendu tres illustre tesmoignage de la verité que nous prechons, par miracles irreprochables.

  A001001380 

 Que peut donques conclure sinon que, Digitus Dei est, que Dieu a signé et scellé la creance en laquelle [323] nous sommes pour l'article de la succession du Pape en l'authorité de saint Pierre, et pour l'article de la tressainte Messe? qu'opposera on? En quel tems s'est faict ce miracle? en la plus pure et sainte Eglise, car, et Calvin et les Lutheriens confessent que la pureté de l'Eglise a duré jusqu'apres saint Gregoire.

  A001001381 

 Ainsy nous prechons la realité du Cors de Nostre Seigneur et de son Sang au Sacrement de l'autel: Nostre Seigneur l'a authorisé par la miraculeuse experience quil en fit voir a un Juif et une Juifve qui assistoyent a la messe de saint Basile, tesmoin saint Amphilochius qui vivoit environ l'an 380.

  A001001382 

 Nous prechons quil faut adorer Nostre Seigneur qui est realement au tressaint Sacrement: Gorgonia, seur de saint Gregoire Nazianzene, le fit, et incontinent elle guerit d'une maladie incurable, au rapport de son [324] frere mesme.

  A001001383 

 Nous prechons la Transsubstantiation: et les experiences que j'ay rapportees de saint Amphilochius et de Paulus Diaconus en font foy..

  A001001384 

 Nous prechons que c'est non seulement Sacrement, mais Sacrifice: et saint Augustin, parlant d'un lieu inhabitable par la violence des espritz malins, qui estoit a Hesperius, au territoire Fussalense, Perrexit unus, dict [il], ex presbiteris, obtulit ibi Sacrificium Corporis Christi, orans quantum potuit ut cessaret illa vexatio, Deoque protinus miserante cessavit.

  A001001385 

 Nous prechons la sainte communion des Saintz, en la priere quilz font pour nous et en l'honneur que nous leur deferons: mays quand aurois je faict a vous produire les miracles qui se sont faict sur ceste creance? Theodoret, De curandis Græc.

  A001001386 

 Nous honnorons leurs reliques: voyes comme saint Augustin faict un long discours de tres certains miracles faictz aux reliques de saint Estienne; et la mesme encores en raconte il un, faict aux reliques de saint Gervais a Milan, d'un aveugle gueri, dequoy luy mesme faict le recit encores en ses Confessions, et sainct Ambroise..

  A001001387 

 Nous produisons le signe de la Croix contre le diable: et saint Gregoire Nazianzene tesmoigne que Julien l'Apostat, en un sacrifice faict aux idoles, voyant le diable, s'y signa de ce signe; le diable s'en fuit, le sorcier et magicien dict a l'apostat que le diable s'en fuyoit non par crainte mais par abomination; [325] Abominationi, dict il, illis fuimus, non terrori.

  A001001388 

 En nos eglises nous avons des vases sacrés: et saint Chrysostome raconte que Julien, oncle de Julien empereur, avec un certain tresorier, les desroba et prophana, mays Julien mourut incontinent, rongé par les vers, le tresorier creva sur la place..

  A001001389 

 Nous faysons conte du saint Chresme dont on oint les baptisés pour la sainte Confirmation: et saint Optatus Milevitain raconte que la phiole ou ampoulle du saint Chresme estant jettëe par les Donatistes sur des pierres, non defuit manus angelica quæ ampullam spiritali subvectione deduceret; projecta casum sentire non potuit..

  A001001390 

 Nous confessons humblement nos pechés aux superieurs ecclesiastiques: et saint Jan Climacus raconte que comme une personne tres vicieuse confessoit ses fautes, on vit un grand et terrible, qui rayoit d'un livre de contes les pechés, a mesure que cestuy ci les confessoit; par ce, dict le mesme Climacus, que la confession bien delivre de l'eternelle confusion..

  A001001391 

 Nous avons des images en nos eglises: mays qui ne sçait les grans miracles qui furent faitz au crucifiement d'une image de Nostre Seigneur, que les Juifz firent en Syrie en la ville de Berite? non seulement le sang en sortit, mays ce sang guerit quicomque en fut touché, de toutes sortes de maladies; c'est le grand saint Athanase qui le raconte..

  A001001392 

 Nous y avons de l'eau beniste et du pain benit: mays saint Hierosme raconte que plusieurs pour guerir les malades prenoyent du pain benit par saint Hilarion; et saint Gregoire dict que saint Fortunat guerit un homme qui en une cheute de cheval s'estoit rompu la jambe, par la seule aspersion de l'eau benite.

  A001001394 

 De quoy accuserons nous et luy et deux Evesques, Aurelius et Maximinus, quil apelle pour ses recors? sera ce d'ignorance, simplesse, facilité? ou de malice et imposture? est il homme, en nostre siecle, si impudent qui pense leur estre comparable, soit en vertu, soit en sçavoir, jugement et suffisance? ».

  A001001394 

 Je veux icy mettre une piece empruntëe: « Quand nous lisons dans Bouchet les miracles des reliques de saint Hilaire, passe; son credit n'est pas asses grand pour nous oster la licence d'y contredire: mais de condamner d'un train toutes pareilles histoires me semble singuliere impudence.

  A001001395 

 Dites, pour Dieu, ce quilz racontent est il pas tres possible a Dieu? et sil est possible, comme oserons nous nier quil n'ait esté faict, puysque [328] tant de grans personnages en tesmoignent? On m'a dict plus d'une fois, est ce article de foy de croire ces contes? Ce n'est voirement pas article de foy, mays article de sagesse et discretion; car c'est une bestise trop notoire et une tres sotte arrogance de donner des dementies a ces anciens et graves personnages, sans autre fondement que parce que ce quilz disent n'est pas sortable a nos conceptions: sera il donq dict que nostre petite cervelle bornera la verité et mensonge, et fera loy a l'estre et au non estre? [329].

  A001001409 

 Dieu est autheur en nous de la rayson naturelle, et ne hait rien de ce quil a faict, si que, ayant marqué nostre entendement de ceste sienne lumiere, il ne faut pas penser que l'autre lumiere surnaturelle quil depart aux fidelles, combatte et soit contraire a la naturelle; elles sont filles d'un mesme Pere, l'une par l'entremise de nature, l'autre par l'entremise de moyens plus hautz et eslevés, elles donques peuvent et doivent demeurer ensemble comme seurs tres affectionnëes.

  A001001409 

 Soit en nature soit sur nature, la rayson est tousjours rayson, et la verité, verité; aussy n'est ce que le mesme œïl qui voit es obscurités d'une nuict bien sombre a deux pas devant luy, et celuy qui voit au beau jour de mydi tout le cercle de son horison, mays ce sont diverses lumieres qui luy esclairent: ainsy est il certain que la verité, et sur nature et en [330] nature, est tousjours la mesme, ce sont seulement diverses lumieres qui la monstrent a nos entendemens; la foy nous la monstre sur nature, et l'entendement en nature, mays la vérité n'est jamais contraire a soymesme..

  A001001410 

 .. Item, nos sens ne se trompent pas sur leur propre object quand l'application est bien faitte, et nostre experience prise a part, simple et nüe, ne peut estre deceüe: ce sont propositions de la philosophie, qui ont ceste rayson bien asseurëe, c'est que Dieu est autheur de nos sens, et les dresse, comme saint ouvrier et infallible, a leur propre fin et but; ce sont certes premiers principes, que ceux qui les leveroyent nous leveroyent tout discours et rayson.

  A001001410 

 L'exemple nous fera bien entendre ces propositions.

  A001001411 

 De mesme, l'experience qui nous monstre que nous ne sçavons pas comme ces accidens sont sans leur naturelle substance, est tres veritable, mays si nostre jugement tire conclusion de la quil n'en soit rien, il se trompe et nous trompe encores; et nostre experience n'en peut mais, qui n'a point touché a ceste consequence..

  A001001412 

 L'experience donques et la connoissance des sens est tres veritable, mays les discours que nous en tirons nous trahissent: hors de la, qui combat la connoissance des sens et la propre experience, combat la rayson et la renverse, car le fondement de tout discours depend de la connoissance des sens et de l'experience.

  A001001419 

 Quand Calvin et Bucer nient que nous ayons aucune liberté en nostre volonté, non seulement pour les actions surnaturelles, mays encores pour les naturelles et es commerces purement humains, n'attaque il pas la rayson naturelle et toute la philosophie, comme luy mesme confesse, et tout d'un train l'experience, et de vous, si vous parles franchement, et de tout le reste des hommes?.

  A001001422 

 Et quand on dict que nous pechons « incités, poussés, necessités, par la volonté, ordonance, decret et predestination de Dieu, » n'est ce pas blasphemer contre toute rayson et contre la majesté de la supreme bonté? Ah, voyla la belle theologie de Zuingle, Calvin et Beze: At enim dices, dict Beze, dices, non potuerunt resistere Dei voluntati, id est, decreto: fateor; sed sicut non potuerunt, ita etiam noluerunt.

  A001001434 

 C'est icy la parfaite Communion des Saintz, car c'est la viande commune des Anges et saintes ames du Paradis et de nous autres, c'est le vray pain duquel tous les Chrestiens participent.

  A001001434 

 Ceste explication joint fort bien a la premiere parole du Simbole, la ou Credo nous oste toute la difficulté du discours humain.

  A001001434 

 L'Eglise, qui estant sainte ne peut induire a l'erreur, estant catholique n'est pas astreinte a ce miserable siecle, mays doit avoir son estendue en long des les Apostres, en large par tout le monde, en profondité jusqu'au Purgatoire, en hauteur jusqu'au ciel, a sçavoir, toutes nations, tous les siecles passés, les Saints canonizés et nos ayeulz desquelz nous avons esperance, les Prelatz, les Conciles recens et anciens, tout par tout chantent Amen, amen, a ceste sainte creance.

  A001001434 

 Sa conception d'une Vierge hors le cours naturel, ce quil n'a point dedaigné de s'y loger pour nous, ce quil est né avec penetration de dimension, action qui surmonte et outrepasse la nature d'un cors, m'asseure et de la volonté et du pouvoir.

  A001001434 

 Sa mort m'affermit, car, qui est mort pour nous, que ne fera il pas pour nous? Son sepulchre me console, et sa descente aux enfers, car je ne douteray point quil ne descente en l'obscurité de mon cors, etc. [337] Sa resurrection me ravive, car la nouvelle penetration de la pierre, l'agilité, subtilité, clarté, impassibilité de son cors n'est plus sujette aux loix trop grossieres de nos cervelles.

  A001001438 

 Dites moy donques, si la regle a besoin de reglement, qui la reglera? Ainsy le Simbole dict que Nostre Seigneur est descendu en enfer, et Calvin le veut regler a ce quil s'entende d'une descente imaginaire, l'autre le rapporte au sepulcre: n'est ce pas traitter ceste regle a la Lesbienne, et plier le niveau sur la pierre au lieu de tailler la pierre au niveau? Pour vray, comme saint Clement et saint Augustin l'appellent regle, aussy saint Ambroise l'appelle clef, mays sil faut une autre clef pour ouvrir ceste clef, ou la trouverons nous? monstres la nous; sera [ce] le cerveau des ministres, ou quoy? sera ce le Saint Esprit? mays chacun se ventera d'en avoir sa part.

  A001001439 

 Le Simbole seul ne dict rien a descouvert de la Consubstantialité, des Sacremens, et autres articles de la foy, mays comprend toute la foy radicalement et fondamentalement; principalement quand il nous enseigne de croire l'Eglise estre sainte et catholique, car par la il nous renvoÿe a ce qu'elle proposera.

  A001001445 

 Par exemple, ny a il pas plus de misericorde d'exhiber la realité de son Cors pour nostre viande, que de n'en donner que la figure, commemoration et manducation fiduciaire? n'est ce pas plus de justifier l'homme embellissant son ame par la grace, que sans l'embellir le justifier par une simple connivence ou non imputation? n'est ce pas une plus grande faveur de rendre l'homme et ses œuvres aggreables et bonnes, que de tenir seulement l'homme pour bon sans quil le soit en realité? n'est ce pas plus d'avoir layssé sept Sacremens pour la justification et sanctification du pecheur, que de n'en avoir laissé que deux, dont l'un ne serve de rien et l'autre de peu? n'est ce pas plus d'avoir laissé la puyssance d'absouvre en l'Eglise, que de n'en avoir point laissé? n'est ce pas plus d'avoir laissé une Eglise visible, universelle, signalëe, remarquable et perpetuelle, que de l'avoir layssé petite, secrette, dissipëe, sujette a corruption? n'est ce pas plus priser les travaux de Nostre Seigneur, de dire qu'une seule goutte de son sang suffisoit a racheter le monde, que de dire que s'il n'eut enduré les peynes des damnés il ni avoit rien de faict? la misericorde de Dieu n'est elle pas plus magnifiëe, de donner a ses Saintz la connoissance de ce qui se faict cy bas, le credit de prier pour nous, se rendre exorable a leurs intercessions, les avoir rendu glorieux des leur mort, que de les faire attendre et tenir « en suspens », comme parle Calvin, jusqu'au jugement, les rendre sourds a nos prieres et se rendre inexorable aux leurs? Cecy se verra plus clair en nos essais..

  A001001459 

 Et toutefois, je vous supplie que si vous me voyes combattre, abattre et en fin surmonter l'ennemy avec la seule Escriture, vous vous representies alhors ceste grande et honnorable suite de Martyrs, Pasteurs et Docteurs, qui ont tesmoigné par leur doctrine et au prix de leur sang que la doctrine pour laquelle nous combattons maintenant estoit la sainte, la pure, l'Apostolique, qui sera comme une surcharge de victoire: car, quand nous nous trouverions en pareille fortune avec nos ennemis, par la seule Escriture, l'ancienneté, le consentement, la sainteté de nos autheurs nous feroit tousjours triompher.

  A001001459 

 » Mays comme le chef respondit au chef, ainsy pouvons nous faire, nous autres membres, aux membres: nostre Chef repousa leur chef avec les passages mesme de l'Escriture; repousons les en semblable façon, et par des consequences solides et naifves, deduites de la Sainte Escriture, monstrons la vanité et piperie avec laquelle ilz veulent couvrir leurs conceptions des paroles de l'Escriture..

  A001001460 

 C'est ce que je pretens icy, mays briefvement; et [348] proteste que je produyray tresfidelement tout ce que je cuyderay estre de plus apparent de leur costé, puys par l'Escriture mesme les convaincray, affin que vous voyes que quoyque et eux et nous manions et nous armons de l'Escriture, nous en avons neanmoins la realité et droit usage, eux n'en ayant qu'une vayne apparence par maniere d'illusion; ainsy que non seulement Moise et Aaron, mays encores les magiciens animerent leurs verges et les convertirent en colœuvres, mays la verge d'Aaron devora les verges des autres.

  A001001469 

 Mays nous [allons] voir cecy cy apres; il suffit maintenant, contre l'insolence de Zuingle et autres qui ont voulu rejetter ce nom, que toute l'Eglise ancienne en aÿe usé: car ce n'est pas avec une plus grand'authorité que le mot de Trinité, Consubstantiel, Personne, et cent autres sont demeurés en l'Eglise comme saints et legitimes; et c'est une tres inutile et sotte temerité de vouloir changer les motz ecclesiastiques que l'antiquité nous a laissé, outre le danger quil y auroit, qu'apres le changement des motz on n'allast au change de l'intelligence et creance, comme on voit ordinayrement que c'est l'intention de ces novateurs de paroles.

  A001001469 

 Or, puysque les prætendus reformateurs, pour la plus part, quoy que ce ne soit sans gronder, layssent ce mot en usage par mi leurs livres, [350] amusons nous aux difficultés que nous avons avec eux sur les causes et les effetz des Sacremens, et voyons comm'ilz y mesprisent l'Escriture et les autres Regles de la foy..

  A001001475 

 Et quand a ce dernier, personne ne nia jamais que l'instruction ne doive preceder le Baptesme, a l'endroit de ceux qui en sont capables, suyvant la parole de Nostre Seigneur qui met l'instruction devant et le Baptesme apres; mays nous arrestans a la mesme parole, nous mettons l'instruction devant, a part, comme disposition requise en celuy qui a l'usage de rayson, et le Baptesme a part encores; dont l'un ne peut estre forme de l'autre, ni le Baptesme, de la prædication, ni la prædication, du Baptesme.

  A001001476 

 Les voyci: Qui crediderit et baptizatus fuerit; voyes vous la creance qui nait en nous par la prædication, separëe du Baptesme? ce sont donq deux choses distinctes, la prædication et le Baptesme.

  A001001476 

 Or toutefois, vos pretensions seroient en certaine façon plus tolerables, si nous n'avions en l'Escriture des raysons contraires, plus expresses que les vostres ne sont, hors de toute comparayson.

  A001001476 

 Que si en l'institution de ces divins misteres, et en la prattique mesme des Apostres, nous trouvons de la distinction entre la predication et les Sacremens, a quelles enseignes les confondrons nous? ce que Dieu a separé, pourquoy le conjoindrons nous? En ce point donques, selon l'Escriture, nous l'emportons tout quitte, et les ministres sont convaincus de violation de l'Escriture, qui veulent changer l'essence des Sacremens contre leur institution..

  A001001478 

 Nous disons que la forme des Sacremens est une parole [354] consecratoire, et de benediction ou invocation.

  A001001478 

 Or sus, voyla, selon les Regles de la foy, et principalement selon l'Escriture Sainte, comme vos ministres errent quand ilz vous enseignent que la prædication est forme des Sacremens: mays voyons si ce que nous en croyons est plus conforme a la sainte Parole.

  A001001478 

 Quomodo, dict le grand saint Ambroise, potest qui panis est Corpus esse Christi? consecratione; et plus bas: Non erat Corpus Christi ante consecrationem, sed post consecrationem dico tibi quod jam est Corpus Christi; et voyes le bien au long, mays je me reserve sur ce sujet quand nous traitterons de la sainte Messe..

  A001001479 

 Mays je veux finir par ceste signalëe sentence de saint Augustin: Potuit Paulus significando prædicare Dominum Jesum Christum, aliter per linguam suam, aliter per epistolam, aliter per Sacramentum Corporis et Sanguinis ejus: nec linguam quippe ejus, nec membranas, nec atramentum, nec significantes sonos lingua editos, nec signa litterarum conscripta pelliculis, Corpus Christi et Sanguinem dicimus; sed illud tantum quod ex fructibus terræ acceptum, et prece mistica consecratum, rite sumimus. Que si saint Augustin dict, Unde tanta vis aquæ ut corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verbo? non quia dicitur, sed quia creditur, nous ne disons rien au contraire: car, a la verité, les paroles de benediction et sanctification avec lesquelles on forme et parfaict les Sacremens, n'ont poinct de vertu sinon estant proferëes sous la generale intention et creance de l'Eglise; car si quelqu'un les disoit sans cette intention, elles seroient dites voirement, mais pour neant, par ce que, non quia dicitur, sed quia creditur.

  A001001485 

 Item, n'est pas requis que nous ayons ceste intention actuellement quand nous conferons le Sacrement, mays suffit qu'on puysse dire avec verité que nous faysons telle et telle ceremonie et disons telle et telle parole, comme jetter l'eau, disans, Je te baptise au nom du Pere, etc., en intention de faire ce que les vrays Chrestiens font et que Nostre Seigneur a commandé, quoy que pour lhors nous ne soyons pas en attention, et ny pensions pas precisement.

  A001001502 

 N'avons nous pas rayson, tous tant que nous sommes de domestiques et enfans de l'Eglise, de nous porter pour appellans, et nous plaindre de la partialité des juges, laissans a part, pour ceste heure, l'incompetence d'iceux? Donques nous appelions des juges non instruitz a eux mesmes instruitz, et des jugemens faictz partie non ouye, a des jugemens partie ouye, supplians tous ceux qui voudront juger sur ce different, de considerer nos allegations et probations d'autant plus attentivement, qu'il y gist, non de la condamnation de la partie accusee, qui ne peut estre condamnee par ses inferieurs, mays du damnement ou sauvement de ceux mesmes qui en jugeront..

  A001001508 

 Donques par le Purgatoire nous entendons un lieu ou les ames, pour un tems, sont purgees des taches et imperfections qu'elles emportent de ceste vie mortelle..

  A001001508 

 Et quand au sang de Nostre Seigneur, nous reconnoissons tellement la vertu d'iceluy, que nous protestons par toutes nos prieres que la purgation des ames, soit en ce monde soit en l'autre, ne se faict que par son application; plus jaloux de l'honneur deu a ceste pretieuse medecine que ceux qui, pour la [364] priser, en mesprisent le saint usage.

  A001001508 

 Nous sommes d'accord que le sang de nostre Redempteur est le vray purgatoire des ames, car en iceluy sont nettoyees toutes les ames du monde; dont saint Pol l'appelle, aux Hebreux, premier, purgationem peccatorum facientem: les tribulations aussi sont certains purgatoires, par lesquelz nos ames sont rendues pures comme l'or est affiné en la fournaise; Ecclesiastici 27, Vasa figuli probat fornax, justos autem tentatio tribulationis: la penitence et contrition est encores un certain purgatoire; dont David dict, au Psal. 50, Asperges me, Domine, hyssopo, et mundabor: on sçait bien aussi que le Baptesme, auquel nos pechés sont lavés, peut estre appellé purgatoire, et tout ce qui sert a la purgation de nos offenses; mays icy nous appelions Purgatoire, un lieu auquel, apres ceste vie, les ames lesquelles partent de ce monde avant qu'estre parfaictement espurees des souilleures qu'elles ont contractees, ne pouvant rien entrer en Paradis qui ne soit pur et net, sont arrestees pour y estre nettoyees et purifiees.

  A001001508 

 Nous soustenons donques que l'on peut prier pour les fideles trespassés, et que les prieres et bonnes actions des vivans les soulagent beaucoup et leur sont prouffitables; parce que tous ceux qui meurent en la grace de Dieu, et par consequent du nombre des esleus, ne vont pas tous de premier abord en Paradis, mays plusieurs vont au Purgatoire, ou ilz souffrent [363] une peyne temporelle, a la delivrance de laquelle nos prieres et bonnes actions peuvent ayder et servir.

  A001001515 

 elle a prouvé les aumosnes, prieres et autres saintes actions pouvoir soulager les trespassés; dont il s'ensuit qu'il y a un purgatoire, car: ceux d'enfer ne peuvent avoir aucun secours en leurs peynes; en Paradis, tout bien y estant, nous n'y pouvons rien porter du nostre pour ceux qui y sont desja; donques c'est pour ceux qui sont en un troisiesme lieu, que nous appelions Purgatoire..

  A001001519 

 Par plusieurs autres passages, avec diversité de consequences toutes neanmoins bien a propos; en quoy l'on doit d'autant plus deferer a nos Docteurs, que les passages qu'ilz alleguent maintenant ont esté apportés a ce mesme propos par ces grans Peres anciens, sans que pour defendre ce saint article nous soyons allés forger de nouvelles interpretations: qui monstre asses la candeur avec laquelle nous cheminons [366] en besoigne, la ou nos accusateurs tirent des consequences de l'Escriture qui n'ont jamais esté pensees cy devant, ains sont mises tout de frais en œuvre pour seulement combattre l'Eglise..

  A001001520 

 de toutes sortes d'autheurs; apres, nous apporterons des raysons, et en fin, nous amenerons les argumens de partie contraire, lesquelz nous monstrerons n'estre pas de mise: ainsy conclurons pour la creance de l'Eglise Catholique.

  A001001520 

 nous cotterons les passages de l'Escriture; puys, des Conciles; 3.

  A001001531 

 Nous sçavons bien qu'ilz l'entendent de la purgation qui se fera a la fin du monde par le feu et conflagration generale, la ou seront purgés les reliquatz des pechés de ceux qui se trouveront vivans; mais nous ne laissons pas d'en tirer un bon argument pour nostre Purgatoire, car, si les personnes de ce tems la ont besoin de purgation avant que de ressentir l'effect de la benediction du Juge supreme, pourquoy est ce que ceux qui meurent avant ce tems n'en auront encores besoin? puysqu'il s'en peut trouver qui auront a la mort quelque reliquat de leurs imperfections.

  A001001541 

 Mais outre ce, quand nous dirions que saint Pol use diversement d'un mesme mot en un mesme passage, ce ne seroit pas chose nouvelle, car il en use de ceste façon en autres lieux, mais si proprement que cela sert d'ornement a son langage, comme en la 2.

  A001001542 

 Le passage est difficile et malaysé, mays bien consideré il nous faict une manifeste conclusion pour nostre pretention..

  A001001549 

 argument que nous tirons de la sainte Parole pour le Purgatoire est prins du 2.

  A001001554 

 Il n'y a donques point de lieu de refuser le tesmoignage des Machabees en preuve d'une juste creance: que si, a tout rompre, nous le voulons prendre comme tesmoignage d'un simple mays grave historiographe, ce qu'on ne nous peut refuser, au moins faudra il confesser que la Sinagogue ancienne croyoit un Purgatoire, puysque toute ceste armee la fut si prompte a prier pour les defuncts..

  A001001555 

 Et a la verité nous avons des marques de ceste devotion en d'autres passages de l'Escriture, qui nous doit faciliter la reception de celuy que nous venons d'alleguer; en Tobie, 4.

  A001001556 

 Mays que penserions nous des jeusnes et austerités que faisoyent les Anciens apres la mort de leurs amis? Ceux de Jabes Galaad, apres la mort de Saul, jeusnerent sept jours sur iceluy; autant en fit David et les siens sur le mesme Saül, Jonathan et ceux de sa suite, au 1.

  A001001564 

 Or, qu'il y ait des pechés qui se pardonnent en l'autre monde, nous le prouvons, premierement, par le passage de saint Mathieu, au 12.

  A001001565 

 Et 1., nous trouvons des tres anciens [380] Peres qui ont dict que c'estoit en Purgatoire: Tertullien, libro De Anima, cap. 58; Cyprien, l. 4 epistolarum, 2; Origene, en l'homelie 35, sur ce lieu; Eusebe Emissene, en l'homelie 3 de l'Epiphanie; saint Ambroise, sur le chap. 12 de saint Luc; saint Hierosme, sur le 5.

  A001001565 

 L'adversaire sera nostre propre conscience, qui combat tousjours contre nous et pour nous, c'est a dire, qu'il resiste tousjours a nos mauvaises inclinations et a nostre viel Adam pour nostre salut, comme exposent saint Ambroise, Bede, saint Augustin, saint Gregoire et saint Bernard, en divers lieux.

  A001001565 

 Qui ne voit qu'en saint Luc 12, la comparaison est tiree non d'un homicide, ou de quelque criminel qui ne peut avoir esperance de son salut, mais d'un debiteur qui est mis en prison jusques a payement, lequel estant faict, incontinent il est mis dehors? Voicy donques l'intention de Nostre Seigneur: que, pendant que nous sommes en ce monde, nous taschions par la penitence et ses fruictz de payer, selon la puissance que nous en avons par le sang du Redempteur, la peyne a laquelle nos pechés nous ont obligés; puysque, si nous attendons la mort, nous n'en aurons pas si bon conte au Purgatoire, ou nous serons traittés a la rigueur..

  A001001567 

 Ainsy est exposé ce passage par saint Ambroise, et par saint Augustin, [382] l. 21 de la Cité de Dieu, chap. 27; mais la parabole de laquelle use Nostre Seigneur est trop claire pour nous laisser douter de ceste interpretation, car la similitude est prise d'un econome lequel, estant desmis de son office et appauvri, demandoit secours a ses amis, et Nostre Seigneur apparie l'estre desmis a la mort, et le secours demandé aux amis, a l'ayde que l'on reçoit, apres la mort, de ceux auxquelz l'on a faict l'aumosne; ceste ayde ne se peut recevoir par ceux qui sont en Paradis ou en enfer, c'est donques par ceux qui sont en Purgatoire..

  A001001567 

 Defaillir, qu'est ce autre que mourir? et les amis, que sont ilz autre que les Saints? les interpretes l'entendent tous ainsy; dont il s'ensuit deux choses, et que les Saints peuvent ayder les hommes trespassés, et que les trespassés peuvent estre aydés des Saints: car a quel autre propos peut on entendre ces paroles, facite amicos qui recipiant? il ne se peut entendre de l'aumosne, car souventefois l'aumosne est bonne et sainte, et toutefois ne nous acquiert pas des amis qui nous puissent recevoir en eternelz tabernacles, comme quand elle est faicte a des personnes mauvaises avec sainte et droitte intention.

  A001001573 

 Aux cieux on trouve asses de genoux qui flechissent au nom du Redempteur, en terre l'on en trouve beaucoup en l'Eglise militante; mays en enfer, ou est ce que nous en trouverons? David se desfie d'y en trouver aucun quand il dict, In inferno autem quis confitebitur tibi? Ps.

  A001001577 

 Nostre Seigneur nous baille la regle en son Evangile comme on se doit comporter en semblables occasions: Si peccaverit in te frater tuus, etc., die Ecclesiæ; si quis Ecclesiam non audiverit, sit tibi tanquam ethnicus et publicanus. Oyons donques ce que dict l'Eglise en cest endroit: en Afrique, au Concile de Carthage 3, c. 29, et au 4., c. 79; en Espaigne, au Concile Bracarense, c. 34 et 39; en France, au Concile de Chalon, comme il est rapporté De Consec., dist.

  A001001584 

 Mays certes, Calvin nous delivre de ceste peyne, l. 3 de ses Instit., c. 5.

  A001001584 

 Tous les anciens Peres l'ont creu, et attesté que c'estoit la foy Apostolique; voicy les autheurs que nous en avons: entre les disciples des Apostres, saint Clement et saint Denis; apres, saint Athanase, saint Basile, saint Gregoire Nazianzene, Ephrem, Cyrille, Epiphane, Chrysostome, Gregoire Nyssene, Tertullien, Cyprien, Ambroise, Hierosme, Augustin, Origene, Boece, Hilaire, c'est a dire, toute l'antiquité, mesme devant douze centz ans que tous ces Peres ont vescu: desquelz il m'eust esté tres aysé d'apporter les tesmoignages, qui sont recueillis exactement es livres de nos Catholiques, au livre de Canisius, en son Catechisme, de Sanderus, De visibili Monarchia, de Genebrard, en sa Chronologie, de Bellarmin, en sa Controversie du Purgatoire, de Stapleton, en son Promptuaire; mays sur tous qui voudra voir au long et fidellement cités les passages des Peres anciens, quil prenne en main l'œuvre de Canisius reveu par Busæus.

  A001001584 

 Voila donq comme nous sommes au chemin des saints et anciens Peres quand a cest article du Purgatoire.

  A001001584 

 § 10, ou il dict ainsy: Ante 1300 annos usu receptum fuit ut precationes fierent pro defunctis, et par apres adjouste: sed omnes, fateor, in errorem abrepti fuerunt; nous n'avons donq que faire de chercher le nom et le lieu des anciens Peres pour prouver le Purgatoire, puysque, pour se mettre en conte, Calvin les met en zero.

  A001001616 

 Nous soubsigné, Guilliaume de Blancheville, Seigneur et Baron d'Heiry, Cornillion, Martod, Gerbaix, la Salle, Ennuis ( Annuits ), Gilly, etc., Conseiller d'Estat de S. A. R., Premier President au Souverain Senat de Savoye et commandant generalement en Savoye en l'absence de M me Rle, Declairons que le livre de l'Authorité de sainct Pierre est tout du B. H. François de Salle, et l'autre, qui est escript de la main de son secretaire, est corrigé de la main dudict Bien-heureux.

  A001001625 

 En foy dequoy nous avons signé la presente declaration, et faict applicquer nostre seel..

  A001001625 

 Nous soubsigné, Pierre Anthoine de Castagnery, Baron de Chasteauneufz, Conseiller d'Estat de S. A. R., President en sa Souveraine Chambre des Comptes de Savoye et Generallissime de ses finances, Declairons que le livre de l'Hautorité de sainct Pierre est tout du B. H. François de Salles, et l'autre, qui est escrit de la main de son secretaire, est corrigé de la main dudict Bien-heureux.

  A001001635 

 En foy de quoy nous avons signé la presente declaration, et faict applicquer nostre seel..

  A001001635 

 Nous soubsigné, Claude Ducret, Conseillier d'Estat de S. A. Rle, Premier Senateur au Souverain Senat de Savoye, a tous qu'il appartiendra sçavoir faisons, qu'aiant veu, leu et visité le livre de l'Hauthorité de sainct Pierre, contenant douze cayers, Declairons [392] que le tout est escrit de la main du B. H. François de Salles.

  A001001648 

 Ce que nous affermons pour avoir leu grande quantité de ses escritz et signatures.

  A001001648 

 En foy de quoy nous avons dicté la presente declaration a nostre secretaire, par nous signée, et par luy contresignée, et sellée de nos Armes..

  A001001648 

 Nous, François Delapesse Viallon, Seigneur dudit lieu, des Serrieres et de Sainct Marcel, prestre, Docteur es Droictz, Conseiller de S. A. R. et Maistre ordinaire en la Souveraine Chambre des Comptes de Savoye, Declarons avec serment, avoir veu soigneusement le traicté de la Primauté de sainct Pierre et des Marques de la vraye Esglise, contenant quinze cayers en feuillies; les douze premiers desquels sont tous escriptz de la main du Venerable Evesque de Geneve, François De Sales, que nous estimons Bienheureux, sauf le respect que nous devons au Sainct Siege, et les trois derniers sont escriptz par un sien secretaire dont nous ne recognoissons pas l'escriture, mais seulement qu'en divers endroitz il y a de la main dudit Venerable Prelat, par continuation ou correction.

  A001001667 

 De plus, avoir veu trois aultres cayers escripts par aultre main, sauf trois pages bien par nous recogneues estre escriptes par la main dudict feu Reverendissime Evesque, lesquels cayers traictent aussy desdictes controverses.

  A001001667 

 Nous, Pierre François Jaÿ, Docteur en Theologie, Chantre et Chanoine de l'eglise Cathedrale de S t Pierre de Geneve, Vicaire general et Official de Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime Charles Auguste de Sales, Evesque et Prince de Geneve, Attestons, a tous quil appartiendra, avoir veu douze cayers, tant gros que petits, avoir bien recogneu iceux avoir esté escripts de la main propre de feu Illustrissime et Reverendissime François de Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve, de tres heureuse et louable memoire; dans lesquels cayers est traicté de plusieurs poinctz de controverses contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'authorité de nostre Sainçt Pere le Pape, comme [394] Vicaire de Nostre Sauveur et successeur de sainct Pierre.

  A001001677 

 De plus, avoir veu trois aultres cayers escripts par aultre main, sauf trois pages par nous recognues estre escriptes par la main dudict feu Reverendissime Evesque, lesquels cayers traictent aussi desdites controverses.

  A001001677 

 Nous, Jean Claude Jarsellat Bébin, Docteur es Droicts, Chanoine de l'église Cathedrale S t Pierre de Geneve, Officiai a la partie de France de l'Evesché, Attestons, a tous quil appartiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petits, et avoir bien recogneu iceux avoir estés escripts de la main propre de feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve; dans lesquels cayers est traicté de plusieurs poincts de controverses contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'authorité de nostre Sainct Pere le Pape.

  A001001687 

 Attestons encor avoir veu trois autres cayers escritz par autre main que la siene, a la reserve de trois pages par nous reconues avoir esté escriptes par la propre main du dict François De Sales, lesquelz cayers traictent aussy de semblables controverses contre les heretiques.

  A001001687 

 En foy de quoy nous avons soubsigné la presente attestation de nostre propre main, avec apposition de nostre seel ordinaire..

  A001001687 

 Nous, Don Charles François Chastenoux, Docteur en Theologie, Prevost des Reverends Peres Barnabittes fondés en la ville de Thonon dans la Duché de Chablais, Attestons, a tous qu'il appartiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petitz, et avoir bien reconuz iceux avoir estés escritz de la propre main et caractere de feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve, dans lesquelz cayers est traicté de [395] plusieurs poinctz de controverse contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'auctorité de nostre Sainct Pere le Pape.


02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html
  A002000125 

 L'ennemy de la Croix avec lequel j'entreprens de combattre dit ainsy son advis sur ce sujet (et les autres de son parti ne disent pas mieux): «... nous croyons de cœur et confessons de bouche que Dieu seul doit estre servi et honoré... De faict, combien que nous puissions honorer les uns les autres civilement, suivant ce qui est commandé aux [7] inferieurs d'honorer leurs superieurs, si est-ce que quand il est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non accordantes de donner tout honneur à un seul Dieu et à son Fils, et en departir une portion à aucun homme, ou à la croix materielle, ou à creature qui soit.

  A002000125 

 Nous voyci en difficulté avec nos religionnaires.

  A002000128 

 Nous devons honneur et respect aux superieurs ecclesiastiques, quelz qu'ilz soyent; et quel honneur peut-ce estre sinon religieux et conscientieux, puysque la qualité pour laquelle on les honnore n'a autre [9] cause ni sujet que la religion et conscience? Les offices et maistrises ecclesiastiques sont toutes autres que les politiques; elles tendent a diverses fins et par divers moyens.

  A002000129 

 Disons un mot de l'honneur deu aux Saintz: quelle condition defaut-il aux habitans de ceste heureuse Hierusalem pour ne devoir estre honnorés par nous autres mortelz? Pour vray, le moindre d'eux excelle de beaucoup le premier d'entre nous (comme Nostre Seigneur dit de saint Jean); ilz sont nos superieurs couronnés de gloire, constitués sur tous les biens de leur Seigneur, amis indubitables et plus proches courtisans d'iceluy, qui partant nous doivent estre tres honnorés aussi bien qu'a David.

  A002000129 

 Ilz sont nos citoyens et patriottes, jointz avec nous par beaucoup plus de charité que nous ne sommes entre nous autres.

  A002000129 

 On ne peut invoquer celuy avec lequel on n'a point d'accointance ni de commerce, ou qui ne nous entend pas; mays on le peut bien aymer, par consequent honnorer, car l'un ne va pas sans l'autre.

  A002000129 

 Quelle rayson donques y [10] peut-il avoir pour ne les honnorer pas? Certes, quand nous n'aurions autre communion avec eux que la seule charité, puysqu'ilz nous devancent en tant de perfections, ce seroit asses pour les nous rendre honnorables.

  A002000132 

 Dire donques qu'il faut honnorer Dieu d'autre honneur que du souverain, c'est dire que l'excellence divine est autre que souveraine, [11] puysque l'honneur n'est autre que la protestation de l'excellence de celuy qu'on honnore, comme nous dirons sur la fin de ceste defense.

  A002000142 

 Nous honnorons jusques aux plus simples appartenances des princes et roys, parce que nous honnorons beaucoup leurs personnes; mays nous ne tenons pas ce respect a l'endroit des personnes que nous honnorons moins.

  A002000144 

 Or Dieu, quoy qu'extremement jaloux, non seulement permet, mais commande que nous aymions les creatures, avec ceste seule condition que ce soit pour l'amour de luy.

  A002000144 

 Pourquoy seroit-il jaloux de nous voir honnorer les mesmes creatures a mesme condition, puysqu'il n'est jaloux de son honneur que comme d'une dependance de son amour? Au contraire, comme la jalousie de Dieu requiert que nous l'aymions tant et si parfaitement que pour l'amour de luy nous aymions [15] encor les creatures, aussi veut-il que nous l'honnorions tant que pour son honneur nous honnorions encor les creatures.

  A002000156 

 Qu'il faut « concevoir la toute-puissance de Dieu par ce qui nous apparoist de la volonté d'icelui, suivant ce qui est dit au Pseaume: Dieu a fait tout ce qu'il a voulu.

  A002000170 

 Nous estimons que ceux qui ont ici apporté et divulgué les deux escrits qu'ils font voler en forme de plaquars, ont voulu faire plorer et gemir plusieurs bons Chrestiens d'entre nous.

  A002000170 

 Or il la propose luy mesme en ceste sorte: « Necessité nous est imposee de parler de l'abus insupportable commis touchant la Croix, afin que tous apprennent comment il se faut munir contre le poison de l'idolatrie que le diable vient à vomir derechef en ce temps et en ce voisinage, se servant du bastellage de certains siens instrumens qui, et par paroles et par escrits, taschent à rebastir l'idolatrie, comme les murs de Jericho qui par la voix des trompettes de Dieu sont tombez, dés bon nombre d'annees en ces quartiers.

  A002000171 

 Dequoy tous tant que nous sommes des membres d'iceluy devons rendre graces immortelles a la Bonté celeste, sans laquelle nous pouvons bien dire que ceste eau maligne nous eust abismés..

  A002000175 

 Combattons, Messieurs, tous ensemble sous la tres [29] sainte enseigne de la Croix, non seulement crucifians la vanité des raysons heretiques par l'opposition de la sainte et saine doctrine, mais crucifians encor en nous le viel Adam avec toutes ses concupiscences: affin que renduz conformes a l'image du Filz de Dieu, lhors que cest Estendart de la Croix sera planté sur les murailles de la Hierusalem celeste, en signe que toutes les richesses et magnificences d'icelle seront exposees au butinement de ceux qui auront bien combattu, nous puissions avoir part a ces riches despouïlles que le Crucifix promet pour recompense a la violence de ses soldatz, qui est le bien de l'heureuse immortalité.

  A002000186 

 Entendes donques tous-jours quand je parleray de la Croix, de sa vertu et de son honneur, que c'est de celle de Jesus Christ de laquelle je traitte: donq j'admire le traitteur qui presuppose que nous separions la Croix de Jesus Christ d'avec Jesus Christ mesme, sans aucune dependance d'iceluy.

  A002000186 

 » Voyla un bien temeraire juge de nostre suffisance, qui croit qu'une distinction si aysee et frequente nous soit inconneuë.

  A002000188 

 Et c'est ce que saint Pol enseigne, quand il ne veut que personne s'attribue l'honneur pastoral sinon celuy qui est appelle de Dieu, comm'Aaron: car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse, si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de Aaron immediatement, mays Moyse, auquel Dieu fit ce commandement: Parle a luy, et luy metz mes paroles en sa bouche; et je seray en ta bouche et en la sienne. Que si nous considerons les paroles de saint Pol, nous apprendrons mesme, 5.

  A002000189 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A002000189 

 Or la parole de Nostre Seigneur nous oste de toutes ces difficultés, qui a edifié son Eglise sur un si bon fondement, et avec une proportion si bien entendue, que les portes d'enfer ne prævaudront jamais contre elle.

  A002000189 

 Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour mons trer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A002000198 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A002000201 

 En fan, vos ministres auroyent bonne grace silz vouloient s'usurper le pouvoir de prophetes, eux qui n'en ont jamais eu le don ni la lumiere: ce seroit plustost a nous, qui pourrions produire infinité des propheties des nostres; comme de saint Gregoire Taumaturge, au rapport de saint Basile, de saint Anthoine, tesmoin Athanase, de l'abbé Jan, tesmoin saint Augustin, de saint Benoist, saint Bernard, saint François et mill'autres.

  A002000201 

 Si donques il est question entre nous de l'authorité prophetique, elle nous demeurera, soit elle ordinaire ou extraordinaire, puysque nous en avons l'effect, non pas a vos ministres qui n'en ont jamais faict un brin de preuve: sinon quilz voulussent appeller propheties la vision de Zuingle, au livre inscrit, Subsidium de Eucharistia, et le livre intitulé, Querela Lutheri, ou la prædiction quil fit, l'an 25 de ce siecle, que sil præchoit encor deux ans il ne demeureroit ni Pape, ni prestres, ni moynes, ni clochers, ni Messe.

  A002000214 

 Les adversaires, voyans bien qu'a ceste touche leur doctrine seroit reconneüe de bas or, ont tasché par tous moyens de nous divertir de ceste preuve invincible que nous prenons es marques de la vraÿe Eglise, et partant ont voulu maintenir que l'Eglise est invisible et imperceptible, et par consequent irremarquable.

  A002000216 

 Ayes patience, au nom de Dieu; nous irons par ordre et briefvement, monstrant la vanité de ces opinions..

  A002000216 

 Tous ces discours ressentent le mal de chaud; ce sont des songes qu'on faict en veillant, qui ne valent pas celuy que Nabuchodonosor fit en dormant; aussy luy sont ilz du tout contraires, si nous croyons a l'in terpretation de Daniel: car Nabuchodonosor vit une pierre taillëe d'un mont sans œuvre de mains, qui vint roulant et renversa la grande statue, et s'accreut tellement que devenue montaigne elle remplit toute [41] la terre; et Daniel l'entendit du royaume de Nostre Seigneur qui demeurera æternellement.

  A002000219 

 J'entens parler de l'Eglise militante de laquelle l'Escriture nous a laissé tesmoignage, non de celle que proposent les hommes.

  A002000220 

 Nostre Seigneur et Maistre nous renvoÿe a l'Eglise en nos difficultés et dissentions; saint Pol enseigne son Timothee comm'il faut converser en icelle, il fit apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne, il leur remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour regir l'Eglise, il est envoyé par l'Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l'Eglise, il confirmoit les Eglises, il constitue des prestres par les Eglises, il [43] assemble l'Eglise, il salue l'Eglise en Cæsaree, il a persecuté l'Eglise.

  A002000221 

 Que dira l'on aux propheties, qui nous repræsentent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique? Ilz la depeignent comm' une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une belle varieté d'enrichissemens, comm' une montaigne, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, comme l'arc en ciel, tesmoin fidele et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis..

  A002000227 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A002000227 

 Les anciens Juifz comm'entroyent ilz sur le roole du peuple de Dieu? par la circoncision, signe visible; nous autres, par le Baptesme, signe visible.

  A002000227 

 Les anciens par qui gouvernés? par les prestres Aaroniques, gens visibles; nous autres, par les Evesques, personnes visibles.

  A002000227 

 Les anciens par qui prechés? par les Prophetes et docteurs, visiblement; nous autres, par nos pasteurs et prædicateurs, visiblement encores.

  A002000227 

 Les anciens quelle manducation religieuse et sacrëe avoyent ilz? de l'aigneau Paschal, de la manne, tout est visible; nous [46] autres, du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, signe visible quoy que de chose invisible.

  A002000231 

 Maintenant, si on dict que la loy Evangelique a esté donnée dans les cœurs interieurement, non sur les tables de pierre exterieurement, comme dict Hieremie, on doit respondre, qu'en l'interieur de l'Eglise et dans son cœur est tout le principal de sa gloire, qui ne laysse pas de rayonner jusques a l'exterieur qui la faict voir et reconnoistre; ainsy quand il est dict en l'Evangile, que l'heur'est venue quand les vrays adorateurs adoreront le Pere en esprit et verité, nous sommes enseignés que l'interieur est le principal, et que l'exterieur est vain s'il ne tend et ne se va rendre dans l'interieur pour s'y spiritualizer..

  A002000232 

 Et tout ce qui se dit de la robbe de Nostre Seigneur se lit de sa Croix avec une esgale asseurance, puysque la mesme Eglise qui nous enseigne ce qui se lit de sa robbe nous preche ce qui se dit de la Croix.

  A002000232 

 Mays jamais Catholique ne dit cela. Nous disons seulement que la Croix, comme plusieurs autres choses, a une vertu assistante qui n'est autre que Dieu mesme, qui, par la Croix, fait les miracles quand bon luy semble en tems et lieu, ainsy qu'il le declaira luy mesme de sa robbe quand il guerit ceste pauvre femme; car il ne dit pas: j'ay senti une vertu sortie de ma robbe, mays, j'ay apperceu une vertu sortir de moy; et tout de mesme n'avoit-il pas dit: qui est-ce qui a touché ma robbe? mays plustost, qui est-ce qui m'a touché? Comme donq il advoüa que toucher sa robbe par devotion c'est le toucher luy mesme, aussi fait-il sortir de luy la vertu necessaire a ceux qui touchent sa robbe.

  A002000232 

 Que ce traitteur donq cesse de dire que nous attribuons a la Croix la [49] vertu qui est propre a Dieu: car la vertu propre a Dieu luy est essentielle, la vertu de la Croix luy est assistante; Dieu est agissant en sa vertu propre, la Croix n'opere qu'en la vertu de Dieu; Dieu est le premier autheur et mouvant, la Croix n'est que son instrument et outil.

  A002000232 

 » Et semblables autres paroles respandues en tout son traitté, par ou il veut faussement persuader que nous attribuons a la Croix une vertu en elle mesme, independante et inherente.

  A002000240 

 [51] Le mont de Sinaÿ, le temple de Salomon, l'Arche de l'alliance et cent autres lieux, esquelz la majesté de Dieu s'est monstree, sont tous-jours demeurés venerables en l'ancienne Loy: comme devons-nous donques philosopher du saint Bois sur lequel Dieu a comparu tout embrasé de charité, en holocauste pour nostre nature humaine? La presence d'un Ange sanctifie une campaigne, et pourquoy la presence de Jesus Christ, seul Ange du grand conseil, n'aura-elle sanctifié le saint bois de la Croix?.

  A002000242 

 Helisee garda soigneusement le manteau de Helie, et le tint pour honnorable instrument de miracle: pourquoy n'honnorerons-nous le bois duquel Nostre Seigneur [52] s'affeubla au jour de son exaltation et de la nostre? Que dires-vous de Jacob qui adora le bout de la verge de Joseph? n'eust-il pas honnoré la verge et sceptre du vray Jesus? Hester baysa le bout de la baguette d'or de son espoux, et qui empeschera l'ame devote de bayser par honneur la baguette du sien? Je sçai la diversité des leçons que l'on fait sur le passage de saint Paul, mais aussi sçai-je que celle-la de la Vulgaire est la plus asseuree et naïfve, mesme estant rapportee et confrontée avec ce qui est dit d'Hester; aussi est-elle suivie par saint Chrysostome..

  A002000244 

 C'est son exaltation, c'est le temple de ses trophees, auquel il affigea comme une riche despouïlle la cedule du decret qui nous estoit contraire..

  A002000245 

 N'est-ce pas chose bien remarquable que Nostre Seigneur a voulu prendre un de ses noms de la Croix, voulant qu'il luy demeurast perpetuel, voire apres sa resurrection, et comme la Croix est appellee Croix de Jesus, qu'aussi Jesus fust nommé Jesus crucifié? Cherches-vous Jesus de Nazareth crucifié? Nous prechons Jesus crucifié.

  A002000253 

 C'est donques icy une preuve tiree du fait de nos devanciers, laquelle presuppose que la vraye Croix de Nostre Seigneur (car c'est celle-la de laquelle nous parlons) leur soit venue a notice; ce qu'aussi le traitteur tasche de nier le plus pertinemment qu'il luy est possible.

  A002000253 

 Ce traitteur, oubliant ce qu'il a dit icy, ailleurs parle en ceste sorte: « Nous ne nions pas que, pour authorizer la predication de l'Evangile rejettee alors par les payens ayans la vogue presque par tout le monde, Dieu n'ait fait des miracles au nom de Jesus Christ crucifié.

  A002000253 

 J'ay monstré cy devant combien la Croix a de vertu, et combien nous avons de devoir de l'honnorer, par les consequences tirees a droit fil des saintes Escritures, ou, comme vous aves veu, je n'ay pas eu beaucoup de peyne a respondre aux argumens de ma partie, puysque ayant fait toutes ses propositions negatives, protestant de ne vouloir rien croire que ce qui est escrit, il n'a toutefois produit qu'un passage de l'Escriture, employé en un sens tres impertinent.

  A002000253 

 Maintenant donques, nous entrons en une seconde maniere de prouver la vertu et l'honneur de la Croix, c'est a sçavoir, par le tesmoignage de ceux, par l'entremise desquelz et l'Escriture et tout le Christianisme est venu jusques a nous, c'est a dire des anciens Peres et premiers Chrestiens, avec lesquelz le traitteur fait semblant d'avoir eu grand commerce, tant il discourt a playsir de ce qu'ilz ont dit.

  A002000258 

 Le traitteur donq vient a sa seconde rayson, et nous recharge bien vivement, a son advis.

  A002000259 

 Et disons encor qu'ilz la pouvoyent brusler; mays nous admirons d'autant plus la Providence supreme qui n'a pas permis la perte de ce sien Estendart..

  A002000259 

 Mais ce n'est que pour embrouiller que ce traitteur dit ceci, car nous ne disons pas que ce soyent les amis de la Croix qui l'ont ainsy enterree, ains plustost les ennemis d'icelle, affin d'en abolir la memoire, l'ont ainsy cachee.

  A002000259 

 Ni ne disons pas que ces mesmes ennemis ne l'ayent peu jetter en mer; au contraire nous disons qu'ilz l'ont peu jetter dans la mer, nonobstant la distance qui est entre le port de Japhet et la ville de Hierusalem, ou avec peyne ou sans peyne, par le moyen des rivieres qui l'eussent regorgee dans la mer.

  A002000262 

 « La saincte histoire, » replique le traitteur, « nous enseigne bien une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, en ce qu'ils ont rejetté la predication de l'Evangile... » Voyla pas une belle rayson? Je confesse que celle-la est une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, mais il ne s'ensuit pas qu'ilz n'ayent tenu encor celle qui est recitee par ces anciens Peres; car l'une n'est pas contraire a l'autre, mays s'entresuivent..

  A002000263 

 Et de fait, comme auroit-il dit que par la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, luy qui, es Questions qu'il a escrittes a Antiochus, dit par expres ces paroles: « Certes, nous adorons la figure de la Croix composee de deux bois »? Je sçai bien que le traitteur se voudra couvrir de la commune opiniastreté avec laquelle les Reformeurs veulent maintenir qu'idole et [65] image n'est qu'une mesme chose; mais certes, c'est une trop grande ineptie, car par la on pourroit dire que Jesus Christ est une idole, puysqu'il est appellé disertement image de Dieu en l'Escriture.

  A002000264 

 L'absurdité est toute pareille quand il dit que « les noms des idoles ont esté changez, mais les choses sont demeurees au Christianisme »; car, a ce conte-la, ce que nous appelions Jesus Christ ne sera autre que le Jupiter des payens, et le baptesme de Calvin, Beze et telz autres qui furent baptizés parmi les Catholiques sous le nom de la sainte Trinité, ne sera fait en realité qu'au nom et en la vertu de quelques idoles.

  A002000264 

 La vehemence du mal-talent que ces reformeurs ont contre l'Eglise Catholique les offusque tellement, que pour nous courir sus ilz vont fondre dans ces precipices.

  A002000264 

 Mais cecy soit dit en passant, pour descharger la croyance que l'antiquité [66] nous a faitte du sousterrement et conservation du bois de la Croix, des calomnies et reproches que luy fait ce traitteur..

  A002000277 

 Crucis, qui ne fait rien contre nous, puysque les Catholiques ne tiennent pas ce disciple pour maistre de leur foy; et ne disons pas que quelque particulier Catholique ne puisse avancer quelque chose mal asseuree, mais cela ne prejudicie point a la foy publique de l'Eglise. Cependant Discipulus ne baille pas ce conte-la pour chose asseuree, mais proteste de l'avoir pris du livre apocriphe de Nicodeme, ce que le traitteur a dissimulé.

  A002000281 

 Or le traitteur fait semblant d'ignorer tout cecy; et quant au premier usage, qui est de representer la Passion, il en parle en ceste sorte: « Si par le mot de croix nous entendons les souffrances que le Fils de Dieu a portees en son corps et en son ame, ayant esté rempli de douleurs, comme dit Esaye, chap. 53, et ayant esté contristé en son ame jusques à la mort, voire ayant beu la coupe de l'ire de Dieu, à cause dequoy il a crié: mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? il est certain que telles souffrances [75] ne se peuvent representer, car nos sens ne les sauroyent comprendre; mais par la foy nous entendons qu'elles sont infinies et indicibles, pourtant nous disons en nostre symbole que nous croyons que Jesus Christ a souffert, qu'il a esté crucifié, mort et enseveli, et est descendu aux enfers: que si cela est indicible, il est aussi irrepresentable.

  A002000282 

 [76] Ainsy les cieux nous representent et annoncent la gloire de Dieu; ainsy les Cherubins, quoy qu'invisibles et surmontans de bien loin la capacité de nos sens, n'ont pas laissé d'estre representés en l'ancienne Loy..

  A002000284 

 Autrement, ni Dieu, ni sa gloire ne sont pas du tout indicibles, car ilz seroyent incroyables, puysque nous ne croyons que par l'ouÿe..

  A002000284 

 Le traitteur donq ne peut pas dire que les souffrances de Nostre Seigneur sont irreprensentables pour estre infinies, et moins encor pour estre indicibles; car Dieu, qui est infini, ne laisse pas de nous estre representé en plusieurs sortes, et sa gloire mesme, quoy qu'elle soit indicible quant a la grandeur de ses perfections.

  A002000285 

 Les choses sont representees par leurs effectz, par leurs ressemblances, par leurs causes, et en fin, par tout ce qui en resveille en nous la souvenance; car tout cela nous rend les choses absentes comme presentes..

  A002000290 

 Les Anciens, ayans consideré les raysons que nous avons tirees cy devant de l'Escriture Sainte pour l'honneur et vertu du bois de la sainte Croix, et ayans esté asseurés de grand nombre de miracles que Dieu avoit fait en iceluy et par iceluy, ilz l'ont employé comme une defense et rempart contre toutes sortes d'adversités..

  A002000294 

 » Et ailleurs, parlant de la Passion: « Si je la niois, » dit-il, « le Calvaire duquel nous sommes tous proches me convaincra, le bois de la Croix me convaincra, lequel des ici a esté espars en tout l'univers par petites pieces.

  A002000294 

 » Saint Chrysostome parle ainsy, et saint Cyrille de Hierusalem, parlant des tesmoignages de Jesus Christ: « Le bois de la Croix en tesmoigne, » dit-il, « qui apparoist entre nous jusques aujourd'huy, et entre ceux lesquelz, prenans d'iceluy selon la foy, en [83] ont rempli des ce lieu presque tout le monde.

  A002000333 

 Je concluray donques avec Justinien l'Empereur, que ç'a esté pour nous que la Croix a esté trouvee.

  A002000333 

 Peut estre respondra-il que cependant ilz n'attribuent rien a la sainte Croix ou au seul signe d'icelle; mays nous avons ja protesté que la Croix n'est que l'instrument de Dieu es œuvres miraculeuses, si que d'elle mesme elle n'a point de proportion avec telles operations; le cas est tout semblable en la robbe de Nostre Seigneur et es os d'Helisee.

  A002000333 

 « Heleine, » dit-il, « mere de Constantin le Grand, femme tres devote, nous a trouvé le sacré signe des Chrestiens.

  A002000340 

 Nous avons veu que l'Empereur Constantin en mit une dans sa propre statue en un lieu fort honnorable de Constantinople, comme une sainte defense de toute la ville.

  A002000340 

 Saint Chrysostome nous a tesmoigné qu'on enchassoit les autres en or, et les pendoit-on au col par honneur; saint Gregoire Nissene nous a dit que sainte Macrine en portoit une dans une croix d'argent.

  A002000340 

 Saint Paulin envoya une petite piece d'icelle a saint Sulpice pour la consecration d'une Eglise: « Nous avons trouvé, » dit-il, « dequoy vous envoyer pour la sanctification du temple, et pour combler la benediction des saintes reliques, c'est a sçavoir, une partie d'une petite piece du bois de la divine [88] Croix.

  A002000362 

 N'estant moins que son tout a tous nous venerable..

  A002000364 

 Nous arriva jadis, par le devot bienfait.

  A002000366 

 Qui d'un si riche don ne nous fut point avare..

  A002000393 

 Parce que les Anciens estimoyent de beaucoup s'entre honnorer quand ilz se donnoyent les uns aux autres des pieces de la Croix par present, comme nous avons veu d'Heleine et de Constantin, de sainte Meleine et de Paulin et de Sulpice.

  A002000444 

 Deux colombes en sus monstrent qu'il nous faut croire.

  A002000454 

 « Fais, Dieu, que par ta Croix nous mourions tous au monde,.

  A002000455 

 Fais que le monde aussi meure tout quant a nous;.

  A002000458 

 Et puysque nos forfaitz nous font abominables,.

  A002000460 

 Lhors nous serons, o Dieu, comme colombes faitz,.

  A002000463 

 Saint Paulin mettant la couronne de fleurs sur la Croix vouloit dire, comme il tesmoigne par ses vers, que par la Croix nous obtenons la couronne de gloire; par les colombes il signifioit que le chemin du ciel, qui a esté ouvert par la Croix, n'estoit que pour les simples et debonnaires; autres fois, par la trouppe de colombes il entendoit la trouppe des Apostres, qui en leur simplicité ont annoncé par tout la parole de la Croix.

  A002000468 

 J'aurois une belle campaigne, pour monstrer l'antiquité de l'image de la Croix, si je voulois m'estendre sus un monde de figures de l'Ancien Testament, lesquelles n'ont esté autres que les images de la Croix, et ne penserois pas que ce fust une petite preuve; car, quelle rayson y pourroit-il avoir que cest ancien peuple, outre la parole de Dieu, eust encor plusieurs signes pour se rafraischir coup sur coup l'apprehension de la Croix future, et qu'il ne nous fust pas loysible d'en avoir en nostre Eglise pour nous rafraischir la memoire de la crucifixion passee? Certes, il n'y auroit si bon traitteur qui ne s'eblouist quand je luy produirois les saintes observations qu'en a fait toute l'antiquité.

  A002000469 

 Pour vray, Tertullien en son Apologetique dit qu'on reprochoit aux Chrestiens de son tems qu'ilz estoyent religieux et devotz de la Croix; a quoy il ne respond autre, sinon: « Qui Crucis nos religiosos putat, consectaneus noster erit cum lignum aliquod propitiatur: Celuy qui nous pense religieux de la Croix, il sera nostre sectateur quand il honnore ou flatte quelque bois.

  A002000470 

 Autant en dit, et beaucoup plus clairement, Justin le Martyr en sa seconde Apologie, la ou ayant monstré que sans la figure de la Croix l'on ne peut rien faire, et d'avantage, que les trophees et masses que l'on portait devant les magistratz avoyent quelque ressemblance de la Croix, et que les Gentilz consacroyent les images de leurs empereurs defunctz par la figure de la Croix, il conclud en fin en ceste sorte: « Puys donques, que par bonnes raysons tirees mesmes de la figure, nous faisons tant que nous pouvons ces choses avec vous, nous serons desormais sans coulpe.

  A002000470 

 » Justin donques confesse qu'en matiere de faire des croix, nous ne faisions rien moins que les Gentilz, quoy que ce fust avec diversité d'intentions, ce qu'il va déduisant par apres fort doctement et au long.

  A002000471 

 Saint Athanase, qui vivoit du tems de Constantin le Grand, au livre des Questions a Antiochus, fait ceste demande: « Pourquoy est-ce que tous nous autres fidelles faisons des croix pareilles a la Croix de Christ, et que nous ne faisons point de remembrances de la sacree lance, ou du roseau, ou de l'esponge? car ces choses sont saintes comme la Croix mesme.

  A002000471 

 » A quoy il respond: « Pour vray, nous adorons la figure de la Croix, la composans de deux bois; que si quelqu'un des infidelles nous accuse que nous adorons le bois, nous pouvons aysement separer les deux pieces de bois, et gastans la forme de la Croix, tenans ces deux bois ainsy separés pour neant, persuader a cest infidelle que nous n'honnorons pas le bois, mais la figure de la Croix: ce que nous ne pouvons faire de la lance, du roseau et de l'esponge.

  A002000475 

 Et comme l'Apostre qui planta la foy parmi ces peuples y porta quant et quant l'usage de la Croix, ainsy Dieu, voulant en ces derniers tems y replanter encores la mesme foy, leur a voulu recommander l'honneur de la Croix par un signalé miracle, tel que nous avons recité.

  A002000475 

 J'ay donq prouvé, non seulement que ce traitteur est ignorant d'avoir dit que Constantin estoit le premier qui avoit dressé des croix en matiere subsistante, mays encor, que l'erection des croix a esté prattiquee entre les plus anciens Chrestiens, car nous n'avons pas de gueres plus anciens autheurs que Justin et Tertullien.

  A002000483 

 « Par ce, » dit-il, « que chacun ne connoist pas les lettres ni ne s'addonne a la lecture, nos Peres ont advisé ensemble que ces choses, c'est a dire les misteres de nostre foy, nous fussent representés comme certains trophees es images pour soulager et ayder nostre memoire; car bien souvent, ne tenans pas par negligence la Passion de Jesus Christ en nostre pensee, voyans l'image de la crucifixion de Nostre Seigneur nous revenons a souvenance de la Passion du Sauveur, et nous prosternans nous adorons, non la matiere, mays Celuy qui est representé par l'image.

  A002000485 

 Ou bien il parle de quelques croix ou peut estre il aura veu au dos du Crucifix quelque image de Nostre Dame, et lhors il aura grand tort de [113] vouloir tirer en consequence contre nous la diversité des volontés des graveurs et peintres, ou de ceux qui font faire les croix; car, a la verité, ceste façon de crucifix n'est gueres usitee en l'Eglise; si ne veux-je pas dire pourtant qu'il y ayt aucun mal en cela.

  A002000485 

 Ou bien il reprend les croix esquelles nous mettons deça et dela du Crucifix les images de Nostre Dame et de saint Jean l'Evangeliste; mays en cecy la censure seroit tres injuste, car, comme il est loysible et convenable que nous ayons l'image du Crucifix, selon la coustume mesme des plus anciens Chrestiens, il est loysible aussi d'avoir des images de Nostre Dame et des Apostres, dequoy saint Lucas sera nostre garant, qui le premier, au recit de Nicephore Calixte, fit l'image du Sauveur, de sa Mere, de saint Pierre et de saint Paul: que s'il est ainsy, ou peut-on mieux mettre les images de Nostre Dame et de saint Jean qu'aupres de la remembrance du Crucifix? quand ce ne seroit que pour representer tant mieux l'histoire de la Passion, en laquelle l'on sçait que Nostre Seigneur vit ces deux singuliers personnages pres de sa Croix et recommanda l'un a l'autre.

  A002000486 

 Au demeurant, ce que le traitteur adjouste que l'on y met l'image de Nostre Dame « comme si elle avoit esté « compagne des souffrances de nostre Sauveur et qu'elle « eust fait en partie la redemption du genre humain, » cela, dis-je, vient de son goust qui est corrompu par la defluxion d'un'humeur aigre et chagrine, avec laquelle ces reformeurs ont accoustumé de juger les actions des Catholiques; car, qui fut jamais le Catholique qui ne sceut que nous n'avons autre Sauveur ni Redempteur qu'un seul Jesus Christ? Nous mettons tres souvent la Magdeleine embrassant la Croix; que n'a-il dit que par la nous la croyons estre nostre redemptrice? Ces gens ont l'estomac et la cervelle gastés, ilz convertissent tout en venin.

  A002000486 

 Certes, on trouve presque par tout en l'Evangile ou il est parlé de Nostre Dame, qu'elle estoit avec son Filz et auprès d'iceluy, et sur tout en sa Passion; ce ne seroit donq pas hors de rayson de la peindre encores aupres de luy en la Croix, non ja comme crucifiee pour nous, mays comme [114] celle de laquelle on peut dire, beaucoup plus proprement que de nul autre: Christo confixa est Cruci: Elle est clouee a Jesus Christ en la Croix.

  A002000495 

 Je sçay qu'un grand docte de nostre aage s'est trompé en cest endroit, mays il merite excuse, car ç'a esté au milieu d'une grande et laborieuse besoigne, ou il est tolerable si quelquefois l'on s'endort; mays le traitteur, en si peu d'œuvre qu'il a fait, nous accusant et formant ses causes d'oppositions, ne peut avoir fait ceste tant evidente faute qu'il ne merite d'estre tenu pour un imposteur ou pour un ignorant, quoy qu'il fasse l'entendu..

  A002000495 

 « Combien que plusieurs autres choses soyent arrivees a cest empereur Constantin, par lesquelles estant induit il commença d'embrasser la religion Chrestienne, nous avons toutefois appris qu'une vision qui luy fut divinement presentee l'a principalement induit a ce faire.

  A002000506 

 Or combien soit grand l'honneur qui revient de ceci [124] a la Croix, il n'y a celuy qui en puisse douter; tant parce qu'elle est appellee signe du Filz de l'homme, et que les enseignes, armoiries, signes, estendartz des princes et roys sont tres honnorables et respectables, comme tesmoigne Sozomene, et avant luy Tertullien, et l'experience mesme nous le monstre; qu'aussi parce que, comme remarquent doctement les Anciens, elle consolera les bons, estant le signe de leur salut, et espouvantera les mauvais, comme fait l'estendart d'un roy vainqueur lhors qu'il est arboré sur les murailles d'une ville rebelle; et encor d'autant qu'elle sera comme le trophee du Roy celeste, mis au plus haut du Temple de l'univers, et sera claire et lumineuse lhors que la lumiere mesme s'obscurcira en sa propre source; comme tesmoignent saint Cyrille, Hypolite le Martyr, et saint Ephrem qui dit qu'elle paroistra et sera produitte devant le Roy comme le sceptre et verge de sa majesté..

  A002000514 

 Que pourroit-on mieux dire a la Catholique? et que disons-nous autre sinon qu'il faut honnorer la Croix pour la protestation de nostre foy, qu'il la faut decorer d'autant plus que ses ennemis la mesprisent, qu'il la faut apposer en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, qu'elle honnore plus et, par consequent, est plus honnorable que tous les diademes et couronnes, qu'il la faut mettre sur les couronnes et sceptres, que c'est un arbre beau et luisant orné de la pourpre du Roy et plus resplendissant que les astres? Et qu'ay-je protesté cy devant sinon qu'il ne faut rien attribuer a la seule Croix et au seul signe d'icelle, qu'elle ne vaut sinon comme outil sacré et saint instrument de la vertu miraculeuse de Dieu, que la Croix n'est rien si elle n'est Croix de Jesus Christ, que sa vertu ne luy est pas adherente mais assistante, c'est a sçavoir, Dieu mesme? Si Constantin a surmonté en la Croix, suivant la divine inscription, In hoc signo vinces, ç'a esté par Jesus Christ agent principal et premier; s'il a surmonté par la Croix, ç'a esté en Jésus Christ comme en la vertu assistante de la Croix.

  A002000521 

 Ainsi jadis fut ordonné que les instrumens des contracts qui se passoient devant notaires publics devoient avoir le signe de la Croix, comme il en est parlé au livre du Code; et en pareilles choses politiques nous ne rejettons pas l'usage de la Croix materielle.

  A002000521 

 Il avoit dit qu'en tous lieux et toutes choses on pouvoit apposer la Croix comme une marque honnorable; maintenant, pour se desdire honnestement, il partage toutes les choses en deux, en politiques et non politiques, et puys limite la generale proposition que la Croix doit seulement estre apposee es choses politiques: « S'il est question, » dit-il, « que nous conversions parmi les Juifs ou Mahumetistes, nous pouvons porter nos enseignes et armes croisees pour monstrer ouvertement aux infideles que nous sommes Chrestiens, et que nos adversaires sont infideles et mescreans; ainsi peut-on graver la Croix en la monnoye, pour monstrer qu'elle est battue au coin d'un Prince Chrestien; ainsi la Croix peut estre mise és portes des villes, chasteaux et maisons pour monstrer haut et clair que les habitans de tels lieux font profession de Chrestienté.

  A002000524 

 Il avoit dit que les Anciens apposoyent la Croix en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, et qu'on la portoit par tout pour testifier du triomphe de Christ, et bien tost apres il fait dire aux mesmes Anciens, par la bouche d'Arnobe, ces paroles: « Nous n'honorons ni ne desirons d'avoir des croix.

  A002000526 

 Chacun ne peut pas lire les livres sacrés, ni avoir tousjours le predicateur aux aureilles; ce donq que fait l'Escriture et le predicateur en tems et lieu, la Croix le fait en toutes sortes d'occasions, en la mayson, au chemin, en l'eglise, sur le pont, en la montaigne; ce nous est un familier et perpetuel record de la Passion du Sauveur.

  A002000526 

 Et pour commencer: « Bien souvent, » dit saint Jean Damascene, « ne nous ressouvenans pas (et ce par negligence) de la Passion de Jesus Christ, voyans l'image de la crucifixion d'iceluy nous revenons en memoire de sa Passion.

  A002000526 

 Or saint Cyrille, pour luy faire response, fait un beau denombrement des principaux articles de nostre foy, et puys adjouste: « Le Bois salutaire nous fait souvenir de toutes ces choses, et nous advise de penser que, comme dit saint Paul, ainsy qu' un est mort pour tous, ainsy faut-il que les vivans ne vivent plus a soy, mays a Celuy qui est mort et ressuscité. » Le traitteur mesme produit en ceste sorte ce passage de saint Cyrille, confessant que la croix que les Chrestiens mettoyent devant leurs maysons estoit la marque et l'enseigne publique de Jesus Christ; confession bien contraire a ce qu'il avoit dit, que la Passion de Nostre Seigneur estoit irrepresentable..

  A002000563 

 » C'est le dire du grand saint Chrysostome qui, pour vray, n'eust pas eu a faire un si grand denombrement des lieux et choses esquelles la Croix estoit employee, si de son tems l'Eglise eust esté formee sur le patron de la reformation des huguenotz. Pourroit-on bien dire de Geneve, la Rochelle et autres telles villes ce que saint Chrysostome dit de l'Eglise de son tems? Nous n'y voyons aucune croix erigee ni aux portes de ville, ni devant les maysons, chasteaux, forteresses, contratz, testamentz: au contraire, on les a renversees, effacees autant que l'on a peu.

  A002000572 

 Comment donq ne sera-il rien signifié de bon par ce que les mauvais font, puysque par la Croix de Christ que les mauvais ont faite, tout bien nous est marqué et signé en la celebration de ses Sacremens.

  A002000572 

 Mais saint Augustin remarque particulierement que la Croix estoit necessaire au Sacrement de l'Autel, qu'il nomme Sacrifice duquel sont nourris les Chrestiens; autant en dit saint Chrysostome: l'enseigne de la Croix, dit-il, nous assiste « lhors que nous sommes nourris de la tres sacree viande, » et elle « reluit en la sacree Table, et de rechef en la Cene mistique avec le Cors de Jesus Christ.

  A002000572 

 Saint Chrysostome en avoit dit au paravant tout de mesme en ceste sorte: « Portons d'un cœur joyeux la Croix de Jesus Christ comme une couronne, car toutes les choses qui profitent a nostre salut sont consumees par icelle; car, quand nous sommes regenerés la Croix de Jesus Christ y est, quand nous sommes repeuz de la tres sacree viande, quand nous sommes colloqués pour estre consacrés en l'Ordre, par tout et tous-jours ceste enseigne de victoire nous assiste.

  A002000572 

 « Nostre Crucifix, » dit saint Augustin, « est ressuscité de mort et est monté aux cieux; il nous a laissé la Croix en memoire de sa Passion, il a laissé sa Croix pour la santé.

  A002000574 

 Mays ayant monstré le contraire quant a l'image de la Croix, je puis dire: Hé je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres, Chrysostome, Augustin, Paulin, eussent mis en usage une chose qu'ilz eussent conneu estre inutile et pernicieuse? Mays le mieux est qu'ilz tesmoignent non seulement de leur fait, ains aussi de la prattique du Christianisme de leur aage; ainsy Justinien l'Empereur fit ceste loy: « Que l'Evesque, consacrant une eglise ou monastere, consacre [143] le lieu a Dieu par oraison, fichant en iceluy le signe de nostre salut (nous entendons la vrayement adorable et honnorable Croix); ainsy qu'il commence l'edifice mettant un si bon et propre fondement.

  A002000574 

 [142] Calvin avoit dit que « si l'authorité de l'Eglise ancienne a quelque vigueur entre nous, nous notons que par l'espace de cinq cens ans ou environ, du tems que la Chrestienté estoit en sa vigueur et qu'il y avoit plus grande pureté de doctrine, les temples des Chrestiens ont esté netz et exemptz de telle souilleure »; il parle ainsy des images de Jesus Christ et des Saintz, et peu apres il dit que « si on compare un aage avec l'autre, l'integrité de ceux qui se sont passés d'images, merite bien d'estre prisee au pris de la corruption qui est survenue despuys.

  A002000575 

 Le traitteur, pour ne sembler estre du tout muet, nous oppose qu'Epiphanius « passant par un village nommé Anablatha, estant entré en un temple ou pendoit un voile teint et peint ayant une image comme de Jesus Christ ou de quelque sainct, il mit en piece ce voile, d'autant que cela estoit contre les Escritures; comme cela se lit plus au long en son epistre translatee par sainct Hierosme.

  A002000581 

 Et saint Basile, beaucoup plus ancien, parlant de Jesus Christ, de sa Mere, de ses Apostres, Prophetes et Martyrs, il dit qu'il « honnore les histoires de leurs images et qu'il les adore tout ouvertement, car, » dit-il, « cecy estant baillé par les saintz Apostres, il ne le faut pas defendre, mays en toutes nos [148] eglises, nous dressons leurs histoires.

  A002000581 

 Voyons comme on se gouvernoit [147] alhors touchant l'honneur de la Croix, et nous trouverons que les payens appelloyent les Chrestiens, par injure, « religieux et devotz de la Croix: religiosos Crucis.

  A002000581 

 » Tertullien, respondant pour eux, ne le nie en aucune façon, ains le concede; autant en fait Justin le Martyr; saint Athanase dit ces propres paroles: « Pour vray, nous adorons la figure de la Croix, la composans de deux bois.

  A002000599 

 Qui donques niera qu'il nous faille honnorer.

  A002000638 

 Et afin qu'il ne semble qu'on leur face tort par tels propos, voici les mots [154] dont ils usent quand ils benissent le bois de la Croix: Seigneur, que tu daignes benir ce bois de la Croix, à ce qu'il soit remede salutaire au genre humain, fermeté de foy, avancement de bonnes œuvres, redemption des ames, defense contre les cruels traicts des ennemis; item: Nous adorons ta Croix; item: O Croix qui dois estre adoree, o Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as merité de porter le talent du monde, doux bois, doux cloux, portans doux faix, sauve la presente compagnie assemblee en tes louanges; item: Croix fidele, arbre seule noble entre toutes, nulle forest n'en porte de telle en rameaux, en fleur et en germe; le bois doux soustient des doux cloux et un faix doux.

  A002000638 

 item, Crucem tuam adoramus Domine, c'est à dire, Seigneur nous adorons ta Croix; qui sont propos blasphematoires, car c'est Jesus Christ à qui telle priere doit estre faite et dressee, c'est Jesus Christ qui est le Fils lequel doit estre baisé et non pas le bois de sa Croix... mais d'autant que l'Eglise Romaine s'addresse à la croix materielle, il appert que c'est idolatrie insupportable.

  A002000649 

 Pareilles inepties et blasphemes se commettent autour de la lance, de laquelle saincte lance la feste se celebre le Vendredi apres les octaves de Pasques, et lui est addressee la priere suivante: Bien te soit fer triumphal, qui entrant en la [155] poictrine vitale ouvre les huis du ciel; heureuse lance, navre-nous de l'amour de celui qui a esté percé par toi.

  A002000650 

 Voyla les subtiles recerches que fait ce playsant traitteur pour convaincre les Catholiques d'estre « foret cenez, rendus punais par l'idolatrie et plus stupides que le bois », car c'est ainsy qu'il nous traitte.

  A002000657 

 Quand Josué demande au soleil qu'il cesse son mouvement, c'est prier Dieu qu'il l'arreste; quand nous demandons a la Croix qu'elle pardonne aux pecheurs, c'est prier le Crucifié qu'il nous pardonne par sa Passion; et si les paroles semblent mal addressees quant a leur propre signification, elles sont neanmoins redressees par l'intention de ceux qui les proferent, et n'y a aucune messeance, parce que ces façons de parler sont ordinaires, familieres et bien entendues de ceux qui ne sont pas chicaneurs et mal affectionnés..

  A002000665 

 Le traitteur et de Beze trouvent mauvais que nous disions, Crucem tuam adoramus Domine: Seigneur nous adorons ta Croix; car c'est le Filz qui doit estre baysé et non pas la Croix, disent-ilz.

  A002000666 

 Ilz nous reprochent la benediction de la Croix; mais, ou ilz trouvent mauvais qu'on la benie, et je leur oppose saint Paul, qui dit que toute creature est sanctifiee par la parole de Dieu et par l'oraison; ou ilz trouvent mauvais les tiltres que l'on baille a la Croix en ceste benediction et en plusieurs autres parties de nos offices, et lhors je leur oppose toute l'antiquité.

  A002000666 

 » Quel reproche nous peut-on faire si nous parlons le langage de nos peres et de nostre mere? C'est aux heretiques nourris hors de la patrie et mayson, de produire des motz nouveaux et de trouver estrange le langage des domestiques.

  A002000668 

 Qui leur a dit, je vous prie, que parlans comme saint Chrysostome, nous entendons autrement que luy? C'est chose certaine que nous attribuons bien souvent au signe ce qui convient a la chose signifiee, comme quand nous disons: Sire, j'honnore vostre sceptre, ou bien: Seigneur, j'adore vostre Croix..

  A002000671 

 Or combien soit ancienne la celebration du Vendredi, et sur tout du Vendredi Saint, a l'honneur de la Croix, saint Chrysostome en tesmoignera: « Commençons aujourd'huy, mes tres chers, » dit-il, « a precher du trophee de la Croix; honnorons ceste journee, ains soyons plustost couronnés en celebrant ce jour, car la Croix n'est point honnoree par nos paroles, mays nous meriterons les couronnes de la Croix par nostre fidelle confession; aujourd'huy la Croix a esté fichee et le monde a esté sanctifié.

  A002000671 

 « Le jour anniversaire revient qui represente la trois fois heureuse et vitale Croix de Nostre Seigneur, et la nous propose pour estre veneree, et nous fait chastes et nous rend plus robustes et promptz a la course de la carriere des saintes abstinences; nous, dis-je, qui d'un cœur sincere et avec levres chastes la venerons: nos qui sincero corde eam castisque labris veneramur. » Or sus donques, quel danger y a-il d'honnorer la Croix, la bayser, et de nommer le Vendredi aoré ou adoré, voire quand on le nommeroit ainsy pour l'adoration de la Croix qu'on fait ce jour-la? Pourquoy appelloit-on le jour de Pasque, Pasque, sinon parce qu'en iceluy se fit le passage du Seigneur, et de ce passage prit son nom et le jour et l'immolation laquelle s'y faisoit? Les jours prennent leur nom bien souvent de quelque action faite en [169] iceux; aussi le Vendredi peut estre dit aoré a l'occasion de l'adoration de la Croix faite en iceluy; mays comme on n'appelloit pas les tables, couteaux, nappes et autres appartenances de l'immolation de la Pasque du nom de Pasque, ainsy n'appelle-on pas aoré ni le lieu, ni l'estui, ni les doigtz, ni la main qui touchent la Croix, comme veut inferer le traitteur: la rayson est ouverte, parce que tout cela n'est pas dedié a la celebration de ceste action ou adoration comme le jour; mais le traitteur n'a ni regle ni mesure a faire des conséquences, pourveu qu'elles soyent contraires a l'antiquité ce luy est tout un..

  A002000671 

 » Et plus bas: « Ainsy saint Paul mesme a commandé que l'on celebrast feste [168] pour la Croix, adjoustant la cause en ceste sorte: Par ce que Jesus Christ nostre Pasque a esté immolé pour nous.

  A002000672 

 Que si on luy addresse quelques prieres, c'est pour exprimer un desir bien affectionné, et non pour estre ouÿ ou entendu d'icelle; c'est de Nostre Seigneur duquel on attend la grace: si l'on en fait feste c'est pour remercier Dieu de la Passion de [170] son Filz et de son sang respandu, dequoy la lance ayant esté l'instrument elle en est aussi le memorial, et en esmeut en nous la vive apprehension qui nous fait faire feste; quoy que nos calendriers ordinaires ne font aucune mention de ceste solemnité, qui n'est aucunement commandee en l'Eglise Romaine..

  A002000679 

 Encor desplait-il au traitteur que nous appellions la Croix remede salutaire: les Anciens l'ont ainsy appellee, et Dieu, par mille experiences, en a rendu tesmoignage.

  A002000689 

 » La rayson de leur retraitte est parce que, comme dit saint Cyrille, « quand ilz voyent la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a brisé la teste du dragon; » « et si la veuë seule d'un gibbet, » dit saint Chrysostome, « nous fait horreur, combien devons-nous croire que le diable ayt de frayeur quand il voit la lance par laquelle il a receu le coup mortel »? Je ne veux pas oublier a dire que parmi les barbares des Indes, long tems avant nostre aage, on trouva ceste marque de l'Evangile; nos croix y estoyent en diverses façons en credit, on en honnoroit les sepultures, on les appliquoit a se defendre des visions nocturnes et a les mettre sur les couches des enfans contre les enchantemens..

  A002000689 

 » « Peignons la Croix en nos portes, » disoit [175] saint Ephrem, « armons-nous de ceste armeure invincible des Chrestiens, car a la veuë de ceste enseigne les puissances contraires estans espouvantees se retirent.

  A002000690 

 Si vous dites que non, convainques donq Sozomene et plusieurs autres autheurs de fauseté, et quelz tesmoins aves-vous pour leur opposer? que s'ilz l'ont adoree, confesses que nous ne faisons que ce qui se faisoit en la plus pure Eglise.

  A002000691 

 Apres ceste response le traitteur nous veut rejetter dessus nostre propre argument en ceste sorte: « La conclusion peut estre faite au contraire, assavoir, si la Croix doit estre adoree pource qu'elle fait miracle, il s'ensuit que la croix qui ne fait pas miracle ne doit estre adoree.

  A002000691 

 Les prelatz qui font leur devoir sont dignes de double honneur; et, je vous prie, ceux qui ne font leur devoir doivent-ilz estre mesprisés? Au contraire saint Paul tesmoigne qu'on leur doit, ce nonobstant, honneur et reverence; la rayson est parce que leur bonne vie n'est pas la totale cause du devoir que l'on a de ces honneurs, mays la dignité du grade qu'ilz tiennent sur nous..

  A002000692 

 Hé pour Dieu, nos anciens Peres, arboristes spirituelz, nous descrivent la Croix pour un arbre tout pretieux, propre a la guerison et remede de nos maux, et sur tout des diableries et enchantemens; ilz nous font foy de plusieurs [179] asseurees experiences et preuves qu'ilz en ont faites: pourquoy ne priserons-nous toutes les croix, qui sont arbres de mesme espece et sorte que celles qui firent jadis miracle? pourquoy ne les jugerons-nous de mesme qualité et proprieté puysqu'elles sont de mesme forme et figure? Si ce n'est pas a tout propos et indifféremment que la Croix fait miracle, ce n'est pas qu'elle n'ait autant de vertu en nos armees qu'en celle de Constantin, mais que nous n'avons pas tant de disposition qu'on avoit alhors, ou que le souverain Medecin qui applique cest arbre salutaire ne juge pas expedient de l'appliquer a tel effect; mais c'est sans doute, qu'ayant tous-jours une mesme forme de representer la Passion, elle a tous-jours aussi une mesme vigueur et force autant qu'il est en soy.

  A002000692 

 Pline et Mathiole nous descrivent une herbe propre contre la peste, la colique, la gravelle, nous voyla a la cultiver pretieusement en nos jardins; peut estre neanmoins que de mille millions de plantes de ceste espece la, il n'y en aura pas trois qui ayent fait les operations que ces autheurs nous en promettent: nous les prisons donq toutes parce qu'estans de mesme sorte et espece que les trois ou quattre qui ont fait operation, elles sont aussi de mesme valeur ou qualité.

  A002000699 

 » « Pour vray, nous adorons la figure de la Croix la composans de deux bois, » dit en termes expres le grand Athanase..

  A002000700 

 Si est-ce, dit le petit traitteur, que « ces mots expres se lisent au huictieme livre d'Arnobe, respondant à l'objection des Payens qui blasmoient les Chrestiens comme s'ils eussent honoré la Croix: nous n'honorons ni ne desirons d'avoir des croix.

  A002000700 

 « Arnobe, » dit-il, « qui vivoit l'an 330, livre VIII Contre les Gentilz, refutant ceste calomnie comme si les Chrestiens eussent adoré les croix (lesquelles ilz faisoyent en l'air a fin d'estre reconneuz par ceste profession exterieure d'avec les payens), respond en ceste sorte: Nous n'honnorons ni desirons les croix, vous voirement qui consacres des dieux de bois, adores par fortune des croix de bois comme parties de vos dieux.

  A002000701 

 « Arnobe, » dit Illyricus, « vivoit environ l'an 330 »: environ ce tems-la vivoyent Constantin le Grand, saint Athanase, saint Anthoine, saint Hilarion, Lactance Firmien; un peu auparavant vivoyent Origene, Tertullien, Justin le Martyr; un peu apres, saint Chrysostome, saint Hierosme, saint Augustin, saint Ambroise, saint Ephrem: Constantin fait dresser des croix pour se rendre aggreable aux Chrestiens, et les rend adorables a ses soldatz; saint Athanase proteste que les Chrestiens adorent la Croix, et que c'est un pregnant remede contre les diables; saint Hilarion l'employe contre les desbordemens de la mer; Lactance, disciple d'Arnobe, fait un chapitre tout entier de la vertu de la Croix; Origene exhorte qu'on s'arme de la sainte Croix; Tertullien confesse que les Chrestiens sont religieux de la Croix, autant en fait Justin le Martyr; saint Chrysostome en parle comme nous avons veu, et saint Ephrem aussi; saint Ambroise asseure qu'en [187] ce signe de Jesus Christ gist le bon heur et prosperité de tous nos affaires; saint Hierosme loüe Paula prosternee devant la Croix; saint Augustin tesmoigne que ceste Croix est employee en tout ce qui concerne nostre salut: n'ay-je pas donq rayson de dire ce que saint Augustin dit a Julien, qui alleguoit saint Chrysostome contre la croyance des Catholiques: Itane, dit-il, ista verba sancti Joannis Episcopi audes tanquam e contrario tot taliumque sententiis collegarum ejus opponere, eumque ab illorum concordissima societate sejungere et eis adversarium constituere? Sera-il donq dit, petit traitteur, qu'il faille apposer ces paroles d'Arnobe « comme contraires a tant et de telles sentences de ses collegues, et le separer de leur tres accordante compaignie, et le leur constituer ennemy et adversaire »? Pour vray, si Arnobe vouloit que la Croix ne fust aucunement ni desiree ni honnoree, il desmentiroit tous les autres; si au contraire les autres Peres vouloyent que la Croix fust desiree et honnoree de toute sorte d'honneur et en toute façon, ilz desmentiroyent Arnobe, ou l'autheur du Livre que le traitteur luy attribue.

  A002000702 

 Arnobe, visant a l'intention des accusateurs plus qu'a leurs paroles, nie tout a fait leur dire: « Nous ne desirons pas, » dit-il, « les croix ni ne les honnorons; » cela s'entend en la sorte et qualité que vous cuides et selon le sens de vostre accusation.

  A002000702 

 La Croix donq a esté honnoree et desiree; cela ne se peut nier absolument, nous en avons trop de tesmoignages, il le faut seulement bien entendre.

  A002000703 

 Si ne veux-je pas laisser a dire quel est l'autheur de ce huitiesme Livre que le traitteur a cité, qui est certes [189] digne de respect, car c'est Minutius Felix, advocat romain, lequel en cest endroit imite, voire mesme presque es paroles, Tertullien et Justin le Martyr, ne se contentant pas d'avoir respondu que les Chrestiens n'adoroyent ni ne desiroyent les croix a la façon qu'entendoyent les payens, mays par apres fait deux choses: l'une, c'est qu'il rejette l'accusation des Gentilz sur eux mesmes, monstrant que leurs estendars n'estoyent autre que des croix dorees et enrichies, [et que] leurs trophees de victoire non seulement estoyent des simples croix mays representoyent en certaine façon un homme crucifié: Signa ipsa et cantabra et vexilla castrorum, quid aliud quam auratæ cruces sunt et ornatæ? trophæa vestra victricia non tantum simplicis crucis faciem verum et affixi hominis imitantur; l'autre chose qu'il fait c'est de monstrer que le signe de la Croix est recommandable selon la nature mesme, alleguant que les voyles des navires et les jougz estoyent faitz en forme de croix, et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu representoit la mesme croix; puys conclud en ceste sorte: Ita signo crucis aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio formatur. Tant s'en faut donques que Minutius rejette la Croix ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plustost; mais le traitteur, qui n'a autre souci que de faire valoir ses conceptions a quel prix que ce soit, n'a pris qu'un petit morceau du dire de cest autheur qui luy a semblé propre a son intention.

  A002000704 

 Arnobe donques luy mesme, sur le Pseaume LXXXV, interpretant ces parolles, Fac mecum signum in bonum, il introduit les Apostres parlans ainsy: « Car iceluy Seigneur ressuscitant et montant au ciel, nous autres ses Apostres et [190] Disciples aurons le signe de sa Croix a bien avec tous les fidelles, si que les ennemis visibles et invisibles voyent en nos frontz ton saint signe et soyent confonduz, car en ce signe-la tu nous aydes, et en iceluy tu nous consoles, o Seigneur, qui regnes es siecles des siecles.

  A002000704 

 Cependant que nous avons combattu pour Arnobe et soustenu qu'il n'a pas mesprisé la Croix, faisons luy en dire a luy mesme son opinion.

  A002000708 

 Il faut croire aux Escritures ainsy que l'Eglise les nous baille, il faut croire a l'Eglise ainsy que l'Escriture le commande.

  A002000709 

 » La verge de Moyse, d'Aaron, l'Arche de l'alliance et mille telles choses, ne furent-elles pas tenues pour saintes et sacrees et par consequent pour honnorables? ce n'estoyent toutefois que figures de la Croix; pourquoy donq ne nous sera honnorable l'image de la Croix? Disons ainsy: n'est-ce pas avoir en honneur une chose, de la tenir pour remede salutaire et miraculeux en nos maux? mais quel plus grand honneur peut-on faire aux choses que de les avoir en telle estime et recourir a elles pour telz effectz? or, les premiers et plus affectionnés Chrestiens avoyent ceste honnorable croyance de l'ombre de saint Pierre, neanmoins leur foy est loüee et ratifiee par le succes et par l'Escriture mesme, et cependant l'ombre n'est autre qu'une obscurité confuse et tres imparfaitte image et marque du cors, causee non d'aucune reelle application, mais d'une pure privation de lumiere.

  A002000710 

 Dont nous recueillons du moindre au plus grand: si les images en general, et specialement celle de la Croix, ne se font point par l'ordonnance de Dieu ains par l'outrecuidance et desfiance des hommes (qui ont pensé que Dieu ne les voyoit ni oyoit sinon qu'ils eussent telles images devant leurs [195] sens), voire des images introduites depuis je ne sçay combien de temps, combien doivent-elles estre mises au loin? De faict, quand les choses deviennent en tel poinct qu'elles n'ont peu estre commencees par tel et mesme poinct, c'est chose manifeste qu'il les faut oster, comme Ezechias a osté le serpent à cause qu'il n'a peu estre dressé au commencement pour estre encensé; et à cause de l'abus survenu touchant icelui il a bien fait de l'oster du tout.

  A002000710 

 La rayson est considerable, comme je vay faire voir par les repliques que j'opposeray a ce qu'en dit le traitteur, lequel, avec un grand appareil, produit ce mesme Serpent d'airain contre nous affin qu'il nous morde, en ceste sorte: « Mais ce qui est allegué du 21.

  A002000714 

 Ceux qui nous reprochent les idolatries ne sont pas des Ezechias, ce sont les racleures du peuple et des monasteres, gens passionnés qui osent accuser d'adultere la Susanne que le vray Daniel a mille fois prononcee innocente [200] en la Sainte Escriture.

  A002000714 

 Dont nous concluons au rebours de ce que vous aves fait, petit traitteur: si les saintes images en general, et specialement celle de la Croix, sont dressees par l'ordonnance de l'Eglise et par consequent de Dieu, quoy que vituperees par l'outrecuidance et defiance des hommes (qui ont cuidé que Dieu ne les pouvoit ni voir ni ouÿr sinon qu'ilz eussent renversé telles images), voire des images receües despuys un tems immemorable, combien doivent-elles estre retenues et conservees? Ezechias fit bien d'abattre le Serpent d'airain parce que le peuple idolatroit en iceluy; Moyse, Josué, Gedeon, Samuel et David firent bien de le retenir pendant que le peuple n'en abusoit pas: or l'Eglise, ni les Catholiques par son consentement, n'abusa onques de la Croix ni autres images; il les faut donques retenir.

  A002000722 

 Ces gourmans commencent a gausser et railler, a la reformee, disans qu'aucun ne les voyoit; puys se retournans vers l'image du Crucifix, « Peut estre, » disoyent-ilz, « marmozet, que tu nous accuseras, garde d'en dire mot, marmozet », et jettoyent des pierres contre icelle, avec un monde de telles parolles injurieuses.

  A002000724 

 L'autre est celle que dit saint Athanase, d'autant que si quelques payens, ou huguenotz, nous reprochoyent l'idolatrie comme si nous adorions le bois, nous separerions aysement les pieces de la Croix, et ne les honnorans plus on connoistroit que ce n'est pas pour la matiere que nous honnorons la Croix, mays pour la representation et remembrance; ce qu'on ne peut faire de la creche, lance et sepulchre, et autres telles choses, lesquelles neanmoins, estans employees expressement a la representation des saintz misteres, ne doivent pas estre privees d'honneur.

  A002000736 

 Venons a l'Evangile: combien y voit-on de ceremonies en nos Sacremens, en la guerison des aveugles, ressuscitation des mortz, au lavement des piedz des Apostres? L'huguenot dira qu'en cela Dieu a fait ce qu'il luy a pleu, qui ne doit estre tiré en consequence par nous autres; mais voicy saint Jean qui baptise, saint Paul qui se tond en Cenchree selon son vœu, il prie les genoux en terre avec l'Eglise Miletaine: toutes ces actions estoyent d'elles mesmes steriles et infructueuses, mays estans employees au dessein de la religion, elles ont esté ceremonies honnorables et de grand poids..

  A002000738 

 Combien est-ce qu'en font les tisserans, peintres, tailleurs et autres, que personne n'honnore ni ne prise? parce que ces croix (autant en dis-je des caracteres et figures croisees que nous voyons es images profanes, fenestres, bastimens), ces croix, dis-je, ne sont pas destinees a l'honneur de Dieu ni a aucun usage religieux; mais quand ce signe est employé au service [214] de l'honneur de Dieu, d'indifferent qu'il estoit il devient une ceremonie sacrosainte, de laquelle Dieu se sert a plusieurs grans effectz.

  A002000739 

 On porte premier la main en haut vers la teste en disant, Au nom du Pere, pour monstrer que le Pere est la premiere Personne de la sainte Trinité et principe originaire des deux autres; puys on la porte en bas vers le ventre, en disant, et du Filz, pour monstrer que le Filz procede du Pere qui l'a envoyé ça bas au ventre de la Vierge; et de la, on traverse la main de l'espaule ou partie gauche a la droite, en disant, et du Saint Esprit, pour monstrer que le Saint Esprit, estant la troisiesme Personne de la sainte Trinité, procede du Pere et du Filz, et est leur lien d'amour et charité, et que par sa grace nous avons l'effect de la Passion.

  A002000739 

 Par ou l'on fait une briefve confession de trois grans misteres: de la Trinité, de la Passion, et de la remission des pechés, par laquelle nous sommes transportés de la gauche de malediction a la dextre de benediction.

  A002000743 

 A ce tesmoignage nous adjoindrons, à cause de briefveté, tous les autres suivans, qui sont jusques au nombre de dix, pource qu'ils se rapportent presque tous à ce qui est dit que les Chrestiens se signoient au front.

  A002000743 

 Nous recognoissons donc qu'anciennement ceste coustume de se signer au front a esté introduite; par qui et comment, il ne conste pas.

  A002000743 

 Sermon des paroles de l'Apostre, chap. 3: Les sages de ce monde, dit-il, nous assaillent touchant la Croix de Christ, et disent, quel entendement avez-vous d'adorer un Dieu crucifié? Nous leur respondons: nous n'avons pas vostre entendement, nous n'avons point de honte de Jesus Christ ni de sa Croix, nous la fichons sur le front auquel lieu est le siege de pudeur; nous la mettons là, voire là, assavoir en la partie où la honte apparoist, afin que ce y soit fiché dont on n'aye point de honte.

  A002000743 

 « Nous n'ignorons pas, » dit le traitteur, « que quelques Anciens ont parlé du signe de la Croix et de la vertu d'icelle, mais ce n'a pas esté en l'intention ni pour la fin que l'on pretend aujourd'hui, car ils en usoyent comme d'une publique profession et confession de leur Chrestienté, soit en particulier, soit en public.

  A002000743 

 » Le traitteur a escrit cela tout d'une haleyne; puys ailleurs, respondant a onze passages des Anciens allegués aux placquars, il dit ainsy: « Le quatorzieme est prins du troisieme traitté sur sainct Jean en ces mots: Si nous sommes Chrestiens nous attouchons à Jesus Christ, nous portons au front la marque d'icelui dont nous ne rougissons point si nous la portons aussi au cœur; la marque d'icelui est l'humilité d'icelui.

  A002000754 

 » Or sus, ce tant libre et universel usage de ce saint signe, peut-il estre reduit a la seule profession de foy? En tout œuvre, se levant le matin, se couchant le soir, la nuict en l'obscurité, et es lieux non habités, a quel propos feroit-on ceste [224] profession de foy ou personne ne la voit? Mais il y a plus: ces Peres qui recommandent tant l'usage de ce signe n'apportent jamais pour rayson la seule profession de foy, ains encor la defense et protection que nous en pouvons recevoir comme d'une cuirasse et corcelet a l'espreuve, ainsy que saint Ephrem l'appelle..

  A002000754 

 » Saint Ambroise: « Nous devons faire toute nostre œuvre au signe du Sauveur.

  A002000754 

 » Tertullien: « A tout acheminement et mouvement, a toute entree et sortie, en nous vestant, en nous chaussant, aux bains, a la table, quand on apporte la lumiere, entrans en la chambre, nous asseians, et par tout ou la conversation nous exerce, nous touchons nostre front du signe de la Croix.

  A002000770 

 Et pourtant, non seulement nous rejettons les ceremonies Judaiques anciennes, mais aussi toutes autres avancees outre et sans la Parole de Dieu en l'Eglise Chrestienne.

  A002000770 

 Or la volonté de Dieu manifestee touchant ce poinct est que nous l'adorions et lui servions en esprit et verité, S. Jean, 4.

  A002000770 

 Voulant rendre rayson de ce que l'Escriture ne tesmoigne point expressement des miracles faitz par le bois de la Croix, au lieu de [228] dire que c'est parce que ces miracles-la ont esté faitz long teins apres que le Nouveau Testament fut escrit, qui est la vraye et claire rayson, il se met a dire en ceste sorte: « Certes, il semble qu'il n'y ait eu autre raison sinon que Dieu n'a pas voulu arrester les hommes à telles choses terriennes; comme aussi sainct Paul nous enseigne par son exemple que nous ne devons point cognoistre Jesus Christ selon la chair, 2.

  A002000770 

 des Colossiens que nous servons à Dieu en esprit, nous glorifians en Jesus Christ et ne nous confians point en la chair.

  A002000772 

 Et saint Paul, enseignant que les hommes doivent prier a teste nue et les femmes a teste couverte, qui n'est qu'une pure ceremonie, [229] il ne presse ceux qui voudroient chicaner au contraire, sinon de ceste parole: Nous n'avons point telle coustume, ni l'Eglise de Dieu.

  A002000773 

 Et pourquoy est-ce, o reformeurs, que vous pries mains jointes et agenouillés? Nous avons, dires-vous, l'exemple de Jesus Christ et des Apostres.

  A002000775 

 Si parce que saint Paul nous enseigne de ne connoistre pas Jesus Christ selon la chair il ne se faut amuser a la Croix, ni a semblables choses terriennes, pourquoy fait-on conte de la mort et Passion de Jesus Christ, qui n'appartiennent qu'a sa chair et pour le tems de sa mortalité? Que voules-vous dire, o traitteur? Qu'il ne faut connoistre Jesus Christ selon la chair? Si vous entendes selon vostre chair ou celle des autres hommes, je le confesse absolument; mais vous seres inepte de rejetter, par la, la Croix, car la Croix n'est ni selon vostre chair ni selon la mienne, elle luy est contraire et ennemie.

  A002000775 

 Si vous entendes selon la chair de Jesus Christ mesme, comme c'est le sens plus sortable, il ne faudra pas dire qu'absolument il ne faille connoistre et reconnoistre Jesus Christ selon [232] la chair; car n'est-il pas né de la Vierge selon la chair? n'est-il pas mort, resuscité et monté au ciel, selon la chair? n'a-il pas sa vraye chair a la dextre du Pere? n'est-ce pas sa chair reelle selon la verité, ou au moins le signe de sa chair selon la vanité de vos fantasies, qu'il nous a donnee en viande? faudroit-il donques oublier tout cela, avec le Mot caro factum est? Quand donques saint Paul dit qu'il ne connoit Jesus Christ selon la chair, c'est selon la chair de laquelle il parle ailleurs, disant que Jesus Christ es jour de sa chair a offert des prier es et supplications a son Pere; ou le mot de chair se prend pour mortalité, infirmité et passibilité, comme s'il eust dit que Jesus Christ, pendant les jours de sa chair mortelle, infirme et passible, a offert prieres et supplications a son Pere.

  A002000776 

 Autant hors de rayson allegue-il saint Paul au III des Colossiens; car, outre ce que les parolles qu'il dit y estre n'y sont point, quand elles y seroyent elles ne nous seroyent point contraires, puysque nous confessons [233] qu'il faut servir Dieu en esprit, se glorifier en Jesus Christ, et ne se point confier en nostre chair; mais tout cela ne met point le cors ni ses actions exterieures hors de la contribution qu'il doit au service de son Dieu.

  A002000776 

 Or peut estre vouloit-il alleguer ce qui est dit en ce chap. III aux Colossiens, et qui joindroit bien mieux a son propos: Si vous estes resuscités avec Jesus Christ, cherches les choses qui sont en haut, la ou Jesus Christ est seant a la dextre du Pere; savoures les choses qui sont la sus, non celles qui sont sur la terre. Car, s'ensuivroit-il point de ces paroles qu'il ne faut tenir aucun conte de la Croix, de la Creche, du Sepulchre, et autres reliques de Nostre Seigneur qui sont ici bas en terre? A la verité cela seroit bien employé contre ceux qui arresteroyent leurs intentions et termineroyent leurs desirs aux choses qui sont icy bas; Cherches, leur diroit-on, ce qui est en haut: Sursum corda; mais nous ne tenons point arrestees nos affections ni a la Croix ni aux autres reliques, nous les portons au royaume des cieux, employans a la recherche d'iceluy toutes les choses qui nous peuvent ayder a relever nos cœurs vers Celuy auquel elles se rapportent: il faut monter au ciel, c'est la nostre visee et dernier sejour, les choses saintes d'icy bas nous servent d'eschellons pour y atteindre.

  A002000785 

 On invoque le nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit; c'est ce que l'on faisoit anciennement a couvert, car ou visoit, je vous prie, ceste repetition ternaire: Le Seigneur te benie, le Seigneur te monstre sa face, le Seigneur retourne son visage vers toy, sinon au [237] mistere de la tres sainte Trinité? aussi bien que la benediction de David: Dieu nous benie, nostre Dieu, Dieu nous benie? 2.

  A002000786 

 Or combien ceste coustume aye esté prattiquee en l'ancienne Eglise, en voici des preuves certaines: « Toutes choses qui profitent a nostre salut sont consommees par la Croix, » dit saint Chrysostome; saint Denis, parlant de ceux qu'on consacroit: « Or, » dit-il, « l'evesque benissant imprime en chacun d'iceux le signe de la Croix; » saint Cyprien atteste que « sans ce signe il n'y a rien de saint; » ainsy saint Hilarion benit avec la main ceux qui luy amenerent un gentilhomme françois de la cour de l'Empereur pour estre delivré du malin esprit; et Ruffin nomme une douzaine d'hermites « par les mains, » dit-il, « desquelz il eut cest honneur d'estre beni; » saint Augustin, ayant visité un malade chez lequel il trouva l'Evesque du lieu, « ayant, » dit-il, « receu la benediction de l'Evesque, nous nous retirasmes; » ce fut sans doute par le signe de la Croix, « sans lequel il n'y a rien de saint.

  A002000788 

 Et de plus, mal est prins bien souvent a ceux qui ont mesprisé de faire ce saint signe avant que de manger et boire: tesmoin la religieuse qui mangea une laittue, et le religieux qui beut sans faire le signe de la Croix, qui furent aussi tost saisis du malin. Le traitteur fait deux reproches a ces tesmoignages: l'un, « Qui ne void, » dit-il, « que c'est fable? » L'autre: « Sainct Paul dit [244] que la viande nous est sanctifiee par la Parole de Dieu, et par la priere, et ne parle point du signe de Croix, ne d'autre.

  A002000788 

 » Il a tort, car ces recitz n'ont rien d'impossible, rien d'inepte, et partent d'une bouche honnorable; c'est de saint Gregoire le Grand qui vaut mieux que tous ces reformés, en doctrine et authorité: sera-il donq permis au premier venu de desmentir ainsy les Anciens? Au demeurant, le dire de saint Paul, que les viandes sont sanctifiees par la priere, confirme ce que nous avons dit; car, parce que le signe de la Croix est une priere briefve, aysee, vigoureuse et ordinaire es benedictions des viandes, dire qu'a faute de faire la Croix le diable saisit un religieux et une religieuse, c'est a dire que ce fut a faute de faire ceste priere la, qui estoit la plus aysee et familiere, et a plus forte rayson autre quelcomque; bien qu'encores soit-il vray que le signe de la Croix a une particulière force contre les diables, outre celle qui est commune a toute priere, comme nous verrons cy apres.

  A002000794 

 Ou est-ce donques que le signe de la Croix est plus sortable qu'aux Sacremens, quand ce ne seroit que pour protester que la Passion est la fontaine des eaux salutaires qu'ilz nous communiquent? Les consecrations sont les plus excellentes invocations qui se fassent en l'Eglise: le saint signe, estant un si propre moyen de prier, ne peut estre mieux employé qu'a cest effect; aussi a ce esté une forme ordinaire a l'ancienne Eglise de consacrer avec le signe de la Croix.

  A002000795 

 Saint Chrysostome: « Ainsy la Croix reluit en la [246] Table sacree, es ordinations des prestres, ainsy de rechef avec le Cors de Jesus Christ es Cenes mistiques; » et ailleurs, parlant de la Croix: « Tout ce qui profite a nostre salut est consommé par icelle; car estans regenerés, la Croix y est, quand nous sommes nourris de la tres sacree viande, lhors que nous sommes establis pour estre consacrés en l'Ordre, par tout et tousjours ceste enseigne de victoire nous assiste.

  A002000795 

 Saint Cyprien: « Nous nous glorifions en la Croix du Seigneur, de laquelle la vertu parfait tous les Sacremens, sans lequel signe il n'y a rien de saint, ni aucune consecration est reduitte a son effect »; et ailleurs: « En fin, quicomque soyent les administrateurs des Sacremens, quelles que soyent les mains avec lesquelles on baigne ou oigne ceux qui viennent au Baptesme, quelle poitrine que ce soit de laquelle les motz sacrés sortent, l'authorité ou vigueur de l'operation donne l'effect a tous les Sacremens en la figure de la Croix.

  A002000795 

 » Saint Denis Areopagite tesmoigne que le chresme estoit versé dans le baptistere en forme de croix, comme nous faisons encor maintenant; et traittant de la sainte Onction: « L'evesque, » dit-il, « commençant l'onction par le signe de la sainte Croix, laisse l'homme aux prestres pour estre oint par iceux par tout le cors »; parlant des saintz Ordres: « Or, » dit-il, « a chacun d'iceux le signe de la Croix est [247] imprimé par l'evesque benissant.

  A002000800 

 Nous recevons plusieurs Sacremens en diverses manieres, nous en prenons quelques uns en la bouche, comme vous sçaves, et quelques uns en tout le cors.

  A002000803 

 Quand Helisee frappoit sur les eaux avec le manteau de son maistre, quel commandement en avoit-il? n'estoit-ce pas pour imiter ce que son maistre avoit fait peu auparavant? Lever et imposer les mains pour benir, comme nous avons ja remarqué cy dessus, ou fut-il commandé? et neanmoins la prattique en est tesmoignee par toute l'Escriture..

  A002000804 

 Car si nous taschons de rejetter les coustumes non escrittes comme n'estans guere importantes, [254] nous condamnerons aussi imprudemment les choses necessaires a salut qui sont en l'Evangile; ains plustost nous ravallerons la predication mesme de la foy, a une parole nuë et vaine.

  A002000804 

 De ce genre est (affin que je cotte de premier ce qui est le premier et tres vulgaire) que nous signons du signe de la Croix ceux qui ont mis leur esperance en Jesus Christ: qui l'a enseigné par escrit? » Aves-vous ouÿ, petit traitteur, ce grand et ancien maistre, comme il tient l'observation de se signer au front pour toute commandee, quoy qu'elle ne soit expressement escritte? Que luy sçauries-vous opposer, sinon qu'il est homme, a vostre accoustumee? Et certes il est homme, mais tres chrestien et tres entendu en la loy Evangelique, regentant en l'Eglise au tems de sa plus grande pureté.

  A002000804 

 Item, si la figure est commandee, la chose figuree est bien asses recommandee, puysque la figure n'a esté prattiquee que pour recommander la chose figuree et nous asseurer de l'evenement d'icelle.

  A002000804 

 La circoncision, figure du Baptesme, fut commandee pour les petitz enfans en l'ancienne Loy; Calvin ne fait point de difficulté de fonder, sur ce commandement fait en la figure, une certaine preuve de l'article du baptesme des petitz enfans contre l'Anabaptiste: [253] pourquoy ne sera-il loysible a saint Augustin, et aux autres Peres, de tirer en consequence la marque du sang de l'aigneau imprimee sur l'entree des maisons, pour monstrer le devoir que nous avons de marquer nos frontz, comme le sursueil de ceste habitation terrestre, du signe de la sainte Passion? Voyla bien asses de commandement.

  A002000804 

 Mais, parce qu'il n'est pas du tout expres en l'Escriture, les Apostres le laisserent expressement en l'autre partie de la doctrine Chrestienne et Evangelique, appellee Tradition: « Quelle que soit la conversation et action qui nous exerce, nous touchons nostre front du signe de la Croix.

  A002000804 

 » Ce sont les paroles de l'ancien Tertullien; et saint Basile disoit peu apres: « Nous avons quelques articles qui sont prechés en l'Eglise de la doctrine baillee en escrit, nous en recevons aussi quelques autres de la tradition des Apostres laissee en mistere, » c'est a dire en secret, « lesquelz tous deux ont pareille force pour la pieté, et personne n'y contredit pour peu qu'il sçache quelz sont les droitz ecclesiastiques.

  A002000805 

 Et ce pendant le traitteur calomnie, disant qu'on attribue au bois de la Croix ce qui est propre au Crucifié, car jamais nous n'y pensasmes ni ne le fismes, comme j'ay monstré cy devant.

  A002000805 

 » Car par la il attribue a nostre aage la science et connoissance avec opiniastreté, aux predecesseurs une simple ignorance, et aux plus anciens Chrestiens une simplicité ignorante, puysqu'autre simplicité ne peut causer l'erreur: la ou, au contraire, ces Anciens si clairvoyans seroyent bien plus inexcusables d'avoir donné commencement a l'erreur, s'il y en avoit, que nous qui en serions les sectateurs beaucoup moins entenduz et sçavans; ce seroit nous qui errerions par simplicité et ignorance a la suite des Anciens.

  A002000806 

 Ce que jadis estoit monstré en la lame d'or, nous est monstré au signe de la Croix; le sang de l'Evangile est plus pretieux que l'or de la Loy.

  A002000813 

 Mays, dit-il, sur quicomque vous verres Thau, ne le tues pas. Ce Thau, marque de sauvement, ne signifioit autre que la Croix; or, il estoit imprimé sur le front, c'est pourquoy nous faisons la Croix au front.

  A002000814 

 Mays quelle consequence en peut-on tirer contre nous? Faisons que ceste traduction fust la meilleure, n'y aurons-nous pas tousjours cest advantage, que le signe de la Croix, estant le plus excellent des purs et simples signes, et le grand signe du Filz de l'homme, il peut et doit estre entendu, plus proprement [259] qu'autre quelconque, sous le nom et mot absolu de marque ou signe? Car ainsy, quoy qu'il y peut avoir plusieurs signes du Filz de l'homme, quand toutefois il est parlé absolument du signe du Filz de l'homme, les Anciens l'ont entendu du signe de la Croix; et saint Hierosme, en l'epistre a Fabiole, prenant le signe d'Ezechiel, non pour la lettre Thau simplement, mays pour signe et marque en general, ne laisse pas pourtant de l'appliquer a la Croix: « Alhors, » dit-il, « selon la parole d'Ezechiel, le signe estoit fiché sur le front des gemissans; maintenant, portans la Croix nous disons, Seigneur, la lumiere de ta face est signee sur nous.

  A002000814 

 » Ainsy, quand il est dit en l'Apocalipse: Ne nuises point a la terre, ni a la mer, ni aux arbres, jusques a ce que nous ayons marqué les serviteurs de nostre Dieu en leurs frons, la marque dont il est question n'est autre que la Croix, comme sont d'advis Œcumene, Rupert, Anselme et plusieurs autres devanciers, avec grande rayson; car, quelle autre marque peut-on porter sur le front, plus honnorable devant Dieu le Pere, que celle de son Filz? et a quelle sorte de marque peut-on mieux déterminer toutes ces saintes paroles, qu'a celle de laquelle nous sçavons tous les plus grans serviteurs de Dieu avoir esté marqués et en avoir fait tant d'estat?.

  A002000816 

 L'ancienne Vulgaire et generale edition merite bien ce credit, qu'on ne la laisse pas temerairement pour autre quelconque; et partant, puysque elle retient le Thau pour la marque de laquelle devoyent estre marqués ces gemissans, nous ne le devons pas rejetter pour peu..

  A002000819 

 Il proteste ouvertement que c'est son opinion, car, apres avoir allegué les deux premieres, il produit la troisiesme ainsy: « Mais affin que nous venions a nos affaires, par les anciennes lettres des Hebreux, desquelles jusques a ce jourd'huy les Samaritains se servent, la derniere lettre Thau a la ressemblance de la Croix, laquelle est peinte au front des Chrestiens et signee par la frequente inscription faite avec la main.

  A002000820 

 Qui ne sçait qu'Esdras a esté le dernier en la continuelle succession des Prophetes? Or, ce fut Esdras qui changea les anciennes lettres des Hebreux en celles que nous avons maintenant, mais les Samaritains les retindrent.

  A002000822 

 Mais quelle plus grande similitude y peut-il avoir, sinon que le Thau fust une croix? Certes, nous ne disons pas que le Thau soit une croix, ains qu'il la ressemble; or, similia non sunt eadem.

  A002000823 

 Il a tort aussi d'alleguer que le caractere Hebreu est fait ainsy, ח, car c'est le caractere tel qu'on le fait aujourd'huy, duquel nous ne parlons pas, ains de celuy qui estoit au tems d'Ezechiel, lequel, comme dit saint Hierosme, ressembloit a la Croix..

  A002000826 

 La ou je dis que [comme] Thau veut dire un signe et une lettre particuliere, ressemblante a la Croix, si la Prophetie s'entend d'un signe absolument, il faudra tousjours le rapporter a iceluy de la Croix, a cause de l'excellence d'iceluy, comme j'ay dit ci devant; et de plus, ce signe estant exprimé par un mot qui a en teste et en sa premiere lettre la figure de la Croix, et non seulement [266] cela, mais signifie encor un certain seul caractere qui a semblance de croix, nous sommes tousjours plus contrains, par la consideration de tant de circonstances, a prendre ce signe de la Prophetie pour celuy de la Croix.

  A002000832 

 Corinth., I. c'est lui qui nous a oincts et marquez, et qui nous a donné le gage de son Esprit en nos cœurs.

  A002000835 

 Que les marqués de l'Apocalipse nous asseurent de plus fort, car ce sont ceux qui, pour protestation de leur foi et invocation du Sauveur, auront esté signés du signe de la Croix, comme ont dit les anciens interpretes; autres ne sont esleuz que ceux qui auront confessé de bouche, de cœur, par signes et par œuvres, autant qu'ilz pourront, avec l'Apostre, qu'ilz n'ont autre gloire qu'en la Croix de Jesus Christ.

  A002000842 

 Que si l'Antechrist, comme singe, voulant faire et contrefaire le Christ, marquera ses gens au front, et par la les obligera a ne se point signer de la Croix, comme dit Hippolite, combien affectionnement devons-nous retenir l'usage de ce saint signe, pour protester que nous sommes Chrestiens et jamais n'obeirons a l'Antechrist? Les ministres avoyent enseigné leurs huguenotz que les couronnes des ecclesiastiques estoyent les marques de la beste, mais voyans qu'ilz ne pouvoyent porter une plus expresse marque de beste que de dire cela, puysque [278] d'un costé, la plus grande partie des papaux (qu'ilz appellent) ne la portent pas, et saint Jean tesmoigne que tous les sectateurs de la beste porteront sa marque, et d'autre costé, que ceux qui ne portent pas la couronne clericale ne laissent pas de trafiquer, et qu'au contraire le traffic est prohibé a ceux qui la portent, cela les a fait jetter a ceste interpretation, que la marque de la beste devoit estre invisible: c'est tousjours marque de beste, ou d'opiniastreté bestiale, comme je viens de monstrer..

  A002000849 

 Origene: « Resjouissons-nous, mes Freres tres aymés, et levons les mains saintes au ciel, en forme de croix; quand les demons nous verront armés en ceste sorte, ilz seront opprimés.

  A002000849 

 Saint Anthoine bravoit ainsy les diables: « Si vous aves quelque vigueur, si le Seigneur vous a baillé quelque pouvoir sur moy, venes, me voicy, devores celuy qui vous est accordé; que si vous ne pouves, pourquoy le tasches-vous en vain? car le signe de la Croix et la foy au Seigneur nous est un mur inexpugnable.

  A002000849 

 Saint Martial, disciple de Nostre Seigneur: « Ayes tous-jours en esprit, en bouche et en signe, la Croix du Seigneur auquel vous aves creu, vray Dieu et Filz de Dieu; car la Croix du Seigneur est vostre armeure invincible contre Satan, heaume defendant la teste, cuirasse conservant la poitrine, bouclier rabattant les traitz du malin, espee qui ne permet que l'iniquité et embusches diaboliques de la meschante puissance s'approchent d'elle; par ce seul signe la victoire celeste nous a esté donnee, et par la Croix le Baptesme a esté sanctifié.

  A002000849 

 Si la sainteté et suffisance des anciens Peres a quelque credit chez nous, voicy asses de tesmoins pour nous faire reconnoistre la vertu de la Croix.

  A002000851 

 Ouy, comme si quelqu'un pouvoit haïr sinon celuy qui nuit ou peut nuire; ains [284] il estoit seant a la majesté de ces dieux de punir et tourmenter ceux qu'ilz haïssoyent, plustost que de fuir; mays d'autant qu'ilz ne peuvent s'approcher de ceux esquelz ilz voyent la marque celeste, ni nuire a ceux que l'Estendart immortel contregarde comme un rempart inexpugnable, ilz les faschent et affligent par les hommes, et les persecutent par les mains d'autruy; ce qu'a la verité, s'ilz confessent, nous avons gain de cause.

  A002000854 

 Saint Gregoire le Grand, ancien et venerable Pere, fait ce recit; le traitteur, qui au plus ne peut estre que quelque vain ministre, l'accuse de niaiserie et mensonge: a qui croirons-nous? Grand cas si tout ce qui ne revient pas au goust de ces novateurs doit estre tenu pour fable.

  A002000856 

 Si, ces grans Peres que nous avons cités, et en si grand nombre, nous inviteroyent-ilz bien a faire le signe de la Croix s'ilz doutoyent que le diable n'en fust l'autheur? Et qui doutera que Jesus Christ en soit l'autheur, s'il considere, comme Lactance deduit, combien cela tend a l'honneur de Dieu, que le simple signe de sa Passion chasse ses ennemis? 3.

  A002000857 

 Pour vray, saint Gregoire Nazianzene et Theodoret tiennent resolument que les diables fuirent pour la crainte qu'ilz eurent voyans la Croix: permettes-nous, traitteur, que nous soyons de leur opinion plustost que de la vostre ou de celle du maistre charmeur.

  A002000866 

 Il accuse sa feinte et simulation, et son seducteur tout ensemble, avec la somme d'argent qu'il avoit receuë pour ce jeu auquel il perdit la veuë, et demande ayde et remede a nos Evesques Catholiques, lesquelz ayans sondé sa foy eurent pitié de luy, « et se prevenans l'un l'autre d'un mutuel honneur, » (ce sont les propres paroles de saint Gregoire de Tours, qui est mon autheur) « une sainte contention s'esmeut entre eux qui seroit celuy-la qui feroit le signe de la bienheureuse Croix sur ses yeux: Vindimialis et Longinus prioyent Eugene, Eugene au contraire les prioit qu'ilz luy imposent les mains; ce qu'ayans fait et luy tenans les mains sur la teste, saint Eugene, faisant le signe de la Croix sur les yeux de l'aveugle, dit: Au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit, vray Dieu, lequel nous confessons trine en une egalité et toute puissance, que tes yeux soyent ouvertz; et tout aussi tost, la douleur ostee, il revint a sa premiere santé.

  A002000867 

 Dont saint Basile, convocant generalement tout le peuple fidele, le conduit hors la ville en l'eglise de saint Diomede martyr, ou il employe toute la nuit en prieres; et le matin, l'amene vers l'eglise, chantant ce verset: « Dieu saint, saint fort, saint et immortel, ayes misericorde de nous.

  A002000868 

 Le traitteur dit que non, et ne sçait pourquoy nous disons qu'ouy et le prouvons par experience; est-ce pas ineptie de repliquer que c'est Dieu qui fait ces miracles, puysqu'on ne demande pas qui les fait, mais comment et [299] par quelz instrumens et moyens? C'est Dieu qui la guerit, et pouvoit la guerir sans la renvoyer a l'autre femme qui la signa; il ne veut pas, mais la renvoye a ces moyens desquelz il se veut servir.

  A002000868 

 Voulons-nous estre plus sages que luy, et dire que ces moyens ne sont pas sortables? il luy plait que nous les employions, les voulons-nous rejetter? Or c'est saint Augustin qui est autheur de ce recit, et l'estime tellement propre a la louange de Dieu, qu'il dit tout suivant qu'il avoit fort tancé ceste dame guerie de ce qu'elle n'avoit pas asses publié ce miracle.

  A002000869 

 Ou je ne puis oublier le Livre de Mathias Flaccus Illyricus, augmenté a Geneve, intitulé Cathalogus testium veritatis, lequel, par une authentique impudence, citant saint Anthoine contre nous en son rang, dit qu'il a leu sa vie et n'a pas trouvé qu'il ayt employé le signe de la Croix.

  A002000869 

 Saint Cyprien, saint Gregoire Nazianzene et mille autres tres anciens nous enseignent ainsy..

  A002000883 

 Voicy purement sa conclusion: « Nous devons estre poussés a venerer l'image de la Croix et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir a la memoire du benefïce de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire, Amen.

  A002000884 

 Par ou le traitteur est asses convaincu de calomnie, quand il nous accuse de bailler des compaignons a Dieu.

  A002000900 

 Mays en laquelle de ces actions consiste la vraye et propre substance de l'adoration? Ce n'est pas en la premiere, car les diables et ceux desquelz parle saint Paul, qui, connoissans Dieu, ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ains secoüans le joug ont dit, nous ne servirons point, ilz l'ont conneu, mays non pas reconneu.

  A002000906 

 Nous faisons quelque chose de ce que font les idolatres, mais nous ne faisons rien comme eux: l'objet de nostre Religion est Dieu vivant, qui la rend toute sainte et sacree..

  A002000914 

 L'honneur presuppose bonne affection a l'endroit de celuy qu'on honnore: or, les malins nous sont irreconciliables, et ne devons les avoir en aucun commerce d'affection, ains a une totale alienation et abomination.

  A002000921 

 Les Anciens ont suivi ce chemin, si que saint Augustin dit, que nous n'avons aucune simple parole latine pour signifier la veneration deuë a Dieu seul, mais avons destiné a cest usage le mot grec de latrie, faute [317] d'autre plus commode.

  A002000921 

 » Neanmoins le mesme nie en autres occasions qu'on puisse adorer ni servir par devotion aucune creature: « Nous ne servons ni adorons les Seraphins, ni aucune chose qu'on puisse nommer en ce siecle ou en l'autre.

  A002000922 

 » Et plus bas il introduit les Juifz, se lamentans de l'honneur qu'on fait a Nostre Seigneur, en ceste sorte: « Nous avons crucifié Celuy que les roys adorent *, voyla que mesme le clou d'iceluy est en honneur, et ce que nous luy avons planté pour sa mort est un remede salutaire, et, par une certaine vigueur invisible, tourmente les demons.

  A002000923 

 Saint Athanase parlant a Antioche: « Pour vray, » dit-il, « nous adorons la figure de la Croix la composans de deux bois.

  A002000925 

 Ainsy saint Cyrille dit, contre Julien, que « nous n'adorons pas les Saintz comme dieux, mays nous les honnorons comme personnes principales.

  A002000925 

 » Et le Concile de Trente suivant ce train, « Adorons, » dit-il, « Jesus Christ, et venerons les Saintz par les images que nous baysons »; il employe [319] pour Nostre Seigneur le mot d'adorer, et pour les Saintz celuy de venerer..

  A002000927 

 J'ay dit ceci, tant parce qu'en cest aage si fascheux et chicaneur il est expedient qu'on sçache parfaittement ce que valent les motz, qu'aussi pour respondre au traitteur qui, nous reprochant que nous adorons la Croix et les images, se baillant beau jeu sur nous, dit que « la replique est frivole de dire qu'on ne les adore pas puis qu'on ne met pas sa fiance en elles »; car je dis, au contraire, que le traitteur est extremement frivole de s'imaginer ceste replique pour nous, laquelle nous n'advouons pas ainsy crue comme elle est couchee, ains, nous tenans sur la demarche de l'Escriture Sainte et de nos devanciers, nous confessons qu'on peut loysiblement adorer les saintes creatures, notamment la Croix, et disons tout haut avec saint Athanase: « Nous adorons la figure de la Croix », et avec Lactance: « Flechisses le genou, et adores le bois venerable de la Croix.

  A002000934 

 Nostre cors n'a pas tant de plis ni de postures que nostre ame, il n'a point de plus humble sousmission que de se jetter a terre devant quelqu'un; mais l'ame en a une infinité de plus grandes, de maniere que nous sommes contraintz d'employer les genuflexions, reverences et prostrations corporelles indifferemment, ores a l'honneur souverain de Dieu, ores a l'honneur inferieur des creatures; nous nous en servons comme des jettons, ores pour dix, ores pour cent, ores pour mille, laissans a la volonté de bailler diverse valeur a ces signes et maintiens exterieurs, par la diversité des intentions avec lesquelles elle les commande a son cors.

  A002000934 

 Si l'action de Nostre Seigneur fut adoration aussi bien que celle de la Magdeleine (vous estes asses bon pour le vouloir soustenir, principalement si vous esties un peu surpris de colere), donq il adora les creatures: pourquoy donq ne voules-vous pas que nous en faisions de mesme? Pour vray, establir l'essence et les differences des adorations es actions exterieures, c'est la prendre sur Nostre Seigneur qui l'establit dans l'esprit; et sur le diable mesme, lequel ne se contente pas de demander a Jesus Christ qu'il s'incline, mays veut que, s'inclinant, il l'adore: Si te prosternant, dit-il, tu m'adores, je te donneray toutes ces choses; il ne se soucie point de l'inclination et prostration, si l'adoration ne l'accompagne.

  A002000939 

 Si elle est infinie et divine, l'adoration qui luy est deuë est supreme, absolue et souveraine, et s'appelle latrie, d'autant que, comme dit saint Augustin, « selon l'usage avec lequel ont parlé ceux qui nous ont basti les divines paroles, le service qui appartient a adorer Dieu, ou tousjours ou au moins si souvent que c'est presque tousjours, est appellé latrie: Latria, secundum consuetudinem qua locuti sunt qui nobis divina eloquia condiderunt, aut semper aut tam frequenter [327] ut pæne semper, ea dicitur servitus quæ pertinet ad colendum Deum; » autre mot n'y a-il en la langue latine qui signifie simplement l'adoration deuë a Dieu seul.

  A002000940 

 Si elle est surnaturelle, il luy faut une adoration moyenne, qui ne soit ni purement humaine ou civile, car l'excellence n'est ni humaine ni civile, ni aussi divine ou supreme, car l'excellence a laquelle elle se rapporte est infiniment moindre que la divine et est tousjours subalterne; et peut-on bien appeller ceste adoration, religieuse, car nous ne nous sousmettons aux choses surnaturelles que par l'instinct de la religion pieuse, devote, ou conscientieuse, mais particulierement on l'appelle dulie entre les theologiens: car iceux, voyans le mot grec de dulie s'appliquer indifferemment au service de Dieu et des creatures, et qu'au contraire le mot de latrie n'est presque employé qu'au service de Dieu seul, ilz ont appellé adoration de latrie celle qu'on fait a Dieu, et celle qu'on fait aux creatures surnaturellement excellentes, adoration de dulie; et pour mettre encores quelque difference en l'honneur des creatures, ilz ont dit que les plus signalees s'honnoroyent d'hyperdulie, les autres de l'ordinaire et generale dulie.

  A002000943 

 En ceste sorte nous ne partageons pas les adorations ou honneurs selon les excellences, mais selon les differentes manieres de participer aux excellences; je dis donq ainsy:.

  A002000944 

 Ou la chose que nous adorons a l'excellence, pour laquelle nous adorons, en soy mesme et de soy mesme, et l'adoration absolue et independante, souveraine et supreme luy sera deuë: c'est Dieu seul qui est capable [329] de cest honneur, parce qu'il est seul en soy, de soy et par soy mesme excellent, ains l'excellence mesme.

  A002000952 

 Mais, comme nommerons-nous ces adorations relatives selon leurs differences?.

  A002000956 

 Et n'y a celuy qui doive trouver estrange que ces menus honneurs imparfaitz et relatifz portent les noms des honneurs absolus et parfaitz de latrie, superdulie et dulie, car, comme pourroit-on mieux nommer les feuilles que du nom de l'arbre qui les produit et duquel elles dependent? Les choses que nous honnorons d'honneur relatif sont appartenances et dependances des excellences absolues; les honneurs que nous leur faisons sont aussi des appartenances et dependances des honneurs [334] absolus que nous portons aux excellences absolues.

  A002000970 

 Le petit traitteur n'oseroit nier ceste doctrine; « Nous ne pouvons, » dit-il, « jamais assez honorer la Croix, mort et passion de nostre Seigneur.

  A002000972 

 Car tout ainsy que la gloire de Nostre Seigneur, au jour de sa Transfiguration, espandit et communiqua ses rayons jusques sur ses vestemens qu'elle rendit blancz comme neige, de mesme, la latrie de laquelle nous adorons Jesus Christ crucifié est si vive et abondante, qu'elle rejallit et redonde a tout ce qui le touche et luy appartient: telle fut l'opinion de ceste pauvre dame qui se contentoit de toucher le bord de la robbe du Sauveur; ainsy baysons-nous la pourpre et robbe des grans.

  A002000972 

 Pour vray, aucun n'honnore le roy a cause de sa robbe, mays aussi aucun ne separe la robbe, du roy, pour adorer simplement la personne royale; on fait la reverence au roy vestu, et nous adorons Jesus Christ crucifié; l'adoration portee au Crucifix fait reverberation [340] et reflexion a la Croix, aux clouz, a la couronne, comme a choses qui luy sont unies, jointes et attachees: dont ceste adoration, ou plustost coadoration, estant un accessoire de l'adoration faitte au Filz de Dieu, elle porte le nom et appellation de son principal, ressentant aussi de sa nature.

  A002001018 

 Pour nous rendre netz de soüilleure.

  A002001044 

 Rens-nous de perdus perdurables..

  A002001046 

 Ne disons-nous pas ordinairement: il appella cinquante cuirasses, cinquante lances, cent mousquetz, cent chevaux? n'appellons-nous pas, l'Enseigne d'une compaignie, celuy qui porte l'enseigne? Si parlans des chevaux nous entendons les chevaliers, si par les mousquetz, [342] lances, cuirasses, nous entendons ceux qui portent les mousquetz, lances et cuirasses, pourquoy par la Croix n'entendrons-nous bien le Crucifix? Ne parlons-nous pas souvent du Roy de France et du Duc de Savoye sous les noms de Fleur de lis et Croix blanche, parce que ce sont les armes de ces souverains Princes? pourquoy ne parlerons-nous du Sauveur sous le nom de la Croix, qui est sa vraye enseigne? C'est donq en ce sens qu'on s'addresse a la Croix, qu'on la salue et invoque; comme aussi nous nous addressons au siege et y appelions, pour dire qu'on appelle a celuy qui sied au siege.

  A002001046 

 Qui ne voit qu'en toutes ces parolles on considere la Croix comme un arbre auquel est pendant le pretieux fruit de vie, Createur du monde, comme un throsne sur lequel est assis le Roy des roys? C'est de mesme quand l'Eglise chante ce que le petit traitteur nous reproche: « O Croix qui dois estre adoree, ô Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as mérité de porter le talent du monde; doux bois, doux cloux portans doux faix... » C'est la version du traitteur, qui n'est pas, certes, trop exacte; le latin est plus beau: O Crux adoranda, o Crux speciosa, hominibus amabilis, sanctior universis, quæ sola digna fuisti portare talentum mundi; dulce lignum, dulces clavos, dulcia ferens pondera... Et ailleurs: Crux fidelis, inter omnes arbor una nobilis, nulla silva talem profert, fronde, flore, germine; dulce lignum, dulces clavos, dulce pondus, sustinet; qui est une piece de l'hymne composé par le bon pere Fortunatus, Evesque de Poitiers.

  A002001056 

 Voyla l'honneur deu a la Croix comme signe naturel de nostre Sauveur souffrant et patissant pour nous, [345] auquel, pour l'affranchir de tous reproches, il a esté expedient de faire entrevenir l'institution du peuple Chrestien; car puysque la figure de la croix, selon sa nature, n'a nomplus de proportion a la Croix du Sauveur qu'a celle des larrons qui furent crucifiés pres de luy, ou de tant et tant de milliers de crucifix qu'on a fait mourir ailleurs et a autres occasions, pourquoy prend-on ainsy indistinctement les croix pour remembrances et signes naturelz de la seule Passion du Sauveur, plustost que des autres? Certes, je l'ay des-ja dit, il a esté besoin que l'institution du peuple Chrestien ait eu lieu en cest endroit, pour retrancher et accourcir la signification et representation que la figure de la croix pouvoit avoir naturellement, a ce qu'elle ne fust en usage pour autre que pour representer et signifier la sainte crucifixion du Redempteur; ce qui a esté observé des le tems de Constantin le Grand.

  A002001058 

 Et c'est ainsy, pour revenir au point, que l'image de la Croix, outre la naturelle qualité qu'elle a de representer Jesus Christ crucifié, qui la rend honnorable d'un honneur de latrie imparfaitte, outre cela, dis-je, elle peut estre destinee et mise en œuvre par le choix et fiction des hommes a tenir le lieu et la place du Crucifix, ou plustost de la vraye Croix entant que jointe au Crucifix: et consideree en ceste sorte, l'honneur et reverence qu'on luy fait ne vise proprement qu'au Crucifix, ou a la Croix jointe au Sauveur, et non a l'image de la Croix, qui n'a autre usage, en ce cas, que de prester son exterieure presence pour recevoir les actions exterieures deuës au Crucifix, au lieu et place d'iceluy qu'elle represente et signifie, et cela sert a l'exterieure protestation de l'adoration que nous faisons au Crucifix..

  A002001060 

 On peut dire que la Croix est encor adoree, selon quelque exterieure apparence, quand on prie Dieu devant la Croix sans autre intention que de monstrer qu'on prie en vertu de la mort et Passion du Sauveur; mais on peut beaucoup mieux dire que cela n'est adorer la Croix ni peu ni prou, puysque ni l'action exterieure ni l'interieure n'est dressee a la Croix; ne plus ne moins que lhors que nous adorons du costé d'Orient, selon l'ancienne tradition, nous n'adorons en aucune façon l'Orient, mais monstrons seulement que nous adorons Dieu tout puissant, qui s'est levé a nous d'en haut pour esclairer tout homme venant en ce monde..

  A002001061 

 Au demeurant, les pieces du vray bois de la Croix, telles que nous les avons aujourd'huy, estans mises en forme de croix (comme est la sainte Croix d'Aix en Savoye), outre les sortes d'honneur qu'elles meritent par maniere de reliques, peuvent avoir tous les usages de l'image de la Croix.

  A002001069 

 Voyla un grand exemple pour nous, qui le nous veut arracher des mains il doit apporter une grande authorité a garend; nostre exemple est en l'Escriture, il faut une aussi grande authorité pour nous en prohiber l'imitation, il ne suffira pas d'y apporter des discours.

  A002001077 

 Or, ce qui est dit ici par reduplication de negative, Tu ne feras aucune idole, ni semblance quelconque, tu ne les adoreras ni serviras, est mis au Levitique purement et simplement, ainsy que nous le declairons, en ceste sorte: Vous ne vous feres aucune idole et statue, ni dresseres des tiltres, ni mettres aucune pierre insigne en vostre terre pour l'adorer.

  A002001082 

 Que l'on ayt, donques, des images de la Croix aux champs, es villes, sur les eglises, dans les eglises, sur les autelz; tout cela n'est que bon et saint, car estant fait et institué et prattiqué pour la conservation de la memoire que nous devons avoir des benefices de Dieu, et pour honnorer tant plus sa divine bonté, ainsy que j'ay monstré tout au long de ces Livres, il ne sçauroit [359] estre defendu en la premiere Table, qui ne vise qu'a l'establissement du vray service de Dieu et abolissement de l'idolatrie.

  A002001086 

 Et pourtant nous avons dit, ce furent leurs paroles, que s'ilz veulent nous dire ainsy, ou a nostre posterité, alhors nous leur dirons: voyes la similitude de l'autel de l'Eternel, que nos peres avoyent fait, non point pour l'holocauste ni pour le sacrifice, ains a ce qu'il soit tesmoin entre vous et nous.

  A002001094 

 Donques, les deux tribus et demy, d'une part, furent recherchees comme suspectes de schisme, a cause de la remembrance de l'autel qu'elles avoyent erigee, et nous, de l'autre costé, sommes chargés d'idolatrie et accusés de superstitions pour les images de l'autel de la Croix, que nous dressons et eslevons par tout.

  A002001096 

 Ce sont des pointz qui rendent suspecte, ains convaincue d'attentat, toute la procedure des censures que les reformeurs font contre nous qui sommes Catholiques, auxquelz ilz sont inferieurs en tant et tant de façons, et si notoirement..

  A002001096 

 Mais si nous considerons nostre condition, de nous qui sommes Catholiques, et celle des novateurs qui nous accusent si asprement, nous verrons que tout y va a contrepoids, 1.

  A002001097 

 II. Il y a encor une autre difference, entre le sujet de l'accusation faitte contre les deux tribus et demy par le reste d'Israël, et de celle que les novateurs font contre nous, laquelle est bien remarquable.

  A002001099 

 se sont de plein saut jettés aux foudres, tempestes et gresles de calomnies, injures, reproches, diffamations, et ont armé leurs langues et leurs plumes de tous les plus poignans traitz qu'ilz ont sçeu rencontrer entre les despouïlles de tous les anciens ennemis de l'Eglise, et tout aussi tost les ont dardés avec telle furie, que nous serions des-ja perduz, si la verité divine ne nous eust tenuz a couvert sous son impenetrable escu (je laisse a part la guerre temporelle suscitee par ces evangelistes empistolés par tout ou ilz ont eu acces); 2. et a leur pretendue reformation n'ont employé que la prophane audace des brebis contre leurs pasteurs, des sujetz contre leurs superieurs, et le mespris de l'authorité du Grand Prestre evangelique, lieutenant de Jesus Christ; 3.

  A002001101 

 Qui pourra asses louer le zele qu'ilz font paroistre en l'offre qu'ilz font a ceux qu'ilz veulent corriger? Que si la terre de vostre possession est immonde, passes en la terre de la possession de l'Eternel, en laquelle le tabernacle de l'Eternel a sa demeurance, et ayes vos possessions entre nous, et ne vous rebelles point etc.

  A002001102 

 Au contraire, toutes les poursuites des reformeurs contre nous ne respirent que sedition, haine et division; leurs offres ne sont que de leur quitter le gouvernement de l'Eglise, les laisser regenter et maistriser, passer sous le bon playsir de leurs constitutions.

  A002001104 

 Nous avons beau protester de la bonté de nos intentions et de la blancheur de nostre but, ces nouveaux venuz, ces Abirons, ces Micholistes mesprisent tout, prophanent tout.

  A002001104 

 Nous gravons sur le fer et le cuivre, et protestons devant le ciel et la terre, que.

  A002001111 

 A Calvin, auquel ces occasions semblent legitimes pour dresser des representations (nonobstant la rigueur des motz de la Loy), quand il s'agit d'excuser les deux tribus et demy, a Calvin, dis-je, et aux autres reformeurs, ce ne sont qu'hipocrisies, abus et abomination en nous.

  A002001111 

 Que ferons-nous donq avec eux? cesserons-nous de nous employer a leur salut, puysqu'ilz n'en veulent pas seulement voir la marque? Mais comme pourrions-nous desesperer du salut d'aucun, emmi la consideration de la vertu et honneur de la Croix? arbre seul de toute nostre esperance, duquel l'honneur plus reconneu et certain gist en la vertu qu'il a de guerir non seulement les playes incurables et mortelles, mais aussi de guerir la mort mesme, et la rendre plus pretieuse et saine sous son ombre que la vie ne fut onques ailleurs..

  A002001111 

 que nous ne faisons l'image de la Croix pour representer la Divinité, mais en signe de trophee pour la [368] victoire obtenue par nostre Roy, pour tesmoignage du grand miracle par lequel la vie s'estant rendue mortelle, elle rendit la mort vivifiante, et pour reduire en memoire l'incomprehensible benefice de nostre Redemption.

  A002001112 

 Plantés donq sur nos genoux, liés avec les bras de la sainte meditation, liés, dis-je, et noués au pied de cest arbre, o Catholiques mes Freres, plus les paroles, les escritz, les deportemens de nos accusateurs respireront une haine irreconciliable a l'endroit de la Croix et de ses devotz, plus de nostre costé devons-nous souspirer chaudement pour eux, et crier de tout nostre cœur a Celuy qui pend aux branches, pour feuille, fleur et fruit, Seigneur, pardonnes-leur, car ilz ne sçavent ce qu'ils font:.

  A002001120 

 Nous adorons ce que nous sçavons, or nous sçavons Jesus Christ en Croix et la Croix en Jesus Christ; c'est pourquoy je fais fin par cest abregé et de la doctrine Chrestienne et de tout ce que j'ay deduit jusques a present, protestant avec le glorieux predicateur de la Croix, saint Paul (mais faites, mon Dieu, que ce soit plus de cœur et d'actions que d'escrit et de bouche, et qu'ainsy je face la fin de mes jours): Ja n'advienne que je me glorifie, sinon en la Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A002001137 

 Car une partie d'entr'eux, mal gré bon gré le propre tesmoignage que nous avons de nostre conscience, nous veut persuader que nous tenons les Croix pour des divinités et les adorons de lhonneur deu a Dieu tout puyssant.

  A002001137 

 L'autre partie, reconnoissant fort bien que nous ne recognoissons qu'un seul Dieu et que lhonneur que nous portons a la Croix est tout autre que celuy qui est deu a Dieu, ne laissent pour cela de crier que nous sommes idolatres.

  A002001138 

 Or bien, ce sont des philosophies dignes de telz novateurs, ou il semble ouvertement dire que la Croix nous est autant idole que Venus et Juppiter aux payens.

  A002001139 

 il nous veut prendre par un autre biais: « Quand il est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non accordantes de donner tout honneur a un seul Dieu et a son Filz, et en departir une portion a aucun homme, ou a la Croix materielle, ou a creature qui soit.

  A002001139 

 » Par ou il semble vouloir dire, qu'encor que nous adorions Jesuschrist et le reconnoissions pour seul Dieu avec le Pere et le S t Esprit, nous ne laissons pas d'estr'idolatres disans: Seigneur nous adorons ta Croix, qui sont, dit-il, paroles blasphematoires..

  A002001141 

 Car voicy la resolution du placquart: « Nous devons estre poussés a venerer l'image de la Croix et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir a la memoyre du benefice de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire, Amen.

  A002001144 

 Et tout de mesme, l'Eglise sainte et ses Docteurs applique ce mot d'adorer pour lhonneur de Dieu et des creatures, selon ce que S t Augustin tesmoigne tout ouvertement, que nous autres Latins n'avons point de mot particulier pour signifier le service deu a Dieu seul, mais avons emprunté le mot de latrie des Grecz, l. 10.

  A002001150 

 Or en fin, comme que ce soit, parmi le vulgaire du Christianisme ce mot d'adorer ne se rapporte qu'a lhonneur qui est deu a Dieu, qui sera cause que nous le laisserons a ce seul usage comm'au principal; et parlans de lhonneur deu aux creatures nous mettrons en œuvre des motz plus communs et d'indubitable signification, ou moins douteuse, comm'est honnorer, reverer, venerer et semblables..

  A002001151 

 On cest'excellence, de laquell'on rend tesmoignage par l'honneur, est advantageuse a celuy que nous honnorons, sur nous, et lhors nous le pouvons, ains devons, adorer, puysque la rayson veut que nous nous reconnoissions et faisions profession d'estr'inferieurs a ceux qui ont quelque advantage d'excellence et eminence sur nous.

  A002001151 

 Secondement, il faut sçavoir qu'honnorer un personnage n'est autre sinon tesmoigner de l'excellence que nous croyons estr'en luy.

  A002001152 

 Or, selon que les excellences de ceux que nous adorons sont advantageuses sur nous plus ou moins, les adorations sont aussi differentes, comme remarquent doctement S t Aug., l. 10.

  A002001157 

 Item, que lhonneur præsuppos'amitié, et nous avons les Diables pour ennemis irreconciliables, avec lesquelz nous n'avons ni devons avoir aucun commerce ni amitié, ains les devons avoir en execration et abomination..

  A002001157 

 Or de tout cecy s'ensuit que quoy que les Diables sont plus excellens que nous, nous ne leur devons aucun honneur, parce que leur excellence ne tend point a bien, mays l'ont du tout destournee a mal, et ce irrevocablement; joint quell'est accablee de la supreme misere.

  A002001160 

 il se peut faire qu'une chose appartenante a un ami nous fera simplement resouvenir de celuy a qui ell'appartient, et partant sera cause par ce souvenir qu'elle reveille en nous, que nous honnorerons celuy a qui ell'appartient; et lhors, si l'on dit que nous honnorons ceste chose la, ce sera parler fort improprement, car toute nostre intention s'addresse a l'amy, et non a la chose qui luy appartient, laquelle, ayant remis l'amy dedans nostre memoyre, luy quitte la place en sortant elle mesme, de façon que bien souvent nous ne pensons plus a elle, tant s'en faut que nous l'honnorions.

  A002001161 

 Il se peut faire qu'une chose appartenante a un autre, non seulement nous fera resouvenir de l'amy, mais le nous representera si vivement que nostre imagination le tiendra comme præsent et esmouvra nostr'affection a [378] luy comm'estant la præsent d'une reelle præsence.

  A002001176 

 Par nature on fait l'image de soymesme aux yeux de ceux qui nous voyent, es verres, es eaux, en l'air, et la peinture est un don de Dieu et de nature.

  A002001177 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, et celles des vaches, lions et grenades, estoyent anciennement, sinon dans le Temple? et quand aux Cherubins, au lieu du Temple le plus sacré et considerable, Voyla [380] un exemple signalé pour nous; qui le nous voudra ravir, il faut quil apporte une grande authorité a garend, il ne suffira pas de faire des discours; nostre exemple est en l'Escriture et de Dieu, il faut l'Escriture ou l'Eglise pour nous en oster l'imitation.

  A002001188 

 sur S. Jean, il dit que si nous sommes Chrestiens nous devons estre marquez de ce signe au front.

  A002001194 

 Comme sainct Ambroise dit au livre du Trespas de Theodose: « Ce n'est pas le bois » (dit-il), « mais le Roy du Ciel que nous adorons au bois.

  A002001194 

 Concile de Nicene, action 4: « Pendant que les deux bois sont conjoincts, nous adorons la representation à cause de Jesus Christ qui y a esté crucifié, mais les deux bois separez, nous les rejettons, voire bruslons.

  A002001194 

 Des que nostre Seigneur Jesus Christ, pour nous rachepter de l'eternelle damnation, souffrit la tres-amere mort de la Croix, on ne doit douter que ce tresgrand benefice de nostre redemption, vivement representé par la Croix, trophee et banniere du Sauveur, instrument de nostre redemption, lict de justice et autel du souverain sacrifice, n'oblige aussi à la veneration d'icelle; non pour raison du bois, ou de la matiere, mais à cause de ce qu'elle signifie.

  A002001194 

 Par laquelle nous devons estre poussez à venerer l'image de la Croix, et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir à la memoire du benefice de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire.

  A002001194 

 Sainct Ambroise, livre du Sacrement de l'Incarnation, c. 7, dit: « Quand nous venerons en Jesus Christ l'image de Dieu et sa Croix, ce n'est pas pour le diviser et separer en deux.

  A002001194 

 » David, Psal. 131, prophetiza cest honneur, disant: Nous adorerons le lieu où ses pieds se sont arrestez, selon que sainct Hierosme en explique le passage formellement.

  A002001194 

 à Antioche: « Nous pouvons soudain monstrer que nous n'adorons pas le bois ou la matiere, mais la representation, en separant les deux bois de la Croix et ne leur faisant plus honneur; » comme dit le 2.

  A002001200 

 vers. 7, monstre que ceste adoration est licite, disant: Nous adorerons le lieu ou ses pieds se sont arrestés.

  A002001207 

 sur S t Jean, dit que si nous sommes Chrestiens nous devons estre marqués au front..

  A002001216 

 contre l'Empereur Julien l'Apostat lequel se moquoit des Chrestiens qui adoroient la Croix, les soustient, et dit: « Le bois de salut nous remet en memoire et souvient des benefices receus de Jesus Christ, et nous incite a penser que, comme saint Paul dit, Luy seul est mort pour tous et est resuscité.

  A002001217 

 a Antioche, dit: « Nous pouvons monstrer que nous n'adorons pas le bois, mais la representation, si nous separons les deux bois qui font la Croix, et alhors n'y ferons plus honneur.

  A002001223 

 Il contiendra environ 24 feuilles in 12, de la lettre de Cicero que nous appelions, qui est celle dont les Extraits de la dispute du P. Cherubin sont imprimez; et l'impression en coustera pour le moins 68 fl. S'il vous plaist donc, vous m'en escrirez, et si j'ay moyens, je le pourroy mettre sur la presse à la prochaine feste de Toussaincts.

  A002001241 

 Car raisonnablement les bons et vrays Catholiques adorent Jesus Christ pendu en la Croix, non pas le bois, or, ou autre matiere comme matiere et chose inanimee: car nous sommes tous d'accord que, in quantum est res insensibilis, puta lignum sculptum aut pictum, tunc nulla reverentia debetur ei, neque aliquis honor est exhibendus: mais considerants la Croix, in quantum est quædam res Christi, tunc adoranda est nobis adoratione Hyperduliæ.

  A002001241 

 Et en ceste façon et maniere, l'adoration que exhibons à la Croix comme à l'image de Jesus Christ crucifié doit estre plus grande et reverentialle que celle que nous rendons à la Vierge Marie, que nos dicts Peres nomment Hyperdulie, et que celle que nous portons aux Saincts, à la veneration de leurs ossements et reliques, qu'ils appellent Dulie..

  A002001241 

 Mais les pauvres abusez ne veulent pas entendre comme nous adorons la Croix.

  A002001241 

 Mais quand aux autres croix, comme elles sont faictes en matieres de bois, or, fer, ou autres semblables, nous ne les adorons point sinon comme image de Jesus Christ, aussi que nous enseigne nostre Mere Eglise le jour du Vendredi sainct: Ecce lignum Crucis.

  A002001241 

 Mais, finalement, considerant la Croix entant qu'elle represente la figure de Jesus Christ crucifié, et entant que par l'attouchement des saincts membres de son corps precieux elle a esté baignée et arrousée de son sang: alors la devons adorer de la mesme adoration que nous adorons Nostre Sauveur Jesus-Christ, que noz maistres et anciens Peres Docteurs que convenienti vocabulo appellant adorationem Latriæ; [415] et à ceste raison nous parlons à la Croix et la prions comme le Sauveur: O Crux, ave, spes unica; O Crux benedicta.

  A002001241 

 Quand aux autres choses qui sont esté instruments de sa mort et Passion, comme les cloux, couronne, lance et autres, nous ne les adorons aucunement de l'adoration de Latrie comme la Croix, pource que ces choses ne representent point l'image de Jesus-Christ comme la Croix, quæ est signum filii hominis quod apparebit in cælo; et partant l'Ange dict aux femmes: Jesum quæritis crucifixum; non, lanceatum aut spinea corona coronatum, et hujusmodi.

  A002001242 

 La premiere est la dignité et noblesse: car par l'attouchement du corps et effusion du sang de Nostre Sauveur, la Croix a esté rendue tres-digne et tres-noble; ainsi le tesmoigne l'Eglise: Crux fidelis inter omnes, arbor una nobilis, etc. La seconde est la saincteté qui est par le moyen dudict attouchement: car tout ainsi comme le Sauveur par l'attouchement de sa tres-pure et tres-nette chair a baillé et conferé la force et vertu regenerative aux eaux, ita, contactu suæ carnis, il a sanctifié le bois de la Croix; ainsi nous enseigne nostre Mere l'Eglise: O Crux splendidtor cunctis astris, in mundo celebris, hominibus multum amabilis, sanctior universis.

  A002001286 

 Ce livre se peut justement intituler, Thesaurus præciosissimus; quem qui sibi comparaverit, avec peu d'argent il se trouvera mirablement edifié en la doctrine que tous devons tenir, pour nous acquerir, in vita et morte beneficium Crucis, et Paradis à la fin.

  A002001307 

 Cest Astre nouveau né nous servira de phare,.

  A002001309 

 Nous yrons sous les feux de sa saincte lumiere,.

  A002001490 

 Deslors nous avons veu des Monarques Romains.

  A002001495 

 Verrons nous pas encor, sous ton alme faveur,.


03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html
  A003000027 

 De la fin pour laquelle nous sommes creés.

  A003000102 

 Chapitre VI. Que l'humilité nous fait aymer nostre propre abjection.

  A003000105 

 Chapitre IX. De la douceur envers nous mesmes.

  A003000156 

 Chapitre II. Consideration sur le benefice que Dieu nous fait, nous appellant a son service selon la protestation mise ci-dessus.

  A003000159 

 Chapitre V. Examen de nostre estat envers nous mesmes.

  A003000167 

 Chapitre XIII. Quatriesme consideration: De l'amour que Jesus Christ nous porte.

  A003000168 

 Chapitre XIV. Cinquiesme consideration: De l'amour eternel de Dieu envers nous.

  A003000194 

 Meditation 2 - De la fin pour laquelle nous sommes creés.

  A003000319 

 De nostre estat envers nous mesme - Chap.

  A003000346 

 Cela fait, pour la conduire plus avant, je luy monstre deux grans moyens de s'unir de plus en plus a sa divine Majesté: l'usage des Sacremens par lesquelz ce bon Dieu vient a nous, et la sainte oraison par laquelle il nous tire a soy; et en ceci j'employe la seconde Partie.

  A003000347 

 Les anciens Evesques et Peres de l'Eglise estoyent pour le moins autant affectionnés a leurs charges que nous, et ne laissoyent pourtant pas d'avoir soin de la conduitte particuliere de plusieurs ames qui recouroyent a leur assistance, comme il appert par leurs epistres; imitans en cela les Apostres qui, emmi la moisson generale de l'univers, recueilloyent neanmoins certains espis plus remarquables avec une speciale et particuliere affection.

  A003000360 

 Bref, la devotion n'est autre chose qu'une agilité et vivacité spirituelle par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous par elle, promptement et affectionnement; et comme il appartient a la charité de nous faire generalement et universellement pratiquer tous les commandemens de Dieu, il appartient aussi a la devotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

  A003000360 

 La vraye et vivante devotion, o Philothee, presuppose l'amour de Dieu, ains elle n'est autre chose qu'un vray amour de Dieu; mais non pas toutefois un amour tel quel: car, entant que l'amour divin embellit nostre ame, il s'appelle grace, nous rendant aggreables a sa divine Majesté; entant qu'il nous donne la force de bien faire, il s'appelle charité; mais quand il est [14] parvenu jusques au degré de perfection auquel il ne nous fait pas seulement bien faire, ains nous fait operer soigneusement, frequemment et promptement, alhors il s'appelle devotion.

  A003000361 

 Et d'autant que la devotion gist en certain degré d'excellente charité, non seulement elle nous rend promptz et actifz et diligens a l'observation de tous les commandemens de Dieu; mais outre cela, elle nous provoque a faire promptement et affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons, encores qu'elles ne soyent aucunement commandees, ains [15] seulement conseillees ou inspirees.

  A003000365 

 Mais comme Josué et Caleb protestoyent que non seulement la terre promise estoit bonne et belle, ains aussi que la possession en seroit douce et aggreable, de mesme le Saint Esprit, par la bouche de tous les Saintz, et Nostre Seigneur par la sienne mesme nous asseure que la vie devote est une vie douce, heureuse et amiable..

  A003000367 

 Le sucre adoucit les fruitz mal meurs et corrige [17] la crudité et nuisance de ceux qui sont bien meurs; or, la devotion est le vray sucre spirituel, qui oste l'amertume aux mortifications et la nuisance aux consolations: elle oste le chagrin aux pauvres et l'empressement aux riches, la desolation a l'oppressé et l'insolence au favorisé, la tristesse aux solitaires et la dissolution a celuy qui est en compaignie; elle sert de feu en hiver et de rosee en esté, elle sçait abonder et souffrir pauvreté, elle rend esgalement utile l'honneur et le mespris, elle reçoit le playsir et la douleur avec un cœur presque tous-jours semblable, et nous remplit d'une suavité merveilleuse..

  A003000376 

 Ou que nous soyons, nous pouvons et devons aspirer a la vie parfaitte.

  A003000382 

 L'ami fidelle est un medicament de vie et d'immortalité; ceux qui craignent Dieu le treuvent. Ces divines paroles regardent principalement l' immortalité, comme vous voyes, pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cet ami fidelle qui guide nos actions par ses advis et conseilz, et par ce moyen nous garantit [23] des embusches et tromperies du malin; il nous sera comme un tresor de sapience en nos afflictions, tristesses et cheutes; il nous servira de medicament pour alleger et consoler nos cœurs es maladies spirituelle; il nous gardera du mal, et rendra nostre bien meilleur; et quand il nous arrivera quelque infirmité, il empeschera qu'elle ne soit pas a la mort, car il nous en relevera..

  A003000390 

 Saint Paul tout en un moment fut purgé d'une purgation parfaitte, comme fut aussi sainte Catherine de Gennes, sainte Magdeleine, sainte Pelagie et quelques autres; mais cette sorte de purgation est toute miraculeuse et extraordinaire en la grace, comme la resurrection des mortz en la nature, si que nous ne devons pas y pretendre.

  A003000392 

 C'est une heureuse condition pour nous en cette guerre, que nous soyons tous-jours vainqueurs, pourveu que nous voulions combattre.

  A003000392 

 Il faut bien que pour l'exercice de nostre humilité, nous soyons quelquefois blessés en cette bataille spirituelle; neanmoins nous ne sommes jamais vaincus sinon lhors que nous avons perdu ou la vie ou le courage.

  A003000392 

 L'exercice de la purgation de l'ame ne se peut ni doit finir qu'avec nostre vie: ne nous troublons donq point de nos imperfections, car nostre perfection consiste a les combattre, et nous ne sçaurions les combattre sans les voir, ni les vaincre sans les rencontrer.

  A003000392 

 Or, les imperfections et pechés venielz ne nous sçauroyent oster la vie spirituelle, car elle ne se perd que par le peché mortel; il reste donques seulement qu'elles ne nous facent point perdre le courage: Delivre-moy, Seigneur, disoit David, de la coüardise et descouragement.

  A003000397 

 Mais outre cela, la confession generale nous appelle a la connoissance de nous mesmes, nous provoque a une salutaire confusion pour nostre vie passee, nous fait admirer la misericorde de Dieu qui nous a attendus en patience; elle apaise nos cœurs, delasse nos espritz, excite en nous des bons propos, donne sujet a nostre pere spirituel de nous faire des advis plus convenables a nostre condition, et nous ouvre le cœur pour avec confiance nous bien declarer aux confessions suivantes..

  A003000407 

 Il faut donques, Philothee, aggrandir tant qu'il nous sera possible nostre contrition et repentance, affin qu'elle s'estende jusques aux moindres appartenances du peché.

  A003000407 

 Or, le premier motif pour parvenir a cette seconde purgation, c'est la vive et forte apprehension du grand mal que le peché nous apporte, par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde et vehemente contrition; car tout ainsy que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soit, et sur tout estant jointe a la vertu des Sacremens, nous purge suffisamment du peché, de mesme quand elle est grande et vehemente, elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003000407 

 Une haine ou rancune foible et debile nous fait avoir a contrecœur celuy que nous haïssons et nous fait fuir sa compaignie; mais si c'est une haine mortelle et violente, non seulement nous fuyons et abhorrons celuy a qui nous la portons, ains nous avons a degoust et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliés, parens et amis, non pas mesme son image, ni chose qui luy appartienne.

  A003000417 

 Ou estions-nous, o mon ame, en ce tems la? Le monde avoit des-ja tant duré, et de nous, il n'en estoit nulle nouvelle..

  A003000469 

 O que mon Dieu est bon en mon endroit! O qu'il est bon! Que vostre cœur, Seigneur, est riche en misericorde et liberal en debonnaireté! O mon ame, racontons a jamais combien de graces il nous a faites..

  A003000513 

 Quand sera-ce? sera-ce en hiver ou en esté? en la ville ou au village? de jour ou de nuit? sera-ce a l'impourveu ou avec advertissement? sera-ce de maladie ou d'accident? aures-vous le loysir de vous confesser, ou non? seres-vous assistee de vostre confesseur et pere spirituel? Helas, de tout cela nous n'en sçavons rien du tout; [43] seulement cela est asseuré que nous mourrons, et tous-jours plus tost que nous ne pensons..

  A003000514 

 Ah chetifve, pour quelles bagatelles et chimeres ay je offensé mon Dieu! Vous verrés que nous avons quitté Dieu pour neant.

  A003000514 

 Ouy, car alhors les playsirs, les vanités, les joyes mondaines, les affections vaynes nous apparoistront comme des fantosmes et nuages.

  A003000536 

 En fin, apres le tems que Dieu a marqué pour la duree de ce monde, et apres une quantité de signes et presages horribles pour lesquelz les hommes secheront d'effroi et de crainte, le feu venant comme un deluge bruslera et reduira en cendre toute la face de la terre, sans qu'aucune des choses que nous voyons sur icelle en soit exempte..

  A003000542 

 Consideres la sentence contraire des bons: Venes, dit le Juge; ah, c'est le mot aggreable de salut par lequel Dieu nous tire a soy et nous reçoit dans le giron de sa bonté; benis de mon Pere: o chere benediction, qui comprend toute benediction! possedés le royaume qui vous est preparé des la constitution du monde.

  A003000566 

 Helas, si une puce en nostre oreille, si la chaleur d'une petite fievre nous rend une courte nuit si longue et ennuyeuse, combien sera espouvantable la nuit de l'eternité avec tant de tourmens! De cette eternité, naissent le desespoir eternel, les blasphemes et rages infinies..

  A003000583 

 Beny soyes vous a jamais, o nostre doux et souverain Createur et Sauveur, qui nous estes si bon, et nous communiqués si liberalement vostre gloire.

  A003000588 

 Allons, o ma chere ame, allons en ce repos infini, cheminons a cette benite terre qui nous est promise; que faisons-nous en cett' Egypte?.

  A003000604 

 Voyes les Saintz qui vous exhortent, et un million de saintes ames qui vous convient doucement, ne desirans que de voir un jour vostre cœur joint au leur, pour loüer Dieu a jamais, et vous asseurans que le chemin du Ciel n'est point si malaysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, treschere amie; qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montees, il verra que nous sommes venues en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003000630 

 Le scorpion qui nous a piqués est veneneux en nous piquant, mais estant reduit en huile c'est un grand medicament contre sa propre piqueure: le peché n'est honteux que quand nous le faisons, mais estant converti en confession et penitence, il est honnorable et salutaire.

  A003000630 

 Si nous sommes bien humbles, Philothee, nostre péché nous desplaira infiniment parce que Dieu en est offencé, mais l'accusation de nostre peché nous sera douce et aggreable, parce que Dieu en est honnoré: ce nous est une sorte d'allegement de bien dire au medecin le mal qui nous tourmente.

  A003000643 

 Mais d'autant que ces affections renaissent aysement en l'ame, a rayson de nostre infirmité et de nostre concupiscence, qui peut estre mortifiee mais qui ne peut mourir pendant que nous vivons icy bas en terre, je vous donneray des advis lesquelz estans bien prattiqués vous preserveront des-ormais du peché mortel et de toutes les affections d'iceluy, affin que jamais il ne puisse avoir place en vostre cœur.

  A003000647 

 A mesure que le jour se fait, nous voyons plus clairement dans le mirouër les taches et souïlleures de nostre visage; ainsy, a mesure que la lumiere interieure du Saint Esprit esclaire nos consciences, nous voyons [62] plus distinctement et plus clairement les pechés, inclinations et imperfections qui nous peuvent empescher d'atteindre a la vraye devotion; et la mesme lumiere qui nous fait voir ces tares et deschetz, nous eschauffe au desir de nous en nettoyer et purger..

  A003000648 

 Je ne dis pas que vous descouvrirés des pechés venielz, mais je dis que vous descouvrirés des affections et inclinations a iceux; or, l'un est bien different de l'autre: car nous ne pouvons jamais estre du tout purs des pechés venielz, au moins pour persister long tems en cette pureté; mais nous pouvons bien n'avoir aucune affection aux pechés venielz.

  A003000649 

 Le peché veniel, pour petit qu'il soit, desplait a Dieu, bien qu'il ne luy desplaise pas tant que pour iceluy il nous veuille damner ou perdre.

  A003000651 

 Ainsy le peché veniel ne tue pas nostre ame, mais il gaste pourtant la devotion, et embarrasse si fort de mauvaises habitudes et inclinations les puissances de l'ame, qu'elle ne peut plus exercer la promptitude de la charité, en laquelle gist la devotion; mais cela s'entend quand le peché veniel sejourne en nostre conscience par l'affection que nous y mettons.

  A003000651 

 Ce n'est rien, Philothee, de dire quelque petit mensonge, de se desregler un peu en paroles, en actions, en regards, en habitz, en jolietés, en jeux, en danses, pourveu que tout aussi tost que ces araignes spirituelles sont entrees en nostre conscience, nous les en rechassions et bannissions, comme les mouches a miel font les araignes corporelles.

  A003000651 

 Mais si nous leur permettons d'arrester dans nos cœurs, et non seulement cela, mais que nous nous affectionnions a les y retenir et multiplier, bien tost nous verrons nostre miel perdu, [64] et la ruche de nostre conscience empestee et desfaitte.

  A003000656 

 Mais n'est-ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faitz s'empresser et s'affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommees, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous desregler et desordonner a leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections; et, bien que les actes ne soient pas tous-jours contraires a la devotion, les affections neanmoins luy sont tous-jours dommageables.

  A003000656 

 Or, je ne dis pas que nous ne puissions user de ces choses dangereuses; mais je dis bien pourtant que nous ne pouvons jamais y mettre de l'affection sans interesser la devotion.

  A003000661 

 Nous avons encores, Philothee, certaines inclinations naturelles lesquelles, pour n'avoir prins leur origine de nos pechés particuliers, ne sont pas proprement peché, ni mortel ni veniel, mais s'appellent imperfections, et leurs actes, defautz et manquemens.

  A003000661 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amandiers amers en amandiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le [67] suc; pourquoy est-ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses; il n'y a point aussi de naturel si revesche qui, par la grace de Dieu premierement, puis par l'industrie et diligence, ne puisse estre dompté et surmonté.

  A003000667 

 En fin, les enfans a force d'ouïr leurs meres et de begayer avec elles, apprennent a parler leur langage; et nous, demeurans pres du Sauveur par la meditation, et observans ses paroles, ses actions et ses affections, nous apprendrons, moyennant sa grace, a parler, faire et vouloir comme luy..

  A003000667 

 Il est la lumiere du monde, c'est donques en luy, par luy et pour luy que nous devons estre esclairés et illuminés; c'est l'arbre de desir a l'ombre duquel nous nous devons rafraischir; c'est la vive fontaine de Jacob pour le lavement de toutes nos souïlleures.

  A003000668 

 Il faut s'arrester la, Philothee, et croyes-moy, nous ne sçaurions aller a Dieu le Pere que par cette porte; car tout ainsy que la glace d'un miroüer ne sçauroit arrester nostre veuë si elle n'estoit enduite d'estain ou de plomb par derriere, aussi la Divinité ne pourrait estre bien contemplee par nous en ce bas monde, si elle ne se fust jointe a la sacree humanité du Sauveur, duquel la vie et la mort sont l'objet le plus proportionné, souëfve, delicieux et prouffitable que nous puissions choisir pour nostre meditation ordinaire.

  A003000680 

 Ce fut l'apprehension de David, quand il s'escrioit: Si je monte au ciel, o mon Dieu, vous y estes; si je descends aux enfers, vous y estes; et ainsy nous devons user des paroles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: O que ce lieu, dit-il, est redoutable! Vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien.

  A003000680 

 Helas, Philothee, nous ne voyons pas Dieu qui nous est present; et, bien que la foy nous advertisse de sa presence, si est-ce que ne le voyans pas de nos yeux, nous nous en oublions bien souvent, et nous comportons comme si Dieu estoit bien loin de nous; car encor que nous sçachions bien qu'il est present a toutes choses, si est-ce que n'y pensans point, c'est tout autant comme si nous ne le sçavions pas.

  A003000680 

 Le premier gist en une vive et attentive apprehension de la toute presence de Dieu, c'est a dire que Dieu est en tout et par tout, et qu'il n'y a lieu ni chose en ce monde ou il ne soit d'une tres veritable presence; de sorte que, comme les oyseaux, ou qu'ilz volent, rencontrent tous-jours l'air, ainsy, ou que nous allions, ou que nous soyons, nous treuvons Dieu present.

  A003000681 

 Le second moyen de se mettre en cette sacree presence, c'est de penser que non seulement Dieu est au lieu ou vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie et anime de sa divine presence, estant la comme le cœur de vostre cœur et l'esprit de vostre esprit; car, comme l'ame estant respandue par tout le cors se treuve presente en toutes les parties d'iceluy, et reside neanmoins au cœur d'une speciale residence, de mesme Dieu estant tres present a toutes choses, assiste toutefois d'une speciale façon a nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et saint Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons et sommes en Dieu.

  A003000682 

 Or, ceci n'est pas une simple imagination, mais une vraÿe verité; car encor que nous ne le voyons pas, si est-ce que de la haut, il nous considere: saint Estienne le vit ainsy au tems de son martyre.

  A003000682 

 Si que nous pouvons bien dire avec l'Espouse: Le voyla qu'il est derriere la paroy, voyant par les fenestres, regardant par les treillis..

  A003000683 

 La quatriesme façon consiste a se servir de la simple imagination, nous representans le Sauveur en son humanité sacree comme s'il estoit pres de nous, ainsy que nous avons accoustumé de nous representer nos amis et de dire: je m'imagine de voir un tel qui fait ceci et cela, il me semble que je le vois, ou chose semblable.

  A003000683 

 Mais si le tressaint Sacrement de l'autel estoit present, alhors cette presence seroit reelle et non purement imaginaire; car les especes et apparences du pain seroient comme une tapisserie, derriere laquelle Nostre Seigneur reellement present nous voit et considere, quoy que nous ne le voyons pas en sa propre forme..

  A003000692 

 J'en dis de mesme quand vous mediteres la mort, ainsy que je l'ay marqué en la meditation d'icelle, comme aussi a celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres ou il s'agit de choses visibles et sensibles; car, quant aux autres mysteres, de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes creés, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003000693 

 Or, par le moyen de cette imagination, nous enfermons nostre esprit dans le mystere que nous voulons mediter, affin qu'il n'aille pas courant ça et la, ne plus ne moins que l'on enferme un oyseau dans une cage, ou bien comme l'on attache l'espervier a ses longes, affin qu'il demeure dessus le poing.

  A003000697 

 Apres l'action de l'imagination, s'ensuit l'action de l'entendement que nous appelions meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faites affin d'esmouvoir nos affections en Dieu et aux choses divines: en quoy la meditation est differente de l'estude [79] et des autres pensees et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins et intentions, comme pour devenir sçavant, pour en escrire ou disputer.

  A003000706 

 La premiere, c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections et resolutions qu'il nous a donnees, et de sa bonté et misericorde que nous avons descouvertes au mystere de la meditation.

  A003000706 

 La seconde, c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons a Dieu sa mesme bonté et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Filz, et, conjointement avec icelles, nos affections et resolutions.

  A003000706 

 La troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons a Dieu et le conjurons de nous communiquer les graces et vertus de son Filz, et de donner la benediction a nos affections et resolutions, affin que nous les puissions fidellement executer; puis nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis et autres, employans a cela l'intercession de Nostre Dame, des Anges, des Saintz.

  A003000707 

 Or, cela se fait sur le lieu mesme auquel nous avons fait la meditation, en nous y entretenant ou promenant solitairement quelque tems apres..

  A003000707 

 [82] Ceux qui se sont promenés en un beau jardin n'en sortent pas volontier sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer et tenir le long de la journee: ainsy nostre esprit ayant discouru sur quelque mystere par la meditation, nous devons choisir un ou deux ou trois pointz que nous aurons treuvés plus a nostre goust, et plus propres a nostre avancement, pour nous en resouvenir le reste de la journee et les odorer spirituellement.

  A003000709 

 C'est le grand fruit de la meditation, sans lequel elle est bien souvent, non seulement inutile, mais nuisible, parce que les vertus meditees et non prattiquees enflent quelquefois l'esprit et le courage, nous estant bien advis que nous sommes telz que nous avons resolu et delibvré d'estre, ce qui est sans doute veritable si les resolutions sont vives et solides; mais elles ne sont pas telles, ains vaines et dangereuses, si [83] elles ne sont prattiquees.

  A003000711 

 Il faut mesme que vous vous accoustumies a sçavoir passer de l'orayson a toutes sortes d'actions que vostre vacation et profession requiert justement et legitimement de vous, quoy qu'elles semblent bien esloignees des affections que nous avons receuës en l'orayson.

  A003000712 

 Mais quant aux resolutions, il les faut faire apres les affections et sur la fin de toute la meditation, avant la conclusion, d'autant qu'ayans a nous representer des objectz particuliers et [85] familiers, elles nous mettroyent en danger, si nous les faysions parmi les affections, d'entrer en des distractions..

  A003000718 

 Ainsy devons-nous venir, ma chere Philothee, a la sainte orayson, purement et simplement pour rendre nostre devoir et tesmoigner nostre fidelité.

  A003000718 

 Mais quand il ne le feroit pas, contentons-nous, Philothee, que ce nous est un honneur trop plus grand d'estre aupres de luy et a sa veuë.

  A003000718 

 Que s'il plaist a la divine Majesté de nous parler et s'entretenir avec nous par ses saintes inspirations et consolations interieures, ce nous sera sans doute un grand honneur et un playsir tres delicieux; mais s'il ne luy plaist pas de nous faire cette grace, nous laissans la sans nous parler, non plus que s'il ne nous voyoit pas et que nous ne fussions pas en sa presence, nous ne devons pourtant pas sortir, ains, au contraire, nous devons demeurer la, devant cette souveraine Bonté, avec un maintien devotieux et paisible; et lhors infalliblement il aggreera nostre patience, et remarquera nostre assiduité et perseverance, si qu'une autre fois, quand nous reviendrons devant luy, il nous favorisera et s'entretiendra avec nous par ses consolations, nous faysant voir l'amenité de la sainte orayson.

  A003000733 

 On remercie Dieu de la conservation qu'il a faite de nous en la journee passee..

  A003000736 

 Apres cela, on recommande a la Providence divine son cors, son ame, l'Eglise, les parens, les amis; on prie Nostre Dame, le bon Ange et les Saintz de veiller sur nous et pour nous; et avec la benediction de Dieu, on va prendre le repos qu'il a voulu nous estre requis..

  A003000742 

 O Dieu, [91] ce dires vous, pourquoy ne vous regarde-je tous-jours, comme tous-jours vous me regardes? Pourquoy penses-vous en moy si souvent, mon Seigneur, et pourquoy pense-je si peu souvent en vous? Ou sommes-nous, o mon ame? nostre vraye place, c'est Dieu, et ou est ce que nous nous treuvons?.

  A003000746 

 Lesquelles paroles, outre leur sens litteral (qui tesmoigne que ce grand Roy prenoit quelques heures pour se tenir solitaire en la contemplation des choses spirituelles), nous monstrent en leur sens mystique trois excellentes retraittes et comme trois hermitages, dans lesquelz nous pouvons exercer nostre solitude a l'imitation de nostre Sauveur, lequel sur le mont de Calvaire fut comme le pelican de la solitude, qui de son sang ravive ses [93] poussins mortz; en sa Nativité dans une establerie deserte, il fut comme le hibou dedans la masure, plaignant et pleurant nos fautes et pechés; et au jour de son Ascension, il fut comme le passereau, se retirant et volant au ciel qui est comme le toit du monde; et en tous ces trois lieux, nous pouvons faire nos retraittes emmi le tracas des affaires.

  A003000752 

 Philothee, nostre esprit s'addonnant a la hantise, privauté et familiarité de son Dieu, se parfumera tout de ses perfections; et si, cet exercice n'est point malaysé, car il se peut entrelacer en toutes nos affaires et occupations, sans aucunement les incommoder, d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit en ces eslancemens interieurs, on ne fait que des petitz et courtz divertissemens qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup a la poursuite de ce que nous faysons.

  A003000759 

 » Un autre voyant les arbres fleuris souspiroit: Pourquoy suis-je seul defleuri au jardin de l'Eglise? Un autre voyant des petitz poussins ramassés sous leur mere: O Seigneur, dit il, conservés nous sous l'ombre de vos aisles.

  A003000765 

 Je ne vous ay encor point parlé du soleil des exercices spirituelz, qui est le tressaint, sacré et tres-souverain Sacrifice et Sacrement de la Messe, centre de la religion chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere ineffable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement a nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003000767 

 Tous-jours les Anges en grand nombre s'y treuvent presens, comme dit saint Jean Chrysostome, pour honnorer ce saint mystere; et nous y treuvans avec eux et avec une mesme intention, nous ne pouvons que recevoir beaucoup d'influences propices par une telle societé.

  A003000769 

 Despuis la Communion jusques a la fin, remercies sa divine Majesté de son Incarnation, de sa vie, de sa Mort, de sa Passion et de l'amour qu'il nous tesmoigne en ce saint Sacrifice, le conjurant par iceluy de vous estre a jamais propice, a vos parens, a vos amis et a toute l'Eglise; et vous humiliant de tout vostre cœur, receves devotement la benediction divine que Nostre Seigneur vous donne par l'entremise de son officier..

  A003000775 

 Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices a part soy comme l'on fait aux confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire [103] en particulier, si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bienfaitz avec nos freres et prochains..

  A003000776 

 J'en dis le mesme de toutes sortes de prieres et devotions publiques, ausquelles, tant qu'il nous est possible, nous devons porter nostre bon exemple pour l'edification du prochain, et nostre affection pour la gloire de Dieu et l'intention commune..

  A003000780 

 Les saintes ames des trespassés qui sont en Paradis avec les Anges et, comme dit Nostre Seigneur, esgales et pareilles aux Anges, font aussi le mesme office, d'inspirer en nous et d'aspirer pour nous par leurs saintes oraysons.

  A003000780 

 Ma Philothee, joignons nos cœurs a ces celestes espritz et ames bienheureuses; comme les petitz rossignolz apprennent a chanter avec les grans, ainsy, par le sacré commerce que nous ferons avec les Saintz, nous sçaurons bien mieux prier et chanter les louanges divines: Je psalmodieray, disoit David, a la veuë des Anges..

  A003000780 

 Puisque Dieu nous envoye bien souvent les inspirations par ses Anges, nous devons aussi luy renvoyer frequemment nos aspirations par la mesme entremise.

  A003000781 

 [104] Recourons donq a elle, et, comme ses petitz enfans, jettons-nous a son giron avec une confiance parfaitte; a tous momens, a toutes occurrences reclamons cette douce Mere, invoquons son amour maternel, et, taschans d'imiter ses vertus, ayons en son endroit un vray cœur filial..

  A003000788 

 Et souvenés-vous que Nostre Seigneur recueille les paroles que nous luy disons en nos prieres, a mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication..

  A003000790 

 Car bien que beaucoup des actions des Saintz ne soyent pas absolument imitables par ceux qui vivent emmi le monde, si est-ce que toutes peuvent estre suivies ou de pres ou de loin: la solitude de saint Paul premier ermite est imitee en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous parlerons, et avons parlé ci dessus; l'extreme [107] pauvreté de saint François, par les prattiques de la pauvreté telles que nous les marquerons, et ainsy des autres.

  A003000794 

 Nous appelions inspirations tous les attraitz, mouvemens, reproches et remords interieurs, lumieres et connoissances que Dieu fait en nous, prevenant nostre cœur en ses benedictions par son soin et amour paternel, affin de nous resveiller, exciter, pousser et attirer aux saintes vertus, a l'amour celeste, aux bonnes resolutions, bref, a tout ce qui nous achemine a nostre [108] bien eternel.

  A003000795 

 Ainsy Dieu voulant faire en nous, par nous et avec nous, quelque action de grande charité, premierement, il nous la propose par son inspiration; secondement, nous l'aggreons; tiercement, nous y consentons; car, comme pour descendre au peché il y a trois degrés, la tentation, la delectation et le consentement, aussi en y a-il trois pour monter a la vertu: l'inspiration, qui est contraire a la tentation, la delectation en l'inspiration, qui est contraire a la delectation de la tentation, et le consentement a l'inspiration, qui est contraire au consentement a la tentation..

  A003000796 

 Quand l'inspiration dureroit tout le tems de nostre vie, nous ne serions pourtant nullement aggreables a Dieu si nous n'y prenions playsir; au contraire, sa divine Majesté en seroit offencee, comme il le fut contre les Israëlites aupres desquelz il fut quarante ans, comme il dit, les sollicitant a se convertir, sans que jamais ilz y voulussent entendre, dont il jura contre eux en son ire qu'onques ilz n'entreroyent en son repos.

  A003000798 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux; car si estans inspirés et nous estans pleus en l'inspiration, nous refusons neanmoins par apres le consentement a Dieu, nous sommes extrêmement mesconnoissans et offençons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003000801 

 Or, a tout cecy sert merveilleusement de bien prattiquer l'exercice du matin et les retraittes spirituelles que j'ay marquees cy dessus; car par ce moyen, nous nous preparons a faire le bien, d'une preparation non seulement generale, mais aussi particuliere..

  A003000805 

 Mays pourquoy mourrons nous de la mort spirituelle, puisque nous avons un remede si souverain?.

  A003000805 

 Nostre Sauveur a laissé a son Eglise le Sacrement de Penitence et de Confession affin qu'en iceluy nous nous lavions de toutes nos iniquités, toutes fois et quantes que nous en serons souillés.

  A003000837 

 Entre les exercices des vertus, nous devons preferer celuy qui est plus conforme a nostre devoir, et non pas celuy qui est plus conforme a nostre goust.

  A003000838 

 Il y a de mesme certaines vertus lesquelles, pour estre proches de nous, sensibles et, s'il faut ainsy dire, materielles, sont grandement estimees et tous-jours preferees par le vulgaire: ainsy prefere-il communement l'aumosne temporelle a la spirituelle, la haire, le jeusne, la nudité, la discipline et les mortifications du cors a la douceur, a la debonnaireté, a la modestie et autres mortifications du cœur, qui neanmoins sont bien plus excellentes.

  A003000838 

 Les cometes paraissent pour l'ordinaire plus grandes que les estoiles et tiennent beaucoup plus de place a nos yeux; elles ne sont pas neanmoins comparables ni en grandeur ni en qualité aux estoiles, et ne semblent grandes sinon parce qu'elles sont proches de nous et en un sujet plus grossier au prix des estoiles.

  A003000846 

 Quand nous sommes combattus de quelque vice, il faut, tant qu'il nous est possible, embrasser la prattique de la vertu contraire, rapportant les autres a icelle; car par ce moyen nous vaincrons nostre ennemi et ne laisserons pas de nous avancer en toutes les vertus.

  A003000852 

 Ma Philothee, il faut avoir bonne opinion de ceux esquelz nous voyons la prattique des vertus, quoy qu'avec imperfection, puisque les Saintz mesmes les ont souvent prattiquees en cette sorte; mays quant a nous, il nous faut avoir soin de nous y exercer, non seulement fidellement, mais prudemment, et a cet effect observer estroittement l'advis du Sage, de ne point nous appuyer sur nostre propre prudence, ains sur celle de ceux que Dieu nous a donnés pour conducteurs..

  A003000853 

 J'adjouste que nous n'avons pas entrepris de nous rendre sinon gens de bien, gens de [131] devotion, hommes pieux, femmes pieuses, c'est pourquoy il nous faut bien employer a cela; que s'il plait a Dieu de nous eslever jusques a ces perfections angeliques, nous serons aussi des bons anges, mais en attendant exerçons-nous simplement, humblement et devotement aux petites vertus, la conqueste desquelles Nostre Seigneur a exposee a nostre soin et travail: comme la patience, la debonnaireté, la mortification du cœur, l'humilité, l'obeissance, la pauvreté, la chasteté, la tendreté envers le prochain, le support de ses imperfections, la diligence et sainte ferveur..

  A003000853 

 Mais pour tout cela, il ne faut pas pretendre a telles graces, puisqu'elles ne sont nullement necessaires pour bien servir et aymer Dieu, qui doit estre nostre unique pretention; aussi, bien souvent ne sont-ce pas des graces qui puissent estre acquises par le travail et industrie, puisque ce sont plustost des passions que des actions, lesquelles nous pouvons recevoir, mais non pas faire en nous.

  A003000854 

 Il ne faut pourtant rien mespriser ni censurer temerairement; mais en benissant Dieu de la sureminence des autres, arrestons-nous humblement en nostre voÿe, plus basse mais plus asseuree, moins excellente mais plus sortable a nostre insuffisance et petitesse, en laquelle si nous conversons humblement et fidellement, Dieu nous eslevera a des grandeurs bien grandes..

  A003000854 

 Laissons volontier les sureminences aux ames sur-eslevees: nous ne meritons pas un rang si haut au service de Dieu; trop heureux serons-nous de le servir en sa cuisine, en sa paneterie, d'estre des laquais, portefaix, garçons de chambre; c'est a luy par apres, si bon luy semble, de nous retirer en son cabinet et conseil privé.

  A003000858 

 Ouy; car, comme avoit prononcé le Sauveur, en vostre patience vous possederes vos ames. C'est le grand bonheur de l'homme, Philothee, que de posseder son ame; et a mesure que la patience est plus parfaitte, nous possedons plus parfaittement nos ames.

  A003000858 

 [133] Resouvenés vous souvent que Nostre Seigneur nous a sauvés en souffrant et endurant, et que de mesme, nous devons faire nostre salut par les souffrances et afflictions, endurans les injures, contradictions et desplaysirs avec le plus de douceur qu'il nous sera possible..

  A003000863 

 Plaignes vous le moins que vous pourres des tortz qui vous seront faitz; car c'est chose certaine que pour l'ordinaire, qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tous-jours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faites point vos plaintes a des personnes aysees a s'indigner et mal penser.

  A003000866 

 Obeisses au medecin, prenes les medecines, viandes et autres remedes pour l'amour de Dieu, vous resouvenant du fiel qu'il print pour l'amour de nous.

  A003000866 

 Resouvenes-vous que les abeilles au tems qu'elles font le miel, vivent et mangent d'une munition fort amere, et qu'ainsy nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ni mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume et vivons parmi les angoisses.

  A003000871 

 La cresserelle criant et regardant les oyseaux de proye, les espouvante par une proprieté et vertu secrette; c'est pourquoy les colombes l'ayment sur tous les autres oyseaux, et vivent en asseurance aupres d'icelle: ainsy l'humilité repousse Satan, et conserve en nous les graces et dons du Saint Esprit, et pour cela tous les Saintz, mais particulerement le Roy des Saintz et sa Mere, ont tous-jours honnoré et cheri cette digne vertu plus qu'aucune autre entre toutes les morales.

  A003000872 

 La noblesse de la race, la faveur des grans, l'honneur populaire, ce sont choses qui ne sont pas en nous, mais ou en nos predecesseurs, ou en l'estime d'autruy.

  A003000872 

 Nous appelions vaine la gloire qu'on se donne ou pour ce qui n'est pas en nous, ou pour ce qui est en nous mais non pas a nous, ou pour ce qui est en nous et a nous, mais qui ne merite pas qu'on s'en glorifie.

  A003000874 

 Ce n'est plus honneur d'estre beau, quand on s'en regarde: la beauté pour avoir bonne grace doit estre negligee; la science nous deshonnore quand elle nous enfle et qu'elle degenere en pedanterie.

  A003000874 

 Si nous sommes pointilleux pour les rangs, pour les [143] seances, pour les tiltres, outre que nous exposons nos qualités a l'examen, a l'enqueste et a la contradiction, nous les rendons viles et abjectes; car l'honneur qui est beau estant receu en don, devient vilain quand il est exigé, recherché et demandé.

  A003000875 

 La poursuite et amour de la vertu commence a nous rendre vertueux; mais la poursuite et amour des honneurs commence a nous rendre mesprisables et vituperables.

  A003000880 

 Plusieurs ne veulent ni n'osent penser et considerer les graces que Dieu leur a faites en particulier, de peur de prendre de la vaine gloire et complaisance, en quoy certes ilz se trompent; car puisque, [145] comme dit le grand Docteur Angelique, le vray d'atteindre a l'amour de Dieu, c'est la consideration de ses bienfaitz, plus nous les connoistrons plus nous l'aymerons; et comme les benefices particuliers esmeuvent plus puissamment que les communs, aussi doivent-ilz estre considerés plus attentivement..

  A003000881 

 Certes, rien ne nous peut tant humilier devant la misericorde de Dieu que la multitude de ses bienfaitz, ni rien tant humilier devant sa justice, que la multitude de nos mesfaitz.

  A003000881 

 Considerons ce qu'il a fait pour nous et ce que nous avons fait contre luy; et comme nous considerons par le menu nos pechés, considerons aussi par le menu ses graces.

  A003000881 

 Helas, les muletz laissent ilz d'estre lourdes et puantes bestes, pour estre chargés des meubles pretieux et parfumés du prince? Qu'avons nous de bon que nous n'ayons receu? et si nous l'avons receu, pourquoy nous en voulons nous enorgueillir? Au contraire, la vive consideration des graces receuës nous rend humbles; car la connoissance engendre la reconnoissance.

  A003000881 

 Il ne faut pas craindre que la connoissance de ce qu'il a mis en nous nous enfle, pourveu que nous soyons attentifz a cette verité, que ce qui est de bon en nous n'est pas de nous.

  A003000881 

 Mais si voyans les graces que Dieu nous a faites, quelque sorte de vanité nous venoit chatouiller, le remede infallible sera de recourir a la consideration de nos ingratitudes, de nos imperfections, de nos miseres: si nous considerons ce que nous avons fait quand Dieu n'a pas esté avec nous, nous connoistrons bien que ce que nous faisons quand il est avec nous n'est pas de nostre façon ni de nostre creu; nous en jouirons voyrement et nous en resjouirons parce que nous l'avons, mais nous en glorifierons Dieu seul parce qu'il en est l'autheur.

  A003000882 

 Au contraire, nous faisons semblant de fuir et de nous cacher, affin qu'on nous coure apres et qu'on nous cherche; nous faisons contenance de vouloir estre les derniers et assis au bas bout de la table, mays c'est affin de passer plus avantageusement au haut bout.

  A003000882 

 Nous disons maintesfois que nous ne sommes rien, que nous sommes la misere mesme et l'ordure du monde; mais nous serions bien marris qu'on nous prist au mot et que l'on nous publiast telz que nous disons.

  A003000883 

 Il est vray qu'encor voudrois-je que les paroles fussent adjustees a nos affections au plus pres qu'il nous seroit possible, pour suivre en tout et par tout la simplicité et candeur cordiale.

  A003000883 

 J'en dis de mesme de quelques paroles [147] d'honneur ou de respect qui, a la rigueur, ne semblent pas veritables; car elles le sont neanmoins asses, pourveu que le cœur de celuy qui les prononce ait une vraye intention d'honnorer et respecter celuy pour lequel il les dit; car encor que les motz signifient avec quelque exces ce que nous disons, nous ne faisons pas mal de les employer quand l'usage commun le requiert.

  A003000883 

 Or, je tiens cette regle si generale que je n'y apporte nulle exception: seulement j'adjouste que la civilité requiert que nous presentions quelquefois l'advantage a ceux qui manifestement ne le prendront pas, et ce n'est pourtant pas ni duplicité ni fause humilité; car alhors le seul offre de l'advantage est un commencement d'honneur, et puisqu'on ne peut le leur donner entier on ne fait pas mal de leur en donner le commencement.

  A003000883 

 Voyci donq mon ad vis, Philothee: ou ne disons point de paroles d'humilité, ou disons les avec un vray sentiment interieur, conforme a ce que nous prononçons exterieurement; n'abbaissons jamais les yeux qu'en humiliant nos cœurs; ne faisons pas semblant de vouloir estre des derniers, que de bon cœur nous ne voulussions l'estre.

  A003000884 

 Mais ne voit il pas que quand Dieu nous veut gratifier, c'est orgueil de refuser? que les dons de Dieu nous obligent a les recevoir, et que c'est humilité d'obeir et suivre au plus pres que nous pouvons ses desirs? Or, le desir de Dieu est que nous soyons parfaitz, nous unissans a luy et l'imitans au plus presque nous pouvons.

  A003000890 

 Et c'est cela a quoy je vous exhorte, et que pour mieux entendre, sçaches qu'entre les maux que nous souffrons les uns sont abjectz et les autres honnorables; plusieurs s'accommodent aux honnorables, mais presque nul ne veut [151] s'accommoder aux abjectz.

  A003000890 

 Il y a néanmoins difference entre la vertu d'humilité et l'abjection; car l'abjection, c'est la petitesse, bassesse et vileté qui est en nous, sans que nous y pensions; mais quant a la vertu d'humilité, c'est la veritable connoissance et volontaire reconnoissance de nostre abjection.

  A003000890 

 Or, le haut point de cette humilité gist a non seulement reconnoistre volontairement nostre abjection, mais l'aymer et s'y complaire, et non point par manquement de courage et generosité, mais pour exalter tant plus la divine Majesté, et estimer beaucoup plus le prochain en comparayson de nous mesmes.

  A003000891 

 En voyci d'une autre sorte: nous allons visiter les malades; si on m'envoye au plus miserable, ce me sera une abjection selon le monde, c'est pourquoy je l'aymeray; si on m'envoye [152] a ceux de qualité, c'est une abjection selon l'esprit, car il n'y a pas tant de vertu ni de merite, et j'aymeray donques cette abjection.

  A003000892 

 Il y a mesme des fautes esquelles il n'y a aucun mal que la seule abjection; et l'humilité ne requiert pas qu'on les face expressement, mais elle requiert bien qu'on ne s'inquiete point quand on les aura commises: telles sont certaines sottises, incivilités et inadvertances, lesquelles comme il faut eviter avant qu'elles soyent faittes, pour obeir a la civilité et prudence, aussi faut il quand elles sont faittes, acquiescer a l'abjection qui nous en revient, et l'accepter de bon cœur pour suivre la sainte humilité.

  A003000893 

 Au demeurant, il arrive quelquefois que la charité requiert que nous remedions a l'abjection pour le bien du prochain, auquel nostre reputation est necessaire; mais en ce cas la, ostant nostre abjection de devant les yeux du prochain pour empescher son scandale, il la faut serrer et cacher dedans nostre cœur affin qu'il s'en edifie..

  A003000893 

 Mais quoy que nous aymions l'abjection qui s'ensuit du mal, si ne faut il pas laisser de remedier au mal qui l'a causee, par des moyens propres et legitimes, et sur tout quand le mal est de consequence.

  A003000894 

 Ah! qui nous fera la grace de pouvoir dire avec ce grand Roy: J'ay choisi d'estre abject en la mayson de Dieu, plustost que d'habiter es tabernacles des pecheurs? Nul ne le peut, chere Philothee, que Celuy qui pour nous exalter, vesquit et mourut en sorte qu'il fut l' opprobre des hommes et l'abjection du peuple..

  A003000894 

 Mais vous voulés sçavoir, Philothee, quelles sont les meilleures abjections; et je vous dis clairement que les plus prouffitables a l'ame et aggreables a Dieu sont celles que nous avons par accident ou par la condition de nostre vie, parce que nous ne les avons pas choisies, ains les avons receuës telles que Dieu nous les a envoyees, duquel l'election est tous-jours meilleure que la nostre.

  A003000899 

 Car par la loüange nous voulons persuader aux autres d'estimer l'excellence de quelqu'un; par l'honneur nous protestons que nous l'estimons nous mesmes; et la gloire n'est autre chose, a mon advis, qu'un certain esclat de reputation qui rejaillit de l'assemblage de plusieurs louanges et honneurs: si que les honneurs et loüanges sont comme des pierres pretieuses, de l'amas desquelles reussit la gloire comme un esmail.

  A003000899 

 Elle consent bien neanmoins a l'advertissement du Sage, qui nous admoneste d' avoir soin de nostre renommee, parce que la bonne renommee est une estime, non d'aucune excellence, mais seulement d'une simple et commune preud'hommie et integrité de vie, laquelle l'humilité n'empesche pas que nous ne reconnoissions en nous mesmes, ni par consequent que nous en desirions la reputation.

  A003000899 

 Il est vray que l'humilité mespriseroit la renommee si la charité n'en avoit besoin; mais parce qu'elle est l'un des fondemens de la societé humaine, et que sans elle nous sommes non seulement inutiles mais dommageables au public, a cause du scandale qu'il en reçoit, la charité requiert et l'humilité aggree que nous la desirions et conservions pretieusement.

  A003000899 

 Or, l'humilité ne pouvant souffrir que nous ayons aucune opinion d'exceller ou devoir estre preferés aux autres, ne peut aussi permettre que nous recherchions la louange, l'honneur ni la gloire qui sont deuës a la seule excellence.

  A003000900 

 Conservons nos vertus, ma chere Philothee, parce qu'elles sont aggreables a Dieu, grand et souverain objet de toutes nos actions; mais comme ceux qui veulent garder les fruitz ne se contentent pas de les confire, ains les mettent dedans des vases propres a la conservation d'iceux, de mesme, bien que l'amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, si est-ce que nous pouvons encor employer la bonne renommee comme fort propre et utile a cela..

  A003000900 

 Outre cela, comme les feuilles des arbres, qui d'elles mesmes ne sont pas beaucoup prisables, servent neanmoins de beaucoup, non seulement pour les embellir, mais aussi pour conserver les fruitz tandis qu'ilz sont encor tendres; ainsy la bonne renommee, qui de soy mesme n'est pas une chose fort desirable, ne laisse pas d'estre tres utile, non seulement pour l'ornement de nostre vie, mais aussi pour la conservation de nos vertus, et principalement des vertus encor tendres et foibles: l'obligation de maintenir nostre reputation et d'estre telz que l'on nous estime, force un courage genereux, d'une puissante et douce violence.

  A003000901 

 Il ne faut pas pourtant que nous soyons trop ardens, exactes et pointilleux a cette conservation, car ceux qui sont si douilletz et sensibles pour leur reputation ressemblent a ceux qui pour toutes sortes de petites [156] incommodités prennent des medecines: car ceux ci, pensans conserver leur santé la gastent tout a fait, et ceux la, voulans maintenir si delicatement leur reputation la perdent entierement; car par cette tendreté ilz se rendent bigearres, mutins, insupportables, et provoquent la malice des mesdisans.

  A003000902 

 Mais si nos vices, nos laschetés, [158] nostre mauvaise vie nous oste la reputation, il sera malaysé que jamais elle revienne, parce que la racine en est arrachee.

  A003000902 

 Or, la racine de la renommee, c'est la bonté et la probité, laquelle tandis qu'elle est en nous peut tous-jours reproduire l'honneur qui luy est deu..

  A003000904 

 Ayons tous-jours les yeux sur Jesus Christ crucifié; marchons en son service avec confiance et simplicité, mais sagement et discretement: il sera le protecteur de nostre renommee, et s'il permet qu'elle nous soit ostee, ce sera pour nous en rendre une meilleure, ou pour nous faire prouffiter en la sainte humilité, de laquelle une seule once vaut mieux que mille livres d'honneur.

  A003000904 

 Servons Dieu par la bonne et mauvaise renommee, a l'exemple de saint Paul, affin que nous puissions dire avec David: O mon Dieu, c'est pour vous que j'ay supporté l'opprobre et que la confusion a couvert mon visage.

  A003000904 

 Si on nous blasme injustement, opposons paisiblement la [159] verité a la calomnie; si elle persevere, perseverons a nous humilier: remettans ainsy nostre réputation avec nostre ame es mains de Dieu, nous ne sçaurions la mieux asseurer.

  A003000908 

 L'humilité nous perfectionne envers Dieu, et la douceur envers le prochain.

  A003000908 

 Le saint chresme, duquel par tradition apostolique on use en l'Eglise de Dieu pour les confirmations et benedictions, est composé d'huyle d'olive meslee avec le baume, qui represente entre autres choses les deux cheres et bienaymees vertus qui reluisoient en la sacree Personne de Nostre Seigneur, lesquelles il nous a singulierement recommandees, comme si par icelles nostre cœur devoit estre specialement consacré a son service et appliqué a son imitation: Apprenes de moy, dit-il, que je suis doux et humble de cœur.

  A003000909 

 On dit que ceux qui ont prins le preservatif que l'on appelle communement la grace de saint Paul, n'enflent point estans morduz et piqués de la vipere, pourveu que la grace soit de la fine: de mesme, quand l'humilité et la douceur sont bonnes et vrayes, elles nous garantissent de l'enflure et ardeur que les injures ont accoustumé de provoquer en nos cœurs.

  A003000909 

 Que si estans piqués et morduz par les mesdisans et ennemis nous devenons fiers, enflés et despités, c'est signe que nos humilités et douceurs ne sont pas veritables et franches, mais artificieuses et apparentes..

  A003000910 

 Je vous en dis de mesme, Philothee: cette miserable vie n'est qu'un acheminement a la bienheureuse; ne nous courrouçons donq point en chemin les uns avec les autres, marchons avec la trouppe de nos freres et compaignons doucement, paisiblement et amiablement.

  A003000911 

 Il faut voyrement resister au mal et reprimer les vices de ceux que nous avons en charge, constamment et vaillamment, mais doucement et paisiblement.

  A003000912 

 Il est donq mieux d'entreprendre de sçavoir vivre sans cholere que de vouloir user moderement et sagement de la cholere, et quand par imperfection et foiblesse nous nous treuvons surpris d'icelle, il est mieux de la repousser vistement que de vouloir marchander avec elle; car pour peu qu'on luy donne de loysir, elle se rend maistresse de la place et fait comme le serpent, qui tire aysement tout son cors ou il peut mettre la teste.

  A003000912 

 Mais comment la repousseray je, me dires vous? Il faut, ma Philothee, qu'au premier ressentiment que vous en aures, vous ramassies promptement vos forces, non point brusquement ni impetueusement, mais doucement et neanmoins serieusement; car, comme on void es audiences de plusieurs senatz et parlemens, que les huissiers crians: Paix la, font plus de bruit que ceux qu'ilz veulent faire taire, aussi il arrive maintesfois que voulans avec impetuosité reprimer nostre cholere, nous excitons plus de trouble en nostre cœur qu'elle n'avoit pas fait, et le cœur estant ainsy troublé ne peut plus estre maistre de soy mesme..

  A003000913 

 » [164] Je veux dire, qu'il faut invoquer le secours de Dieu quand nous nous voyons agités de cholere, a l'imitation des Apostres tourmentés du vent et de l'orage emmi les eaux; car il commandera a nos passions qu'elles cessent, et la tranquillité se fera grande.

  A003000918 

 En quoy font une grande faute plusieurs qui, s'estans mis en cholere, se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre despités; car par ce moyen ilz tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere: et si bien il semble que la seconde cholere ruine la premiere, si est ce neanmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere, a la premiere occasion qui s'en presentera; outre que ces choleres, despitz et aigreurs que l'on a contre soy mesme tendent a l'orgueil et n'ont origine que de l'amour propre, qui se trouble et s'inquiete de nous voir imparfaitz..

  A003000918 

 L'une des bonnes prattiques que nous sçaurions faire de la douceur, c'est celle de laquelle le sujet est en nous mesmes, ne despitant jamais contre nous mesmes ni contre nos imperfections; car encor que la rayson veut que quand nous faysons des fautes nous en soyons desplaisans et marris, si faut-il neanmoins que nous nous empeschions d'en avoir une desplaisance aigre et chagrine, despiteuse et cholere.

  A003000919 

 Il faut donq avoir un desplaysir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car comme un juge chastie bien mieux les meschans faysant ses sentences [166] par rayson et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion, d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsy nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentances tranquilles et constantes, que non pas par des repentances aigres, empressees et choleres, d'autant que ces repentances faittes avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003000920 

 Croyes moy, Philothee, comme les remonstrances d'un pere faittes doucement et cordialement, ont bien plus de pouvoir sur un enfant pour le corriger que non pas les choleres et courroux; ainsy, quand nostre cœur aura fait quelque faute, si nous le reprenons avec des remonstrances douces et tranquilles, ayans plus de compassion de luy que de passion contre luy, l'encourageans a l'amendement, la repentance qu'il en concevra entrera bien plus avant et le penetrera mieux que ne feroit pas une repentance despiteuse, ireuse et tempestueuse..

  A003000921 

 Pour moy, si j'avois par exemple grande affection de ne point tomber au vice de la vanité, et que j'y fusse neanmoins tombé d'une grande cheute, je ne voudrais pas reprendre mon cœur en cette sorte: N'es-tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter a la vanité? meurs de honte, ne leve plus les yeux au ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal a ton Dieu, et semblables choses; mais je voudrois le corriger raysonnablement et par voye de compassion: Or sus, mon pauvre cœur, nous voyla [167] tombés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschapper; ah, relevons-nous et quittons-la pour jamais, reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour des-ormais estre plus fermes, et remettons-nous au chemin de l'humilité; courage, soyons meshui sur nos gardes, Dieu nous aydera, nous ferons prou.

  A003000927 

 Le soin et la diligence que nous devons avoir en nos affaires sont choses bien differentes de la sollicitude, souci et empressement.

  A003000927 

 Ne vous empresses point a la besoigne: car toute sorte d'empressement trouble la rayson et le jugement, et nous empesche mesme de bien faire la chose a laquelle nous nous empressons.

  A003000928 

 Les mouches ne nous inquietent pas par leur effort, mais par la multitude: ainsy les grans affaires ne nous troublent pas tant comme les menus, quand ilz sont en grand nombre.

  A003000928 

 Nous faisons tous-jours asses tost quand nous faisons bien.

  A003000933 

 Je ne diray rien de ces trois vertus entant qu'elles sont voiiees solemnellement, parce que cela ne regarde que les religieux; ni mesme entant qu'elles sont voiiees simplement, d'autant qu'encor que le vœu donne tous-jours beaucoup de graces et de merite a toutes les vertus, si est ce que pour nous rendre parfaitz il n'est pas necessaire qu'elles soyent voiiees, pourveu qu'elles soyent observees.

  A003000933 

 La seule charité nous met en la perfection; mais l'obeissance, la chasteté et la pauvreté sont les trois grans moyens pour l'acquerir.

  A003000933 

 Taschons donques, Philothee, de bien prattiquer ces trois vertus, un chacun selon sa vocation; car encor qu'elles ne nous mettent pas en l'estat de perfection, elles nous donneront neanmoins la [172] perfection mesme; aussi nous sommes tous obligés a la prattique de ces trois vertus, quoy que non pas tous a les prattiquer de mesme façon..

  A003000934 

 Obeisses en fin doucement, sans replique; promptement, sans retardation; gayement, sans chagrin; et sur tout obeisses amoureusement pour l'amour de Celuy qui pour l'amour de nous s'est fait obeissant jusques a la morte de la croix, et lequel, comme dit saint Bernard, ayma mieux perdre la vie que l'obeissance.

  A003000934 

 Or cette obeissance s'appelle necessaire, parce que nul ne se peut exempter du devoir d'obeir a ces superieurs la, Dieu les ayant mis en authorité de commander et gouverner, chacun en ce qu'ilz ont en charge sur nous.

  A003000935 

 C'est un abus de croire que si on estoit religieux ou religieuse on obeiroit aysement, si l'on se treuve difficile et revesche a rendre obeissance a ceux que Dieu a mis sur nous..

  A003000936 

 Nous appelions obeissance volontaire celle a laquelle nous nous obligeons par nostre propre election, et laquelle ne nous est point imposee par autruy.

  A003000937 

 Il faut obeir a tous les superieurs, a chacun neanmoins en ce dequoy il a charge sur nous: comme, en ce qui regarde la police et les choses publiques, il faut obeir aux princes; aux prelatz, en ce qui regarde la police ecclesiastique; es choses domestiques, au pere, au maistre, au mari; quant a la conduite particuliere de l'ame, au directeur et confesseur particulier..

  A003000967 

 Celuy qui possede un bien justement, n'a-il pas plus de rayson de le garder justement, que nous de le vouloir avoir justement? et pourquoy donques estendons-nous nostre desir sur sa commodité pour l'en priver? Tout au plus si ce desir est juste, certes, il n'est pas pourtant charitable; car nous ne voudrions nullement qu'aucun desirast, quoy que justement, ce que nous voulons garder justement.

  A003000967 

 O Philothee, je ne sçai si c'est un desir juste de desirer d'avoir justement ce qu'un autre possede justement; car il semble que par ce desir nous nous voulons accommoder par l'incommodité d'autruy.

  A003000974 

 Ayons donq ce soin gracieux de la conservation, voyre de l'accroissement de nos biens temporelz, lhors que quelque juste occasion s'en presentera et entant que nostre condition le requiert, car Dieu veut que nous facions ainsy pour son amour.

  A003000974 

 Ma Philothee, les possessions que nous avons ne sont pas nostres: Dieu les nous a donnees a cultiver et veut que nous les rendions fructueuses et utiles, et partant nous luy faisons service aggreable d'en avoir soin.

  A003000974 

 Mais prenés garde que l'amour propre ne vous trompe, car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu qu'on diroit que c'est luy: or, pour empescher qu'il ne vous deçoive, et que ce soin des biens temporelz ne se convertisse en avarice, outre ce que j'ay dit au chapitre precedent, il nous faut prattiquer bien souvent la pauvreté reelle et effectuelle, emmi toutes les facultés et richesses que Dieu nous a donnees..

  A003000974 

 Mays il faut donq que ce soit un soin plus grand et solide que celuy que les mondains ont de leurs biens, car ilz ne s'embesoignent [188] que pour l'amour d'eux mesmes, et nous devons travailler pour l'amour de Dieu: or, comme l'amour de soy mesme est un amour violent, turbulent, empressé, aussi le soin qu'on a pour luy est plein de trouble, de chagrin, d'inquietude; et comme l'amour de Dieu est doux, paisible et tranquille, aussi le soin qui en procede, quoy que ce soit pour les biens du monde, est amiable, doux et gracieux.

  A003000976 

 Aymes les pauvres et la pauvreté, car par cet amour vous deviendres vrayement pauvre, puisque, comme dit l'Escriture, nous sommes faitz comme les choses que nous aymons.

  A003000980 

 En fin, il est facile d'avoir souvent besoin de quelque chose, pour riche qu'on soit; or cela, c'est estre pauvre en effect de ce qui nous manque.

  A003000980 

 Il arrive quelque-fois chez nous un hoste que nous voudrions et devrions bien traitter, il n'y a pas moyen pour l'heure; on a ses beaux habitz en un lieu, on en auroit besoin en un autre ou il seroit requis de paroistre; il arrive que tous les vins de la cave se poussent et tournent, il n'en reste plus que les mauvais et verds; on se treuve aux champs dans quelque bicoque ou tout manque: on n'a lict, ni chambre, ni table, ni service.

  A003000981 

 Quand nos moyens nous tiennent au cœur, si la tempeste, si le larron, si le chicaneur nous en arrache quelque partie, quelles plaintes, quelz troubles, quelles impatiences en avons-nous! mais quand nos biens ne tiennent qu'au soin que Dieu veut que nous en ayons et non pas a nostre cœur, si on nous les arrache, nous n'en perdrons pourtant pas le sens ni la tranquillité.

  A003000986 

 Or, ce que nous recevons purement de la volonté de Dieu luy est tous-jours tres aggreable, pourveu que nous le recevions de bon cœur et pour l'amour de sa sainte volonté: ou il y a moins du nostre il y a plus de Dieu.

  A003000993 

 L'amour tient le premier rang entre les passions de l'ame: c'est le roy de tous les mouvemens du cœur, il convertit tout le reste a soy et nous rend telz que ce qu'il ayme.

  A003001006 

 Ah! ce grand Dieu qui s'estoit reservé le seul amour de nos ames, en reconnoissance de leur creation, conservation et redemption, exigera un compte bien estroit de ces folles deduites que nous en faysons; que s'il doit faire un examen si exacte des parolles oyseuses, qu'est ce qu'il fera des amitiés oyseuses, impertinentes, folles et pernicieuses? [201].

  A003001006 

 Helas, nous n'avons pas d'amour a beaucoup près de ce que nous avons besoin; je veux dire, il s'en faut infiniment que nous en ayons asses pour aymer Dieu, et cependant, miserables que nous sommes, nous le prodiguons et espanchons en choses sottes et vaynes et frivoles, comme si nous en avions de reste.

  A003001011 

 O qu'il fait bon aymer en terre comme l'on ayme au Ciel, et apprendre a s'entrecherir en ce monde comme nous ferons eternellement en l'autre!.

  A003001014 

 Que s'il ne faut pas croire ceux qui disent que toutes choses sont en toutes choses, si nous faut-il pourtant adjouster foy que nous estions tous deux en l'un de nous, et l'un en l'autre; une seule pretention avions-nous tous deux, de cultiver la vertu et accommoder les desseins de nostre vie aux esperances futures, sortans ainsy hors de la terre mortelle avant que d'y mourir.

  A003001014 

 Saint Gregoire [204] Nazianzene se vante cent fois de l'amitié nompareille qu'il eut avec le grand saint Basile, et la descrit en cette sorte: «Il sembloit qu'en l'un et l'autre de nous, il n'y eust qu'une seule ame portant deux cors.

  A003001032 

 Ah, ce me dires vous, mais ne sera ce point une ingratitude, de rompre si impiteusement une amitié? O que bienheureuse est l'ingratitude qui nous rend aggreables a Dieu! Non, de par Dieu, Philothee, ce ne sera pas ingratitude, ains un grand benefice que vous feres a l'amant, car en rompant vos liens vous rompres les siens, puisqu'ilz vous estoyent communs, et bien [212] que pour l'heure il ne s'apperçoive pas de son bonheur, il le reconnoistra bien tost apres et avec vous chantera pour action de grace: O Seigneur, vous aves rompu mes liens, je vous sacrifieray l'hostie de loüange et invoqueray vostre saint Nom..

  A003001036 

 Et nous voyons des maris, des femmes, des enfans, des amis qui ayans en grande estime leurs amis, leurs peres, leurs maris et leurs femmes acquierent, ou par condescendance ou par imitation, mille mauvaises petites humeurs au commerce de l'amitié qu'ilz ont ensemble.

  A003001036 

 Il faut [214]sans doute supporter doucement l'ami en ses imperfections, mais non pas le porter en icelles, et beaucoup moins les transporter en nous..

  A003001036 

 Mais sur tout, cela arrive quand nous estimons grandement celuy que nous aymons; car alhors nous ouvrons tellement le cœur a son amitié, qu'avec icelle ses inclinations et impressions entrent aysement toutes entieres, soit qu'elles soyent bonnes ou qu'elles soyent mauvaises.

  A003001036 

 Or donq, Philothee, il faut bien prattiquer en ce sujet la parolle que le Sauveur de nos ames souloit dire, ainsy que les [213] Anciens nous ont appris: «Soyes bons changeurs» et monnoyeurs, c'est a dire, ne recevés pas la fause monnoye avec la bonne, ni le bas or avec le fin or; separés le pretieux d'avec le chetif: ouy, car il n'y a presque celuy qui n'ait quelque imperfection.

  A003001036 

 Or, cela ne se doit aucunement faire, car chacun a bien asses de ses mauvaises inclinations sans se surcharger de celles des autres; et non seulement l'amitié ne requiert pas cela, mais au contraire, elle nous oblige a nous entr'ayder pour nous affranchir reciproquement de toutes sortes d'imperfections.

  A003001037 

 On dit que la salemandre esteint le feu dans lequel elle se couche, et le peché ruine l'amitié en laquelle il se loge: si c'est un peche passager, l'amitié luy donne soudain la fuite par la correction; mais s'il sejourne et arreste, tout aussi tost l'amitié perit, car elle ne peut subsister que sur la vraye vertu; combien moins donq doit on pecher pour l'amitié? L'ami est ennemi quand il nous veut conduire au peché, et merite de perdre l'amitié quand il veut perdre et damner l'ami; ains c'est l'une des plus asseurees marques d'une fause amitié que de la voir prattiquee envers une personne vicieuse, de quelle sorte de peché que ce soit.

  A003001037 

 Si celuy que nous aymons est vicieux, sans doute nostre amitié est vicieuse; car puysqu'elle ne peut regarder la vraye vertu il est force qu'elle considere quelque vertu folastre et quelque qualité sensuelle.

  A003001044 

 Mais ce cœur mesme par lequel nous voulons commencer, requiert qu'on l'instruise comme il doit former son train et maintien exterieur, affin que non seulement on y voye la sainte devotion, mais aussi une grande sagesse et discretion.

  A003001045 

 Si vous pouves supporter le jeusne, vous feres bien de jeusner quelques jours, outre les jeusnes que l'Eglise nous commande; car outre l'effect ordinaire du jeusne, d'eslever l'esprit, reprimer la chair, prattiquer la vertu et acquerir plus grande recompense au Ciel, c'est un grand bien de se maintenir en la possession de gourmander la gourmandise mesme, et tenir l'appetit sensuel et le cors sujet a la loy de l'esprit; et bien qu'on ne jeusne pas beaucoup, l'ennemi neanmoins nous craint davantage quand il connoist que nous sçavons jeusner.

  A003001046 

 Nous sommes grandement exposés aux tentations quand nostre cors est trop nourri et quand il est trop abbattu; car l'un le rend insolent en son ayse et l'autre le rend desesperé en son mesayse; et comme nous ne le pouvons porter quand il est trop gras, aussi ne nous peut-il porter quand il est trop maigre.

  A003001048 

 Il me semble que nous devons avoir en grande reverence la parolle que nostre Sauveur et Redempteur Jesus Christ dit a ses Disciples: Manges ce qui sera mis devant vous.

  A003001050 

 Certes, ce tems la est le plus gracieux, le plus doux et le moins embarrassé; les oyseaux mesmes nous provoquent en iceluy au resveil et aux louanges de Dieu: si que le lever matin sert a la santé et a la sainteté..

  A003001050 

 Et parce que l'Escriture Sainte, en cent façons, l'exemple des Saintz et les raysons naturelles nous recommandent grandement les matinees, comme les meilleures et plus fructueuses pieces de nos jours, et que Nostre Seigneur mesme est nommé Soleil levant et Nostre Dame, Aube du jour, je pense que c'est un soin vertueux de prendre son sommeil devers le soir a bonne heure, pour pouvoir prendre son resveil et faire son lever de bon matin.

  A003001052 

 Certes, pour guerir la demangeaison il n'est pas tant besoin de se laver et baigner, comme de purifier le sang et rafraischir le foye; ainsy, pour nous guerir de nos vices il est voyrement bon de mortifier la chair, mais il est sur tout necessaire de bien purifier nos affections et rafraischir nos cœurs..

  A003001067 

 Quant a la netteté, elle doit presque tous-jours estre egale en nos habitz, sur lesquelz, tant qu'il est possible, nous ne devons laisser aucune sorte de souïlleure et vilenie.

  A003001073 

 Les medecins prennent une grande connoissance de la santé ou maladie d'un homme par l'inspection de sa langue; et nos parolles sont les vrays indices des qualités de nos ames: Par tes parolles, dit le Sauveur, tu seras justifié, et par tes parolles tu seras condamné. Nous portons soudain la main sur la douleur que nous sentons, et la langue sur l'amour que nous avons.

  A003001079 

 Et que personne ne me die qu'il n'y pense pas, car Nostre Seigneur qui connoist les pensees a dit que la bouche parle de l'abondance du cœur; et si nous n'y pensions pas mal, le malin neanmoins en pense beaucoup, et se sert tous-jours secrettement de ces mauvais motz pour en transpercer le cœur de quelqu'un.

  A003001079 

 Quant aux choses indecentes et folles, l'Apostre ne veut pas que seulement on les nomme, nous asseurant que rien ne corrompt tant les bonnes mœurs que les mauvais devis..

  A003001082 

 Mais, Philothee, passons tellement le tems par recreation que nous conservions la sainte eternité par devotion..

  A003001082 

 Mays quant aux jeux de paroles qui se font des uns aux autres avec une modeste gayeté et joyeuseté, ilz appartiennent a la vertu nommee eutrapelie par les Grecz, que nous pouvons appeller bonne conversation; [231] et par iceux on prend une honneste et amiable recreation sur les occasions frivoles que les imperfections humaines fournissent.

  A003001086 

 C'est chose egalement necessaire pour n'estre point jugés, de ne point juger les autres et de se juger soy mesme; car, comme Nostre Seigneur nous defend l'un, l'Apostre nous ordonne l'autre disant: Si nous nous jugions nous mesmes, nous ne serions point jugés. Mais, o Dieu, nous faysons tout au contraire; car ce qui nous est defendu nous ne cessons de le faire, jugeans a tout propos le prochain, et ce qui nous est commandé, qui est de nous juger nous mesmes, nous ne le faysons jamais..

  A003001086 

 O que les jugemens temeraires sont desaggreables a Dieu! Les jugemens des enfans des hommes sont temeraires parce qu'ilz ne sont pas juges les uns des autres, et jugeans [232] ilz usurpent l'office de Nostre Seigneur; ilz sont temeraires parce que la principale malice du peché depend de l'intention et conseil du cœur, qui est le secret des tenebres pour nous; ilz sont temeraires parce qu'un chacun a asses a faire a se juger soy mesme, sans entreprendre de juger son prochain.

  A003001090 

 Il faut tous-jours faire de mesme, Philothee, jugeant en faveur du prochain, autant qu'il nous sera possible; que si une action pouvoit avoir cent visages, il la faut regarder en celuy qui est le plus beau.

  A003001090 

 Quand nous ne pouvons excuser le peché, rendons-le au moins digne de compassion, l'attribuant a la cause la plus supportable qu'il puisse avoir, comme a l'ignorance ou a l'infirmité..

  A003001092 

 Ce n'est donq pas mal fait de douter du prochain, non, car il n'est pas defendu de douter, ains de juger; mais il n'est pourtant pas permis ni de douter ni de soupçonner sinon rie a rie, tout autant que les raysons et argumens nous contraignent de douter; autrement les doutes et soupçons sont temeraires.

  A003001099 

 La mesdisance est une espece de meurtre, car nous avons trois vies: la [238] spirituelle qui gist en la grace de Dieu, la corporelle qui gist en l'ame, et la civile qui consiste en la renommee; le peché nous oste la premiere, la mort nous oste la seconde, et la mesdisance nous oste la troisiesme.

  A003001103 

 Helas, puisque la bonté de Dieu est si grande qu'un seul moment suffit pour impetrer et recevoir sa grace, quelle asseurance pouvons-nous avoir qu'un homme qui estoit hier pecheur le soit aujourd'huy? Le jour precedent ne doit pas juger le jour present, ni le jour present ne doit pas juger le jour precedent: il n'y a que le dernier qui les juge tous.

  A003001103 

 Nous ne pouvons donq jamais dire qu'un homme soit meschant, sans danger de mentir; ce que nous pouvons dire, en cas qu'il faille parler, c'est qu'il fit un tel acte mauvais, il a mal vescu en tel tems, il fait mal maintenant; mais on ne peut tirer nulle consequence d'hier a cejourd'huy, ni de ce jourd'huy au jour d'hier, et moins encor au jour de demain..

  A003001104 

 Non, chere Philothee, il ne faut pas, pensant fuir le vice de la mesdisance, favoriser, flatter ou nourrir les autres, ains faut dire rondement et franchement mal du mal et blasmer les choses blasmables: ce que faisant, nous glorifions Dieu, moyennant que ce soit avec les conditions suivantes..

  A003001127 

 Cela est bon pour monstrer que celuy qui gaigne ne fait pas tort aux autres, mais il ne s'ensuit pas que la convention ne soit desraysonnable et le jeu aussi; car le gain qui doit estre le prix de l'industrie, est rendu le prix du sort, qui ne merite nul prix puisqu'il ne depend nullement de nous..

  A003001127 

 Mais nous avons ainsy convenu, me dires-vous.

  A003001142 

 Elle oste mesme la malice a celles qui sont aucunement mauvaises: c'est pourquoy les jeux de hazard qui autrement seroient blasmables, ne le sont pas, si quelquefois la juste condescendance nous y porte..

  A003001147 

 Or, entre toutes les parties exterieures du cors humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice soit pour l'activité, que l' œil, ni point de plus vile que les cheveux; c'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement aggreable les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus basses; et que pour le servir a son goust, il faut avoir grand soin de le bien servir aux choses grandes et hautes et aux choses petites et abjectes, puysque nous pouvons egalement, et par les unes et par les autres, luy desrober son cœur par amour..

  A003001155 

 Nous ne sommes hommes que par la rayson, et c'est pourtant chose rare de treuver des hommes vrayement raysonnables, d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la rayson, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites, mais dangereuses injustices et iniquités qui, comme les petitz renardeaux desquelz il est parlé aux Cantiques, demolissent les vignes; car, d'autant qu'ilz sont petitz on n'y prend pas garde, et parce qu'ilz sont en quantité ilz ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003001156 

 Nous accusons pour peu le prochain, et nous nous excusons en beaucoup; nous voulons vendre fort cher, et acheter a bon marché; nous voulons que l'on face justice en la mayson d'autruy, et chez nous, misericorde et connivence; nous voulons que l'on prenne en bonne part nos parolles, et sommes chatouilleux et douilletz a celles d'autruy.

  A003001156 

 Nous voudrions que le prochain nous laschast son bien en le payant, n'est-il pas [257] plus juste qu'il le garde en nous laissant nostre argent? nous luy sçavons mauvais gré dequoy il ne nous veut pas accommoder, n'a-il pas plus de rayson d'estre fasché dequoy nous le voulons incommoder? Si nous affectionnons un exercice, nous mesprisons tout le reste et contrerollons tout ce qui ne vient pas a nostre goust.

  A003001156 

 S'il y a quelqu'un de nos inferieurs qui n'ait pas bonne grace ou sur lequel nous ayons une fois mis la dent, quoy qu'il face nous le recevons a mal, nous ne cessons de le contrister et tous-jours nous sommes a le calanger; au contraire, si quelqu'un nous est aggreable d'une grace sensuelle, il ne fait rien que nous n'excusions.

  A003001157 

 Bref, nous sommes comme les perdrix de Paphlagonie qui ont deux cœurs; car nous avons un cœur doux, gracieux et courtois en nostre endroit, et un cœur dur, severe, rigoureux envers le prochain.

  A003001157 

 En tout nous preferons les riches aux pauvres, quoy qu'ilz ne soyent ni de meilleure condition, ni si vertueux; nous preferons mesmes les mieux vestus.

  A003001157 

 Nous avons deux poids: l'un pour peser nos commodités avec le plus d'advantage que nous pouvons, l'autre pour peser celles du prochain avec le plus de desadvantage qu'il se peut; or, comme dit l'Escriture, les levres trompeuses ont parlé en un cœur et un cœur, c'est a dire elles ont deux cœurs; et d'avoir deux [258] poids, l'un fort pour recevoir et l'autre foible pour delivrer, c'est chose abominable devant Dieu..

  A003001157 

 Nous voulons nos droitz exactement, et que les autres soyent courtois en l'exaction des leurs; nous gardons nostre rang pointilleusement, et voulons que les autres soyent humbles et condescendans; nous nous plaignons aysement du prochain, et ne voulons qu'aucun se plaigne de nous; ce que nous faisons pour autruy nous semble tous-jours beaucoup, ce qu'il fait pour nous n'est rien, ce nous semble.

  A003001158 

 Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas a restitution, d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger a nous en amender, car ce sont des grans defautz de rayson et de charité; et, au bout de la, ce ne sont que tricheries, car on ne perd rien a vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur royal, egal et raysonnable.

  A003001162 

 Chacun sçait qu'il se faut garder des desirs des choses vicieuses, car le desir du mal nous rend mauvais.

  A003001162 

 Mais nous faysons ordinairement des desirs des femmes grosses, qui veulent des cerises fraisches en l'automne et des raisins frais au printems..

  A003001164 

 L'ennemi nous procure souvent des grans desirs pour des objetz absens et qui ne se presenteront jamais, affin de divertir nostre esprit des objetz presens esquelz, pour petitz qu'ilz soyent, nous pourrions faire grand prouffit.

  A003001164 

 Nous combattons les monstres d'Afrique en imagination, et nous [261] nous laissons tuer en effect aux menus serpens qui sont en nostre chemin, a faute d'attention.

  A003001165 

 Je ne dis pas qu'il faille perdre aucune sorte de bons desirs, mais je dis qu'il les faut produire par ordre; et ceux qui ne peuvent estre effectués presentement, il les faut serrer en quelque coin du cœur jusques a ce que leur tems soit venu, et ce pendant effectuer ceux qui sont meurs et de saison; ce que je ne dis pas seulement pour les spirituelz, mais pour les mondains: sans cela nous ne sçaurions vivre qu'avec inquietude et empressement.

  A003001193 

 Manger, non point pour conserver la vie mais pour conserver la mutuelle conversation et condescendance que nous nous devons les uns aux autres, c'est chose grandement juste et honneste: et de mesme, la reciproque et legitime satisfaction des parties au saint Mariage est appellee par saint Paul devoir; mais devoir si grand, qu'il ne veut pas que l'une des parties [274] s'en puisse exempter sans le libre et volontaire consentement de l'autre, non pas mesme pour les exercices de la devotion, qui m'a fait dire le mot que j'ay mis au chapitre de la sainte Communion pour ce regard; combien moins donq peut-on s'en exempter pour des capricieuses pretentions de vertu ou pour les choleres et desdains..

  A003001200 

 «C'est le grand mal de l'homme,» dit saint Augustin, «de vouloir jouir des choses desquelles il doit seulement user, et de vouloir user de celles desquelles il doit seulement jouir:» nous devons jouir des choses spirituelles et seulement user des corporelles; desquelles quand l'usage est converti en jouissance, nostre ame raysonnable est aussi convertie en ame brutale et bestiale..

  A003001207 

 Par la simple chasteté nous prestons nostre cors a Dieu, retenans pourtant la liberté de le sousmettre l'autre fois aux playsirs sensuelz; mais par le vœu de chasteté nous luy en faisons un don absolu et irrevocable, sans nous reserver aucun pouvoir de nous en desdire, nous rendans ainsy heureusement esclaves de Celuy la servitude duquel est meilleure que toute royauté.

  A003001214 

 Et comme le fer qui estant empesché de suivre l'attraction de l'aymant a cause de la presence du diamant, s'eslance vers le mesme aymant soudain que le diamant est esloigné, ainsy le cœur de la vefve, qui ne pouvoit bonnement s'eslancer du tout en Dieu, ni suivre les attraitz de son divin amour pendant la vie de son mari, doit soudain apres le trespas d'iceluy courir ardemment a l'odeur des parfums celestes, comme disant, a l'imitation de l'Espouse sacree: O Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevés-moy pour toute vostre; tirés-moy apres vous, nous courrons a l'odeur de vos onguens..

  A003001226 

 Nous avons veu des gentilshommes et des dames passer la nuit entiere, ains plusieurs nuitz de suitte a jouer aux eschecz et aux cartes.

  A003001226 

 Y a-il une attention plus chagrine, plus melancholique et plus sombre que celle la? les mondains neanmoins ne disoyent mot, les amis ne se mettoyent point en peyne; et pour la meditation d'une heure, ou pour nous voir lever un peu plus matin qu'a l'ordinaire pour nous preparer a la Communion, chacun court au medecin pour nous faire guerir de l'humeur hypocondriaque et de la jaunisse.

  A003001227 

 Il est vray, Philothee; si nous nous relaschons par condescendance a rire, jouer, danser avec le monde, il s'en scandalisera, si nous ne le faysons pas, il nous accusera d'hypocrisie ou melancholie; si nous nous parons, il l'interpretera a quelque dessein, si nous nous demettons, ce sera pour luy vileté de cœur; nos gayetés [290] seront par luy nommees dissolutions, et nos mortifications tristesses, et nous regardant ainsy de mauvais œil, jamais nous ne pouvons luy estre aggreables.

  A003001227 

 Il n'est pas possible que nous le contentions, car il est trop bigearre: Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ni beuvant, et vous dites qu'il est endiable; le Filz de l'homme est venu en mangeant et beuvant, et vous dites qu'il est Samaritain.

  A003001227 

 Nous ne sçaurions estre bien avec le monde qu'en nous perdant avec luy.

  A003001228 

 Il espiera tous nos mouvemens, et pour une seule petite parolle de cholere il protestera que nous sommes insupportables; le soin de nos affaires luy semblera avarice, et nostre douceur, niaiserie; et quant aux enfans du monde, leurs choleres sont generosités, leurs avarices, mesnages, leurs privautés, entretiens honnorables: les araignes gastent tous-jours l'ouvrage des abeilles..

  A003001228 

 Quoy que nous fassions, le monde nous fera tous-jours la guerre: si nous sommes longuement devant le confesseur, il demandera que c'est que nous pouvons tant dire; si nous y sommes peu, il dira que nous ne disons pas tout.

  A003001229 

 Ce ne nous est pas une petite commodité pour bien asseurer le commencement de nostre devotion que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous evitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages femmes d'Egypte, ausquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël le jour mesme de leur naissance.

  A003001229 

 Nous sommes crucifiés au monde et le monde nous doit estre crucifié; il nous tient pour folz, tenons-le pour insensé..

  A003001229 

 Soyons fermes en nos desseins, invariables en nos resolutions; la perseverance fera bien voir si c'est a certes et tout de bon que nous sommes sacrifiés a Dieu et rangés a la vie devote.

  A003001234 

 Il est vray, nous sommes encor de petitz mouchons en la devotion, nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre a la cime de la perfection chrestienne; mais si commençons-nous a prendre forme [293] par nos desirs et resolutions, les aisles nous commencent a sortir, il faut donq esperer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles et que nous volerons; et tandis, vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devotz nous ont laissés, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, affin que non seulement nous puissions voler au tems de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future..

  A003001239 

 Quand la tentation de quelque peché que ce soit dureroit toute nostre vie, elle ne sçauroit nous rendre desaggreables a la divine Majesté, pourveu qu'elle ne nous plaise pas et que nous n'y consentions pas; la ravson est, parce qu'en la tentation nous n'agissons pas mays nous souffrons, et puisque nous n'y prenons point playsir, nous ne pouvons aussi en avoir aucune sorte de coulpe.

  A003001240 

 Il faut donq estre fort courageuse, Philothee, emmi les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincue pendant qu'elles vous desplairont, en bien observant cette difference qu'il y a entre sentir et consentir, qui est qu'on les peut sentir encor qu'elles nous desplaisent, mais on ne peut consentir sans qu'elles nous plaisent, puisque le playsir pour l'ordinaire sert de degré pour venir au consentement.

  A003001240 

 Il y a neanmoins cette difference entre l'ame et cette princesse pour ce sujet, que la princesse ayant ouï la proposition deshonneste peut, si bon luy semble, chasser le messager et ne le plus ouïr; mais il n'est pas tous-jours au pouvoir de l'ame de ne point sentir la tentation, bien qu'il soit tous-jours en son pouvoir de ne point y consentir: c'est pourquoy, encor que la tentation dure et persevere long tems, elle ne peut nous nuire tandis qu'elle nous est desaggreable..

  A003001240 

 Que donq les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ilz voudront d'amorces et d'appastz, qu'ilz demeurent tous-jours a la porte de nostre cœur pour entrer, qu'ilz nous facent tant de propositions qu'ilz voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, [295] il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le prince espoux de la princesse que j'ay representee ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de playsir.

  A003001241 

 Mays quant a la delectation qui peut suivre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en nostre ame, l'une inferieure et l'autre superieure, et que l'inferieure ne suit pas tous-jours la superieure ains fait son cas a part, il arrive maintesfois que la partie inferieure se plait en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la superieure: c'est la dispute et la guerre que l'apostre saint Paul descrit, quand il dit que sa chair convoite contre son esprit, qu'il y a une loy des membres et une loy de l'esprit, et semblables choses..

  A003001242 

 Il y est neanmoins en verité, puisque, quoy que tout soit en trouble en nostre [296] ame et en nostre cors, nous avons la resolution de ne point consentir au peché ni a la tentation, et que la delectation qui plait a nostre homme exterieur desplait a l'interieur, et quoy qu'elle soit tout autour de nostre volonté, si n'est-elle pas dans icelle: en quoy l'on voit que telle delectation est involontaire, et estant telle ne peut estre peché..

  A003001253 

 Ainsy arrive-il quelquefois que, par la violence des tentations, il semble que nostre ame est tombee en une defaillance totale de ses forces, et que comme pasmee elle n'a plus ni vie spirituelle ni mouvement; mais si nous voulons connoistre ce que c'en est, mettons la main sur le cœur: considerons si le cœur et la volonté ont encor leur mouvement spirituel, c'est a dire s'ilz font leur devoir a refuser de consentir et suivre la tentation et delectation; car pendant que le mouvement du refus est dedans nostre cœur, nous sommes asseurés que la charité, vie de nostre ame, est en nous, et que Jesus Christ nostre Sauveur se treuve dans nostre ame, quoy que caché et [300] couvert; si que, moyennant l'exercice continuel de l'orayson, des Sacremens et de la confiance en Dieu, nos forces reviendront en nous et nous vivrons d'une vie entiere et delectable..

  A003001257 

 Ainsy arrive-il quelquefois que la seule tentation nous met en peché, parce que nous sommes cause d'icelle.

  A003001257 

 La princesse de laquelle nous avons parlé ne peut mais de la recherche deshonneste qui luy est faitte, puisque, comme nous avons presupposé, elle luy arrive contre son gré; mais si au contraire elle avoit par quelques attraitz donné sujet a la recherche, ayant voulu donner de l'amour a celuy qui la muguette, indubitablement elle seroit coulpable de la recherche mesme; et quoy qu'elle en fist la delicate, elle ne laisseroit pas d'en meriter du blasme et de la punition.

  A003001258 

 C'est tous-jours chose blasmable a la jeune [301] princesse de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle escoute la proposition sale et deshonneste qui luy est faitte, mais encores apres l'avoir ouïe elle prend playsir en icelle, entretenant son cœur avec contentement sur cet objet; car bien qu'elle ne veuille pas consentir a l'execution reelle de ce qui luy est proposé, elle consent neanmoins a l'application spirituelle de son cœur par le contentement qu'elle y prend, et c'est tous-jours chose deshonneste d'appliquer ou le cœur ou le cors a chose deshonneste; ains la deshonnesteté consiste tellement a l'application du cœur, que sans icelle l'application du cors ne peut estre peché.

  A003001259 

 Quand la delectation qui suit la tentation a peu estre evitee, et que neanmoins on ne l'a pas evitee, il y a tous-jours quelque sorte de peché selon que l'on y a peu ou prou arresté, et selon la cause du playsir que nous y avons prins.

  A003001260 

 Mais Ihors que volontairement et de propos deliberé nous sommes resolus de nous plaire en telles delectations, ce propos mesme deliberé est un grand peché, si l'objet pour lequel nous avons delectation est notablement mauvais.

  A003001267 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de desployer son cœur et de communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons a nostre directeur; car notés que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes et les filles, qui de prime abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ni aux maris: ou au contraire Dieu, en ses inspirations, demande sur toutes choses que nous les fassions reconnoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003001268 

 Que si, apres tout cela, la tentation s'opiniastre a nous travailler et persecuter, nous n'avons rien a faire sinon a nous opiniastrer de nostre costé en la protestation de ne vouloir point consentir; car, comme les filles ne peuvent estre mariees pendant qu'elles disent que non, ainsy l'ame quoy que troublee, ne peut jamais estre offensee pendant qu'elle dit que non..

  A003001273 

 Les loups et les ours sont sans doute plus dangereux que les mouches, mais si ne nous font-ilz pas tant d'importunité et d'ennui, ni n'exercent pas tant nostre patience.

  A003001273 

 Quoy qu'il faille combattre les grandes tentations avec un courage invincible et que la victoire que nous en rapportons nous soit extremement utile, si est-ce neanmoins qu'a l'adventure on fait plus de prouffit a bien combattre les petites; car, comme les grandes surpassent en qualité, les petites aussi surpassent si demesurement en nombre, que la victoire d'icelles peut estre comparable a celle des plus grandes.

  A003001274 

 Bref, ces menues tentations de choleres, de soupçons, de jalousie, d'envie, d'amourettes, de folastrerie, de vanités, de duplicités, d'affaiterie, d'artifices, de cogitations deshonnestes, ce sont les continuelz exercices de ceux mesmes qui sont plus devotz et resolus: c'est pourquoy, ma chere Philothee, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous preparions a ce combat; et soyes asseuree qu'autant de victoires que nous rapportons contre ces petitz ennemis, autant de pierres pretieuses seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prepare en son Paradis.

  A003001274 

 C'est pourquoy je dis, qu'attendant de bien et vaillamment combattre les grandes tentations si elles viennent, il nous faut bien et diligemment defendre de ces menues et foibles attaques..

  A003001278 

 Or donq, quant a ces menues tentations de vanité, de soupçon, de chagrin, de jalousie, d'envie, d'amourettes, et semblables tricheries qui, comme mouches et moucherons, viennent passer devant nos yeux et tantost nous piquer sur la joüe, tantost sur le nés, parce qu'il est impossible d'estre tout a fait exempt de leur importunité, la meilleure resistance qu'on leur puisse faire c'est de ne s'en point tourmenter; car tout cela ne peut nuire, quoy qu'il puisse faire de l'ennui, pourveu que l'on soit bien resolu de vouloir servir Dieu.

  A003001280 

 C'est le meilleur moyen de vaincre l'ennemi, tant es petites qu'es grandes tentations; car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, et plus excellemment que les vertus mesmes, il est aussi un plus souverain remede contre tous vices; et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir a ce rendes-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a; mais simplement se sentant troublé il s'accoisera en ce grand remede, lequel outre cela est si espouvantable au malin esprit, que quand il voit que ses tentations nous provoquent a ce divin amour, il cesse de nous en faire..

  A003001285 

 Parles souvent contre la vanité, et encores qu'il vous semble que ce soit a contrecœur, ne laisses pas de la bien mespriser, car par ce moyen vous vous engageres mesme de reputation au parti contraire; et a force de dire contre quelque chose, nous nous esmouvons a la haïr, bien qu'au commencement nous luy eussions de l'affection.

  A003001286 

 Si vous estes inclinee a l'avarice, penses souvent a la folie de ce peché qui nous rend esclaves de ce qui n'est creé que pour nous servir; qu'a la mort aussi bien [309] audra-il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensees.

  A003001292 

 La tristesse n'est autre chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre nostre gré, soit que le mal soit exterieur, comme pauvreté, maladie, mespris, soit qu'il soit interieur, comme ignorance, secheresse, repugnance, tentation.

  A003001296 

 Car, comme ceux qui craignent de perdre quelque chose qui leur est pretieuse la tiennent bien serree en leur main, ainsy, a l'imitation de ce grand Roy, nous devons tous-jours dire: O mon Dieu, mon ame est au hazard, c'est pourquoy je la porte tous-jours en mes mains, et en cette sorte je n'ay point oublié vostre sainte loy.

  A003001302 

 La tristesse qui est selon Dieu, dit saint Paul, opere la penitence pour le salut; la tristesse du monde opere la mort. La tristesse donques peut estre bonne et mauvaise, selon les diverses productions qu'elle fait en nous.

  A003001306 

 Contraries vivement aux inclinations de la tristesse; et bien qu'il semble que tout ce que vous feres en ce tems la se face froidement, tristement et laschement, ne [314] laisses pourtant pas de le faire; car l'ennemi, qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estans faittes avec resistance elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger.

  A003001315 

 C'est un grand advertissement que celuy cy: il nous [316] faut tascher d'avoir une continuelle et inviolable egalité de cœur en une si grande inegalité d'accidens, et quoy que toutes choses se tournent et varient diversement autour de nous, il nous faut demeurer constamment immobiles a tous-jours regarder, tendre et pretendre a nostre Dieu.

  A003001315 

 Ou que nous vivions ou que nous mourions, dit l'Apostre, si sommes-nous a Dieu.

  A003001315 

 Que tout se renverse sans dessus dessous, je ne dis pas seulement autour de nous, mais je dis en nous, c'est a dire que nostre ame soit triste, joyeuse, en douceur, en amertume, en paix, en trouble, en clarté, en tenebres, en tentations, en repos, en goust, en desgoust, en secheresse, en tendreté, que le soleil la brusle ou que la rosee la rafraischisse, ha! si faut-il pourtant qu'a jamais et tous-jours la pointe de nostre cœur, nostre esprit, nostre volonté superieure, qui est nostre bussole, regarde incessamment et tende perpetuellement a l'amour de Dieu son Createur, son Sauveur, son unique et souverain bien.

  A003001315 

 Qui nous separera de l'amour et charité de Dieu? Non, jamais rien ne nous separera de cet amour: ni la tribulation, ni l'angoisse, ni la mort, ni la vie, ni la douleur presente, ni la crainte des accidens futurs, ni les artifices des malins espritz, ni la hauteur des consolations, ni la profondité des afflictions, ni la tendreté, ni la secheresse ne nous doit jamais separer de cette sainte charité qui est fondee en Jesus Christ..

  A003001316 

 Mays outre cette generale doctrine, nous avons besoin de quelques documens particuliers..

  A003001317 

 Je dis donq que la dévotion ne consiste pas en la douceur, suavité, consolation et tendreté sensible du cœur, qui nous provoque aux larmes et souspirs et nous donne une certaine satisfaction aggreable et savoureuse en quelques exercices spirituelz.

  A003001319 

 Helas, Philothee, c'est bien fait de pleurer sur cette Mort et Passion douloureuse de nostre Pere et Redempteur; [320] mais pourquoy donq ne luy donnons-nous tout de bon la pomme que nous avons en nos mains et qu'il nous demande si instamment, a sçavoir nostre cœur, unique pomme d'amour que ce cher Sauveur requiert de nous? Que ne luy resignons-nous tant de menues affections, delectations, complaisances, qu'il nous veut arracher des mains et ne peut, parce que c'est nostre dragee, de laquelle nous sommes plus frians que desireux de sa celeste grace? Ha! ce sont des amitiés de petitz enfans que cela, tendres, mais foibles, mais fantasques, mais sans effect.

  A003001319 

 La devotion donq ne gist pas en ces tendretés et sensibles affections, qui quelquefois procedent de la nature qui est ainsy molle et susceptible de l'impression qu'on luy veut donner, et quelquefois viennent de l'ennemi qui, pour nous amuser a cela, excite nostre imagination a l'apprehension propre pour telz effectz..

  A003001319 

 Telles sont la pluspart de nos tendres devotions: voyans donner un coup de lance qui transperce le cœur de Jesus Christ crucifié, nous pleurons tendrement.

  A003001320 

 Et certes, la moindre petite consolation de la devotion que nous recevons vaut mieux de toute façon que les plus excellentes recreations du monde.

  A003001320 

 On dit qu'Alexandre le Grand, singlant en haute mer, descouvrit premierement l'Arabie heureuse par le sentiment qu'il eut des suaves odeurs que le vent luy donnoit; et sur cela, se donna du courage et a tous ses compaignons: ainsy nous recevons souvent des douceurs et suavités en cette mer de la vie mortelle, qui sans doute nous font pressentir les delices de cette Patrie celeste a laquelle nous tendons et aspirons..

  A003001321 

 Le cœur est bon qui a de bonnes affections, et les affections et passions sont bonnes qui produisent en nous des bons effectz et saintes actions.

  A003001321 

 Mais, ce me dires-vous, puisqu'il y a des consolations sensibles qui sont bonnes et viennent de Dieu, et que neanmoins il y en a des inutiles, dangereuses, voyre pernicieuses, qui viennent ou de la nature ou mesme de l'ennemi, comment pourray-je discerner les unes des autres et connoistre les mauvaises ou inutiles entre les bonnes? C'est une generale doctrine, treschere Philothee, pour les affections et passions de nos ames, que nous les devons connoistre par leurs fruitz.

  A003001321 

 Si les douceurs, tendretés et consolations nous rendent plus humbles, patiens, traittables, charitables et compatissans a l'endroit du prochain, plus fervens a mortifier nos concupiscences et mauvaises inclinations, plus constans en nos exercices, plus maniables et souples a ceux que nous devons obeir, plus simples en nostre vie, sans doute, Philothee, qu'elles sont de Dieu; mais si ces douceurs n'ont de la douceur que pour nous, qu'elles nous rendent curieux, aigres, pointilleux, impatiens, opiniastres, fiers, presomptueux, durs a l'endroit du prochain, et que pensans des-ja estre des petitz saintz nous ne voulons plus estre sujetz a la direction ni a la correction, indubitablement ce sont des consolations fauses et pernicieuses: Un bon arbre ne produit que des bons fruitz..

  A003001322 

 Connoissons que nous sommes encor de petitz enfans qui avons besoin du laict, et que ces grains sucrés nous sont donnés parce que nous avons encor l'esprit tendre et delicat, qui a besoin [323] d'amorces et d'appastz pour estre attiré a l'amour de Dieu.

  A003001322 

 Et ainsy, c'est beaucoup, Philothee, d'avoir les douceurs; mais c'est la douceur des douceurs de considerer que Dieu de sa main amoureuse et maternelle les nous met en la bouche, au cœur, en l'ame, en l'esprit.

  A003001322 

 Il faut, outre tout cela, renoncer de tems en tems a telles douceurs, tendretés et consolations, separans nostre cœur d'icelles et protestans qu'encor que nous les acceptions humblement et les aymions, parce que Dieu nous les envoye et qu'elles nous provoquent a son amour, ce ne sont neanmoins pas elles que nous cherchons, mais Dieu et son saint amour: non la consolation, mais le Consolateur; non la douceur, mais le doux Sauveur; non la tendreté, mais [324] Celuy qui est la suavité du ciel et de la terre; et en cette affection nous nous devons disposer a demeurer fermes au saint amour de Dieu, quoy que de nostre vie nous ne deussions jamais avoir aucune consolation, et de vouloir dire egalement sur le mont de Calvaire, comme sur celuy de Thabor: O Seigneur, il m'est bon d'estre avec vous, ou que vous soyes en croix, ou que vous soyes en gloire.

  A003001322 

 La mere donne la dragee a l'enfant affin qu'il la bayse: baysons donq ce Sauveur qui nous donne tant de douceurs.

  A003001322 

 Les ayans receuës ainsy humblement, employons les soigneusement selon l'intention de Celuy qui les nous donne.

  A003001322 

 Mais apres cela, parlant generalement et pour l'ordinaire, recevons humblement ces graces et faveurs et les estimons extremement grandes, non tant parce qu'elles le sont en elles mesmes, comme parce que c'est la main de Dieu qui nous les met au cœur; comme feroit une mere qui pour amadouer son enfant, luy mettroit elle mesme les grains de dragee en bouche, l'un apres l'autre, car si l'enfant avoit de l'esprit, il priseroit plus la douceur de la mignardise et caresse que sa mere luy fait, que la douceur de la dragee mesme.

  A003001322 

 Pourquoy pensons-nous que Dieu nous donne ces douceurs? pour nous rendre doux envers un chacun et amoureux envers luy.

  A003001322 

 Quand donq nous aurons receu quelque consolation spirituelle, il faut ce jour-la se rendre plus diligens a bien faire et a nous humilier.

  A003001322 

 Quand nous aurons de ces douceurs et consolations, 1.

  A003001322 

 il nous faut beaucoup humilier devant Dieu; gardons-nous bien de dire pour ces douceurs: o que je suis bon! Non, Philothee, ce sont des biens qui ne nous rendent pas meilleurs, car, comme j'ay dit, la devotion ne consiste pas en cela; mais disons: o que Dieu est bon a ceux qui esperent en luy, a l'ame qui le recherche! Qui a le sucre en bouche ne peut pas dire que sa bouche soit douce, mais ouy bien que le sucre est doux: ainsy, encor que cette douceur spirituelle est fort bonne, et Dieu qui nous la donne est tresbon, il ne s'ensuit pas que celuy qui la reçoit soit bon.

  A003001327 

 Que feres-vous donq en ce tems la, Philothee? Prenes garde d'ou le mal vous arrive: nous sommes souvent nous mesmes la cause de nos sterilités et secheresses..

  A003001328 

 Comme une mere refuse le sucre a son enfant qui est sujet aux vers, ainsy Dieu nous oste les consolations quand nous y prenons quelque vayne complaisance et que nous sommes sujetz aux vers de l'outrecuidance: Il m'est bon, o mon Dieu, que vous m'humilies; ouy, car avant que je fusse humilié je vous avois offensé..

  A003001329 

 Quand nous negligeons de recueillir les suavités et delices de l'amour de Dieu lhors qu'il en est tems, il les escarte de nous en punition de nostre paresse: l'Israëlite qui n'amassoit la manne de bon matin ne le pouvoit plus faire apres le soleil levé, car elle se treuvoit toute fondue..

  A003001330 

 Nous sommes quelquefois couchés dans un lict des contentemens sensuelz et consolations perissables, comme estoit l'Espouse sacree es Cantiques: l'Espoux de nos ames buque a la porte de nostre cœur, il nous inspire de nous remettre a nos exercices spirituelz, mais nous marchandons avec luy, d'autant qu'il nous fasche de quitter ces vains amusemens et de nous separer de ces faux contentemens; c'est pourquoy il passe outre et nous laisse croupir, puys, quand nous le voulons chercher, nous avons beaucoup de peyne a le treuver: aussi l'avons-nous bien merité, puysque nous avons esté si infideles et desloyaux a son amour, que d'en avoir refusé l'exercice pour suivre celuy des choses du monde.

  A003001334 

 Mais notés, Philothee, qu'il ne faut pas faire cet examen avec inquietude et trop de curiosité; ains apres avoir fidelement consideré nos deportemens pour ce regard, si nous treuvons la cause du mal en nous, il en faut remercier Dieu, car le mal est a moitié gueri quand on a [327] descouvert sa cause.

  A003001334 

 Pour plusieurs telles causes nous perdons les consolations devotieuses et tombons en secheresse et sterilité d'esprit: examinons donq nostre conscience si nous remarquerons en nous quelques semblables defautz.

  A003001338 

 Disons donq a Dieu en ce tems la: O Pere, s'il est possible, transportes de moy ce calice, mais [328] adjoustons de grand courage: toutefois, non ma volonté, mais la vostre soit faitte, et arrestons-nous a cela avec le plus de repos que nous pourrons; car Dieu nous voyant en cette sainte indifference nous consolera de plusieurs graces et faveurs, comme quand il vit Abraham resolu de se priver de son enfant Isaac, il se contenta de le voir indifferent en cette pure resignation, le consolant d'une vision tres aggreable et par des tres douces benedictions.

  A003001338 

 Je ne dis pas qu'on ne doive faire des simples souhaitz de la delivrance; mais je dis qu'on ne s'y doit pas affectionner, ains se remettre a la pure merci de la speciale providence de Dieu, affin que tant qu'il luy plaira il se serve de nous entre ces espines et parmi ces desers.

  A003001338 

 Nous devons donq en toutes sortes d'afflictions, tant corporelles que spirituelles, et es distractions ou soustractions de la devotion sensible qui nous arrivent, dire de tout nostre cœur et avec une profonde sousmission: Le Seigneur m'a donné des consolations, le Seigneur me les a ostees, son saint Nom soit beni; car perseverans en cette humilité, il nous rendra ses delicieuses faveurs, comme il fit a Job qui usa constamment de pareilles paroles en toutes ses desolations..

  A003001340 

 C'est donq un grand abus de plusieurs, et notamment des femmes, de croire que le service que nous faisons a Dieu, sans goust, sans tendreté de cœur et sans sentiment soit moins aggreable a sa divine Majesté, puisqu'au contraire nos actions sont comme les roses, lesquelles bien qu'estans fraisches elles ont plus de grace, estans neanmoins seches elles ont plus d'odeur [330] et de force: car tout de mesme, bien que nos œuvres faittes avec tendreté de cœur nous soyent plus aggreables, a nous, dis-je, qui ne regardons qu'a nostre propre delectation, si est-ce qu'estans faittes en secheresse et sterilité, elles ont plus d'odeur et de valeur devant Dieu.

  A003001340 

 Ouy, chere Philothee, en tems de secheresse nostre volonté nous porte au service de Dieu comme par vive force, et par consequent il faut qu'elle soit plus vigoureuse et constante qu'en tems de tendreté.

  A003001341 

 J'en dis de mesme de toutes sortes de bonnes œuvres, car plus nous avons des contradictions, soit exterieures soit interieures, [331] a les faire, plus elles sont estimees et prisees devant Dieu.

  A003001341 

 La bienheureuse Angele de Foligny dit que «l'orayson la plus aggreable a Dieu est celle qui se fait par force et contrainte,» c'est a dire celle a laquelle nous nous rangeons, non point pour aucun goust que nous y ayons, ni par inclination, mais purement pour plaire a Dieu, a quoy nostre volonté nous porte comme a contrecœur, forçant et violentant les secheresses et repugnances qui s'opposent a cela.

  A003001348 

 Que c'est neanmoins aussi ce bon Dieu qui quelquefois, selon sa sage disposition, nous oste le laict et le miel des consolations, affin que, nous sevrant ainsy, nous apprenions a manger le pain sec et plus solide d'une devotion vigoureuse, exercee a l'espreuve des desgoustz et tentations.

  A003001348 

 Que c'est un souverain remede de descouvrir son mal a quelque ami spirituel qui nous puisse soulager..

  A003001348 

 Que nous ne devons jamais perdre courage entre les ennuis interieurs, ni dire comme le bon Geoffroy, « Jamais je ne seray joyeux, » car emmi la nuit nous devons attendre la lumiere; et reciproquement, au plus beau tems spirituel que nous puissions avoir, il ne faut pas dire, je ne seray jamais ennuyé: non, car, comme dit le Sage, es jours heureux, il se faut resouvenir du malheur.

  A003001349 

 En fin, pour conclusion de cet advertissement qui est si necessaire, je remarque que, comme en toutes choses de mesme en celles cy, nostre bon Dieu et nostre ennemi ont aussi des contraires pretentions: car Dieu nous veut conduire par icelles a une grande pureté de cœur, a un entier renoncement de nostre propre interest en ce qui est de son service, et un parfait despouillement de nous mesmes; mais le malin tasche d'employer [335] ces travaux pour nous faire perdre courage, pour nous faire retourner du costé des playsirs sensuelz, et en fin nous rendre ennuyeux a nous mesmes et aux autres, affin de decrier et diffamer la sainte devotion.

  A003001357 

 Nostre nature humaine deschoit aysement de ses bonnes affections, a cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous-jours contrebas si elle ne s'esleve souvent en haut a vive force de resolution, ainsy que les oyseaux retombent soudain en terre s'ilz ne multiplient les eslancemens et traitz d'aisles pour se maintenir au vol. Pour cela, chere Philothee, vous aves besoin de reiterer et repeter fort souvent les bons propos que vous aves fait de servir Dieu, de peur que, ne le faysant pas, vous ne retombiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire car les cheutes spirituelles ont cela de propre, qu'elles nous precipitent tous-jours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut a la devotion..

  A003001358 

 Les anciens Chrestiens le prattiquoient soigneusement au jour anniversaire du Baptesme de Nostre Seigneur, auquel, comme dit saint Gregoire Evesque de Nazianze, ilz renouvelloient la profession et les protestations qui se font en ce Sacrement: faisons-en de mesme, ma chere Philothee, nous y disposans tres volontier, et nous y employans fort serieusement..

  A003001365 

 Si les paroles raysonnables donnees aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons donnees a Dieu: Ha, Seigneur, disoit David, c'est a vous a qui mon cœur l'a dit; mon cœur a projette cette bonne parole; non, jamais je ne l'oublieray..

  A003001368 

 Ha, quel bonheur d'apprendre tost ce que nous ne pouvons sçavoir que trop tard! Saint Augustin ayant esté tiré a l'aage de trente ans s'escrioit: «O ancienne Beauté, comme t'ay-je si tard conneuë?» helas, je te voyois et ne te considerois point.

  A003001395 

 Or, l'amour ordonné veut que nous aymions plus l'ame que le cors, que nous ayons plus de soin d'acquerir les vertus que toute autre chose, que nous tenions plus de conte de l'honneur celeste que de l'honneur bas et caduque.

  A003001395 

 Tenes-vous bon ordre en l'amour de vous mesme? car il n'y a que l'amour desordonné de nous mesmes qui nous ruine.

  A003001397 

 Or, il n'y a pas grande humilité en une mouche de ne s'estimer rien au prix d'une montaigne, ni en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparayson de la mer, ni a une bluette ou estincelle de feu de se tenir pour rien au prix du soleil; mais l'humilité gist a ne [348] point nous surestimer aux autres et a ne vouloir pas estre surestimé par les autres: a quoy en estes-vous pour ce regard?.

  A003001404 

 Mais, pour parler en general, quel est vostre cœur a l'endroit du prochain? l'aymes-vous bien cordialement et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades, car c'est la ou on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effect ou par paroles.

  A003001409 

 Or il ne faut neanmoins pas se travailler sur un chacun de ces articles sinon tout doucement, considerant en quel estat nostre cœur a esté touchant iceux des nostre resolution, et quelles fautes notables nous y avons commises..

  A003001410 

 Mais pour abreger le tout, il faut reduire l'examen a la recherche de nos passions; et s'il nous fasche de considerer si fort par le menu comme il a esté dit, nous pouvons ainsy nous examiner, quelz nous avons esté et comme nous nous sommes comportés:.

  A003001411 

 En nostre amour envers Dieu, envers le prochain, envers nous mesmes..

  A003001412 

 En nostre haine envers le peché qui se treuve en nous, envers le peché qui se treuve es autres; car nous devons desirer l'exterminement de l'un et de l'autre.

  A003001418 

 Quelles affections en fin tiennent nostre cœur empesché? quelles passions le possedent? en quoy s'est-il principalement detraqué? Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: d'autant que, comme un joueur de luth pinçant toutes les cordes, celles qu'il treuve dissonnantes il les accorde, ou les tirant ou les laschant, ainsy, apres avoir tasté l'amour, la haine, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons mal accordantes a l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace et le conseil de nostre pere spirituel.

  A003001437 

 Ha, quelle beauté de nature y a-il en nostre cœur! et donques, pourquoy le retiendrons-nous contre son gré a servir aux creatures?.

  A003001442 

 Or sus donq, pourquoy n'entreprendrons-nous pas d'acquerir ces suavités?.

  A003001448 

 Mon Dieu, qu'est ce que dit saint Augustin de sa mere Monique? avec quelle fermeté a-elle poursuivi son entreprinse de [356] servir Dieu en son mariage, en son vefvage! Et saint Hierosme, de sa chere fille Paula? parmi combien de traverses, parmi combien de varietés d'accidens! Mais qu'est-ce que nous ne ferons pas sur des si excellens patrons? Ilz estoyent ce que nous sommes, ilz le faisoyent pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus: pourquoy n'en ferons nous autant, en nostre condition et selon nostre vocation, pour nostre chere resolution et sainte protestation?.

  A003001453 

 Voyes-vous, ma Philothee, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre des Farbre de la Croix et l'aymoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens que vous aurés jamais, et entre autres nos resolutions; ouy, chere Philothee, nous pouvons tous dire comme Hieremie: O Seigneur, avant que je fusse, vous me regardies et m'appellies par mon nom, d'autant que vrayement sa divine Bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens generaux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003001454 

 Ah, mon Dieu, que nous devrions profondement mettre ceci en nostre memoire: est il possible que j'aye esté aymee et si doucement aymee de mon Sauveur, qu'il allast penser a moy en particulier, et en toutes ces petites occurrences par lesquelles il m'a tiree a luy? et combien donq devons nous aymer, cherir et bien employer tout cela a nostre utilité.

  A003001454 

 Ceci est bien doux: ce cœur amiable de mon Dieu pensoit en Philothee, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eust point eu d'autre ame au monde en qui il eust pensé, ainsy que le soleil esclairant un endroit [358] de la terre ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairoit point ailleurs et qu'il esclairast cela seul; car tout de mesme Nostre Seigneur pensoit et soignoit pour tous ses chers enfans, en sorte qu'il pensoit a un chacun de nous comme s'il n'eust point pensé a tout le reste.

  A003001459 

 O Dieu, quelles resolutions sont-ce cy, que Dieu a pensees, meditees, projettees des son eternité! Combien [359] nous doivent-elles estre cheres et pretieuses, que devrions-nous souffrir plustost que d'en quitter un seul brin! Non pas certes si tout le monde devoit perir, car aussi tout le monde ensemble ne vaut pas une ame, et une ame ne vaut rien sans nos resolutions..

  A003001469 

 Non, nous ne serons plus nous mesmes, car nous aurons le cœur changé, et le monde qui nous a tant trompés sera trompé en nous, car ne s'appercevant pas de nostre changement que petit a petit, il pensera que nous soyons tous-jours des Esaü, et nous nous treuverons des Jacob..

  A003001470 

 Il faut que tous ces exercices reposent dans le cœur, et que nous ostans de la consideration et meditation nous allions tout bellement entre les affaires et conversations, de peur que la liqueur de nos resolutions ne s'espanche soudainement, car il faut qu'elle detrempe et penetre bien par toutes les parties de l'ame, le tout neanmoins sans effort ni d'esprit ni de cors.

  A003001474 

 Helas, chere Philothee, quand nous ne ferions autre chose nous ferions bien asses, puysque nous ferions ce que nous devrions faire en ce monde.

  A003001474 

 Mais ne voyes vous pas la ruse? S'il falloit faire tous ces exercices tous les jours, a la verité ilz nous occuperoyent du tout, mais il n'est pas requis de les faire sinon en tems et lieu, chacun selon l'occurrence.

  A003001474 

 Nous faisons tous-jours asses quand Dieu travaille avec nous..

  A003001480 

 Car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu et qu'on s'est consacré a son amour d'une speciale affection est fort aggreable a sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ait honte de luy ni de sa Croix; et puis, elle coupe chemin a beaucoup de semonces que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation a la poursuite.

  A003001480 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre, et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent a l'amour de Dieu.

  A003001480 

 Les philosophes se publioient pour philosophes, affin qu'on les laissast vivre philosophiquement, et nous devons nous faire connoistre pour desireux de la devotion, affin qu'on nous laisse vivre devotement.

  A003001504 

 Les anciens Evesques et Peres de l'Eglise estoient pour le moins autant affectionnez à leur charge que nous: et ne laissoyent pourtant pas d'avoir soin de la conduitte particuliere de plusieurs ames qui recouroient à leur assistence: comme il appert par leurs epistres, imitans les Apostres, qui emmy la moisson generale de l'univers recueilloient neantmoins certains espics plus remarquables, avec une speciale et particuliere affection.

  A003001528 

 Veu les precedentes Attestations, Nous avons permis d'imprimer le present livre, dans lequel l'Autheur sera trouvé semblable à ce qu'il est en sa vie; ses actions ordinaires estans pleines d'aussi profonde pieté, qu'il l'enseigne en ce livre à autruy.

  A003001537 

 Bref la devotion n'est autre chose qu'une agilité et vivacité spirituelle: par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous pour elle, promptement et affectionnement: et comme il appartient à la charité de nous faire faire generallement et universellement [14*] tous les commandemens de Dieu: il apartient aussi à la devotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

  A003001537 

 La vraye et vivante devotion, ô Philothée, presuppose l'amour de Dieu, ains elle n'est autre chose qu'un amour de Dieu, mais non pas un amour tel quel: l'amour divin entant qu'il embelit nostre ame il s'apelle grace, nous rendant agreables à sa divine Majesté: entant qu'il nous donne la force d'operer, il s'apelle charité.

  A003001537 

 Mais quand il est parvenu jusques au degré de perfection, auquel il ne nous fait pas seulement operer, mais nous fait operer soigneusement, frequemment et promptement, alors il s'apelle devotion.

  A003001538 

 Et d'autant que la devotion gist en certain degré d'excellente charité, non seulement elle nous rend prompts, actifs et diligents à l'observation de tous les commandemens de Dieu, mais outre cela elle nous provoque à faire promptement et affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons, encor qu'elles ne soyent nullement commandees, ains seulement conseillees ou inspirees.

  A003001542 

 Mais comme Josue et Caleb protestoient que la terre promise estoit, [15*] non seulement bonne et belle, mais aussi que la possession en seroit douce et agreable: de mesme le Saint Esprit par la bouche de tous les Saints, et nostre Seigneur par la sienne mesme nous asseure que la vie devote est une vie douce, heureuse, et amyable..

  A003001551 

 Loth, dit S. Gregoire, qui fut si chaste en la ville, se souilla en la solitude: où que nous soyons, nous pouvons et devons aspirer à la vie parfaite.

  A003001556 

 Ces divines parolles regardent principallement l'immortalité, comme vous voyez: pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cest amy fidelle, qui guide nos actions par ses advis et conseils, et par ce moyen nous garantit des embuches, et tromperies du maling; il nous sera comme un thresor de sapience: et en nos afflictions, tristesses, et cheutes, il nous servira de medicament, pour alleger, consoler, et relever nos cœurs és maladies spirituelles.

  A003001556 

 Il nous gardera du mal, et rendra [19*] nostre bien meilleur: et quand il nous arrivera des infirmités, il empeschera qu'elles ne soyent pas à la mort, car il nous en relevera..

  A003001563 

 Qui sont les fleurs de nos cœurs, ô Philothee, sinon les bons desirs? Or tout aussi tost qu'ils paroissent il faut mettre la main à la sarpe, pour retrancher de nostre conscience toutes les œuvres mortes, et superflues: la fille estrangere, pour espouser l'Israëlite, devoit oster la robe de sa captivité, rongner ses ongles, et raser ses cheveux: et l'ame qui aspire à l'honneur d'estre espouse du Fils de Dieu, se doit despouïller du vieil homme, et se revestir du nouveau, quittant le peché, et rongner et raser toutes sortes d'empeschemens qui nous destournent de l'amour de Dieu.

  A003001564 

 Mais cette sorte de purgation est toute miraculeuse et extraordinaire en la grace, comme la resurrection des morts en la nature: si que nous ne devons pas y pretendre.

  A003001565 

 Il reste doncques seulement qu'elles ne nous facent point perdre le courage; delivre moy Seigneur, disoit David, de la couhardise et decouragement: c'est une heureuse condition pour nous en cette guerre, que tandis que nous combattons nous sommes vaincueurs..

  A003001565 

 L'exercice de la purgation de l'ame ne se peut ny doit finir qu'avec nostre vie: ne nous troublons donc point de nos imperfections, car nostre perfection consiste à les combatre, et nous ne sçaurions les combatre sans les voir, ny les vaincre sans les rencontrer: nostre victoire ne gist pas à ne les pas sentir, mais à ne point leur consentir.

  A003001565 

 Or les imperfections et pechez veniels ne nous sçauroient oster la vie spirituelle, car elle ne se perd que par le peché mortel.

  A003001565 

 Or, ce n'est pas leur consentir que de recevoir des incommoditez d'icelles: il faut bien que pour l'exercice de nostre humilité nous soyons quelque fois blessez en cette bataille spirituelle: mais nous ne sommes jamais tenus pour vaincus sinon lors que nous avons perdu ou la vie, ou le courage.

  A003001570 

 Mais outre cela la confession generalle nous rappelle à la cognoissance de nous mesme, nous provoque à une salutaire confusion, pour nostre vie passee: nous fait admirer la misericorde de Dieu, qui nous a attendu en patience: elle apaise nos cœurs, delasse nos esprits, excite en nous des bons propos, donne sujet à nostre pere spirituel de nous faire des advis plus convenables à nostre condition, et nous ouvre le cœur, pour avoir confiance de nous bien declarer aux confessions suyvantes.

  A003001579 

 Car tout ainsi que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soyt estant joincte à la vertu des Sacremens, nous purge suffisemment du peché; de mesme quand elle est grande, et vehemente elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003001579 

 Il faut donque, Philothee, agrandir tant qu'il nous sera possible nostre contrition, et repentance, afin qu'elle s'estende jusques aux moindres apartenances du peché.

  A003001579 

 Mais si c'est une haine mortelle, et violente, non seulement nous fuyons, et aborrons celuy à qui nous la portons, ains nous avons à degoust, et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliez, parens et amis, non pas mesme son image ny chose qui luy apartient: ainsi quand le penitent ne hayt le péché que par une legere quoy que vraye contrition, il se resoult voirement bien de ne plus pecher: mais quand il le hayt d'une contrition puissante, et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances, et acheminemens [25*] du peché.

  A003001579 

 Or le premier moyen, et fondement de cette seconde purgation, c'est la vive, et forte apprehension du grand mal que le peché nous aporte: par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde, et vehemente contrition.

  A003001579 

 Une haine ou rancune foible, et debile, nous fait avoir à contre-cœur celuy que nous hayssons, et nous fait fuir sa compagnie.

  A003001589 

 Où estions nous, ô mon ame, en ce temps là? le monde avoit desja tant duré, et de nous il n'en estoit nulles nouvelles..

  A003001643 

 O que mon Dieu est bon en mon endroict! ô qu'il est bon! ô que vostre cœur, Seigneur, est riche en misericorde et liberal en debonnaireté! ô mon ame racontons à jamais combien de graces il nous a faites.

  A003001686 

 Quand sera ce? sera ce en hyver ou en esté? en la ville ou au village? de jour ou de nuict? Sera ce [33*] à l'impourveu ou avec advertissement? Sera ce de maladie ou d'accident? Aurez vous le loisir de vous confesser ou non? Serez vous assistée de vostre Confesseur et pere spirituel, ou non? Helas de tout cela nous n'en sçavons rien du tout: seulement cela est asseuré que nous mourrons et tousjours plus tost que nous ne pensons..

  A003001687 

 Ah chetifve pour quelles bagatelles et chimeres ay je offencé mon Dieu! Vous verrez que nous avons quitté Dieu pour neant: au contraire la devotion, les bonnes œuvres vous sembleront alors si desirables, et douces.

  A003001708 

 En fin, apres le temps que Dieu a marqué pour la duree de ce monde, et apres une quantité de signes, et presages horribles pour lesquels les hommes secheront d'effroy, et de crainte; le feu venant comm' un deluge bruslera, et reduira en cendre toute la face de la terre, sans qu'aucune des choses que nous voyons sur icelle en soit exempte..

  A003001714 

 Considerez la sentence contraire des bons: Venez, dit le Juge, (ah c'est le mot agreable de salut par lequel Dieu nous tire à soy, et nous reçoit dans le giron de sa bonté) benis de mon Pere: ô chere benediction, qui comprend toute benediction! possedez le Royaume qui vous est preparé, dés la constitution du monde: ô Dieu, quelle grace? car ce Royaume n'aura jamais fin..

  A003001737 

 Helas si une puce en nostre oreille, si la chaleur d'une petite fievre nous rend une courte nuict si longue, et ennuyeuse, combien sera espouventable la nuict de l'eternité avec tant de tourments? De cette eternité naissent le desespoir eternel, les blasphemes et rages infinies..

  A003001754 

 Beny soyez vous à jamais, ô nostre doux, et souverain Createur, et Sauveur, qui nous estes si bon, et nous communiquez si liberallement vostre gloire: et reciproquement Dieu benit d'une benediction perpetuelle tous ses Saints; Benites soyes vous à jamais, dit il, mes cheres creatures qui m'avez servy, et qui me louerez eternellement avec si grand amour, et courage..

  A003001759 

 O puis qu'il vous a pieu, mon bon, et souverain Seigneur, redresser mes pas en vos voyes, non jamais plus je ne retourneray en derriere: allons, ô ma chere ame, allons en ce repos infini: cheminons à cette benite terre qui nous est promise: que faisons nous en cet Egypte?.

  A003001778 

 Qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montés, il verra que nous sommes venus en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003001811 

 Ce fut l'apprehension de David quand il s'escrioit: Si je monte au Ciel, ô mon Dieu, vous y estes; si je descends en enfer vous y estes: et ainsi nous devons user des parolles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: ô que ce lieu, dit il, est redoutable; vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien: il veut dire qu'il n'y pensoit pas, car au reste il ne pouvoit ignorer que Dieu ne fut en tout, et par tout.

  A003001811 

 Helas Philothee, nous ne voyons pas Dieu qui nous est present: et bien que la foy nous advertisse de sa presence, si est ce que ne le voyans pas de nos yeux, nous nous en oublions bien souvent, et lors nous nous comportons comme si Dieu estoit bien loing de nous: car encor que nous sçachions bien qu'il est present à toutes choses, si est ce que n'y pensant point, c'est tout autant comme si nous ne le sçavions pas: c'est pourquoy tousjours avant l'oraison, il faut provoquer nostre ame à une atentive pensee, et consideration de cette presence de Dieu.

  A003001811 

 Le premier gist en une vive, et attentive aprehension de la toute-puissance de Dieu; c'est à dire que Dieu est en tout, et par tout, et qu'il n'y a lieu ny chose au monde où il ne soit, d'une tres veritable presence: de sorte que comme les oyseaux où qu'ils volent rencontrent tousjours l'air, ainsi où que nous allions, où que nous soyons nous trouvons Dieu present: chacun sçait cette verité, mais chacun n'est pas attentif à l'apprehender.

  A003001812 

 Le second moyen de se mettre en cette sacrée presence, c'est de penser, que non seulement Dieu est au lieu où vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur, et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie, et anime de sa divine presence, estant là comme le cœur de vostre cœur, et l'esprit de vostre esprit: car comme l'ame est respandue par tout le corps, se trouvant presente [44*] en toutes les parties d'iceluy, et reside neantmoins au cœur d'une specialle residence: de mesme Dieu estant tres present à toutes choses, assiste toutefois d'une specialle façon à nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et sainct Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons, et sommes en Dieu.

  A003001813 

 Car encor que nous le voyons pas, si est ce que de là haut il nous considere.

  A003001813 

 S. Estienne le vist ainsi au temps de son martyre: si que nous pouvons bien dire avec l'Espouse: Le voilà qu'il est derriere la paroy, voyant par les fenestres, regardant par les treillis..

  A003001814 

 La quatriesme façon consiste à se servir de la simple imagination, nous representans le Sauveur en son humanité sacrée, comme s'il estoit pres de nous: ainsi que nous avons accoustumé de nous representer nos amis, et de dire: je m'imagine de voir un tel qui fait cecy, et cela: il me semble que je le vois, et chose semblable.

  A003001814 

 Mais si le tressaint Sacrement de l'autel estoit present, allors cette presence seroit reelle, et non purement imaginaire: car les especes et aparences du pain seroient comme une tapisserie dessous laquelle nostre Seigneur estant reellement present, il nous voit, et considere, quoy que nous ne le voyons pas en sa propre forme.

  A003001821 

 Comme aussi à celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres où il s'agit de choses visibles, et sensibles: car quant aux autres mysteres de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes crées, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003001821 

 Or par le moyen de cette imagination nous enfermons nostre esprit dans le mystere que nous voulons mediter, afin qu'il n'aille pas courant ça, et là, ne plus ne moins que l'on enferme un oyseau dans une cage, ou bien comme l'on attache l'espervier à ses longes afin qu'il demeure dessus le poing.

  A003001825 

 Apres l'action de l'imagination s'ensuit l'action de l'entendement que nous appelions meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faites afin d'esmouvoir nos affections en Dieu, et aux choses divines: en quoy la meditation est differente de l'estude, et des autres pensees, et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins, et intentions.

  A003001829 

 C'est cela que nous avons appellé affections.

  A003001829 

 Or elles sont diverses selon la varieté des sujets que nous meditons.

  A003001837 

 En fin il faut conclure la meditation par ces trois actions qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut: dont la premiere c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections, et resolutions qu'il nous a données, et de sa bonté, et misericorde que nous aurons decouvertes au mystere de la meditation; la seconde c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons à Dieu sa mesme bonté, et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Fils: et conjointement nos affections, et resolutions: et la troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons à Dieu, et le conjurons de nous communiquer les graces, et vertus de son Fils, et de donner sa benediction à nos affections et resolutions, afin que nous les puissions bien fidellement executer: nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis, et autres, employans à mesme intention l'intercession de nostre Dame, des Anges, des Saincts: en fin j'ay marqué qu'il falloit dire le Pater noster et Ave Maria..

  A003001838 

 Ceux qui se sont promenez en un beau jardin n'en sortent pas volontiers, sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer et sentir le long de la journée: ainsi nostre esprit ayant discouru sur quelque mystere par la meditation, nous devons choisir, un, ou deux, ou trois poincts que nous aurons treuvez plus à nostre goust, et plus propres à nostre amendement, pour nous en resouvenir le reste de la journee, et les odorer spirituellement.

  A003001838 

 Or cela se fait ou sur le lieu mesme auquel nous avons fait la meditation, ou nous promenant solitairement quelque temps apres.

  A003001842 

 C'est le grand fruit de la meditation sans lequel elle est bien souvent, non seulement inutile mais nuisible, parce que les vertus meditées, et non pratiquées enflent bien souvent l'esprit, et le courage: nous estant bien advis que nous sommes tels que nous avons resolu, et deliberé d'estre: ce qui est sans doute veritable, quand les resolutions sont vives, et solides, mais elles ne sont pas telles, si elles ne sont pratiquees, ains sont vaines, et dangereuses.

  A003001843 

 Il arrive aussi maintefois qu'au sortir de l'oraison, tandis que nos bonnes affections sont encores toutes chaudes en nostre cœur, quelque occasion se presente à nous de faire quelque chose requise, qui nous semblera bien eslongnee de telles affections: là dessus, Philothee, nous nous inquietons, et contristons.

  A003001844 

 Mais quant aux resolutions il les faut faire apres les affections, et sur la fin de toute la meditation avant la conclusion: d'autant qu'ayans à nous representer des objets particuliers, et familiers, elles nous mettroient en danger si nous les faisions parmi les affections d'entrer en des distractions..

  A003001849 

 Ainsi devons nous venir, ma chere Philothee, à la sainte oraison purement et simplement, pour rendre nostre devoir, et tesmoigner nostre fidelité.

  A003001849 

 Mais quand il ne le feroit pas, ô Philothee, contentons nous que ce nous est honneur trop plus grand d'estre aupres de luy, et à sa veüe.

  A003001849 

 Mais s'il ne luy plait pas de nous faire cette grace, nous laissant là sans nous parler, non plus que s'il ne nous voyoit pas, et que nous ne fussions pas en sa presence: nous ne devons pourtant pas sortir, ains au contraire nous devons demeurer là devant cette souveraine bonté, avec un maintien devotieux, et paisible, et lors infalliblement il agreera nostre patience, et remarquera nostre assiduité, et perseverence: si que une autre fois quand nous reviendrons devant luy, il nous favorisera, et s'entretiendra avec nous par ses consolations, nous faisant voir l'amenité de la sainte Oraison.

  A003001849 

 Que s'il plait à sa divine Majesté de nous parler, et s'entretenir avec nous par ses sainctes inspirations, et consolations interieures, ce nous sera sans doute un grand honneur, et un plaisir tres delicieux.

  A003001853 

 Le peché n'est honteux que quand nous le faisons: mais estant converty en confession, et penitence, il est honorable, et salutaire.

  A003001853 

 Le scorpion qui nous a piquez, est veneneux en nous piquant, mais estant reduit en huile c'est un grand medicament contre sa propre piqueure.

  A003001853 

 Si nous sommes bien humbles, Philothee, nostre peché nous deplaira infiniment, parce que Dieu en a esté offencé: mais l'acusation de nostre peché nous sera douce et agreable, parce que Dieu en est honoré: ce nous est une sorte d'allegement de bien dire au medecin le mal qui nous tourmente..

  A003001865 

 Mais d'autant que ces affections renaissent aysement en l'ame, à raison de nostre infirmité et de nostre concupiscence, qui peut estre mortifiée, mais qui ne peut mourir pendant que nous vivons icy bas en terre, je vous donneray les advis suivans, lesquelz estant bien pratiquez, vous preserveront desormais du peché mortel et de toutes les affections d'iceluy, afin que jamais il ne puisse avoir place en vostre cœur.

  A003001871 

 Nous avons veu des gentishommes et des dames passer la nuict entiere, ains plusieurs nuicts de suitte à joüer aux eschets et aux cartes.

  A003001871 

 Y a il une attention plus chagrine, plus melancholique, et plus sombre que celle là? Les mondains neantmoins n'en disoient mot, les amis ne se mettoient point en peine, et pour la meditation d'une heure, ou pour nous voir lever un peu plus matin qu'à l'ordinaire, pour nous preparer à la Communion, chacun court au medecin pour nous faire guerir de l'humeur hipocondriaque et de la jaunisse.

  A003001872 

 Il n'est pas possible que nous le contentions, car il est trop bigearre.

  A003001872 

 Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ny beuvant, et vous dites qu'il est endiablé: le Fils de l'homme est venu en mangeant et beuvant, et vous dites qu'il est Samaritain! Il est vray, Philothee, si nous nous relaschons par condescendance, à rire, joüer, ou dancer avec le monde, il s'en scandalisera: si nous ne le faisons pas, il nous accusera d'hypocrisie ou melancolie; si nous nous parons, il l'interpretera à quelque dessein: si nous nous demettons, ce sera pour luy vileté de cœur; nos gayetez seront par luy nommées dissolutions, et nos mortifications tristesses, et nous regardant ainsi de mauvais œil, jamais nous ne pouvons luy estre agreables.

  A003001872 

 Nous ne sçaurions estre bien avec le monde qu'en nous perdant avec luy.

  A003001873 

 Quoy que nous fassions, le monde nous fera tousjours la guerre.

  A003001873 

 Si nous sommes longuement devant le Confesseur, il admirera que c'est que nous pouvons tant dire: si nous y sommes peu, il dira que nous ne disons pas tout: il espiera tous nos mouvemens, et pour une petite parolle de cholere, il protestera que nous sommes insupportables: le soing de nos affaires luy semblera avarice, et nostre douceur privauté: et quant aux enfans du monde, leurs coleres sont generositez, leurs avarices mesnages, leurs privautez [60*] entretiens honnorables: les haragnes gastent tousjours l'ouvrage des abeilles..

  A003001874 

 Ce ne nous est pas une petite commodité pour bien asseurer le commencement de nostre devotion, que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous esvitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages femmes d'Egypte, ausquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël, le jour mesme de leur naissance.

  A003001874 

 Nous sommes crucifiez au monde, et le monde nous doit estre crucifié, il nous tient pour fols, tenons le pour incensé..

  A003001874 

 Qu'il crie tant qu'il voudra comme un chat-huan pour inquieter les oyseaux du jour: soyons fermes en nos desseins, invariables en nos resolutions: la perseverance fera bien voir si c'est à certes et tout de bon que nous sommes crucifiez à Dieu, et rengez à la vie devote.

  A003001879 

 Il est vray, nous sommes encores comme des petits mouchons en la devotion: nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre à la cime de la perfection Chrestienne.

  A003001879 

 Mais si commençons nous à prendre forme par nos desirs et resolutions: les aisles nous commencent à sortir: il faut doncque esperer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles, et que nous volerons.

  A003001879 

 Mais tandis vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devots nous ont laissez, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, afin que non seulement nous puissions voiler au temps de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future.

  A003001883 

 A mesure que le jour se fait, nous voyons plus clairement dans le miroüer les tasches et soüillures de nostre visage: ainsi à mesure que la lumiere interieure du S. Esprit esclaire en nos consciences, nous voyons plus distinctement et plus clairement les pechez, inclinations, et imperfections, qui nous peuvent empescher d'atteindre à la vraye devotion: et la mesme lumiere, qui nous fait voir ces tares et dechets, nous eschauffe aussi au desir de nous en nettoyer et purger..

  A003001884 

 Or l'un est bien differant de l'autre: car nous ne pouvons estre jamais du tout purs des pechez veniels, au moins pour persister long temps en cette pureté, mais nous pouvons bien n'avoir aucune affection aux pechez veniels.

  A003001885 

 Le peché veniel pour petit qu'il soit desplait à Dieu, bien qu'il ne luy desplaise pas tant que pour iceluy il nous veuille damner ou perdre.

  A003001887 

 Ce n'est rien, Philothee, que de dire quelque petit mensonge, de se deregler un peu en parolles, en actions, en regards, en habits, en jolietez, en jeux, en dances: pourveu que tout aussi tost que ces haragnes spirituelles sont entrées en nostre conscience nous les en rechassions, et bannissions, comme les mouches à miel font les haragnes corporelles.

  A003001887 

 Mais cela s'entend quand le peché veniel sejourne en nostre conscience par l'affection que nous y mettons.

  A003001887 

 Mais si nous leur permettons d'arrester dans nos cœurs, et non seulement cela, mais que nous affectionnons à les y retenir et multiplier, bien tost nous verrons nostre miel perdu, et la ruche de nostre conscience empestee, et defaite.

  A003001892 

 Mais n'est ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faits s'empresser et affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommées, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous [65*] deresgler et desordonner à leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections: et bien que les actes ne soient pas tousjours contraires à la devotion, les affections neantmoins luy sont tousjours dommageables..

  A003001892 

 Or je ne dis pas que nous ne puissions user de ces choses dangereuses: mais je dis bien pourtant que nous ne pouvons jamais y mettre de l'affection, sans interesser la devotion.

  A003001896 

 Nous avons encore, ma chere Philothee, certaines inclinations naturelles, lesquelles pour n'avoir prins leur origine de nos pechez particuliers, ne sont pas proprement pechez ny mortel, ny veniel, mais s'appellent imperfections, et leurs actes, defauts et manquemens.

  A003001896 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amendiers amers en amendiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le suc; pourquoy est ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses.

  A003001901 

 En fin les enfans a force d'ouïr parler leurs meres, et de begayer avec elles apprennent à parler leur langage: et nous demeurans prés du Sauveur par la meditation, observant ses parolles, ses actions, et ses affections, nous apprendrons moyennant sa grace à parler, faire, et vouloir comme luy.

  A003001901 

 Et tout ainsy que la glace d'un miroiter ne sçauroit arrester nostre veuë, si elle n'estoit enduyte d'estain, ou de plomb par derriere, ainsi la Divinité [67*] ne pourroit estre bien contemplée par nous en ce bas monde, si elle ne se fust jointe à la sacrée humanité du Sauveur, duquel la vie et la mort sont l'object le plus proportionné, soüefve, delicieux, et profitable que nous puissions choisir pour nostre meditation ordinaire, Le Sauveur ne s'appelle pas pour neant le pain descendu du Ciel.

  A003001901 

 Il faut s'arrester là, Philothee, et croyez moy, nous ne sçaurions aller à Dieu le Pere que par ceste porte.

  A003001901 

 Mais sur tout je vous conseille la mentale et cordiale, et particulierement celle qui se fait autour de la vie et passion de nostre Seigneur; en la regardant souvent par la meditation, toute vostre ame se remplira de luy, vous apprendrez ses contenances, et formerez vos actions au modelle des siennes: il est la lumiere du monde: c'est doncques en luy, par luy, et pour luy que nous devons estre esclairez et illuminez: c'est l'arbre de desir, à l'ombre duquel nous nous devons rafraischir: c'est la vive fontaine de Jacob pour le lavement de toutes nos soüilleures.

  A003001924 

 On remercie Dieu de la conservation qu'il a faitte de nous en la journee passée.

  A003001924 

 Pour le repos de la nuit suyvante on prie nostre Dame, le bon Ange, et les Saincts de veiller sur nous et pour nous, et avec la benediction de Dieu on se couche..

  A003001929 

 O Dieu, ce direz vous, pourquoy ne vous regarde je tousjours, comme tousjours vous me regardez? pourquoy pensez vous en moy si souvent, mon Seigneur, et pourquoy pense je si peu souvent en vous? où sommes nous ô mon ame? nostre vraye place c'est Dieu, et ou est ce que nous nous trouvons?.

  A003001931 

 O Philothee, nostre esprit, s'adonnant à la hantise, privauté, et familiarité de son Dieu, il se parfumera tout de ses perfections: et si cest exercice n'est point malaisé; car il se peut entrelasser à toutes nos affaires et occupations, sans nullement les incommoder: d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit aux eslancemens interieurs on ne fait que des petites, et courtes diversions, qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup à la poursuitte de ce que nous faisons.

  A003001934 

 Ainsi en cent mille façons, nous trouverons sujet de relever nostre cœur à des saintes aspirations..

  A003001934 

 L'autre voyant tous les arbres fleuris: et pourquoy, dit il, suis je seul defleury au jardin de l'Eglise? L'autre voyant les petits poussins ramassez sous leur mere, Ah Seigneur, dit il, conservez nous sous l'ombre de vos aisles.

  A003001939 

 Je ne vous ay encor point parlé du Soleil des exercices spirituels, qui est le tres-sainct, tres-sacré et tres-souverain Sacrifice, et Sacrement de la Messe, centre de la religion Chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere inefable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement à nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003001941 

 Tousjours les Anges en grand nombre s'y treuvent presens, comme dit sainct Jean Chrisostome, pour honnorer ce sainct mistere: et nous y treuvans avec eux, et avec mesme intention, nous ne pouvons que recevoir beaucoup d'influences propices, par une telle societé, Les cœurs de l'Eglise triumphante, et de l'Eglise militante se viennent attacher et joindre à nostre Sauveur en ce mystere, pour avec luy, en luy et par luy ravir le cœur de Dieu le Pere, et rendre sa misericorde toute nostre.

  A003001943 

 Depuis la Communion jusques à la fin, remerciez sa divine Majesté de son Incarnation, de sa vie, de sa mort, et de sa Passion, et de l'amour qu'il nous tesmoigne en ce sainct Sacrifice, le conjurant par iceluy de vous estre à jamais propice, à vos parens, à vos amis, et à toute l'Eglise..

  A003001949 

 Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices à part soy, comme l'on fait aux Confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire en particulier; si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bien-faits avec nos freres et prochains..

  A003001950 

 J'en dis de mesme de toutes sortes de prieres et devotions publiques, ausquelles, tant qu'il nous est possible, nous devons porter nostre bon exemple pour l'edification du prochain, et nostre affection pour la gloire de Dieu, et l'intention commune.

  A003001954 

 Les sainctes ames des Trespassez qui sont en Paradis avec les Anges, et comme dit nostre Seigneur, esgales et pareilles aux Anges, font aussi le mesme office d'inspirer en nous, et d'aspirer pour nous par leurs sainctes oraisons..

  A003001954 

 Puisque Dieu nous envoye bien souvent les inspirations par ses Anges, nous devons aussi luy renvoyer frequemment nos aspirations par la mesme entremise.

  A003001955 

 Ma Philothee, joignons nos cœurs à ces celestes esprits et ames bien heureuses: car comme les petits rossignols apprennent à chanter avec les grands, ainsi par le sainct commerce que nous ferons avec les Saincts, nous sçaurons bien mieux prier et chanter les louanges divines.

  A003001956 

 Recourons donc à elle, et comme ses petits enfans jettons nous à son gyron avec une confiance parfaite: à tous momens, à toutes occurrences reclamons ceste douce Mere, invoquons son amour maternel: et taschans d'imiter ses vertus, ayons en son endroit un vray cœur filial..

  A003001963 

 Mais pourquoy mourons nous de la mort spirituelle, puis que nous avons un remede si souverain?.

  A003001963 

 Nostre Sauveur a laissé en son Eglise le Sacrement de Penitence et de Confession, afin qu'en iceluy nous nous lavions de toutes nos iniquitez, toutefois et quantes que nous en serons souillez.

  A003001993 

 Car encores que hors la Religion elles ne puissent pas nous mettre en l'estat de perfection, elles nous donneront neantmoins la perfection mesme: et nous sommes tous obligez à la pratique d'icelles, quoy que non pas tous à les pratiquer de mesme façon..

  A003001997 

 Or ceste obeissance s'appelle necessaire, parce que nul ne se peut exempter du devoir d'obeir à ces superieurs là, Dieu les ayant mis en authorité de commander et gouverner, chacun en ce [92*] qu'ils ont en charge sur nous.

  A003001999 

 C'est un abus de croire que si l'on estoit Religieux ou Religieuse on obeïroit aysement, si l'on se treuve difficile, et revesche à rendre obéissance à ceux que Dieu a mis sur nous..

  A003002000 

 Nous appelions obeissance volontaire, celle à laquelle nous nous obligeons par nostre propre election, et laquelle ne nous est point imposee par autruy.

  A003002001 

 Il faut obeïr à tous les superieurs, à chacun neantmoins en ce dequoy il a charge de nous, comme en ce qui regarde la police, et les choses publiques, il faut obeir aux Princes et Magistrats, aux Prelatz en ce qui regarde la police ecclesiastique, és choses domestiques au pere, au maistre, au mary: et quant à la conduite particuliere de l'ame au directeur et Confesseur particulier.

  A003002010 

 Or manger pour conserver la vie c'est chose bonne, saincte, et commandée; manger, non point pour conserver la vie, mais pour conserver la juste conversation que nous devons à nostre famille, c'est chose honneste et juste: manger par simple plaisir sans excez, c'est chose tolerable, non pas toutefois louable; mais manger avec exces, selon que l'exces est grand ou petit, c'est chose ou plus ou moins vituperable; et l'exces du manger et du boire ne consiste pas seulement en la quantité, et à trop manger, mais aussi en la façon et maniere de manger.

  A003002026 

 Celuy qui possede un bien justement, n'a il pas plus de raison de le garder justement, que nous de le vouloir avoir justement? Et pourquoy donc estendons nous nostre desir sur sa commodité pour l'en priver? tout au plus si ce desir est juste, certes il n'est pourtant pas charitable: car nous ne voudrions pas nullement qu'aucun desirast, quoy que justement, ce que nous voulons garder justement.

  A003002026 

 O Philothee, je ne sçay si c'est un desir juste de desirer d'avoir justement ce qu'un autre possede justement: car il me semble que par ce desir nous nous voulons accommoder par l'incommodité d'autruy.

  A003002035 

 Ma Philothee, les possessions que nous avons ne sont pas nostres: Dieu les nous a données à cultiver, et veut que nous les rendions fructueuses et utiles: et partant nous luy faisons service agreable d'en avoir soin..

  A003002036 

 Ayons donc soing de la conservation, voire de l'accroissement de nos biens temporels, comme de chose que Dieu veut que nous fassions pour son amour; mais prenons garde que l'amour propre ne nous trompe: car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu, qu'il semble que ce soit luy.

  A003002036 

 C'est pourquoy nous le devons avoir plus grand que les mondains n'ont pas des leurs; car ils ne font pas leurs travaux sur une si excellente consideration, puis qu'ils ne les font que pour l'amour d'eux-mesmes, et nous les faisons pour l'amour de Dieu.

  A003002036 

 Or afin qu'il ne vous deçoive, prattiquez la pauvreté; je ne dis pas celle d'esprit, mais je dis la pauvreté d'effect, emmy toutes les facultez et richesses que Dieu nous a données..

  A003002038 

 Aymez les pauvres et la pauvreté; car par cet amour vous deviendrez vrayement pauvre: puis que, comme dit l'Escriture, nous sommes faicts comme les choses que nous aymons.

  A003002042 

 En fin il est facile d'avoir souvent besoing de quelque chose, pour riche qu'on soit: or cela c'est estre pauvre en effet, de ce qui nous manque.

  A003002042 

 Il arrive quelquefois chez nous un hoste que nous voudrions et devrions bien traitter: il n'y a pas [104*] moyen pour l'heure: on a ses beaux habits en un lieu: on en auroit bien besoing en un autre, où il seroit requis de paroistre.

  A003002043 

 Quand nos moyens nous tiennent au cœur, si la tempeste, si le larron, si le chiquaneur nous [105*] en arrache quelque partie, quelles plaintes, quels troubles, quelles impatiences en avons nous? Mais quand nos biens ne tiennent qu'au soin que Dieu veut que nous en ayons, et non pas à nostre cœur, si on nous les arrache, nous n'en perdons pourtant pas le sens, ny la tranquillité.

  A003002049 

 Or ce que nous recevons purement de la volonté de Dieu luy est tousjours tres-agreable, [106*] pourveu que nous le recevions de bon cœur, et pour l'amour de sa saincte volonté.

  A003002057 

 Quant à la netteté, Philothee, elle doit presque tousjours estre esgale en nos habits; sur lesquels, tant qu'il est possible, nous ne devons laisser aucune sorte de souillure et vilenie.

  A003002067 

 C'est un grand advantage pour nous bien exercer à la devotion, de converser avec les ames devotes.

  A003002074 

 Lesquelles parolles, outre leur sens literal (qui tesmoigne que ce grand Roy prenoit quelques heures pour se tenir solitaire en la contemplation des choses spirituelles) en leur sens mystique nous monstrent trois excellentes retraittes et comme trois hermitages dans lesquels nous pouvons exercer nostre solitude, à l'imitation de nostre Sauveur: lequel sur le mont de Calvaire fut comme le pelican de la solitude, qui de son sang ravive ses poussins morts: en sa Nativité dans une establerie deserte il fut comme le hyboux dedans la mazure, pleignant et pleurant nos pechez: et au jour de son Ascension, il fut comme le passereau, se retirant et volant au Ciel qui est comme le toict du monde; et en tous ces trois lieux nous pouvons nous retirer au temps de nostre solitude.

  A003002083 

 Que si vous pouvés absolument n'en point dire, ce sera chose beaucoup meilleure, à raison du danger qu'il y a de mesprendre entre nous autres, qui ne sommes pas parfaits comme saint Jean Baptiste, et saint Paul: et puis la verité est que si l'esprit de Dieu ne fait dire telles paroles, comme il faisoit en eux, elles n'apportent nulle sorte de correction.

  A003002116 

 Mais nous avons ainsi convenu, me direz vous: cela est bon, pour monstrer que celuy qui gaigne ne fait pas tort aux autres: mais il ne s'ensuit pas que la convention ne soit desraisonnable, et le jeu aussi: car le gain qui doit estre le prix de l'industrie, est rendu le prix du sort, qui ne merite nul prix, puis qu'il ne depend nullement de nous..

  A003002127 

 Mais quant aux jeux de paroles qui se font des uns aux autres, avec une modeste gayeté et joyeuseté, ils appartiennent à la vertu nommée Eutrapelie par les Grecs, et que nous pouvons appeller bonne conversation; et par iceux on prend une honneste et amiable recreation sur les occasions frivoles, que les imperfections humaines fournissent: il se faut seulement garder de passer de cette honneste joyeuseté à la moquerie.

  A003002127 

 Mais, Philothee, passons tellement le temps par recreation, que nous conservions la sainte eternité par devotion..

  A003002131 

 Il convertit tout le reste à soy, et nous rend tels que ce qu'il aime.

  A003002139 

 O qu'il fait bon aimer en terre comme l'on aime au Ciel, et apprendre à s'entrecherir en ce monde, comme nous ferons eternellement en l'autre! Je ne parle pas icy de l'amour simple de charité, car il doit estre porté à tous les hommes: mais je parle de l'amitié spirituelle, par laquelle deux, ou trois, ou plusieurs ames se communiquent leur devotion, leurs affections spirituelles, et se rendent un seul esprit entre elles.

  A003002155 

 Je ne dis pas qu'il faille perdre aucune sorte de bons desirs, mais je dis qu'il les faut produire par ordre; et ceux qui ne peuvent estre effectuez presentement, il les faut serrer en quelque coing du cœur, jusques à ce que leur temps soit venu: et cependant effectuer ceux qui sont meurs et de saison; ce que je ne dis pas seulement pour les spirituels, mais pour les mondains: sans cela nous ne sçaurions vivre qu'avec inquietude et empressement..

  A003002159 

 Nous ne sommes hommes que par la raison: et c'est pourtant chose rare de trouver des hommes vrayement raisonnables: d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la raison, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites mais dangereuses injustices et iniquitez, qui sont comme les petits renardeaux, desquels il est parlé aux Cantiques, qui demolissent les vignes: parce qu'ils sont petits on n'y prend pas garde, mais parce qu'ils sont en quantité ils ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003002160 

 Nous accusons pour peu le prochain, et nous, nous excusons en beaucoup.

  A003002160 

 Nous voulons vendre fort cher, et acheter à bon marché: nous voulons que l'on face justice en la maison d'autruy, et chez nous misericorde, et connivence: nous voulons qu'on prenne en bonne part nos parolles, et sommes chatouilleux et douillets à celles d'autruy: nous voudrions que le prochain nous laschast son bien en le bien payant; n'est il pas plus juste qu'il le garde en nous laissant nostre argent? Nous luy sçavons mauvais gré dequoy il ne nous veut pas accommoder; n'a il pas plus de raison d'estre fasché dequoy nous le voulons incommoder?.

  A003002161 

 Au contraire si quelqu'un nous est agreable d'une grace sensuelle, il ne fait rien que nous n'excusions.

  A003002161 

 Bref nous sommes comme les perdrix de Paphlagonie, qui ont deux cœurs: car nous avons un cœur doux, gracieux et courtois en nostre endroit: et un cœur dur, severe, rigoureux envers le prochain.

  A003002161 

 En tout nous preferons les riches aux pauvres, quoy qu'ils ne soyent ny de meilleure condition, ny si vertueux: nous preferons mesmes les mieux vestus: nous voulons nos droits exactement, et que les autres soyent courtois en l'exaction des leurs: nous gardons nostre rang pontilleusement, et voulons que les autres soient humbles et condescendans.

  A003002161 

 Nous avons deux poids, l'un pour peser nos commoditez, avec le plus d'avantage que nous pouvons: l'autre pour peser celles du prochain, avec le plus de desavantage qu'il se peut.

  A003002161 

 S'il y a quelqu'un de nos inferieurs qui n'ait pas bonne grace, ou sur lequel nous ayons une fois mis la dent, quoy qu'il face nous le recevons à mal; nous ne cessons de le contrister, et tousjours nous sommes à le calanger.

  A003002161 

 Si nous affectionnons un exercice, nous mesprisons tout le reste, et contrerollons tout ce qui ne vient pas à nostre goust.

  A003002162 

 Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas à restitution: d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger à nous en amander, car ce sont des grands defauts de raison et de charité; et au bout de là ne sont que tricheries: car on ne perd [131*] rien à vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur esgal et raisonnable.

  A003002166 

 La tristesse n'est autre "chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre nostre gré: soit que le mal soit exterieur, comme pauvreté, maladie, mespris: soit qu'il soit interieur, comme ignorance, secheresse, repugnance, tentation.

  A003002177 

 La tristesse doncques peut estre bonne et mauvaise, selon les diverses productions qu'elle fait en nous.

  A003002181 

 Contrariez vivement aux inclinations de la tristesse: et bien qu'il semble que tout ce que vous ferez en ce temps-là se face froidement, tristement, et laschement, ne laissez pourtant pas de le faire: car l'ennemy qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estant faictes avec resistence elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger..

  A003002190 

 Soyez devote à la parolle de Dieu; et soit que vous l'escoutiez en devis familiers avec vos amis spirituels, soit que vous l'escoutiez au sermon, oyez la tousjours avec attention et reverence, faictes en bien vostre proffit, et ne permettez pas qu'elle tombe à terre, ains recevez la comme un precieux baume dans vostre cœur, à l'imitation de la tres-saincte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans son cœur toutes les parolles que l'on disoit à la louange de son enfant; et resouvenez vous que nostre Seigneur recueille les parolles que nous luy disons en nos prieres, à mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication..

  A003002191 

 La solitude de S. Paul premier hermite est imitée en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous avons parlé cy dessus: l'extreme pauvreté de S. François par les prattiques de la pauvreté, telles que nous avons marquées, ainsi des autres.

  A003002201 

 C'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement agreables les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus petites: et que pour le servir à son goust, il faut avoir grand soing de le bien servir aux choses grandes et hautes, et aux choses basses et abjettes, puis que nous pouvons esgallement et par les unes et par les autres luy desrober son cœur par amour..

  A003002209 

 C'est pourquoy, ma chere Philothee, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous preparions à ce combat: et soyés asseurée qu'autant de victoires que nous rapporterons contre ces petits ennemis, autant de pierres precieuses seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prepare en son Paradis: c'est pourquoy je dis qu'attendant de bien et vaillamment combattre les grandes tentations, si elles viennent, il nous faut bien, et diligemment nous defendre de ces menues, et foibles attaques..

  A003002209 

 Les loups et les ours sont sans doute plus dangereux que les mouches: mais si ne nous font ils pas tant d'importunité et d'ennuy, ny n'exercent pas tant nostrê patience.

  A003002213 

 Ainsi Dieu voulant faire en nous, par nous, et avec nous quelque action de grande charité, premierement il nous la propose par son inspiration, secondement nous l'agreons, troisiesmement nous y consentons; car comme pour descendre au [141*] peche il y a trois degrez, la tentation, la delectation, et le consentement, aussi en y a-il trois pour monter à la vertu: l'inspiration, qui est contraire à la tentation, la delectation en l'inspiration, qui est contraire à la delectation de la tentation, et le consentement à l'inspiration, qui est contraire au consentement à la tentation..

  A003002214 

 Quand l'inspiration dureroit tout le temps de nostre vie, nous ne serions pourtant nullement agreables à Dieu si nous n'y prenons plaisir: au contraire sa divine Majesté en seroit offencée, comme il le fut contre les Israëlites, aupres desquels il fut quarante ans, comme il dit, les sollicitant à se convertir, sans que jamais ils y voulussent entendre: dont il jura contre eux en son ire, que jamais ils n'entreroient en son repos.

  A003002216 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux, car si estans inspirés et nous estant pleuz en l'inspiration nous refusons neantmoins par apres le consentement à Dieu, nous sommes extremement mescognoissans et offensons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003002219 

 Or à tout cecy sert merveilleusement de bien prattiquer l'exercice du matin, et les retraites spirituelles, que j'ay marquées cy dessus: car par ce moyen nous nous preparons à faire le bien d'une preparation non seulement generalle, mais aussi particuliere..

  A003002224 

 Quand la tentation de quel peché que ce soit dureroit toute nostre vie, elle ne sçauroit nous rendre desagreables à la divine Majesté, pourveu qu'elle ne nous plaise pas, et que nous n'y consentions pas: la raison est, parce qu'en la tentation nous n'agissons pas, mais nous souffrons: et puis que nous n'y prenons point de plaisir, nous ne pouvons aussi en avoir aucune sorte de coulpe.

  A003002225 

 C'est [144*] pourquoy tant que la tentation dure et persevere, elle ne peut nous nuire, tandis qu'elle nous est desagreable..

  A003002225 

 Il faut donc estre fort courageuse, Philothee, emmy les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincuë pendant qu'elles vous deplairont, en bien observant ceste difference qu'il y a entre sentir et consentir; c'est qu'on les peut sentir encore qu'elles nous deplaisent, mais on ne peut consentir sans qu'elles nous plaisent, puis que le plaisir pour l'ordinaire sert de degré pour venir au consentement.

  A003002225 

 Que doncques les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ils voudront d'amorces et d'apasts: qu'ils demeurent tousjours à la porte de nostre cœur pour entrer: qu'ils nous facent tant de propositions qu'ils voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le Prince espoux de la Princesse que j'ay representé, ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de plaisir.

  A003002226 

 Mais quant à la delectation qui peut suyvre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en nostre ame, l'une inferieure, et l'autre superieure, et que l'inferieure ne suit pas tousjours la superieure, ains fait son cas à part; il arrive maintefois que la partie inferieure se plait en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la superieure: c'est la dispute et la guerre que l'Apostre S. Paul descrit quand il dit que sa chair convoite contre son esprit; qu'il y a une loy des membres, et une loy de l'esprit, et semblables choses..

  A003002227 

 Car la tentation jettant sa delectation en la partie inferieure, couvre ce semble toute l'ame de cendres, et reduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paroit plus nulle part, sinon au milieu du cœur, au fin fond de l'esprit, encor semble il qu'il n'y soit pas, et on a peine de le treuver: il y est neantmoins en verité, puisque quoy que tout soit en trouble en nostre ame et en nostre corps, nous avons la resolution de ne point consentir au peché ny à la tentation, et que la delectation qui plait à nostre homme exterieur desplait à l'interieur: et quoy qu'elle soit tout autour de nostre volonté, si n'est elle pas dans icelle; en quoy l'on voit que telle delectation est involontaire, et estant telle elle ne peut estre peché.

  A003002238 

 Mais si nous voulons connoistre ce que c'en est, mettons la main sur le cœur, considerons si le cœur et la volonté ont encore leur mouvement spirituel, c'est à dire s'ils font leur devoir à refuser de consentir et suivre la tentation et la delectation: car pendant que le mouvement du refus est dedans nostre cœur, nous sommes asseurés que la charité vie de nostre ame est en nous, et que Jesus Christ nostre Sauveur, se treuve dans nostre ame, quoy que caché et couvert; si que moyennant l'exercice continuel de l'oraison, des Sacremens et de la confience en Dieu nos forces reviendront en nous, et nous vivrons d'une vie entiere et delectable.

  A003002242 

 Ainsi arrive il quelque fois que la seule tentation nous met en peché, parce que nous sommes cause d'icelle.

  A003002242 

 La Princesse de laquelle nous avons parlé ne peut mais de la recherche deshonneste qui luy est faite, puis que, comme nous avons presuposé, elle luy arrive contre son gré.

  A003002243 

 C'est tousjours chose blasmable à la jeune Princesse de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle escoute la proposition salle et deshonneste qui luy est faicte, mais encore apres l'avoir ouïe elle prend plaisir en icelle, entretenant son cœur avec contentement sur cet object: car bien qu'elle ne vueille pas consentir à l'execution reelle de ce qui luy est proposé, elle consent neantmoins à l'application spirituelle de son cœur, par [149*] le contentement qu'elle y prend: et c'est tousjours chose deshonneste d'appliquer ou le cœur, ou le corps à chose deshonneste; ains la deshonnesteté consiste tellement à l'application du cœur, que sans icelle l'application du corps ne peut estre peché..

  A003002245 

 Quand la delectation qui suyt la tentation a peu estre esvitee, et que neantmoins on ne l'a pas esvitée, il y a tousjours quelque sorte de peché selon que l'on y a peu ou prou arresté, et selon la cause du plaisir que nous y avons prins.

  A003002246 

 On est quelquefois surprins de quelque chatouillement de delectation qui suit immediatement la tentation devant que bonnement on s'en soit prins garde: et cela ne peut estre qu'un bien leger peché veniel, lequel se rend plus grand, si apres que l'on s'est aperceu du mal où l'on est, on demeure par negligence quelque temps à marchander avec la delectation, si l'on doit l'accepter ou la refuser: et encore plus grand si en s'en appercevant on demeure en icelle quelque temps par vraye negligence, sans nulle sorte de propos de [150*] la rejetter: mais lors que volontairement et de propos deliberé nous sommes resolus de nous plaire en telles delectations, ce propos mesme deliberé est un grand peché, si l'object pour lequel nous avons delectation est notablement mauvais.

  A003002254 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de deployer son cœur et communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons à nostre directeur; car notez que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire, c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes [151*] et les filles, qui de prim'abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ny aux marys: ou au contraire Dieu en ses inspirations demande sur toutes choses que nous les fassions recognoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003002255 

 Que si apres tout cela la tentation s'opiniastre à nous travailler et persecuter, nous n'avons rien à faire, sinon à nous opiniastrer de nostre costé en la protestation de ne vouloir point consentir: car comme les filles ne peuvent estre mariées pendant qu'elles disent que non; ainsi l'ame, quoy que troublée ne peut jamais estre offencée pendant qu'elle dit que non..

  A003002260 

 Mais quant aux menues tentations de vanité, de soupçon, de chagrin, de jalousie, d'envie, d'amourettes, et semblables tricheries, qui comme mouches et moucherons viennent passer devant nos yeux, et tantost nous picquer sur la joüe, tantost sur le nez; parce qu'il est [152*] impossible d'estre tout à fait exempt de leur importunité, la meilleure resistence qu'on leur puisse faire c'est de ne s'en point tourmenter: car tout cela ne peut point nuire, quoy qu'il puisse faire de l'ennuy, pourveu que l'on soit bien resolu de vouloir servir Dieu..

  A003002266 

 Par exemple, si vous vous sentez inclinée à la passion de la vanité, faites souvent des pensées de la misere de ceste vie humaine, combien ses vanitez seront ennuyeuses à la conscience au jour de la mort, combien elles sont indignes d'un cœur genereux, et que ce ne sont que badineries et amusemens de petits enfans, et semblables choses: parlez souvent contre la vanité; et encor'qu'il vous semble que ce soit à contre cœur ne laissez pas de la bien mespriser, car par ce moyen vous vous engagerez mesme de reputation au party contraire: et à force de dire contre quelque chose nous nous esmouvons à la haïr, bien qu'au commencement nous luy eussions de l'affection.

  A003002266 

 Si vous estes inclinée à l'avarice, pensez souvent à la folie de ce peché, qui nous rend esclaves de ce qui n'est crée que pour nous servir: qu'à la mort aussi bien faudra il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera, ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensées: parlez fort contre l'avarice, et louez fort le mespris du monde: violentez vous à faire souvent des aumosnes et des charitez, et à laisser escouler quelques occasions d'assembler..

  A003002272 

 Entre toutes les vertus, je vous recommande les deux bien-aimées de nostre Seigneur et lesquelles seules il a ordonné que nous aprinssions de luy, l'humilité et la douceur de cœur: mais prenés garde que ce soit de cœur: car c'est un des grands artifices de l'ennemy de faire que plusieurs s'amusent à dire des paroles et faire des gestes exterieures de ces deux vertus, lesquels n'examinant pas leurs affections interieures pensent estre humbles et doux, et ne le sont neantmoins nullement en effet: ce que l'on reconnoit, parce que nonobstant leur ceremonieuse douceur et humilité, à la moindre parolle qu'on leur dit de travers, ou la moindre petite injure qu'ils reçoivent, ils s'eslevent avec une arrogance non-pareille..

  A003002279 

 Il faut donques avoir un deplaisir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car tout [156*] ainsi qu'un Juge chastie bien mieux les meschans faisant ses sentences par raison, et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion: d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsi nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentences tranquilles et constantes, que non pas par des repentences aigres, empressées et choleres, d'autant que ces repentances faites avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003002279 

 L'une des bonnes prattiques que nous sçaurions faire de la douceur, c'est celle de laquelle le sujet est en nous-mesme, ne despitant jamais contre nous mesme, ny contre nos imperfections: car encore que la raison veut que quand nous faisons des fautes, nous en soyons desplaisans et marris; si faut il neantmoins que nous nous empeschions d'en avoir une deplaisance aigre et chagrine, depiteuse et cholere: en quoy font une grande faute plusieurs qui s'estans mis en cholere se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre dépités: car par ce moyen ils tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere; et si bien il semble que la seconde cholere ruyne la premiere, si est ce neantmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere à la premiere occasion qui s'en presentera.

  A003002279 

 Outre ce que ces choleres, despits et aigreurs que l'on a contre soy mesme tendent à la superbe et orgueil, et n'ont origine que de l'amour propre qui se trouble et s'inquiete de nous voir imparfaits.

  A003002280 

 Et croyés moy, Philothee, tout ainsi que les remonstrances d'un pere, faites doucement, et cordiallement ont bien plus de pouvoir sur un enfant pour le corriger que non pas les choleres et courroux; ainsi quand nostre cœur aura fait quelque faute, si nous le reprenons avec des remonstrances douces et tranquilles, ayans plus de compassion de luy que de passion contre luy, l'encourageant à l'amandement, la repentence qu'il en concevra entrera bien plus avant, et elle penetrera mieux que ne feroit pas une repentence despiteuse, ireuse et tempestueuse..

  A003002281 

 Pour moy si j'avois, par exemple, grande affection de ne point tumber au vice de la vanité, et que j'y fusse neantmoins tumbé d'une grande cheute, je ne voudrois pas reprendre mon cœur en cette sorte; N'es tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter à cette vanité: meurs de honte, ne leve plus les yeux au Ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal à ton Dieu, et semblables choses: mais je voudrois le corriger raisonnablement et par voye de compassion; Or sus mon pauvre cœur, nous voila tumbés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschaper, ah relevons nous, et quittons la pour jamais: reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour desormais estre plus fermes, et remettons nous au chemin de l'humilité: courage, soyons sur nos gardes, Dieu nous aydera, et desormais nous ferons prou..

  A003002287 

 Resouvenez vous souvent que nostre Seigneur nous a sauvez en souffrant et endurant, et que de mesme nous devons faire nostre salut par les souffrances et afflictions, endurant les injures, contradictions et desplaisirs, avec le plus de douceur et de patience qu'il nous sera possible..

  A003002292 

 Plaignez vous le moins que vous pourrez des torts qui vous seront faits: car c'est chose certaine, que pour l'ordinaire qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tousjours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faictes point vos plaintes à des personnes aysées à s'indigner et mal penser.

  A003002294 

 Obeïssez au medecin, prenez les medecines, viandes et autres remedes pour l'amour de Dieu, vous resouvenant du fiel qu'il print pour l'amour de nous: desirez de guerir pour luy rendre service, ne refusez point de languir pour luy obéir, et disposez vous à mourir, si ainsi il luy plait, pour le loüer et jouïr de luy: et vous resouvenez que les abeilles au temps qu'elles font le miel vivent et mangent d'une munition fort amere; et qu'ainsi nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ny mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume, et vivons parmy les angoisses.

  A003002299 

 Il y a grande difference entre le soin et la diligence que nous devons avoir de nos affaires d'une part, et la solicitude, soucy et empressement d'autre part.

  A003002300 

 Mais s'il est possible n'en soyez pas en sollicitude et soucy, c'est à dire, ne les entreprenez pas avec inquietude, anxieté et ardeur: ne vous empressez point à la besongne, car toute sorte d'empressement trouble la raison et le jugement, et nous empesche mesme de bien faire la chose à laquelle nous nous empressons..

  A003002301 

 Nous faisons tousjours assez tost quand nous faisons bien: les bourdons font bien plus de bruit, et sont bien plus empressez que les abeilles, mais ils ne font sinon la cire et non point le miel: ainsi ceux qui s'empressent d'un soucy cuisant et d'une sollicitude bruyante ne font jamais ny beaucoup ny bien..

  A003002302 

 Les mouches ne nous inquietent pas par leur effort, mais par la multitude; ainsi les grandes affaires ne nous troublent pas tant comme les menues, quand elles sont en grand nombre.

  A003002309 

 Nostre nature humaine decheoit aysement de ses bonnes affections, à cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous jours contre bas, si elle ne s'esleve souvent en haut à vive force de resolutions; ainsi que les oyseaux retumbent souvent en terre, s'ils ne multiplient les eslancemans et traits d'aisle, pour se maintenir au vol. Pour cela, ma Philothee, vous avés besoin de reïterer et repeter fort souvent les bons propos que vous avés fait de servir Dieu, de peur que ne le [165*] faisant pas vous ne retumbiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire: car les cheutes spirituelles ont cela de propre qu'elles nous precipitent tousjours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut à la devotion.

  A003002310 

 Faisons en de mesme, ma chere Philothee, nous y disposant tres-volontiers, et nous y employans fort serieusement..

  A003002316 

 Si les parolles raisonnables données aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons données à Dieu? Ah Seigneur, disoit David, c'est à vous à qui mon cœur l'a dict: mon cœur a projetté ceste bonne parolle: non, jamais je ne l'oubliray..

  A003002319 

 Considerez en quel temps Dieu vous tira à ces grandes resolutions, car ce fut en la fleur de vostre aage; ah quel bon-heur d'apprendre tost ce que nous ne pouvons sçavoir que trop tard! S. Augustin ayant esté tiré à l'aage de trente ans s'escrioit: O ancienne beauté, comme t'ay je si tard cogneuë? Helas je te voyois, et ne te considerois point; et vous pourrez bien dire: O douceur ancienne, pourquoy ne t'ay je plustost savourée? helas neantmoins encore ne le meritiez vous pas alors: et partant recognoissant quelle grace Dieu vous a fait de vous attirer en vostre jeunesse, dites avec David: O mon Dieu vous m'avez esclairée et touchée dés ma jeunesse, et jusques à jamais j'annonceray vostre misericorde.

  A003002355 

 Or l'amour ordonné veut que nous aimions plus l'ame que le corps, que nous ayons plus de soin d'acquerir les vertus que toute autre chose, que nous tenions plus de conte de l'honneur celeste que de l'honneur bas et caduque.

  A003002355 

 Tenez vous bon ordre en l'amour de vous mesme? car il n'y a que l'amour desordonné de nous mesme, qui nous ruine.

  A003002357 

 Que vous estimés vous devant Dieu? rien sans doute: or il n'y a pas grande humilité en une mousche de ne s'estimer rien au pris d'une montaigne, ny en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparaison de la mer, ny à une bluette ou estincelle de se tenir pour rien au pris du soleil: mais l'humilité gist à ne point nous surestimer aux autres, et à ne vouloir pas estre surestimés par les autres: à quoy en estes vous pour ce regard? [172*].

  A003002364 

 Mais pour parler en general, quel est vostre cœur à l'endroit du prochain? l'aymés vous bien cordiallement, et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades: car c'est là où on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effet, ou par parolles.

  A003002370 

 Or il ne faut neantmoins pas se travailler sur un chacun de ces articles, sinon tout doucement, considerant en quel estat nostre cœur a esté touchant iceux, dés nostre resolution, et quelles fautes notables nous y avons commis..

  A003002371 

 Mais pour abreger le tout, il faut reduire tout l'examen à la recherche de nos passions: et s'il nous fasche de considerer si fort par le menu, comme il a esté dit, quels nous avons esté, nous pourrons ainsi nous examiner, quels nous avons esté, et comme nous sommes nous comportés..

  A003002372 

 En nostre amour, envers Dieu, envers le prochain, envers nous mesme..

  A003002373 

 En nostre hayne, envers le peché qui se treuve en nous, envers le peché qui se treuve és autres: car nous devons desirer l'exterminement de l'un et de l'autre..

  A003002380 

 Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: comme un joueur de luth connoist estat de son luth, pinçant toutes les cordes; et celles qu'il treuve dissonnantes il les acorde, ou les tirant, ou les lachant; ainsi apres avoir tasté l'amour, la hayne, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons malaccordantes à l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace, et le conseil de nostre Pere spirituel.

  A003002398 

 Ah quelle beauté de nature y a-il en vostre cœur? et doncques pourquoy le retiendrons nous contre son gré à servir aux creatures?.

  A003002403 

 Or sus doncques, pourquoy n'entreprendrons nous pas d'acquérir ces suavitez?.

  A003002409 

 Mon [177*] Dieu qu'est ce que dit sainct Augustin de sa mere Monique? avec quelle fermeté a elle poursuivie son entreprinse de servir Dieu en son mariage, en son vefvage? Et S. Hierosme de sa chere fille Paula parmy combien de traverses, parmy combien de varieté d'accidens? Mais qu'est ce que nous ne ferons pas sur ces si excellens patrons? Ils estoient ce que nous sommes, ils le faisoient pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus; pourquoy n'en ferons nous autant en nostre condition, selon nostre vocation, pour nostre chere resolution, et sainte protestation?.

  A003002414 

 Voyez vous, ma fille, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre dés l'arbre de la Croix et l'aimoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens qu'il aura jamais, et entre autres nos resolutions: vray ma fille, nous pouvons tous dire comme Hieremie; O Seigneur, avant que je fusse vous me regardiez, et m'appelliez par mon nom, d'autant que vrayement sa divine bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens généraux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003002415 

 Ah mon Dieu, que nous devrions profondement mettre cecy en nostre memoire! Est il possible que j'aye esté aymé et si doucement aymé de mon Sauveur, qu'il allast penser en moy, en mon particulier, en toutes ces petites occurrences, par lesquelles il m'a tiré à luy: et combien doncques devons nous aymer, cherir, et bien employer tout cela à nostre utilité? Cecy est bien doux; ce cœur amiable de mon Dieu pensoit en Philothee, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eut point eu d'autre ame au monde en qui il eut pensé; ainsi que le Soleil esclairant un endroit de la terre, ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairast point ailleurs, et qu'il esclairast cela seul.

  A003002415 

 Car tout de mesme nostre Seigneur pensoit et soignoit pour tous ses chers enfans: en sorte qu'il pensoit à un chacun de nous, comme s'il n'eust point pensé à tout le reste.

  A003002420 

 O Dieu quelles resolutions sont cecy, que Dieu a pensées, meditées, projettées dés son eternité? combien nous doivent elles estre cheres et precieuses? que devrions nous souffrir plustost que d'en quitter un seul brin? non pas certes si tout le monde devoit perir: car aussi bien tout le monde ensemble ne vaut pas une ame, et une ame ne vaut rien sans nos resolutions..

  A003002434 

 Non nous ne serons plus nous mesme: car nous aurons le cœur changé: et le monde qui nous a tant trompez, sera trompé en nous: car ne s'appercevant pas de nostre changement que petit à petit, il pensera que nous soyons tousjours des Esaü, et nous nous treuverons des Jacob..

  A003002435 

 Il faut que tous ces exercices reposent dans le cœur, et que nous ostans de la consideration et meditation, nous allions tout bellement entre les affaires et conversations, de peur que la liqueur de nos resolutions ne s'epanche soudainement: car il faut qu'elle detrempe et penetre bien par toutes les parties de l'ame, le tout neantmoins sans effort, ny d'esprit ny de corps.

  A003002439 

 Helas, ma Philothee, ma chere fille, quand nous ne ferions autre chose, nous ferions bien assez, puisque nous ferions ce que nous devions faire en ce monde.

  A003002439 

 Mais ne voyés vous la ruse? S'il falloit faire tous ces exercices tous les jours, à la verité ils nous occuperoient du tout: mais il n'est pas requis de les faire, sinon en temps et lieu, chacun selon l'occurrence.

  A003002439 

 Nous faisons tousjours asses quand Dieu travaille avec nous..

  A003002445 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre; et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent à l'amour de Dieu; advoüés hardiment, que vous vous essaïés de mediter, que vous aymeriés mieux mourir que de pecher mortellement, que vous voulés frequenter les Sacremens, et suyvre les conseils de vostre Directeur (bien que souvent il ne soit pas necessaire de le nommer, pour plusieurs raisons) car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu, et qu'on s'est consacré à son amour, [183*] d'une specialle affection, est fort aggreable à sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ayt honte de luy ny de sa Croix: et puis elle coupe chemin à beaucoup de semonces, que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation à la poursuitte.

  A003002445 

 Les Philosophes se publioient pour Philosophes, affin qu'on les laissast vivre philosophiquement: et nous devons nous faire connoistre pour desireux de la devotion, affin qu'on nous laisse vivre devotement.


04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A004000030 

 Chapitre XVI. Que nous avons une inclination naturelle d'aymer Dieu sur toutes choses.

  A004000031 

 Chapitre XVII. Que nous n'avons pas naturellement le pouvoir d'aymer Dieu sur toutes choses 35.

  A004000032 

 Chapitre XVIII. Que l'inclination naturelle que nous avons d'aymer Dieu n'est pas inutile.

  A004000041 

 Chapitre VIII. Combien Dieu desire que nous l'aymions.

  A004000042 

 Chapitre IX. Comme l'amour eternel de Dieu envers nous previent nos cœurs de son inspiration affin que nous l'aymions.

  A004000043 

 Chapitre X. Que nous repoussons bien souvent l'inspiration et refusons d'aymer Dieu.

  A004000044 

 Chapitre XI. Qu'il ne tient pas a la divine Bonté que nous n'ayons un tres excellent amour 52.

  A004000045 

 Chapitre XII. Que les attraitz divins nous laissent en pleine liberté de les suivre ou les repousser 53.

  A004000048 

 Chapitre XV. Du grand sentiment d'amour que nous recevons par la sainte esperance.

  A004000054 

 Chapitre XXI. Comme les attraitz amoureux de Nostre Seigneur nous aydent et accompagnent jusques a la foy et la charité.

  A004000057 

 Que l'amour sacre peut estre augmente de plus en plus en un chacun de nous 70.

  A004000062 

 Chapitre VI. Que nous ne sçaurions parvenir a la parfaite union d'amour avec Dieu en cette vie mortelle 78.

  A004000073 

 Que nous pouvons perdre l'amour de Dieu tandis que nous sommes en cette vie mortelle 90.

  A004000078 

 Chapitre VI. Que nous devons reconnoistre de dieu tout l'amour que nous luy portons.

  A004000080 

 Chapitre VIII. Exhortation a l'amoureuse sousmission que nous devons aux decretz de la providence divine 100.

  A004000086 

 Chapitre II. Que par la sainte complaysance nous sommes rendus comme petitz enfans aux mammelles de Nostre Seigneur 107.

  A004000087 

 Chapitre III. Que la sacree complaysance donne nostre cœur a Dieu et nous fait sentir un perpetuel desir en la jouissance.

  A004000090 

 Chapitre VI. De l'amour de bienveuillance que nous exerçons envers Nostre Seigneur par maniere de desir 114.

  A004000091 

 Chapitre VII. Comme le desir d'exalter et magnifier Dieu nous separe des playsirs inferieurs et nous rend attentifs aux perfections divines.

  A004000093 

 Chapitre IX. Comme la bienveuillance nous fait appeller toutes les creatures a la louange de Dieu 118.

  A004000094 

 Chapitre X. Comme le desir de louer Dieu nous fait aspirer au Ciel 119.

  A004000095 

 Chapitre XI. Comme nous prattiquons l'amour de bienveuillance es louanges que nostre Redempteur et sa Mere donnent a Dieu.

  A004000096 

 Chapitre XII. De la souveraine louange que Dieu se donne a soy mesme, et de l'exercice de bienveuillance que nous faisons en icelle.

  A004000119 

 Hé, je vous conjure par ce cœur de vostre doux Jesus qui est le Roy des cœurs, que les vostres adorent, animés mon ame et celles de tous ceux qui liront cet escrit, de vostre toute puissante faveur envers le Saint Esprit, affin que nous immolions meshuy en holocauste toutes nos affections a sa divine Bonté, pour vivre, mourir et revivre a jamais, emmi les flammes de ce celeste feu que Nostre Seigneur vostre Filz a tant desiré d'allumer en nos cœurs, que pour cela il ne cessa de travailler et souspirer jusques a la mort et la mort de la croix.

  A004000119 

 On mettoit jadis les lampes de l'ancien Temple sur des fleurs de lys d'or: o Marie et Joseph, pair sans pair, lys sacrés d'incomparable beauté entre lesquelz le Bienaymé se repaist et repaist tous ses amans! helas, si j'ay quelque esperance que cet escrit d'amour puisse esclairer et enflammer les enfans de lumiere, ou le puis je mieux colloquer qu'emmi vos lys? lys esquelz le Soleil de justice, splendeur et candeur de la lumiere eternelle, s'est si souverainement recreé qu'il y a prattiqué les delices de l'ineffable dilection de son cœur envers nous.

  A004000136 

 Mays comme nous sçavons bien que toute la clarté du jour provient du soleil, et disons neanmoins pour l'ordinaire que le soleil n'esclaire pas sinon quand a descouvert il darde ses rayons en quelque endroit, de mesme, bien que toute la doctrine chrestienne soit de l'amour sacré, si est ce que nous n'honnorons pas indistinctement toute la theologie du tiltre de ce divin [4] amour, ains seulement les parties d'icelle qui contemplent l'origine, la nature, les proprietés et les operations d'iceluy en particulier..

  A004000140 

 Je ne veux rien dire du Parenetique de ce fleuve d'eloquence qui flotte meshuy parmi toute la France par la multitude et varieté de ses sermons et beaux escritz; l'estroitte consanguinité spirituelle que mon ame a contractee avec la, sienne, lors que par l'imposition [6] de mes mains il receut le caractere sacré de l'ordre episcopal, pour le bonheur du diocese de Belley et l'honneur de l'Eglise, outre mille nœuds d'une sincere amitié qui nous lient ensemble, ne permettent pas que je puisse parler avec credit de ses ouvrages, entre lesquelz ce Parenetique de l'Amour divin fut une des premieres saillies de la non pareille affluence d'esprit que chacun admire en luy.

  A004000140 

 Nous voyons de plus un grand et magnifique Palais que le Reverend Pere Laurens de Paris, predicateur de l'Ordre des Capucins, bastit a l'honneur de l'amour divin, lequel estant achevé sera un cours accompli de la science de bien aymer.

  A004000141 

 Il me semble mesme que mon dessein n'est pas celuy des autres, sinon en general, entant que nous visons tous a la gloire du saint amour: mays de ceci la lecture t'en fera foy..

  A004000144 

 Quelques uns peut estre treuveront que j'ay trop dit, [8] et qu'il n'estoit pas requis de prendre ainsy les discours jusques dans leurs racines; mays je pense que le divin amour est une plante pareille a celle que nous appelions angelique, de laquelle la racine n'est pas moins odorante et salutaire que le tige et les feuilles.

  A004000145 

 Je cite aucunefois l'Escriture Sainte en autres termes que ceux qui sont portés par l'edition ordinaire: o vray Dieu, mon cher Lecteur, ne me fay pas pour cela ce tort de croire que je veuille me departir de cette edition-la; ah non, car je sçai que le Saint Esprit l'a authorisee par le sacré Concile de Trente, et que partant nous nous y devons tous arrester; ains au contraire, je n'employe les autres versions que pour le service de celle ci, quand elles expliquent et confirment son vray sens.

  A004000168 

 Icy certes je parle pour les ames avancees en la devotion; car il faut que je te die que nous avons en cette ville une Congregation de filles et vefves qui, retirees du monde, vivent unanimement au service de Dieu, sous la protection de sa tressainte Mere; et comme leur pureté et pieté d'esprit m'a souvent donné des grandes consolations, aussi ay-je tasché de leur en rendre frequemment par la distribution de la sainte parole, que je leur ay annoncee tant en sermons publiqs qu'en colloques spirituelz, et presque tous-jours en la presence de plusieurs religieux et gens de grande devotion: dont il m'a falu traitter maintefois des sentimens plus delicatz de la pieté, passant au dela de ce que j'avois dit a Philothee.

  A004000180 

 Et c'est pourquoy, jamais, a proprement parler, nous n'attribuons la beauté corporelle sinon aux objetz des deux sens qui sont les plus connoissans et qui servent le plus a l'entendement, qui sont la veüe et l'ouye; si que nous ne disons pas: voyla des belles odeurs ou des belles saveurs; mays nous disons bien: voyla des belles voix et des belles couleurs..

  A004000180 

 Or, comme dit excellemment l'angelique saint Thomas apres le grand saint Denis, la beauté et la bonté, [23] bien qu'elles ayent quelque convenance, ne sont pas neanmoins une mesme chose: car le bien est ce qui plait a l'appetit et volonté, le beau, ce qui plait a l'entendement et a la connoissance; ou, pour le dire autrement, le bon est ce dont la jouissance nous delecte, le beau, ce dont la connoissance nous aggree.

  A004000182 

 Ainsy, en la souveraine beauté de nostre Dieu nous reconnoissons l'union, ains l'unité de l'essence en la distinction des Personnes, avec une infinie clarté, jointe a la convenance incomprehensible de toutes les perfections des actions et mouvemens, comprises tres souverainement et, par maniere de dire, jointes et adjustees excellemment en la tres unique et tres simple perfection du pur acte divin qui est Dieu mesme, immuable et invariable, ainsy que nous dirons ailleurs..

  A004000182 

 Certes, Theotime, la beauté est sans effect, inutile et morte, si la clarté et splendeur ne l'avive et luy donne efficace, dont nous disons les couleurs estre vives quand elles ont de l'esclat et du lustre.

  A004000188 

 Nous ouvrons et fermons la bouche, mouvons la langue, les mains, les pieds, les yeux et toutes les parties esquelles la puissance de ce mouvement se treuve, sans resistance, a nostre gré et selon nostre volonté..

  A004000189 

 Mais quant a nos sens et a la faculté de nourrir, croistre et produire, nous ne les pouvons pas gouverner si aysement, ains il nous y faut employer l'industrie et l'art.

  A004000189 

 Nul ne peut adjouster une coudee a sa stature; Rachel vouloit et ne pouvoit concevoir; nous mangeons souvent sans estre nourris ni prendre croissance.

  A004000190 

 Il est vray qu'elle ne les peut pas manier ni ranger si absolument comme elle fait les mains, les pieds ou la langue, a rayson des facultés sensitives, et notamment de la fantasie, qui n'obeissent pas d'une obeissance prompte et infallible a la volonté, et desquelles puissances sensitives la memoire et l'entendement ont besoin pour operer: mays toutefois, la volonté les remue, les employe et applique selon qu'il luy plaist, bien que non pas si fermement et invariablement que la fantasie variante et volage ne les divertisse maintefois, les distraisant ailleurs; de sorte que comme l'Apostre s'escrie: Je fay non le bien que je veux, mays le mal que je hay, aussi nous sommes souvent contrains de nous plaindre dequoy nous pensons, non le bien que nous aymons, mais le mal que nous haïssons..

  A004000194 

 Or, c'en est de mesme de l'appetit sensuel, lequel, comme dit saint Augustin, est appellé convoitise en nous autres pecheurs, et demeure sujet a la volonté et a l'esprit comme la femme a son mari; parce que, tout ainsy qu'il fut dit a la femme: Tu te retourneras a ton mari, et il te maistrisera, aussi fut-il dit a Cain que son appetit se retourneroit a luy, et qu'il domineroit sur iceluy: et se retourner a l'homme [28] ne veut dire autre chose que se sousmettre et s'assujettir a luy.

  A004000195 

 En somme, cet appetit sensuel est a la verité un sujet rebelle, seditieux, remuant; et faut confesser que nous ne le sçaurions tellement desfaire qu'il ne s'esleve, qu'il n'entreprenne et qu'il n'assaille la rayson; mays pourtant la volonté est si forte au dessus de luy que, si elle veut, elle peut le ravaler, rompre ses desseins et le repousser, puisque c'est asses le repousser que de ne point consentir a ses suggestions.

  A004000196 

 Au contraire, si tost que nous connoissons le mal, nous le haïssons; s'il est absent, nous le fuyons; si nous pensons de ne pouvoir l'eviter, nous le craignons; si nous estimons de le pouvoir eviter, nous nous enhardissons et encourageons; mais si nous le sentons comme present, nous nous attristons, et lhors l'ire et le courroux accourt soudain pour rejetter et repousser le mal, ou du moins s'en venger; que si l'on ne peut, on demeure en tristesse; mais si l'on l'a repoussé ou que l'on se soit vengé, on ressent la satisfaction et assouvissement, qui est un playsir de triomphe, car comme la possession du bien res-jouit le cœur, la victoire contre le mal assouvit le courage.

  A004000196 

 Si le bien est consideré en soy, selon sa naturelle bonté, il excite l'amour, premiere et principale passion; si le bien est regardé comme absent, il nous provoque au desir; si, estant desiré, on estime de le pouvoir obtenir, on entre en esperance; si on pense de ne le pouvoir pas obtenir, on sent le desespoir; mais quand on le possede comme present, il nous donne la joye.

  A004000198 

 Grande folie de vouloir estre sage d'une sagesse impossible! L'Eglise, certes, a condamné la folie de cette sagesse que certains anachoretes presomptueux voulurent introduire jadis, contre lesquelz toute l'Escriture, mays sur tout le grand Apostre, crie que nous avons une loy en nos cors qui repugne a la loy de nostre esprit.

  A004000198 

 «Entre nous autres Chrestiens,» dit le grand saint Augustin, «selon les Escritures Saintes et la doctrine saine, les citoyens de la sacree Cité de Dieu, vivans selon Dieu au pelerinage de ce monde, craignent, desirent, se deulent et se res-jouissent.» Ouy mesme le Roy souverain de cette Cité a craint, desiré, s'est doulu et res-joui jusques a pleurer, blesmir, trembler et suer le sang, bien qu'en luy ces mouvemens n'ont pas esté des passions pareilles aux nostres; dont [31] le grand saint Hierosme, et apres luy l'Escole, ne les a pas osé nommer du nom de passions, pour la reverence de la personne en laquelle ilz estoyent, ains du nom respectueux de propassions, pour tesmoigner que les mouvemens sensibles en Nostre Seigneur y tenoyent lieu de passions, bien qu'ilz ne fussent pas passions; d'autant qu'il ne patissoit ou souffroit chose quelconque de la part d'icelles, sinon ce que bon luy sembloit et comme il luy plaisoit, les gouvernant et maniant a son gré; ce que nous ne faysons pas, nous autres pecheurs, qui souffrons et patissons ces mouvemens en desordre contre nostre gré, avec un grand prejudice du bon estat et police de nos ames..

  A004000202 

 L'amour estant la premiere complaisance que nous avons au bien, ainsy que nous dirons tantost, certes il precede le desir; et d'effect, qu'est-ce que l'on desire, sinon ce que l'on ayme? Il precede la delectation; car, comme pourroit-on se res-jouir en la jouissance d'une chose, si on ne l'aymoit pas? Il precede l'esperance, car on n'espere que le bien qu'on ayme; il precede la hayne, car nous ne haïssons le mal que pour l'amour que nous avons envers le bien, ains le mal n'est pas mal sinon parce qu'il est contraire au bien: et c'en est de mesme.

  A004000205 

 Mais il y a une liberté en la volonté qui ne se treuve pas en la femme mariee; et c'est que la volonté peut rejetter son amour quand elle veut, appliquant l'entendement aux motifz qui l'en peuvent desgouster et prenant resolution de changer d'objet: car ainsy, pour faire vivre et regner l'amour de Dieu en nous, nous amortissons l'amour propre, et, si nous ne pouvons l'aneantir du tout, au moins nous l'affoiblissons, en sorte que, s'il vit en nous, il n'y regne plus; comme au contraire, nous pouvons, en quittant l'amour sacré, adherer a celuy des creatures, qui est l'infame adultere que le celeste Espoux reproche si souvent aux pecheurs.

  A004000210 

 Combien de fois avons-nous des passions en l'appetit sensuel ou convoitise, contraires aux affections que nous sentons en mesme tems dans l'appetit raysonnable ou dans la volonté? Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, se coupant la langue a belles dens, et la crachant sur le nés de cette maudite femme qui l'enflammoit a la volupté, ne tesmoignoit-il pas d'avoir en la volonté une extreme affection de desplaysir, contraire a la passion du playsir que, par force, on luy faisoit sentir en la convoitise et appetit sensuel? Combien de fois tremblons nous de crainte entre les [35] hazards ausquelz nostre volonté nous porte et nous fait demeurer? combien de fois haïssons nous les voluptés esquelles nostre appetit sensuel se plait, aymans les biens spirituelz esquelz il se desplait? En cela consiste la guerre que nous sentons tous les jours entre l'esprit et la chair; entre nostre homme exterieur, qui depend des sens, et l'homme interieur, qui depend de la rayson; entre le viel Adam, qui suit les appetitz de son Eve ou de sa convoitise, et le nouvel Adam, qui seconde la sagesse celeste et la sainte rayson..

  A004000211 

 Et certes, Theotime, ilz n'eurent pas tort de vouloir qu'il y eust des eupathies et bonnes affections en la partie raysonnable de l'homme, mais ilz eurent tort de dire qu'il n'y avoit point de passions en la partie sensitive et que la tristesse ne touchoit point le cœur de l'homme sage; car, laissant a part que eux mesmes en estoyent troublés, comme il a esté dit, se pourroit-il bien faire que la sagesse nous privast de la misericorde, qui est une vertueuse tristesse laquelle arrive en nos cœurs pour nous porter au desir de delivrer le prochain du mal qu'il endure? Aussi, le plus homme de bien de tout le paganisme, Epictete, ne suivit pas cet erreur, que les passions ne s'eslevassent point en l'homme sage, ainsy que saint Augustin atteste, lequel mesme monstre encores que la dissension des Stoïciens [36] avec les autres philosophes en ce sujet, n'a pas esté qu'une pure dispute de paroles et desbat de langage..

  A004000212 

 Or ces affections que nous sentons en nostre partie raysonnable sont plus ou moins nobles et spirituelles selon qu'elles ont leurs objectz plus ou moins relevés, et qu'elles se treuvent en un degré plus eminent de l'esprit: car il y a des affections en nous qui procedent du discours que nous faysons selon l'experience des sens; il y en a d'autres, formees sur le discours tiré des sciences humaines; il y en a encor d'autres qui proviennent des discours faitz selon la foy; et, en fin, il y en a qui ont leur origine du simple sentiment et acquiescement que l'ame fait a la verité et volonté de Dieu..

  A004000213 

 Et ces affections surnaturelles sont principalement trois: l'amour de l'esprit envers les beautés des mysteres de la foy, l'amour envers l'utilité des biens qui nous sont promis en l'autre vie, et l'amour envers la souveraine bonté de la tressainte et eternelle Divinité.

  A004000213 

 Les affections du troisiesme rang se nomment chrestiennes, parce qu'elles prennent leur naissance des discours tirés de la doctrine de Nostre Seigneur, qui nous fait cherir la pauvreté volontaire, la chasteté parfaitte, la gloire du Paradis.

  A004000213 

 Mais les affections du supreme degré sont nommees divines et surnaturelles, parce que Dieu luy mesme les respand en nos espritz, et qu'elles regardent et tendent en Dieu sans l'entremise d'aucun discours ni d'aucune lumiere naturelle; selon qu'il est aysé de concevoir par ce que nous dirons ci apres des acquiescemens et sentimens qui se prattiquent au sanctuaire de l'ame.

  A004000220 

 Le salut est monstré a la foy, il est preparé a l'esperance, mais il n'est donné qu'a la charité: la foy monstre le chemin de la terre promise, comme une colomne de nuee et de feu, c'est a dire claire-obscure; l'esperance nous nourrit de sa manne de suavité; mais la charité nous y introduit, comme l'Arche de l'alliance qui nous fait le passage au Jourdain, c'est a dire au jugement, et qui demeurera au milieu du peuple en la terre celeste, promise aux vrays Israëlites, en laquelle ni la colomne de la foy ne sert plus de guide, ni on ne se repaist plus de la manne d'esperance..

  A004000227 

 Ainsy l'amour semble estre composé de ces cinq principales parties, sous lesquelles une quantité d'autres petites pieces sont contenues, comme nous verrons a la suite de l'œuvre..

  A004000228 

 Considerons, de grace, la prattique d'un amour insensible entre l'aymant et le fer; car c'est la vraye image de l'amour sensible et volontaire duquel nous parlons.

  A004000231 

 Mais quand le bien devers lequel le cœur s'est retourné, incliné et esmeu, se treuve esloigné, absent ou futur, ou que l'union ne se peut pas encor faire si parfaittement qu'on pretend, alhors le mouvement d'amour par lequel le cœur tend, s'avance et aspire a cet objet absent, s'appelle proprement desir; car le desir n'est autre chose que l'appetit, convoitise ou cupidité des choses que nous n'avons pas, et que neanmoins nous pretendons d'avoir..

  A004000232 

 Il y a encor certains mouvemens d'amour par lesquelz nous desirons les choses que nous n'attendons ni pretendons nullement, comme quand nous disons: Que ne suis-je maintenant en Paradis! je voudrois estre roy; pleust a Dieu que je fusse plus jeune; a la mienne volonté que je n'eusse jamais peché, et semblables choses.

  A004000232 

 Nous pouvons bien dire: je desirerois d'estre jeune, mais nous ne dirons pas: je desire d'estre jeune, puisque cela n'est pas possible.

  A004000232 

 Or, ce sont des desirs, mais desirs imparfaitz lesquelz, ce me semble, a proprement parler s'appellent souhaitz: et de fait, telles affections ne s'expriment pas comme les desirs; car quand nous exprimons nos vrays desirs, nous disons: je desire, [44] mays quand nous exprimons nos desirs imparfaitz, nous disons: je desirerois, ou, je voudrois.

  A004000233 

 Ce n'est pas encor tout, Theotime, car il y a des desirs et souhaitz qui sont encor plus imparfaitz que ceux que nous venons de dire, d'autant que leur mouvement n'est pas arresté par l'impossibilité ou extreme difficulté, mais par la seule incompatibilité qu'ilz ont avec des autres desirs ou vouloirs plus puissans; comme quand un malade desire de manger des potirons ou melons, et quoy qu'il en ait a son commandement, il ne veut neanmoins pas en manger, parce qu'il craint d'empirer son mal: car qui ne voici deux desirs en cet [45] homme, l'un de manger des potirons, et l'autre de guerir? mays parce que celuy de guerir est plus grand, il estouffe et suffoque l'autre, l'empeschant de produire aucun effect.

  A004000233 

 Selon les souhaitz des choses impossibles, nous disons: je souhaitte, mais je ne puis; et selon les souhaitz des choses possibles, nous disons: je souhaitte, mais je ne veux pas.

  A004000237 

 C'est donq aussi l'homme qui, par la faculté affective que nous appelions volonté, tend et se complait au bien, et qui a cette grande convenance avec iceluy, laquelle est la source et origine de l'amour.

  A004000237 

 Nous disons que l'œil void, l'oreille entend, la langue parle, l'entendement discourt, la memoyre se resouvient et la volonté ayme: mais nous sçavons bien toutefois que c'est l'homme, a proprement parler, qui, par diverses facultés et differens organes, fait toute cette varieté d'operations.

  A004000237 

 Or, ceux la n'ont pas bien rencontré qui ont creu que la ressemblance estoit la seule convenance qui produisoit l'amour; car qui ne sçait que les viellars les plus sensés ayment tendrement et cherement les petitz enfans, et sont reciproquement aymés d'eux; que les sçavans ayment les ignorans, pourveu [47] qu'ilz soyent dociles, et les malades, leurs medecins? Que si nous pouvons tirer quelqu'argument de l'image d'amour qui se void es choses insensibles, quelle ressemblance peut faire tendre le fer a l'aymant? un aymant n'a-il pas plus de ressemblance avec un autre aymant ou avec une autre pierre, qu'avec le fer qui est d'un genre tout différent? Et bien que quelques uns, pour reduire toutes les convenances a la ressemblance, asseurent que le fer tire le fer, et l'aymant tire l'aymant, si est ce qu'ilz ne sçauroyent rendre rayson pourquoy l'aymant tire plus puyssamment le fer, que le fer ne tire le fer mesme.

  A004000244 

 Et pour nous [50] eslever plus doucement a la consideration de cet amour spirituel qui s'exerce entre Dieu et nous, par la correspondance des mouvemens de nos cœurs avec les inspirations de sa divine Majesté, il employe une perpetuelle representation des amours d'un chaste berger et d'une pudique bergere.

  A004000245 

 Nous faisons sortir et paroistre nos passions et les mouvemens que nos ames ont communs avec les animaux, en nos yeux, es sourcilz, au front et en tout le reste du visage.

  A004000245 

 On connoist l'homme au visage, dit l'Escriture; et Aristote, rendant rayson de ce que a l'ordinaire on ne peint sinon la face des grans hommes, «c'est d'autant,» dit-il, «que le visage monstre qui nous sommes.».

  A004000246 

 Mays pourtant, nous ne respandons nos discours ni les pensees qui procedent de la portion spirituelle de nos ames, que nous appelions rayson et par laquelle nous sommes differens d'avec les animaux, sinon par nos paroles et par consequent par le moyen de la bouche; si que verser son ame, et respandre son cœur, n'est autre chose que parler.

  A004000247 

 Ainsy donq le bayser estant la vive marque de l'union des cœurs, l'Espouse qui ne pretend en toutes ses poursuites que d'estre unie avec son Bienaymé, Qu'il me bayse, dit-elle, d'un bayser de sa bouche; comme si elle s'escrioit: Tant de souspirs et de traitz enflammés que mon amour jette incessamment, n'impetreront-ilz jamais ce que mon ame desire? Je cours, hé, n'atteindray-je jamais au prix pour lequel je m'eslance, qui est d'estre unie cœur a cœur, esprit a esprit avec mon Dieu, mon Espoux et ma vie? Quand sera-ce que je respandray mon ame dans son cœur, et qu'il versera [52] son cœur dedans mon ame, et qu'ainsy heureusement unis, nous vivrons inseparables!.

  A004000248 

 Quand l'Esprit divin veut exprimer un amour parfait, il employe presque tous-jours les paroles d'union et de conjonction: En la multitude des croyans, dit saint Luc, il n'y avoit qu'un cœur et qu'une ame; Nostre Seigneur pria son Pere pour tous les fideles affin qu'ilz fussent tous une mesme chose; saint Paul nous advertit que nous soyons soigneux de conserver unité d'esprit par l'union de la paix.

  A004000248 

 Saint Gregoire de Nazianze et saint Augustin disent que leurs amis avec eux n'avoyent qu'une ame; et Aristote, appreuvant des-ja de son tems cette façon de parler: «Quand,» dit il, «nous voulons exprimer combien nous aymons nos amis, nous disons: l'ame de celuy ci et mon ame n'est qu'une.» La haine nous separe, et l'amour nous assemble: la fin donques de l'amour n'est autre chose que l'union de l'amant a la chose aymee.

  A004000252 

 Or, quand l'union est naturelle, elle produit l'amour, et l'amour qu'elle produit nous porte a une nouvelle union volontaire qui perfectionne la naturelle: ainsy le pere et le filz, la mere et la fille, ou deux freres, estans naturellement unis par la communication d'un mesme sang, sont excités par cette union a l'amour, et par l'amour sont portés a une union de volonté et d'esprit qui peut estre dite volontaire, d'autant qu'encor que son fondement soit naturel, son action neanmoins est deliberee; et en ces amours produitz par l'union naturelle, il ne faut point chercher d'autre correspondance que celle de l'union mesme, par laquelle la nature prevenant la volonté, l'oblige d'appreuver, aymer et perfectionner l'union qu'elle a [54] des-ja faitte.

  A004000254 

 Ainsy les hommes attentifs a plusieurs choses, le sont moins a chacune d'icelles: on ne sçauroit exactement considerer les traitz d'un visage par la veüe, et a mesme tems exactement escouter l'harmonie d'une excellente musique; ni en un mesme tems estre attentif a la figure et a la couleur; si nous sommes affectionnés a parler, nous ne saurions avoir attention a autre chose..

  A004000255 

 Ne voyons-nous pas que le feu, symbole de l'amour, forcé de sortir par la seule bouche du canon, fait un esclat prodigieux, qu'il feroit beaucoup moindre s'il avoit ouverture par deux ou par trois endroitz? Puis donq que l'amour est [56] un acte de nostre volonté, qui le veut avoir non seulement noble et genereux, mais fort, vigoureux et actif, il en faut retenir la vertu et la force dans les limites des operations spirituelles; car qui voudroit l'appliquer aux operations de la partie sensible ou sensitive de nostre ame, il affoibliroit d'autant les operations intellectuelles, esquelles, toutefois, consiste l'amour essentiel..

  A004000255 

 Nous avons trois sortes d'actions amoureuses: les spirituelles, les raysonnables et les sensuelles; quand l'amour escoule sa force par toutes ces trois operations, il est sans doute plus estendu, mais moins tendu, et quand il ne s'escoule que par une sorte d'operation, il est plus tendu, quoy que moins estendu.

  A004000256 

 Les philosophes anciens ont reconneu qu'il y avoit deux sortes d'extases, dont l'une nous portoit au dessus de nous mesmes, et l'autre nous ravaloit au dessous de nous mesmes: comme s'ilz eussent voulu dire que l'homme estoit d'une nature moyenne entre les Anges et les bestes, participant de la nature angelique en sa partie intellectuelle et de la nature bestiale en sa partie sensitive; et que neanmoins il pouvoit, par l'exercice de sa vie et par un continuel soin de soy mesme, s'oster et deloger de cette moyenne condition; d'autant que, s'appliquant et exerçant beaucoup aux actions intellectuelles, il se rendoit plus semblable aux Anges qu'il ne l'estoit aux bestes; que s'il s'appliquoit beaucoup aux actions sensuelles, il descendoit de sa moyenne condition et s'approchoit de celle des bestes: et parce que l'extase n'est autre chose que la sortie qu'on fait de soy mesme, de quel costé que l'on en sorte on est vrayement en extase.

  A004000257 

 Or, a mesure que l'extase est plus grande, ou au dessus de nous ou au dessous de nous, plus elle empesche nostre ame de retourner a soy mesme et de faire les operations contraires a l'extase en laquelle elle est.

  A004000266 

 Car premierement, comme nous voyons que la vigne hait, par maniere de dire, et fuit les choux, en sorte qu'ilz s'entrenuisent l'un a l'autre, et qu'au contraire elle se plaist.

  A004000266 

 Nous n'avons qu'une ame, Theotime, et laquelle est indivisible; mais en cette ame il y a divers degrés de perfection, car elle est vivante, sensible et raysonnable, et selon ces divers degrés elle a aussi diversité de proprietés et inclinations, par lesquelles elle est portee a la fuite ou a l'union des choses.

  A004000266 

 avec l'olivier; ainsy voyons-nous que naturellement il y a contrarieté entre l'homme et le serpent, en sorte que la seule salive de l'homme qui est a jeun fait mourir le serpent, et que, au contraire, l'homme et la brebis ont une merveilleuse convenance et se plaisent l'un avec l'autre.

  A004000267 

 Secondement, nous avons en nous l'appetit sensitif, par le moyen duquel nous sommes portés a la recherche et a la fuite de plusieurs choses, par la connoissance sensitive que nous en avons; tout ainsy comme les animaux, desquelz les uns appetent une chose et les autres une autre, selon la connoissance qu'ilz ont qu'elle leur est convenable ou non: et en cet appetit reside, ou d'iceluy provient l'amour que nous appelions sensuel ou brutal, qui, a proprement parler, ne doit neanmoins pas estre appellé amour, ains simplement appetit..

  A004000268 

 En troisiesme lieu, entant que nous sommes raysonnables, nous avons une volonté par laquelle nous sommes portés a la recherche du bien, selon que nous le connoissons ou jugeons estre tel par le discours.

  A004000268 

 Or, en nostre ame entant qu'elle est raysonnable, nous remarquons manifestement deux degrés de perfection, que le grand saint Augustin, et apres luy tous les docteurs, ont appellé deux portions de l'ame, l'inferieure et la superieure: desquelles celle la est dite inferieure, qui discourt et fait ses consequences selon ce qu'elle apprend et experimente par les sens; et celle la est dite superieure, qui discourt et fait ses consequences selon la connoissance intellectuelle, qui n'est point fondee sur l'experience des sens, ains sur le discernement et jugement de l'esprit; aussi cette portion superieure est appellee communement esprit et partie mentale de l'ame, comme l'inferieure est ordinairement appellee le sens ou sentiment, et rayson humaine..

  A004000269 

 C'est ce que dit saint Augustin, que la superieure portion de l'ame est celle par laquelle nous adherons et nous appliquons a l'obeissance de la loy eternelle..

  A004000271 

 Nous experimentons tous les jours d'avoir plusieurs volontés contraires.

  A004000272 

 Or, ce n'est pas pourtant a dire qu'il y ait en l'homme deux ames, ou deux natures, comme pensoient les Manicheens: «Non,» dit saint Augustin, livre huitiesme de ses Confessions, chapitre dixiesme, «ains la volonté, allechee par divers attraitz, esmeüe par diverses raysons, semble estre divisee en soy mesme, tandis qu'elle est tiree de deux costés, jusques a ce que prenant parti selon sa liberté, elle suit ou l'un ou l'autre;» car alhors la plus puissante volonté surmonte, et gaignant le dessus, ne laisse a l'ame que le ressentiment du mal que le debat luy a fait, que nous appelions contrecœur..

  A004000277 

 «Je te cherchois,» dit saint Augustin, «hors de moy, et» je ne te treuvois point, parce que «tu estois en moy.» En ce temple mistique, il y a aussi troys parvis, qui sont troys differens degrés de rayson: au premier nous discourons selon l'experience des sens; au second nous discourons selon les sciences humaines; au troisiesme nous discourons selon la foy; et en fin, outre cela, il y a une certaine eminence et supreme pointe de la rayson et faculté spirituelle, qui n'est point conduitte par la lumiere du discours ni de la rayson, ains par une simple veüe de l'entendement et un simple sentiment de la volonté, par lesquelz l'esprit acquiesce et se sousmet a la verité et a la volonté de Dieu..

  A004000279 

 La lumiere de la foy, representee par la manne cache [68] dans la cruche, par laquelle nous acquiesçons a la verité des mysteres que nous n'entendons pas; 2.

  A004000279 

 l'utilité de l'esperance, representee par la verge fleurie et feconde d'Aaron, par laquelle nous acquiesçons aux promesses des biens que nous ne voyons point; 3.

  A004000279 

 la suavité de la tressainte charité, representee es commandemens de Dieu, qu'elle comprend, par laquelle nous acquiesçons a l'union de nostre esprit avec celuy de Dieu, laquelle nous ne sentons presque pas.

  A004000281 

 Mais si la foy, l'esperance et la charité se forment par ce saint acquiescement en la pointe de l'esprit, comment est-ce qu'au degré inferieur se peuvent faire les discours qui dependent de la lumiere de la foy? Ainsy que nous voyons que les advocatz au barreau [69] disputent avec beaucoup de discours sur les faitz et droitz des parties, et que le Parlement ou Senat resoult d'en haut toutes les difficultés par un arrest, lequel estant prononcé, les advocatz et auditeurs ne laissent pas de discourir entr'eux sur les motifs que le Parlement peut avoir eu, de mesme, Theotime, apres que les discours, et sur tout la grace de Dieu, ont persuadé a la pointe et supreme eminence de l'esprit d'acquiescer et former l'acte de la foy par maniere d'arrest, l'entendement ne laisse pas de discourir derechef sur cette mesme foy ja conceue, pour considerer les motifs et raysons d'icelle; mais cependant, les discours de theologie se font au parquet et barreau de la portion superieure de l'ame, et les acquiescemens, en haut, au siege et tribunal de la pointe de l'esprit.

  A004000285 

 L'amour de convoitise est celuy par lequel nous aymons quelque chose pour le prouffit que nous en pretendons; l'amour de bienveuillance est celuy par lequel nous aymons quelque chose pour le [70] bien d'icelle, car qu'est-ce autre chose avoir l'amour de bienveuillance envers une personne que de luy vouloir du bien?.

  A004000286 

 Mays si celuy a qui nous voulons du bien ne l'a pas encor, nous le luy desirons, et partant, cet amour se nomme amour de desir..

  A004000286 

 Si celuy a qui nous voulons du bien l'a des-ja et le possede, alhors nous le luy voulons par le playsir et contentement que nous avons dequoy il l'a et le possede; et ainsy se forme l'amour de complaysance, qui n'est autre chose que l'acte de la volonté par lequel elle s'unit et joint au playsir, contentement et bien d'autruy.

  A004000288 

 Si nous aymons simplement l'ami, sans le preferer aux autres, l'amitié est simple; si nous le preferons, alhors cette amitié s'appellera dilection, comme qui diroit amour de election, parce qu'entre plusieurs choses que nous aymons, nous choisissons celle-la pour la preferer..

  A004000289 

 Or, quand par cette dilection nous ne preferons pas de beaucoup un ami aux autres, elle s'appelle simple dilection; mais quand, au contraire, nous preferons grandement et de beaucoup un ami aux autres de sa sorte, alhors cette amitié s'appelle dilection d'excellence..

  A004000290 

 Que si l'estime et preference que nous faysons de l'ami, quoy qu'elle soit grande et n'en ait point d'egale, ne laisse pas neanmoins de pouvoir entrer en comparayson et proportion avec les autres, l'amitié s'appellera dilection eminente.

  A004000299 

 Nous sommes creés a l'image et semblance de Dieu: qu'est-ce a dire cela, sinon que nous avons une extreme convenance avec sa divine Majesté?.

  A004000301 

 Or, ou il y a plus de bonheur, il y a plus de satisfaction; la divine Bonté a donq plus de playsir a donner ses grâces que nous a les recevoir.

  A004000303 

 Telle est la convenance que nous avons avec Dieu..

  A004000307 

 Mays quant a l'amour sur toutes choses qui seroit prattiqué selon ce secours, il seroit appellé naturel, d'autant que les actions vertueuses prennent leur nom de leurs objectz et motifs, et cet amour dont nous parlons tendroit seulement a Dieu, selon qu'il est reconneu Autheur, Seigneur et souveraine fin de toute creature par la seule lumiere naturelle, et par consequent aymable et estimable sur toutes choses par inclination et propension naturelle..

  A004000307 

 S'il se treuvoit des hommes qui fussent en l'integrité et droitture originelle en laquelle Adam se treuva lhors de sa creation, bien que d'ailleurs ilz n'eussent aucune autre assistence de Dieu que celle qu'il donne a chasque creature affin qu'elle puisse faire les actions qui luy sont convenables, non seulement ilz auroyent l'inclination d'aymer Dieu sur toutes choses, mays aussi ilz pourroyent naturellement executer cette si juste inclination: car, comme ce divin Autheur et Maistre de la nature coopere et preste sa main forte au feu pour monter en haut, aux eaux pour couler vers la mer, a la terre pour descendre en bas et y demeurer quand elle y est; ainsy, ayant luy mesme planté dans le cœur de l'homme une speciale inclination naturelle, non seulement d'aymer le bien en general, mays d'aymer en particulier et sur toutes choses sa divine bonté qui est meilleure et plus aymable que toutes choses, la suavité de sa providence souveraine requeroit qu'il contribuait aussi a ces bienheureux hommes que nous venons de dire, autant de secours qu'il seroit necessaire affin que cette inclination fust prattiquee et effectuee.

  A004000308 

 Or, bien que l'estat de nostre nature humaine ne soit pas maintenant doué de la santé et droitture originelle que le premier homme avoit en sa creation, et qu'au contraire nous soyons grandement depravés par le peché, si est ce toutefois que la sainte inclination d'aymer Dieu sur toutes choses nous est demeuree, comme aussi la lumiere naturelle par laquelle nous connoissons que sa souveraine bonté est aymable sur toutes choses; et n'est pas possible qu'un homme pensant attentivement en Dieu, voire mesme par le seul discours naturel, ne ressente un certain eslan d'amour que la secrette inclination de nostre nature suscite au fond du cœur, par lequel, a la premiere apprehension de ce premier et souverain object, la volonté est prevenue et se sent excitee a se complaire en iceluy..

  A004000313 

 Ainsy nos espritz, animés d'une sainte inclination naturelle envers la Divinité, ont bien plus de clarté en l'entendement pour voir combien elle est aymable, que de force en la volonté pour l'aymer: car le peché a beaucoup plus debilité la volonté humaine, qu'il n'a offusqué l'entendement, et la rebellion de l'appetit sensuel, que nous appelions concupiscence, trouble voirement l'entendement, mais c'est pourtant contre la volonté qu'il excite principalement la sedition et revolte; si que la pauvre volonté, des-ja toute infirme, estant agitee des continuelz assautz que la concupiscence luy livre, ne peut faire un si grand progres en l'amour divin, comme la rayson et inclination naturelle luy suggerent qu'elle devroit faire.

  A004000317 

 En somme, Theotime, nostre chetifve nature, navree par le peché, fait comme les palmiers que nous avons de deça, qui font voirement certaines productions imparfaittes et comme des essais de leurs fruitz, mais de porter des dattes entieres, meures et assaisonnees, cela est reservé pour des contrees plus chaudes.

  A004000321 

 Mais si nous ne pouvons pas naturellement aymer Dieu sur toutes choses, pourquoy donq avons-nous naturellement inclination a cela? la nature est-elle pas vaine de nous inciter a un amour qu'elle ne nous peut donner? pourquoy nous donne-elle la soif d'une eau si pretieuse, puisqu'elle ne peut nous en abbreuver? Ha, Theotime, que Dieu nous a esté bon! La perfidie que nous avions commise en l'offençant meritoit certes qu'il nous privast de toutes les marques de sa bienveuillance, et de la faveur qu'il avoit exercee envers nostre nature, Ihors qu'il imprima sur elle la lumiere de son divin visage et qu'il donna a nos cœurs l'allegresse de se sentir enclins a l'amour de la divine Bonté, affin que les Anges, voyans ce miserable homme, eussent occasion de dire par compassion: Est-ce la, la creature de parfaite beauté, l'honneur de toute la terre?.

  A004000322 

 Il vit que nous estions environnés de chair, un vent qui se dissipe en courant, et qui ne revient plus; c'est pourquoy, selon les entrailles de sa misericorde, il ne nous voulut pas du tout ruiner ni nous oster le signe de sa grace perdue, affin que le regardans, et sentans en nous cette arriance et propension a l'aymer, nous taschassions de ce faire, et que personne ne peust justement dire: [83] Qui nous monstrera le bien? Car encor que par la seule inclination naturelle nous ne puissions pas parvenir au bonheur d'aymer Dieu comme il faut, si est ce que, si nous l'employions fïdellement, la douceur de la pieté divine nous donneroit quelque secours, par le moyen duquel nous pourrions passer plus avant; que si nous secondions ce premier secours, la bonté paternelle de Dieu nous en fourniroit un autre plus grand, et nous conduiroit de bien en mieux, avec toute suavité, jusques au souverain amour auquel nostre inclination naturelle nous pousse: puisque c'est chose certaine qu'a celuy qui est fidele en peu de chose et qui fait ce qui est en son pouvoir, la benignité divine ne denie jamais son assistance pour l'avancer de plus en plus..

  A004000323 

 L'inclination donques d'aymer Dieu sur toutes choses, que nous avons par nature, ne demeure pas pour neant dans nos cœurs: car, quant a Dieu, il s'en sert comme d'une anse pour nous pouvoir plus suavement prendre et retirer a soy, et semble que, par cette impression, la divine Bonté tienne en quelque façon attachés nos cœurs, comme des petitz oyseaux, par un filet par lequel il nous puisse tirer quand il plaist a sa misericorde d'avoir pitié de nous; et quant a nous, elle nous est un indice et memorial de nostre premier Principe et Createur, a l'amour duquel elle nous incite, nous donnant un secret advertissement que nous appartenons a sa divine Bonté.

  A004000324 

 C'est pourquoy le grand Prophete royal appelle cette inclination non seulement lumiere, parce qu'elle nous fait voir ou nous devons tendre, mais aussi joye et allegresse, parce qu'elle nous console en nostre egarement, nous donnant esperance que Celuy qui nous a empreinte et laissee cette belle marque de nostre origine, pretend encor et desire de nous y ramener et reduire, si nous sommes si heureux que de nous laisser reprendre a sa divine Bonté.

  A004000324 

 Certes, l'honnorable inclination que Dieu a mise en nos ames, fait connoistre a nos amis et a nos ennemis que non seulement nous avons esté a nostre Createur, mais encor que, si bien il nous a laissés et laschés a la merci de nostre franc arbitre, neanmoins nous luy appartenons, et il s'est reservé le droit de nous reprendre a soy pour nous sauver, selon que sa sainte et suave Providence le requerra.

  A004000332 

 Nous disons, quand le soleil a son lever est rouge et que tost apres il devient noir ou creux et enfoncé, ou bien, quand a son coucher il est blafastre, pasle, have, que c'est signe de pluye.

  A004000332 

 Theotime, le soleil n'est ni rouge, ni noir, ni pasle, ni gris, ni verd: ce grand luminaire n'est point sujet a ces vicissitudes et changemens de couleurs, n'ayant pour toute couleur que sa très claire et perpetuelle lumiere, laquelle, si ce n'est par miracle, est invariable; mays nous parlons de la sorte parce qu'il nous semble estre tel, selon la varieté des vapeurs qui sont entre luy et nos yeux, lesquelles le font paroistre de diverses façons..

  A004000333 

 Et comme le soleil n'a aucune de toutes les couleurs que nous luy attribuons, ains une seule tres claire lumiere qui est par dessus toute couleur et qui rend visiblement colorees toutes les couleurs, aussi en Dieu il n'y a aucune des perfections que nous imaginons, ains une seule tres pure excellence qui est au dessus de toute perfection et qui donne la perfection a tout ce qui est parfait..

  A004000333 

 Mais cependant, en Dieu il n'y a ni varieté ni difference quelcomque de perfections, ains il est luy mesme une tres seule, tres simple et tres uniquement unique perfection; car tout ce qui est en luy n'est que luy mesme, et toutes les excellences que nous disons estre en luy en une si grande diversité, elles y sont en une tres simple et tres pure unité.

  A004000333 

 Or nous devisons ainsy de Dieu, non tant selon ce qu'il est en luy mesme, comme selon ses œuvres, par l'entremise desquelles nous le contemplons; car sur nos diverses considerations nous le nommons differemment, [87] comme s'il avoit une grande multitude de differentes excellences et perfections.

  A004000333 

 Si nous le regardons entant qu'il punit les meschans, nous le nommons juste; entant qu'il delivre le pecheur de sa misere, nous le preschons misericordieux; entant qu'il a creé toutes choses et fait plusieurs miracles, nous l'appelions tout puissant; entant qu'il prattique exactement ses promesses, nous le publions veritable; entant qu'il fait toutes choses en si bel ordre, nous l'appelions tout sage; et ainsy consecutivement, selon la varieté de ses oeuvres, nous luy attribuons une grande diversité de perfections.

  A004000334 

 Nostre esprit est trop foible pour former une pensee qui puisse representer une excellence tant immense, laquelle comprenant en sa tres simple et tres unique perfection, distinctement et parfaittement, toutes autres perfections, en une façon infiniment excellente et eminente que nostre esprit ne peut penser, nous sommes forcés, pour parler aucunement de Dieu, d'user d'une grande quantité de noms, disant qu'il est bon, sage, tout puissant, vray, juste, saint, infini, immortel, invisible; et certes, nous parlons veritablement: Dieu est tout cela ensemble, parce qu'il est plus que tout cela, c'est a dire il l'est en une sorte si pure, si excellente et si relevee, qu'en une tres simple perfection il a la vertu, force et excellence de toute perfection..

  A004000336 

 Mays pourtant, que tout esprit loüe le Seigneur, le nommant de tous les noms les plus eminens qui se pourront treuver; et pour la plus grande loüange que nous luy puissions rendre, confessons que jamais il ne peut estre asses loüé, et pour le plus excellent nom que nous luy puissions attribuer, protestons que son nom est sur tout nom, et que nous ne pouvons le dignement nommer..

  A004000336 

 Non, Theotime, nous ne pouvons jamais le comprendre, puisque, comme dit saint Jean, il est plus grand que nostre cœur.

  A004000336 

 Nous en dirons beaucoup de choses, dit l'Escriture, et demeurerons courtz en paroles: la somme [89] de tous discours, c'est qu'il est toutes choses.

  A004000336 

 Si nous nous glorifions, a quoy nous servira cela? car le Tout Puissant est sur toutes ses œuvres.

  A004000340 

 Nous avons une grande diversité de facultés et habitudes, qui produisent aussi une grande varieté d'actions, et ces actions une multitude non pareille d'ouvrages.

  A004000341 

 Et neanmoins, chetifves creatures que nous sommes, nous parlons des actions de Dieu comme s'il en faysoit tous les jours grande quantité et en grande varieté, bien que nous sachions le contraire.

  A004000341 

 Et si, en cela nous n'offençons pas la verité; car encor qu'en Dieu il n'y ait pas multitude d'actions, ains un seul acte qui est la Divinité mesme, cet acte toutefois est si parfait, qu'il comprend excellemment la force et la vertu de tous les actes qui sembleroyent estre requis pour toute la diversité des effectz que nous voyons..

  A004000341 

 Mays nous sommes forcés a cela, Theotime, par nostre imbecillité; car nous ne savons parler sinon selon que nous entendons, et nous entendons selon que les choses ont accoustumé de se passer parmi nous: or, d'autant qu'es choses naturelles il ne se fait presque point de diversité d'ouvrages que par diversité d'actions, quand nous voyons tant de besoignes differentes, une si grande varieté de productions, et cette multitude innumerable des exploitz de la puissance divine, il nous semble d'abord que cette diversité se fait par autant d'actes que nous voyons de differens effectz, et nous en parlons tout de mesme, pour parler plus a nostre ayse, selon nostre prattique ordinaire et la coustume que nous avons d'entendre les choses.

  A004000347 

 Car encor que l'historien sacré, s'accommodant a nostre façon d'entendre, raconte que Dieu repeta souvent cette toute puissante parole: Soit fait, es journees de la creation du monde, neanmoins, a proprement parler, cette parole fut tres unique; si que David l'appelle un souffle ou aspiration de la bouche divine, c'est a dire un seul trait de son infinie volonté, lequel respand si puissamment sa vertu en la varieté des choses creées, que pour cela nous le concevons comme s'il estoit multiplié et diversifié en autant de differences comme il y en a en ces effectz, quoy qu'en verité il soit tres unique et tres simple.

  A004000347 

 Un seul mot de Dieu remplit l'air d'oyseaux et la mer [91] de poissons, fit esclorre de la terre toutes les plantes et tous les animaux que nous y voyons.

  A004000349 

 En signe dequoy, l'Escriture nous ayant rapporté que Dieu au commencement dit: Soyent faitz les luminaires au firmament du ciel, et qu'ilz separent le jour de la nuit, et qu'ilz soyent en signes, en tems, et jours et annees, nous voyons encor maintenant cette perpetuelle revolution et entresuite de tems et de saysons qui durera jusques [93] a la fin du monde, pour nous apprendre que, comme.

  A004000358 

 Dieu donques, Theotime, n'a pas besoin de plusieurs actes, puisque un seul divin acte de sa toute puissante volonté suffit a la production de toute la varieté de ses œuvres, a rayson de son infinie perfection: mais nous autres mortelz avons besoin d'en traitter avec la methode et maniere d'entendre a laquelle nos petitz espritz peuvent arriver, selon laquelle, pour parler de la Providence divine, considerons, je vous prie, le regne du grand Salomon, comme un modele parfait de l'art de bien regner..

  A004000360 

 Mais d'autant que la disposition est inutile sans la creation ou levee des officiers, et que la creation est vaine sans la providence qui regarde a ce qui est requis pour la conservation des officiers creés ou erigés, et qu'en fin cette conservation qui se fait par le bon gouvernement n'est autre chose que la providence effectuee, partant, non seulement la disposition mais aussi la creation et le bon gouvernement de Salomon, furent appellés du nom de providence: aussi ne disons-nous pas qu'un homme ayt de la providence, sinon quand il gouverne bien..

  A004000361 

 Mais parce que ces moyens sont de diverses sortes, nous diversifions aussi le nom de la providence, et disons qu'il y a une providence naturelle, une autre surnaturelle; et celle ci, qu'elle est ou generale, ou speciale, ou particuliere..

  A004000361 

 Or maintenant, Theotime, parlans des choses divines selon l'impression que nous avons prise en la consideration des choses humaines, nous disons que Dieu ayant eu une eternelle et tres parfaite connoissance de l'art de faire le monde pour sa gloire, il disposa avant toutes choses en son divin entendement toutes les pieces principales de l'univers qui pouvoient luy rendre de l'honneur, c'est a dire la nature angelique et la nature humaine; et en la nature angelique, la varieté des hierarchies et des ordres que l'Escriture Sainte et les sacrés Docteurs nous enseignent; comme aussi entre les hommes, il disposa qu'il y auroit cette grande diversité que nous y voyons.

  A004000362 

 Dieu donques voulant prouvoir l'homme des moyens naturelz qui luy sont requis pour rendre gloire a sa divine Bonté, il a produit en faveur d'iceluy tous les autres animaux et les plantes; et pour prouvoir aux autres animaux et aux plantes, il a produit varieté de terroirs, de saysons, de fontaines, de vens, de pluyes; et tant pour l'homme que pour les autres choses qui luy appartiennent, il a creé les elemens, le ciel et les astres, establissant par un ordre admirable que presque toutes les creatures servent les unes aux autres reciproquement: les chevaux nous portent, et nous les pansons; les brebis nous nourrissent et vestent, et nous les paissons; la terre envoye des vapeurs a l'air, et l'air des pluyes a la terre; la main sert au pied, et le pied porte la main.

  A004000363 

 Il y a toutefois, certes, des cas fortuitz et des accidens inopinés; mays [97] ilz ne sont ni fortuitz ni inopinés qu'a nous, et sont sans doute tres certains a la Providence celeste, qui les prevoit et les destine au bien public de l'univers.

  A004000363 

 Selon nous, ce cas fut inopiné; mais au regard de la Providence, qui regardoit de plus haut et voyoit la concurrence des causes, ce fut un exploit de justice par lequel la superstition de cet homme fut punie..

  A004000368 

 Tout ce que Dieu a fait est destiné au salut des hommes et des Anges: mays voyci l'ordre de sa providence pour ce regard, selon que, par l'attention aux Saintes Escritures et a la doctrine des Anciens, nous le pouvons descouvrir, et que nostre foiblesse nous permet d'en parler..

  A004000374 

 Mais affïn que la douceur de sa misericorde fust ornee de la beauté de sa justice, il delibera de sauver l'homme par voÿe de redemption rigoureuse, laquelle ne se pouvant bien faire que par son Filz, il establit qu'iceluy rachetteroit les hommes, non seulement par une de ses actions amoureuses qui eust esté plus que tres suffisante a rachetter mille millions de mondes, mais encor par toutes les innumerables actions amoureuses et passions douloreuses qu'il feroit et souffriroit, jusques a la mort et la mort de la croix, a laquelle il le destina, voulant qu'ainsy il se rendist compaignon de nos miseres, pour nous rendre par apres compaignons de sa gloire.

  A004000374 

 Monstrant en cette sorte les richesses de sa bonté, par cette redemption copieuse, abondante, surabondante, magnifique et excessive, laquelle nous a acquis et comme reconquesté tous les moyens necessaires pour parvenir à la gloire, de sorte que personne ne puisse jamais se douloir comme si la misericorde divine manquoit a quelqu'un..

  A004000380 

 Et tant s'en faut que le peché d'Adam ayt surmonté la debonnaireté divine, que tout au contraire il l'a excitee et provoquee: si que, par une suave et tres amoureuse antiperistase et contention, elle s'est revigoree a la presence de son adversaire, et comme ramassant ses forces pour vaincre, elle a fait surabonder la grace ou l'iniquité avoit abondé; de sorte que la sainte Eglise, par un saint exces d'admiration, s'escrie, la veille de Pasques: «O peché d'Adam, a la verité necessaire, qui a esté effacé par la mort de Jesus Christ; o coulpe bien heureuse, qui a mérité d'avoir un tel et si grand Redempteur!» Certes, Theotime, nous pouvons dire comme cet ancien: « Nous estions perdus, si nous n'eussions esté perdus;» c'est a dire, nostre perte nous a esté a prouffit, puisqu'en effect la nature humaine a receu plus de graces par la redemption de son Sauveur, qu'elle n'en eust jamais receu par l'innocence d'Adam, s'il eust perseveré en icelle..

  A004000380 

 Mays donq maintenant, mon Theotime, qui doutera de l'abondance des moyens du salut, puisque nous avons un si grand Sauveur, en consideration duquel nous avons esté faitz, et par les merites duquel nous avons esté rachetés? Car il est mort pour tous, parce [103] que tous estoyent mortz; et sa misericorde a esté plus salutaire pour racheter la race des hommes, que la misere d'Adam n'avoit esté veneneuse pour la perdre.

  A004000381 

 Certes, en l'arrousement du sang de Nostre Seigneur, fait par l' hysope de la Croix, nous avons esté remis en une blancheur incomparablement plus excellente que celle de la neige de l'innocence, sortans, comme Naaman, du fleuve de salut, plus purs et netz que si jamais nous n'eussions esté ladres; affin que la divine Majesté, ainsi qu'elle nous a ordonné de faire, ne fust pas vaincue par le mal, ains vainquist le mal par le bien, que sa misericorde, comme une huyle sacree, se tinst au dessus du jugement, et que ses miserations surmontassent toutes ses œuvres..

  A004000385 

 Dieu, certes, monstre admirablement la richesse incomprehensible de son pouvoir, en cette si grande varieté de choses que nous voyons en la nature, mays il fait encor plus magnifiquement paroistre les thresors infinis de sa bonté, en la difference non pareille des biens que nous reconnoissons en la grace.

  A004000393 

 Mais pourtant, Theotime, quoy que cette tres abondante suffisance de graces soit ainsi versee sur toute la nature humaine, et qu'en cela nous soyons tous esgaux qu'une riche abondance de benedictions nous est offerte a tous, si est-ce neanmoins que la varieté de ces faveurs est si grande, qu'on ne peut dire qui est plus admirable, ou la grandeur de toutes les graces en une si grande diversité, ou la diversité en tant de grandeurs.

  A004000393 

 Qui ne void qu'entre les Chrestiens les moyens du salut sont plus grans et puissans qu'entre les barbares, et que parmi les Chrestiens il y a des peuples et des villes ou les pasteurs sont plus fructueux et capables? Or, de nier que ces moyens exterieurs ne sovent pas des faveurs de la Providence divine, ou de revoquer en doute qu'ilz ne contribuent pas au salut et a la perfection des ames, ce seroit estre ingrat envers la Bonté celeste, et desmentir la veritable experience qui nous fait voir que, pour l'ordinaire, ou ces moyens exterieurs abondent, les interieurs ont plus d'effect et reussissent mieux..

  A004000394 

 Certes, comme nous voyons qu'il ne se treuve jamais deux hommes parfaitement semblables es dons naturelz, aussi ne s'en treuve-il jamais de parfaitement esgaux es surnaturelz.

  A004000399 

 Aussi, le Cherubin fut mis a la porte du [111] paradis terrestre avec son espee flamboyante, pour nous apprendre que nul n'entrera au Paradis celeste qu'il ne soit transpercé du glaive de l'amour.

  A004000399 

 Bien que la redemption du Sauveur nous soit appliquee en autant de differentes façons comme il y a d'ames, si est-ce neanmoins que l'amour est le moyen universel de nostre salut, qui se mesle par tout et sans lequel rien n'est salutaire, ainsy que nous dirons ailleurs.

  A004000399 

 En quoy il tesmoigne bien, Theotime, qu'il ne nous a pas laissé l'inclination naturelle de l'aymer, pour neant; car affin qu'elle ne soit oyseuse, il nous presse de l'employer par ce commandement general, et affin que ce commandement puisse estre prattiqué, il ne laisse homme qui vive auquel il ne fournisse abondamment tous les moyens requis a cet effect..

  A004000399 

 Hé, dit-il, je suis venu pour mettre le feu au monde, que pretens-je sinon qu'il arde? Mais pour declarer plus vivement l'ardeur de ce desir, il nous commande cet amour en termes admirables: Tu aymeras, dit-il, le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton ame, de toutes tes forces, c'est le premier et le plus grand commandement. Vray Dieu, Theotime, que le cœur divin est amoureux de nostre amour! Ne suffisoit-il pas qu'il eust publié une permission par laquelle il nous eust donné congé de l'aymer, comme Laban permit a Jacob d'aymer sa belle Rachel et de la gaigner par ses services? Mays non, il declare plus avant sa passion amoureuse envers nous, et nous commande de l'aymer de tout nostre pouvoir, affin que la consideration de sa Majesté et de nostre misere, qui font une tant infinie disparité et inegalité de luy a nous, ni autre pretexte quelconque, ne nous divertist de l'aymer.

  A004000399 

 Pour cela, Theotime, le doux Jesus, qui nous a rachetés par son sang, desire infiniment que nous l'aymions, affin que nous soyons eternellement sauvés, et desire que nous soyons sauvés, affin que nous l'aymions eternellement, son amour tendant a nostre salut et nostre salut a son amour.

  A004000400 

 Voyés donq, Theotime, si Dieu desire que nous l'aymions.

  A004000401 

 Or, qu'est ce a dire tout cela, Theotime, sinon que Dieu ne nous donne pas seulement une simple suffisance de moyens pour l'aymer, et en l'aymant nous sauver, mais que c'est une suffisance riche, ample, magnifique, et telle qu'elle doit estre attendue d'une si grande bonté comme est la sienne? Le grand Apostre, parlant au pecheur obstiné: Mesprises-tu, dit-il, les richesses de la bonté, patience et longanimité de Dieu? ignores-tu que la benignité de Dieu t'amene a penitence? Mays toy, selon ta dureté et ton cœur [113] impenitent, tu te fays un thresor d'ire au jour de l'ire.

  A004000405 

 Or, comme vous voyes, Theotime, ce n'a pas esté par aucun merite des œuvres que nous eussions fait, mais selon sa misericorde qu'il nous a sauvés, par cette charité ancienne, ains eternelle, qui a esmeu sa divine Providence de nous attirer a soy.

  A004000405 

 Que si le Pere ne nous eust tirés, jamais nous ne fussions venus au Filz nostre Sauveur, ni par consequent au salut..

  A004000407 

 Mais nous autres humains, nous ressemblons plustost aux apodes: car s'il nous advient de quitter l'air du saint amour divin pour prendre terre et nous attacher aux creatures, ce que nous faysons toutes les fois que nous offençons Dieu, nous mourons voirement, mais non pas d'une mort si entiere qu'il ne nous reste un peu de mouvement, et, avec cela, des jambes et des pieds, c'est a dire quelques menues affections qui nous peuvent faire faire quelques essays d'amour; mays cela pourtant est si foible, qu'en verité nous ne pouvons plus de nous mesmes desprendre nos cœurs du peché, ni nous relancer au vol de la sacree dilection, laquelle, chetifz que nous sommes, nous avons perfidement et volontairement quittee..

  A004000408 

 Et certes, nous meriterions bien de demeurer abandonnés de Dieu quand, avec cette desloyauté, nous l'avons ainsy abandonné.

  A004000408 

 Mays son eternelle charité ne permet pas souvent a sa justice d'user de ce chastiment, ains excitant sa compassion, elle le provoque a nous retirer de nostre malheur: ce qu'il fait, envoyant le vent favorable de sa tressainte inspiration, laquelle venant avec une douce violence dans nos cœurs, elle les saisit et les esmeut, relevant nos pensees et poussant nos affections en l'air du divin amour..

  A004000409 

 Or, ce premier eslan ou esbranlement que Dieu donne en nos cœurs pour les inciter a leur bien, se fait voirement en nous, mais non pas par nous; car il arrive a l'improveu avant que nous y ayons ni pensé [116] ni peu penser, puisque nous n'avons aucune suffisance pour de nous mesmes, comme de nous mesmes, penser aucune chose qui regarde nostre salut; mais toute nostre suffisance est de Dieu, lequel ne nous a pas seulement aymés avant que nous fussions, mais encor affin que nous fussions, et que nous fussions saintz: en suite dequoy il nous previent es benedictions de sa douceur paternelle, et excite nos espritz pour les pousser a la sainte repentance et conversion.

  A004000410 

 C'est en sursaut et a l'improuveu que Dieu nous appelle et resveille par sa tressainte inspiration: en ce commencement de la grace celeste, nous ne faysons rien que sentir l'esbranlement «que Dieu fait en nous,» comme dit saint Bernard, mais «sans nous.».

  A004000410 

 N'est-il pas donq vray, mon cher Theotime, que cette premiere esmotion et secousse que l'ame sent, quand Dieu, la prevenant d'amour, l'esveille et l'excite a quitter le peché et se retourner a luy, et non seulement cette secousse, ains tout le resveil se fait en nous et pour nous, mays non pas par nous? Nous sommes esveillés, mays nous ne nous sommes pas esveillés de nous mesmes; c'est l'inspiration qui nous a esveillés, [117] et pour nous esveiller, elle nous a esbranlés et secoués.

  A004000417 

 Nous desrobbons les biens de Dieu si nous nous attribuons la gloire de nostre salut, mais nous deshonnorons sa misericorde si nous disons qu'elle nous a manqué; nous offensons sa liberalité si nous ne confessons ses bienfaitz, mais nous blasphemons sa bonté si nous nions qu'elle nous ait assistés et secourus.

  A004000417 

 O Dieu tout bon, vous ne laissés que ceux qui vous laissent, vous ne nous ostés jamais vos dons, sinon quand nous vous ostons nos cœurs.

  A004000421 

 O Dieu, Theotime, si nous recevions les inspirations celestes selon toute l'estendue de leur vertu, qu'en peu de tems nous ferions de grans progres en la sainteté! Pour abondante que soit la fontaine, ses eaux n'entreront pas en un jardin selon leur affluence, mais selon la petitesse ou grandeur du canal par ou elles y sont conduites.

  A004000421 

 Quoy que le Saint Esprit, comme une source d'eau vive, aborde de toutes pars nostre cœur pour respandre sa grace en iceluy, toutefois, ne voulant pas qu'elle entre en nous sinon par le libre consentement [121] de nostre volonté, il ne la versera point que selon la mesure de son bon playsir et de nostre propre disposition et cooperation, ainsy que dit le sacré Concile, qui aussi, comme je pense, a cause de la correspondance de nostre consentement avec la grace, appelle la reception d'icelle reception volontaire..

  A004000422 

 En ce sens saint Paul nous exhorte de ne point recevoir la grace de Dieu en vain: car, comme un malade qui ayant receu la medecine en sa main ne l'avaleroit pas dans son estomach, auroit voirement receu la medecine, mais sans la recevoir, c'est a dire il l'auroit receüe en une façon inutile et infructueuse, de mesme, nous recevons la grace de Dieu en vain, quand nous la recevons a la porte du cœur et non pas dans le consentement du cœur; car ainsy nous la recevons sans la recevoir, c'est a dire nous la recevons sans fruit, puisque ce n'est rien de sentir l'inspiration sans y consentir.

  A004000422 

 Et comme le malade auquel on auroit donné en main la medecine, s'il la recevoit seulement en partie et non pas toute, elle ne feroit aussi l'operation qu'en partie et non pas entierement, ainsy, quand Dieu nous envoye une inspiration grande et puissante pour embrasser son saint amour, si nous ne consentons pas selon toute son estendue, elle ne profitera pas aussi qu'a cette mesure la.

  A004000422 

 Il arrive que, estans inspirés de faire beaucoup, nous ne consentons pas a toute l'inspiration, ains seulement a quelque partie d'icelle; comme firent ces bons personnages de l'Evangile, qui, sur l'inspiration que Nostre Seigneur leur fit de le suivre, vouloyent reserver, l'un d'aller premier ensevelir son pere, et l'autre d'aller prendre congé des siens..

  A004000423 

 A mesure que nostre cœur se dilate, ou, pour mieux parler, a mesure qu'il se laisse eslargir et dilater, et qu'il ne refuse pas le vuide de son consentement a la misericorde divine, elle verse tous-jours et [122] respand sans cesse dans iceluy ses sacrees inspirations, qui vont croissant et nous font croistre de plus en plus en l'amour sacré; mays quand il n'y a plus de vuide et que nous ne prestons pas davantage de consentement, elle s'arreste..

  A004000424 

 A quoy tient-il donques que nous ne sommes pas si avancés en l'amour de Dieu comme saint Augustin, saint François, sainte Catherine de Gennes, ou sainte Françoise? Theotime, c'est parce que Dieu ne nous en a pas fait la grace.

  A004000424 

 Et pourquoy n'avons-nous pas correspondu? parce qu'estans libres nous avons ainsy abusé de nostre liberté.

  A004000424 

 Mais pourquoy avons-nous abusé de nostre liberté? Theotime, il ne faut pas passer plus avant, car, comme dit saint Augustin, la depravation de nostre volonté ne provient d'aucune cause, ains de la defaillance de la cause qui commet le peché.

  A004000424 

 Mais pourquoy est-ce que Dieu ne nous en a pas fait la grace? parce que nous n'avons pas correspondu comme nous devions, a ses inspirations.

  A004000427 

 Pour certain, la faute n'est pas de la part de Dieu, car, puisque sa divine Majesté nous ayde et fait cette grace que nous arrivions jusques a ce point, je croy qu'il ne manqueroit pas de nous en faire encor davantage, si ce n'estoit nostre faute et l'empeschement que nous y mettons de nostre part.» Soyons donques attentifs, Theotime, a nostre avancement en l'amour que nous devons a Dieu, car celuy qu'il nous porte ne nous manquera jamais.

  A004000431 

 La justice divine nous chastie en ce monde par des punitions qui, pour estre ordinaires, sont aussi presque tous-jours inconneües et imperceptibles; quelquefois neanmoins il fait des deluges et abismes de chastimens, pour faire reconnoistre et craindre la severité de son indignation.

  A004000432 

 Le propre lien de la volonté humaine, c'est la volupté et le playsir: «On monstre des noix a un enfant,» dit saint Augustin, «et il est attiré en aymant; il est attiré par le lien, non du cors, mais du cœur.» Voyés donq comme le Pere eternel nous tire: en nous enseignant il nous delecte, non pas en nous imposant aucune necessité; il jette dedans nos cœurs des délectations et playsirs spirituelz, comme des sacrees amorces par lesquelles il nous attire suavement a recevoir et gouster la douceur de sa doctrine..

  A004000432 

 Sans doute, Theotime, nous ne sommes pas tirés a Dieu par des liens de fer, comme les taureaux et les buffles, ains par maniere d'allechemens, d'attraitz delicieux et de saintes inspirations, qui sont en somme les liens d'Adam et d'humanité; c'est a dire proportionnés et convenables au cœur humain, auquel la liberté est naturelle.

  A004000433 

 La grace est si gracieuse et saisit si gracieusement nos cœurs pour les attirer, qu'elle ne gaste rien en la liberté de nostre volonté; elle touche puissamment, mais pourtant si delicatement, les ressortz de nostre esprit, que nostre franc arbitre n'en reçoit aucun forcement; la grace a des forces, non pour forcer, ains pour allecher le cœur; elle a une sainte violence, non pour violer, mais pour rendre amoureuse nostre liberté; elle agit fortement, mais si suavement, que nostre volonté ne demeure point accablee sous une si puissante action; elle nous presse, mais elle n'oppresse pas nostre franchise: si que nous pouvons, emmi ses forces, consentir ou resister a ses mouvemens selon qu'il nous plaist..

  A004000434 

 Mais ce qui est autant admirable que veritable, c'est que quand nostre volonté suit l'attrait et consent au mouvement divin, elle le suit aussi librement comme librement elle resiste, quand elle resiste, bien que le consentement a la grace depende beaucoup plus de la grace que de la volonté, et que la resistance a la grace ne depende que de la seule volonté: tant la main de Dieu est amiable au maniement de nostre cœur, tant elle a de dexterité pour nous communiquer sa force sans nous oster nostre liberté, et pour nous donner le mouvement de son pouvoir sans empescher celuy de nostre vouloir; adjustant sa puissance a sa suavité en telle sorte que, comme en ce qui regarde le bien sa puissance nous donne suavement le pouvoir, aussi sa suavité maintient puissamment la liberté de nostre vouloir.

  A004000435 

 Mais quand il est dit que nous pouvons rejetter l'inspiration celeste et les attraitz divins, on n'entend pas, certes, qu'on puisse empescher Dieu de nous inspirer ni de jetter ses attraitz en nos cœurs; car, comme j'ay des-ja dit, cela se fait «en nous» et «sans nous;» ce sont des faveurs que Dieu nous fait avant que nous y ayons pensé: il nous esveille lhors que nous dormons, et, par consequent, nous nous treuvons esveillés avant qu'y avoir pensé; mais il est en nous de nous lever ou de ne nous lever pas, et bien qu'il nous ayt esveillés sans nous, il ne nous veut pas lever sans nous.

  A004000435 

 Nous ne pouvons pas empescher que l'inspiration ne nous pousse et, par consequent, ne nous esbranle; mais si, a mesure qu'elle nous pousse, nous la repoussons pour ne point nous laisser aller a son mouvement, alhors nous resistons.

  A004000435 

 Or, c'est resister au resveil que de ne se point lever et se rendormir, puisque on ne nous resveille que pour nous faire lever.

  A004000435 

 Theotime, [128] les inspirations nous previennent, et avant que nous y ayons pensé elles se font sentir, mais apres que nous les avons senties, c'est a nous d'y consentir pour les seconder et suivre leurs attraitz, ou de dissentir et les repousser: elles se font sentir a nous, sans nous, mais elles ne nous font pas consentir sans nous..

  A004000439 

 Ainsy, mon cher Theotime, quand l'inspiration, comme un vent sacré, vient pour nous pousser en l'air du saint amour, elle se prend a nostre volonté, et par le sentiment de quelque celeste delectation elle l'esmeut, estendant et despliant l'inclination naturelle, qu'elle a au bien, en sorte que cette inclination mesme luy serve de prise pour saisir nostre esprit: et tout cela, comme j'ay dit, se fait «en nous, sans nous,» car c'est la faveur divine qui nous previent en cette sorte.

  A004000439 

 Que si nostre esprit ainsy saintement prevenu, sentant les aysles de son inclination esmeües, despliees, estendues, poussees et agitees par ce vent celeste, contribue tant soit peu son consentement, ah, quel bonheur, Theotime; car la mesme inspiration et faveur qui nous a saisi, meslant [129] son action avec nostre consentement, animant nos foibles mouvemens de la force du sien, et vivifiant nostre imbecille cooperation par la puissance de son operation, elle nous aydera, conduira et accompaignera d'amour en amour, jusques a l'acte de la tressainte foy, requis pour nostre conversion..

  A004000443 

 Mais quelz sont ses attraitz? Le premier, par lequel il nous previent et resveille, se fait par luy «en nous» et «sans nous;» tous les autres se font aussi par luy, et «en nous,» mais non pas «sans nous.» Tires-moy, dit l'Espouse sacree, c'est a dire, commences le premier, car je ne sçaurois m'esveiller de moy mesme, je ne sçaurois me mouvoir si vous ne m'esmouves; mays quand vous m'aures esmeüe, alhors, o le cher Espoux de mon ame, nous courrons nous deux: vous courres devant moy en me tirant tous-jours plus avant, et moy je vous suivray a la course, consentant a vos attraitz; mays que personne n'estime que vous m'allies tirant apres vous comme une esclave forcee ou comme une charrette inanimee; ah non, vous me tires a l'odeur de vos parfums.

  A004000447 

 Et neanmoins, cette obscure clarté de la foy estant entree dans nostre esprit, non par force de discours ni par apparence d'argumens, ains par la seule suavité de sa presence, [133] elle se fait croire et obeir a l'entendement avec tant d'authorité, que la certitude qu'elle nous donne de la verité surmonte toutes les autres certitudes du monde, et assujettit tellement tout l'esprit et tous les discours d'iceluy, qu'ilz n'ont point de credit en comparayson..

  A004000447 

 Et voyci la merveille: car Dieu fait la proposition des mysteres de la foy a nostre ame parmi des obscurités et tenebres, en telle sorte que nous ne voyons pas les verités, ains seulement nous les entrevoyons; comme il arrive quelquefois que la terre estant couverte de brouillars nous ne pouvons voir le soleil, ains nous voyons seulement un peu plus de clarté du costé ou il est, de façon que, par maniere de dire, nous le voyons sans le voir, parce que d'un costé nous ne le voyons pas tant que nous puissions bonnement dire que nous le voyons, et d'autre part nous ne le voyons pas si peu que nous puissions dire que nous ne le voyons point; et c'est ce que nous appelions entrevoir.

  A004000447 

 Quand Dieu nous donne la foy, il entre en nostre ame et parle a nostre esprit, non point par maniere de discours, mais par maniere d'inspiration, proposant si aggreablement ce qu'il faut croyre, a l'entendement, que la volonté en reçoit une grande complaysance, et telle qu'elle incite l'entendement a consentir et acquiescer a la verité, sans doute ni defiance quelconque.

  A004000453 

 Comme estans exposés aux rayons du soleil de mydi, nous ne voyons presque pas plus tost la clarté que soudain nous sentons la chaleur, ainsy la lumiere de la foy n'a pas plus tost jetté la splendeur de ses verités en nostre entendement, que tout incontinent nostre volonté sent la sainte chaleur de l'amour celeste.

  A004000453 

 La foy nous fait connoistre par une infallible certitude que Dieu est, qu'il est infini en bonté, qu'il se peut communiquer a nous, et que non seulement il peut, ains il le veut: si que, par une ineffable douceur, il nous a preparés tous les moyens requis pour parvenir au bonheur de la gloire immortelle.

  A004000453 

 Or, nous avons une inclination naturelle au souverain bien, en suite de [136] laquelle nostre cœur a un certain intime empressement et une continuelle inquietude, sans pouvoir en sorte quelcomque s'accoiser, ni cesser de tesmoigner que sa parfaite satisfaction et son solide contentement luy manque.

  A004000455 

 Certes, ou que nous veuillions ou que nous ne veuillions pas, nostre esprit tend au souverain bien: mays qui est ce souverain bien? Nous ressemblons a ces bons Atheniens qui faysoient sacrifice au vray Dieu, lequel neanmoins leur estoit inconneu, jusques a ce que le grand saint Paul leur en annonça la connoissance: car ainsy nostre cœur, par un profond et secret instinct, tend en toutes ses actions et pretend a la felicité, et la va cherchant ça et la, comme a tastons, sans sçavoir toutefois ni ou elle reside ni en quoy elle consiste, jusques a ce que la foy la luy monstre et luy en descrit les merveilles [138] infinies: et lhors ayant treuvé le tresor qu'il cherchoit, helas, quel contentement a ce pauvre cœur humain, quelle joye, quelle complaysance d'amour! Hé, je l'ay rencontré, Celuy que mon ame cherchoit sans le connoistre; o que ne sçavois-je a quoy tendoyent mes pretentions quand rien de tout ce que je pretendois ne me contentoit, parce que je ne sçavois pas ce que, en effect, je pretendois! Je pretendois d'aymer, et ne connoissois pas ce qu'il failloit aymer; et partant, ma pretention ne treuvant pas son veritable amour, mon amour estoit tous-jours en une veritable mais inconneüe pretention: j'avois bien asses de presentiment d'amour pour me faire pretendre, mays je n'avois pas asses de sentiment de la bonté qu'il failloit aymer, pour exercer l'amour..

  A004000455 

 Nous sentons quelquefois de certains contentemens qui viennent comme a l'improuveue, sans aucun sujet apparent, et ce sont souvent des presages de quelque plus grande joye: dont plusieurs estiment que nos bons Anges, prevoyans les biens qui nous doivent advenir, nous en donnent ainsy des presentimens; comme au contraire ilz nous donnent des craintes et frayeurs emmi les perilz inconneuz, affin de nous faire invoquer Dieu et demeurer sur nos gardes.

  A004000455 

 Or quand le bien presagé nous arrive, nos cœurs le reçoivent a bras ouvertz, et se ramentevant l'ayse qu'ilz avoyent eu sans en sçavoir la cause, ilz connoissent seulement alhors que c'estoit comme un avant coureur du bonheur advenu.

  A004000462 

 Et comme l'oyseau auquel le fauconnier oste le chaperon, ayant la proye en veüe s'eslance soudain au vol, [139] et s'il est retenu par les longes se debat sur le poing avec une ardeur extreme, de mesme la foy nous ayant osté le voile de l'ignorance et fait voir nostre souverain bien, lequel neanmoins nous ne pouvons encor posseder, retenus par la condition de cette vie mortelle, helas, Theotime, nous le desirons alhors: de sorte que.

  A004000473 

 Ainsy donques, affin que l'inquietude et la douloureuse langueur que les effortz de l'amour desirant causeroient en nos espritz, ne nous portast a quelque defaillance de courage et ne nous reduisist au desespoir, le mesme Bien souverain qui [140] nous incite a le desirer si fortement, nous asseure aussi que nous le pourrons obtenir fort aysement, par mille et mille promesses qu'il nous en a faittes en sa Parolle et par ses inspirations, pourveu que nous veuillions employer les moyens qu'il nous a preparés et qu'il nous offre pour cela..

  A004000473 

 Ce desir est juste, Theotime, car qui ne desireroit un bien si desirable? mais ce seroit un desir inutile, ains qui ne serviroit que d'un continuel martyre a nostre cœur, si nous n'avions asseurance de le pouvoir un jour assouvir.

  A004000474 

 Et cet accoisement est la racine de la tressainte vertu que nous appelions esperance, car la volonté, asseuree par la foy qu'elle pourra jouir de son souverain bien usant des moyens a ce destinés, elle fait deux grans actes de vertu: par l'un, elle attend de Dieu la jouissance de sa souveraine bonté, et par l'autre, elle aspire a cette sainte jouissance..

  A004000474 

 Ouy certes, Theotime, parce que l'asseurance que Dieu nous donne que le Paradis est pour nous, fortifie infiniment le desir que nous avions d'en jouir, et neanmoins affoiblit, ains aneantit tout a fait le trouble et l'inquietude que ce desir nous apportoit; de sorte que nos cœurs, par les promesses sacrees que la divine Bonté nous a faites, demeurent tout a fait accoisés.

  A004000475 

 Et de vray, Theotime, entre esperer et aspirer il y a seulement cette difference: que nous esperons les choses que nous attendons, par le moyen d'autruy, et nous aspirons aux choses que nous pretendons, par nos propres moyens, de nous mesmes; et d'autant que nous parvenons a la jouissance de nostre souverain bien qui est Dieu, premierement et principalement par sa faveur, grace et misericorde, et que neanmoins cette mesme misericorde veut que nous cooperions a sa faveur, contribuans la foiblesse de nostre consentement a la force de sa grace, partant, nostre esperance est aucunement meslee d'aspirement: si que nous n'esperons pas tout a fait sans aspirer, et n'aspirons jamais sans tout a fait esperer; en quoy l'esperance tient tous-jours le rang principal, comme fondee sur la grace divine, sans laquelle, tout ainsy que nous ne pouvon pas seulement [141] penser a nostre souverain bien selon qu'il convient pour y parvenir, aussi ne pouvons-nous jamais sans icelle y aspirer comme il faut pour l'obtenir. L'aspirement donques est un rejetton de l'esperance, comme nostre cooperation l'est de la grace: et tout ainsy que ceux qui veulent esperer sans aspirer seront rejettés comme couards et negligens, de mesme ceux qui veulent aspirer sans esperer sont temeraires, insolens et presomptueux.

  A004000475 

 Mais cependant, et l'un et l'autre se fait par cet amour desirant qui tend a nostre souverain bien, lequel, a mesure qu'il est plus asseurement esperé, est aussi tous-jours plus aymé; ains l'esperance n'est autre chose que l'amoureuse complaysance que nous avons en l'attente et pretention de nostre souverain bien.

  A004000475 

 Mais quand l'esperance est suivie de l'aspirement, et qu'esperans nous aspirons et aspirans nous esperons, alhors, cher Theotime, l'esperance se convertit en un courageux dessein par l'aspirement, et l'aspirement se convertit en une humble pretention par l'esperance, esperans et aspirans selon que Dieu nous inspire.

  A004000479 

 Je ne dis pas, toutefois, qu'il revienne tellement a nous, qu'il nous fasse aymer Dieu seulement pour l'amour de nous: o Dieu, nenny; car l'ame qui n'aymeroit Dieu que pour l'amour d'elle mesme, establissant la fin de l'amour qu'elle porte a Dieu en sa propre commodité, helas, elle commettroit un extreme sacrilege.

  A004000479 

 L'amour que nous prattiquons en l'esperance, Theotime, va certes a Dieu, mays il retourne a nous; il a son regard en la divine Bonté, mays il a de l'esgard a nostre utilité; il tend a cette supreme perfection, mays il pretend nostre satisfaction: c'est a dire, il ne nous porte pas en Dieu parce que Dieu est souverainement bon en soy mesme, mais parce qu'il est souverainement bon envers nous mesmes; ou, comme vous voyes, il y a du nostre et du nous mesme; et partant, cet amour est voirement amour, mais amour de convoitise et interessé.

  A004000480 

 Car quand je dis: j'ayme Dieu pour moy, c'est comme si je disois: j'ayme avoir Dieu, j'ayme que Dieu soit a moy, qu'il soit mon souverain bien; qui est une sainte [143] affection de l'Espouse celeste, laquelle cent fois proteste par exces de complaysance: Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne, il est a moy et je suis a luy; mais dire: j'ayme Dieu pour l'amour de moy mesme, c'est comme qui diroit: l'amour que je me porte est la fin pour laquelle j'ayme Dieu, en sorte que l'amour de Dieu soit dependant, subalterne et inferieur a l'amour propre que nous avons envers nous mesmes; qui est une impieté nompareille..

  A004000481 

 Cet amour donq que nous appelions esperance, est un amour de convoitise, mais d'une sainte et bien ordonnee convoitise, par laquelle nous ne tirons pas Dieu a nous ni a nostre utilité, mays nous nous joignons a luy comme a nostre finale felicité.

  A004000481 

 Nous nous aymons ensemblement avec Dieu par cet amour, mays non pas nous preferant ou esgalant a luy en cet amour; l'amour de nous mesmes est meslé avec celuy de Dieu, mays celuy de Dieu surnage; nostre amour propre y entre voirement, mais comme simple motif, et non comme fin principale; nostre interest y tient quelque lieu, mays Dieu y tient le rang principal.

  A004000481 

 Ouy, sans doute, Theotime, car quand nous aymons Dieu comme nostre souverain bien, nous l'aymons pour une qualité par laquelle nous ne le rapportons pas à nous, mais nous a luy; nous ne sommes pas sa fin, sa pretention ni sa perfection, ains il est la nostre; il ne nous appartient pas, mais nous luy appartenons; il ne depend point de nous, ains nous de luy; et en somme, par la qualité de souverain bien, pour laquelle nous l'aymons, il ne reçoit rien de nous, ains nous recevons de luy; il exerce envers nous son affluence et bonté, et nous prattiquons nostre indigence et disett: de sorte que, aymer Dieu en tiltre du souverain bien, c'est l'aymer en tiltre honnorable et respectueux, par lequel nous l'advoüons estre nostre perfection, nostre repos et nostre fin, en la jouissance de laquelle consiste nostre bonheur..

  A004000482 

 Et c'est ainsy que nous aymons et convoitons Dieu par l'esperance: non affîn qu'il soit nostre bien, mais parce qu'il l'est; non affin qu'il soit nostre, mais parce que nous sommes siens; non comme s'il estoit pour nous, mais d'autant que nous sommes pour luy..

  A004000482 

 Il y a des biens desquelz nous jouissons, mais d'une reciproque et mutuellement esgale jouissance, comme nous faysons de nos amis; car l'amour que nous leur portons entant qu'ilz nous rendent du contentement, est voirement amour de convoitise, mais convoitise honneste par laquelle ilz sont a nous et nous egalement a eux, ilz nous appartiennent, et nous pareillement leur appartenons.

  A004000482 

 Il y a des biens desquelz nous nous servons en les employant, comme sont nos esclaves, nos serviteurs, nos chevaux, nos habitz; et l'amour que nous leur [144] portons est un amour de pure convoitise, car nous ne les aymons pas que pour nostre prouffit.

  A004000482 

 Mais il y a des biens dont nous jouissons d'une jouissance de dependance, participation et sujettion, comme nous faysons de la bienveuillance de nos pasteurs, princes, pere, mere, ou de leur presence et faveur: car l'amour que nous leur portons est aussi, certes, amour de convoitise, quand nous les aymons entant qu'ilz sont nos princes, nos pasteurs, nos peres, nos meres, puisque ce n'est pas la qualité de pasteur, ni de prince, ni de pere, ni de mere, qui nous les fait aymer, ains parce qu'ilz sont telz en nostre endroit et a nostre regard; mays cette convoitise est un amour de respect, de reverence, d'honneur; car nous aymons, par exemple, nos peres, non parce qu'ilz sont nostres, mays parce que nous sommes a eux.

  A004000483 

 Et notés, Theotime, qu'en cet amour ici, la rayson pour laquelle nous aymons, c'est a dire pour laquelle nous appliquons nostre cœur a l'amour du bien que nous convoitons, c'est parce que c'est nostre bien; mais la rayson de la mesure et quantité de cet amour, depend de l'excellence et dignité du bien que nous aymons.

  A004000483 

 Mays pourquoy l'aymons nous souverainement? parce qu'il est nostre bien souverain..

  A004000483 

 Nous aymons nos bienfacteurs, parce qu'ilz sont telz envers nous; mais nous les aymons plus ou moins, selon qu'ilz sont ou plus grans ou moindres bienfacteurs.

  A004000483 

 Pourquoy donq aymons-nous Dieu, Theotime, de cet amour de convoitise? parce qu'il est nostre [145] bien.

  A004000484 

 Or, quand je dis que nous aymons souverainement Dieu, je ne dis pas que nous l'aymions pour cela du souverain amour, car le souverain amour n'est qu'en la charité; mais en l'esperance l'amour est imparfait, parce qu'il ne tend pas a sa bonté infinie entant qu'elle est telle en elle mesme, ains seulement entant qu'elle nous est telle: et neanmoins, parce qu'en cette sorte d'amour il n'y a point de plus excellent motif que celuy qui provient de la consideration du souverain bien, nous disons que par iceluv nous aymons souverainement, quoy qu'en verité nul, par ce seul amour, ne puisse ni observer les commandemens de Dieu ni avoir la vie eternelle, parce que c'est un amour qui donne plus d'affection que d'effect, quand il n'est pas accompagné de la charité..

  A004000490 

 Certes, Seneque, Plutarque et les Pytagoriciens, qui recommandent tant l'examen de conscience, et sur tout le premier, qui parle si vivement du trouble que le remors interieur excite en l'ame, ont entendu sans doute qu'il y avoit une repentance; et quant au sage Epictete, il descrit si bien la reprehension que nous devons prattiquer envers nous mesmes, qu'on ne sçauroit presque mieux dire..

  A004000496 

 Nous pouvons donq bien dire, mon cher Theotime, que la pœnitence est une vertu toute chrestienne, puisque d'un costé elle a esté si peu conneüe entre les payens, et de l'autre elle est tellement reconneüe parmi les vrays Chrestiens qu'en icelle consiste une grande partie de la philosophie evangelique, selon laquelle quicomque dit qu'il ne peche point est insensé, et quicomque croid de remedier a son peché sans pœnitence, il est forcené; car c'est l'exhortation des exhortations de Nostre Seigneur: Faites penitence.

  A004000497 

 De cette veritable apprehension naissent plusieurs motifs qui, ou tous, [149] ou plusieurs ensemble, ou chascun en particulier, nous peuvent porter a la repentance..

  A004000497 

 Nous entrons en une profonde apprehension dequoy, entant qu'en nous est, nous offençons Dieu par nos pechés, le mesprisant et deshonnorant, luy desobeissant et nous rebellant a luy; lequel aussi, de son costé, s'en tient pour offencé, irrité et mesprisé, desagreant, reprouvant et abominant l'iniquité.

  A004000498 

 Car nous considerons parfois que Dieu, qui est offencé, a establi une punition rigoureuse en enfer pour les pecheurs, et qu'il les privera du Paradis preparé aux gens de bien.

  A004000498 

 Hé, qui ne craindroit une si grande perte et une si grande peine! Et cette double crainte, dont l'une est servile et l'autre mercenaire, nous porte grandement a nous repentir des pechés par lesquelz nous les avons encourues; et a cet effect, en la sacree Parole, cette crainte nous est cent fois et cent fois intimee..

  A004000499 

 D'autres fois, nous considerons la laideur et la malice du peché, selon que la foy nous l'enseigne; comme par exemple, que par iceluy la ressemblance et image de Dieu que nous avons, est barbouillee et desfiguree, la dignité de nostre esprit deshonnoree, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous avons violé nostre devoir envers le Createur du monde, et perdu le bien de la societé des Anges pour nous associer et assujettir au diable, nous rendans esclaves de nos passions et renversans l'ordre de la rayson, offencans nos bons Anges a qui nous sommes tant obligés..

  A004000500 

 Quelquefois encor nous sommes provoqués a pœnitence par la beauté de la vertu, qui nous donne autant de biens que le peché nous cause de maux: et de plus, nous y sommes maintefois excités par l'exemple des Saintz; car, qui eut jamais peu voir les exercices de l'incomparable pœnitence de Magdeleine, de Marie Ægiptiaque ou des penitens du monastere surnommé [150] Prison, dont saint Jean Clymacus a fait la description, sans estre esmeu a se repentir de ses pechés, puisque la seule lecture de l'histoire y provoque ceux qui ne sont pas du tout hebetés?.

  A004000503 

 Elle est a la verité louable, car ni la Sainte Escriture ni l'Eglise ne nous exciteroient pas par telz motifs, si la pœnitence qui en provient n'estoit bonne; et on void manifestement que c'est chose grandement raysonnable de se repentir du peché pour ces considerations, ains qu'il est impossible de ne se repentir pas, a qui les considere attentivement: mays pourtant c'est une pœnitence, certes, imparfaite, d'autant que l'amour divin n'y entre encor point.

  A004000503 

 Hé, ne voyes vous pas, Theotime, que toutes ces repentances se font pour l'interest de nostre ame, de sa felicité, de sa beauté interieure, de son honneur, de sa dignité, et, en un mot, pour l'amour de nous mesmes, mais amour neanmoins legitime, juste et bien reglé..

  A004000503 

 Or, tous ces motifs nous sont enseignés par la foy et religion Chrestienne, et partant, la penitence qui en provient est grandement louable, quoy qu'imparfaite.

  A004000505 

 La crainte et les autres motifs de [152] repentance dont nous avons parlé sont bons pour le commencement de la sagesse chrestienne, qui consiste en la pœnitence; mais qui voudroit, de propos deliberé, ne point parvenir a l'amour, qui est la perfection de la pœnitence, il offenceroit grandement Celuy qui a tout destiné a son amour, comme a la fin de toutes choses..

  A004000506 

 Conclusion: la repentance qui forclost l'amour de Dieu est infernale, pareille a celle des damnés; la repentance qui ne rejette pas l'amour de Dieu, quoy qu'elle soit encor sans iceluy, est une bonne et desirable repentance, mais imparfaite, et qui ne peut nous donner le salut jusques a ce qu'elle ayt atteint a l'amour et qu'elle se soit meslee avec iceluy: si que, comme le grand Apostre a dit que s'il donnoit son cors a brusler et tous ses biens aux pauvres, sans avoir la charité, cela luy seroit inutile, aussi pouvons-nous dire en verité, que quand nostre penitence seroit si grande que sa douleur fist fondre nos yeux en larmes et fendre nos cœurs de regret, si nous n'avons pas le saint amour de Dieu tout cela ne nous serviroit de rien pour la vie eternelle..

  A004000511 

 Et comme nous voyons que le feu convertit le vin en une eau que presque par tout on appelle eau de vie, laquelle conçoit et nourrit si aysement le feu que pour cela on la nomme aussi, en plusieurs endroitz, ardente, de mesme la consideration amoureuse de la Bonté laquelle estant souverainement aymable a esté offencee par le peché, produit l'eau de la sainte penitence; puis, de cette eau provient reciproquement le feu de l'amour divin, dont on la peut proprement appeller eau de vie, et ardente: elle est certes une eau en sa substance, car la penitence n'est autre chose qu'un vray desplaysir, une reelle douleur et repentance; mais elle est neanmoins ardente, parce qu'elle contient la vertu et proprieté de l'amour, comme provenue d'un motif amoureux, et par cette proprieté elle donne la vie de la grace..

  A004000512 

 C'est pourquoy la parfaite pœnitence a deux effectz differens: car, en vertu de sa douleur et detestation, elle nous separe du peché et de la creature a laquelle la delectation nous avoit attachés; mais en vertu du [154] motif de l'amour, d'ou elle prend son origine, elle nous reconcilie et reunit a nostre Dieu duquel nous nous estions separés par le mespris: si que, a mesme qu'elle nous retire du peché en qualité de repentance, elle nous rejoint a Dieu en qualité d'amour..

  A004000515 

 Dites-moy, de grace: c'est la proprieté de l'aymant de tirer a soy le fer et de se joindre a luy; mays ne voyons-nous pas que le fer touché de l'aymant, sans avoir ni l'aymant ni sa nature, ains seulement sa vertu et qualité attrayante, ne laisse pas de tirer et s'unir un autre fer? Ainsy la parfaite repentance, touchee du motif de l'amour sans avoir la propre action de l'amour, ne laisse pas d'en avoir la vertu et la qualité, c'est a dire le mouvement d'union pour rejoindre et reunir nos cœurs a la volonté divine.

  A004000515 

 Mais, ce me dires-vous, quelle vertu ou proprieté de l'amour peut avoir la repentance, si elle n'a pas l'action? Theotime, le motif de la parfaite repentance, c'est la bonté de Dieu laquelle il nous desplait d'avoir offencee; or, ce motif n'est motif sinon parce qu'il esmeut et donne le mouvement, mais le mouvement que la bonté divine donne au cœur qui la considere ne peut estre que le mouvement d'amour, c'est a dire d'union: c'est pourquoy la vraye repentance, bien qu'il ne soit pas advis et qu'on ne voye pas la propre action de l'amour, reçoit neanmoins tous-jours le mouvement de l'amour et la qualité unissante d'iceluy, par laquelle elle nous reunit et rejoint a la divine bonté.

  A004000517 

 Car ainsy le Saint Esprit jettant dans nostre entendement la consideration de la grandeur de nos pechés, entant que par iceux nous avons offencé une si souveraine bonté, et nostre volonté recevant la reflexion de cette connoissance, le repentir croist petit a petit si fort, avec une certaine chaleur affective et desir de retourner en grace avec Dieu, qu'en fin ce mouvement arrive a tel signe, qu'il brusle et unit avant mesme que l'amour soit du tout formé: amour qui, toutefois, comme un feu sacré, s'allume immediatement en ce point la; de sorte que la repentance ne parvient jamais a ce signe de brusler et reunir le cœur a Dieu, qui est son extreme perfection, qu'elle ne se treuve toute convertie en feu et flamme [157] d'amour, la fin de l'un servant de commencement a l'autre.

  A004000517 

 Ni ne faut pas non plus s'estonner que la force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit formé; puisque nous voyons que par la reflexion des rayons du soleil battant sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et propre qualité du feu, s'augmente petit a petit si fort, qu'elle commence a brusler avant qu'elle ayt bonnement produit le feu, ou, au moins, avant que nous l'ayons apperceu.

  A004000518 

 Et partant, nous devons tous avoir force telles oraysons jaculatoires, faites par maniere de repentance amoureuse et de souhaitz requerans nostre reconciliation avec Dieu, affin que par icelles, prononçans devant le Sauveur nostre tribulation, nous respandions nos ames devant et dedans son cœur pitoyable, qui les recevra a mercy.

  A004000522 

 Aussi, le grand saint Augustin prononce solemnellement cette remarquable parole: «Escoute une fois, o homme, et entens! N'es-tu pas tiré? prie affin que tu sois tiré;» en laquelle, son intention n'est pas de parler du premier mouvement que Dieu fait «en nous, sans nous,» [159] Ihors qu'il nous excite et esveille du sommeil de peché; car, comme pourrions nous demander le reveil, puisque personne ne peut prier avant qu'estre esveillé? mays il parle de la resolution que l'on prend d'estre fidele, car il estime que croire c'est estre tiré, et partant, il admonneste ceux qui ont esté excités a croire en Dieu, de demander le don de la foy.

  A004000522 

 Entre le premier reveil du peché ou de l'incredulité et la resolution finale que l'on prend de croire parfaitement, il y va souventefois beaucoup de tems, pendant lequel on peut prier, comme fit saint Pachome, ainsy que nous avons veu; et comme le pere du pauvre lunatique, lequel, au rapport de saint Marc, asseurant qu'il croyoit, c'est a dire qu'il commençoit a croire, conneut quand et quand qu'il ne croyoit pas asses, dont il s'escria: Hé, Seigneur, je croy, mais aydes mon incredulité.

  A004000522 

 Et personne, certes, ne pouvoit mieux sçavoir les difficultés qui se passent ordinairement entre le premier mouvement que Dieu fait en nous et la parfaite resolution de bien croire, que saint Augustin, qui, ayant receu une si grande varieté d'attraitz, par les paroles du glorieux saint Ambroyse, par la conference faite avec Potitian et mille autres moyens, ne laissa pas neanmoins d'user de tant de remises et d'avoir tant de peyne a se resoudre; si que a luy, de vray, plus qu'a nul autre, on eust peu bien dire, ce qu'il dit par apres aux autres: Helas, Augustin, si tu n'es pas tiré, si tu ne croys pas, «prie que tu sois tiré» et que tu croyes..

  A004000523 

 Et ce pendant nous demeurons en pleyne [160] liberté de consentir aux attraitz celestes ou de les rejetter; car, comme le sacré Concile de Trente a clairement resolu, «si quelqu'un disoit que le franc arbitre de l'homme, estant meu et incité de Dieu, ne coopere en rien, en consentant a Dieu qui l'esmeut et l'appelle affin qu'il se dispose et prepare pour obtenir la grace de la justification, et qu'il ne peut n'y consentir point s'il veut, certes, un tel seroit excommunié » et reprouvé de l'Eglise.

  A004000523 

 Nostre Seigneur tire les cœurs par les delectations qu'il leur donne, lesquelles font treuver la doctrine celeste douce et aggreable, mais avant que cette douceur ayt engagé et lié la volonté par ses amiables liens, pour la tirer a l'acquiescement et consentement parfait de la foy, comme Dieu ne manque pas d'exercer sa bonté sur nous par ses saintes inspirations, aussi nostre ennemi ne cesse point de prattiquer sa malice par ses tentations.

  A004000523 

 Que si nous ne repoussons point la grace du saint amour, elle se va dilatant par des continuelz accroissemens dedans nos ames, jusques a ce qu'elles soyent entierement converties: comme les grans fleuves, qui treuvans les playnes ouvertes se respandent et prennent tous-jours plus de place..

  A004000524 

 Que si l'inspiration, nous ayant tirés a la foy, ne rencontre point de resistance en nous, elle nous tire mesme jusques a la pœnitence et charité.

  A004000525 

 Ainsy donq, pour conclure ce point, l'ame prevenue de la grace, sentant les premiers attraitz et consentant a leur douceur, comme revenant a soy apres une si longue pasmayson, elle commence a souspirer ces paroles: Helas, o mon cher Espoux, mon ami, tires moy, je vous prie, et me prenes par dessous le bras, car je ne puis autrement aller; mais si vous me tires, nous courrons: vous, en m'aydant par l'odeur de vos parfums, et moy, correspondant par mon foible consentement et odorant vos suavités qui me renforcent et revigorent toute, jusqu'a ce que le bausme de vostre nom sacré, c'est a dire l'onction salutaire de ma justification soit respandue en moy.

  A004000526 

 En cette façon, trescher Theotime, l'inspiration celeste vient a nous et nous previent, excitant nos volontés a l'amour sacré.

  A004000526 

 Que si nous ne la repoussons pas, elle vient avec nous et nous environne, pour nous inciter et pousser tous-jours plus avant; et si nous ne l'abandonnons, elle ne nous abandonne point qu'elle ne nous ayt rendus au port de la tressainte charité, faysant pour nous les troys offices que le grand ange Raphaël fit pour son cher Tobie: car elle nous guide en tout nostre voyage de la sainte pœnitence, elle nous garentit des perilz et des assautz du diable, et nous console, anime et fortifie en nos difficultés..

  A004000530 

 Et quant a nous, nous traittons avec luy a toutes heures, quand il nous plait, par la tressainte orayson, ayans toute nostre vie, nostre mouvement et nostre estre, non seulement avec luy, mais en luy et par luy..

  A004000530 

 Il ne cesse de nous faire du bien et rendre toutes sortes de tesmoignages de sa tressainte affection, nous ayant ouvertement revelé tous ses secretz, comme a ses amis confidens; et, pour comble de son saint amoureux commerce avec nous, il s'est rendu nostre propre viande au tressaint Sacrement de l'Eucharistie.

  A004000530 

 Mais cette amitié est une vraye amitié, [163] car elle est reciproque, Dieu ayant aymé eternellement quicomque l'a aymé, l'ayme ou l'aymera temporellement; elle est declaree et reconneüe mutuellement, attendu que Dieu ne peut ignorer l'amour que nous avons pour luy, puisque luy mesme nous le donne, ni nous aussi ne pouvons ignorer celuy qu'il a pour nous, puisqu'il l'a tant publié et que nous reconnoissons tout ce que nous avons de bon comme veritables effectz de sa bienveuillance; et, en fin, nous sommes en perpetuelle communication avec luy, qui ne cesse de parler a nos cœurs par inspirations, attraitz et mouvemens sacrés.

  A004000530 

 Voyla donq en fin, mon cher Theotime, comme Dieu, par un progres plein de suavité ineffable, conduit l'ame qu'il fait sortir hors de l'Egypte du peché, d'amour en amour, comme de logement en logement, jusques a ce qu'il l'ayt fait entrer en la Terre de promission, je veux dire en la tressainte charité; laquelle, pour le dire en un mot, est une amitié et non pas un amour interessé, car par la charité nous aymons Dieu pour l'amour de luy mesme, en consideration de sa bonté tres souverainement aymable.

  A004000531 

 Or cette amitié n'est pas une simple amitié, mais amitié de dilection, par laquelle nous faysons election de Dieu pour l'aymer d'amour particulier.

  A004000532 

 Nous l'appelions donq amitié surnaturelle pour cela, et de plus encor, parce qu'elle regarde Dieu et tend a luy, non selon la science naturelle que nous avons de sa bonté, mais selon la connoissance surnaturelle de la foy.

  A004000540 

 Le sacré Concile de Trente nous asseure que «les amis de Dieu, allans de vertu en vertu, sont renouvelles de jour en jour, c'est a dire croissent par bonnes œuvres en la justice qu'ilz ont receüe par la grace divine, et sont de plus en plus justifiés, selon ces celestes advertissemens: Qui est juste, qu'il soit derechef justifié,» et qui est saint, qu'il soit encor plus sanctifié; Ne doute point d'estre justifié jusques a la mort; Le sentier des justes s'avance et croist, connue une lumiere resplendissante, jusques au jour parfait; Faisans la verité avec charité, croissons en tout en Celuy qui est le chef, a sçavoir Jesus Christ; et, en fin, Je vous prie que vostre charité croisse de plus en plus: qui sont toutes paroles sacrees selon David, saint Jean, l'Ecclesiastique et saint Paul..

  A004000541 

 Nous vivons entre les hazards des batailles que nos ennemis nous livrent; si nous ne resistons, nous perissons, et nous ne pouvons resister sans surmonter, ni surmonter sans victoire: car, comme dit le glorieux saint Bernard, «il est escrit tres specialement de l'homme, que jamais il n'est en un mesme estat:» il faut ou qu'il avance, ou qu'il retourne en arriere.

  A004000543 

 La charité donq, entre nous, peut estre perfectionnee jusques a l'infini, mais exclusivement; c'est a dire, la charité peut estre rendue de plus en plus et tous-jours plus excellente, mais non pas que jamais elle puisse estre infinie.

  A004000551 

 O Seigneur, nous fait dire la sainte Eglise nostre Mere, «donnés-nous l'augmentation de la foy, de l'esperance et de la charité;» et c'est a l'imitation de ceux qui disoient au Sauveur: Seigneur, accroisses la foy en nous; et selon l'advis de saint Paul, qui asseure que Dieu seul est puissant de faire abonder en nous toute grace..

  A004000551 

 Par quoy, tout ainsy que les perles prennent non seulement leur naissance mais aussi leur aliment de la rosee, les meres perles ouvrant pour cet effect leurs escailles du costé du ciel, comme pour mendier les gouttes que la fraischeur de l'air fait escouler a l'aube du jour, de mesme, ayans receu la foy, l'esperance et la charité, de la Bonté celeste, nous devons tous-jours retourner nos cœurs et les tenir tendus de ce costé-la, pour en impetrer la continuation et l'accroissement des mesmes vertus.

  A004000552 

 C'est donq Dieu qui fait cet accroissement, en consideration de l'employte que nous faysons de sa grace, selon qu'il est escrit: A celuy qui a, c'est a dire, qui employe bien les faveurs receües, on luy en donnera davantage, et il abondera.

  A004000553 

 Or, jamais Dieu n'ayme davantage une ame qui a de la charité, qu'il ne luy en donne aussi davantage; nostre amour envers luy estant le propre et particulier effect de son amour envers nous..

  A004000554 

 A mesure que nous regardons plus vivement nostre ressemblance qui paroist en un miroüer, elle nous regarde aussi plus attentivement; et a mesure que Dieu jette plus amoureusement ses doux yeux sur nostre ame, qui est faitte a son image et semblance, nostre ame reciproquement regarde sa divine Bonté plus attentivement et ardemment, correspondant selon sa petitesse a tous les accroissemens que cette souveraine Douceur fait de son divin amour envers elle.

  A004000554 

 Certes, le sacré Concile de Trente parle ainsy: «Si quelqu'un dit que la justice receüe n'est pas conservee, et que mesmes elle n'est pas augmentee devant Dieu par bonnes œuvres, [172] mays que les œuvres sont seulement fruitz et signes de la justification acquise, et non pas cause de l'augmenter, anatheme.» Voyés-vous, Theotime, la justification qui se fait par la charité est augmentee par les bonnes œuvres, et, ce qu'il faut remarquer, c'est par les bonnes œuvres sans exception; car, comme dit excellemment saint Bernard sur un autre sujet, «rien n'est excepté ou rien n'est distingué.» Le Concile parle des bonnes œuvres indistinctement et sans reserve, nous donnant a connoistre, que non seulement les grandes et ferventes, ains aussi les petites et foibles, font augmenter la sainte charité; mais les grandes, grandement, et les petites, beaucoup moins..

  A004000555 

 Tel est l'amour que Dieu porte a nos ames, tel le desir de nous faire croistre en celuy que nous luy devons porter; sa divine Suavité nous rend toutes choses utiles, elle prend tout a nostre advantage, elle fait valoir a nostre proffit toutes nos besoignes, pour basses et debiles qu'elles soyent.

  A004000559 

 Employons une parabole, Theotime, puisque cette methode a esté si aggreable au souverain Maistre de l'amour que nous enseignons.

  A004000560 

 Et tout cela, mon Theotime, Dieu le fait «en nous, sans nous,» par sa bonté toute aymable qui nous previent de sa douceur.

  A004000560 

 Mais puisqu'il n'est plus requis qu'il employe son amour a mourir pour nous, quand il void l'ame ainsy precipitee en l'iniquité il accourt pour l'ordinaire a son ayde, et d'une misericorde nompareille entr'ouvre la porte du cœur, par des eslans et remors de conscience qui procedent de plusieurs clartés et apprehensions qu'il a jettees dedans nos espritz, avec des mouvemens salutaires, par le moyen desquelz, comme par des eaux odorantes et vitales, il fait revenir l'ame a soy et la remet en des bons [175] sentimens.

  A004000560 

 Or, quand l'ame qui a cet honneur commet le peché, elle tombe pasmee d'une defaillance spirituelle, et cet accident est a la verité bien inopiné; car, qui pourroit jamais penser qu'une creature voulust quitter son Createur et souverain bien, pour des choses si legeres comme sont les amorces du peché? Certes, le Ciel s'en estonne, et si Dieu estoit sujet aux passions, il tomberoit a cœur failli pour ce malheur, comme lhors qu'il fut mortel il expira sur la croix pour nous en racheter.

  A004000561 

 C'est pourquoy, encor qu'elle puisse aller d'elle mesme, elle en doit toute la gloire a son Dieu qui luy a donné une santé si vigoureuse et si forte; car, soit que le Saint Esprit nous fortifie par les mouvemens qu'il imprime en nos cœurs, ou qu'il nous soustienne par la charité qu'il y respand, soit qu'il nous secoure par maniere d'assistence, en nous relevant et portant, ou qu'il renforce nos cœurs, versant en iceux l'amour revigorant et vivifiant, c'est tous-jours en luy et par luy que nous vivons, que nous marchons et que nous operons.

  A004000562 

 Neanmoins, bien que moyennant la charité respandue dans nos cœurs nous puissions marcher en la presence de Dieu et faire progres en la voye de salut, si est-ce que la Bonté divine assiste l'ame a laquelle il a donné son amour, la tenant continuellement de sa sainte main.

  A004000563 

 Ne voyons-nous pas, Theotime, que souvent les hommes sains et robustes ont besoin qu'on les provoque a bien employer leur force et leur pouvoir, et que, par maniere de dire, on les conduise a l'œuvre par la main? Ainsy, Dieu nous ayant donné sa charité, et par icelle la force et le moyen de gaigner païs au chemin de la perfection, son amour neanmoins ne luy permet pas de nous laisser aller ainsy seulz; ains il le fait mettre en chemin avec nous, il le presse de nous presser, et sollicite son cœur de solliciter et pousser le nostre a bien employer la sainte charité qu'il nous a donnee, repliquant souvent par ses inspirations les advertissemens que saint Paul nous fait: Voyés de ne point recevoir la grace celeste en vain; Tandis que vous aves le tems faites tout le bien que vous pourres; Courés en sorte que vous emporties le prix.

  A004000563 

 Si que nous nous devons imaginer souvent qu'il repete aux oreilles de nos cœurs les paroles qu'il disoit au bon pere Abraham: Marche devant moy, et sois parfait..

  A004000564 

 Sur tout l'assistance speciale de Dieu est requise a l'ame qui a le saint amour, es entreprises signalees et extraordinaires; car bien que la charité, pour petite qu'elle soit, nous donne asses d'inclination et, comme je pense, une force suffisante pour faire les œuvres necessaires au salut, si est-ce neanmoins que, pour aspirer et entreprendre des actions excellentes et extraordinaires, nos cœurs ont besoin d'estre poussés et rehaussés par la main et le mouvement de ce grand [177] amoureux celeste, comme la princesse de nostre parabole, laquelle, quoy que bien remise en santé, ne pouvoit faire des montees ni aller bien viste, que son cher espoux ne la relevast et soustinst fortement.

  A004000565 

 A cette cause, la sainte Eglise nous fait si souvent exclamer: «Excités nos cœurs, o Seigneur;» «O Dieu prevenes nos actions en aspirant sur nous, et en nous aydant accompaignes nous;» O Seigneur, soyes prompt a nous secourir, et semblables: affin que par telles prieres nous obtenions la grace de pouvoir faire des œuvres excellentes et extraordinaires et de faire plus frequemment et fervemment [178] les ordinaires, comme aussi de resister plus ardemment aux menues tentations et combattre hardiment les plus grandes..

  A004000565 

 Pour ces grandes œuvres, Theotime, nous avons besoin non seulement d'estre inspirés, mays aussi d'estre fortifiés, affin d'effectuer ce que l'inspiration requiert de nous; comme encor es grans assautz des tentations extraordinaires, une speciale et particuliere presence du secours celeste nous est tout a fait necessaire.

  A004000571 

 Il en est de mesme de tous les grans assautz que nos ennemis nous livrent, et nous pouvons bien dire comme Jacob, que c'est l' Ange qui nous garentit de tout mal, et chanter, avec le grand roy David, [179].

  A004000581 

 Si que nous devons souvent repeter cette exclamation et priere:.

  A004000589 

 Si que nous devons d'un grand courage avoir une tres ferme confiance en Dieu et en son secours; car si nous ne manquons a sa grace, il parachevera en nous le bon œuvre de nostre salut, ainsi qu'il l' a commencé, [180] operant en nous le vouloir et le parfaire, comme le tressaint Concile de Trente nous admoneste..

  A004000590 

 Car ce don n'est autre chose que l'assemblage et la suite de divers appuis, soulagemens et secours, par le moyen desquelz nous continuons en l'amour de Dieu jusques a la fin: comme l'education, eslevement ou nourrissage d'un enfant, n'est autre chose qu'une multitude de sollicitudes, aydes, secours et autres telz offices necessaires a un enfant, exercés et continués envers iceluy, jusques a l'aage auquel il n'en a plus besoin..

  A004000591 

 Et quant a ceux-ci, ilz n'ont pas besoin de grande varieté de secours, ains, si quelque grande tentation ne leur survient, ilz peuvent faire une si courte perseverance avec la seule charité qui leur est donnee et les assistances par lesquelles ilz se sont convertis; car ilz arrivent au port sans navigation, et font leur pelerinage en un seul sault que la [181] puissante misericorde de Dieu leur fait faire si a propos, que leurs ennemis les voyent triompher avant que de les sentir combattre: de sorte que leur conversion et leur perseverance n'est presque qu'une mesme chose, et qui voudroit parler exactement selon la proprieté des motz, la grace qu'ilz reçoivent de Dieu, d'avoir aussi tost l'issue que le commencement de leur pretention, ne sçauroit estre bonnement appellee perseverance; bien que, toutefois, parce que quant a l'effect elle tient lieu de perseverance en ce qu'elle donne le salut, nous ne laissons pas aussi de la comprendre sous le nom de perseverance.

  A004000591 

 Mais la suite des secours et assistances n'est pas egale en tous ceux qui perseverent; car es uns elle est fort courte, comme en ceux qui se convertissent a Dieu peu avant leur mort, ainsy qu'il advint au bon larron; au sergent qui, voyant la constance de saint Jacques, fit sur le champ profession de foy et fut rendu compaignon du martyre de ce grand Apostre; au portier bienheureux qui gardoit les quarante Martyrs en Sebaste, lequel voyant l'un d'iceux perdre courage et quitter la palme du martyre, se mit en sa place, et en un moment se rendit Chrestien, martyr et glorieux tout ensemble; au notaire duquel il est parlé en la vie de saint Anthoine de Padoüe, qui ayant toute sa vie esté un faux vilain, fut neanmoins martyr en sa mort; et a mille autres, que nous avons veu et leu avoir esté si heureux que de mourir bons, ayant vescu mauvais.

  A004000592 

 Tous-jours neanmoins la perseverance est le don le plus desirable que nous puissions esperer en cette vie, et lequel, comme parle le sacré Concile, «nous ne pouvons avoir d'ailleurs que de Dieu, qui seul peut affermir celuy qui est debout, et relever celuv qui tumbe;» c'est pourquoy il le faut continuellement demander, employant les moyens que Dieu nous a enseignés pour l'obtenir: l'orayson, le jeusne, l'aumosne, l'usage des Sacremens, la hantise des bons, l'ouÿe et la lecture des saintes paroles..

  A004000593 

 Et de fait, selon l'opinion du grand saint Bernard, nous pouvons tous dire en verité apres l'Apostre, que « ni la mort, ni la vie, ni les forces, ni les anges, ni la profondeur, ni la hauteur ne nous pourra jamais separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ: ouy, car nulle creature ne nous peut arracher de ce saint amour, mays nous pouvons nous mesmes seulz le quitter et l'abandonner par nostre propre volonté, hors laquelle il n'y a rien a craindre pour ce regard.».

  A004000593 

 Non certes que je veuille dire que la perseverance ayt son origine de nostre pouvoir, car au contraire, je sçay qu'elle procede de la misericorde divine, de laquelle elle est un don tres pretieux; mays je veux dire qu'encor qu'elle ne provient pas de nostre pouvoir, elle vient neanmoins en nostre pouvoir, par le moyen de nostre vouloir que nous ne sçaurions nier estre en nostre pouvoir: car bien [182] que la grace divine nous soit necessaire pour vouloir perseverer, si est ce que ce vouloir est en nostre pouvoir, parce que la grace celeste ne manque jamais a nostre vouloir tandis que nostre vouloir ne defaut pas a nostre pouvoir.

  A004000594 

 Ainsy, trescher Theotime, nous devons, selon l'advis du saint Concile, «mettre toute nostre esperance en Dieu qui parachèvera nostre salut qu'il a commencé en nous, pourveu que nous ne manquions pas a sa grace.» Car il ne faut pas penser que celuy qui dit au paralitique: Va et ne veuille plus pecher, ne luy donnast aussi le pouvoir d'eviter le vouloir qu'il luy defendoit; et certes, il n'exhorteroit jamais les fideles a perseverer, s'il n'estoit prest a leur en donner le pouvoir.

  A004000594 

 Nous devons donq, avec le grand Roy, maintefois demander a Dieu le sacré don de perseverance, et esperer qu'il nous l'accordera:.

  A004000610 

 Or, entre ces faveurs, il voulut que la vocation fust la premiere, et qu'elle fust tellement attrempee a nostre liberté, que nous la puissions accepter ou rejetter a nostre gré.

  A004000611 

 Nous pouvons donq rendre rayson de l'ordre des effectz de la providence qui regarde nostre salut, en descendant du premier jusques au dernier, c'est a dire depuis le fruit qui est la gloire, jusques a la racine de ce bel arbre qui est la redemption du Sauveur.

  A004000613 

 En somme, tous ces effectz dependent absolument de la redemption du Sauveur, qui les a merités pour nous a toute rigueur de justice, par l'amoureuse obeissance qu'il a prattiquee jusques a la mort et la mort de la croix, laquelle est la racine de toutes les graces que nous recevons, nous qui sommes greffes spirituelz entés sur son tige.

  A004000613 

 Que si ayans esté entés nous demeurons en luy, nous porterons sans doute, par la vie de la grace qu'il nous communiquera, le fruit de la gloire qui nous est preparé; que si nous sommes comme jettons et greffes rompus sur cet arbre, c'est a dire, que par nostre resistance nous rompions le progres et l'entresuite des effectz de sa debonnaireté, ce ne sera pas merveille si en fin on nous retranche du tout, et qu'on nous mette dans le feu eternel, comme branches inutiles..

  A004000614 

 Or il est en nous d'estre siens: car bien que ce soit un don de Dieu d'estre a Dieu, c'est toutefois un don que Dieu ne refuse jamais a personne, ains l'offre a tous, pour le donner a ceux qui de bon cœur consentiront de le recevoir..

  A004000615 

 Mays voyés, je vous prie, Theotime, de quelle ardeur Dieu desire que nous soyons siens, puisque a cette [186] intention il s'est rendu tout nostre, nous donnant sa mort et sa vie; sa vie affin que nous fussions exemptz de l'eternelle mort, et sa mort affin que nous puissions jouir de l'eternelle vie.

  A004000619 

 Neanmoins, cette union a laquelle nostre cœur aspire ne peut arriver a sa perfection en cette vie mortelle; nous pouvons commencer nos amours en ce monde, mais non pas les consommer qu'en l'autre..

  A004000621 

 Icy, en cette vie caduque, l'ame est voirement espouse et fiancee de l' Aigneau immaculé, mais non pas encor mariee avec luy; la foy et les promesses se donnent, mais l'execution du mariage est differee: c'est pourquoy il y a tous-jours lieu de nous en desdire, quoy que jamais nous n'en ayons aucune rayson, puisque nostre fidele Espoux ne nous abandonne jamais que nous ne l'obligions a cela par nostre desloyauté et perfidie.

  A004000622 

 Il est vray, Theotime, qu'en attendant ce grand bayser d'indissoluble union, que nous recevrons de l'Espoux la haut en la gloire, il nous en donne quelques uns par mille ressentimens de son aggreable presence; car si l'ame n'estoit pas baysee, elle ne seroit pas tiree, ni ne courroit pas a l'odeur des parfums du Bienaymé.

  A004000629 

 Et comme mettans en comparayson un fer ardent avec une lampe allumee, nous disons que le fer a plus de feu et de chaleur, et la lampe plus de flamme et de clarté, aussi, mettans un enfant glorieux en parangon avec saint Jean encor prisonnier ou saint Paul encor captif, nous dirons que l'enfant au Ciel a plus de clarté et de lumiere en l'entendement, plus de flamme et d'exercice d'amour en la volonté, mays que saint Jean ou saint Paul ont eu en terre plus de feu de charité et plus de chaleur de dilection..

  A004000634 

 Certes, le [192] Chrestien doit aymer son cors comme une image vivante de celuy du Sauveur incarné, comme issu de mesme tige avec iceluy, et, par consequent, luy appartenant en parentage et consanguinité; sur tout apres que nous avons renouvellé l'alliance par la reception reelle de ce divin Cors du Redempteur au tres adorable Sacrement de l'Eucharistie, et que, par le Baptesme, Confirmation et autres Sacremens, nous nous sommes dediés et consacrés a la souveraine Bonté..

  A004000634 

 Ouy, Theotime, cette Reyne celeste ne s'endormoit jamais que d'amour, puisqu'elle ne donnoit aucun repos a son pretieux cors que pour le revigorer, affin qu'il servist mieux son Dieu par apres; acte, certes, tres excellent de charité, car, comme dit le grand saint Augustin, elle nous «oblige d'aymer nos cors convenablement,» entant qu'ilz sont requis aux bonnes œuvres, qu'ilz sont une partie de nostre personne et qu'ilz seront participans de la felicité eternelle.

  A004000636 

 Mon Dieu, Theotime, quelle consolation d'ouïr saint Chrysostome, racontant un jour a son peuple la vehemence de l'amour qu'il luy portoit! «La necessité du sommeil,» dit-il, «pressant nos paupieres, la tirannie de nostre amour envers vous excite les yeux de nostre esprit, et maintefois emmi mon sommeil il m'a esté advis que je vous parlois, car l'ame a accoustumé de voir en songe, par imagination, ce qu'elle pense parmi la journee: ainsy, ne vous voyans pas des yeux de la chair, nous vous voyons des yeux de la charité.» Hé, doux Jesus, qu'est-ce que devoit songer vostre tressainte Mere Ihors qu'elle dormoit et que son [193] cœur veilloit? Ne songeoit-elle point de vous voir encor plié dans ses entrailles, comme vous fustes neuf mois? ou bien pendant a ses mammelles et pressant doucement le sacré chicheron de son tetin virginal? Helas, que de douceurs en cette ame! Peut estre songea-elle maintefois que, comme Nostre Seigneur avoit jadis souvent dormi sur sa poitrine, ainsy qu'un petit aignelet sur le flanc mollet de sa mere, de mesme aussi elle dormoit dans son costé percé, comme une blanche colombe dans le trou d'un rocher asseuré.

  A004000637 

 Mais combien donq y a-il plus d'apparence que la Mere du vray Salomon ait eu l'usage de rayson en son sommeil, c'est a dire, comme Salomon mesme la fait parler, que son cœur ait veillé tandis qu'elle dormoit? Certes, que saint Jean eust l'exercice de son esprit dans le [194] ventre mesme de sa mere, ce fut une bien plus grande merveille: et pourquoy donques en refuserions nous une moindre a celle pour laquelle et a laquelle Dieu a fait plus de faveurs qu'il ne fit ni fera jamais pour tout le reste des creatures?.

  A004000643 

 Si que chaque objet exerce une puissante mais amiable violence sur le sens qui luy est destiné; violence qui prend plus ou moins de force selon que l'excellence est moindre ou plus grande, pourveu qu'elle soit proportionnee a la capacité du sens qui en veut jouir: car l'œil qui se plaist tant en la lumiere, n'en peut pourtant supporter l'extremité et ne sçauroit regarder fixement le soleil; et pour belle que soit une musique, si elle est forte et trop proche de nous, elle nous importune et offence nos oreilles.

  A004000645 

 Ah! dit saint Hierosme a son Paulin, «le docte Platon ne sceut onques ceci, l'eloquent Demosthenes l'a ignoré.» O que vos paroles, dit ce grand Roy, sont douces, Seigneur, a mon palais, plus douces que le miel a ma bouche! Nostre cœur n'est oit-il pas tout ardent, tandis qu'il nous parloit en chemin? disent ces heureux pelerins d'Emaüs, parlant des flammes amoureuses dont ilz estoyent touchés par la parole de la foy..

  A004000645 

 Dieu a empreint [196] sa piste, ses alleures et passees en toutes les choses creées; de sorte que la connoissance que nous avons de sa divine Majesté par les creatures, ne semble estre autre chose que la veüe des pieds de Dieu, et qu'en comparayson de cela la foy est une veüe de la face mesme de sa divine Majesté, laquelle nous ne voyons pas encores au plein jour de la gloire, mais nous la voyons, pourtant, comme en la prime aube du jour, ainsy qu'il advint a Jacob aupres du gay de Jaboc; car bien qu'il n'eust veu l'Ange avec lequel il lutta, sinon a la foible clarté du point du jour, si est-ce que tout ravi de contentement il ne laissa pas de s'escrier: J'ay veu le Seigneur face a face, et mon ame a esté sauvee.

  A004000645 

 O combien delicieuse est la sainte lumiere de la foy, par laquelle nous sçavons avec une certitude nompareille, non seulement l'histoire de l'origine des creatures et de leur vray usage, mais aussi celle de la naissance eternelle du grand et souverain Verbe divin, auquel et par laquel tout a esté fait, et lequel, avec le Pere et le Saint Esprit, est un seul Dieu tres unique, tres adorable et beni es siecles des siecles, Amen.

  A004000646 

 Ah, que belles et amiables sont les verités que la foy nous revele par l'ouïe! mais quand, arrivés en la celeste Hierusalem, nous verrons le grand Salomon, Roy de gloire, assis sur le trosne de sa sapience, manifestant avec une clarté incomprehensible les merveilles et secretz eternelz de sa verité souveraine, avec tant de lumiere que nostre entendement verra en presence ce qu'il avoit creu ici bas, oh alhors, trescher Theotime, quelz ravissemens! quelles extases! quelles admirations! quelles amours! quelles douceurs! Non jamais, dirons-nous en cet exces de suavité, non jamais nous n'eussions sceu penser de voir des verités si delectables.

  A004000646 

 Nous avons voirement creu tout ce qu'on nous avoit annoncé de ta gloire, o grande cité de Dieu, mays nous ne pouvions pas concevoir la grandeur infinie des abismes de tes delices..

  A004000646 

 Que si les verités divines sont de si grande suavité estans proposees en la lumiere obscure de la foy, o Dieu, que sera-ce quand nous les contemplerons en la clarté du midy de la gloire? La Reyne de Saba qui, a la grandeur de la renommee de Salomon, avoit tout quitté pour le venir voir, estant arrivee en sa presence et ayant escouté les merveilles de la sagesse qu'il respandoit en ses propos, toute esperdue et comme pasmee d'admiration, s'escria que ce qu'elle avoit appris par [197] ouï dire de cette celeste sagesse n'estoit pas la moitié de la connoissance que la veüe et l'experience luy en donnoyent.

  A004000650 

 O Jesus! mon cher Theotime, quelle joye pour le cœur humain de voir la face de la Divinité, face tant desiree, ains face l'unique desir de nos ames! Nos cœurs ont une soif qui ne peut estre estanchee par les contentemens de la vie mortelle; contentemens desquelz les plus estimés et pourchassés, [198] s'ilz sont moderés, ilz ne nous desalterent pas, et s'ilz sont extremes, ilz nous estouffent.

  A004000650 

 On les desire neanmoins tous-jours extremes, et jamais ilz ne le sont qu'ilz ne soyent excessifz, insupportables et dommageables; car on meurt de joye comme on meurt de tristesse, ains la joye est plus active a nous ruiner que la tristesse.

  A004000651 

 Hé, quelle union de nostre cœur a Dieu la haut au Ciel, ou apres ces desirs infinis du vray bien, non jamais assouvis en ce monde, nous en treuverons la vivante et puissante source! [199].

  A004000652 

 Alhors, certes, comme on voit un petit enfant affamé, si fort collé au flanc de sa mere et attaché a son tetin, presser avidement cette douce fontayne de suave et desiree liqueur, de sorte qu'il est advis qu'il veuille, ou se fourrer tout dans ce sein maternel, ou bien tirer et succer toute cette poitrine dans la sienne, ainsy nostre ame toute haletante de la soif extreme du vray bien, lhors qu'elle en rencontrera la source inespuisable en la Divinité, o vray Dieu, quelle sainte et suave ardeur a s'unir et joindre a ces mammelles fecondes de la toute bonté, ou pour estre tout abismés en elle, ou affin qu'elle vienne toute en nous!.

  A004000656 

 Quand nous regardons quelque chose, quoy qu'elle nous soit presente elle ne s'unit pas a nos yeux elle mesme, ains seulement leur envoye une certaine representation ou image d'elle mesme, que l'on appelle espece sensible, par le moyen de laquelle nous voyons; et quand nous contemplons ou entendons quelque chose, ce que nous entendons ne s'unit pas non plus a nostre entendement sinon par le moyen d'une autre representation et image, tres delicate et spirituelle, que l'on nomme espece intelligible.

  A004000657 

 Nous voyons et entendons ainsy, Theotime, tout ce que nous voyons ou entendons en cette vie mortelle, ouy mesme les choses de la foy: car, comme le miroüer ne contient pas la chose que l'on y void ains seulement la representation et espece d'icelle, laquelle representation arrestee par le miroüer en produit une autre en l'œil qui regarde; de mesme, la parole de la foy ne contient pas les choses qu'elle annonce, ains seulement elle les represente, et cette representation des choses divines, qui est en la parole de la foy, en produit une autre, laquelle nostre entendement, moyennant la grace de Dieu, accepte et reçoit comme representation de la sainte verité, et nostre volonté s'y complait et l'embrasse comme une verité honnorable, utile, aymable et tres bonne.

  A004000658 

 O vray Dieu, quelle suavité a l'entendement humain, d'estre a jamais uni a son souverain object, recevant non sa representation mais sa presence, non aucune image ou espece mais la propre essence de sa divine verité et majesté! Nous serons la comme des enfans tres heureux de la Divinité, ayans l'honneur d'estre nourris de la propre substance divine, receüe en nostre ame par la bouche de nostre entendement; et ce qui surpasse toute douceur, c'est que, comme les meres [201] ne se contentent pas de nourrir leurs poupons de leur lait, qui est leur propre substance, si elles mesmes ne leur mettent le chicheron de leur tetin dans la bouche, affin qu'ilz reçoivent leur substance non en un cuillier ou autre instrument ains en leur propre substance et par leur propre substance, en sorte que cette substance maternelle serve de tuyau aussi bien que de nourriture pour estre receüe du bienaymé petit enfançon, ainsy Dieu, nostre Pere, ne se contente pas de faire recevoir sa propre substance en nostre entendement, c'est a dire de nous faire voir sa Divinité, mais par un abisme de sa douceur il appliquera luy mesme sa substance a nostre esprit, affin que nous l'entendions non plus en espece ou representation mais en elle mesme et par elle mesme, en sorte que sa substance paternelle et eternelle serve d'espece aussi bien que d'object a nostre entendement.

  A004000659 

 Bonheur infini, Theotime, et lequel ne nous a pas seulement esté promis, mais nous en avons des arres au tressaint Sacrement de l'Eucharistie, festin perpetuel de la grace divine; car en iceluy nous recevons le sang du Sauveur en sa chair et sa chair en son sang, son sang nous estant appliqué par sa chair, sa substance par sa substance, a nostre propre bouche corporelle, affin que nous sachions qu'ainsy nous appliquera-il son essence divine au festin eternel de la gloire.

  A004000659 

 Il est vray qu'ici cette faveur nous est faitte reellement, mais a couvert, sous les especes et apparences sacramentelles, la ou au Ciel, la Divinité se donnera a descouvert, et nous la verrons, face a face, comme elle est.

  A004000664 

 Ainsy verrons-nous donq cette eternelle et admirable generation du Verbe et Filz divin, par laquelle il nasquit eternellement a l'image et semblance du Pere: image et semblance vive et naturelle, qui ne represente aucuns accidens ni aucun exterieur, puisqu'en Dieu tout est substance et n'y peut avoir accident, tout est interieur et n'y peut avoir aucun exterieur; mais image qui represente la propre substance du Pere si vivement, si naturellement, tant essentiellement et substantiellement, que pour cela elle ne peut estre que le mesme Dieu avec luy, sans distinction [203] ni difference quelcomque d'essence ou substance, ains avec la seule distinction des Personnes.

  A004000674 

 L'amour ne nous treuvant pas egaux, il nous egale; ne nous treuvant pas unis, il nous unit.

  A004000693 

 C'est pourquoy la suavité de la Sagesse eternelle a disposé de ne point appliquer son essence a nostre entendement, qu'elle ne l'ait preparé, revigoré et habilité, pour recevoir une veüe si eminente et disproportionnee a sa condition naturelle comme est la veüe de la Divinité: car ainsy le soleil, souverain object de nos yeux corporelz entre les choses naturelles, ne se presente point a nostre veiie que premier il n'envoye ses rayons, par le moyen desquelz nous le puissions voir; de sorte, que nous ne le voyons que par sa lumiere.

  A004000694 

 Les plongeons, dit Pline, qui pour pescher les pierres precieuses s'enfoncent dans la mer, prennent de l'huyle en leur bouche, affin que le respandant ilz ayent plus de jour pour voir dedans les eaux entre lesquelles ilz nagent: Theotime, l'ame bienheureuse estant enfoncee et plongee dans l'ocean de la divine essence, Dieu respandra dans son entendement la sacree lumiere de gloire, qui luy fera jour en cet abisme de lumiere inaccessible, affin que par la clarté de la gloire nous voyions la clarté de la Divinité:.

  A004000694 

 Tout ainsy, donq, que Dieu nous a donné la lumiere de la rayson par laquelle nous le pouvons connoistre comme Autheur de la nature, et la lumiere de la foy par laquelle nous le considerons comme source de la grace, de mesme il nous donnera la lumiere de gloire, par laquelle nous le contemplerons comme fontaine de la beatitude et vie eternelle: mays fontaine, Theotime, que nous ne contemplerons pas de loin, comme nous faisons maintenant par la foy, ains que nous verrons par la lumiere de gloire plongés et abismés en icelle.

  A004000697 

 Sa clarté nous apparoistra.

  A004000704 

 Or, ce sera cette lumiere de gloire, Theotime qui donnera la mesure a la veüe et contemplation des Bien-heureux; et selon que nous aurons plus ou moins de cette sainte splendeur, nous verrons aussi plus ou moins clairement, et par consequent plus ou moins heureusement, la tressainte Divinité, qui, regardee diversement, nous rendra de mesme differemment glorieux.

  A004000705 

 La manne estoit savouree toute de quicomque la mangeoit, mais differemment neanmoins, selon la diversité des appetitz de ceux qui la prenoyent, et ne fut jamais savouree totalement, car elle avoit plus de differentes saveurs qu'il n'y avoit de varieté de gousts es Israelites: Theotime, nous verrons et savourerons la haut au Ciel toute la Divinité, mais jamais nul des Bienheureux ni tous ensemble ne la verront ou savoureront totalement; cette infinité divine aura tous-jours infiniment plus d'excellences que nous ne sçaurions avoir de suffisance et de capacité, et nous aurons un contentement indicible de connoistre, qu'apres avoir assouvi tout le desir de nostre cœur et rempli pleynement sa capacité en la jouissance du bien infini, qui est Dieu, neanmoins il restera encor en cette infinité des infinies perfections a voir, a jouïr et posseder, que sa divine Majesté entend et void, elle seule se comprenant soy mesme..

  A004000715 

 En suite dequoy il leur fait faire cette priere: Ne me rejettés point de devant vostre face et ne m'ostés point vostre Saint Esprit; Et ne nous induises point en tentation; affin qu'ilz fassent leur salut avec un saint tremblement et une crainte sacree, sçachans qu'ilz ne sont pas plus invariables et fermes a conserver l'amour de Dieu que le premier Ange avec ses sectateurs, et Judas, [215] qui l'ayans receu le perdirent, et en le perdant se perdirent eternellement eux mesmes; ni que Salomon, qui, l'ayant une fois quitté, tient tout le monde en doute de sa damnation; ni que Adam, Eve, David, saint Pierre, qui estans enfans de salut ne laisserent pas de descheoir pour un tems de l'amour sans lequel il n'y a point de salut.

  A004000715 

 Nous ne faysons pas ces discours pour ces grandes ames d'eslite que Dieu, par une tres speciale faveur, maintient et confirme tellement en son amour, qu'elles sont hors le hazard de jamais le perdre; nous parlons pour le reste des mortelz, auxquelz le Saint Esprit addresse ces advertissemens: Qui est debout, qu'il prenne garde a ne point tomber.

  A004000718 

 Et quant a nous, tandis que nous sommes en ce monde, nos espritz sont sur la lie et le tartre de mille humeurs et miseres, et par consequent aysés a changer et tourner en leur amour; mais estans au Ciel, ou, comme en ce grand festin descrit par Isaïe, nous aurons le vin purifié de toute lie, nous ne serons plus sujetz au change, ains demeurerons inseparablement unis par amour a nostre souverain Bien.

  A004000718 

 Icy, parmi les crepuscules de l'aube du jour, nous craignons qu'en lieu de l'Espoux nous ne rencontrions quelqu'autre objet qui nous amuse et deçoive; mais quand nous le treuverons la haut ou il repaist et repose au midy de sa gloire, il n'y aura plus moyen d'estre trompés, car sa lumiere sera trop claire, et sa douceur nous liera si serré a sa bonté que nous ne pourrons plus vouloir nous en desprendre..

  A004000719 

 Nous sommes comme le corail, qui dans l'ocean, lieu de son origine, est un arbrisseau pasleverd, foible, flechissant et pliable; mais estant tiré hors du fond de la mer, comme du sein de sa mere, il devient presque [217] pierre, se rendant ferme et impliable, a mesme qu'il change son verd blafastre en un vermeil fort vif: car ainsy, estans encor emmi la mer de ce monde, lieu de nostre naissance, nous sommes sujetz a des vicissitudes extremes, pliables a toutes mains, a la droitte de l'amour celeste par l'inspiration, a la gauche de l'amour terrestre par la tentation; mais si une fois tirés hors de cette mortalité, nous avons changé le pasleverd de nos craintives esperances au vif vermeil de l'asseuree jouissance, jamais plus nous ne serons muables, ains demeurerons a tous-jours arrestés en l'amour eternel..

  A004000720 

 En somme, Theotime, quand nous avons la charité nostre franc arbitre est paré de la robbe nuptiale, de laquelle comme il peut tous-jours demeurer vestu, s'il veut, en bien faisant, aussi s'en peut il despouiller, s'il luy plait, en pechant..

  A004000720 

 Il est impossible de voir la Divinité et ne l'aymer pas; mays ici bas, ou, sans la voir, nous l'entrevoyons seulement au travers des ombres de la foy, comme en un miroüer, nostre connoissance n'est pas si grande qu'elle ne laisse encor l'entree a la surprise des autres objetz et biens appareils, lesquelz, entre les obscurités qui se meslent en la certitude et verité de la foy, se glissent insensiblement comme petitz renardeaux, et demolissent nostre vigne fleurie.

  A004000724 

 Certes, le peché veniel, ni mesme l'affection au peché veniel, n'est pas contraire a l'essentielle resolution de la charité, qui est de preferer Dieu a toutes choses: d'autant que par ce peché nous aymons quelque chose hors de la rayson, mais non pas contre la rayson; nous deferons un peu trop, et plus qu'il n'est convenable, a la creature, mais non pas en la preferant au Createur; nous nous amusons plus qu'il ne faut aux choses terrestres, mais nous ne quittons pas pour cela les celestes: en somme, cette sorte de peché nous retarde au chemin de la charité, mais il ne nous en oste pas, et partant, le peché veniel n'estant pas contraire a la charité, il ne la destruit jamais, ni en tout ni en partie..

  A004000725 

 Dieu fit sçavoir a l'Evesque d'Ephese qu'il avoit delaissé sa premiere charité; ou il ne dit pas qu'il estoit sans charité, mais seulement qu'elle n'estoit plus telle qu'au commencement, c'est a dire qu'elle n'estoit plus prompte, fervente, fleurissante et fructueuse: ainsy que nous avons accoustumé de dire d'un homme, qui de brave, joyeux et gaillard est devenu chagrin, paresseux et maussade: Ce n'est plus celuy d'autrefois; car nous ne voulons pas entendre que ce ne soit pas le mesme selon la substance, mais seulement selon les actions et exercices; et de mesme, Nostre Seigneur a dit qu'es derniers jours la charité de plusieurs se rafroidira, [219] c'est a dire, elle ne sera pas si active et courageuse, a cause de la crainte et de l'ennuy qui oppressera les cœurs.

  A004000726 

 Neanmoins, le peché veniel est peché, et par consequent il desplait a la charité, non comme chose qui luy soit contraire, mays comme chose contraire a ses operations et a son progres, voire mesme a son intention, laquelle estant que nous rapportions toutes nos operations a Dieu, elle est violee par le peché veniel, qui porte les actions par lesquelles nous le commettons, non pas voirement contre Dieu, mais hors de Dieu et de sa volonté: et comme nous disons d'un arbre qui a esté rudement touché et reduit en friche par la tempeste, que rien n'y est demeuré, parce qu'encor que l'arbre est entier, neanmoins il est resté sans fruit, de mesme, quand nostre charité est battue des affections que l'on a aux pechés venielz, nous disons qu'elle est diminuee et defaillie, non que l'habitude de l'amour ne soit entiere en nos espritz, mais parce qu'elle est sans les œuvres qui sont ses fruitz..

  A004000727 

 Aussi, les affections au peché veniel n'abolissent pas la charité, mays elles la tiennent comme un esclave, liee pieds et [220] mains, empeschant sa liberté et son action; cette affection nous attachant par trop a la jouissance des creatures, nous prive de la privauté spirituelle entre Dieu et nous, a laquelle la charité, comme vraye amitié, nous incite, et, par consequent, elle nous fait perdre les secours et assistances interieures, qui sont comme les espritz vitaux et animaux de l'ame, du defaut desquelz provient une certaine paralisie spirituelle, laquelle en fin si on n'y remedie nous conduit a la mort.

  A004000728 

 Nous ne sommes guere en cette vie mortelle sans beaucoup de tentations: or ces espritz vilz, paresseux et addonnés aux playsirs exterieurs, n'estans pas duitz aux combatz ni exercés aux armes spirituelles, ilz ne gardent jamais guere la charité, ains se laissent ordinairement surprendre a la coulpe mortelle.

  A004000729 

 En fin, Theotime, nous disons de ceux qui ont la complexion fort foible, qu'ilz n'ont point de vie, qu'ilz n'en ont pas une once, ou qu'ilz n'en ont pas plein le [221] poing, parce que ce qui doit bien tost finir semble en effect n'estre plus; et ces ames faineantes, addonnees aux playsirs et affectionnees aux choses transitoires, peuvent bien dire qu'elles n'ont plus de charité, puisque si elles en ont, elles sont en voÿe de la perdre bien tost..

  A004000733 

 Nous n'aymons pas Dieu sans intermission, d'autant qu'en cette vie mortelle la charité est en nous par maniere de simple habitude, de laquelle, comme les philosophes ont remarqué, nous usons quand il nous plait et non jamais contre nostre gré.

  A004000733 

 Quand donq nous n'usons pas de la charité qui est en nous, c'est a dire quand nous n'employons pas nostre esprit aux exercices de l'amour sacré, ains que le tenans diverti a quelque autre occupation, ou que paresseux en soy mesme il se tient inutile et negligent, alhors, Theotime, il peut estre touché de quelque object mauvais, et surpris de quelque tentation; et bien que l'habitude de la charité en mesme tems soit au fond de nostre ame et qu'elle face son office, nous inclinant a rejetter la suggestion mauvaise, si est-ce qu'elle ne nous presse pas ni nous porte a l'action de la resistance, qu'a mesure que nous la secondons, comme les habitudes ont coustume de faire: et partant, nous laissant en nostre liberté, il advient maintefois que le mauvais object ayant jetté bien avant ses attraitz dans nostre cœur, nous nous attachons a luy par une complaysance excessive, laquelle venant a croistre il nous est malaysé de nous en desfaire, et comme des espines, selon que dit Nostre Seigneur, [222] elle suffoque en fin la semence de la grace et dilection celeste.

  A004000734 

 Helas, Theotime, si nous ne nous amusions pas en la vanité des playsirs caduques, et sur tout en la complaysance de nostre amour propre, ains qu'ayans une fois la charité, nous fussions soigneux de voler droit, la part ou elle nous porte, jamais les suggestions et tentations ne nous attrapperoyent; mais parce que, comme colombes seduites et deceües de nostre propre estime, nous retournons sur nous mesmes et entretenons trop nos espritz parmi les creatures, nous nous treuvons souvent surpris entre les serres de nos ennemis, qui nous emportent et devorent..

  A004000735 

 Dieu ne veut pas empescher que nous ne soyons attaqués de tentations, affin que resistans, nostre charité soit plus exercee, et puisse par le combat emporter la victoire et par la victoire obtenir le triomphe; mais que nous ayons quelque sorte d'inclination a nous delecter en la tentation, cela vient de la condition de nostre nature, qui ayme tant le bien que pour cela elle est sujette d'estre allechee par tout ce qui a apparence de bien.

  A004000735 

 Et ce que la tentation nous presente pour amorce est tous-jours de cette sorte; car, comme enseignent [223] les saintes Lettres, ou c'est un bien honnorable selon le monde pour nous provoquer a l' orgueil de la vie mondaine, ou un bien delectable aux sens pour nous porter a la convoitise charnelle, ou un bien utile a nous enrichir pour nous inciter a la convoitise et avarice des yeux.

  A004000735 

 Que si nous tenions nostre foy, laquelle sçait discerner entre les vrays biens qu'il faut pourchasser et les faux qu'il faut rejetter, vivement attentive a son devoir, certes, elle serviroit de sentinelle asseuree a la charité et luy donneroit advis du mal qui s'approche du cœur sous pretexte de bien, et la charité le repousseroit soudain: mais parce que nous tenons ordinairement nostre foy, ou dormante ou moins attentive qu'il ne seroit requis pour la conservation de nostre charité, nous sommes aussi souvent surpris de la tentation, laquelle seduisant nos sens, et nos sens incitans la partie inferieure de nostre ame a rebellion, il advient que maintefois la partie superieure de la rayson cede a l'effort de cette revolte, et, commettant le peché, elle perd la charité..

  A004000736 

 Car de mesme, trescher Theotime, l'amour propre treuvant nostre foy hors d'attention et sommeillante, il nous presente des biens vains mais apparens, seduit nos sens, nostre imagination et les facultés de nos ames, et presse tellement nos francs arbitres qu'il les conduit a l'entiere revolte contre le saint amour de Dieu; lequel alhors, comme un autre David, sort de nostre cœur avec tout son train, c'est a dire avec les dons du Saint Esprit et les autres [224] vertus celestes, qui sont compaignes inseparables de la charité si elles ne sont ses proprietés et habilités; et ne reste plus en la Hierusalem de nostre ame aucune vertu d'importance, sinon Sadoc le voyant, c'est a dire le don de la foy qui nous peut faire voir les choses eternelles, avec son exercice, et encor Abiathar, c'est a dire le don de l'esperance avec son action, qui tous deux demeurent bien affligés et tristes, maintenans toutefois en nous l'Arche de l'alliance, c'est a dire la qualité et le filtre de Chrestien qui nous est acquis par le Baptesme..

  A004000745 

 L'amour de Dieu, qui nous porte jusques au mespris de nous mesmes, nous rend citoyens de la Hierusalem celeste; l'amour de nous mesmes, qui nous pousse jusques au mespris de Dieu, nous rend esclaves de la Babylone infernale.

  A004000745 

 Or nous allons, certes, petit a petit a ce [225] mespris de Dieu, mais nous n'y sommes pas plus tost parvenus, que soudain, en un moment, la sainte charité se separe de nous, ou, pour mieux dire, elle perit tout a fait.

  A004000746 

 Les habitudes que nous acquerons par nos seules actions humaines ne perissent pas par un seul acte contraire, car nul ne dira qu'un homme soit intemperant pour un seul acte d'intemperance, ni qu'un peintre ne soit pas bon maistre pour avoir une fois manqué a l'art; ains, comme toutes telles habitudes nous arrivent par la suite et impression de plusieurs actes, ainsy nous les perdons par une longue cessation de leurs actes, ou par une multitude d'actes contraires.

  A004000746 

 Mais la charité, Theotime, que le Saint Esprit respand en un moment dans nos cœurs lhors que les conditions requises a cette infusion se rencontrent en nous, certes aussi en un instant elle nous est ostee, si tost que, destournans nostre volonté de l'obeissance que nous devons a Dieu, nous avons achevé de consentir a la rebellion et desloyauté a laquelle la tentation nous incite..

  A004000747 

 Il est vray que la charité s'agrandit par accroissement de degré a degré et de perfection a perfection, selon [226] que par nos oeuvres ou la reception des Sacremens nous luy faisons place; mais, toutefois, elle ne diminue pas par amoindrissement de sa perfection, car jamais on n'en perd un seul brin qu'on ne la perde toute.

  A004000752 

 Comme ce seroit une effronterie impie de vouloir attribuer aux forces de nostre volonté les œuvres de l'amour sacré que le Saint Esprit fait en nous et avec nous, aussi seroit-ce une impieté effrontee de vouloir rejetter le defaut d'amour qui est en l'homme ingrat, sur le manquement de l'assistance et grace celeste; car le Saint Esprit crie par tout, au contraire, que nostre perte vient de nous; que le Sauveur a apporté le feu du saint amour, et ne desire rien plus sinon qu'il brusle nos cœurs; que le salut est preparé devant la face de toutes nations, lumiere pour esclairer les Gentilz, et pour la gloire d'Israël; que la divine Bonté ne veut point qu'aucun perisse, mays que tous viennent a la connoissance de la verité; veut que tous hommes soyent sauvés, le Sauveur d'iceux estant venu au monde affin que tous receussent l'adoption des enfans; et le Sage nous advertit clairement: Ne dis point: il tient a Dieu.

  A004000754 

 Au contraire, ces pauvres errans n'avoyent-ilz pas tort de crier dans ce bois: Hé, qu'avons-nous fait au soleil pour quoy il ne nous a pas fait voir sa lumiere comme a nos compaignons, affin que nous fussions arrivés [229] au logis sans demeurer en ces effroyables tenebres? Car, qui ne prendroit la cause du soleil, ou plustost de Dieu, en main, mon cher Theotime, pour dire a ces chetifs malencontreux: Qu'est ce, miserables, que le soleil pouvoit bonnement faire pour vous, qu'il ne l'ayt fait? ses faveurs estoyent esgales envers tous vous autres qui dormiés: il vous aborda tous avec une mesme lumiere, il vous toucha de mesmes rayons, il respandit sur vous une chaleur pareille; et, malheureux que vous estes, quoy que vous vissiés vos compaignons levés prendre le bordon pour tirer chemin, vous tournastes le dos au soleil, et ne voulustes pas employer sa clarté ni vous laisser vaincre a sa chaleur..

  A004000755 

 Tous les hommes sont voyageurs en cette vie mortelle; presque tous nous nous sommes volontairement endormis en l'iniquité, et Dieu, Soleil de justice, darde sur tous, tres suffisamment ains abondamment, les rayons de ses inspirations, il eschauffe nos cœurs de ses benedictions, touchant un chascun des attraitz de son amour: hé, que veut dire donq que ces attraitz en attirent si peu et en tirent encor moins? Ah, certes, ceux qui estans attirés, puis tirés, suivent l'inspiration, ont grande occasion de s'en res-jouir, mais non pas de s'en glorifier: qu'ilz se resjouissent, parce qu'ilz jouissent d'un grand bien; mais qu'ilz ne s'en glorifient pas, puisque c'est par la pure bonté de Dieu, qui leur laissant l'utilité de son bienfait s'en est reservé la gloire..

  A004000760 

 L'amour des hommes envers Dieu tient son origine, son progres et sa perfection de l'amour eternel de Dieu envers les hommes: c'est le sentiment universel de l'Eglise nostre Mere, laquelle, avec une ardente jalousie, veut que nous reconnoissions nostre salut et les moyens pour y parvenir de la seule misericorde du Sauveur, affîn qu'en la terre comme au Ciel a luy seul soit honneur et gloire.

  A004000760 

 Qu'as-tu que tu n'ayes receu? dit le divin Apostre, parlant des dons de science, eloquence et autres telles qualités des pasteurs ecclesiastiques; et si tu l'as receu, pourquoy t'en glorifies [231] tu comme si tu ne l'avois pas receu? Il est vray, nous avons tout receu de Dieu, mais par dessus tout nous avons receu les biens surnaturelz du saint amour; que si nous les avons receus, pourquoy en prendrons-nous de la gloire?.

  A004000761 

 Certes, si quelqu'un se vouloit rehausser pour avoir fait quelque progres en l'amour de Dieu: Helas, chetif homme, luy dirions-nous, tu estois pasmé en ton iniquité sans qu'il te fut resté ni de vie ni de forces pour te relever (comme il advint a la princesse de nostre parabole), et Dieu, par son infinie bonté, accourut a ton ayde, et criant a haute voix: Ouvre la bouche de ton attention, et je la rempliray, il mit luy mesme ses doigtz entre tes levres et desserra tes dens, jettant dedans ton cœur sa sainte inspiration, et tu l'as receüe; puis, estant remis en sentiment, il continua par divers mouvemens et differens moyens de revigorer ton esprit, jusques a ce qu'il respandit en iceluy sa charité, comme ta vitale et parfaite santé..

  A004000763 

 Mays dis moy derechef, je te prie, homme vil et abject, es tu pas ridicule quand tu penses avoir part en la gloire de ta conversion parce que tu n'as pas repoussé l'inspiration? n'est ce pas la fantasie des voleurs et tirans, de penser donner la vie a ceux auxquelz ilz ne l'ostent pas? et n'est ce pas une forcenee impieté de penser que tu ayes donné la sainte, efficace et vive activeté a l'inspiration divine, parce que tu ne la luy as pas ostee par ta resistence? Nous pouvons empescher les effeetz de l'inspiration, mais nous ne les luy pouvons pas donner: elle tire sa force et venu de la bonté divine, qui est le lieu de son origine, et non de la volonté humaine, qui est le lieu de son abord.

  A004000764 

 Nostre franc arbitre peut arrester et empescher la course de l'inspiration, et quand le vent favorable de la grace celeste enfle les voyles de nostre esprit, il est en nostre liberté de refuser nostre consentement et empescher par ce moyen l'effect de la faveur du vent; mays quand nostre esprit single et fait heureusement sa navigation, ce n'est pas nous qui faisons venir le vent de l'inspiration, ni qui en remplissons nos voyles, ni qui donnons le mouvement au navire de nostre cœur, ains seulement nous recevons le vent qui vient du Ciel, consentons a son mouvement et laissons aller le navire sous le vent, sans l'empescher par la remore de nostre resistence.

  A004000765 

 Theotime, si nous avons quelqu'amour envers Dieu, a luy en soit l'honneur et la gloire, qui a tout fait en nous et sans lequel rien n'a esté fait, a nous en soit l'utilité et l'obligation; car c'est le partage de sa divine bonté avec nous: il nous laisse le fruict de ses bienfaitz, et s'en reserve l'honneur et la louange; et certes, puisque nous ne sommes tous rien que par sa grace, nous ne devons rien estre que pour sa gloire.

  A004000769 

 Il ressemble a la fumee, car en montant il se subtilise, et en se subtilisant il se dissipe: a force de vouloir relever nos discours es choses divines par curiosité, nous esvanouissons en nos pensees, et en lieu de parvenir a la science de la verité, nous tombons en la folie de nostre vanité..

  A004000770 

 Car nostre temerité nous presse tous-jours de rechercher pourquoy Dieu donne plus de moyens aux uns qu'aux autres, pourquoy il ne fit entre les Tyriens et Sidoniens les merveilles qu'il fit en Corozaïn et Bethsaïda, puisqu'ilz en eussent si bien fait leur proffït, et en somme, pourquoy il tire a son amour plustost l'un que l'autre..

  A004000770 

 Mais sur tout nous sommes bigearres en ce qui regarde la Providence divine touchant la diversité des moyens qu'elle nous distribue pour nous tirer a son saint amour, et par son saint amour a la gloire.

  A004000771 

 Et bien que le tressaint Esprit, parlant en l'Escriture Sainte, rende rayson en plusieurs endroitz de presque tout ce que nous sçaurions desirer, touchant ce que sa Providence fait en la conduite des hommes au saint amour et au salut eternel, si est-ce neanmoins qu'en plusieurs occasions il declare qu'il ne faut nullement se departir du respect qui est deu a sa volonté, de laquelle nous devons adorer le propos, le decret, le bon playsir et l'arrest; au bout duquel, comme souverain Juge et souverainement equitable, il n'est pas raysonnable qu'elle manifeste ses motifs, ains suffit qu'elle die simplement: et pour cause.

  A004000771 

 O Theotime mon ami, jamais, non jamais nous ne devons laisser emporter nostre esprit a ce tourbillon de vent follet, ni penser de treuver une meilleure rayson de la volonté de Dieu que sa volonté mesme, laquelle est souverainement raysonnable, ains la rayson de toutes [236] les raysons, la regle de toute bonté, la loy de toute equité.

  A004000771 

 Que si nous devons charitablement porter tant d'honneur aux decretz des cours souveraines composees de juges corruptibles de la terre et de terre, que de croire qu'ilz n'ont pas esté faitz sans motifs, quoy que nous ne les sachions pas, hé, Seigneur Dieu, avec quelle reverence amoureuse devons-nous adorer l'equité de vostre providence supreme, laquelle est infinie en justice et bonté!.

  A004000772 

 Ainsy, en mille lieux de la sacree Parole, nous trouvons la rayson pour laquelle Dieu a repreuvé le peuple Juif: Parce, disent saint Paul et saint Barnabas, que vous repousses la parole de Dieu et que vous vous jugés vous mesmes indignes de la vie eternelle, voyci nous nous tournons devers les Gentilz.

  A004000772 

 C'est pourquoy ce divin Apostre conclud en cette sorte le long discours qu'il en avoit fait: O profondité des richesses de la sagesse et science de Dieu! que ses jugemens sont incomprehensibles et ses voyes imperceptibles! Qui [237] connoist les pensees du Seigneur? ou qui a esté son conseiller? Exclamation par laquelle il tesmoigne que Dieu fait toutes choses avec grande sagesse, science et rayson, mais en telle sorte neanmoins, que l'homme n'estant pas entré au divin conseil duquel les jugemens et projetz sont infiniment eslevés au dessus de nostre capacité, nous devons devotement adorer ses decretz comme tres equitables, sans en rechercher les motifs qu'il retient en secret par devers soy, affin de tenir nostre entendement en respect et humilité par devers nous..

  A004000773 

 Escoute une fois et entens! N'es-tu pas tiré? prie affin que tu sois tiré.» «Certes, c'est asses au Chrestien vivant encor de la foy et ne voyant pas ce qui est parfait, mays sçachant seulement en partie, de sçavoir et croire que Dieu ne deslivre personne de la damnation sinon par misericorde gratuite, par Jesus Christ Nostre Seigneur, et qu'il ne damne personne sinon par sa tres equitable verité, par le mesme Jesus Christ Nostre Seigneur: mais de sçavoir pourquoy il deslivre celuy cy plustost que celuy la, recherche qui pourra une si grande profondité de ses jugemens, mais qu'il se garde du precipice;» car «ses decretz ne sont pas pour cela injustes, encor qu'ilz soyent secretz.» «Mais pourquoy deslivre-il donq ceux ci plustost que ceux la? Nous disons derechef: O homme, qui es tu qui respondes a Dieu? S es jugemens sont incomprehensibles et ses voÿes inconneües; et adjoustons ceci: Ne t'enquiers pas des choses qui sont au dessus de toy et ne recherche pas ce qui est au dela de tes forces.» «Or, il ne fait pas misericorde a ceux ausquelz, par une verité tres secrete et tres esloignee des pensees humaines, il juge qu'il ne doit pas departir sa faveur ou misericorde.» [238].

  A004000774 

 Et certes, cette response est bien solide; mais, suivant l'advis du divin saint Paul et de saint Augustin, nous ne nous devons pas amuser a cette consideration, laquelle, quoy que bonne, n'est pas toutefois comparable a plusieurs autres que Dieu s'est reservé et qu'il nous fera connoistre en Paradis.

  A004000774 

 Nous voyons quelquefois des enfans jumeaux, dont l'un naist plein de vie et reçoit le Baptesme, l'autre en naissant perd la vie temporelle avant que de renaistre a l'eternelle; l'un, par consequent, est heritier du Ciel, l'autre privé de l'heritage.

  A004000775 

 Et d'autant qu'il n'estoit pas expedient pour nostre salut que nous eussions connoissance de ces secretz, ains nous estoit plus utile de les ignorer pour nous tenir en humilité, pour cela Dieu ne les a pas voulu reveler, et mesme le saint Apostre n'a pas osé s'en enquerir, ains a tesmoigné l'insuffisance de nostre entendement pour ce sujet, lhors qu'il s'est escrié: O profondité des richesses de la sapience et science de Dieu! » Pourroit on parler plus saintement, Theotime, d'un si saint mystere? Aussi, ce sont les paroles d'un tressaint et judicieux Docteur de l'Eglise.

  A004000775 

 «Peut estre,» dit il, «que c'est par la prevision des biens qui se feront par celuy qui est tiré, entant qu'ilz proviennent aucunement de la volonté: mais de sçavoir dire quelz biens sont ceux, la prevision desquelz sert de motif a la divine volonté, ni je ne le sçay pas distinctement ni je ne m'en veux pas enquerir, et il n'y a point de rayson que de quelque sorte de convenance, de maniere que nous en pourrions dire quelqu'une, et c'en seroit une autre; c'est pourquoy nous ne sçaurions avec certitude marquer la vraye rayson ni le vray motif de la volonté de Dieu pour ce regard, car, comme dit saint Augustin, bien que la verité en soit tres certaine, elle est neanmoins tres esloignee de nos pensees, de sorte que nous n'en sçaurions rien dire d'asseuré, sinon par la revelation de Celuy auquel toutes choses sont conneües.

  A004000779 

 Aymons donq et adorons en esprit d'humilité cette profondité des jugemens de Dieu, Theotime, «la-quelle,» comme dit saint Augustin, «le saint Apostre ne descouvre pas, ains l'admire, quand il exclame: O profondité des jugemens de Dieu!» «Qui pourroit compter le sable de la mer, les gouttes de la pluye, et mesurer la largeur de l'abisme?» dit cet excellent esprit de saint Gregoire Nazianzene, «et qui pourra sonder la profondité de la divine sagesse, par laquelle elle a creé toutes choses et les modere comme elle veut et entend? Car de vray, il suffit qu'a l'exemple de l'Apostre, sans nous arrester a la difficulté et obscurité d'icelle, nous l'admirions: O profondité des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! o que ses jugemens sont inscrutables et ses voÿes inaccessibles! Qui a conneu le sentiment du Seigneur? et qui a esté son conseiller?» Theotime, les raysons de la volonté divine ne peuvent estre penetrees par nostre esprit, jusques a ce que nous voyons la face de Celuy qui atteint de bout a bout fortement, et dispose toutes choses suavement, faisant tout ce qu'il fait en nombre, poids et mesure, et auquel le Psalmiste dit: Seigneur, vous aves tout fait en sagesse..

  A004000780 

 Combien de fois nous arrive-il d'ignorer comment et pourquoy les œuvres mesmes des hommes se font? Et donques, dit le mesme saint Evesque de Nazianze, «l'artisan n'est pas ignorant, encor que nous ignorons son artifice, ni de mesme, certes, les choses de ce monde [241] ne sont pas temerairement et imprudemment faites, encor que nous ne sachions pas leurs raysons.» Si nous entrons en la boutique d'un horloger, nous treuverons quelquefois un horologe qui ne sera pas plus gros qu'une orange, auquel il y aura neanmoins cent ou deux cens pieces, desquelles les unes serviront a la monstre, les autres a la sonnerie des heures et du resveille-matin; nous y verrons des petites roues dont les unes vont a droite, les autres a gauche, les unes tournent par dessus, les autres par bas, et le balancier qui a coups mesurés va balançant son mouvement de part et d'autre: et nous admirons comme l'art a sceu joindre une telle quantité de si petites pieces les unes aux autres, avec une correspondance si juste, ne sçachans ni a quoy chasque piece sert ni a quel effect elle est faitte ainsy, si le maistre ne le nous dit, et seulement en general nous sçavons que toutes servent pour la monstre ou pour la sonnerie.

  A004000781 

 Et nous sçavons bien en general que ces pieces diversifiees en tant de sortes, servent toutes, ou pour faire paroistre comme en une monstre la tressainte justice de Dieu, ou pour manifester la triomphante misericorde de sa bonté, comme par une sonnerie de louange; mays de connoistre en particulier l'usage de chasque piece, ou comme elle est ordonnee a la fin generale, ou pourquoy elle est faite ainsy, nous ne le pouvons pas entendre, sinon que le souverain Ouvrier nous l'enseigne.

  A004000781 

 Or il ne nous manifeste pas son art, affin que nous l'admirions avec plus de reverence, jusqu'a ce qu'estans [242] au Ciel il nous ravisse en la suavité de sa sagesse, lhors qu'en l'abondance de son amour il nous descouvrira les raysons, moyens et motifs de tout ce qui se sera passé en ce monde au prouffit de nostre salut eternel..

  A004000781 

 Theotime, nous voyons ainsy cet univers, et sur tout la nature humaine, comme un horologe composé d'une si grande varieté d'actions et de mouvemens que nous ne sçaurions nous empescher de l'estonnement.

  A004000782 

 Croyons donq, que comme Dieu est le facteur et Pere de toutes choses, aussi en a-il le soin par sa providence qui serre et embrasse toute la machine des creatures, et sur tout croyons qu'il preside a nos affaires, de nous autres qui le connoissons, encor que nostre vie soit agitee de tant de contrarietés d'accidens: dont la rayson nous est inconneüe affin, peut estre, que ne pouvans pas arriver a cette connoissance, nous admirions la rayson souveraine de Dieu qui surpasse toutes choses; car, envers nous, la chose est aysement mesprisee qui est aysement conneüe, mais ce qui surpasse la pointe de nostre esprit, plus il est difficile d'estre entendu, plus aussi il nous excite a une grande admiration.» Certes, les raysons de la providence celeste seroyent bien basses si nos petitz espritz y pouvoyent atteindre; elles seroyent moins aymables en leur suavité et moins admirables en leur majesté, si elles estoyent moins esloignees de nostre capacité..

  A004000782 

 «Nous ressemblons,» dit derechef le grand Nazianzene, «a ceux qui sont affligés du vertigo ou tournoyement de teste: il leur est advis que tout tourne sans dessus dessous autour d'eux, bien que ce soit leur cervelle et imagination qui tournent, et non pas les choses; car ainsy, rencontrans quelques evenemens desquelz les causes nous sont inconneües, il nous semble que les choses du monde sont administrees sans rayson parce que nous ne la sçavons pas.

  A004000783 

 Exclamons donques, Theotime, en toutes occurrences, mais exclamons d'un cœur tout amoureux envers la providence toute sage, toute puissante et toute douce de nostre Pere eternel: O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! O Seigneur Jesus, Theotime, que les richesses de la bonté divine sont excessives! Son amour envers nous est un abisme incomprehensible; c'est pourquoy il nous a preparé une [243] riche suffisance, ou plustost une riche affluence de moyens propres pour nous sauver, et pour les nous appliquer suavement il use d'une sagesse souveraine, ayant par son infinie science preveu et conneu tout ce qui estoit requis a cet effect.

  A004000783 

 Hé, que pouvons-nous craindre, ains, que ne devons-nous pas esperer, estans enfans d'un Pere si riche en bonté pour nous aymer et vouloir sauver, si sçavant pour preparer les moyens convenables a cela, et si sage pour les appliquer; si bon pour vouloir, si clairvoyant pour ordonner, si prudent pour executer!.

  A004000784 

 Car, qui peut penetrer le sens, l'intelligence et l'intention de Dieu? Qui a esté son conseiller pour sçavoir ses projetz et leurs motifs? ou qui l'a jamais prevenu par quelque service? N'est-ce pas luy, au contraire, qui nous previent es benedictions de sa grace pour nous couronner en la felicité de sa gloire? Ah, Theotime, toutes choses sont de luy qui en est le createur, toutes choses sont par luy qui en est gouverneur, toutes choses sont en luy qui en est le protecteur; a luy soit honneur et gloire es siecles des siecles, Amen.

  A004000784 

 Ces jugemens sont incomprehensibles, ou, comme lit saint Gregoire Nazianzene, ilz sont inscrutables, c'est a dire, nous n'en sçaurions reconnoistre et penetrer les motifs; les voyes et moyens par lesquelz il les execute et conduit a chef ne peuvent estre discernés et reconneus, et, pour bon sentiment que nous ayons, nous demeurons en defaut a chasque bout de champ et en perdons la trace.

  A004000784 

 Ne permettons jamais a nos espritz de voleter par curiosité autour des jugemens divins, car comme petitz papillons nous y bruslerons nos aisles et perirons en ce feu sacré.

  A004000788 

 La charité, tandis qu'elle est en nous, produit force actions d'amour envers Dieu, par le frequent exercice desquelles nostre ame prend une certaine habitude et coustume d'aymer Dieu, qui n'est pas la charité, ains seulement un pli et inclination que la multitude des actions a donné a nostre cœur.

  A004000788 

 Or, la charité estant separee de l'ame par le peché, il y reste maintefois une certaine ressemblance de charité qui nous peut decevoir et amuser vainement; et je vous diray que c'est.

  A004000789 

 Ainsy la charité, par la multitude des actes qu'elle produit, imprime en nous une certaine facilité d'aymer, laquelle elle nous laisse apres mesme que nous sommes privés de sa presence..

  A004000789 

 Apres avoir fait une longue habitude de prescher ou dire la Messe par election, il nous arrive maintefois en songe de parler et dire les mesmes choses que nous dirions en preschant ou celebrant: si que la coustume et habitude acquise par election et vertu, est en quelque sorte prattiquee par apres sans election et sans vertu, puisque les actions faites en dormant n'ont de la vertu, a parler generalement, qu'une apparente image, et en sont seulement des simulacres et representations.

  A004000790 

 Et de fait, il y avoit beaucoup a dire entre nos voix et celles-la: car quand nous disions une grande suite de motz elles n'en redisoyent que quelques uns, accourcissovent la prononciation des syllabes, qu'elles passoyent fort vistement et avec des tons et accens tout differens des nostres; et si, elles ne commençoyent a former ces motz qu'apres que nous les avions achevés de prononcer: en somme, ce n'estoyent [246] point des paroles d'un homme vivant, mais, par maniere de dire, des paroles d'un rocher creux et vain, lesquelles toutefois representoyent si bien la voix humaine de laquelle elles avoyent pris leur origine, qu'un ignorant s'y fust amusé et mespris..

  A004000790 

 J'ay veu, estant jeune escholier, qu'en un village proche de Paris, dans un certain puits, il y avoit une echo laquelle repetoit les paroles que nous prononcions la au pres, plusieurs fois.

  A004000790 

 Que si quelqu' idiot sans experience eust ouy ces repetitions de paroles, il eust creu qu'il y eust eu quelqu'homme au fond du puits qui les eust faites; mais nous sçavions des-ja, par la philosophie, qu'il n'y avoit personne dans le puits qui redist nos paroles, ains que seulement il y avoit quelques concavités, en l'une desquelles nos voix estans ramassees et ne pouvans passer outre, pour ne point perir du tout et employer les forces qui leur restoyent, elles produisoyent des secondes voix, et ces secondes voix, ramassees dans une autre concavité, en produisoyent des troisiesmes, et ces troisiesmes en pareille façon des quatriesmes, et ainsy consecutivement jusques a onze: si que ces voix-la faites dans le puits n'estoyent plus nos voix, ains des ressemblances et images d'icelles.

  A004000791 

 Et neanmoins, il y a bien de la difference entre la charité et l'amour humain qu'elle produit en nous: car la voix de la charité prononce, intime et opere tous les commandemens de Dieu dedans nos cœurs; l'amour humain qui reste apres elle, les dit voirement et intime quelquefois tous, mais il ne les opere jamais tous, ains quelques uns seulement; la charité prononce et assemble toutes les syllabes, c'est a dire toutes les circonstances des commandemens de Dieu; cet amour humain en laisse tous-jours quelqu'une en arriere, et sur tout celle de la droite et pure intention.

  A004000797 

 Nous avons veu des jeunes gens bien nourris en l'amour de Dieu, qui se detraquans, ont demeuré quelque tems au milieu de leur malheureuse decadence qu'on ne laissoit pas de voir en eux des grandes marques de leur vertu passee, et que, l'habitude acquise du tems de la charité repugnant au vice present, on avoit peyne durant quelques mois de discerner s'ilz estoyent hors de la charité ou non, et s'ilz estoyent vertueux ou vitieux; jusques a ce que le progres faisoit clairement connoistre que ces exercices vertueux ne prenoient pas leur origine de la charité presente, mais de la charité passee, non de l'amour parfait, mais de l'imparfait que la charité avoit laissé apres soy comme marque du logement qu'elle avoit fait en ces ames-la..

  A004000799 

 Or l'amour propre nous deçoit de mesme façon: pour peu que nous quittions la charité, il fourre en nostre estime cette habitude imparfaite, et nous prenons nostre contentement en elle comme si c'estoit la vraye charité, jusques a ce que quelque claire lumiere nous fasse voir que nous sommes abusés..

  A004000799 

 Toutefois, quoy que cet amour imparfait soit bon en soy, il nous est neanmoins perilleux, pour autant que souvent nous nous contentons de l'avoir luy seul, parce [249] que, ayant plusieurs traitz exterieurs et interieurs de la charité, pensans que ce soit elle mesme que nous avons, nous nous amusons et estimons d'estre saintz, tandis qu'en cette vaine persuasion, les pechés qui nous ont privés de la charité croissent, grossissent et multiplient si fort qu'en fin ilz se rendent maistres de nostre cœur.

  A004000805 

 Mais remarqués que j'ay dit cet examen devoir estre fait des affections que vous aves presentement; car il n'est pas besoin de vous imaginer celles qui pourroyent naistre par apres, puis qu'il suffit que nous soyons fideles es occurrences presentes, selon la diversité des tems, et que chasque saison a bien asses de son travail et de sa peyne..

  A004000807 

 Mais si la desfiance se rendoit si demesuree qu'il nous semblast de n'avoir ni force ni courage, et que partant il nous arrivast du desespoir sur le sujet des tentations imaginees, comme si nous n'estions pas en la charité et grace de Dieu, il nous faut alhors faire resolution, malgré nostre sentiment et descouragement, de bien estre fideles en tout ce qui nous arrivera, jusques a la tentation qui nous met en peyne, et esperer que lhors qu'elle arrivera Dieu multipliera sa grace, redoublera son secours et nous fera toute l'assistance requise, et que ne nous donnant pas la force pour une guerre imaginaire et non necessaire, il nous la donnera quand ce viendra au besoin.

  A004000807 

 Quand donq on fait la prattique de cette vaillance par les occurrences futures ou seulement possibles, si on a un sentiment bon et fidele on en remercie Dieu, car ce sentiment est tous-jours bon, mais pourtant on demeure avec humilité entre la confiance et desfiance, esperant que moyennant l'assistance divine on feroit en l'occasion ce qu'on s'imagine, et toutefois, craignant que selon nostre misere ordinaire peut estre n'en ferions nous rien et perdrions courage.

  A004000808 

 Ainsy, mon cher Theotime, il n'est pas necessaire que nous ayons tous-jours le sentiment et mouvement du courage requis a surmonter le lion rugissant qui va ça et la rodant pour nous devorer; cela nous pourroit donner de la vanité et presomption: il suffit bien que nous ayons bon desir de combattre vaillamment, et une parfaite confiance que l'Esprit divin nous assistera de son secours lhors que l'occasion de l'employer se presentera..

  A004000808 

 En fin, en ces espouventemens pris pour la representation des assautz futurs, lhors qu'il nous semble que le cœur nous manque, il suffit de desirer du courage et se confier en Dieu qu'il nous en donnera quand il en sera tems.

  A004000817 

 L'amour n'est autre chose, ainsy que nous avons dit, sinon le mouvement et escoulement du cœur, qui se fait envers le bien par le moyen de la complaysance que l'on a en iceluy; de sorte que la complaysance est le grand motif de l'amour, comme l'amour est le grand mouvement de la complaysance..

  A004000818 

 Nous sçavons par la foy que la Divinité est un abisme incomprehensible de toute perfection, souverainement infini en excellence et infiniment souverain en bonté; et cette verité que la foy nous enseigne, nous la considerons attentivement par la meditation, regardans cette immensité de biens qui sont en Dieu, ou tous ensemble [255] par maniere d'assemblage de toutes perfections, ou distinctement considerant ses excellences l'une apres l'autre: comme par exemple, sa toute puissance, sa toute sagesse, sa toute bonté, son eternité, son infinité.

  A004000818 

 Or, quand nous avons rendu nostre entendement fort attentif a la grandeur des biens qui sont en ce divin object, il est impossible que nostre volonté ne soit touchee de complaysance en ce bien, et lhors nous usons de nostre liberté et de l'authorité que nous avons sur nous mesmes, provoquans nostre propre cœur a repliquer et renforcer sa premiere complaysance par des actes d'approbation et res-jouissance: O, dit alhors l'ame devote, que vous estes beau, mon Bienaymé, que vous estes beau! vous estes tout desirable, ains vous estes le desir mesme; tel est mon Bienaymé, et il est l'Ami de mon cœur, o filles de Hierusalem.

  A004000819 

 Ainsy, appreuvans le bien que nous voyons en Dieu et nous res-jouissans d'iceluy, nous faysons l'acte d'amour que l'on appelle complaysance, car nous nous playsons du playsir divin infiniment plus que du nostre propre; et c'est cet amour qui donnoit tant de contentement aux Saintz quand ilz pouvoyent raconter les perfections de leur Bienaymé, et qui leur faisoit prononcer avec tant de suavité que Dieu estoit Dieu.

  A004000819 

 Il est Dieu de nostre cœur par cette complaysance, d'autant que par icelle nostre cœur l'embrasse et le rend sien; il est nostre heritage, d'autant que par cet acte nous jouissons des biens qui sont en Dieu, et comme d'un heritage nous en tirons toute sorte de playsir et de contentement.

  A004000819 

 Par cette [256] complaysance nous beuvons et mangeons spirituellement les perfections de la Divinité, car nous les nous rendons propres et les tirons dedans nostre cœur..

  A004000821 

 O Dieu, quelle joye aurons nous au Ciel, Theotime, lhors que nous verrons le Bienaymé de nos cœurs, comme une mer infinie de laquelle les eaux ne sont que perfection et bonté! Alhors, comme des cerfs qui longuement pourchassés et malmenés, s'abouchans a une claire et fraische fontaine tirent a eux la fraischeur de ses belles eaux, ainsy nos cœurs, apres tant de langueurs et de desirs, arrivans a la source forte et vivante de la Divinité, tireront par leur complaysance toutes les perfections de ce Bienaymé, et en auront la parfaite jouissance par la res-jouissance qu'ilz y prendront, se remplissans de ses delices immortelles: et en cette sorte le cher Espoux entrera dedans nous comme dans son lit nuptial, pour communiquer sa joye eternelle a nostre ame; selon qu'il dit luy mesme, que si nous gardons la sainte loy de son amour, il viendra et fera son sejour en nous.

  A004000826 

 Nous nous paissons avec luy de sa douceur par le playsir que nous y prenons, et rassasions nostre cœur es perfections divines par l'ayse que nous en avons: et ce repas est un souper a cause du repos qui le suit, la complaysance nous faysant doucement reposer en la suavité du bien qui nous delecte et duquel nous repaissons nostre cœur; car, comme vous sçaves, Theotime, le cœur se paist des choses esquelles il se plaist, si que, en nostre langue françoise, on dit que l'un se paist de l'honneur, l'autre des richesses, comme le Sage avoit dit que la bouche des folz se paist d'ignorance; et la souveraine Sagesse proteste que sa viande, c'est a dire son playsir, n'est autre chose que de faire la volonté de son Pere.

  A004000826 

 O Dieu, que l'ame est heureuse qui prend son playsir a sçavoir et connoistre que Dieu est Dieu et que sa bonté est une infinie bonté; car ce celeste Espoux, par cette porte de la complaysance, entre en elle et soupe avec nous, comme nous avec luy.

  A004000827 

 Ainsy tirons nous le cœur de Dieu dedans le nostre, et il y respand son baume pretieux; et ainsy se prattique ce que la sainte Espouse dit avec tant d'allegresse: Le Roy de mon cœur m'a menee dans ses cabinetz; nous tressaillirons et nous res-jouirons en vous, nous ramentevans de vos mammelles plus aymables que le vin; les bons vous ayment. Car je vous prie, Theotime, qui sont les cabinetz de ce Roy d'amour, sinon ses tetins qui abondent en varieté de douceurs et suavités? La poitrine et les mammelles de la mere sont les cabinetz des tresors du petit enfant; il n'a point d'autres richesses que celles la, qui luy sont plus pretieuses que l'or et le topaze, plus aymables que le reste du monde..

  A004000827 

 Or le divin Espoux vient en son jardin quand il vient en l'ame devote, car, puisqu'il se plaist d'estre avec les enfans des hommes, ou peut il mieux loger qu'en la contree de l'esprit qu'il a fait a son image et [259] semblance? En ce jardin, luy mesme y plante la complaysance amoureuse que nous avons en sa bonté, et de laquelle nous nous paissons; comme de mesme sa bonté se plaist et se paist en nostre complaysance; ainsy que, derechef, nostre complaysance s'augmente dequoy Dieu se plaist de nous voir plaire en luy: de sorte que ces reciproques playsirs font l'amour d'une incomparable complaysance, par laquelle nostre ame, faite jardin de son Espoux et ayant de sa bonté les pommiers des delices, elle luy en rend le fruit; puisqu'il se plaist de la complaysance qu'elle a en luy.

  A004000828 

 Hé, n'a-elle pas rayson, cette belle ame, de s'escrier: O mon Roy, que vos richesses sont aymables et que vos amours sont riches! Hé, qui en a plus de joye, ou vous qui en jouïsses, ou moy qui m'en res-jouïs? Nous tressaillirons d'allegresse en la souvenance de vostre sein et de vos tetins si leçons en toute excellence de suavité: moy, parce que mon Bienaymé en jouït, vous, parce que vostre bienaymee s'en res-jouït; car ainsy nous en jouissons tous deux, puisque vostre bonté vous fait jouir de ma res-jouissance, et mon amour me fait res-jouir de vostre jouissance.

  A004000830 

 Or, le lait que nos ames succent es mammelles de la charité de Nostre Seigneur, vaut mieux incomparablement que le vin que nous tirons des discours humains: car ce lait prend son origine de l'amour celeste, qui le prepare a ses enfans avant mesme qu'ilz y ayent pensé; il a un goust amiable et suave, son odeur surpasse tous les parfums, il rend l'haleine franche et douce comme d'un enfant de lait, il donne une joye sans insolence, il enivre sans hebeter, il ne leve pas le sens, mais il le releve..

  A004000841 

 L'amour que nous portons a Dieu prend son origine de la premiere complaysance que nostre cœur sent soudain qu'il apperçoit la bonté divine, lhors qu'il commence a tendre vers icelle.

  A004000841 

 Or, quand nous accroissons et renforçons cette premiere complaysance par le moyen [263] de l'exercice de l'amour, ainsy que nous avons declaré es chapitres precedens, alhors nous attirons dedans nostre cœur les perfections divines, et jouissons de la divine bonté par la res-jouissance que nous y prenons, prattiquans cette premiere partie du contentement amoureux que l'Espouse sacree exprime disant: Mon Bien-aymé est a moy; mays parce que cette complaysance amoureuse estant en nous qui l'avons, ne laisse pas d'estre en Dieu en qui nous la prenons, elle nous donne reciproquement a sa divine bonté: si que par ce saint amour de complaysance nous jouissons des biens qui sont en Dieu comme s'ilz estoyent nostres, mays parce que les perfections divines sont plus fortes que nostre esprit, entrant en iceluy elles le possedent reciproquement; de sorte que nous ne disons pas seulement que Dieu est nostre par cette complaysance, mais aussi que nous sommes a luy..

  A004000842 

 L'herbe aproxis (ainsy que nous avons dit ailleurs) a une si grande correspondance avec le feu, qu'encor qu'elle en soit esloignee, soudain neanmoins qu'elle est a son aspect elle attire la flamme et commence a brusler, concevant son feu non tant a la chaleur qu'a la lueur de celuy qu'on luy presente.

  A004000843 

 La complaysance nous rend possesseurs de Dieu, tirant en nous les perfections d'iceluy, et nous rend possedés de Dieu, nous attachant et appliquant aux perfections d'iceluy..

  A004000844 

 Or en cette complaysance nous assouvissons tellement nostre ame de contentemens, que nous ne laissons pas de desirer de l'assouvir encor, et savourans la bonté divine nous la voudrions encor savourer; en nous rassasiant nous voudrions tous-jours manger, comme en mangeant nous nous sentons rassasier.

  A004000846 

 Les espritz perdus ont un mouvement eternel sans nul meslange de tranquillité; nous autres mortelz, qui sommes encor en ce pelerinage, avons tantost du repos, tantost du mouvement en nos affections; les espritz bienheureux ont tous-jours le repos en leurs mouvemens et le mouvement en leur repos, n'y ayant que Dieu seul qui ait le repos sans mouvement, parce qu'il est souverainement un acte pur et substantiel.

  A004000846 

 Or, bien que selon la condition ordinaire de cette vie mortelle nous n'ayons pas le repos en nostre mouvement, si est-ce toutefois, que lhors que nous faisons les essais des exercices de la vie immortelle, c'est a dire, que nous prattiquons les actes du saint amour, nous treuvons du repos dans le mouvement de nos affections et du mouvement au repos de la complaysance que nous avons en nostre Bienaymé, recevans par ce moyen des avant-goustz de la future felicité a laquelle nous aspirons..

  A004000847 

 Qui desire Dieu en le possedant, ne le desire pas pour le chercher, mais pour exercer cette affection dedans le bien mesme duquel il jouit; car le cœur ne fait pas ce mouvement de desir comme pretendant a la jouissance pour l'avoir, puisqu'il l'a des-ja, mais comme s'estendant en la jouissance laquelle il a; non pour obtenir le bien, mais pour s'y recreer et entretenir; non pour en jouir, mais pour s'y esjouir: ainsy que nous marchons et nous esmouvons pour aller en quelque delicieux jardin, auquel estans arrivés nous ne laissons pas de marcher et nous remuer derechef, non plus pour y venir, mais pour nous pourmener et passer le tems en iceluv; nous avons marché pour aller jouir de l'amenité du jardin, y estans, nous marchons pour nous esjouir en la jouissance d'iceluy..

  A004000855 

 La compassion, condoleance, commiseration ou misericorde n'est autre chose qu'une affection qui nous fait participer a la passion et douleur de celuy que nous aymons, tirant la misere qu'il souffre dans nostre cœur: dont elle est appellee misericorde, comme qui diroit, une misere de cœur, comme la complaysance tire dedans le cœur de l'amant le playsir et contentement de la chose aymee.

  A004000857 

 La condoleance tire aussi sa grandeur de celle des douleurs que l'on void souffrir a ceux que l'on ayme, car, pour petite que soit l'amitié, si les maux qu'on void endurer sont extremes ilz nous font une grande pitié.

  A004000858 

 Mais qu'est-ce a dire, il revescut ou il resuscita? Theotime, les espritz ne meurent de leur propre mort que par le peché, qui les separe de Dieu lequel est leur vraye vie surnaturelle, mais ilz meurent quelquefois de la mort d'autruy; et cela arriva au bon Jacob duquel nous parlons, car l'amour, qui tire dans le cœur de l'amant le bien et le mal de la chose aymee, l'un par complaysance, l'autre par commiseration, tira la mort de l'aymable Joseph dans le cœur de l'amant Jacob; et par un miracle impossible a toute autre puissance qu'a celle de l'amour, l'esprit de ce bon pere estoit plein de la mort de celuy qui estoit vivant et regnant, d'autant que l'affection ayant esté trompee devança l'effect..

  A004000858 

 Or, autant de causes aggrandissent la complaysance: a mesure que l'ami nous est plus cher, nous avons plus de playsir en son contentement, et son bien entre plus avant en nostre ame; que si le bien est excellent, nostre joye en est aussi plus grande; mais si nous voyons l'ami en la jouissance d'iceluy, nostre res-jouissance en devient extreme.

  A004000860 

 Dites-moy, je vous prie, Theotime, qui ressent plus le bien de Joseph, ou luy qui en jouit, ou Jacob qui s'en res-jouit? Certes, si le bien n'est bien que pour le contentement qu'il nous donne, le pere en a autant et plus que le filz; car le filz, avec la dignité de vice-roy qu'il possede, a par consequent beaucoup de soin et d'affaires, mais le pere jouit par complaysance et possede purement ce qui est de bon en cette grandeur et dignité de son filz, sans charge, sans soin et sans peyne.

  A004000860 

 Je mourray joyeux, dit-il: helas, qui ne void son contentement? si la mort mesme ne peut troubler sa joye, qui la pourra donq jamais alterer? si son ayse vit emmi les detresses de la mort, qui la pourra jamais esteindre? L'amour est fort comme la mort, et les allegresses de l'amour surmontent les tristesses de la mort, car la mort ne les peut faire mourir, ains les avive: si que, comme il y a un feu qui par merveille se nourrit en une fontayne proche de Grenoble, ainsy que nous sçavons fort asseurement et que mesme le grand saint Augustin atteste, aussi la sainte charité est si forte qu'elle nourrit ses flammes et ses consolations emmi les plus tristes angoisses de la mort, et les eaux des tribulations ne peuvent esteindre son feu.

  A004000866 

 Car de mesme l'amoureuse complaysance que nous avons prise en l'amour de Nostre Seigneur, rend infiniment plus forte la compassion que [273] nous avons de ses douleurs, comme reciproquement, repassans de la compassion des douleurs a la complaysance des amours, le playsir en est bien plus ardent et relevé.

  A004000867 

 Qui est cette rosee, et qui sont ces gouttes de la nuit, sinon les afflictions et peynes de sa Passion? Les perles, certes (comme nous avons dit asses souvent), ne sont autre chose que gouttes de la rosee que la fraicheur de la nuit espluÿe sur la face de la mer, receües dans les escailles des ouïtres ou mereperles.

  A004000871 

 En l'amour que Dieu exerce envers nous, il commence tous-jours par la bienveuillance, voulant et faisant en nous tout le bien qui y est, auquel par apres il se complait.

  A004000872 

 Mais nostre amour envers Dieu commence, au contraire, par la complaysance que nous avons en la souveraine bonté et infinie perfection que nous sçavons estre en la Divinité, puis nous venons a l'exercice de la bienveuillance: et comme la complaysance que Dieu prend en ses creatures n'est autre chose qu'une continuation de sa bienveuillance envers elles, aussi la bienveuillance que nous portons a Dieu n'est autre chose qu'une approbation et perseverance de la complaysance que nous avons en luy..

  A004000873 

 Ne pouvans donq point faire aucun desir absolu pour Dieu, nous en faisons des imaginaires et conditionnelz en cette sorte: Je vous ay dit, Seigneur, vous estes mon Dieu, qui, tout plein de vostre infinie bonté, ne pouves avoir indigence ni de mes biens ni de chose quelconque; mais si, par imagination de chose impossible, je pouvois penser que vous eussies besoin de quelque bien, je ne cesserois jamais de vous le souhaitter au prix de ma vie, de mon estre et de tout ce qui est au monde.

  A004000873 

 Or cet amour de bienveuillance envers Dieu se pratique ainsy: nous ne pouvons desirer d'un vray desir aucun bien a Dieu, parce que sa bonté est infiniment plus parfaite que nous ne sçaurions ni desirer ni penser; le desir n'est que d'un bien futur, et nul bien n'est [275] futur en Dieu, puisque tout bien luy est tellement present que la presence du bien en sa divine Majesté n'est autre chose que la Divinité mesme.

  A004000875 

 C'est encor une sorte de bienveuillance envers Dieu, quand, considerans que nous ne pouvons l'aggrandir en luy mesme, nous desirons de l'aggrandir en nous, c'est a dire de rendre de plus en plus et tous-jours plus grande la complaysance que nous avons en sa bonté.

  A004000875 

 Et Ihors, mon Theotime, nous ne desirons pas la complaysance pour le playsir qu'elle nous donne, mais parce seulement que ce playsir est en Dieu: car, comme nous ne desirons pas la condoleance pour la douleur qu'elle met en nos cœurs, mais parce que cette douleur nous unit et associe a nostre Bienaymé douloureux, ainsy n'aymons-nous pas la complaysance parce, qu'elle nous rend du playsir, mais d'autant que ce playsir se prend en l'union du playsir et bien qui est en Dieu; auquel pour nous unir davantage, nous voudrions nous complaire d'une complaysance infiniment plus grande, a l'imitation de la tressainte Reyne et Mere d'amour, de laquelle l' ame sacree magnifioit et aggrandissoit perpetuellement Dieu; et affin que l'on sceust que cet aggrandissement se faysoit par la complaysance qu'elle avoit en la divine Bonté, elle declare que son esprit avoit tressailli de contentement en Dieu son Sauveur.

  A004000879 

 Donques l'amour de bienveuillance nous fait desirer d'aggrandir en nous de plus en plus la complaysance que nous prenons en la bonté divine, et pour faire cet aggrandissement l'ame se prive soigneusement de tout autre playsir pour s'exercer plus fort a se playre en Dieu.

  A004000885 

 L'honneur, mon cher Theotime, n'est pas en celuy que l'on honnore, mays en celuy qui honnore; car, combien de fois arrive-il que celuy que nous honnorons n'en sçait rien et n'y a seulement pas pensé? combien de fois louons-nous ceux qui ne nous connoissent pas ou qui dorment? Et toutefois, selon l'estime commune des hommes et leur ordinaire façon de concevoir, il semble que c'est faire du bien a quelqu'un quand on luy fait de l'honneur, et qu'on luy donne beaucoup quand on luy donne des tiltres et des louanges; et nous ne faysons pas difficulté de dire qu'une personne est riche d'honneur, de gloire, de reputation, de louange, encor qu'en verité nous sachions bien que tout cela, est hors de la personne honnoree et que bien souvent elle n'en reçoit aucune sorte de prouffit, suivant ce mot attribué au grand saint Augustin: «O pauvre Aristote, tu es loué ou tu es absent, et tu es bruslé ou tu es present.» Quel bien revient il, je vous prie, a Cesar et Alexandre le Grand, de tant de vaines paroles que plusieurs vaines ames employent a leur louange?.

  A004000886 

 Dieu, comblé d'une bonté qui surmonte toute louange et tout honneur, ne reçoit aucun advantage ni surcroist de bien pour toutes les benedictions que nous luy donnons; il n'en est ni plus riche, ni plus grand, ni plus [281] content, ni plus heureux, car son heur, son contentement, sa grandeur et ses richesses ne sont ni ne peuvent estre que la divine infinité de sa bonté.

  A004000886 

 Toutefois, parce que, selon nostre apprehension ordinaire, l'honneur est estimé l'un des plus grans effectz de nostre bienveuillance envers les autres, et que par iceluy non seulement nous ne presupposons point d'indigence en ceux que nous honnorons, mais plustost nous protestons qu'ilz abondent en excellence, partant nous employons cette sorte de bienveuillance envers Dieu; qui non seulement l'aggree, mais la requiert comme conforme a nostre condition, et si propre pour tesmoigner l'amour respectueux que nous luy devons, que mesme il nous a ordonné de luy rendre et rapporter tout honneur et gloire..

  A004000916 

 Le cœur atteint et pressé du desir de louer plus qu'il ne peut la divine Bonté, apres divers effortz sort maintefois de soy mesme pour convier toutes les creatures a le secourir en son dessein; comme nous voyons avoir fait les trois enfans en la fornaise, en cet admirable Cantique de benedictions par lequel ilz excitent tout ce qui est au ciel, en la terre et sous terre a rendre graces a Dieu eternel, en le louant et benissant souverainement.

  A004000923 

 La complaysance tire les suavités divines dedans le cœur, lequel se remplit si ardemment qu'il en est tout esperdu; mais l'amour de bienveuillance fait sortir nostre cœur de soy mesme et le fait exhaler en vapeurs de parfums delicieux, c'est a dire en toutes sortes de saintes louanges; et ne pouvant neanmoins en tant pousser comme il desireroit: O, dit-il, que toutes les creatures viennent contribuer les fleurs de leurs benedictions, les pommes de leurs actions de graces, de leurs honneurs et de leurs adorations, affin que de toutes pars on sente les odeurs respandues a la gloire de Celuy duquel l'infinie douceur surpasse tout honneur, et que nous ne pouvons jamais bien dignement magnifier..

  A004000936 

 Nous allons donq montant en ce saint exercice, de degré en degré, par les creatures que nous invitons a louer Dieu, passans des insensibles aux raysonnables et intellectuelles, et de l'Eglise militante a la triomphante, en laquelle nous nous relevons entre les Anges et les Saintz jusques a ce que, au dessus de tous, nous ayons rencontré la tressainte Vierge, laquelle d'un air incomparable loue et magnifie la Divinité, plus hautement, plus saintement et plus delicieusement que tout le reste des creatures ensemble ne sçauroit jamais faire..

  A004000937 

 Estant il y a deux ans a Milan, ou la veneration des recentes memoires du grand Archevesque saint Charles m'avoit attiré avec quelques uns de nos ecclesiastiques, nous ouïsmes en diverses eglises plusieurs sortes de musiques; mais en un monastere de filles, nous ouïsmes une religieuse de laquelle la voix estoit si admirablement delicieuse, qu'elle seule respandoit incomparablement plus de suavité dans nos espritz que ne fit tout le reste ensemble, qui, quoy qu'excellent, sembloit neanmoins n'estre fait que pour donner lustre et rehausser la perfection et l'esclat de cette voix unique.

  A004000938 

 Il passe donq plus avant, et invite le Sauveur de louer et glorifier son Pere eternel de toutes les benedictions que son amour filial luy peut fournir; et lhors, Theotime, l'esprit arrive en un lieu de silence, car nous ne sçavons plus faire autre chose qu'admirer.

  A004000939 

 Tenes, le voyla, ce divin amour du Bienaymé, comme il est derriere la paroy de son humanité; voyés qu'il se fait entrevoir par les playes de son cors et l'ouverture de son flanc, comme par des fenestres, et comme par un treillis au travers duquel il nous regarde..

  A004000940 

 Mais comme [294] ceux qui regardent au travers des treillis voyent et ne sont qu'entreveus, ainsy le divin amour de ce cœur, ou plustost ce cœur du divin amour, void tous-jours clairement les nostres et les regarde des yeux de sa dilection, mais nous ne le voyons pas pourtant, seulement nous l'entrevoyons: car, o Dieu! si nous le voyions ainsy qu'il est, nous mourrions d'amour pour luy puisque nous sommes mortelz, comme luy mesme mourut pour nous tandis qu'il estoit mortel, et comme il en mourrait encor, si maintenant il n'estoit immortel.

  A004000940 

 O si nous oyions ce divin cœur comme il chante d'une voix d'infinie douceur le cantique de louange a la Divinité! quelle joye, Theotime, quelz effortz de nos cœurs pour se lancer au Ciel affin de le tous-jours ouïr! Il nous y semond certes, ce cher Ami de nos ames: Sus, leve-toy, dit-il, sors de toy mesme, prens le vol devers moy, ma colombe, ma tres belle, en ce celeste sejour ou toutes choses sont en joye et ne respirent que louanges et benedictions.

  A004000944 

 Car tout ainsy qu'estans en une chambre nous ne recevons pas la lumiere selon la grandeur de la clarté du soleil qui la respand, mays selon la grandeur de la fenestre par laquelle il la communique, de mesme les actions humaines du Sauveur ne sont pas infinies, bien qu'elles soyent d'infinie valeur, d'autant qu'encor que la Personne divine les fasse, elle ne les fait pas toutefois selon l'estendue de son infinité, mais selon la grandeur finie de son humanité par laquelle elle les fait: de sorte que comme les actions humaines de nostre doux Sauveur sont infinies en comparayson des nostres, aussi sont-elles finies en comparayson de l'essentielle infinité de la Divinité.

  A004000944 

 La louange donq qui part du Sauveur entant qu'il est homme, n'estant pas de tout point infinie, elle ne peut correspondre de toutes pars a la grandeur infinie de la Divinité a laquelle elle est destinee: c'est pourquoy, apres le premier ravissement d'admiration qui nous saisit quand nous avons rencontré une louange si glorieuse [296] comme est celle que le Sauveur donne a son Pere, nous ne laissons pas de reconnoistre que la Divinité est encor infiniment plus louable qu'elle ne peut estre louee, ni par toutes les creatures ni par l'humanité mesme du Filz eternel..

  A004000945 

 Ainsy, mon Theotime, a mesure que nous montons par bienveuillance vers la Divinité, pour entonner et ouïr ses louanges, nous voyons qu'il est tous-jours au dessus de toute louange, et finalement nous connoissons qu'il ne peut estre loué selon qu'il merite sinon par luy mesme, qui seul peut dignement esgaler sa souveraine bonté par une souveraine louange..

  A004000946 

 Alhors nous exclamons: «Gloire soit au Pere, et au Filz, et au Saint Esprit;» et affin qu'on sçache que ce n'est pas la gloire des louanges creées que nous souhaittons a Dieu par cet eslan, ains la gloire essentielle et eternelle qu'il a en luy mesme, par luy mesme, de luy mesme, et qui est luy mesme, nous adjoustons: «Ainsy qu'il l'avoit au commencement, et maintenant, et tous-jours, et es siecles des siecles, Amen;» comme si nous disions par souhait: Qu'a jamais Dieu soit glorifié de la gloire qu'il avoit avant toute creature, en son infinie eternité et eternelle infinité.

  A004000946 

 Pour cela nous adjoustons ce verset de gloire a chasque Psalme et Cantique, selon la coustume ancienne de l'Eglise orientale, que le grand saint Hierosme supplia saint Damase, Pape, de vouloir establir de deça en Occident, pour protester que toutes les louanges humaines et [297] angeliques sont trop basses pour dignement louer la divine Bonté, et qu'affin qu'elle soit dignement louee, il faut qu'elle soit sa gloire, sa louange et sa benediction elle mesme..

  A004000963 

 L'un nous fait plaire en Dieu, l'autre nous fait plaire a Dieu; par l'un nous concevons, par l'autre nous produisons; par l'un nous mettons Dieu sur nostre cœur, comme un estendart d'amour auquel toutes nos affections se rangent; par l'autre nous le mettons sur nostre bras, comme une espee de dilection par laquelle nous faysons tous les exploitz des vertus..

  A004000963 

 L'un nous remplit de complaysance, de bienveuillance, d'eslans, de souhaitz, de souspirs et d'ardeurs spirituelles, nous faisant prattiquer les sacrees infusions et meslanges de nostre esprit avec celuy de Dieu; l'autre respand en nous la solide resolution, la fermeté de courage et l'inviolable obeissance requise pour effectuer les ordonnances de la [301] volonté de Dieu, et pour souffrir, aggreer, appreuver et embrasser tout ce qui provient de son bon playsir.

  A004000963 

 Nous avons deux principaux exercices de nostre amour envers Dieu; l'un affectif, et l'autre effectif, ou, comme dit saint Bernard, actif.

  A004000963 

 Par celuy la nous affectionnons Dieu et ce qu'il affectionne, par celuy ci nous servons Dieu et faisons ce qu'il nous ordonne; celuy la nous joint a la bonté de Dieu, celuy ci nous fait executer sa volonté.

  A004000964 

 Les chiens les plus sages et mieux dressés tombent souvent en defaut, perdans la piste et le sentiment, pour la varieté des ruses dont les cerfs usent, faisans les horvaris, donnans le change et prattiquans mille malices pour s'eschapper devant la meute: et nous perdons souvent de veüe et de connoissance nostre propre cœur, en l'infinie diversité des mouvemens par lesquelz il se tourne en tant de façons et avec une si grande promptitude qu'on ne peut discerner ses erres..

  A004000965 

 Certes, si nos espritz vouloyent faire retour sur eux mesmes par les reflechissemens et replis de leurs actions, ilz entreroyent en des labyrinthes esquelz ilz perdroyent sans doute l'issue; et ce seroit une attention insupportable de penser quelles sont nos pensees, considerer nos considerations, voir toutes nos veües spirituelles, discerner que nous discernons, nons resouvenir que nous nous resouvenons: ce seroyent des entortillemens que nous [302] ne pourrions desfaire.

  A004000965 

 Dieu seul est celuy qui, par son infinie science, void, sonde et penetre tous les tours et contours de nos espritz; il entend nos pensees de loin, il treuve tous nos sentiers, faufilans et destours; sa science en est admirable, elle prevaut au dessus de nostre capacité et nous n'y pouvons atteindre.

  A004000966 

 Nous ne prenons pas ici le mot d'orayson pour la seule priere ou «demande de quelque bien, respandue devant Dieu par les fideles,» comme saint Basile la nomme; mays comme saint Bonaventure, quand il dit que l'orayson, a parler generalement, comprend tous les actes de contemplation, ou comme saint Gregoire Nissene, quand il enseignoit que «l'orayson est un entretien et conversation de l'ame avec Dieu;» ou bien comme saint Chrysostome, quand il asseure que «l'orayson est un devis avec la divine Majesté;» ou en fin comme saint Augustin et saint Damascene, quand ilz disent que l'orayson est «une montee ou eslevement de l'esprit en Dieu.» Oue si l'orayson est un colloque, un «devis» ou une «conversation» de l'ame avec Dieu, par icelle donq nous parlons a Dieu et Dieu reciproquement parle a nous, nous aspirons a luy et respirons en luy, et mutuellement il inspire en nous et respire sur nous..

  A004000967 

 Mays dequoy devisons-nous en l'orayson? quel est le sujet de nostre entretien? Theotime, on n'y parle que de Dieu; car, de qui pourroit deviser et s'entretenir l'amour que du bienaymé? Et pour cela, l'orayson et la theologie mystique ne sont qu'une mesme chose.

  A004000970 

 O Dieu, quelle difference entre le langage de ces anciens amateurs de la Divinité, Ignace, Cyprian, Chrysostome, Augustin, Hilaire, Ephrem, Gregoire, Bernard, et celuy des theologiens moins amoureux! Nous usons de leurs mesmes motz; mais entre eux c'estoyent des motz pleins de chaleur et de la suavité des parfums amoureux, parmi nous ilz sont froids et sans aucune senteur..

  A004000971 

 Voyes-vous, Theotime, que le silence des amans affligés parle de la prunelle des yeux et par les larmes? Certes, en la theologie mistique [305] c'est le principal exercice de parler a Dieu et d'ouïr parler Dieu au fond du cœur; et parce que ce devis se fait par des tres secretes aspirations et inspirations, nous l'appelions colloque de silence: les yeux parlent aux yeux et le cœur au cœur, et nul n'entend ce qui se dit que les amans sacrés qui parlent..

  A004000976 

 Mays quand nous pensons aux choses divines, non pour apprendre mais pour nous affectionner a elles, cela s'appelle mediter, et cet exercice, meditation, auquel nostre esprit, non comme une mousche, par simple amusement, ni comme un haneton, pour manger et se remplir, mais comme une sacree avette, va ça et la sur les fleurs des saintz mysteres pour en extraire le miel du divin amour..

  A004000976 

 Or toute meditation est une pensee, mais toute pensee n'est pas meditation, Maintefois nous avons des pensees [306] auxquelles nostre esprit s'attache sans dessein ni pretention quelcomque, par maniere de simple amusement, ainsy que nous voyons les mousches communes voler ça et la sur les fleurs sans en tirer chose aucune; et cette espece de pensee, pour attentive qu'elle soit, ne peut porter le nom de meditation, ains doit estre simplement appellee pensee.

  A004000976 

 Quelquefois nous pensons attentivement a quelque chose pour apprendre ses causes, ses effectz, ses qualités; et cette pensee s'appelle estude, en laquelle l'esprit fait comme les hanetons qui voletent sur les fleurs et les feuilles indistinctement pour les manger et s'en nourrir.

  A004000977 

 En somme, la pensee et l'estude se font de toutes sortes de choses; mays la meditation, ainsy que nous en parlons maintenant, ne regarde que les objetz la consideration desquelz nous peut rendre bons et devotz: si que la meditation n'est autre chose qu'une pensee attentive, reiteree ou entretenue volontairement en l'esprit, affin d'exciter la volonté a des saintes et salutaires affections et resolutions..

  A004000978 

 Ainsy dit Isaïe: Nous rugirons ou bruyrons comme des ours, et gemirons, meditans comme colombes; le bruit des ours se rapportant aux exclamations par lesquelles on s'escrie en l'orayson vocale, et le gemissement des colombes a la sainte meditation..

  A004000979 

 Ce qu'en l'un des passages est exprimé par le mot de mediter, est declairé en l'autre par celuy de repenser; et pour monstrer que la pensee reiteree et la meditation tend a nous esmouvoir aux affections, resolutions et actions, il est dit en l'un [309] et l'autre passage, qu'il faut repenser et mediter en la loy pour l'observer et prattiquer.

  A004000979 

 En ce sens l'Apostre nous exhorte en cette sorte: Repenses a Celuy qui a receu une telle contradiction des pecheurs, affin que vous ne vous lassies, manquans de courage; quand il dit repenses, c'est autant comme s'il disoit, medités.

  A004000979 

 Mays pourquoy veut il que nous meditions la sainte Passion? Non certes affin que nous devenions sçavans, mais affin que nous devenions patiens et courageux au chemin du Ciel.

  A004000980 

 La meditation n'est autre chose que le ruminement mystique, requis pour n'estre point immonde, auquel une des devotes bergeres qui suivoyent la sacree Sulamite nous invite; car elle asseure que la sainte doctrine est comme un vin pretieux, digne non seulement d'estre beue par les pasteurs et docteurs, mais d'estre soigneusement savouree, et par maniere de dire, maschee et ruminee: Ton gosier, dit elle, dans lequel se forment les paroles saintes, est un vin tres bon, digne de mon Bienaymé pour estre beu, et de ses levres et de ses dens pour estre ruminé.

  A004000986 

 Car, comme les avettes parcourent le païsage de leur contree pour picorer ça et la et recueillir le miel, lequel ayant amassé elles travaillent sur iceluy pour le playsir qu'elles prennent en sa douceur, ainsy nous meditons pour recueillir l'amour de Dieu, mays l'ayant recueilli nous contemplons Dieu et sommes attentifs a sa bonté pour la suavité que l'amour nous y fait treuver.

  A004000986 

 Le desir d'obtenir l'amour divin nous fait mediter, mais l'amour obtenu nous fait contempler; car l'amour nous fait treuver une suavité si aggreable en la chose aymee, que nous ne pouvons assouvir nos espritz de la voir et considerer..

  A004000987 

 La veüe de tant de merveilles engendra dans son cœur un extreme amour, et cet amour produisit un nouveau desir de voir tous-jours plus et jouir de la presence de celuy auquel elle les avoit veües, dont elle s'escrie: Hé, que bienheureux sont les serviteurs qui sont tous-jours autour de vous et oyent vostre sapience! Ainsy nous commençons quelquefois a manger pour exciter nostre appetit, mays l'appetit estant resveillé nous poursuivons a manger pour contenter l'appetit; et nous considerons au commencement la bonté de Dieu pour exciter nostre volonté a l'aymer, mays l'amour estant formé dans nos cœurs, nous considerons cette mesme bonté pour contenter nostre amour, qui ne se peut assouvir de tous-jours voir ce qu'il ayme.

  A004000988 

 Il est vray, Theotime, que comme l'ancien Joseph fut la couronne et la gloire de son pere, luy donna un grand accroissement d'honneurs et de contentemens et le fit rajeunir en sa viellesse, ainsy la contemplation couronne son pere, qui est l'amour, le perfectionne et luy donne le comble d'excellence; car l'amour ayant excité en nous l'attention contemplative, cette attention fait naistre reciproquement un plus grand et fervent amour, lequel en fin est couronné de perfections lhors qu'il jouit de ce qu'il ayme.

  A004000988 

 L'amour nous fait plaire en la veüe de nostre Bienaymé, et la veüe du Bienaymé nous fait plaire en son divin amour: en sorte que par ce mutuel mouvement de l'amour a la veüe et de la veüe a l'amour, comme l'amour rend plus belle la beauté de la chose aymee, aussi la veüe d'icelle rend l'amour [313] plus amoureux et delectable.

  A004000992 

 Mais qui a plus de force, je vous prie, ou l'amour pour faire regarder le Bienaymé ou la veüe pour le faire aymer? Theotime, la connoissance est requise a la production de l'amour, car jamais nous ne sçaurions aymer ce que nous ne connoissons pas; et a mesure que la connoissance attentive du bien s'augmente, l'amour aussi prend davantage de croissance, pourveu qu'il n'y ayt rien qui empesche son mouvement.

  A004000992 

 Mays neanmoins, il arrive maintefois que la connoissance ayant produit l'amour sacré, l'amour ne s'arrestant pas dans les bornes de la connoissance qui est en l'entendement, passe outre et s'avance bien fort au dela d'icelle: si que, en cette vie mortelle, nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance de Dieu; dont le grand saint Thomas asseure que souvent «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour divin que les habiles gens et sçavans.

  A004000993 

 Le fameux abbé de Saint André de Verceil, maistre de saint Anthoine de Padoüe, en ses Commentaires sur saint Denys, repete plusieurs fois que «l'amour penetre ou la science exterieure ne sçauroit atteindre,» et dit que «plusieurs Evesques ont jadis penetré le mistere de la Trinité, quoy qu'ilz ne fussent pas doctes;» admirant sur ce propos son disciple saint Anthoine de Padoüe «qui, sans science mondayne, avoit une si profonde theologie mistique, que comme un autre saint Jean Baptiste on le pouvoit nommer une lampe luisante et ardente.» «Le bienheureux frere Gilles, des premiers compaignons de saint François, dit un jour a saint Bonaventure: O que vous estes heureux, vous autres doctes, car vous sçaves maintes choses par lesquelles vous loües Dieu; mays nous autres idiotz que ferons nous? Et saint Bonaventure respondit: La grace de pouvoir aymer Dieu suffit.

  A004000994 

 Si que la connoissance du bien donne la naissance a l'amour, mais non pas la mesure; comme nous voyons que la connoissance d'une injure esmeut la cholere, laquelle, si elle n'est soudain estouffee, devient presque tous-jours plus grande que le sujet ne requiert: les passions ne suivant pas la connoissance qui les esmeut, mais la laissant bien souvent en arriere, elles s'avancent sans mesure ni limite quelcomque devers leur object..

  A004000995 

 Nous fouissons la terre pour treuver l'or et l'argent, employans une peyne presente pour un bien qui n'est encor qu'esperé, de sorte que la connoissance incertaine nous met en un travail present et reel; puis, a mesure que nous descouvrons la veine de la miniere, nous en cherchons tous-jours davantage et plus ardemment.

  A004000995 

 Or cela arrive encor plus fortement en l'amour sacré, d'autant que nostre volonté n'y est pas appliquee par une connoissance naturelle, mays par la lumiere de la foy, laquelle nous asseurant de l'infinité du bien qui est en Dieu, nous donne asses de sujet de l'aymer de tout nostre pouvoir.

  A004000995 

 Un bien petit sentiment eschauffe la meute a la queste; ainsy, cher Theotime, une connoissance obscure, environnee de beaucoup de nuages, comme est celle de la foy, nous affectionne infiniment a l'amour de la bonté qu'elle nous fait appercevoir.

  A004000996 

 A vostre advis, Theotime, qui aymeroit plus la lumiere, ou l'aveugle né qui sçauroit tous les discours que les philosophes en font et toutes les louanges qu'ilz luy donnent, ou le laboureur qui d'une veüe bien claire sent et ressent l'aggreable splendeur du beau soleil levant? Celuy-la en a plus de connoissance, et celuy-ci plus de jouissance; et cette jouissance produit un amour [316] bien plus vif et animé que ne fait la simple connoissance du discours, car l'experience d'un bien nous le rend infiniment plus aymable que toutes les sciences qu'on en pourroit avoir.

  A004000996 

 Nous commençons d'aymer par la connoissance que la foy nous donne de la bonté de Dieu, laquelle par apres nous savourons et goustons par l'amour, et l'amour aiguise nostre goust et nostre goust affine nostre amour: si que, comme nous voyons entre les effortz des vens les ondes s'entrepresser et s'eslever plus haut, comme a l'envi, par le rencontre qu'elles font l'une de l'autre, ainsy le goust du bien en rehausse l'amour et l'amour en rehausse le goust, selon que la divine Sagesse a dit: Ceux qui me goustent auront encor appetit, et ceux qui me boivent seront encor alterés.

  A004000997 

 Nous aymons extremement les sciences avant que nous les sçachions, dit saint Thomas, «par la seule connoissance confuse et sommaire que nous en avons:» et il faut dire de mesme, que la connoissance de la bonté divine applique nostre volonté a l'amour; mais despuis que la volonté est en train, son amour va de soy mesme croissant par le playsir qu'il sent de s'unir a ce souverain bien.

  A004001002 

 La meditation considere par le menu et comme piece a piece les objectz qui sont propres a nous esmouvoir; mays la contemplation fait une veüe toute simple et ramassee sur l'object qu'elle ayme, et la consideration ainsy unie fait aussi un mouvement plus vif et fort.

  A004001002 

 La premiere sorte ressemble a la meditation, en laquelle nous considerons, par exemple, les effectz de la misericorde divine, pour nous exciter a son amour; mays la seconde est semblable [318] a la contemplation, en laquelle nous regardons, d'un seul trait arresté de nostre esprit, toute la varieté des mesmes effectz comme une seule beauté composee de toutes ces pieces qui font un seul brillant de splendeur.

  A004001002 

 Nous contons en meditant, ce semble, les perfections divines que nous voyons en un mistere; mais en contemplant nous en faysons une somme totale.

  A004001005 

 Apres que nous avons esmeu une grande quantité de diverses affections pieuses, par la multitude des considerations dont la meditation est composee, nous assemblons en fin la vertu de toutes ces affections; lesquelles de la confusion et meslange de leurs forces font naistre une certaine quintessence d'affection, et d'affection plus active et puissante que toutes les affections desquelles elle procede, d'autant qu'encor qu'elle ne soit qu'une, elle comprend la vertu et proprieté de toutes les autres, et se nomme affection contemplative..

  A004001006 

 Et le grand saint Augustin, suivi par saint Thomas, dit qu'au Ciel nous n'aurons pas ces grandes vicissitudes, varietés, changemens et retours de pensees et cogitations «qui vont et reviennent d'object en object et de chose a autre; ains, qu'avec une seule pensee nous pourrons estre attentifs a la diversité de plusieurs choses» et en recevoir la connoissance.

  A004001010 

 Quelquefois nous regardons seulement a quelqu'une des perfections de Dieu, comme, par exemple, a son infinie bonté, sans penser aux autres attributz ou vertus d'iceluy; comme un espoux arrestant simplement sa veüe sur le beau teint de son espouse, qui par ce moyen regarderoit voirement tout son visage, d'autant que le teint est respandu sur presque toutes les pieces d'iceluy, et toutefois ne seroit attentif, ni aux traitz, ni a la grace, ni aux autres parties de la beauté: car de mesme quelquefois, l'esprit regardant la bonté souveraine de la Divinité, bien qu'il voye en icelle la justice, la sagesse, la puissance, il n'est neanmoins en attention que pour la bonté, a laquelle la simple veüe de sa contemplation s'addresse..

  A004001011 

 Quelquefois aussi nous sommes attentifs a regarder en Dieu plusieurs de ses infinies perfections, mais d'une veüe simple et sans distinction; comme celuy qui d'un trait d'œil, passant sa veüe des la teste jusques aux pieds de son espouse richement paree, auroit attentivement tout veu en general et rien en particulier, ne [322] sçachant bonnement dire, ni quel carquant ni quelle robbe elle portoit, ni quelle contenance elle tenoit ou quel regard elle faisoit, ains seulement que tout y estoit beau et aggreable: car ainsy, par la contemplation, 0u tire maintefois un seul trait de simple consideration sur plusieurs grandeurs et perfections divines tout ensemble; et n'en sçauroit-on toutefois dire chose quelcomque en particulier, sinon que tout est parfaitement bon et beau..

  A004001012 

 Et en fin, nous regardons d'autres fois, non plusieurs ni une seule des perfections divines, ains seulement quelqu'action ou quelqu'œuvre divine a laquelle nous sommes attentifs; comme, par exemple, a l'acte de la misericorde par lequel Dieu pardonne les pechés, ou a l'acte de la creation, ou de la resurrection du Lazare, ou de la conversion de saint Paul: ainsy qu'un espoux qui ne regarderoit pas les yeux, ains seulement la douceur du regard que son espouse jette sur luy, ne considereroit point sa bouche, mais la suavité des paroles qui en sortent.

  A004001015 

 Sainte et sacree ivresse, qui, au contraire de la corporelle, nous aliene non du sens spirituel mais des sens corporelz; qui ne nous hebete ni abestit pas, ains nous angelise et, par maniere de dire, divinise; qui nous met hors de nous, non pour nous ravaler et ranger avec les bestes, comme fait l'ivresse terrestre, mais pour nous eslever au dessus de nous et nous ranger avec les Anges, en sorte que nous vivions plus en Dieu qu'en nous mesmes, estans attentifs et occupés par amour a voir sa beauté et nous unir a sa bonté..

  A004001016 

 Or, d'autant que pour parvenir a la contemplation nous avons pour l'ordinaire besoin d'ouïr la sainte parole, de faire des devis et colloques spirituelz avec les autres, a la façon des anciens anachoretes, de lire des livres devotz, de prier, mediter, chanter des cantiques, former des bonnes pensees; pour cela la sainte contemplation estant la fin et le but auquel tous ces exercices tendent, ilz se reduisent tous a elle, et ceux qui les prattiquent sont appellés contemplatifs; comme aussi cette sorte d'occupation est nommee vie contemplative a rayson de l'action de nostre entendement, par laquelle nous regardons la verité de la beauté et bonté divine avec une attention amoureuse, c'est a dire avec un amour qui nous rend attentifs, ou bien avec une attention qui provient de l'amour et augmente l'amour que nous avons envers l'infinie suavité de Nostre Seigneur.

  A004001020 

 Celuy, dit la bienheureuse Mere Therese de Jesus, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement se fait comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes se retirent au dedans d'elles mesmes quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, ains il nous advient quand il plait a Dieu de nous faire cette grace..

  A004001020 

 Je ne parle pas icy, Theotime, du recueillement par lequel ceux qui veulent prier se mettent en la presence de Dieu, rentrans en eux mesmes, et retirans, par maniere de dire, leur ame dedans leur cœur pour parler a Dieu; car ce recueillement se fait par le commandement de l'amour, qui, nous provoquant a l'orayson, nous fait prendre ce moyen de la bien faire, de sorte que nous faysons nous mesmes ce retirement de nostre esprit.

  A004001020 

 Mais le recueillement duquel j'entens de parler ne se fait pas par le commandement de l'amour, ains par l'amour mesme; c'est a dire, nous ne le faysons pas nous mesmes par election, d'autant qu'il n'est pas en nostre pouvoir de l'avoir quand nous voulons et ne depend pas de nostre soin, mays Dieu le fait en nous, quand il luy plait, par sa tressainte grace.

  A004001025 

 C'en est de mesme en cette sorte de recueillement de laquelle nous parlons; car a la seule presence de Dieu, au seul sentiment que nous avons qu'il nous regarde, ou des le Ciel ou de quelqu'autre lieu hors de nous, bien que pour lhors nous ne pensions pas a l'autre sorte de presence par laquelle il est en nous, nos facultés et puissances se ramassent et assemblent en nous mesmes pour la reverence de sa divine Majesté, que l'amour nous fait craindre d'une crainte d'honneur et de respect.

  A004001025 

 Il arrive quelquefois que toutes nos puissances interieures se resserrent et ramassent en elles mesmes, par l'extreme reverence et douce crainte qui nous saisit en consideration de la souveraine majesté de Celuy qui nous est present et nous regarde; ainsy que, pour distraitz que nous soyons, si le Pape ou quelque grand prince comparoit, nous revenons a nous mesmes et retournons nos pensees sur nous, pour nous tenir en contenance et respect.

  A004001025 

 Mays ce doux recueillement de nostre ame en soy mesme ne se fait pas seulement par le sentiment de la presence divine au milieu de nostre cœur, ains en quelle maniere que ce soit que nous nous mettions en cette sacree presence.

  A004001032 

 Et ce qui est encor plus admirable, c'est que la volonté n'apperçoit point cet ayse et contentement qu'elle reçoit, jouissant insensiblement d'iceluy; d'autant qu'elle ne pense pas a soy, mais a Celuy la presence duquel luy donne ce playsir: comme il arive maintefois que, surpris d'un leger sommeil, nous entr'oyons seulement ce que nos amis disent autour de nous ou ressentons les caresses qu'ilz nous font, presque imperceptiblement, sans sentir que nous sentons..

  A004001047 

 Il y a bien de la difference, Theotime, entre s'occuper en Dieu qui nous donne du [336] contentement, et s'amuser au contentement que Dieu nous donne..

  A004001048 

 Et comme l'enfant qui, pour voir ou il a ses pieds, a osté sa teste du sein de sa mere, y retourne tout incontinent parce qu'il est fort mignard, ainsy faut il que si nous nous appercevons d'estre distraitz par la curiosité de sçavoir ce que nous faysons en l'orayson, soudain nous remettions nostre cœur en la douce et paysible attention de la presence de Dieu, de laquelle nous estions divertis.

  A004001049 

 Certes, nous avons veu une ame extremement attachee et jointe a son Dieu, laquelle neanmoins avoit l'entendement et la memoire tellement [337] libre de toute occupation interieure, qu'elle entendoit fort distinctement ce qui se disoit autour d'elle et s'en resouvenoit fort entierement, encor qu'il luy fut impossible de respondre ni de se desprendre de Dieu, auquel elle estoit attachee par l'application de sa volonté.

  A004001049 

 Mais je dis tellement attachee, qu'elle ne pouvoit estre retiree de cette douce occupation sans en recevoir une grande douleur qui la provoquoit a des gemissemens, lesquelz mesme elle faisoit au plus fort de sa consolation et quietude; comme nous voyons les petitz enfans grommeler et faire des petitz plaintz quand ilz ont ardemment desiré le lait et qu'ilz commencent a tetter; ou comme fit Jacob qui, en baysant.

  A004001054 

 Suivant ce que nous avons dit, la sainte quietude a donq divers degrés: car quelquefois elle est en toutes les puissances de l'ame, jointes et unies a la volonté; quelquefois elle est seulement en la volonté, en laquelle elle est aucunes fois sensiblement et d'autres fois imperceptiblement, d'autant qu'il arrive parfois que l'ame tire un contentement incomparable de sentir, par certaines douceurs interieures, que Dieu luy est present, comme il advint a sainte Elizabeth quand Nostre Dame la visita; et d'autres fois l'ame a une certaine ardente suavité d'estre en la presence de Dieu, laquelle pour lhors luy est imperceptible, comme il advint aux disciples pelerins qui ne s'apperceurent bonnement de l'aggreable playsir dont ilz estoyent touchés, marchans avec Nostre Seigneur, sinon quand ilz furent arrivés et qu'ilz l'eurent reconneu en la divine fraction du pain..

  A004001056 

 Ains on se maintient en la [340] presence de Dieu, non seulement l'escoutant, ou le regardant, ou luy parlant, mais aussi attendant s'il luy plaira de nous regarder, de nous parler, ou de nous faire parler a luy; ou bien encor ne faysant rien de tout cela, mais demeurant simplement ou il luy plaist que nous soyons et parce qu'il luy plaist que nous y soyons.

  A004001056 

 Que si, a cette simple façon de demeurer devant Dieu, il luy plaist d'adjouster quelque petit sentiment que nous sommes tout siens et qu'il est tout nostre, o Dieu, que ce nous est une grace desirable et pretieuse!.

  A004001058 

 Nous avons donq esté la, en la presence de son bon playsir, quoy que sans le voir et sans nous en appercevoir; si que nous pourrions dire, a l'imitation de Jacob: Vrayement j'ay dormi aupres de mon Dieu et entre les bras de sa divine presence et providence, et je n'en sçavois rien..

  A004001058 

 O vray Dieu, que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, d'estre et vouloir tous-jours et a jamais estre en son bon playsir! car ainsy, comme je pense, en toutes occurrences, ouy mesme en dormant profondement, nous sommes encor plus profondement en la tressainte presence de Dieu.

  A004001058 

 Ouy certes, Theotime, car si nous l'aymons, nous nous endormons non seulement a sa veue mais a son gré, et non seulement par sa volonté mais selon sa volonté; et semble que ce soit luy mesme, nostre Createur et Sculpteur celeste, qui nous jette la sur nos litz, comme des statues dans leurs niches, affin que nous nichions dans nos litz comme les oyseaux couchent dans leurs nids; puis a nostre resveil, si nous y pensons bien, nous treuvons que Dieu nous a tous-jours esté present, et que nous ne nous sommes pas non plus esloignés ni separés de luy.

  A004001064 

 L'ame n'en est pas de mesme par nature, car elle a ses figures et ses bornes propres: elle a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes par sa propre volonté; et quand elle est arrestee a ses inclinations et volontés propres, nous disons qu'elle est dure, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, c'est a dire, je vous [343] osteray vostre obstination.

  A004001066 

 Et comme nous voyons que les nuees espaissies par le vent de midy, se fondant et convertissant en pluie ne peuvent plus demeurer en elles mesmes, ains tumbent et s'escoulent en bas, se meslant si intimement avec la terre qu'elles destrempent qu'elles ne sont plus qu'une mesme chose avec icelle, ainsy l'ame laquelle, quoy qu'amante, demeuroit encor en elle mesme, sort par cet escoulement sacré et fluidité sainte, et se quitte soy mesme, non seulement pour s'unir au Bienaymé, mais pour se mesler toute et se destremper avec luy..

  A004001072 

 Nous ne haïssons le mal sinon parce qu'il est contraire au bien que nous aymons; nous craignons le mal futur parce qu'il nous privera du bien que nous aymons.

  A004001072 

 Qu'un mal soit extreme, nous ne le haïssons neanmoins jamais, sinon a mesure que nous cherissons le bien auquel il est opposé.

  A004001073 

 Certes, Theotime, l'amour est ainsy aigredoux, et tandis que nous sommes en ce monde il n'a jamais une douceur parfaittement douce, parce qu'il n'est pas parfait ni jamais purement assouvi et satisfait; et neanmoins il ne laisse pas d'estre grandement aggreable, son aigreur affinant la suavité de sa douceur comme sa douceur aiguise la grace de son aigreur.

  A004001073 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains si bien serrés et rangés, et par leurs belles couronnes, representent naifvement, ainsy que dit saint Gregoire, la tressainte charité, toute vermeille a cause de son ardeur envers Dieu, comblee de toute la varieté des vertus, et qui seule obtient et porte la couronne des recompenses eternelles; mays le suc des grenades, qui, comme nous sçavons, est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé d'aigreur et de douceur, qu'on ne sçauroit discerner s'il res-jouit le goust ou bien parce qu'il a son aigreur doucette, ou bien parce qu'il a une douceur aigrette.

  A004001075 

 Le desir pique et blesse incessamment le cœur dans lequel il est, comme nous avons dit.

  A004001075 

 Les premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, parce que le cœur qui sembloit sain, entier et tout a soy mesme tandis qu'il n'aymoit pas, commence, lhors qu'il est atteint d'amour, a se separer et diviser de soy mesme pour se donner a l'objet aymé: or cette division ne se peut faire sans douleur, puisque la douleur n'est autre chose que la division des choses vivantes qui se tiennent l'une a l'autre.

  A004001081 

 Jamais nous ne blessons un cœur de la blesseure d'amour, que nous n'en soyons soudain blessés nous mesmes.

  A004001081 

 Les avettes ne blessent jamais qu'elles ne demeurent blessees a mort: voyans aussi le Sauveur de nos ames blessé d'amour pour nous jusques a la mort, et la mort de la croix, comme pourrions-nous n'estre pas blessés pour luy! mais je dis blessés d'une playe d'autant plus douloureusement amoureuse que la sienne a esté amoureusement douloureuse, et que jamais nous ne le pouvons tant aymer que son amour et sa mort le requierent.

  A004001084 

 Quelquefois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir que nous avons d'avoir esté jadis sans aymer Dieu: «O que tard je vous ay aymé, Beauté antique et nouvelle!» disoit ce Saint qui avoit esté trente ans heretique.

  A004001085 

 Et le grand saint François, pensant ne point estre entendu, pleuroit un jour, sanglottoit et se lamentoit si fort, qu'un bon personnage l'oyant, accourut comme au secours de quelqu'un qu'on voulut esgorger, et le voyant tout seul il luy demanda: Pourquoy cries tu ainsy, pauvre homme? Helas, dit il, «je pleure dequoy Nostre Seigneur a tant enduré pour l'amour de nous, et personne n'y pense!» Et ces paroles dites, il recommença ses larmes, et ce bon personnage se mit aussi a gemir et pleurer avec luy.

  A004001085 

 L'amour mesme nous blesse quelquefois par la seule consideration de la multitude de ceux qui mesprisent l'amour de Dieu, si que nous pasmons de detresse pour ce sujet, comme faysoit celuy qui disoit: Mon zele, o Seigneur, m'a fait secher de douleur parce que mes ennemis n'ont pas gardé ta loy.

  A004001091 

 Certes, je sçai bien, Theotime, que Platon parloit ainsy de l'amour abject, vil et chetif des mondains, mays neanmoins ces proprietés ne laissent pas de se treuver en l'amour celeste et divin; car, voyes un peu ces premiers maistres de la doctrine chrestienne, c'est a dire ces premiers docteurs du saint amour evangelique, et oyes ce que disoit l'un d'entr'eux qui avoit le plus eu de travail: Jusques a maintenant, dit-il, nous avons faim et soif, et sommes nuds, et sommes souffletés, [356] et sommes vagabonds; nous sommes rendus comme les ballieures de ce monde et comme la racleure et peleure de tous.

  A004001091 

 Comme s'il disoit: Nous sommes tellement abjectz, que si le monde est un palais nous en sommes estimés les ballieures; si le monde est une pomme nous en sommes la racleure.

  A004001093 

 Certes, Theotime, quand les blesseures et playes de l'amour sont frequentes et fortes, elles nous mettent en langueur et nous donnent la bien aymable maladie d'amour.


05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A005000027 

 De l'amour de conformité par lequel nous unissons nostre volonté a celle de Dieu qui nous est signifiee par ses commandemens conseilz et inspirations.

  A005000030 

 Chapitre III. Comme nous nous devons conformer a la divine volonté que l'on appelle signifiee.

  A005000031 

 Chapitre IV. De la conformité de nostre volonté avec celle que Dieu a de nous sauver.

  A005000032 

 Chapitre V. De la conformité de nostre volonté a celle de Dieu, qui nous est signifiee par ses commandemens 33.

  A005000033 

 Chapitre VI. De la conformité de nostre volonté a celle que Dieu nous a signifiee par ses conseilz.

  A005000034 

 Chapitre VII. Que l'amour de la volonté de Dieu signifiee es commandemens nous porte a l'amour des conseilz 36.

  A005000037 

 Chapitre X. Comme il se faut conformer a la volonté divine qui nous est signifiee par les inspirations, et premièrement de la variété des moyens par lesquelz Dieu nous inspire.

  A005000049 

 Chapitre VII. De l'indiference que nous devons prattiquer en ce qui regarde nostre avancement es vertus 57.

  A005000050 

 Chapitre VIII. Comme nous devons unir nostre volonté a celle des Dieu en la permission des péchés 59.

  A005000057 

 Chapitre XV. Du plus excellent exercice que nous puissions faire parmi les peines intérieures et extérieures de cette vie, en suite de l'indifference et trespas de la volonté.

  A005000060 

 De la douceur du commandement que Dieu nous a fait de l'aymer sur toutes choses 72.

  A005000064 

 Chapitre V. De deux autres degrés de plus grande perfection avec lesquelz nous pouvons aymer Dieu sur toutes choses.

  A005000069 

 Chapitre X. Comme nous devons aymer la divine Bonté souverainement plus que nous mesmes.

  A005000072 

 Chapitre XIII. Comme Dieu set jaloux de nous.

  A005000073 

 Chapitre XIV. Du zele ou jalousie que nous avons pour Nostre Seigneur.

  A005000090 

 Chapitre XIII. Comme nous devons reduire toute la prattique des vertus et de nos actions au saint amour 119.

  A005000103 

 Chapitre IV. Que les occupations légitimés ne nous empeschent point de prattiquer le divin amour.

  A005000109 

 Chapitre X. Exhortation au sacrifice que nous devons faire a Dieu de nostre franc arbitre.

  A005000110 

 Chapitre XI. Des motifs que nous avons pour le saint amour.

  A005000142 

 Du suprem'effect de l'amour, qui est de nous faire mourir et ceux qui sont mortz d'amour 198.

  A005000157 

 Car il y a, certes, difference entre unir et joindre une chose a l'autre, et serrer ou presser une chose contre une autre ou sur une autre: d'autant que pour joindre et unir il n'est besoin que d'une simple application d'une chose a l'autre, en sorte qu'elles se touchent et soyent ensemble, ainsy que nous joignons les vignes aux ormeaux, et les jasmins aux treilles des berceaux que l'on fait es jardins; mais pour serrer et [5] presser il faut faire une application forte qui accroisse et augmente l'union: de sorte que serrer c'est intimement et fortement joindre, comme nous voyons que le lierre se joint aux arbres; car il ne s'unit pas seulement, mais il se presse et serre si fort à eux, que mesme il penetre et entre dans leurs escorces..

  A005000157 

 Nous ne parlons pas icy de l'union generale du cœur avec son Dieu, mais de certains actes et mouvemens particuliers que l'ame recueillie en Dieu fait par maniere d'orayson, affin de s'unir et joindre de plus en plus a sa divine bonté.

  A005000160 

 Nous usons mesme de ce mot, selon nostre langage, es choses morales: il me presse de faire cecy ou cela, il me presse de demeurer; c'est a dire, il n'employe pas seulement sa persuasion ou sa priere, mais il l'employe avec contention et effort: comme firent les pelerins en Emaüs, qui non seulement supplierent Nostre Seigneur, mais le presserent et serrerent a force, le contraignant d'une amoureuse violence d'arrester au logis avec eux..

  A005000162 

 Et puisque c'est une verité indubitable que le divin amour, tandis que nous sommes en ce monde, est un mouvement, ou au moins une habitude active et tendante au mouvement, lhors mesme qu'il est parvenu [8] a la simple union il ne laisse pas d'agir, quoy qu'imperceptiblement, pour l'accroistre et perfectionner de plus en plus..

  A005000162 

 Mais d'autres fois l'union se fait, non par des eslancemens repetés, ains par maniere d'un continuel insensible pressement et avancement du cœur en la divine bonté; car, comme nous voyons qu'une grande et pesante masse de plomb, d'airain ou de pierre, quoy qu'on ne la pousse point, se serre, enfonce et presse tellement contre la terre sur laquelle elle est posee, qu'en fin avec le tems on la treuve toute enterree, a cause de l'inclination de son poids qui par sa pesanteur la fait tous-jours tendre au centre, ainsy nostre cœur estant une fois joint a son Dieu, s'il demeure en cette union et que rien ne l'en divertisse, il va s'enfonçant continuellement, par un insensible progres d'union, jusques a ce qu'il soit tout en Dieu, a cause de l'inclination sacree que le saint amour luy donne, de s'unir tous-jours davantage a la souveraine bonté: car, comme dit le grand apostre de France, «l'amour est une vertu unitive,» c'est a dire, qui nous porte a la parfaite union du souverain bien.

  A005000163 

 Ainsy un sentiment de dilection, comme par exemple: Que Dieu est bon! estant entré dedans le cœur, d'abord il fait l'union avec cette bonté; mais estant entretenu un peu longuement, comme un parfum pretieux il penetre de tous costés l'ame, il se respand et dilate dans nostre volonté, et, par maniere de dire, il s'incorpore avec nostre esprit, se joignant et serrant de toutes pars de plus en plus a nous et nous unissant a luy.

  A005000163 

 Et c'est ce que nous enseigne le grand David quand il compare les sacrees paroles au miel; car, qui ne sçait que la douceur du miel s'unit de plus en plus a nostre sens par un progres continuel de savourement, lhors que le tenans longuement en la bouche, ou que l'avalans tout bellement, sa saveur penetre plus avant le sens de nostre goust? Et de mesme ce sentiment de la bonté celeste, exprimé par cette parole de saint Bruno: O Bonté! ou par celle de saint Thomas: Mon [9] Seigneur et mon Dieu! ou par celle de Magdeleine: Hé mon Maistre! ou par celle de saint François: «Mon Dieu et mon tout!» ce sentiment, dis je, demeurant un peu longuement dedans un cœur amoureux, il se dilate, il s'estend et s'enfonce par une intime penetration en l'esprit, et de plus en plus le detrempe tout de sa saveur, qui n'est autre chose qu'accroistre l'union; comme fait l'onguent pretieux ou le baume, qui, tumbant sur le coton, se mesle et s'unit tellement de plus en plus, petit a petit, avec iceluy, qu'en fin on ne sçauroit plus dire si le coton est parfumé ou s'il est parfum, ni si le parfum est coton ou le coton parfum.

  A005000168 

 L'union se fait quelquefois sans que nous y cooperions, sinon par une simple suite, nous laissans unir sans resistance a la divine bonté; comme un petit enfant amoureux du sein de sa mere, mais tellement alangouri qu'il ne peut faire aucun mouvement pour y aller ni pour se serrer quand il y est, mais seulement est bien [10] ayse d'estre pris et tiré entre les bras de sa mere et d'estre pressé par elle sur sa poitrine..

  A005000169 

 Quelquefois nous cooperons, lhors qu'estans tirés nous courons volontier pour seconder la douce force de la bonté qui nous tire et nous serre a soy par son amour..

  A005000170 

 Car ainsy, lhors que nous voyons nostre esprit s'unir de plus en plus a Dieu sous des petitz effortz que nostre volonté fait, nous jugeons bien que nous avons trop peu de vent pour singler si fort, et qu'il faut que l'Amant de nos ames nous tire par l'influence secrette de sa grace, laquelle il veut nous estre imperceptible affin qu'elle nous soit plus admirable, et que, sans [11] nous amuser a sentir ses attraitz, nous nous occupions plus purement et simplement a nous unir a sa bonté..

  A005000170 

 Et quelquefois aussi, comme il nous a attirés insensiblement a l'union, il continue insensiblement a nous ayder et secourir, et nous ne sçavons comme une si grande union se fait, mais nous sçavons bien que nos forces ne sont pas asses grandes pour la faire: si que nous jugeons bien par la que quelque secrette puissance fait son insensible action en nous; comme les nochers qui portent du fer, lhors que, sous un vent fort foible, ilz sentent leurs vaysseaux singler puissamment, connoissent qu'ilz sont proches des montaignes de l'aymant qui les tirent imperceptiblement, et voyent en cette sorte un connoissable et perceptible avancement provenant d'un moyen inconneu et imperceptible.

  A005000170 

 Mais quand, suivans ses attraitz imperceptibles, nous commençons a nous unir a luy, il fait quelquefois le progres de nostre union, secourant nostre imbecillité et se serrant sensiblement luy mesme a nous: si que nous le sentons qu'il entre et penetre nostre cœur par une suavité incomparable.

  A005000170 

 Quelquefois il nous semble que nous commençons a nous joindre et serrer a Dieu avant qu'il se joigne a nous, parce que nous sentons l'action de l'union de nostre costé sans sentir celle qui se fait de la part de Dieu; lequel toutefois, sans doute, nous previent tous-jours, bien que tous-jours nous ne sentions pas sa prevention, car s'il ne s'unissoit a nous, jamais nous ne nous unirions a luy; il nous choisit et saisit tous-jours avant que nous le choisissions ni saisissions.

  A005000171 

 Aucunes fois cette union se fait si insensiblement que nostre cœur ne sent ni l'operation divine en nous ni nostre cooperation, ains il treuve la seule union insensiblement toute faite, a l'imitation de Jacob, qui, sans y penser, se treuva marié avec Lia; ou plustost comme un autre Samson, mais plus heureux, il se treuve lié et serré des cordes de la sainte union sans que nous nous en soyons apperceus.

  A005000171 

 D'autres fois nous sentons les serremens, l'union se faysant par des actions sensibles, tant de la part de Dieu que de la nostre..

  A005000172 

 Quelquefois l'union se fait par la seule volonté et en la seule volonté, et aucunes fois l'entendement y a sa part, parce que la volonté le tire apres soy et l'applique a son object, luy donnant un playsir special d'estre fiché a le regarder; comme nous voyons que l'amour respand une profonde et speciale attention en nos yeux corporelz pour les arrester a voir ce que nous aymons..

  A005000175 

 Et affin qu'on sçache que si on la tire un peu fortement par la volonté, toutes les puissances de l'ame se porteront a l'union: Tirés moy, dit-elle, et nous courrons; l'Espoux n'en tire qu'une, et plusieurs courent a l'union; la volonté est la seule que Dieu veut, mais toutes les autres puissances courent apres elle pour estre unies a Dieu avec elle..

  A005000175 

 Et pour monstrer que tous-jours toute l'union se fait par la grace de Dieu, qui nous tire a soy et par ses attraitz esmeut nostre ame et anime le mouvement de nostre union envers luy, elle s'escrie, comme toute impuissante: Tirés moy; mais pour tesmoigner qu'elle ne se laissera pas tirer comme une pierre ou comme un forçat, ains qu'elle cooperera de [13] son costé et meslera son foible mouvement parmi les puissans attraitz de son Amant: nous courrons, dit-elle, a l'odeur de vos parfums.

  A005000175 

 Mais ailleurs elle confesse d'estre prevenue, disant: Mon cher Ami est tout a moy, et moy je suis toute sienne; nous faysons une sainte union, par laquelle il se joint a moy, et moy je me joins a luy.

  A005000176 

 Pour bien imprimer un cachet sur la cire, on ne le joint pas seulement, mais on le presse bien serré; ainsy veut-il que nous nous unissions a luy d'une union si forte et pressee que nous demeurions marqués de ses traitz..

  A005000177 

 Le saint amour du Sauveur nous presse.

  A005000177 

 Theotime, cette union sacramentelle nous sollicite et nous ayde a la spirituelle de laquelle nous parlons.

  A005000181 

 Soit donques que l'union de nostre ame avec Dieu se face imperceptiblement, soit qu'elle se face perceptiblement, Dieu en est tous-jours l'autheur, et nul ne peut s'unir a luy s'il ne va a luy, ni nul ne peut aller a luy s'il n'est tiré par luy, comme tesmoigne le divin Espoux, disant: Nul ne peut venir a moy sinon que mon Pere le tire; ce que sa celeste Espouse proteste aussi, disant: Tirés moy, nous courrons a l'odeur de vos parfums..

  A005000186 

 Or, la bienheureuse Mere Therese dit excellemment, que l'union estant parvenue jusqu'a cette perfection que de nous tenir pris et attachés avec Nostre Seigneur, elle n'est point differente du ravissement, suspension ou pendement d'esprit; mais qu'on l'appelle seulement union, ou suspension, ou pendement, quand elle est courte, et quand elle est longue on l'appelle extase ou ravissement: d'autant qu'en effect, l'ame attachee a son Dieu si fermement et si serree qu'elle n'en puisse pas aysement estre desprise, elle n'est plus en soy mesme, mais en Dieu; non plus qu'un cors crucifié n'est plus en soy mesme, mais en la croix, et que le lierre attaché a la muraille n'est plus en soy, mais en la muraille..

  A005000187 

 Or, nous ne parlons pas de cette union qui est permanente en nous par maniere d'habitude, soit que nous dormions, soit que nous veillions; nous parlons de l'union qui se fait par l'action et qui est un des exercices de la charité et dilection.

  A005000192 

 Et bien que les attraitz par lesquelz nous sommes attirés de la part de Dieu soyent admirablement doux, suaves et delicieux, si est-ce qu'a cause de la force que la beauté et bonté divine a pour tirer a soy l'attention et application de l'esprit, il semble que non seulement elle nous esleve, mays qu'elle nous ravit et emporte; comme au contraire, a rayson du tres volontaire consentement et ardent mouvement par lequel l'ame ravie s'escoule apres les attraitz divins, il semble que non seulement elle monte et s'esleve, mais qu'elle se jette et s'eslance hors de soy en la Divinité mesme.

  A005000192 

 L'extase s'appelle ravissement, d'autant que par icelle Dieu nous attire et esleve a soy; et le ravissement s'appelle extase, entant que par iceluy nous sortons et demeurons hors et au dessus de nous mesmes pour nous unir a Dieu.

  A005000193 

 L'admiration se fait en nous par le rencontre d'une verité nouvelle que nous ne connoissions pas ni n'attendions pas de connoistre; et si a la nouvelle verité que nous rencontrons est jointe la beauté et bonté, l'admiration qui en provient est grandement delicieuse.

  A005000194 

 Et d'autant que cette admiration, quand elle est forte, nous tient hors et au dessus de nous mesmes par la vive attention et application de nostre entendement aux choses celestes, elle nous porte par consequent en l'extase..

  A005000199 

 Comme beau, comblant nostre entendement de delices, il respand son amour dans nostre volonté; comme bon, remplissant nostre volonté de son amour, il excite nostre entendement a le contempler, [23] l'amour nous provoquant a la contemplation et la contemplation a l'amour: dont il s'ensuit que l'extase et le ravissement depend totalement de l'amour, car c'est l'amour qui porte l'entendement a la contemplation et la volonté a l'union.

  A005000200 

 Il est vray que, comme j'ay des-ja signifié, l'entendement entre quelquefois en admiration voyant la sacree delectation que la volonté a en son extase, comme la volonté reçoit souvent de la delectation appercevant l'entendement en admiration; de sorte que ces deux facultés s'entrecommuniquent leurs ravissemens, le regard de la beauté nous la faisant aymer, et l'amour nous la faisant regarder.

  A005000201 

 Or, l'extase de l'admiration estant seule ne nous fait pas meilleurs, suivant ce qu'en dit celuy qui avoit esté ravi en extase jusques au troisiesme ciel: Si je connoissois, dit-il, tous les misteres et toute la science, et je n'ay pas la charité, je ne suis rien.

  A005000207 

 L'entiere observation des commandemens de Dieu n'est pas dans l'enclos des forces humaines, mais elle est bien pourtant dans les confins de l'instinct de l'esprit humain, comme tres conformes a la rayson et lumiere naturelle: de sorte que, vivans selon les commandemens de Dieu, nous ne sommes pas pour cela hors de nostre inclination naturelle.

  A005000207 

 La seconde marque des vrayes extases consiste en la troysiesme espece d'extase que nous avons marquee ci dessus, extase toute sainte, toute aymable et qui couronne les deux autres; et c'est l'extase de l'œuvre et de la vie.

  A005000207 

 Mays, outre les commandemens divins, il y a des inspirations celestes, pour l'execution desquelles il ne faut pas seulement que Dieu nous esleve au dessus de nos forces, mais aussi qu'il nous tire au dessus des instinctz et des inclinations de nostre nature; d'autant qu'encor que ces inspirations ne sont pas contraires a la rayson humaine, elles l'excedent toutefois, la surmontent et sont au dessus d'icelle: de sorte que lhors, nous ne vivons pas seulement une vie civile, honneste et chrestienne, mais une vie surhumaine, spirituelle, devote et extatique, c'est a dire une vie qui est en toute façon hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005000208 

 Ne point desrobber, ne point mentir, ne point commettre de luxure, prier Dieu, ne point jurer en vain, aymer et honnorer son pere, ne point tuer, c'est vivre selon la rayson naturelle de l'homme; mais quitter tous nos biens, aymer la pauvreté, l'appeller et tenir en qualité de tres delicieuse maistresse, tenir les opprobres, mespris, abjections, persecutions, martyres pour des felicités et beatitudes, se contenir dans les termes d'une tres absolue chasteté, et en fin, vivre emmi le monde et en cette vie mortelle contre toutes les opinions et maximes du monde et contre le courant du fleuve de cette vie, par des ordinaires resignations, renoncemens et abnegations de nous mesmes, ce n'est pas vivre humainement, [27] mais surhumainement; ce n'est pas vivre en nous, mais hors de nous et au dessus de nous: et parce que nul ne peut sortir en cette façon au dessus de soy mesme si le Pere eternel ne le tire, partant cette sorte de vie doit estre un ravissement continuel et une extase perpetuelle d'action et d'operation..

  A005000209 

 Nous en faysons de mesme, Theotime, si nous sommes spirituelz; car nous quittons nostre vie humaine pour vivre d'une autre vie plus eminente, au dessus de nous mesmes, cachans toute cette vie nouvelle en Dieu avec Jesus Christ, qui seul la void, la connoist et la donne.

  A005000209 

 Or, Jesus Christ est nostre amour, et nostre amour est la vie de nostre ame: donques nostre vie est cachee en Dieu avec Jesus Christ; et quand Jesus Christ qui est nostre amour, et par consequent nostre vie spirituelle, viendra paroistre au jour du jugement, alhors nous apparoistrons avec luy en gloire, c'est a dire, Jesus Christ nostre amour nous glorifiera, nous communiquant sa felicité et splendeur..

  A005000213 

 Ainsy, Theotime, l'amour est le premier acte et principe de nostre vie devote ou spirituelle, par lequel nous vivons, sentons et nous esmouvons, et nostre vie spirituelle est telle que sont nos mouvemens affectifz; et un cœur qui n'a point de mouvement et d'affection, il n'a point d'amour, comme au contraire un cœur qui a de l'amour n'est point sans mouvement affectif.

  A005000213 

 L'ame est le premier acte et principe de tous les mouvemens vitaux de l'homme, et, comme parle Aristote, elle est «le principe par lequel nous vivons, sentons et entendons:» dont il s'ensuit que nous connoissons la diversité des vies selon la diversité des mouvemens, en sorte mesme que les animaux qui n'ont point de mouvement naturel sont du tout sans vie.

  A005000213 

 Quand donq nous avons colloqué nostre amour en Jesus Christ, nous [29] avons, par consequent, mis en luy nostre vie spirituelle: or, il est caché maintenant en Dieu au Ciel comme Dieu fut caché en luy tandis qu'il estoit en terre; c'est pourquoy nostre vie est cachee en luy, et quand il paroistra en gloire, nostre vie et nostre amour paroistra de mesme avec luy en Dieu.

  A005000214 

 Bienheureux sont [30] ceux qui vivent une vie surhumaine, extatique, relevee au dessus d'eux mesmes, quoy qu'ilz ne soyent point ravis au dessus d'eux mesmes en l'orayson! Plusieurs Saintz sont au Ciel, qui jamais ne furent en extase ou ravissement de contemplation; car, combien de Martyrs et grans Saintz et Saintes voyons-nous en l'histoire n'avoir jamais eu en l'orayson autre privilege que celuy de la devotion et ferveur? Mais il n'y eut jamais Saint qui n'ayt eu l'extase et ravissement de la vie et de l'operation, se surmontant soy mesme et ses inclinations naturelles..

  A005000215 

 Et qui ne void, Theotime, je vous prie, que c'est l'extase de la vie et operation de laquelle le grand Apostre parle principalement, quand il dit: Je vis, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy? car il l'explique luy mesme en autres termes aux Romains, disant que nostre viel homme est crucifié ensemblement avec Jesus Christ, que nous sommes mortz au peché avec luy, et que de mesme nous sommes resuscités avec luy pour marcher en nouveauté de vie, affin de ne servir plus au peché.

  A005000215 

 Voyla deux hommes representés en un chacun de nous, Theotime, et par consequent deux vies: l'une du viel homme, qui est une vielle vie, comme on dit de l'aigle qui estant devenue vielle va traisnant ses plumes et ne peut plus prendre son vol; l'autre vie est de l' homme nouveau, qui est aussi une vie nouvelle, comme celle de l'aigle laquelle deschargee de ses vielles plumes qu'elle a secouees dans la mer, en prend des nouvelles, et s'estant rajeunie vole en la nouveauté de ses forces..

  A005000216 

 En la premiere vie nous vivons selon le viel homme, c'est a dire selon les defautz, foiblesses et infirmités que nous avons contractees par le peché de nostre premier pere Adam, et partant nous vivons au peché d'Adam, et nostre vie est une vie mortelle, ains la mort mesme; en la seconde vie nous vivons selon l' homme nouveau, c'est a dire selon les graces, faveurs, ordonnances et volontés de nostre Sauveur, et par consequent nous vivons au salut et a la redemption, et cette [31] nouvelle vie est une vie vive, vitale et vivifiante.

  A005000221 

 Mays en fin saint Paul fait le plus fort, le plus pressant et le plus admirable argument qui fut jamais fait, ce me semble, pour nous porter tous a l'extase et ravissement de la vie et operation.

  A005000221 

 Parlant donq de soy mesme (et il en faut autant dire d'un chacun de nous), La charité, dit-il, de Jesus Christ nous presse.

  A005000221 

 Qu'est ce a dire, estimans ceci? c'est a dire, que la charité du Sauveur nous presse lhors principalement que nous estimons, considerons, pesons, meditons et sommes attentifs a cette resolution de la foy.

  A005000221 

 Si un homme sçait d'estre aymé de qui [32] que ce soit, il est pressé d'aymer reciproquement; mais si c'est un homme vulgaire qui est aymé d'un grand seigneur, certes il est bien plus pressé; mais si c'est d'un grand monarque, combien est-ce qu'il est pressé davantage? Et maintenant, je vous prie, sachans que Jesus Christ, vray Dieu eternel, tout puissant, nous a aymés jusques a vouloir souffrir pour nous la mort, et la mort de la croix, o mon cher Theotime, n'est ce pas cela avoir nos coeurs sous le pressoir et les sentir presser de force, et en exprimer de l'amour par une violence et contrainte qui est d'autant plus violente qu'elle est toute aymable et amiable? Mais, comme est-ce que ce divin Amant nous presse? La charité de Jesus Christ nous presse, dit son saint Apostre, estimans ceci.

  A005000222 

 Mais qu'est ce qu'il a desiré de nous sinon que nous nous conformassions a luy, affin, dit l'Apostre, que ceux qui vivent ne vivent plus desormais a eux mesmes, ains a Celuy qui est mort et resuscité pour eux.

  A005000222 

 Mais que s'ensuit il de cela? Il m'est advis que j'oye cette bouche apostolique, comme un tonnerre, qui exclame aux oreilles de nos cœurs: Il s'ensuit donques, o Chrestiens, ce que Jesus Christ a desiré de nous en mourant pour nous.

  A005000222 

 Vray Dieu, Theotime, que cette consequence est forte en matiere d'amour! Jesus Christ est mort pour nous, il nous a donné la vie par sa mort, [33] nous ne vivons que parce qu'il est mort, il est mort pour nous, a nous et en nous: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui nous l'a acquise par sa mort; nous ne devons donq plus vivre a nous, mais a luy; non en nous, mais en luy; non pour nous, mais pour luy..

  A005000224 

 Ah, Theotime, quel essor nous fait prendre cette aigle! Le Sauveur nous a nourris des nostre tendre jeunesse, ains il nous a formés et receus, comme une aymable nourrice, entre les bras de sa divine providence des l'instant de nostre conception:.

  A005000228 

 Hé, que reste-il donq? quelle conclusion avons-nous plus a prendre, mon cher Theotime, sinon que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesmes, ains a Celuy qui est mort pour eux? c'est a dire, que nous consacrions au divin amour de la mort de nostre Sauveur tous les momens de nostre vie, rapportans a sa gloire toutes nos proyes, toutes nos conquestes, toutes nos œuvres, toutes nos actions, toutes nos pensees et toutes nos affections.

  A005000228 

 Voyons-le, Theotime, ce divin Redempteur, estendu sur la croix, comme sur son bucher d'honneur ou il meurt d'amour pour nous, mais d'un amour plus douloureux que la mort mesme, ou d'une mort plus amoureuse que l'amour mesme: hé, que ne nous jettons-nous en esprit sur luy, pour mourir sur la croix avec luy, qui, pour l'amour de nous, a bien voulu mourir! Je le tiendray, devrions nous dire si nous avions la generosité de l'aigle, et ne le quitteray jamais; je mourray avec luy et brusleray dedans les flammes de son amour, un mesme feu consumera ce divin Createur et sa chetifve creature; mon Jesus est tout mien et je suis toute sienne, je vivray et mourray sur sa poitrine, ni la mort ni la vie ne me separera jamais de luy..

  A005000228 

 il nous a rendus siens par le Baptesme et nous a nourris tendrement selon le cœur et selon le cors, par un amour incomprehensible; et pour nous acquerir la vie il a supporté la mort, et nous a repeus de sa propre chair et de son propre sang.

  A005000229 

 Ainsy donques se fait la sainte extase du vray amour, quand nous ne vivons plus selon les raysons et inclinations humaines, mais au dessus d'icelles, selon les inspirations et instinctz du divin Sauveur de nos ames.

  A005000234 

 Le juste ne meurt jamais a l'improuveu, car c'est avoir bien prouveu a sa mort que d'avoir perseveré en la justice chrestienne jusques a la fin, mais il meurt bien quelquefois de mort subite ou soudaine; c'est pourquoy l'Eglise, toute sage, ne nous fait pas simplement requerir es Letanies, d'estre deslivrés de mort soudaine, mais «de mort soudaine et improuveue:» pour estre soudaine elle n'en est pas pire, sinon qu'elle soit encor improuveue.

  A005000243 

 O Dieu, Theotime, que cette mort est heureuse! que douce est cette amoureuse sagette qui, nous blessant de cette playe incurable de la sacree dilection, nous rend pour jamais languissans et malades d'un battement de cœur si pressant qu'en fin il faut mourir! De combien penses-vous que ces sacrees langueurs et les travaux supportés pour la charité avançassent les jours aux divins amans, comme a sainte Catherine de Sienne, a saint François, au petit Stanislas Koska, a saint Charles et a plusieurs centaines d'autres qui moururent si jeunes? Certes, quant a saint François, des qu'il eut receu les saintes stigmates de son Maistre, il eut de si fortes et penibles douleurs, tranchees, convulsions et maladies, qu'il ne luy demeura que la peau et les os, et sembloit plustost une anatomie ou une image de la mort, qu'un homme vivant et respirant encores.

  A005000271 

 Mays ce fut tout autre chose en la tressainte Vierge, car, comme nous voyons croistre la belle aube du jour, non a diverses reprises et par secousses, ains par une certaine dilatation et croissance continue qui est presqu'insensiblement sensible, en sorte que vrayement on la void croistre en clarté, mais si egalement que nul n'apperçoit aucune interruption, separation ou discontinuation de ses accroissemens, ainsy le divin amour croissoit a chasque moment dans le cœur virginal de nostre glorieuse Dame, mais par des croissances douces, paisibles et continues, sans agitation, ni secousse, ni violence quelcomque.

  A005000274 

 l'amour propre, avec la multitude des passions desreglees qu'il produit et qui sont en nous un pesant fardeau lequel nous accable.

  A005000274 

 le peché, qui nous esloigne de Dieu; 2.

  A005000282 

 Le veritable amour n'est jamais ingrat, il tasche de complaire a ceux esquelz il se complait; et de la vient la conformité des amans, qui nous fait estre [59] telz que ce que nous aymons.

  A005000282 

 Nul ne nous plaist a qui nous ne desirions de plaire.

  A005000283 

 L'amour, dit saint Chrysostome, ou il treuve ou il fait la ressemblance; l'exemple de ceux que nous aymons a un doux et imperceptible empire et une authorité insensible sur nous, il est force ou de les quitter, ou de les imiter.

  A005000283 

 Or cette transformation se fait insensiblement par la complaysance, laquelle estant entree en nos cœurs en engendre une autre, pour donner a celuy de qui nous l'avons receüe.

  A005000284 

 En somme, le playsir que l'on a en la chose est un certain fourrier qui fourre dans le cœur amant les qualités de la chose qui plaist; et pour cela la sacree complaysance nous transforme en Dieu que nous aymons, et a mesure qu'elle est grande la transformation est plus parfaite: ainsy les Saintz, qui ont grandement aymé, ont esté fort vistement et parfaitement transformés, l'amour transportant et transmettant les mœurs et humeurs de l'un des cœurs en l'autre..

  A005000284 

 Or, le cœur se treuvant ouvert par le playsir, les impressions des qualités desquelles le playsir depend entrent aysement en l'esprit; et, avec elles, les autres encores qui sont au mesme sujet, bien qu'elles nous desplaysent, ne laissent pas d'entrer en nous parmi la presse du playsir, comme celuy qui sans robbe [60] nuptiale entra au festin parmi ceux qui estoyent parés.

  A005000285 

 L'amour est un magistrat qui exerce sa puissance sans bruit, sans prevostz ni sergens, par cette mutuelle complaysance [61] par laquelle, comme nous nous plaisons en Dieu, nous desirons aussi reciproquement de luy plaire..

  A005000285 

 Nous avons repugnance d'imiter ceux que nous haïssons, es choses mesmes qui sont bonnes; et les Lacedemoniens ne voulurent pas suivre le bon conseil d'un meschant homme, sinon apres qu'un homme de bien l'auroit prononcé; au contraire, on ne peut s'empescher de se conformer a ce qu'on ayme.

  A005000290 

 La complaysance attire donq en nous les traitz des perfections divines selon que nous sommes capables de les recevoir; comme le miroüer reçoit la ressemblance du soleil, non selon l'excellence et grandeur de ce grand et admirable luminaire, mays selon la capacité et mesure de sa glace: si que nous sommes ainsy rendus conformes a Dieu..

  A005000291 

 Mais, outre cela, l'amour de bienveuillance nous donne cette sainte conformité par une autre voӱe.

  A005000292 

 Nous avons eu une extreme complaysance a voir que Dieu est souverainement bon; et partant nous desirons, par l'amour de bienveuillance, que tous les amours qu'il nous est possible d'imaginer soyent employés a bien aymer cette bonté.

  A005000292 

 Nous nous sommes delectés a considerer comme Dieu est non seulement le premier principe, mais aussi la derniere fin, Autheur, Conservateur et Seigneur de toutes choses; a rayson dequoy nous souhaitons que tout luy soit sousmis par une souveraine obeissance.

  A005000292 

 Nous nous sommes pleus en la souveraine excellence de la perfection de Dieu; en suite de cela nous desirons qu'il soit souverainement loué, honnoré et adoré.

  A005000292 

 Nous voyons la volonté de Dieu souverainement parfaitte, droitte, juste et equitable; et a cette consideration nous desirons qu'elle soit la regle et la loy souveraine de toutes choses, et qu'elle soit suivie, servie et obeie par toutes les autres volontés..

  A005000292 

 Or ce desir se prattique, selon la complaysance que nous avons en Dieu, en la façon qui s'ensuit.

  A005000293 

 Non, ce n'est pas cela dont je parle a present; car encor qu'il n'y eust ni enfer pour punir les rebelles, ni Paradis pour recompenser les bons, et que nous n'eussions nulle sorte d'obligation ni de devoir a Dieu (et ceci soit dit par imagination de chose impossible et qui n'est presque pas imaginable), si est ce toutefois, que l'amour de bienveuillance nous porteroit a rendre toute obeissance [63] et sousmission a Dieu par election et inclination, voire mesme par une douce violence amoureuse, en consideration de la souveraine bonté, justice et droiture de sa divine volonté.

  A005000293 

 Voyons-nous pas, Theotime, qu'une fille, par une libre election qui procede de l'amour de bienveuillance, s'assujettit a un espoux, auquel, d'ailleurs, elle n'avoit aucun devoir? ou qu'un gentilhomme se sousmet au service d'un prince estranger, ou bien jette sa volonté es mains du superieur de quelqu'Ordre de Religion auquel il se rangera?.

  A005000294 

 Ainsy donques se fait la conformité de nostre cœur avec celuy de Dieu, lhors que par la sainte bienveuillance nous jettons toutes nos affections entre les mains de la divine volonté, affin qu'elles soyent par icelle pliees et maniees a son gré, moulees et formees selon son bon playsir.

  A005000298 

 D'autres fois nous considerons la volonté de Dieu en ses effectz particuliers, comme es evenemens qui nous touchent et es occurrences qui nous arrivent, et finalement en la declairation et manifestation de ses intentions.

  A005000298 

 Et bien qu'en erité sa divine Majesté n'ayt qu'une tres unique et tres simple volonté, si est ce que nous la marquons de noms differens, suivant la varieté des moyens par lesquelz nous la connoissons; varieté selon laquelle nous sommes aussi diversement obligés de nous conformer a icelle.

  A005000298 

 La doctrine chrestienne nous propose clairement les verités que Dieu veut que nous croyions, les biens qu'il veut que nous esperions, les peynes qu'il veut que nous craignions, ce qu'il veut que nous aymions, les commandemens qu'il veut que nous fassions et les conseilz qu'il desire que nous suivions: et tout cela s'appelle la volonté signifiee de Dieu, parce qu'il nous a signifié et manifesté qu'il veut et entend que tout cela soit creu, esperé, craint, aymé et prattiqué..

  A005000298 

 Nous considerons quelquefois la volonté de Dieu en elle mesme, et la voyans toute sainte et toute bonne, il nous est aysé de la louer, benir et adorer, et de sacrifier nostre volonté et toutes celles dés autres creatures a son obeissance, par cette divine exclamation: Vostre [64] volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A005000299 

 C'est pourquoy Dieu, desirant que nous suivions sa volonté signifiee, il nous sollicite, exhorte, incite, inspire, ayde et secourt; mais permettant que nous resistions, il ne fait autre chose que de simplement nous laisser faire ce que nous voulons, selon nostre libre election, contre son desir et intention..

  A005000299 

 Or, d'autant que cette volonté signifiee de Dieu procede par maniere de desir et non par maniere de vouloir absolu, nous pouvons ou la suivre par obeissance, ou luy resister par desobeissance; car Dieu fait trois actes de sa volonté pour ce regard: il veut que nous puissions resister, il desire que nous ne resistions pas, et permet neanmoins que nous resistions si nous voulons.

  A005000299 

 Quand donques nous resistons, Dieu ne contribue rien a nostre desobeissance, ains, laissant nostre volonté en la main de son franc arbitre, il permet qu'elle choisisse le mal; mais quand nous obeissons, Dieu contribue son secours, son inspiration et sa grace: car la permission est une action de la volonté qui de soy mesme est brehaigne, sterile, infeconde, et, par maniere de dire, c'est une action passive qui ne fait rien, ains laisse faire; au contraire, le desir est une [65] action active, feconde, fertile, qui excite, semond et presse.

  A005000299 

 Que nous puissions resister, cela depend de nostre naturelle condition et liberté; que nous resistions, cela depend de nostre malice; que nous ne resistions pas, c'est selon le desir de la divine Bonté.

  A005000300 

 Or c'en est de mesme de la volonté signifiee de Dieu, car par icelle Dieu desire d'un vray desir que nous facions ce qu'il declaire, et a cette occasion il nous fournit tout ce qui est requis, nous exhortant et pressant de l'employer: en ce genre de faveur on ne peut rien desirer de plus.

  A005000301 

 A quoy tendent les protestations que si souvent nous en faysons es saintes ceremonies ecclesiastiques: car pour cela nous demeurons debout tandis qu'on lit les leçons de l'Evangile, comme prestz d'obeir a la sainte signification de la volonté de Dieu que l'Evangile contient; pour cela nous baysons le livre a l'endroit de l'Evangile, comme adorans la sainte Parole qui declaire la volonté celeste.

  A005000301 

 La conformité donq de nostre cœur a la volonté signifiee de Dieu consiste en ce que nous voulions tout ce que la divine Bonté nous signifie estre de son intention, croyans selon sa doctrine, esperans selon ses promesses, craignans selon ses menasses, aymans et vivans selon ses ordonnances et advertissemens.

  A005000305 

 A cette intention il nous a faitz a son image et semblance par la creation, et s'est fait a nostre image et semblance par l'Incarnation, apres laquelle il a souffert la mort pour racheter toute la race des hommes et la sauver: ce qu'il fit avec tant d'amour, que, comme raconte le grand saint Denis, apostre de la France, il dit un jour au saint homme Carpus qu'il estoit «prest de patir encor une fois pour sauver les hommes,» et que cela luy seroit aggreable s'il se pouvoit faire sans le peché d'aucun homme..

  A005000305 

 Dieu nous a signifié en tant de sortes et par tant de moyens qu'il vouloit que nous fussions tous sauvés, que nul ne le peut ignorer.

  A005000306 

 Or, bien que tous ne se sauvent pas, cette volonté neanmoins ne laisse pas d'estre une vraye volonté de Dieu, qui agit en nous selon la condition de sa nature et de la nostre: car sa bonté le porte a nous communiquer liberalement les secours de sa grace, affin que nous parvenions au bonheur de sa gloire; mais nostre nature requiert que sa liberalité nous laisse en liberté de nous en prevaloir pour nous sauver, ou de les mespriser pour nous perdre..

  A005000308 

 Tout le temple celeste de l'Eglise triomphante et militante resonne de toutes pars les cantiques de ce doux amour de Dieu envers nous; et le cors tres sacré du Sauveur, comme un temple tressaint de sa Divinité, est tout paré de marques et enseignes de cette bienveuillance: c'est pourquoy, en visitant le temple divin, nous voyons ces aymables delices que son cœur prend a nous favoriser..

  A005000309 

 Regardons donq cent fois le jour cette amoureuse volonté de Dieu, et fondans nostre volonté dans icelle, escrions devotement: O Bonté d'infinie douceur, que vostre volonté est amiable! que vos faveurs sont desirables! Vous nous aves creés pour la vie eternelle, et vostre poitrine maternelle, enflee des mammelles sacrees d'un amour incomparable, abonde en lait de misericorde, soit pour pardonner aux penitens, soit pour perfectionner les justes: hé, pourquoy donq ne collons nous pas nos volontés a la vostre, comme les petitz enfans s'attachent au chicheron du tetin de leurs meres, pour succer le lait de vos eternelles benedictions!.

  A005000310 

 Il suffit de dire: je desire d'estre sauvé; mais il ne suffit pas de dire: je desire embrasser les moyens convenables pour y parvenir; ains il faut, d'une resolution absolue, vouloir et embrasser les graces que Dieu nous depart; car il faut que nostre volonté corresponde a celle de Dieu, et d'autant qu'elle nous donne les moyens de nous sauver, nous les devons recevoir, comme nous devons desirer le salut ainsy qu'elle le nous desire et parce qu'elle le desire..

  A005000310 

 Non seulement il veut, mais en effect [69] il nous donne tous les moyens requis pour nous faire parvenir au salut; et nous, en suite du desir que nous avons d'estre sauvés, nous devons non seulement vouloir, mais en effect accepter toutes les graces qu'il nous a preparees et qu'il nous offre.

  A005000310 

 Theotime, nous devons vouloir nostre salut ainsy que Dieu le veut: or il veut nostre salut par maniere de desir; et nous le devons aussi incessamment desirer en suite de son desir.

  A005000311 

 Les choses representees particulierement font une impression plus forte et blessent plus sensiblement l'imagination; c'est pourquoy, en l' Introduction, nous avons donné par advis qu'apres les affections generales on fist les resolutions particulieres en la sainte orayson.

  A005000311 

 Mais il arrive maintefois que les moyens de parvenir au salut, considerés en bloc ou en general sont aggreables a nostre cœur, et regardés en detail et particulier ilz luy sont effroyables: car n'avons nous pas veu le pauvre saint Pierre disposé a recevoir en general toutes sortes de peynes, et la mort mesme, pour suivre son Maistre, et neanmoins, quand ce vint au fait et au prendre, paslir, trembler et renier son Maistre a la voix d'une simple servante? Chacun pense pouvoir boire le calice de Nostre Seigneur avec luy, mais quand on le nous presente par effect, on s'enfuit, on quitte tout.

  A005000315 

 Le desir que Dieu a de nous faire observer ses commandemens est extreme, ainsy que toute l'Escriture tesmoigne: et comme le pouvoit il mieux exprimer que par les grandes recompenses qu'il propose aux observateurs de sa loy, et les estranges supplices dont il menasse les violateurs d'icelle? C'est pourquoy David exclame: O Seigneur, vous aves ordonné que vos commandement soyent trop plus observés..

  A005000316 

 Or, l'amour de complaysance, regardant ce desir divin, veut complaire a Dieu en l'observant; l'amour de bienveuillance, qui veut tout sousmettre a Dieu, sousmet par conseequent nos desirs et nos volontés a celle ci que Dieu nous a signifiee: et de la provient non seulement l'observation, mais aussi l'amour des commandemens, que David exalte d'un stile extraordinaire au Psalme cent et dix huitiesme, qu'il semble n'avoir fait que pour ce sujet:.

  A005000323 

 Mais pour exciter ce saint et salutaire amour des commandemens, nous devons contempler leur beauté, laquelle est admirable; car, comme il y a des œuvres [71] qui sont mauvaises parce qu'elles sont defendues, et des autres qui sont defendues parce qu'elles sont mauvaises, aussi y en a-il qui sont bonnes parce qu'elles sont commandees, et des autres qui sont commandees parce qu'elles sont bonnes et tres utiles: de sorte que toutes sont tres bonnes et tres aymables, parce que le commandement donne la bonté aux unes qui n'en auroyent point autrement, et donne un surcroist de bonté aux autres qui, sans estre commandees, ne laisseroyent pas d'estre bonnes.

  A005000323 

 Nous ne recevons pas le bien en bonne part quand il nous est presenté par une main ennemie; les Lacedemoniens ne voulurent pas suivre un fort sain et salutaire conseil d'un meschant homme jusques a ce qu'un homme de bien leur redist: au contraire, le present n'est jamais qu'aggreable quand un ami le fait.

  A005000323 

 O que doux et desirable est le joug de la loy celeste qu'un Roy tant aymable a establie sur nous!.

  A005000326 

 Le divin amour nous rend donq ainsy conformes a la volonté de Dieu, et nous fait soigneusement observer ses commandemens en qualité de desir absolu de sa divine Majesté, a laquelle nous voulons plaire: si que cette complaysance previent, par sa douce et amiable violence, la necessité d'obeir que la loy nous impose, convertissant cette necessité en vertu de dilection et toute la difficulté en delectation.

  A005000330 

 C'est pourquoy l'amour de complaysance, qui nous oblige de plaire au Bienaymé, nous porte par consequent a la suite de ses conseilz; et l'amour de bienveuillance, qui veut que toutes les volontés et affections luy soyent sousmises, fait que nous voulons non seulement ce qu'il ordonne, mais ce qu'il conseille et a quoy il exhorte: ainsy que l'amour et respect qu'un enfant fidele porte a son bon pere le fait resoudre de vivre non seulement selon les commandemens qu'il impose, mais encor selon les desirs et inclinations qu'il manifeste..

  A005000330 

 Il y a difference entre commander et recommander: quand on commande on use d'authorité pour obliger, quand on recommande on use d'amitié pour induire et provoquer; le commandement impose necessité, le conseil et recommandation nous incite a ce qui est de plus grande utilité; au commandement correspond l'obeissance, et la creance au conseil; on suit le conseil affin de plaire, et le commandement pour ne pas desplaire.

  A005000330 

 Le commandement tesmoigne une volonté fort entiere et pressante de celuy qui ordonne, mais le conseil ne nous represente qu'une volonté de souhait; le commandement nous oblige, le conseil nous incite seulement; le commandement rend coulpables les transgresseurs, le conseil rend seulement moins louables ceux qui ne le suivent pas; les violateurs des commandemens meritent d'estre damnés, ceux qui negligent les conseilz meritent seulement d'estre moins glorifiés.

  A005000340 

 Helas, nous sommes en ce monde, non point pour faire nos volontés, mais celles de vostre bonté qui nous y a mis.

  A005000340 

 La vie, dit le Psalmiste, est en la volonté de Dieu: non seulement parce que nostre vie temporelle depend de la volonté divine, mais aussi d'autant que nostre vie spirituelle gist en l'execution d'icelle, par laquelle Dieu vit et regne en nous, et nous fait vivre et subsister en luy.

  A005000341 

 Or, quand nostre amour est extreme a l'endroit de la volonté de Dieu, nous ne nous contentons pas de faire seulement la volonté divine qui nous est signifiee es [79] commandemens, mais nous nous rangeons encor a l'obeissance des conseilz, lesquelz ne nous sont donnés que pour plus parfaitement observer les commandemens, auxquelz aussi ilz se rapportent, ainsy que dit excellemment saint Thomas.

  A005000343 

 Et pourquoy donq reciproquement ne serons nous si jaloux de suivre la sacree volonté de Nostre Seigneur, que nous fassions non seulement ce qu'il commande, mais encores ce qu'il tesmoigne d'aggreer et souhaitter? Les ames nobles n'ont pas besoin d'un plus fort motif pour embrasser un dessein que de sçavoir que le Bienaymé le desire: Mon ame, dit l'une d'icelles, s'est escoulee soudain que mon Ami a parlé..

  A005000347 

 Dieu, au commencement du monde, commanda a la terre de germer l'herbe verdoyante faisant sa semence, et tout arbre fruitier faisant son fruit, un chacun selon son espece, qui eust aussi sa semence en soy mesme: et ne voyons nous pas par experience que les plantes et fruitz n'ont pas leur juste croissance et maturité que quand elles portent leurs graines et pepins, qui leur servent de geniture pour la production de plantes et d'arbres de pareille sorte? Jamais nos vertus n'ont leur juste stature et suffisance qu'elles ne produisent en nous des desirs de faire progres, qui, comme semences spirituelles, servent en la production de nouveaux degrés de vertus; et me semble que la terre de nostre cœur a commandement de germer les plantes des vertus qui portent les fruitz des saintes œuvres, une chacune selon son genre, et qui ayt les semences des desirs et desseins de tous-jours multiplier et avancer en perfection: et la vertu qui n'a point la graine ou le pepin de ces desirs, elle n'est pas en la suffisance et maturité.

  A005000347 

 Les paroles par lesquelles Nostre Seigneur nous exhorte de tendre et pretendre a la perfection sont si fortes et pressantes, que nous ne sçaurions dissimuler l'obligation que nous avons de nous engager a ce dessein: Soyes saintz, dit-il, parce que je suis saint; Qui est saint, qu'il soit encor davantage [81] sanctifié, et qui est juste, qu'il soit encor plus justifié; Soyes parfaitz ainsy que vostre Pere celeste est parfait.

  A005000348 

 C'est une heresie de dire que Nostre Seigneur ne nous a pas bien conseillés, et un blaspheme de dire a Dieu: Retire toy de nous, nous ne voulons point la science de tes voyes; mais c'est une irreverence horrible contre Celuy qui avec tant d'amour et de suavité nous invite a la perfection, de dire: je ne veux pas estre saint, ni parfait, ni avoir plus de part en vostre bienveuillance, ni suivre les conseilz que vous me donnés pour faire progres en icelle..

  A005000348 

 Neanmoins je dis bien que c'est un grand peché de mespriser la pretention a la perfection chrestienne, et encor plus de mespriser la semonce par laquelle Nostre Seigneur nous y appelle; mais c'est une impieté insupportable de mespriser les conseilz et moyens d'y parvenir que Nostre Seigneur nous marque.

  A005000348 

 Or, je ne dis pas, non plus que saint Bernard, que ce soit peché de ne prattiquer pas les conseilz: non certes, Theotime, car c'est la propre difference du commandement au conseil, que le commandement nous oblige sous peyne de peché, et le conseil nous invite sans peyne de peché.

  A005000353 

 Mays de quel ami et de quelz conseilz parlons nous? O Dieu, c'est de l'Ami des amis, et ses conseilz sont plus aymables que le miel: l'ami c'est le Sauveur, ses conseilz sont pour le salut..

  A005000354 

 Res-jouissons nous, Theotime, quand nous verrons des personnes entreprendre la suite des conseilz que nous ne pouvons ou ne devons pas observer; prions pour eux, benissons-les, favorisons-les et les aydons, car la charité nous oblige de n'aymer pas seulement ce qui est bon pour nous, mais d'aymer encor ce qui est bon pour le prochain..

  A005000355 

 Nous tesmoignerons asses d'aymer tous les conseilz quand nous observerons devotement ceux qui nous seront convenables; car tout ainsy que celuy qui croid un article de foy d'autant que Dieu l'a revelé par sa parole, annoncee et declairee par l'Eglise, ne sçauroit mescroire les autres, et celuy qui observe un commandement pour le vray amour de Dieu est tout prest d'observer les autres quand l'occasion s'en presentera, de mesme celuy qui ayme et estime un conseil evangelique parce que Dieu l'a donné, il ne peut qu'il n'estime consecutivement tous les autres, puisqu'ilz sont aussi de Dieu.

  A005000355 

 Or, nous pouvons aysement en pratiquer plusieurs, quoy que non pas tous ensemble; car Dieu en a donné plusieurs affin que chacun en puisse observer quelques uns, et il n'y a jour que nous n'en ayons quelqu'occasion..

  A005000358 

 Les vertus ont donq une certaine estendue de perfection, et pour l'ordinaire nous ne sommes pas obligés de les prattiquer en l'extremité de leur excellence; il suffit d'entrer si avant en l'exercice d'icelles, qu'en effect on y soit.

  A005000358 

 Que si en quelqu'occasion nous nous treuvons obligés de les exercer, cela arrive pour des occurrences rares et extraordinaires, qui les rendent necessaires a la conservation de la grace de Dieu.

  A005000362 

 Dieu ayant formé le cors humain du limon de la terre, ainsy que dit Moyse, il inspira en iceluy la respiration de vie, et il fut fait en ame vivante, c'est a dire en ame qui donnoit [89] vie, mouvement et operation au cors; et ce mesme Dieu eternel souffle et pousse les inspirations de la vie surnaturelle en nos ames, affin que, comme dit le grand Apostre, elles soyent faites en esprit vivifiant, c'est a dire en esprit qui nous face vivre, mouvoir, sentir, et ouvrer les œuvres de la grace, en sorte que Celuy qui nous a donné l'estre nous donne aussi l'operation.

  A005000362 

 Les rayons du soleil esclairent en eschauffant et eschauffent en esclairant; l'inspiration est un rayon celeste qui porte dans nos cœurs une lumiere chaleureuse, par laquelle il nous fait voir le bien et nous eschauffe au pourchas d'iceluy.

  A005000362 

 Mais quant au souffle de Dieu, non seulement il eschauffe, ains il esclaire parfaitement, d'autant que l'Esprit divin est une lumiere infinie, duquel le souffle vital est appellé inspiration, d'autant que par iceluy cette supreme Bonté haleyne et inspire en nous les desirs et intentions de son cœur..

  A005000362 

 Sans l'inspiration nos ames vivroyent paresseuses, perdues et inutiles; mais a l'arrivee des divins rayons de l'inspiration, nous sentons une lumiere meslee d'une chaleur vivifiante, laquelle esclaire nostre entendement, resveille et anime nostre volonté, luy donnant la force de vouloir et faire le bien appartenant au salut eternel.

  A005000363 

 Lhors que j'estois jeune, a Paris, deux escoliers, dont l'un estoit heretique, passans la nuit au fauxbourg Saint Jacques, en une desbauche deshonneste, ouïrent sonner les Matines des Chartreux; et l'heretique demandant a l'autre a quelle occasion on sonnoit, il luy fit entendre avec quelle devotion on celebroit les offices sacrés en ce saint monastere: O Dieu, dit-il, que l'exercice de ces religieux est different du nostre! ilz font celuy des Anges, et nous celuy des bestes brutes.

  A005000364 

 Car, comme Dieu donne, par l'entremise de la nature, a chasque animal les instinctz qui luy sont requis pour sa [91] conservation et pour l'exercice de ses proprietés naturelles, aussi, si nous ne resistons pas a la grace de Dieu, il donne a un chascun de nous les inspirations necessaires pour vivre, operer et nous conserver en la vie spirituelle.

  A005000364 

 Quand nous ne sçavons que faire et que l'assistence [92] humaine nous manque en nos perplexités, Dieu alhors nous inspire; et si nous sommes humblement obeissans, il ne permet point que nous errions.

  A005000368 

 Saint [93] Hierosme recevant en son hospital de Bethleem les pelerins d'Europe qui fuyoient la persecution des Goths, ne leur lavoit pas seulement les pieds, mais s'abbaissoit jusques la que de laver encor et frotter les jambes de leurs chameaux, a l'exemple de Rebecca dont nous parlions n'a guere, qui non seulement puisa de l'eau pour Eliezer, mais aussi pour ses chameaux.

  A005000369 

 L'esprit seducteur nous arreste aux commencemens et nous fait contenter du primtems fleuri; mais l'Esprit divin ne nous fait regarder les commencemens que pour parvenir a la fin, et ne nous fait res-jouir des fleurs du primtems que pour la pretention de jouir des fruitz de l'esté et de l'automne..

  A005000369 

 Or, en cette sorte d'inspirations il faut observer les regles que nous avons donnees pour les desirs en nostre Introduction: il ne faut pas vouloir suivre plusieurs exercices a la fois et tout a coup, car souvent l'ennemi tasche de nous faire entreprendre et commencer plusieurs desseins, affin qu'accablés de trop de besoigne nous n'achevions rien et laissions tout imparfait.

  A005000369 

 Quelquefois mesmement il nous suggere la volonté d'entreprendre de commencer quelque excellente besoigne, laquelle il prevoit que nous n'accomplirons pas, pour nous destourner d'en poursuivre une moins excellente que nous eussions aysement achevee; car il ne se soucie point qu'on fasse force desseins et commencemens, pourveu qu'on n'acheve rien.

  A005000370 

 Le grand saint Thomas est d'opinion qu'il n'est pas expedient de beaucoup consulter et longuement deliberer sur l'inclination que l'on a d'entrer en une bonne et bien formee Religion; et il a rayson, car la Religion estant conseillee par Nostre Seigneur en l'Evangile, qu'est-il besoin de beaucoup de consultations? Il suffit d'en faire une bonne avec quelque peu de personnes qui soyent bien prudentes et capables de tel affaire, et qui nous puissent ayder a prendre une courte et solide resolution: mais, des que nous avons deliberé et resolu, et en ce sujet et en tout autre qui regarde le service de Dieu, il faut estre fermes et invariables, sans se laisser nullement esbranler par aucune sorte d'apparence de plus grand bien; car bien souvent, dit le glorieux saint Bernard, le malin nous donne le change, et pour nous destourner d'achever un bien il nous en propose un autre qui semble meilleur, lequel apres que nous avons commencé, pour nous divertir de le parfaire il en presente un troisiesme, se contentant que nous fassions plusieurs commencemens, pourveu que nous ne fassions point de fin.

  A005000371 

 L'inspiration est suspecte qui nous pousse a quitter un vray bien que nous avons present, pour en pourchasser un meilleur a venir.

  A005000371 

 Les animaux sacrés d'Ezechiel alloyent ou l'impetuosité de l'esprit les portoit, et ne se retournoyent point en marchant, mais un chacun s'avançoit, cheminant devant sa face: il faut aller ou l'inspiration nous pousse, et ne point se revirer ni retourner en arriere, ains marcher du costé ou Dieu a contournee nostre face, sans changer de visee.

  A005000376 

 Il se faut donq comporter ainsy, Theotime, es inspirations qui ne sont extraordinaires que d'autant qu'elles nous incitent a prattiquer avec une extraordinaire ferveur et perfection les exercices ordinaires du Chrestien; mais il y a d'autres inspirations que l'on appelle extraordinaires, non seulement parce qu'elles font avancer l'ame au dela du train ordinaire, mais aussi parce qu'elles la portent a des actions contraires aux lois, regles et coustumes communes de la tressainte Eglise, et qui partant sont plus admirables qu'imitables..

  A005000384 

 Je parle d'une humilité noble, reelle, moelleuse, solide, qui nous rend souples a la correction, maniables et promptz a l'obeissance..

  A005000388 

 Et pour conclure tout ce que nous avons dit de l'union de nostre volonté a celle de Dieu qu'on appelle signifiee, presque toutes les herbes qui ont les fleurs jaunes, et mesme la cicoree sauvage qui les a bleues, les tournent tous-jours du costé du soleil et suivent ainsy son contour; mais l' heliotropium ne contourne pas seulement ses fleurs, ains encor toutes ses feuilles, a la suite de ce grand luminaire.

  A005000392 

 Saint Basile dit que la volonté de Dieu nous est tesmoignee par ses ordonnances ou commandemens, et que lhors il n'y a rien a deliberer, car il faut simplement faire ce qui est ordonné; mais que pour tout le reste il est en nostre liberté de choisir a nostre gré ce que bon nous semblera, bien qu'il ne faille pas faire tout ce qui est loysible, ains seulement ce qui est expedient: et qu'en fin, pour bien discerner ce qui est convenable, il faut ouïr l'advis du sage pere spirituel..

  A005000394 

 Il faut mesurer nostre attention a l'importance de ce que nous entreprenons: ce seroit un soin desreglé de prendre autant de peyne a deliberer pour faire un voyage d'une journee, comme pour celuy de trois ou quatre cens lieues..

  A005000395 

 Il faut aller tout a la bonne foy et sans subtilité en telles occurrences, et, comme dit saint Basile, faire librement ce que bon nous semblera, pour ne point lasser nostre [106] esprit, perdre le tems et nous mettre en danger d'inquietude, scrupule et superstition.

  A005000396 

 Et bien que les difficultés, tentations et diversités d'evenemens qui se rencontrent au progres de l'execution de nostre dessein, nous pourroyent donner quelque desfiance d'avoir bien choysi, il faut neanmoins demeurer ferme et ne point regarder tout cela, ains considerer que si nous eussions fait un autre choix nous eussions peut estre treuvé cent fois pis, outre que nous ne sçavons pas si Dieu veut que nous soyons exercés en la consolation ou en la tribulation, en la paix ou en la guerre.

  A005000396 

 La resolution estant saintement prise, il ne faut jamais douter de la sainteté de l'execution, car s'il ne tient a nous elle ne peut manquer: faire autrement c'est une marque d'un grand amour propre, ou d'enfance, foiblesse et niaiserie d'esprit..

  A005000404 

 Rien ne se fait, hormis le peché, que par la volonté de Dieu qu'on appelle volonté absolue et de bon playsir, que personne ne peut empescher, et laquelle ne nous est point conneüe que par les effectz, qui, estans arrivés, nous manifestent que Dieu les a voulus et desseignés..

  A005000405 

 Considerons en bloc, Theotime, tout ce qui a esté, qui est et qui sera; et, tous ravis d'estonnement, nous serons contrains d'exclamer a l'imitation du Psalmiste: O Seigneur, je vous loueray parce que vous estes excessivement magnifié; vos œuvres sont merveilleuses, et mon ame le reconnoist trop plus; Vostre [109] science est admirable au dessus de moy, elle prevaut, et je ne puis y atteindre.

  A005000405 

 Et de la nous passerons a la tressainte complaysançe, nous res-jouissans dequoy Dieu est si infini en sagesse, puissance et bonté, qui sont les trois proprietés divines desquelles l'univers n'est qu'un petit essay et comme une monstre..

  A005000406 

 Voyons les hommes et les Anges, et toute cette varieté de nature, de qualités, conditions, facultés, affections, passions, graces et privileges que la supreme Providence a establie en la multitude innombrable de ces intelligences celestes et des personnes humaines, esquelles est si admirablement exercee la justice et misericorde divine; et nous ne pourrons nous contenir de chanter avec une joye pleine de respect et de crainte amoureuse:.

  A005000413 

 Theotime, nous devons avoir une extreme complaysance de voir comme Dieu exerce sa misericorde par tant de diverses faveurs qu'il distribue aux Anges et aux hommes, au Ciel et en la terre, et comme il prattique sa justice par une infinie varieté de peynes et chastimens; car sa justice et sa misericorde sont egalement aymables et admirables en elles mesmes, puisque l'une et Vautre ne sont autre chose qu'une mesme tres unique Bonté et Divinité..

  A005000414 

 Mais d'autant que les effectz de sa justice nous sont aspres et pleins d'amertume, il les adoucit tous-jours par le meslange de ceux de sa misericorde, et fait qu'emmi les eaux du deluge de sa juste indignation, l'olive verdoyante soit conservee, et que l'ame devote, comme une chaste colombe, l'y puisse en fin treuver, si toutefois elle veut bien amoureusement mediter a la façon des colombes.

  A005000428 

 O Dieu, neanmoins que vostre volonté soit faite, non seulement en l'execution de vos commandemens, conseilz et inspirations, qui doivent estre prattiqués par nous, mais aussi en la souffrance des afflictions et peynes qui doivent estre receües en nous, affin que vostre volonté fasse par nous, pour nous, en nous et de nous tout ce qu'il luy plaira..

  A005000428 

 Ouy, Seigneur, vostre volonté soit faite en la terre, ou nous n'avons point de playsir sans meslange de quelque douleur, point de roses sans espines, point de jour sans la suite d'une nuit, point de primtems sans qu'il soit precedé de l'hyver; en la terre, Seigneur, ou les consolations sont rares et les travaux innombrables.

  A005000428 

 Venons par apres a nous mesmes en particulier, et voyons une quantité de biens interieurs et exterieurs, [111] comme aussi un nombre tres grand de peynes interieures et exterieures que la Providence divine nous a preparees, selon sa tressainte justice et misericorde; et, comme ouvrans les bras de nostre consentement, embrassons tout cela tres amoureusement, acquiesçans a sa tressainte volonté, et chantans a Dieu, par maniere d'un hymne d'eternel acquiescement: Vostre volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A005000432 

 Combien de fois nous est il arrivé d'avoir a contrecœur les remedes et medicamens tandis que le medecin ou l'apothicaire les presentoit, et que nous estans offertz par quelque main bienaymee, l'amour surmontant l'horreur, nous les recevions avec joye? Certes, ou l'amour oste l'aspreté du travail, ou il en rend le sentiment aymable.

  A005000432 

 Les afflictions sont comme cela: si nous les regardons hors de la volonté de Dieu, elles ont leur amertume naturelle; mais qui les considere en ce bon playsir eternel, elles sont toutes d'or, aymables et pretieuses plus qu'il ne se peut dire..

  A005000434 

 Certes, le Saint Esprit marque en l'Escriture Sainte le plus haut point de l'amour de Nostre Seigneur envers nous, en la Mort et Passion qu'il a souffert pour nous..

  A005000435 

 Aymer la volonté divine en ses commandemens, conseilz et inspirations, c'est un second degré d'amour, beaucoup plus parfait; car il nous porte a renoncer et quitter nostre propre volonté, et nous fait abstenir et deporter de plusieurs voluptés, mais non pas de toutes.

  A005000437 

 Or, voyla toutefois le grand Job, comme roy des miserables de la terre, assis sur un fumier comme sur le throsne de la misere, paré de playes, d'ulceres, de pourriture, comme de vestemens royaux assortissans a la qualité de sa royauté, avec une si grande abjection et aneantissement que, s'il n'eust parlé, on ne pouvoit discerner si Job estoit un homme reduit en fumier, ou si le fumier estoit une pourriture en forme d'homme; or, le voyla, dis-je, le grand Job, qui s'escrie: Si nous avons receu des biens de la main de Dieu, pourquoy n'en recevrons nous pas aussi bien les maux? O Dieu, que cette parole est de grand amour! Il pese, Theotime, que c'est de la main de Dieu qu'il a receu les biens, tesmoignant qu'il n'avoit pas tant estimé les biens parce qu'ilz estoyent biens, comme parce qu'ilz provenoyent de la main du Seigneur: ce qu'estant ainsy, il conclud que donques il faut supporter amoureusement les adversités, puisqu'elles procedent de la mesme main du Seigneur, esgalement aymable lhors qu'elle distribue les afflictions comme quand elle donne les consolations.

  A005000442 

 L'amour de la croix nous fait entreprendre des afflictions volontaires, comme, par exemple, des jeusnes, veillees, cilices et autres macerations de la chair, et nous fait renoncer aux playsirs, honneurs et richesses; et l'amour en ces exercices est tout aggreable au Bienaymé.

  A005000442 

 Mays l'amour est alhors en son excellence quand nous ne recevons pas seulement avec douceur et patience les afflictions, ains nous les cherissons, nous les aymons et les caressons, a cause du bon playsir divin duquel elles procedent..

  A005000442 

 Toutefois il l'est encor davantage quand nous [116] recevons avec patience, doucement et aggreablement, les peynes, tourmens et tribulations, en consideration de la volonté divine qui nous les envoye.

  A005000444 

 Job en ses travaux fait l'acte de resignation: Si nous avons receu les biens, dit il, de la main de Dieu, pourquoy ne soustiendrons nous les peynes et travaux qu'il nous envoye? Voyés, Theotime, qu'il parle de soustenir, supporter et endurer.

  A005000468 

 Le grand Apostre nous annonce une generale indifference, pour nous monstrer vrays serviteurs de Dieu, en fort grande patience es tribulations, es necessités, es angoisses, es blesseures, es prisons, es seditions, es travaux, [122] es veillees, es jeusnes; en chasteté, en science, en longanimité et suavité au Saint Esprit; en charité non fainte, en parole de verité, en la vertu de Dieu; far les armes de justice a droitte et a gauche; par la gloire et par l'abjection, par l'infamie et bonne renommee; comme seducteurs, et neanmoins veritables; comme inconneus, et toutefois reconneus; comme mourans, et toutefois vivans; comme chastiés, et toutefois non tués; comme tristes, et toutefois tous-jours joyeux; comme pauvres, et toutefois enrichissans plusieurs; comme n'ayans rien, et toutefois possedans toutes choses..

  A005000475 

 On ne connoist presque point le bon playsir divin que par les evenemens, et tandis qu'il nous est inconneu il nous faut attacher le plus fort qu'il nous est possible a la volonté de Dieu qui nous est manifestee ou signifiee; mais soudain que le bon playsir de sa divine Majesté comparoit, il faut aussi tost se ranger amoureusement a son obeissance..

  A005000477 

 Mais si le bon playsir divin m'estoit declairé avant l'evenement d'iceluy, comme au grand saint Pierre la façon de sa mort, au grand saint Paul ses liens et prisons, a Hieremie la destruction de sa chere Hierusalem, a David la mort de son filz, alhors il faudroit [125] unir a l'instant nostre volonté a celle de Dieu, a l'exemple du grand Abraham, et comme luy, s'il nous estoit commandé, entreprendre l'execution du decret eternel en la mort mesme de nos enfans.

  A005000479 

 Ouy, Theotime, car Dieu bien souvent, pour nous exercer en cette sainte indifference, nous inspire des desseins fort relevés, desquelz pourtant il ne veut pas le succes; et lhors, comme il nous faut hardiment, courageusement et constamment commencer et suivre l'ouvrage tandis qu'il se peut, aussi faut il acquiescer doucement et tranquillement a l'evenement de l'entreprise, tel qu'il plaist a Dieu nous le donner.

  A005000480 

 Nous voulons que ce que nous entreprenons et manions reuscisse, mais il n'est pas raysonnable que [127] Dieu fasse toutes choses a nostre gré: s'il veut que Ninive soit menassee, et que neanmoins elle ne soit pas renversee, puisque la menasse suffit a la corriger, pourquoy Jonas s'en plaindra-il?.

  A005000481 

 C'est a nous de bien planter et bien arrouser, mais de donner l'accroissement cela n'appartient qu'a Dieu.

  A005000481 

 Mais si cela est ainsy, il ne faudra donq rien affectionner, ains laisser les affaires a la mercy des evenemens? Pardonnés-moy, Theotime, il ne faut rien oublier de tout ce qui est requis pour faire bien reuscir les entreprises que Dieu nous met en main, mais a la charge que si l'evenement est contraire nous le recevrons doucement et tranquillement; car nous avons commandement d'avoir un grand soin des choses qui regardent la gloire de Dieu et qui sont en nostre charge, mais nous ne sommes pas obligés ni chargés de l'evenement, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A005000483 

 Quand donques il arrive que les desseins sacrés ne reuscissent pas, en punition de nos fautes, il faut egalement detester la faute par une solide repentance, et accepter la peyne que nous en avons; car, comme le peché est contre la volonté de Dieu, aussi la peyne est selon sa volonté..

  A005000487 

 C'est a nous de bien cultiver nos ames, et partant il y faut fidelement vaquer; mais quant a l'abondance de la prise et de la moisson, laissons en le soin a Nostre Seigneur.

  A005000487 

 Dieu nous a ordonné de faire tout ce que nous pourrons pour acquerir les saintes vertus, n'oublions donq rien pour bien reuscir de cette sainte entreprise; mais apres que nous aurons planté et arrousé, sçachons que c'est a Dieu de donner l'accroissement aux arbres de nos bonnes inclinations et habitudes: [129] c'est pourquoy il faut attendre le fruit de nos desirs et travaux de sa divine providence.

  A005000487 

 Ne nous inquietons point pour nous voir tous-jours novices en l'exercice des vertus; car, au monastere de la vie devote, chacun s'estime tous-jours novice, et toute la vie y est destinee a la probation, n'y ayant point de plus evidente marque d'estre non seulement novice, mais digne d'expulsion et reprobation, que de penser et se tenir pour profés: car selon la regle de cet ordre la, non la solemnité, mais l'accomplissement des vœux rend les novices profés; or les vœux ne sont jamais accomplis tandis qu'il y a quelque chose a faire pour l'observance d'iceux, et l'obligation de servir Dieu et faire progres en son amour dure tous-jours jusques a la mort..

  A005000487 

 Que si nous ne sentons pas le progres et avancement de nos espritz en la vie devote tel que nous voudrions, ne nous troublons point, demeurons en paix, que tous-jours la tranquillité regne dans nos cœurs.

  A005000489 

 Attendons donq en patience nostre avancement, et en lieu de nous inquieter d'en avoir si peu fait par le passé, procurons avec diligence d'en faire plus a l'advenir..

  A005000490 

 Et cependant, Theotime, ce n'est pas l'amour celeste qui fait ce trouble, car il ne se fasche que pour le peché; c'est nostre amour propre, qui voudroit que [131] nous fussions exemptz de la peyne et du travail que les assautz de l'ire nous donnent: ce n'est pas la coulpe qui nous desplait en ces eslans de la cholere, car il n'y a du tout point de peché; c'est la peyne d'y resister qui nous inquiete..

  A005000490 

 Neanmoins elle est encor sujette aux assautz et premiers mouvemens de cette passion, qui sont certains eslans, esbranlemens et saillies du cœur irrité, que la paraphrase Caldaïque appelle tremoussemens, disant: Tremousses, et ne veuilles point pecher, ou nostre sacree version a dit: Courrouces-vous, et ne veuilles point pecher; qui est en effect une mesme chose, car le Prophete ne veut dire sinon que si le courroux nous surprend, excitant en nos cœurs les premiers tremoussemens de la cholere, nous nous gardions bien de nous laisser emporter plus avant en cette passion, d'autant que nous pecherions.

  A005000491 

 C'est le Philistin que les vrays Israëlistes doivent tous-jours combattre, sans que jamais ilz le puissent abbattre: ilz le peuvent affoiblir, mais non pas aneantir; il ne meurt jamais qu'avec nous, et vit tous-jours avec nous.

  A005000491 

 Ces rebellions de l'appetit sensuel, tant en l'ire qu'en la convoitise, sont laissees en nous pour nostre exercice, affin que nous prattiquions la vaillance spirituelle en leur resistant.

  A005000491 

 Il est certes execrable et detestable, d'autant qu'il est issu du peché et tend perpetuellement au peché: c'est pourquoy, comme nous sommes appellés terre parce que nous sommes extraitz de la terre et que nous retournerons en terre, ainsy cette rebellion est appellee par le grand Apostre peché, comme provenue du peché et tendante au peché, quoy qu'elle ne nous rende nullement coulpables sinon quand nous la secondons et luy obeissons; dont le mesme Apostre nous advertit de faire en sorte que ce mal la ne regne point en nostre cors mortel, pour obeir aux convoitises d'iceluy.

  A005000491 

 Il est en nous quand nous sentons la rebellion de l'appetit sensuel, mais il ne regne pas en nous sinon quand nous y consentons.

  A005000491 

 Il ne nous defend pas de sentir le peché, mais seulement d'y consentir; il n'ordonne pas que nous empeschions le peché de venir en nous et d'y estre, mais il commande qu'il n'y regne pas.

  A005000492 

 Et remarques en fin, que non seulement nous ne devons pas nous inquieter en nos tentations ni en nos infirmités, mais nous devons nous glorifier d'estre infirmes, affin que la vertu divine paroisse en nous, soustenant nostre foiblesse contre l'effort de la suggestion et tentation: car le glorieux Apostre appelle ses infirmités, les eslans et rejettons d'impureté qu'il sentoit, et dit qu'il se glorifioit en icelles, parce que si bien il les sentoit par sa misere, neanmoins, par la misericorde de Dieu, il n'y consentoit pas..

  A005000492 

 Mais remarques, de grace, que la rebellion sensuelle est en cet admirable vaysseau d'election, lequel, recourant au remede de l'orayson, nous monstre qu'il nous faut combattre par ce mesme moyen les tentations que nous sentons.

  A005000493 

 Certes, comme j'ay dit cy dessus, l'Eglise condamna l'erreur de certains solitaires qui disoyent qu'en ce monde nous pouvions estre parfaitement exemptz des passions d'ire, de convoitise, de crainte et autres semblables.

  A005000493 

 Dieu veut que nous ayons des ennemis, Dieu veut que nous les repoussions: vivons donq courageusement entre l'une et l'autre volonté divine, souffrans avec patience d'estre assaillis, et taschans avec vaillance de faire teste et resister aux assaillans.

  A005000497 

 Adorons donq et benissons cette sainte permission: mais puisque la Providence qui permet le peché le hait infiniment, detestons-le avec elle, haïssons-le, desirans de tout nostre pouvoir que le peché permis ne soit point commis; et en suite de ce desir, employons tous les remedes qu'il nous sera possible pour empescher la naissance, le progres et le regne du peché, a l'imitation de Nostre Seigneur qui ne cesse d'exhorter, promettre, menasser, defendre, commander et inspirer parmi nous, pour destourner nostre volonté du peché, entant qu'il se peut faire sans luy oster sa liberté..

  A005000498 

 Mays quand le peché est commis, faysons tout ce qui est en nous affin qu'il soit effacé; comme Nostre Seigneur qui asseura Carpus, ainsy qu'il a ci devant esté noté, que s'il estoit requis, il subiroit derechef la mort pour delivrer une seule ame de peché.

  A005000499 

 Cependant, pour obstinés que les pecheurs puissent estre, ne perdons pas courage de les ayder et servir; car, que sçavons nous si par aventure ilz feront penitence et seront sauvés? Bienheureux est celuy qui peut dire a ses prochains comme saint Paul: Je n'ay cessé ni jour ni nuit en vous admonestant un chacun de vous avec larmes; et partant je suis net du sang de tous, car je ne me suis point espargné que je ne vous aye annoncé tout le bon playsir de Dieu.

  A005000499 

 Tandis que nous sommes dans les bornes de l'esperance que le pecheur se puisse amender, qui sont tous-jours de mesme estendue que celles de sa vie, il ne faut jamais le rejetter, ains prier pour luy, et l'ayder autant que son malheur le permettra..

  A005000500 

 Il failloit, disent les Apostres aux Juifz, vous annoncer premierement la parole de Dieu; mais d'autant que vous la rejettes et vous tenes pour indignes du regne de Jesus Christ, voyci que nous nous retournons du costé des Gentilz; On vous ostera, dit le Sauveur, le Royaume de Dieu, et il sera donné a une nation qui en fera du fruit.

  A005000500 

 L'Apostre, certes, dit qu'il a une douleur continuelle pour la perte des Juifz; mais c'est comme nous disons que nous benissons Dieu en tout tems, car cela ne veut dire autre chose, sinon que nous le benissons fort souvent et en toutes occasions: et de mesme, le glorieux [135] saint Paul avoit une continuelle douleur en son cœur a cause de la reprobation des Juifz, parce qu'a toutes occasions il regrettoit leur malheur..

  A005000500 

 Mais, en fin finale, apres que nous avons pleuré sur les obstinés et que nous leur avons rendu le devoir de charité pour essayer de les retirer de perdition, il faut imiter Nostre Seigneur et les Apostres, c'est a dire, divertir nostre esprit de la, et le retourner sur des autres objectz et a d'autres occupations plus utiles a la gloire de Dieu.

  A005000501 

 Au reste, il faut adorer, aymer et louer a jamais la justice vengeresse et punissante de nostre Dieu, comme nous aymons sa misericorde, parce que l'une et l'autre est fille de sa bonté: car par sa grace il nous veut faire bons, comme tres bon, ains souverainement bon qu'il est; par sa justice il veut chastier le peché, parce qu'il le hait; or il le hait, parce qu'estant souverainement bon, il deteste le souverain mal qui est l'iniquité.

  A005000501 

 Et notés, pour conclusion, que jamais Dieu ne retire sa misericorde de nous que par l'equitable vengeance de sa justice punissante, et jamais nous n'eschappons la rigueur de sa justice que par sa misericorde justifiante: et tous-jours, ou punissant ou gratifiant, son bon playsir est adorable, aymable et digne d'eternelle benediction.

  A005000514 

 Ainsy nos cœurs, au commencement de leur devotion, ayment Dieu pour s'unir a luy, luy estre aggreables, et l'imiter en ce qu'il nous a aymés eternellement; mays, petit a petit, estans duitz et exercés au saint amour, ilz prennent imperceptiblement le change, et en lieu d'aymer Dieu pour plaire a Dieu, ilz commencent d'aymer pour le playsir qu'ilz ont eux mesmes es exercices du saint amour, et en lieu qu'ilz estoyent amoureux de Dieu, ilz deviennent amoureux de l'amour qu'ilz luy portent: ilz sont affectionnés a leurs affections, et ne se playsent plus en Dieu, mais au playsir qu'ilz ont en son amour, se contentans en cet amour entant qu'il est a eux, qu'il est dans leur esprit et qu'il en procede; car encor que cet amour sacré s'appelle amour de Dieu parce que Dieu est aymé par iceluy, il ne laisse pas d'estre nostre parce que [138] nous sommes les amans qui aymons par iceluy.

  A005000514 

 Et c'est la le sujet du change; car en lieu d'aymer ce saint amour parce qu'il tend a Dieu qui est l'aymé, nous l'aymons parce qu'il procede de nous qui sommes les amans.

  A005000514 

 Or, qui ne void qu'ainsy faisant ce n'est plus Dieu que nous cherchons, ains que nous revenons a nous mesmes, aymant l'amour en lieu d'aymer le Bienaymé; aymant, dis-je, cet amour, non pour le bon playsir et contentement de Dieu, mays pour le playsir et contentement que nous en tirons nous mesmes.

  A005000518 

 Le cantique est divin, mais le motif qui le nous fait chanter c'est la delectation spirituelle que nous en pretendons..

  A005000519 

 La volonté de Dieu est en la maladie aussi bien et presqu'ordinairement mieux qu'en la santé: que si nous aymons mieux la santé, ne disons pas que c'est pour tant mieux servir Dieu; car, qui ne void que c'est la santé que nous cherchons en la volonté de Dieu, et non pas la volonté de Dieu en la santé..

  A005000520 

 Il est aussi sans doute malaysé d'aymer Dieu qu'on n'ayme quant et quant le playsir que l'on prend en son amour; mais neanmoins il y a bien a dire entre le contentement que l'on a d'aymer Dieu parce qu'il est beau, et celuy que l'on a de l'aymer parce que son amour nous est aggreable.

  A005000520 

 Le soin mesme que nous avons a n'avoir point de distractions nous sert souvent de fort grande distraction; la simplicité es actions spirituelles est la plus recommandable.

  A005000529 

 Ainsy arrive-il quelquefois, que nous n'avons nulle consolation es exercices de l'amour sacré, d'autant que, comme chantres sourds, nous n'oyons pas nostre propre voix ni ne pouvons jouir de la suavité de nostre chant; ains au contraire, outre cela, nous sommes pressés de mille craintes, troublés de mille tintamarres que l'ennemy fait autour de nostre cœur, nous suggerant que peut estre ne sommes-nous point aggreables a nostre Maistre et que nostre amour est inutile, ouy mesme qu'il est faux et vain, puisqu'il ne produit point de consolation.

  A005000529 

 Or alhors, Theotime, nous travaillons non seulement sans playsir, mais avec un extreme ennuy, ne voyans ni le bien de nostre travail, ni le contentement de Celuy pour qui nous travaillons..

  A005000530 

 La foy, certes, residente en la cime de l'esprit, nous asseure bien que ce trouble finira et que nous jouirons un jour du repos; mais la grandeur du bruit et des cris que l'ennemi fait dans le reste de l'ame, en la rayson inferieure, empesche que les advis et remonstrances de la foy ne sont presque point entendues, et ne nous demeure en l'imagination que ce triste presage: «Helas! je ne seray jamais joyeux.».

  A005000530 

 Mays ce qui accroist le mal en cette occurrence, c'est que l'esprit et supreme pointe de la rayson ne nous peut donner aucune sorte d'allegement; car cette pauvre portion superieure de la rayson, estant, toute environnee [144] des suggestions que l'ennemi luy fait, elle est mesme toute alarmee et se treuve asses embesoignee a se garder d'estre surprise d'aucun consentement au mal, de sorte qu'elle ne peut faire aucune sortie pour desengager la portion inferieure de l'esprit.

  A005000541 

 Que nous pensions songer;.

  A005000543 

 et, comme porte la sainte version latine, apres les Septante: Nous fusmes faitz comme consolés; c'est a dire: l'admiration de la grandeur du bien qui nous arriva estoit si excessive qu'elle nous empeschoit de bien sentir la consolation que nous receusmes, et nous estoit advis que nous ne fussions pas veritablement consolés et que nous n'eussions pas une consolation en verité, ains seulement en figure et en songe..

  A005000544 

 Telz donques sont les sentimens de l'ame laquelle est entre les angoisses spirituelles, qui rendent l'amour extremement pur et net, car estant privé de tout playsir par lequel il puisse estre attaché a son Dieu, il nous joint et unit a Dieu immediatement, volonté a volonté, [147] cœur a cœur, sans aucune entremise de contentement ou pretention.

  A005000545 

 Le Filz recommanda son esprit au Pere en cette [148] derniere et incomparable detresse; et nous, lhors que les convulsions des peynes spirituelles nous ostent toute autre sorte d'allegemens et de moyens de resister, recommandons nostre esprit es mains de ce Filz eternel qui est nostre vray Pere, et baissant la teste de nostre acquiescement a son bon playsir, consignons luy toute nostre volonté..

  A005000545 

 Quand donq tout nous defaut, quand nos ennuis sont en leur extremité, cette parole, ce sentiment, ce renoncement de nostre ame entre les mains de nostre Sauveur, ne nous peut manquer.

  A005000549 

 Nous parlons avec une propreté toute particuliere de la mort des hommes, en nostre langage françois, car nous l'appelions trespas, et les mortz, trespassés; signifians que la mort entre les hommes n'est qu'un passage d'une vie a l'autre, et que mourir n'est autre chose sinon outrepasser les confins de cette vie mortelle pour aller a l'immortelle.

  A005000554 

 Et c'est la façon avec laquelle nous devons tascher de nous comporter en la volonté du bon playsir divin, d'autant que les effectz de cette volonté du bon playsir procedent purement de sa providence, et sans que nous les fassions ilz nous arrivent.

  A005000554 

 Et nous autres, Theotime, comme petitz enfans du Pere celeste, nous pouvons aller avec luy en deux sortes: car nous pouvons aller, premierement, marchans des pas de nostre propre vouloir, lequel nous conformons au sien, tenans tous-jours de la main de nostre obeissance celle de son intention divine et la suivant par tout ou elle nous conduit; qui est ce que Dieu requiert de nous par la signification de sa volonté, car puisqu'il veut que je fasse ce qu'il m'ordonne, il veut que j'aye le vouloir de le faire.

  A005000554 

 Il est vray que nous pouvons bien vouloir qu'ilz arrivent selon la volonté de Dieu, et ce vouloir est tres bon; mais nous pouvons bien aussi recevoir les evenemens du bon playsir celeste par une tres simple tranquillité de nostre volonté qui, ne voulant chose quelcomque, acquiesce simplement a tout ce que Dieu veut estre fait en nous, sur nous et de nous..

  A005000554 

 Mays nous pouvons aussi aller avec Nostre Seigneur sans avoir aucun vouloir propre, nous laissans simplement porter [152] a son bon playsir divin, comme un petit enfant entre les bras de sa mere, par une certaine sorte de consentement admirable qui se peut appeller union, ou plustost unité de nostre volonté avec celle de Dieu.

  A005000556 

 Et notés qu'il dit toute nostre sollicitude, c'est a dire, [154] autant celle que nous avons de recevoir les evenemens comme celle de vouloir ou ne vouloir pas; car il aura soin du succes de nos affaires et de vouloir pour nous ce qui sera le meilleur..

  A005000556 

 Theotime, nous devons estre comme cela, nous rendans pliables et maniables au bon playsir divin, comme si nous estions de cire, ne nous amusans point a souhaiter et vouloir les choses, mais les laissant vouloir et faire a Dieu pour nous ainsy qu'il luy plaira, jettans en luy toute nostre sollicitude, d'autant qu'il a soin de nous, ainsy que dit le saint Apostre.

  A005000561 

 Benir Dieu et le remercier pour tous les evenemens que sa providence ordonne, c'est a la verité une occupation toute sainte; mays si, tandis que nous laissons le soin a Dieu de vouloir et faire ce qu'il luy plait en nous, sur nous et de nous, sans estre attentifs a ce qui se passe quoy que nous le sentions bien, nous pouvions [155] divertir nostre cœur et appliquer nostre attention en la Bonté et Douceur divine, la benissant non en ses effectz ni es evenemens qu'elle ordonne, mais en elle mesme et en sa propre excellence, nous ferions sans doute un exercice beaucoup plus eminent..

  A005000566 

 Il est fort malaysé de bien exprimer cette extreme indifference de la volonté humaine qui est ainsy reduite et trespassee en la volonté de Dieu: car il ne faut pas dire, ce me semble, qu'elle acquiesce a celle de Dieu, puisque l'acquiescement est un acte de l'ame qui declaire son consentement; il ne faut pas dire non plus qu'elle accepte ni qu'elle reçoit, d'autant que accepter et recevoir sont de certaines actions qu'on peut en certaine façon appeller actions passives, par lesquelles nous embrassons et prenons ce qui nous arrive; il ne faut pas dire aussi qu'elle permet, d'autant que la permission est une action de la volonté, et par consequent un certain vouloir oysif qui ne veut voirement rien faire, mais veut pourtant laisser faire.

  A005000567 

 Car bien qu'il dit: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu abandonné? ce fut pour nous faire sçavoir les veritables amertumes et [159] peines de son ame, et non pour contrevenir a la tressainte indifference en laquelle il estoit; ainsy qu'il monstra bien tost apres, concluant toute sa vie et sa Passion par ces incomparables paroles: Mon Pere, je remetz mon esprit entre vos mains..

  A005000571 

 Representons-nous le doux Jesus, Theotime, chez Pilate, ou, pour l'amour de nous, les gens d'armes, ministres de la mort, le devestirent de tous ses habitz l'un apres l'autre, et non contens de cela luy osterent encor sa peau, la deschirans a coups de verges et de foüetz; comme par apres son ame fut despouillee de son cors et le cors de sa vie par la mort qu'il souffrit en la croix: mais trois jours passés, par sa tressainte Resurrection, l'ame se revestit de son cors glorieux, et le cors de sa peau immortelle, et s'habilla de vestemens differens, ou en pelerin, ou en jardinier, ou d'autre sorte, selon que le salut des hommes et la gloire de son Pere le requeroit.

  A005000572 

 Car, comme la belle et chaste Judith avoit voirement dans ses cabinetz ses beaux habitz de feste, et neanmoins ne les affectionnoit point, ni ne s'en para jamais en sa viduité sinon quand, inspiree de Dieu, elle alla ruiner Holophernes, ainsy, quoy que nous ayons appris la prattique des vertus et les exercices de devotion, si est ce que nous ne les devons point affectionner ni en revestir nostre cœur sinon a mesure que nous sçavons que c'est le bon playsir de Dieu; et comme Judith demeura tous-jours en habit de deuil, sinon en cette occasion en laquelle Dieu voulut qu'elle se mist en pompe, aussi devons nous paisiblement demeurer revestus de nostre misere et abjection, parmi nos imperfections et foiblesses, jusques a ce que Dieu nous exalte a la prattique des excellentes actions..

  A005000572 

 Ouy, Theotime, le mesme Seigneur qui nous fait desirer les vertus en nostre commencement et qui nous les fait prattiquer en toutes occurrences, c'est luy mesme qui nous oste l'affection des vertus et de tous les exercices spirituelz, affin qu'avec plus de tranquillité, de pureté et de simplicité, nous n'affectionnions rien que le bon playsir de sa divine Majesté.

  A005000573 

 Car ayant tout renoncé, voire mesme les affections des vertus, pour ne vouloir ni de celles-la ni d'autres quelconques qu'autant que le bon playsir divin portera, il [161] nous faut revestir derechef de plusieurs affections, et peut estre des mesmes que nous avons renoncees et resignees; mais il s'en faut derechef revestir, non plus parce qu'elles nous sont aggreables, utiles, honnorables et propres a contenter l'amour que nous avons pour nous mesmes, ains parce qu'elles sont aggreables a Dieu, utiles a son honneur et destinees a sa gloire..

  A005000573 

 On ne peut longuement demeurer en cette nudité, despouillé de toute sorte d'affections: c'est pourquoy, selon l'advis du saint Apostre, apres que nous avons osté les vestemens du viel Adam, il se faut revestir des habitz du nouvel homme, c'est a dire de Jesus Christ.

  A005000576 

 L'amour est fort comme la mort pour nous faire tout quitter; il est magnifique comme la resurrection pour nous parer de gloire et d'honneur..

  A005000585 

 Mais voyés, Theotime, combien cette loy d'amour est aymable! Hé, Seigneur Dieu, ne suffisoit il pas qu'il vous pleust de nous permettre ce divin amour, comme Laban permit celuy de Rachel a Jacob, sans qu'il vous pleust encor de nous y semondre par exhortations, de nous y pousser par vos commandemens? Mais non, Bonté divine, affin que ni vostre grandeur, ni nostre bassesse, ni pretexte quelcomque ne nous retardast de vous aymer, vous nous le commandés.

  A005000585 

 O vray Dieu, si nous le sçavions entendre, mon cher Theotime, quelle obligation aurions-nous a ce souverain Bien qui non seulement nous permet, mais nous commande de l'aymer! Helas, o Dieu, je ne sçay pas si je dois plus aymer vostre infinie beauté qu'une si divine bonté m'ordonne d'aymer, ou vostre divine bonté qui m'ordonne d'aymer une si tres infinie beauté! O beauté, combien estes vous aymable, m'estant octroyee par une si immense bonté! o bonté, que vous estes amiable de me communiquer une si eminente beauté!.

  A005000594 

 Hé, vray Dieu, combien est desirable la suavité de ce commandement, Theotime, puisque si la divine volonté le faysoit aux damnés ilz seroyent en un moment delivrés de leur plus grand malheur, et que les Bienheureux ne sont Bienheureux que par la prattique d'iceluy! O amour celeste, que vous estes aymable a nos ames! et que benie soit a jamais la Bonté laquelle nous commande avec tant de soin qu'on l'ayme, quoy que son amour soit si desirable et necessaire a nostre bonheur que sans iceluy nous ne puissions estre que malheureux! [168].

  A005000598 

 Nous sommes donques destinés au contentement qui nous est promis en la vie immortelle, par ce commandement qui nous est fait en cette vie mortelle, en laquelle nous sommes, a la verité, obligés de l'observer tres estroittement, puisque c'est la loy fondamentale que le Roy Jesus a donné aux citoyens de la Hierusalem militante, pour leur faire meriter la bourgeoisie et la joye de la Hierusalem triomphante..

  A005000598 

 Si aucune loy n'est imfosee au juste, parce que, prevenant la loy et sans avoir besoin d'estre sollicité par icelle, il fait la volonté de Dieu par l'instinct de la charité qui regne en son ame, combien devons nous estimer les Bienheureux de Paradis libres et exemptz de toute sorte de commandemens, puisque, de la jouissance en laquelle ilz sont de la souveraine beauté et bonté du Bienaymé, coule et procede une tres douce mais inevitable necessité en leurs espritz, d'aymer eternellement la tressainte Divinité? Nous aymerons Dieu au Ciel, Theotime, non comme liés et obligés par la loy, mais comme attirés et ravis par la joye que cet object si parfaittement aymable donnera a nos cœurs; alhors la force du commandement cessera pour faire place a la force du contentement, qui sera le fruit et le comble de l'observation du commandement.

  A005000599 

 Certes, la haut au Ciel nous aurons un cœur tout libre de passions, une ame toute espuree de distractions, un esprit affranchi de contradictions, et des forces [169] exemptes de repugnances; et partant nous y aymerons Dieu par une perpetuelle et non jamais interrompue dilection, ainsy qu'il est dit de ces quatre animaux sacrés qui, representans les Evangelistes, sans cesser ni jour ni nuit louoyent continuellement la Divinité.

  A005000604 

 Et ne faut pas non plus, Theotime, que pendant l'enfance de nostre vie mortelle, nous laissions de faire ce qui est en nous, selon qu'il nous est commandé; puisque non seulement nous le pouvons, mais il est tres aysé, tout ce commandement estant de l'amour, et de l'amour de Dieu, qui, estant souverainement bon, est souverainement aymable.

  A005000604 

 Mais il ne faut pas pretendre a cet amour si extremement parfait, en cette vie mortelle, car nous n'avons pas encor ni le cœur, ni l'ame, ni l'esprit, ni les forces des Bienheureux: il suffit que nous aymions de tout le cœur et de toutes les forces que nous avons.

  A005000604 

 Tandis que nous sommes petitz enfans, nous sommes sages comme petitz enfans, nous parlons en petitz enfans, nous aymons comme petitz enfans; mais quand nous serons parfaitz la haut au Ciel, nous serons quittes de nostre enfance et aymerons Dieu parfaittement.

  A005000609 

 Sara ne se fasche point de voir [171] Ismaël autour du cher Isaac, tandis qu'il ne se joue point a le hurter et piquer; et la divine Bonté ne s'offence point de voir en nous des autres amours aupres du sien, tandis qu'ilz conservent envers luy la reverence et sousmission qui luy est deüe..

  A005000610 

 Certes, Theotime, la haut en Paradis Dieu se donnera tout a nous, et non pas en partie, puysque c'est un tout qui n'a point de parties; mais il se donnera pourtant diversement, et avec autant de differences qu'il y aura de Bienheureux: ce qui se fera ainsy, parce que, se donnant tout a tous et tout a un chacun, il ne se donnera jamais totalement ni a pas un en particulier, ni a tous en general.

  A005000610 

 Nous aurons tous egalement la plenitude de ce divin amour, mais les plenitudes pourtant seront inegales en perfection.

  A005000610 

 Or nous nous donnerons a luy selon la mesure qu'il se donnera a nous, car nous le verrons voirement tous face a face ainsy qu'il est en sa beauté, et l'aymerons de cœur a cœur ainsy qu'il est en sa bonté; mays tous toutefois ne le verront pas avec une egale clarté, ni ne l'aymeront pas avec une egale suavité, ains un chacun le verra et l'aymera selon la particuliere mesure de gloire que la divine providence luy a preparee.

  A005000615 

 De sorte, Theotime, que le prix de l'amour que nous portons a Dieu depend de l'eminence et excellence du motif pour lequel et selon lequel nous l'aymons, en ce que nous l'aymons pour sa souveraine infinie bonté, comme Dieu et selon qu'il est Dieu.

  A005000622 

 L'amour de nos parens, amis, bienfacteurs, est de soy mesme selon Dieu, mais nous les pouvons aymer excessivement; comme aussi nos vocations, pour spirituelles qu'elles soyent, et nos exercices de pieté (que toutefois nous devons tant affectionner) peuvent estre aymés desreglement, lhors que l'on les prefere a l'obeissance et au bien plus universel, ou que l'on les affectionne en qualité de derniere fin, bien qu'ilz ne soyent que des moyens et acheminemens a nostre finale pretention, qui est le divin amour.

  A005000628 

 Si ce n'est qu'Hester qu'Assuerus ayme, pourquoy l'aymera-il plus lhors qu'elle est parfumee et paree que lhors qu'elle est en son habit ordinaire? Si ce n'est que mon Sauveur que j'ayme, pourquoy n'aymeray-je pas autant la montaigne de Calvaire que celle de Tabor, puisqu'il est aussi veritablement en l'une qu'en l'autre? et pourquoy ne diray je pas aussi cordialement en l'une comme en l'autre: Il est bon d'estre icy? J'ayme le Sauveur en Egypte sans aymer l'Egypte; pourquoy ne l'aymeray-je pas au festin de Simon le Lepreux sans aymer le festin? et si je l'ayme entre les blasphemes qu'on respand sur luy sans aymer les blasphemes, pourquoy ne l'aymeray-je pas parfumé de l' unguent pretieux de Magdeleyne sans aymer ni l'unguent ni la senteur? C'est le vray signe que nous n'aymons que Dieu en toutes choses quand nous l'aymons egalement en toutes choses, puisqu'estant tous-jours egal a soy mesme, l'inegalité de nostre amour envers luy ne peut avoir origine que de la consideration de quelque chose qui n'est pas luy.

  A005000635 

 Or, d'autant neanmoins que ces grandes ames aymoient pour l'ordinaire Dieu de l'amour parfaitement pur, on ne doit pas laisser de dire qu'elles ont esté en l'estat de la parfaite dilection: car, comme nous voyons que les bons arbres ne produisent jamais aucun fruit veneneux, mais ouï bien du fruit verd ou vereux et taré, du guy et de la mousse, ainsy les grans Saintz ne produisent jamais aucun peché mortel, mais ouï bien des actions inutiles, mal meures, aspres, rudes et mal assaysonnees.

  A005000639 

 Mais quel est donq le degré d'amour auquel le divin commandement nous oblige tous egalement, universellement et tous-jours?.

  A005000640 

 C'est l'amour qui doit prevaloir [186] sur tous nos amours et regner sur toutes nos passions: et c'est ce que Dieu requiert de nous, qu'entre tous nos amours le sien soit le plus cordial, dominant sur tout nostre cœur; le plus affectionné, occupant toute nostre ame; le plus general, employant toutes nos puissances; le plus relevé, remplissant tout nostre esprit, et le plus ferme, exerçant toute nostre force et vigueur.

  A005000640 

 Car, bien que la dilection soit un amour, si est ce qu'elle n'est pas un simple amour, ains un amour accompaigné de choix et d'election, ainsy que la parole mesme le porte, comme remarque le tres glorieux saint Thomas; car ce commandement nous enjoint un amour esleu entre mille, comme le Bienaymé de cet amour est exquis entre mille, ainsy que la bienaymee Sulamite l'a remarqué au Cantique.

  A005000640 

 Et parce que par iceluy nous choisissons et elisons Dieu pour le souverain object de nostre esprit, c'est un amour de souveraine election ou une election de souverain amour..

  A005000641 

 C'est cette supreme dilection qui met Dieu en telle estime dedans nos ames, et fait que nous prisons si hautement le bien de luy estre aggreables, que nous le [187] preferons et affectionnons sur toutes choses.

  A005000645 

 Quand la malheureuse trouppe des espritz diaboliques, s'estant revoltee contre son Createur, voulut attirer a sa faction [188] la sainte compaignie des espritz bienheureux, le glorieux saint Michel, animant ses compaignons a la fidelité qu'ilz devoyent a leur Dieu, crioit a haute voix, mais d'une façon angelique, parmi la celeste Hierusalem: Qui est comme Dieu? Et par ce mot il renversa le felon Lucifer avec sa suite, qui se vouloyent egaler a la divine Majesté; et de la, comme on dit, le nom fut imposé a saint Michel, puisque Michel ne veut dire autre chose sinon: Qui est comme Dieu? Et lhors que les amours des choses creées veulent tirer nos espritz a leur parti pour nous rendre desobeissans a la divine Majesté, si le grand amour divin se treuve en l'ame, il fait teste, comme un autre saint Michel, et asseure les puissances et forces de l'ame au service de Dieu par ce mot de fermeté: Qui est comme Dieu? quelle bonté y a-il es creatures, qui doive attirer le cœur humain a se rebeller contre la souveraine bonté de son Dieu?.

  A005000647 

 Et la sacree dilection, toutefois, ne laisse pas d'exceller au dessus de tous les autres amours, ainsy que les evenemens font voir quand la creature s'oppose au Createur; car alhors nous prenons le parti de la dilection sacree et luy sousmettons toutes nos autres affections..

  A005000647 

 La divine dilection veut bien que nous ayons des autres amours, et souvent on ne sçauroit discerner quel est le principal amour de nostre cœur; car ce cœur humain tire maintefois tres affectionnement dans le lit de sa complaysance l'amour des creatures, ains il arrive souvent qu'il multiplie beaucoup plus les actes de son affection envers la creature que ceux de sa dilection envers son Createur.

  A005000655 

 Ce que Nicephore n'eut pas plus tost apperceu, que soudain il accourut, et ayant rencontré son Saprice, se prosternant en terre: Helas, crioit il a haute voix, «o martyr de Jesus Christ, pardonnés moy, car je vous ay offencé!» Dequoy Saprice ne tenant conte, le pauvre Nicephore, gaignant vistement le devant par une autre rue, vint derechef en mesme humilité, le conjurant de luy pardonner, en ces termes: «O martyr de Jesus Christ, pardonnes l'offence que je vous ay faite, comme homme que je suis, sujet a faillir; car voyla que des-ormais une couronne vous est donnee par Nostre Seigneur que vous n'aves point renié, ains aves confessé son saint nom devant plusieurs tesmoins.» Mais Saprice, continuant en sa fierté, ne luy respondit pas un seul mot, ains les bourreaux seulement, admirans la perseverance de Nicephore: «Onques,» luy dirent ilz, «nous ne vismes un si grand fol; cet homme va mourir tout maintenant, qu'as-tu besoin de son pardon?» A quoy respondant Nicephore: «Vous ne sçaves pas,» dit il, «ce que je demande au confesseur de Jesus Christ, mais Dieu le sçait.» [193] Or tandis Saprice arriva au lieu du supplice, ou Nicephore derechef s'estant jette en terre devant luy: «Je vous supplie,» faisoit-il, «o martyr de Jesus Christ, de me vouloir pardonner, car il est escrit: Demandés, et il vous sera octroyé.» Paroles lesquelles ne sceurent onques fleschir le cœur felon et rebelle du miserable Saprice qui, refusant obstinement de faire misericorde a son prochain, fut aussi par le juste jugement de Dieu privé de la tres glorieuse palme du martyre; car les bourreaux luy commandans de se mettre a genoux affin de luy trancher la teste, il commença a perdre courage et de capituler avec eux, jusques a leur faire en fin finale cette deplorable et honteuse sousmission: «Hé, de grace, ne me coupés pas la teste, je m'en vay faire ce que les Empereurs ordonnent, et sacrifier aux idoles.» Ce que oyant le pauvre bon Nicephore, la larme a l'œil, il se print a crier: «Ah, mon cher frere, ne veuilles pas, je vous prie, ne veuilles pas transgresser la loy et renier Jesus Christ; ne le quittes pas, je vous supplie, et ne perdes pas la celeste couronne que vous aves acquise par tant de travaux et de tourmens.» Mais helas! ce lamentable prestre, venant a l'autel du martyre pour y consacrer sa vie a Dieu eternel, ne s'estoit pas souvenu de ce que le Prince des Martyrs avoit dit: Si tu apportes ton offrande a l'autel, et tu te resouviens, y estant, que ton frere a quelque chose contre toy, laisse la ton offrande, et va premierement te reconcilier a ton frere, et alhors revenant, tu presenteras ton oblation.

  A005000656 

 Histoire effroyable et digne d'estre grandement pesee pour le sujet dont nous parlons; car aves vous veu, mon cher Theotime, ce courageux Saprice comme il estoit hardi et ardent a maintenir la foy, comme il souffre mille tourmens, comme il est immobile et ferme en la confession du nom du Sauveur tandis qu'on le roule et fracasse dans cet instrument fait a mode de vis, et comme il est tout prest de recevoir le coup de la mort pour accomplir le point le plus eminent de la loy divine, preferant l'honneur de Dieu a sa propre vie? Et neanmoins, parce que d'ailleurs il prefere a la volonté divine la satisfaction que son cruel courage prend en la hayne de Nicephore, il demeure court en sa course, et lhors qu'il est sur le point d'aconsuivre et gaigner le prix de la gloire par le martyre, il s'abbat malheureusement et se rompt le col, donnant de la teste dans l'idolatrie..

  A005000657 

 Il est donq vray, mon Theotime, que ce ne nous est pas asses d'aymer Dieu plus que nostre propre vie, si nous ne l'aymons generalement, absolument et sans exception quelconque, plus que tout ce que nous affectionnons ou pouvons affectionner.

  A005000657 

 Mais, ce me dires vous, Nostre Seigneur a-il pas assigné l'extremité de l'amour qu'on peut avoir pour luy, quand il dit que plus grande charité ne peut-on avoir que d'exposer sa vie pour ses amis? Il est certes vray, Theotime, qu'entre les particuliers actes et tesmoignages de l'amour divin il n'y en a point de si grand que de subir la mort pour la gloire de Dieu; neanmoins il est vray aussi que ce n'est qu'un seul acte et un seul tesmoignage, qui est voirement le chef d'œuvre de la charité, mais outre lequel il y en a aussi plusieurs autres que la charité [195] requiert de nous, et les requiert d'autant plus ardemment et fortement que ce sont des actes plus aysés, plus communs et ordinaires a tous les amans, et plus generalement necessaires a la conservation de l'amour sacré.

  A005000657 

 O miserable Saprice, oseries vous bien dire que vous aymies Dieu comme il faut aymer Dieu, puisque vous ne preferies pas sa volonté a la passion de la hayne et rancune que vous avies contre le pauvre Nicephore? Vouloir mourir pour Dieu c'est le plus grand, mais non pas certes le seul acte de la dilection que nous devons a Dieu; et vouloir ce seul acte en rejettant les autres, ce n'est pas charité, c'est vanité.

  A005000664 

 Et toutefois, revenans a nous, o vray Dieu, combien de fois faisons nous des elections infiniment plus honteuses et miserables! Le grand saint Augustin prit un jour playsir de voir et contempler a loysir des mandragores pour mieux pouvoir discerner la cause pour laquelle Rachel les avoit si ardemment desirees, et il treuva qu'elles estoyent voirement belles a la veüe et d'aggreable senteur, mais du tout insipides et sans [198] goust.

  A005000665 

 Or, c'est pour de telles mandragores, chimeres et fantosmes de contentemens que nous quittons les amours de l'Espoux celeste: et comment donq pouvons nous dire que nous l'aymons sur toutes choses, puisque nous preferons a sa grace de si chetifves vanités?.

  A005000667 

 Si quelqu'un me disoit qu'il ne me veut pas couper un bras pour l'amour qu'il me porte, et neanmoins me venoit arracher un œil, ou me rompre la teste, ou me percer le cors de part en part: Hé, ce dirois-je, comme me dites vous que c'est par amour que vous ne me coupes pas un bras, puisque vous m'arraches un œil qui ne m'est pas moins pretieux, ou que vous me donnes de vostre espee a travers le cors, qui m'est encores plus dangereux? C'est une maxime, que «le bien provient d'une cause vrayement entiere, et le mal de chasque defaut.» Pour faire un acte de vraye charité, il faut qu'il procede d'un amour entier, general et universel, qui s'estende a tous les commandemens divins; que si nous manquons d'amour en un seul commandement, nostre amour n'est plus entier ni universel, et le cœur dans lequel il est ne peut estre dit vrayement amant, ni par consequent vrayement bon.

  A005000671 

 Aristote a eu rayson de dire que le bien est voirement aymable, mays a un chacun principalement son bien propre, de sorte que l'amour que nous avons envers autruy provient de celuy que nous avons envers nous mesmes; car comme pouvoit dire autre chose un philosophe qui non seulement n'ayma pas Dieu, mays ne parla mesme presque jamais de l'amour de Dieu? Amour de Dieu neanmoins qui precede tout amour de nous mesmes, voire selon l'inclination naturelle de nostre volonté, ainsy que j'ay declairé au premier Livre..

  A005000673 

 Au Ciel, ou nous le verrons face a face, nous l'aymerons cœur a cœur; c'est a dire, comme nous verrons tous, un chacun selon sa mesure, l'infinité de sa beauté d'une [201] veüe souverainement claire, aussi serons-nous ravis en l'amour de son infinie bonté d'un ravissement souverainement fort, auquel nous ne voudrons ni ne pourrons vouloir faire jamais aucune resistence.

  A005000673 

 Mais en cette vie mortelle, Theotime, nous ne sommes pas necessités de l'aymer si souverainement, d'autant que nous ne le connoissons pas si clairement.

  A005000673 

 Mais icy bas en terre, ou nous ne voyons pas cette souveraine bonté en sa beauté, ains l'entrevoyons seulement entre nos obscurités, nous sommes a la verité inclinés et allechés, mais non pas necessités de l'aymer plus que nous mesmes; ains plustost, au contraire, quoy que nous ayons cette sainte inclination naturelle d'aymer la Divinité sur toutes choses, nous n'avons pas neanmoins la force de la prattiquer, si cette mesme Divinité ne respand surnaturellement dans nos cœurs sa tressainte charité..

  A005000674 

 Hé, de grace, Theotime, la volonté toute destinee a l'amour du bien, comme en pourroit elle tant soit peu connoistre un souverain, sans estre de mesme tant soit peu inclinee a l'aymer souverainement? Entre tous les biens qui ne sont pas infinis, nostre volonté preferera tous-jours en son amour celuy qui luy est plus proche, et sur tout le sien propre; mais il y a si peu de proportion entre l'infini et le fini, que nostre volonté qui connoist un bien infini est sans doute esbranlee, inclinee et incitee de preferer l'amitié de l'abisme de cette bonté infinie a toute sorte d'autre amour et a celuy la encor de nous mesme..

  A005000674 

 Or il est vray pourtant que, comme la claire veüe de la Divinité produit infalliblement la necessité de l'aymer plus que nous mesmes, aussi l'entreveüe, c'est a dire la connoissance naturelle de la Divinité, produit infalliblement l'inclination et tendance a l'aymer plus que nous mesmes.

  A005000675 

 Mais sur tout cette inclination est forte parce que nous sommes plus en Dieu qu'en nous mesmes, nous vivons plus en luy qu'en nous, et sommes tellement de luy, par luy, pour luy et a luy, que nous ne sçaurions, de sens rassis, penser ce que nous luy sommes et ce qu'il nous est que nous ne soyons forcés de crier: Je suis vostre, Seigneur, et ne dois estre qu'a vous; mon ame est vostre, et ne doit vivre que par vous; ma volonté est vostre, et ne doit aymer que [202] pour vous; mon amour est vostre, et ne doit tendre qu'en vous.

  A005000676 

 Que s'il y avoit ou pouvoit avoir quelque souveraine bonté de laquelle nous fussions independans, pourveu que nous peussions nous unir a elle par amour, encor serions nous incités a l'aymer plus que nous mesmes, puisque l'infinité de sa suavité seroit tous-jours souverainement plus forte pour attirer nostre volonté a son amour que toutes les autres bontés, et mesme que la nostre propre..

  A005000677 

 Mais quant a nous, Theotime, mon cher ami, nous voyons bien que nous ne pouvons pas estre vrays hommes sans avoir inclination d'aymer Dieu plus que nous mesmes, ni vrays Chrestiens sans prattiquer cette inclination: aymons plus que nous mesmes Celuy qui nous est plus que tout et plus que nous mesmes.

  A005000677 

 Mais si, par imagination de chose impossible, il y avoit une infinie bonté a laquelle nous n'eussions nulle sorte d'appartenance et avec laquelle nous ne peussions avoir aucune union ni communication, nous l'estimerions certes plus que nous mesmes; car nous connoistrions qu'estant infinie, elle seroit plus estimable et aymable que nous, et par consequent nous pourrions faire des simples souhaitz de la pouvoir aymer: mais, a proprement parler, nous ne l'aymerions pas, puisque l'amour regarde l'union; et beaucoup moins pourrions nous avoir la charité envers elle, puisque la charité est une amitié et l'amitié ne peut estre que reciproque, ayant pour fondement la communication et pour fin l'union.

  A005000681 

 Car c'est en cette qualité-la, Theotime, que nous appartenons a Dieu d'une si estroitte alliance et d'une si aymable dependance, qu'il ne fait nulle difficulté de se dire nostre Pere et nous nommer ses enfans; c'est en cette qualité que nous sommes capables d'estre unis a sa divine essence par la jouissance de sa souveraine bonté et felicité; c'est en cette qualité que nous recevons sa grace et que nos espritz sont associés au sien tressaint, rendus, par maniara de dire, participans de sa divine nature: comme dit saint Leon.

  A005000681 

 Et c'est donq ainsy, que la mesme charité qui produit les actes de l'amour [204] de Dieu, produit quant et quant ceux de l'amour du prochain: et tout ainsy que Jacob vid qu'une mesme eschelle touchoit le ciel et la terre, servant egalement aux Anges pour descendre comme pour monter, nous sçavons aussi qu'une mesme dilection s'estend a cherir Dieu et le prochain, nous relevant a l'union de nostre esprit avec Dieu et nous ramenant a l'amoureuse societé des prochains; en sorte toutefois, que nous aymons le prochain entant qu'il est a l'image et semblance de Dieu, creé pour communiquer avec la divine Bonté, participer a sa grace et jouir de sa gloire..

  A005000681 

 Et puisque tous les hommes ont cette mesme dignité, nous les aymons aussi comme nous mesmes, c'est a dire en qualité de tressaintes et vivantes images de la Divinité.

  A005000681 

 Pourquoy aymons nous Dieu, Theotime? «La cause pour laquelle on ayme Dieu,» dit saint Bernard, «c'est Dieu mesme;» comme s'il disoit que nous aymons Dieu parce qu'il est la tres souveraine et tres infinie bonté.

  A005000681 

 Pourquoy nous aymons-nous nous mesmes en charité? Certes, c'est parce que nous sommes l'image et semblance de Dieu.

  A005000682 

 Et ayant dit cela, il les interrogea: D'ou estes-vous, jeunes gens, mes chers freres? A quoy ilz respondirent: Nous sommes de la tribu de Nephtali, de la captivité de Ninive.

  A005000682 

 Et il leur dit: Connoisses-vous Tobie mon frere? Ouy, nous le connaissons, dirent-ilz.

  A005000683 

 Hé, vray Dieu, Theotime, quand nous voyons un prochain creé a l'image et semblance de Dieu, ne devrions-nous pas dire les uns aux autres: Tenes, voyes cette creature, comme elle ressemble au Createur? ne devrions-nous pas nous jetter sur son visage, la caresser et pleurer d'amour pour elle? ne devrions-nous pas luy donner mille et mille benedictions? Et quoy donq? pour l'amour d'elle? Non certes, car nous ne sçavons pas si elle est digne d'amour ou de hayne en elle mesme.

  A005000689 

 C'est pourquoy l'ardeur ou zele que nous avons d'estre aymés ne peut souffrir que nous ayons des rivaux et compaignons; et si nous nous imaginons d'en avoir, nous entrons soudain en la passion de jalousie, laquelle, certes, a bien quelque ressemblance avec l'envie, mays ne laisse pas pour cela d'estre fort differente d'avec elle..

  A005000689 

 Mais quand en particulier nous aymons ardemment d'estre aymés, le zele, ou bien l'ardeur de cet amour, devient jalousie; d'autant que l'amitié humaine, quoy qu'elle soit vertu, si est ce qu'elle a cette imperfection, a rayson de nostre imbecillité, qu'estant departie a plusieurs, la part d'un chacun en est moindre.

  A005000689 

 Quand donques nous aymons ardemment les choses mondaines et temporelles, la beauté, les honneurs, les richesses, les rangs, ce zele, c'est a dire l'ardeur de cet amour, se termine pour l'ordinaire en envie, parce que ces basses choses sont si petites, particulieres, bornees, finies et imparfaites, que quand l'un les possede, l'autre ne les peut entierement posseder: de sorte qu'estans communiquees a plusieurs, la communication en est moins parfaite pour un chacun.

  A005000690 

 Nous ne presupposons pas de l'imperfection en celuy que nous envions, ains au contraire nous l'estimons avoir le bien que nous luy envions; mais nous presupposons bien que la personne de laquelle nous sommes jaloux soit imparfaite, changeante, corruptible et variable.

  A005000690 

 Par l'envie nous nous attristons que le prochain ayt un bien plus grand ou pareil au nostre, encor qu'il ne nous oste rien de ce que nous avons; en quoy l'envie est desraysonnable, nous faysant estimer que le bien du prochain soit nostre mal.

  A005000694 

 Dieu donques est jaloux, Theotime: mais quelle est sa jalousie? Certes, elle semble d'abord estre une jalousie de convoytise, telle qu'est celle des maris pour leurs femmes; car il veut que nous soyons tellement siens, que nous ne soyons en façon quelconque a personne qu'a luy: Nul, dit-il, ne peut servir a deux maistres.

  A005000694 

 Et si, il a rayson, ce grand Dieu tout uniquement bon, de vouloir tres parfaitement tout nostre cœur, [209] car nous avons un cœur petit, qui ne peut pas asses fournir d'amour pour aymer dignement la divine Bonté: n'est-il pas donques convenable que, ne luy pouvant donner tout l'amour qu'il seroit requis, il luy donne pour le moins tout celuy qu'il peut? Le bien qui est souverainement aymable ne doit-il pas estre souverainement aymé? Or, aymer souverainement, c'est aymer totalement..

  A005000695 

 C'est donq pour l'amour de nous qu'il veut que nous l'aymions, parce que nous ne pouvons cesser de l'aymer sans [210] commencer de nous perdre, et que tout ce que nous luy ostons de nos affections nous le perdons..

  A005000695 

 Cette jalousie neanmoins que Dieu a pour nous, n'est pas en effect une jalousie de convoytise, ains de souveraine amitié; car ce n'est pas son interest que nous l'aymions, c'est le nostre.

  A005000695 

 Nostre amour luy est inutile, mais il nous est de grand proffit, et s'il luy est aggreable c'est parce qu'il nous est profitable; car estant le souverain bien, il se plait a se communiquer par son amour, sans que bien quelcomque luy en puisse revenir; dont il s'escrie, se plaignant des pecheurs, par maniere de jalousie: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cistemes dissipees et crevassees, qui ne peuvent retenir les eaux.

  A005000698 

 C'est pourquoy elle n'est pas jalouse d'une jalousie interessee, mais d'une jalousie pure, qui ne procede d'aucune convoitise, ains d'une noble et simple amitié: jalousie laquelle par apres s'estend jusques au prochain, avec l'amour duquel elle procede; car, puisque nous aymons le prochain pour Dieu comme nous mesmes, nous sommes aussi jaloux de luy pour Dieu comme nous le sommes de nous mesmes, de sorte que nous voudrions bien mourir pour l'empescher de perir..

  A005000703 

 Theotime, qui veut bien voir quel zele ou quelle jalousie nous devons avoir pour Dieu, il ne faut sinon bien exprimer la jalousie que nous avons pour les choses humaines, et puis la renverser; car telle devra estre celle que Dieu requiert de nous pour luy..

  A005000704 

 Le bien des choses mondaines est si chetif et vil, que quand l'un en [214] jouit il faut que l'autre en soit privé; et l'amitié humaine est si courte et infirme, qu'a mesure qu'elle se communique aux uns elle s'affoiblit d'autant pour les autres: c'est pourquoy nous sommes jaloux et faschés quand nous y avons des corrivaux et compaignons.

  A005000705 

 Mays en quoy donq consiste le zele ou la jalousie que nous devons avoir pour la divine Bonté? Theotime, son office est premierement de haïr, fuir, empescher, detester, rejetter, combattre et abbattre, si l'on peut, tout ce qui est contraire a Dieu, c'est a dire a sa volonté, a sa gloire et a la sanctification de son nom.

  A005000706 

 nous rend ardemment jaloux pour la pureté des ames qui sont espouses de Jesus Christ, selon le dire du saint Apostre aux Corinthiens: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, car je vous ay promis a un homme, a sçavoir, de vous representer une vierge chaste a Jesus Christ.

  A005000707 

 En la jalousie humaine nous craignons que la chose aymee ne soit possedee par quelqu'autre; mais le zele que nous avons envers Dieu fait que, au contraire, nous redoutons sur toutes choses que nous ne soyons pas asses entierement possedés par iceluy.

  A005000707 

 La jalousie humaine nous fait apprehender de n'estre pas asses aymés; la jalousie chrestienne nous met en peyne de n'aymer pas asses.

  A005000713 

 L'amour propre nous trompe souvent et nous donne le change, exerçant ses propres passions sous le nom du zele: le zele s'est jadis servi aucunefois de la cholere; et maintenant la cholere se sert en contrechange du nom du zele, pour, sous iceluy, tenir a couvert son ignominieux desreglement.

  A005000720 

 Les chiens sages et bien appris tirent païs ou retournent sur eux mesmes selon que le piqueur leur parle, mais les jeunes chiens apprentifs s'egarent et sont desobeissans: les grans Saintz, qui ont rendu sages leurs passions a force de les mortifier par l'exercice des vertus, peuvent aussi tourner leur cholere a toute main, la lancer et la retirer ainsy que bon leur semble; mais nous autres, qui avons des passions indomtees, toutes jeunes, ou du moins mal apprises, nous ne pouvons lascher nostre [223] ire qu'avec peril de beaucoup de desordre, parce qu'estant une fois en campaigne on ne la peut plus retenir ni ranger comme il seroit requis..

  A005000720 

 Mais nous autres, qui sommes presque tous des certaines petites gens, nous n'avons pas tant de pouvoir sur nos mouvemens; nostre cheval n'est pas si bien dressé que nous le puissions pousser et faire parer a nostre guise.

  A005000721 

 Or un jour que Nostre Seigneur passoit en Samarie, il envoya en une ville pour y faire prendre son logis, mais les habitans, sachans que Nostre Seigneur estoit Juif de nation et qu'il alloit en Hierusalem, ne le volurent pas loger; ce que voyans saint Jean et saint Jaques, ilz dirent a Nostre Seigneur: Voules vous que nous commandions au feu qu'il descende et qu'il les brusle? Et Nostre Seigneur, se retournant devers eux, les tança, disant: Vous ne sçaves de quel esprit vous estes; le Filz de l'homme n'est pas venu pour perdre les ames, mais pour les sauver..

  A005000721 

 Saint Denis, parlant a ce Demophile qui vouloit donner le nom de zele a sa rage et furie: Celuy, dit il, qui veut corriger les autres, doit premierement «avoir soin d'empescher que la cholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte, sedition et confusion dans nous mesmes; de façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussees d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie, car telles paroles ne pleurent pas a Jesus Christ quand elles luy furent dites par ses Disciples, qui n'avoyent pas encor participe de ce doux et benin esprit.» Phinees, Theotime, voyant un certain malheureux Israëlite offencer Dieu avec une Moabite, il les tua tous deux; Helie avoit predit la mort d'Ochosias, lequel, indigné de cette prediction, envoya deux capitaines l'un apres l'autre, avec chacun cinquante soldatz pour le prendre, et l'homme de Dieu fit descendre le feu du ciel qui les devora.

  A005000722 

 Saint Thomas d'Aquin, ce grand astre de la theologie, estant malade de la maladie de laquelle il mourut au monastere de Fosseneuve, Ordre de Cisteaux, les religieux le prierent de leur faire une briefve exposition du sacré Cantique des Cantiques, a l'imitation de saint Bernard, et il leur respondit: «Mes chers Peres, donnes moy l'esprit de saint Bernard, et j'interpreteray ce divin Cantique comme saint Bernard.» De mesme, certes, si on nous dit a nous autres, petitz Chrestiens, miserables, imparfaitz et chetifs: Serves vous de l'ire et de l'indignation en vostre zele, comme Phinees, Helie, Mathathias, saint Pierre et saint Paul; nous devons respondre: Donnes nous l'esprit de la perfection et du pur zele, avec la lumiere interieure de ces grans Saintz, et nous nous animerons de cholere comme eux.

  A005000726 

 O excellence de courage et de ferveur d'esprit incroyable! il imite Jesus Christ qui pour nous fut fait malediction, qui prit nos infirmités et porta nos maladies; ou, affin que je parle plus sobrement, luy le premier apres le Sauveur ne refuse pas de souffrir et d'estre reputé impie a leur occasion.» Ainsy donq, Theotime, comme nostre Sauveur fut fouetté, condamné, crucifié, en qualité d'homme voué, destiné et dedié a porter et supporter les opprobres, ignominies et punitions deues a tous les pecheurs du monde, et a servir de sacrifice general pour le peché, ayant esté fait comme anatheme, separé et abandonné de son Pere eternel, de mesme [227] aussi, selon la veritable doctrine de ce grand Nazianzene, le glorieux Apostre saint Paul desira d'estre comblé d'ignominie, crucifié, separé, abandonné et sacrifié pour le peché des Juifz, affin de porter pour eux l' anatheme et la peine qu'ilz meritoyent.

  A005000731 

 La charité de Jesus Christ nous presse, dit [229] le grand Apostre: ouy certes, Theotime, elle nous force et violente par son infinie douceur, prattiquee en tout l'ouvrage de nostre redemption, auquel s'est apparue la benignité et amour de Dieu envers les hommes; car, qu'est-ce que ce divin Amant ne fit pas en matiere d'amour?.

  A005000732 

 Celuy qui [230] habitoit en soy mesme habite maintenant en nous, et Celuy qui estoit vivant es siecles dans le sein de son Pere eternel fut par apres mortel dans le giron de sa Mere temporelle; Celuy qui vivoit eternellement de sa vie divine vescut temporellement de la vie humaine, et Celuy qui jamais eternellement n'avoit esté que Dieu sera eternellement a jamais encor homme, tant l'amour de l'homme a ravi Dieu et l'a tiré a l'extase!.

  A005000732 

 Il a esté en extase, non seulement en ce que, comme dit saint Denis, a cause de l'exces de son amoureuse bonté il devient en certaine façon hors de soy mesme, estendant sa providence sur toutes choses et se treuvant en toutes choses; mais aussi en ce que, comme dit saint Paul, il s'est en quelque sorte quitté soy mesme, il s'est vuidé de soy mesme, il s'est espuisé de sa grandeur, de sa gloire, il s'est demis du throsne de son incomprehensible majesté, et, s'il faut ainsy parler, il s'est aneanti soy mesme pour venir a nostre humanité nous remplir de sa Divinité, nous combler de sa bonté, nous eslever a sa dignité et nous donner le divin estre d'enfans de Dieu.

  A005000732 

 Il nous ayma d'amour de bienveuillance, jettant sa propre Divinité en l'homme, en sorte que l'homme fut Dieu.

  A005000732 

 Il nous ayma d'amour de complaysance, car ses delices furent d'estre avec les enfans des hommes et d'attirer l'homme a soy, se rendant homme luy mesme.

  A005000732 

 Il s'escoula tout en nous, et, par maniere de dire, fondit sa grandeur pour la reduire a la forme et figure de nostre petitesse; dont il est appellé source d'eau vive, rosee et pluye du Ciel.

  A005000732 

 Il s'unit a nous par une conjunction incomprehensible, en laquelle il adhera et se serra a nostre nature si fortement, indissolublement et infiniment, que jamais rien ne fut si estroittement joint et pressé a l'humanité qu'est maintenant la tressainte Divinité en la Personne du Filz de Dieu.

  A005000733 

 Ainsy fut-il triste et sua le sang de detresse au jardin des Olives, non seulement pour l'extreme douleur que son ame sentoit en la partie inferieure de sa rayson, mais aussi pour l'extreme amour qu'il nous portoit en la superieure portion d'icelle, la douleur luy donnant horreur de la mort et l'amour luy donnant un extreme desir d'icelle; en sorte qu'un tres aspre combat et une cruelle agonie se fit entre le desir [231] et l'horreur de la mort, jusques a grande effusion de sang, qui coula comme d'une vive source, ruisselant jusques a terre..

  A005000733 

 Il eut mille et mille langueurs amoureuses; car, d'ou pouvoyent proceder ces divines paroles: Je dois estre baptizé de baptesme; et comme suis-je angoissé et pressé jusques a ce que je l'accomplisse? Il ne voyoit l'heure d'estre baptizé en son sang et languissoit jusques a ce qu'il le fut, l'amour qu'il nous portoit le pressant affin de nous voir deslivrés par sa mort de la mort eternelle.

  A005000733 

 Il prit une amoureuse quietude en nous, et mesme avec quelque suspension des sens, emmi le ventre de sa Mere et en son enfance.

  A005000734 

 Car, bien que les cruelz supplices fussent tres suffisans pour faire mourir qui que ce fut, si est ce que la mort ne pouvoit jamais entrer dans la vie de Celuy qui tient les clefs de la vie et de la mort, si le divin amour, qui manie ces clefs, n'eust ouvert les portes a la mort affin qu'elle allast saccager ce divin cors et luy ravir la vie; l'amour ne se contentant pas de l'avoir rendu mortel pour nous, s'il ne le rendoit mort.

  A005000734 

 En fin, Theotime, ce divin Amoureux mourut entre les flammes et ardeurs de la dilection, a cause de l'infinie charité qu'il avoit envers nous et par la force et vertu de l'amour; c'est a dire, il mourut en l'amour, par l'amour, pour l'amour et d'amour.

  A005000735 

 Mays, Theotime, gardés bien pourtant de dire que cette mort amoureuse du Sauveur se soit faite par maniere de ravissement; car l'object pour lequel sa charité le porta a la mort n'estoit pas tant aymable qu'il peust ravir a soy cette divine ame, laquelle sortit donq de son cors par maniere d'extase, poussee et lancee par l'affluence et force de l'amour, comme l'on void la myrrhe pousser dehors sa premiere liqueur par sa seule abondance, sans qu'on la presse ni tire aucunement, selon ce que luy mesme disoit, ainsy que nous avons remarqué: Personne ne m'oste ni ravit mon ame, mais je la donne volontairement.

  A005000735 

 O Dieu! Theotime, quel brasier pour nous enflammer a faire les exercices du saint amour pour le Sauveur tout bon, voyans qu'il les a si amoureusement prattiqués pour nous qui sommes si mauvais! Cette charité donq de Jesus Christ nous presse..

  A005000744 

 Les sages femmes auxquelles Pharao donna charge de faire perir tous les masles des Israëlites estoyent sans doute Egyptiennes et payennes, car s'excusant dequoy elles n'avoyent pas executé la volonté du Roy: Les femmes Hebrieuses, disoyent elles, ne sont pas comme les Egyptiennes, car elles sçavent l'art de recevoir les enfans, et devant que nous allions a elles, elles ont enfanté.

  A005000745 

 Donques, adjouste saint Hierosme au Commentaire, «nous apprenons que si les payens mesmes font quelque bien, ilz ne sont point laissés sans salaire par le jugement de Dieu.» Ainsy Daniel exhorta Nabuchodonosor infidele, de racheter [236] ses pechés par aumosnes, c'est a dire de se racheter des peynes temporelles deües a ses pechés, dont il estoit menacé.

  A005000745 

 Voyes-vous donq, Theotime, combien il est vray que Dieu fait estat des vertus, encor qu'elles soyent prattiquees par des personnes qui sont d'ailleurs mauvaises? S'il n'eust aggreé la misericorde des sages femmes et la justice de la guerre des Babyloniens, eust-il pris le soin, je vous prie, de les salarier? et si Daniel n'eust sceu que l'infidelité de Nabuchodonosor n'empescheroit pas que Dieu n'aggreast ses aumosnes, pourquoy les luy eust il conseillees? Certes, l'Apostre nous asseure que les payens, qui n'ont pas la foy, font naturellement ce qui appartient a la loy: et quand ilz le font, qui peut douter qu'ilz ne fassent bien et que Dieu n'en fasse conte? Les payens conneurent que le mariage estoit bon et necessaire, ilz virent qu'il estoit convenable d'eslever les enfans es artz, en l'amour de la patrie, en la vie civile, et ilz le firent: or je vous laisse a penser si Dieu ne treuvoit pas bon cela, puisqu'il avoit donné la lumiere de la rayson et l'instinct naturel a cette intention..

  A005000746 

 La rayson naturelle est un bon arbre que Dieu a planté en nous, les fruitz qui en proviennent ne peuvent estre que bons: fruitz qui en comparayson de ceux qui procedent de la grace sont a la verité de tres petit prix, mais non pas pourtant de nul prix, puisque Dieu les a prisés et pour iceux a donné des recompenses temporelles; ainsy que, selon le grand saint Augustin, il salaria les vertus morales des Romains de la grande estendue et magnifique reputation de leur Empire..

  A005000748 

 Car les ennemis de l'homme sont ardens, remuans et en perpetuelle action pour le precipiter, et quand ilz voyent qu'il n'arrive point d'occasion de prattiquer les vertus ordonnees, ilz suscitent mille tentations pour nous faire tumber es choses prohibees; et lhors la nature, sans la grace, ne se peut garentir du precipice: car si nous vainquons, Dieu nous donne la victoire par Jesus Christ, ainsy que [238] dit saint Paul.

  A005000748 

 Veillés et priés affin que vous n'entries point en tentation: si Nostre Seigneur nous disoit seulement, Veillés, nous penserions pouvoir asses faire de nous mesmes; mais quand il adjouste, priés, il monstre que s'il ne garde nos ames au tems de la tentation, en vain veilleront ceux qui les gardent..

  A005000760 

 Certes, toutes les fleurs, si ce ne sont celles de l'arbre triste et quelques autres de naturel monstrueux, toutes, dis je, se res-jouissent, espanouissent et s'embellissent a la veüe du soleil, par la chaleur vitale qu'elles reçoivent de ses rayons; mais toutes les fleurs jaunes, et sur tout celle que les Grecs ont appellé heliotropium, et nous, tourne-soleil, non seulement reçoivent de la joye et complaysance en la presence du soleil, mais suivent par un amiable contour les attraitz de ses rayons, le regardant et se retournant devers luy depuis son lever jusques a son couchant.

  A005000761 

 C'est pourquoy, Theotime, entre toutes les actions vertueuses nous devons soigneusement prattiquer celles de la religion et reverence envers les choses divines, celles de la foy, de l'esperance et de la tressainte crainte de Dieu; parlans souvent des choses celestes, pensans et aspirans a l'eternité, hantant les eglises et services sacrés, faysans des lectures devotes, observans les ceremonies de la religion chrestienne: car le saint amour se nourrit a souhait parmi ces exercices, et respand sur iceux plus abondamment ses graces et proprietés qu'il ne fait sur les actions des vertus simplement humaines; ainsy que le bel arc-en-ciel rend odorantes toutes les plantes sur lesquelles il tumbe, mais plus que toutes incomparablement celles de l'aspalatus.

  A005000766 

 Je vous dis maintenant, mon cher Theotime, que la charité et dilection sacree, plus belle cent fois que Rachel, mariee a l'esprit humain, souhaite sans cesse de produire des saintes operations: que si au commencement elle n'en peut enfanter elle mesme de sa propre extraction par l'union sacree qui luy est uniquement propre, elle appelle les autres vertus, comme ses fïdeles servantes, et les associe a son mariage, commandant au cœur de les employer, affin que d'elles il fasse naistre des saintes operations; mais operations qu'elle ne laisse pas d'adopter et estimer siennes, parce qu'elles sont produites par son ordre et commandement et d'un cœur qui luy appartient, d'autant que, comme nous avons declairé ailleurs, l'amour est maistre du cœur, et par consequent de toutes les œuvres des autres vertus faites par son consentement.

  A005000768 

 Ainsy, entre toutes les vertus, mon cher Theotime, la gloire de nostre salut et de nostre victoire sur l'enfer est deferee a l'amour divin, qui, comme prince et general de toute l'armee des vertus, fait tous les exploitz par lesquelz nous obtenons le triomphe: car l'amour sacré a ses actions propres, issues et procedees de luy mesme, par lesquelles il fait des miracles d'armes sur nos ennemis; puis, outre cela, il dispose, commande et ordonne les actions des autres vertus, qui pour cette cause sont nommees actes commandés ou ordonnés de l'amour; que si en fin quelques vertus font leurs operations sans son commandement, [247] pourveu qu'elles servent a son intention, qui est l'honneur de Dieu, il ne laisse pas de les advoüer siennes.

  A005000768 

 Mais tous-jours reciproquement aussi, apres qu'on a eslevé ces vertus particulieres, il faut rapporter tout leur honneur a l'amour sacré, qui a toutes donne la sainteté qu'elles ont: car, que veut dire autre chose le glorieux Apostre, inculquant que la charité est benigne, patiente, qu' elle croid tout, espere tout, supporte tout, sinon que la charité ordonne et commande a la patience de patienter, et a l'esperance d'esperer, et a la foy de croire? Il est vray, Theotime, qu'avec cela il signifie encor que l'amour est l'ame et la vie de toutes les vertus; comme s'il vouloit dire, que la patience n'est pas asses patiente, ni la foy asses fidele, ni l'esperance asses confiante, ni la debonnaireté asses douce, si l'amour ne les anime et vivifie: et c'est cela mesme que nous fait entendre ce mesme vaysseau d'election, quand il dit que sans la charité rien ne luy proffite, et qu'il n'est rien; car c'est comme s'il disoit que sans l'amour il n'est ni patient, ni debonnaire, ni constant, ni fidele, ni esperant ainsy qu'il est convenable pour estre serviteur de Dieu, qui est le vray et desirable estre de l'homme.

  A005000768 

 Or, neanmoins, quoy qu'en gros nous disions, apres le divin Apostre, que la charité souffre tout, elle croid tout, elle espere tout, elle supporte tout, et en somme qu'elle fait tout, si est-ce que nous ne laissons pas de distribuer en particulier la louange du salut des Bienheureux aux autres vertus, selon qu'elles ont excellé en un chacun; car nous disons que la foy en a sauvé les uns, l'aumosne quelques autres, la temperance, l'orayson, l'humilité, l'esperance, la chasteté les autres, parce que les actions de ces vertus ont paru avec lustre en ces Saintz.

  A005000781 

 Mays, ce me dires vous, quelle est cette valeur, je vous prie, que le saint amour donne a nos actions? O mon Dieu, Theotime! certes, je n'aurois pas l'asseurance de le dire si le Saint Esprit ne l'avoit luy mesme declaré en termes fort expres par le grand apostre saint Paul, qui parle ainsy: Ce qui a present est momentanee [252] et leger de nostre tribulation, opere en nous sans mesure en la sublimité un poids eternel de gloire.

  A005000781 

 Nos tribulations, qui sont si legeres qu'elles passent en un moment, operent en nous, le poids solide et stable de la gloire.

  A005000782 

 Et comme les graines qui ne produiroyent d'elles mesmes que des melons de goust fade, en produisent des sucrins et muscatz si elles sont detrempees en l'eau sucree ou musquee, ainsy nos cœurs qui ne sçauroyent pas projetter une seule bonne pensee pour le service de Dieu, estans detrempés en la sacree dilection par le Saint Esprit qui habite en nous, ilz produisent des actions sacrees qui tendent et nous portent a la gloire immortelle.

  A005000782 

 Le sarment uni et joint au cep porte du fruit non en sa propre vertu mais en la vertu du cep: or nous sommes unis par la charité a nostre Redempteur, comme les membres au chef; c'est pourquoy nos fruitz et bonnes œuvres, tirans leur valeur d'iceluy, meritent la vie eternelle.

  A005000782 

 Mays qui peut donner tant de vertu a ces momens passagers et a ces tribulations si legeres? L'escarlatte et la pourpre, ou fin cramoysi violet, est un drap grandement pretieux et royal, mais ce n'est pas a rayson de la laine, ains a cause de la teinture: les œuvres des bons Chrestiens sont de si grande valeur que pour icelles on nous donne le Ciel; mays, Theotime, ce n'est pas parce qu'elles procedent de nous et sont la laine de nos cœurs, ains parce qu'elles sont teintes au sang du Filz de Dieu; je veux dire, que c'est d'autant que le Sauveur sanctifie nos œuvres par le merite de son sang.

  A005000782 

 Nos œuvres comme provenantes de nous, ne sont que des chetifs roseaux, mais ces roseaux deviennent d'or par la charité, et avec iceux on arpente la Hierusalem celeste qu'on nous donne a cette mesure: car, tant aux hommes qu'aux Anges, on distribue la gloire selon la charité et les actions d'icelle, de sorte que la mesure de l'Ange est celle-là mesme de l'homme; et Dieu a rendu et rendra a un chacun selon ses œuvres, comme toute l'Escriture divine nous enseigne, laquelle nous assigne la felicité et joye eternelle du Ciel pour recompense des travaux et bonnes actions que nous aurons prattiquees en terre..

  A005000782 

 Nous sommes, quant a nous, branches seches, inutiles, infructueuses, qui ne sommes pas suffisans de penser quelque chose de nous mesme comme de nous mesme, mais toute nostre suffisance est de Dieu, qui nous a rendus officiers idoines et capables [253] de sa volonté; et partant, soudain que par le saint amour le nom du Sauveur, grand Evesque de nos ames, est gravé en nos cœurs, nous commençons a porter des fruitz delicieux pour la vie eternelle.

  A005000783 

 Mais sa bonté neanmoins n'en a pas ainsy disposé; ains, en consideration de son Filz nostre Sauveur, a voulu traitter avec nous de prix fait, nous recevant a gages et s'engageant de promesses vers nous qu'il nous salariera selon nos œuvres, de salaires [254] eternelz.

  A005000783 

 Or, ce n'est pas que nostre service luy soit ni necessaire ni utile; car apres que nous aurons fait tout ce qu'il nous a commandé, nous devons neanmoins advouer, par une tres humble verité ou veritable humilité, qu'en effect nous sommes serviteurs tres inutiles et tres infructueux a nostre Maistre, qui, a cause de son essentielle surabondance de bien, ne peut recevoir aucun proffit de nous; ains, convertissant toutes nos œuvres a nostre propre advantage et commodité, il fait que nous le servons autant inutilement pour luy que tres utilement pour nous, qui par des si petitz travaux gaignons des si grandes recompenses..

  A005000783 

 Recompense magnifique et qui ressent la grandeur du Maistre que nous servons, lequel, a la verité, Theotime, pouvoit, s'il luy eut pleu, exiger tres justement de nous nostre obeissance et service sans nous proposer aucun loyer ni salaire; puisque nous sommes siens par mille tiltres tres legitimes, et que nous ne pouvons rien faire qui vaille qu'en luy, par luy, pour luy et qui ne soit de luy.

  A005000784 

 Il n'estoit donq pas obligé de nous payer nostre service s'il ne l'eust promis.

  A005000784 

 Mays ne penses pas pourtant, Theotime, qu'en cette promesse il ayt tellement volu manifester sa bonté qu'il ayt oublié de glorifier sa sagesse, puisque au contraire il y a observé fort exactement les reges de l'equité, meslant admirablement la bienseance avec la liberalité: car nos œuvres sont voirement extremement petites et nullement comparables a la gloire, en leur quantité, mais elles luy sont neanmoins fort proportionnees en qualité, a rayson du Saint Esprit qui, habitant dans nos cœurs par la charité, les fait en nous, par nous et pour nous, avec un art si exquis, que les mesmes œuvres qui sont toutes nostres sont encor mieux toutes siennes, parce que, comme il les produit en nous, nous les produisons reciproquement en luy, comme il les fait pour nous, nous les faysons pour luy, et comme il les opere avec nous, nous cooperons aussi avec luy..

  A005000785 

 Or le Saint Esprit habite en nous si nous sommes membres vivans de Jesus Christ, qui a rayson de cela disoit a ses Disciples: Qui demeure en moy et moy en luy, iceluy porte beaucoup de fruit; et c'est, [255] Theotime, parce que qui demeure en luy il participe a son divin Esprit, lequel est au milieu du cœur humain comme une vive source qui rejaillit et pousse ses eaux jusques en la vie eternelle.

  A005000786 

 Ainsy donq nos œuvres, comme un petit grain de moustarde, ne sont aucunement comparables en grandeur avec l'arbre de la gloire qu'elles produisent, mais elles ont pourtant la vigueur et vertu de l'operer, parce qu'elles procedent du Saint Esprit, qui, par une admirable infusion de sa grace en nos cœurs, rend nos œuvres siennes, les laissant nostres tout ensemble; d'autant que nous sommes membres d'un Chef duquel il est l'Esprit, et entés sur un arbre duquel il est la divine humeur.

  A005000786 

 Et parce qu'en cette sorte il agit en nos œuvres, et qu'en certaine façon nous operons ou cooperons en son action, il nous laisse pour nostre part tout le merite et proffit de nos services et bonnes œuvres, et nous luy en laissons aussi tout l'honneur et toute la louange, reconnoissans que le commencement, le progres et la fin de tout le bien que nous faysons depend de sa misericorde, par laquelle il est venu a nous et nous a prevenus, il est venu en nous et nous a assistés, il est [256] venu avec nous et nous a conduitz, achevant ce qu'il avoit commencé.

  A005000786 

 Mays, o Dieu, Theotime, que cette bonté est misericordieuse sur nous en ce partage! nous luy donnons la gloire de nos louanges, helas, et luy nous donne la gloire de sa jouissance, et en somme, par ces legers et passagers travaux nous acquerons des biens perdurables a toute eternité.

  A005000789 

 Si un homme est navré au pied ou au bras, tout le reste en est incommodé, esmeu, occupé et alteré; si nous avons mal a l'estomach, les yeux, la voix, tout le visage s'en ressent, tant il y a de convenance entre toutes les parties de l'homme pour la jouissance de la vie naturelle..

  A005000790 

 Et pour l'ordinaire, cette vie de nostre ame prend son commencement dans le cœur de nos passions, qui est l'amour, et s'estendant sur toutes les autres, elle vivifie en fin l'entendement mesme par la contemplation: comme, au contraire, la mort morale ou spirituelle fait sa premiere entree en l'ame par l'inconsideration ( la mort entre par les fenestres, dit le sacré Texte), et son dernier effect consiste a ruiner le bon amour, lequel perissant, toute la vie morale est morte en nous.

  A005000792 

 Il se peut donq bien faire que quelques vertus soyent en un homme auquel les autres manqueront; mais ce seront ou des vertus naissantes, encor toutes tendres, et comme des fleurs en bouton, ou des vertus perissantes, mourantes, et comme des fleurs fletrissantes: car en somme, les vertus ne peuvent avoir leur vraye integrité et suffisance qu'elles ne soyent toutes ensemble, ainsy que toute la philosophie et la theologie nous asseure.

  A005000792 

 Je vous prie, Theotime, quelle prudence peut avoir un homme intemperant, injuste et poltron, puisqu'il choisit le vice et laisse la vertu? Et comme peut-on estre juste sans estre prudent, fort et temperant, puisque la justice n'est autre chose qu'une perpetuelle, forte et constante volonté de rendre a un chacun ce qui luy appartient, et que la science par laquelle le droit s'administre est nommee jurisprudence, et que pour rendre a chacun ce qui luy appartient il nous faut vivre sagement et modestement, et empescher les desordres de l'intemperance en nous, affin de nous rendre ce qui nous appartient a nous mesmes? Et le [259] mot de vertu ne signifie-il pas une force et vigueur appartenante a l'ame en proprieté, ainsy que l'on dit les herbes et pierres pretieuses avoir telle et telle vertu ou proprieté? Mais la prudence est-elle pas imprudente en l'homme intemperant? La force sans prudence, justice et temperance n'est pas une force, mais une forcenerie; et la justice est injuste en l'homme poltron, qui ne l'ose pas rendre, en l'intemperant, qui se laisse emporter aux passions, et en l'imprudent, qui ne sçait pas discerner entre le droit et le tort.

  A005000794 

 Combien y a-il de personnes qui, par leur condition naturelle, sont sobres, simples, douces, taciturnes, voire mesme chastes et honnestes? Or tout cela semble estre vertu, et n'en a toutefois pas le merite, non plus que les mauvaises inclinations ne sont dignes d'aucun blasme, jusques a ce que, sur telles humeurs naturelles, nous ayons enté le libre et volontaire consentement.

  A005000795 

 Certes, le grand saint Augustin, en une epistre qu'il escrit a saint Hierosme, monstre que nous pouvons avoir quelque sorte de vertu sans avoir les autres, et que neanmoins nous n'en pouvons point avoir de parfaites sans les avoir toutes; mais que quant aux vices on peut avoir les uns sans avoir les autres, ains il est impossible de les avoir tous ensemble: de sorte qu'il ne s'ensuit pas que qui a perdu toutes les vertus ait par consequent tous les vices, puisque presque toutes les vertus ont deux vices opposés, non seulement contraires a la vertu, mais aussi contraires entre eux mesmes.

  A005000799 

 sur l'entendement qu'on appelle prattique, c'est a dire qui discerne des actions qu'il convient faire ou fuir, la lumiere naturelle respand la prudence, qui incline nostre esprit a sagement juger du mal que nous devons eviter et chasser, et du bien que nous devons faire et pourchasser; 2.

  A005000800 

 Or ces quatre fleuves, ainsy separés, se divisent par apres en plusieurs autres, affin que toutes les actions humaines puissent estre bien dressees a l'honnesteté et felicité naturelle; mais outre cela, Dieu voulant enrichir les Chrestiens d'une speciale faveur, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de leur esprit une [262] fontaine surnaturelle que nous appelions grace, laquelle comprend voirement la foy et l'esperance, mais qui consiste toutefois en la charité, qui purifie l'ame de tous pechés, puis l'orne et l'embellit d'une beauté tres delectable et en fin espanche ses eaux sur toutes les facultés et operations d'icelle, pour donner a l'entendement une prudence celeste, a la volonté une sainte justice, a l'appetit de convoitise une temperance sacree, et a l'appetit irascible une force devote, affin que tout le cœur humain tende a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A005000802 

 Nous semons es jardins une grande varieté de graines, et les couvrons toutes de terre comme les ensevelissans, jusques a ce que le soleil plus fort les fasse lever et, par maniere de dire, resusciter, lhors qu'elles produisent leurs feuilles et leurs fleurs avec des nouvelles graines, une chacune selon son espece: en sorte qu'une seule chaleur celeste fait toute la diversité de ces productions par les semences qu'elle treuve cachees dans le sein de la terre.

  A005000803 

 Ainsy saint Thomas, en consideration de ce que saint Paul asseure que la charité est patiente, benigne, forte: «La charité,» dit il, fait et «accomplit les œuvres de toutes les vertus;» et saint Ambroise, escrivant a Demetrias, appelle la patience et les autres vertus, «membres de la charité;» et le grand saint Augustin dit que l'amour de Dieu comprend toutes les vertus et fait toutes leurs operations en nous.

  A005000803 

 Certes, le grand Apostre ne dit pas seulement que la charité nous donne la patience, benignité, constance, simplicité; mais il dit qu'elle mesme elle est patiente, benigne, constante: et c'est le propre des supremes vertus, entre les Anges et les hommes, de pouvoir non seulement ordonner aux inferieures qu'elles operent, mais aussi de pouvoir elles mesmes faire ce qu'elles commandent aux autres.

  A005000808 

 Ce que repetant le Disciple [266] bienaymé: Qui observe les commandemens de Dieu, dit-il, la charité de Dieu est parfaite en iceluy; et: Celle cy est la charité de Dieu, que nous gardions ses commandemens.

  A005000809 

 On peut, certes, bien avoir quelque vertu et demeurer quelque peu de tems sans offencer, encores que l'on n'ayt pas le divin amour; mais tout ainsy que nous voyons parfois des arbres arrachés de terre faire quelques productions, non toutefois parfaites ni pour long tems, de mesme un cœur separé de la charité peut voirement produire quelques actes de vertu, mais non pas longuement..

  A005000812 

 Les autres vertus se peuvent reciproquement entr'ayder et s'exciter mutuellement en leurs œuvres et exercices; car, qui ne sçait que la chasteté requiert et excite la sobrieté, et que l'obeissance nous porte a la liberalité, a l'orayson, a l'humilité? Or, par cette communication qu'elles ont entr'elles, elles participent aux perfections les unes des autres; car la chasteté observee par obeissance a double dignité, a sçavoir, la sienne propre et celle de l'obeissance; ains elle a plus de celle de l'obeissance que de la sienne propre.

  A005000812 

 Mais pourtant, du meslange de l'obeissance avec la chasteté ne peut reuscir une vertu accomplie et parfaite, puisque la derniere perfection, qui est l'amour, leur manque a toutes deux: de sorte que, si mesmes il se pouvoit faire que toutes les vertus se treuvassent ensemble en un homme et que la seule charité luy manquast, cet assemblage de vertus seroit voirement un cors tres parfaitement accompli de toutes ses parties, tel que fut celuy d'Adam quand Dieu de sa main maistresse le forma du limon de la terre, mais cors neanmoins qui seroit sans mouvement, sans vie et sans grace, [268] jusques a ce que Dieu inspirast en iceluy le spiracle de vie c'est a dire la sacree charité, sans laquelle rien ne nous profite..

  A005000813 

 Au demeurant, la perfection de l'amour divin est si souveraine qu'elle perfectionne toutes les vertus et ne peut estre perfectionnee par icelles, non pas mesme par l'obeissance, qui est celle laquelle peut le plus respandre de perfection sur les autres; car, encor bien que l'amour soit commandé et qu'en aymant nous prattiquions l'obeissance, si est ce neanmoins que l'amour ne tire pas sa perfection de l'obeissance, ains de la bonté de celuy qu'il ayme, d'autant que l'amour n'est pas excellent parce qu'il est obeissant, mais parce qu'il ayme un bien excellent.

  A005000813 

 Certes, en aymant nous obeissons comme en obeissant nous aymons; mais si cette obeissance est si excellemment aymable, c'est parce qu'elle tend a l'excellence de l'amour, et sa perfection depend non de ce qu'en aymant nous obeissons, mais de ce qu'en obeissant nous aymons: de sorte que tout ainsy que Dieu est egalement la derniere fin de tout ce qui est bon comme il en est la premiere source, de mesme l'amour, qui est l'origine de toute bonne affection, en est pareillement la derniere fin et perfection..

  A005000817 

 Nous voyons, dit il, des navires qui portent des inscriptions fort illustres: il y en a qu'on appelle Victoire, les autres, Vaillance, les autres, Soleil; mais pour cela elles ne laissent pas d'estre sujettes aux vens et aux vagues.

  A005000820 

 Et quant a Lucrece (affin que nous n'oubliions pas aussi les valeurs du sexe moins courageux), ou elle fut chaste parmi la violence et le forcenement du filz de Tarquinius, ou elle ne le fut pas.

  A005000821 

 Et pour les vertus qui regardent le prochain, ilz foulerent aux pieds, et fort effrontement, par leurs lois mesmes, la principale, qui est la pieté; car Aristote, le plus grand cerveau d'entr'eux, prononce cette horrible [271] et tres impiteuse sentence: «Touchant l'exposition,» c'est a dire l'abandonnement «des enfans, ou leur education, la loy soit telle: qu'il ne faut rien nourrir de ce qui est privé de quelque membre; et quant aux autres enfans, si les lois et coustumes de la cité defendent qu'on n'abandonne pas les enfans, et que le nombre des enfans se multiplie a quelqu'un en sorte qu'il en ayt des-ja au double de la portee de ses facultés, il fa.ut prevenir et procurer l'avortement» Seneque, ce sage tant loüé: «Nous tuons,» dit il, «les monstres; et nos enfans, s'ilz sont manques, debiles, imparfaitz ou monstrueux, nous les rejettons et abandonnons.» De sorte que ce n'est pas sans cause que Tertulien reproche aux Romains qu'ilz exposoyent leurs enfans aux ondes, au froid, a la faim et aux chiens; et cela non par force de pauvreté, car, comme il dit, les presidens mesmes et magistratz prattiquoyent cette desnaturee cruauté.

  A005000829 

 Mays quand les vertus morales, ouӱ mesme les vertus surnaturelles, produisent leurs actions en l'absence de la charité, comme elles font entre les schismatiques, au rapport de saint Augustin, et quelquefois parmi les mauvais Catholiques, elles n'ont nulle valeur pour le Paradis; non pas mesme l'aumosne, quand elle nous porteroit a distribuer toute nostre substance aux pauvres; ni le martire non plus, quand nous livrerions nostre cors aux flammes pour estre bruslés.

  A005000829 

 Non, Theotime, sans la charité, dit l'Apostre, tout cela ne serviroit de rien, ainsy que nous monstrons plus amplement ailleurs..

  A005000834 

 De sorte que nous pouvons tous lancer cette veritable voix, a l'imitation du saint Apostre: Sans la charité je ne suis rien, rien ne me profite; et celle cy, avec saint Augustin: Mettes dans un cœur «la charité, tout proffite; ostés du cœur la charité, rien ne proffite.» Or je dis, rien ne proffite pour la vie eternelle, quoy que, comme nous disons ailleurs, les œuvres vertueuses des pecheurs ne soyent pas inutiles pour la vie temporelle; mays, Theotime mon amy, que proffite-il a l'homme s'il gaigne tout le monde temporellement et qu'il perde son ame eternellement? [279].

  A005000841 

 Et cet oubli des bonnes œuvres des justes, apres qu'ilz ont quitté leur justice et dilection, consiste en ce qu'elles nous sont rendues inutiles tandis que le peché nous rend incapables de la vie eternelle, qui est leur fruit; et partant, si tost que par le retour de la charité nous sommes remis au rang des enfans de Dieu, et par consequent rendus susceptibles de la gloire immortelle, Dieu se resouvient de nos bonnes œuvres anciennes, et elles nous sont derechef rendues fructueuses.

  A005000847 

 Or, nous adjoustons quelquefois une fin de moindre perfection que n'est celle de nostre action, quelquefois aussi nous adjoustons une fin d'egale ou semblable perfection, et parfois encor une fin plus eminente et relevee.

  A005000847 

 de plaire a Dieu? qui sont trois diverses fins, dont la premiere est moindre, la seconde n'est pas presque plus excellente, et la troisiesme est beaucoup plus eminente [285] que la fin ordinaire de l'aumosne: si que nous pouvons, comme vous voyes, donner diverses perfections a nos actions, selon la varieté des motifs, fins et intentions que nous prenons en les faysant..

  A005000850 

 Or le souverain motif de nos actions, qui est celuy du celeste amour, a cette souveraine proprieté, qu'estant plus pur il rend l'action qui en provient plus pure: si que les Anges et Saintz de Paradis n'ayment chose aucune pour autre fin quelcomque que pour celle de l'amour de la divine Bonté et par le motif de luy vouloir plaire; ilz s'entr'ayment voirement tous tres ardemment, ilz nous ayment aussi, ilz ayment les vertus, mais tout cela pour plaire a Dieu seulement.

  A005000854 

 Purifions donq, Theotime, tant que nous pourrons, toutes nos intentions: et puisque nous pouvons respandre sur toutes les actions des vertus le motif sacré du divin amour, pourquoy ne le ferons nous pas? rejettans es occurrences toutes sortes de motifs vicieux, comme la vayne gloire et l'interest propre, et considerans tous les bons motifs que nous pouvons avoir d'entreprendre l'action qui se presente alhors, affin de choisir celuy du saint amour, qui est le plus excellent de tous, pour en arrouser et detremper tous les autres.

  A005000855 

 Nous ne disons pas que nous allons a Lyon, mais a Paris, quand nous n'allons a Lyon que pour aller a Paris; ni que nous allons chanter, mais que nous allons servir Dieu, quand nous n'allons chanter que pour servir Dieu..

  A005000855 

 Vous voyes bien, mon cher Theotime, qu'en ce retour d'esprit nous parfumons tous les autres motifs, de l'odeur et sainte suavité de l'amour, puisque nous ne les suivons pas en qualité de motifs simplement vertueux, mais en qualité de motifs voulus, aggreés, aymés et cheris de Dieu.

  A005000856 

 Et lhors que nous entrons es exercices des [290] vertus, nous devons souvent dire de tout nostre cœur: Ouy, Pere eternel, je le feray parce qu'ainsy a-il esté aggreable de toute eternité devant vous..

  A005000856 

 Que si quelquefois nous sommes touchés de quelque motif particulier, comme, par exemple, s'il nous advenoit d'aymer la chasteté a cause de sa belle et tant aggreable pureté, soudain sur ce motif il faut respandre celuy du divin amour, en cette sorte: O tres honneste et delicieuse blancheur de la chasteté, que vous estes aymable, puisque vous estes tant aymee par la divine Bonté! Puis, se retournant vers le Createur: Hé, Seigneur, je vous requiers une seule chose, c'est celle que je recherche en la chasteté, de voir et prattiquer en icelle vostre bon playsir et les delices que vous y prenes.

  A005000862 

 Telles sont les qualités par lesquelles l'esprit est rendu doux, obeissant et pliable aux loix de la rayson naturelle qui est en nous..

  A005000863 

 Ainsy, Theotime, le Saint Esprit qui habite en nous, voulant rendre nostre ame souple, maniable et obeissante a ses divins mouvemens et celestes inspirations, qui [291] sont les loix de son amour, en l'observation desquelles consiste la felicité surnaturelle de cette vie presente, il nous donne sept proprietés et perfections, pareilles presque aux sept que nous venons de reciter, qui, en l'Escriture Sainte et es livres des theologiens, sont appellees dons du Saint Esprit.

  A005000863 

 la pieté est l'amour qui adoucit le travail et nous fait cordialement, aggreablement et d'une affection filiale employer aux œuvres qui plaisent a Dieu nostre Pere; et 7.

  A005000863 

 la science, au contraire, n'est autre chose que le mesme amour qui nous tient attentifs a nous connoistre nous mesmes et les creatures, pour nous faire remonter a une plus parfaite connoissance du service que nous devons a Dieu; 4.

  A005000863 

 le conseil est aussi l'amour entant qu'il nous rend soigneux, attentifs et habiles pour bien choisir les moyens propres a servir Dieu saintement; 5.

  A005000863 

 pour conclusion, la crainte n'est autre chose que l'amour entant qu'il nous fait fuir et eviter ce qui est desaggreable a la divine Majesté..

  A005000864 

 Ainsy, Theotime, la charité nous sera une autre eschelle de Jacob, composee des sept dons du Saint Esprit comme autant d'eschellons sacrés, par lesquelz les hommes angeliques monteront de la terre au Ciel pour s'aller unir a la poitrine de Dieu tout puissant, et descendront du Ciel en terre pour venir prendre le prochain par la main et le conduire au Ciel.

  A005000864 

 Car, en montant au premier eschellon la crainte nous fait quitter le mal; au 2.

  A005000864 

 la pieté nous excite a vouloir faire [292] le bien; au 3.

  A005000864 

 la science nous fait connoistre le bien qu'il faut faire et le mal qu'il faut fuir; au 4.

  A005000864 

 nous joignons nostre volonté a Dieu pour savourer et experimenter les douceurs de son incomprehensible bonté: car, sur le sommet de cette eschelle, Dieu estant penché devers nous, il nous donne le bayser d'amour, et nous fait tetter les sacrees mammelles de sa suavité, meilleures que le vin..

  A005000864 

 nous unissons nostre entendement a Dieu pour voir et penetrer les traitz de son infinie beauté; et au 7.

  A005000864 

 par la force nous prenons courage contre toutes les difficultés qu'il y a en nostre entreprise; au 5.

  A005000864 

 par le conseil nous choisissons les moyens propres a cela; au 6.

  A005000865 

 Mays si ayans delicieusement joui de ces amoureuses faveurs nous voulons retourner en terre pour tirer le prochain a ce mesme bonheur, du premier et plus haut degré, ou nous avons rempli nostre volonté d'un zele tres ardent et avons parfumé nostre ame des parfums de la charité souveraine de Dieu, nous descendons au second degré, ou nostre entendement prend une clarté nompareille, et fait provision des conceptions et maximes plus excellentes pour la gloire de la beauté et bonté divine; de la nous venons au 3.

  A005000865 

 nous commençons a prescher par le don de science, exhortans les ames a la suite des vertus et a la fuite des vices; au 6.

  A005000865 

 nous nous encourageons, recevans une sainte force pour surmonter les difficultés qui peuvent estre en ce dessein; au 5.

  A005000865 

 nous taschons de leur imprimer la sainte pieté, affin que reconnoissans Dieu pour Pere tres aymable, ilz luy obeissent avec une crainte filiale; et au dernier degré nous les pressons de craindre les jugemens de Dieu, affin que meslant cette crainte d'estre damnés avec la reverence filiale, ilz quittent plus ardemment la terre pour monter au Ciel avec nous..

  A005000865 

 ou par le don du conseil nous advisons par quelz moyens nous inspirerons dans l'esprit des prochains le goust et l'estime de la divine suavité; au 4.

  A005000872 

 Or, la crainte initiale ou des apprentifs procede du vray amour, mais amour encor tendre, foible et commençant; la crainte filiale procede de l'amour ferme, [295] solide et des-ja tendant a la perfection; mais la crainte des espouses provient de l'excellence et perfection amoureuse des-ja toute acquise: et quant aux craintes serviles et mercenaires, elles ne procedent voirement pas de l'amour, mais elles precedent ordinairement l'amour pour luy servir de fourrier, ainsy que nous avons dit ailleurs, et sont bien souvent tres utiles a son service.

  A005000876 

 En cette vie, donques, en laquelle nostre charité ne sera jamais si parfaite qu'elle soit exempte de peril, nous avons tous-jours besoin de la crainte, et lhors que nous tressaillons de joye par amour nous devons trembler d'apprehension par la crainte:.

  A005000876 

 Toutefois, encor que la dame dont nous avons parlé ne veuille pas laisser l'eguille en l'ouvrage quand il sera fait, si est ce que, tandis qu'elle y a quelque chose a faire, si elle est contrainte de se divertir pour quelqu'autre occurrence, elle laissera l'eguille piquee dans l'œillet, la rose ou la pensee qu'elle brode, pour la treuver plus a propos quand elle retournera pour ouvrer.

  A005000884 

 Mais comme Eliezer estant de retour demeura dans la mayson au service d'Isaac et Rebecca, de mesme la crainte nous ayant amenés au saint amour, elle demeure avec nous pour servir, es occurrences, et l'amour et l'ame amoureuse.

  A005000897 

 Mais cette crainte, toutefois, prattiquee par maniere d'eslan ou sentiment naturel, n'est ni louable ni vituperable en nous, puisqu'elle ne procede pas de nostre election: elle est neanmoins un effect d'une tres bonne cause, et cause d'un tres bon effect, car elle provient de la connoissance naturelle que Dieu nous a donné de sa providence, et nous fait reconnoistre combien nous dependons de la toute puissance souveraine, nous incitant a l'implorer; et se treuvant en une ame fidele, elle luy fait beaucoup de biens.

  A005000898 

 Mays il y a une «autre crainte, qui prend origine de la foy, laquelle nous apprend qu'apres cette vie mortelle il y a des supplices effroyablement eternelz ou eternellement effroyables, pour ceux qui en ce monde auront offencé la divine Majesté et seront decedés sans s'estre reconciliés avec elle; qu'a l'heure de la mort les ames seront jugees du jugement particulier, et a la fin du monde tous comparoistront resuscités pour estre derechef jugés du jugement universel: car ces verités chrestiennes, Theotime, frappent le cœur qui les considere d'un espouvantement extreme.

  A005000898 

 Nostre Seigneur, qui estoit venu pour nous apporter la loy d'amour, ne laisse pas de nous inculquer cette crainte: Craignes, dit-il, Celuy qui peut jetter le cors et l'ame en la gehenne.

  A005000898 

 Nous avons conceu de vostre crainte, o Dieu, et enfanté l'esprit de salut, est-il dit en Isaye; c'est a dire: Vostre face courroucee nous a espouvantés, et nous a fait concevoir et enfanter l'esprit de penitence, qui est l'esprit de salut; ainsy que le Psalmiste avoit dit: Mes os n'ont point de paix, ains tremblent devant la face de vostre ire.

  A005000900 

 O si l'œil pouvoit voir, si l'aureille pouvoit ouïr, ou qu'il peust monter au cœur de l'homme ce que Dieu a preparé a ceux qui le [303] servent, hé, quelle apprehension auroit-on de violer les commandemens divins, de peur de perdre ces recompenses immortelles! quelles larmes, quelz gemissemens jetteroit on quand par le peché on les auroit perdues! Or, cette crainte neanmoins seroit blasmable si elle enfermoit en soy l'exclusion du saint amour; car qui dirait: je ne veux point servir Dieu pour aucun amour que je luy veuille porter, mais seulement pour avoir les recompenses qu'il promet, il ferait un blaspheme, preferant la recompense au Maistre, le bienfait au Bienfacteur, l'heritage au Pere, et son propre proffit a Dieu tout puissant; ainsy que nous avons plus amplement monstré au Livre second..

  A005000901 

 Mais en fin, quand nous craignons d'offencer Dieu, non point pour eviter la peyne de l'enfer ou la perte du Paradis, mais seulement parce que Dieu estant nostre tres bon Pere nous luy devons honneur, respect, obeissance, alhors nostre crainte est filiale, d'autant qu'un enfant bien né n'obeit pas a son pere en consideration du pouvoir qu'il a de punir sa desobeissance, ni aussi parce qu'il le peut exhereder, ains simplement parce qu'il est son pere; en sorte qu'encor que le pere serait viel, impuissant et pauvre, il ne laisserait pas de le servir avec egale diligence, ains, comme la pieuse cigoigne, il l'assisterait avec plus de soin et d'affection: ainsy que Joseph, voyant le bon homme Jacob son pere, vieux, necessiteux et reduit sous son sceptre, il ne laissa pas de l'honnorer, servir et reverer avec une tendreté plus que filiale, et telle, que ses freres l'ayant reconneüe, estimerent qu'elle opereroit encor apres sa mort, et l'employerent pour obtenir pardon de luy, disans: Vostre pere nous a commandé que nous vous dissions de sa part: Je vous prie d'oublier le crime de vos freres, et le peché et malice qu'ilz ont exercé envers vous.

  A005000906 

 La charité de Dieu est respandue en, nos coeurs par le Saint Esprit qui nous est donné.

  A005000907 

 L'Apostre donq ne veut dire autre chose sinon que le fruit du Saint Esprit est la charité, laquelle est joyeuse, paisible, patiente, benigne, bonteuse, longanime, douce, fidele, modeste, continente, chaste; c'est a dire, que le divin amour nous donne une joye et consolation interieure, avec une grande paix de cœur qui se conserve entre les adversités par la patience, et qui nous rend gracieux et benins a secourir le prochain par une bonté cordiale envers iceluy; bonté qui n'est point variable, ains constante et perseverante, d'autant qu'elle nous donne un courage de longue estendue, au moyen dequoy nous sommes rendus doux, affables et condescendans envers tous, supportans leurs humeurs et imperfections et leur gardant une loyauté parfaite, tesmoignans une simplicité accompaignee de confiance, tant en nos paroles qu'en nos actions, vivans modestement et humblement, retranchans toutes superfluités et tous desordres au boire, manger, vestir, coucher, jeux, passetems et autres telles convoitises voluptueuses [306] par une sainte continence, et reprimant sur tout les inclinations et seditions de la chair par une soigneuse chasteté: affin que toute nostre personne soit occupee en la divine dilection, tant interieurement, par la joye, paix, patience, longanimité, bonté et loyauté; comme aussi exterieurement, par la benignité, mansuetude, modestie, continence et chasteté..

  A005000908 

 Mais, quand non seulement nous nous res-jouissons en cette divine dilection et jouissons de sa delicieuse douceur, ains que nous establissons toute nostre gloire en icelle, comme en la couronne de nostre honneur, alhors elle n'est pas seulement un fruit doux a nostre gosier, mais elle est une beatitude et felicité tres desirable; non seulement parce qu'elle nous asseure la felicité de l'autre vie, mais parce qu'en celle ci elle nous donne un contentement d'inestimable valeur.

  A005000908 

 Or, la dilection est appellee fruit entant qu'elle nous delecte et que nous jouissons de sa delicieuse suavité, comme une vraye pomme de Paradis recueillie de l'arbre de vie, qui est le Saint Esprit, enté sur nos espritz humains et habitant en nous par sa misericorde infinie.

  A005000909 

 En qualité de beatitude, elle nous fait prendre a faveur extreme et singulier honneur les affrontz, calomnies, vituperes et opprobres que le monde nous fait, et nous fait quitter, renoncer et rejetter toute autre gloire sinon celle qui procede du bienaymé Crucifix, pour laquelle nous nous glorifions en l'abjection, abnegation et aneantissement de nous mesmes; ne voulans autres marques de majesté que la couronne d'espines du Crucifix, le sceptre de son roseau, le mantelet de mespris qui luy fut imposé, et le throsne de sa Croix, sur lequel les amoureux sacrés ont plus de contentement, de joye, de gloire et de felicité, que jamais Salomon n'eut sur son throsne d'ivoire..

  A005000909 

 En qualité de don, la dilection nous rend souples et maniables aux inspirations interieures, qui sont comme les commandemens et conseilz secretz de Dieu, a l'execution desquelz sont employés les sept dons du Saint Esprit; si que la dilection est le don des dons.

  A005000909 

 En qualité de fruit, elle nous donne un goust et playsir extreme en la prattique de la vie devote, qui se sent es douze fruitz du Saint Esprit; et partant elle est le fruit des fruitz.

  A005000909 

 En qualité de vertu, elle nous rend obeissans aux inspirations exterieures que Dieu nous donne par ses commandemens et conseilz, en l'execution desquelz on prattique toutes vertus; dont la dilection est la vertu de toutes les vertus.

  A005000914 

 L'amour est la vie de nostre cœur; et comme le contrepoids donne le mouvement a toutes les pieces mobiles d'un horologe, aussi l'amour donne a l'ame tous les mouvemens qu'elle a. Toutes nos affections suivent nostre amour, et selon iceluy nous desirons, nous nous delectons, nous esperons et desesperons, nous craignons, nous nous encourageons, nous haïssons, nous fuyons, nous nous attristons, nous entrons en cholere, nous triomphons.

  A005000914 

 Ne voyons nous pas les hommes qui ont donné leur cœur en proye a l'amour vil et abject des femmes, comme ilz ne desirent que selon cet amour, ilz n'ont playsir qu'en cet amour, ilz n'esperent ni desesperent que pour ce sujet, ilz ne craignent ni n'entreprennent que pour cela, ilz n'ont a contrecœur ni ne fuyent que ce qui les en destourne, ilz ne s'attristent que de ce qui les en prive, ilz n'ont de cholere que par jalousie, ilz ne triomphent que par cette infamie.

  A005000916 

 L'amour divin et l'amour propre sont dedans nostre cœur comme Jacob et Esaü dans le ventre de Rebecca: ilz ont une antipathie et repugnance fort grande l'un a l'autre, et s'entrechoquent dedans le cœur continuellement; dont la pauvre ame s'escrie: Helas, moy miserable, qui me deslivrera du cors de cette mort, affin que le seul amour de mon Dieu regne paisiblement en moy? Mais il faut pourtant que nous ayons courage, esperans en la parole de Nostre Seigneur, qui promet en commandant, et commande en promettant la victoire a son amour; et semble qu'il dit a l'ame ce qu'il fit dire a Rebecca: Deux nations sont en ton ventre et deux peuples seront separés dans tes entrailles; et l'un des peuples surmontera l'autre, et l'aisné servira au moindre. Car, comme Rebecca n'avoit que deux enfans en son ventre, mais parce que d'iceux devoyent naistre deux peuples il est dit qu'elle avoit deux nations en son ventre, aussi l'ame ayant dedans son cœur deux amours, a par consequent deux grandes peuplades de mouvemens, affections et passions; et comme les deux enfans de Rebecca, par la contrarieté de leurs mouvemens luy donnoyent des grandes convulsions et douleurs de ventre, aussi les deux amours de nostre ame donnent des grans travaux a nostre cœur; et comme il fut dit qu'entre les deux enfans de cette dame le plus grand serviroit le moindre, aussi a-il esté ordonné que des deux amours de nostre cœur, le sensuel servira le spirituel, c'est a dire que l'amour propre servira l'amour de Dieu.

  A005000918 

 Car ainsy l'amour divin voyant naistre en nous quelque passion ou affection naturelle, il doit soudain la prendre par le pied et la ranger a son service.

  A005000919 

 Mais donq, quelle methode doit on tenir pour ranger les affections et passions au service du divin amour? Les medecins methodiques ont tous-jours en bouche cette maxime, que «les contraires sont gueris par leurs contraires;» et les spagyriques celebrent une sentence opposee a celle la, disans que «les semblables sont gueris par leurs semblables.» Or, comme que c'en soit, nous sçavons que deux choses font disparoistre la lumiere des estoiles: l'obscurité des brouillas de la nuit, et la plus grande lumiere du soleil; et de mesme nous combattons les passions, ou leur opposant des passions contraires, ou leur opposant des plus grandes [311] affections de leur sorte.

  A005000921 

 Si j'espere l'assistance d'un ami, ne puis-je pas dire: Vous aves establi nostre vie en sorte, Seigneur, que nous ayons a prendre secours, soulagement et consolation les uns des autres; et parce qu'il vous plaist, j'employeray donq cet homme, duquel vous m'aves donnee l'amitié a cette intention.

  A005000925 

 Pour l'ire, nous l'avons veu au discours du zele; pour le desespoir, sinon qu'on le reduise a la juste desfiance de nous mesmes, ou bien au sentiment que nous devons avoir de la vanité, foiblesse et inconstance des faveurs, assistances et promesses du monde, je ne voy pas quel service le divin amour en peut tirer..

  A005000928 

 La tristesse procede aussi d'autres fois de la condition naturelle, quand l'humeur melancholique domine en nous; et celle cy n'est pas voirement vicieuse en soy mesme, mais nostre ennemy pourtant s'en sert grandement pour ourdir et tramer mille tentations en nos ames.

  A005000929 

 Finalement il y a une tristesse que la varieté des accidens humains nous apporte.

  A005000930 

 Nous voyons aussi maintefois des penitences fort empressees, troublees, impatientes, pleureuses, ameres, souspirantes, inquietes, grandement aspres et melancholiques, lesquelles en fin se treuvent infructueuses et sans suite d'aucun veritable amendement, parce qu'elles ne procedent pas des vrays motifz de la vertu de penitence, mays de l'amour propre et naturel..

  A005000931 

 Si elle est accidentelle, nous recourrons a ce qui est marqué au huitiesme Livre, affin de voir combien les tribulations sont aymables aux enfans de Dieu, et que la grandeur de nos esperances en la vie eternelle doit rendre presque [317] inconsiderables tous les evenemens passagers de la temporelle..

  A005000931 

 Si elle est naturelle, nous la devons repousser, contrevenans a ses mouvemens, la divertissans par exercices propres a cela, et usans des remedes et façon de vivre que les medecins mesme jugeront a propos.

  A005000931 

 Si elle provient de tentation, il faut bien descouvrir son cœur au pere spirituel, lequel nous prescrira les moyens de la vaincre, selon ce que nous en avons dit en la quatriesme Partie de l' Introduction a la Vie devote.

  A005000932 

 Au reste, parmi toutes les melancholies qui nous peuvent arriver, nous devons employer l'authorité de la volonté superieure pour faire tout ce qui se peut en faveur du divin amour.

  A005000948 

 Un thresor ne suffit pas au gré de ce divin Amant, ains il veut que nous ayons tant de thresors que notre thresor soit composé de plusieurs thresors; c'est a dire, Theotime, qu'il faut avoir un desir insatiable d'aymer Dieu, pour joindre tous-jours dilection a dilection.

  A005000949 

 C'est nostre partie sensuelle et animale qui appete de manger, mais c'est nostre partie raysonnable qui desire cet appetit; et d'autant que la partie sensuelle n'obeit pas tous-jours a la partie raysonnable, il arrive maintefois que nous desirons l'appetit et ne le pouvons pas avoir.

  A005000949 

 Mais le desir d'aymer et l'amour dependent de la mesme volonté: c'est pourquoy, soudain que nous avons formé [321] le vray desir d'aymer, nous commençons d'avoir de l'amour; et a mesure que ce desir va croissant, l'amour aussi va s'augmentant.

  A005000949 

 O Dieu, qui nous fera la grace, Theotime, que nous bruslions de ce desir, qui est le desir des pauvres et la preparation de leur cœur, que Dieu exauce volontier! Qui n'est pas asseuré d'aymer Dieu, il est pauvre; et s'il desire d'aymer, il est mendiant, mais mendiant de l'heureuse mendicité de laquelle le Sauveur a dit: Bienheureux sont les mendians d'esprit, car a eux appartient le Royaume des deux..

  A005000949 

 Theotime, de sçavoir si nous aymons Dieu sur toutes choses il n'est pas en nostre pouvoir, si Dieu mesme ne le nous revele, mais nous pouvons bien sçavoir si nous desirons de l'aymer, et quand nous sentons en nous le desir de l'amour sacré, nous sçavons que nous commençons d'aymer.

  A005000962 

 La curiosité, l'ambition, l'inquietude, avec l'inadvertence et inconsideration de la fin pour laquelle nous sommes en ce monde, sont cause que nous avons mille fois plus d'empeschemens que d'affaires, plus de tracas que d'oeuvre, plus d'occupation que de besoigne; et ce sont ces embarrassemens, Theotime, c'est a dire les niaises, vaynes et superflues occupations desquelles nous nous chargeons, qui nous divertissent de l'amour de Dieu, et non pas les vrays et legitimes exercices de nos vocations.

  A005000981 

 Pourrions nous chanter saintement.

  A005000996 

 Hé, Dieu nous garde de ces ardeurs imaginaires, qui nourrissent bien souvent dans le fond de nos cœurs la vayne et secrette estime de nous mesme! Les grandes œuvres ne sont pas tous-jours en nostre chemin; mais nous pouvons a toutes heures en faire des petites excellemment, c'est a dire, avec un grand amour.

  A005000998 

 Ces condescendances aux humeurs d'autruy, ce support des actions et façons agrestes et ennuyeuses du prochain, ces victoires sur nos propres humeurs et passions, ce renoncement a nos menues inclinations, cet effort contre nos aversions et repugnances, ce cordial et doux aveu de nos imperfections, cette peyne continuelle que nous prenons de tenir nos ames en egalité, cet amour de nostre abjection, ce benin et gracieux accueil que nous faysons au mespris et censure de nostre condition, de nostre vie, de nostre conversation, de nos actions: Theotime, tout cela est plus fructueux a nos ames que nous ne sçaurions penser, pourveu que la celeste dilection le mesnage.

  A005000998 

 Mais nous l'avons des-ja dit a Philothee..

  A005001002 

 Si je jeusne, mais pour espargner, mon jeusne n'est pas de bonne espece; si c'est par temperance, mais que j'aye quelque peché [330] mortel en mon ame, le poids manque a cette œuvre, car c'est la charité qui donne le poids a tout ce que nous faysons; si c'est seulement par conversation et pour m'accommoder a mes compaignons, cette œuvre n'est pas marquee au coin d'une intention appreuvee: mais si je jeusne par temperance, et que je sois en la grace de Dieu, et que j'aye intention de plaire a sa divine Majesté par cette temperance, l'œuvre sera une bonne monnoye, propre pour accroistre en moy le thresor de la charité..

  A005001003 

 C'est faire excellemment les actions petites que de les faire avec beaucoup de pureté d'intention et une forte volonté de plaire a Dieu; et lhors elles nous sanctifient grandement.

  A005001006 

 Ce sont les propres paroles du divin Apostre, lesquelles, comme dit le grand saint Thomas en les expliquant, sont suffisamment prattiquees quand nous avons l'habitude de la tressainte charité, par laquelle, bien que nous n'ayons pas une expresse et attentive intention de faire chasque œuvre pour Dieu, cette intention neanmoins est contenue couvertement en l'union et communion que nous avons avec Dieu, par laquelle tout ce que nous pouvons faire de bon est dedié avec nous a sa divine Bonté.

  A005001006 

 Il n'est pas besoin qu'un enfant demeurant en la mayson et puissance de son pere declaire que ce qu'il acquiert est acquis a son pere, car sa personne estant a son pere, tout ce qui en depend luy appartient aussi: il suffit aussi que nous soyons enfans de Dieu par dilection, pour rendre tout ce que nous faisons entierement destiné a sa gloire..

  A005001007 

 Il est donq vray, Theotime, que, comme nous avons dit ailleurs, tout ainsy que l'olivier planté pres de la [332] vigne luy donne sa saveur, de mesme la charité se treuvant aupres des autres vertus, elle leur communique sa perfection.

  A005001010 

 Je sçai que quelques uns n'estiment pas que cette oblation si generale de nous mesme estende sa vertu et porte son influence sur les actions que nous prattiquons par apres, sinon a mesure qu'en l'exercice d'icelles nous appliquons en particulier le motif de la dilection, les dediant specialement a la gloire de Dieu.

  A005001012 

 Sur cette verité chacun devroit une fois en sa vie faire une bonne retraitte, pour en icelle bien purger son ame de tout peché, pour en suite faire une intime et solide resolution de vivre tout a Dieu, selon que nous avons enseigné en la premiere Partie de l' Introduction a la Vie devote; puis, au moins une fois l'annee, [334] faire la reveüe de sa conscience et le renouvellement de la premiere resolution, que nous avons marqué en la cinquiesme Partie de ce livre-la, auquel pour ce regard je vous renvoye..

  A005001017 

 Quand les paonnesses couvent en des lieux bien blancs, les pouletz sont aussi tous blancs; et quand nos intentions sont en l'amour de Dieu, lhors que nous projettons quelque bon oeuvre, ou que nous nous jettons en quelque vacation, toutes les actions qui s'en ensuivent prennent leur valeur et tirent leur noblesse de la dilection de laquelle elles ont leur origine: car, qui ne void que les actions qui sont propres a ma vocation ou requises a mon dessein, dependent de cette premiere election et resolution que j'ay faitte?.

  A005001018 

 Mais, Theotime, il ne se faut pas arrester la: ains, pour faire un excellent progres en la devotion, il faut non seulement au commencement de nostre conversion, et puis tous les ans, destiner nostre vie et toutes nos actions a Dieu, mais aussi il les luy faut offrir tous les jours, selon l'exercice du matin que nous avons enseigné [335] a Philothee; car en ce renouvellement journalier de nostre oblation nous respandons sur nos actions la vigueur et vertu de la dilection, par une nouvelle application de nostre cœur a la gloire divine, au moyen dequoy il est tous-jours plus sanctifié..

  A005001019 

 Et comme se pourroit il faire, je vous prie, qu'une ame laquelle a tous momens s'eslance en la divine Bonté, et souspire incessamment des paroles de dilection pour tenir tous-jours son cœur dans le sein de ce Pere celeste, ne fust pas estimee faire toutes ses bonnes actions en Dieu et pour Dieu? Celle qui dit: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne; «Mon Dieu, vous estes mon tout;» O Jesus, vous estes ma vie; hé, qui me fera la grace que je meure a moy mesme, affin que je ne vive qu'a vous! O aymer! o s'acheminer! o mourir a soy mesme! o vivre a Dieu!» O estre en Dieu! O Dieu! ce qui n'est pas vous mesme ne m'est rien: celle la, dis-je, ne dedie-elle pas continuellement ses actions au celeste Espoux? O que bienheureuse est l'ame qui a une fois bien fait le despouillement et la parfaite resignation de soy mesme entre les mains de Dieu, dont nous avons parlé ci dessus; car par apres elle n'a a faire qu'un petit souspir et regard en Dieu pour renouveller et confirmer son despouillement, sa resignation et son oblation, avec la protestation qu'elle ne veut rien que Dieu et pour Dieu, et qu'elle ne s'ayme, ni chose du monde, qu'en Dieu et pour l'amour de Dieu..

  A005001020 

 Cela fait, desployans, s'il faut ainsy dire, et eslevans les bras de nostre consentement, embrassons cherement, ardemment et tres amoureusement, soit le bien qui se presente a faire, soit le mal qu'il nous faut souffrir, en consideration de ce que Dieu l'a voulu eternellement, pour luy complaire et obeir a sa providence..

  A005001020 

 Eslevons en ces occurrences nos cœurs et nos espritz en Dieu, enfonçons nostre consideration et estendons nostre pensee dans la tressainte et glorieuse eternité; voyons qu'en icelle la divine Bonté nous cherissoit tendrement, destinant pour nostre salut tous les moyens convenables a nostre progres en sa dilection, et particulierement la commodité de faire le bien qui se presente alhors a nous, ou de souffrir le mal qui nous arrive.

  A005001022 

 En cette sorte devons nous entreprendre les plus grandes affaires et les plus aspres tribulations qui nous puissent arriver.

  A005001030 

 Ne penses vous point que la douceur de cet enfant, portant son bois sur ses espaules et l'entassant par apres sur l'autel, fit fondre en tendreté les entrailles de ce pere? O cœur que les Anges admirent et que Dieu magnifie! Hé, Seigneur Jesus, quand sera-ce donq que vous ayant sacrifié tout ce que nous avons, nous vous immolerons tout ce que nous sommes? quand vous offrirons nous en holocauste nostre franc arbitre, unique enfant de nostre esprit? quand sera-ce que nous le lierons et estendrons sur le bucher de vostre Croix, de vos espines, de vostre lance, affin que, comme une brebiette, elle soit victime aggreable de vostre bon playsir, pour mourir et brusler du feu et du glaive de vostre saint amour? O franc arbitre de mon cœur, que ce vous sera chose bonne d'estre lié et estendu sur la Croix du divin Sauveur! que ce vous est chose [340] desirable de mourir a vous mesme, pour ardre a jamais en holocauste au Seigneur!.

  A005001031 

 Nous avons la liberté de faire le bien et le mal; mais de choisir le mal ce n'est pas user, ains abuser de cette liberté.

  A005001031 

 Qui luy donnera la liberté en ce monde, l'aura serf et esclave en l'autre, et qui l'asservira a la Croix en ce monde, l'aura libre en l'autre, ou, estant abismé en la jouissance de la divine Bonté, sa liberté se treuvera convertie en amour et l'amour en liberté, mais liberté de douceur infinie; sans effort, sans peyne et sans repugnance quelconque, nous aymerons invariablement a jamais le Createur et Sauveur de nos ames.

  A005001031 

 Renonçons a cette malheureuse liberté, et assujettissons pour jamais nostre franc arbitre au parti de l'amour celeste; rendons nous esclaves de la dilection, de laquelle les serfs sont plus heureux que les rois.

  A005001037 

 motif est celuy de la providence naturelle de Dieu envers nous, de la creation et conservation, selon que nous disons au chapitre III du II e Livre..

  A005001038 

 motif est celuy de la providence surnaturelle de Dieu envers nous, et de la redemption qu'il nous a preparee, ainsy qu'il est expliqué au chapitre IV, V, VI et VII du II e Livre.

  A005001039 

 motif c'est de considerer comme Dieu prattique cette providence et redemption, fournissant a un chacun toutes les graces et assistances requises a nostre salut; dequoy nous traittons au II e Livre, des le chapitre VIII, et au Livre III, des le commencement jusques au chapitre VI..

  A005001040 

 motif est la gloire eternelle que la divine Bonté nous a destinee, qui est le comble des bienfaitz de Dieu envers nous; dont il est aucunement discouru des le chapitre IX jusques a la fin du Livre III..

  A005001045 

 Qu'apres en avoir consideré l'un en general, nous l'appliquions en particulier a nous mesmes.

  A005001046 

 O Dieu, mon Theotime, quelle asses digne dilection pourrions nous avoir pour l'infinie bonté de nostre Createur, qui de toute eternité a projetté de nous creer, conserver, gouverner, racheter, sauver et glorifier tous en general et en particulier? Hé! qui estois-je lhors que je n'estois pas? moy, [343] dis-je, qui estant maintenant quelque chose, ne suis rien qu'un simple chetif vermisseau de terre.

  A005001047 

 Il faut considerer les bienfaitz divins en leur seconde source meritoire; car ne sçaves vous pas, Theotime, que le grand Prestre de la Loy portoit sur ses espaules et sur sa poitrine les noms des enfans d'Israël, c'est a dire, des pierres pretieuses esquelles les noms des chefs d'Israël estoyent gravés? Hé, voyes Jesus, nostre grand Evesque, et regardes-le des l'instant de sa conception; consideres qu'il nous portoit sur ses espaules, acceptant la charge de nous racheter par sa mort, et la mort de la croix.

  A005001047 

 O Theotime, Theotime, cette ame du Sauveur nous connoissoit tous par nom et par sur-nom; mais sur tout au jour de sa Passion, lhors qu'il offroit ses larmes, ses prieres, son sang et sa vie pour tous, il lançoit en particulier pour vous ces pensees de dilection: Helas, o mon Pere eternel, je prens a moy et me charge de tous les pechés du pauvre Theotime, pour souffrir les tormens et la mort affin qu'il en demeure quitte et qu'il ne perisse point, mais qu'il vive.

  A005001048 

 Ainsy, dedans sa poitrine maternelle, son cœur divin prevoyoit, disposoit, meritoit, impetroit tous les bienfaitz que nous avons, non seulement en general pour tous, mais en particulier pour un chacun; et ses mammelles de douceur nous preparoyent le lait de ses mouvemens, de ses attraitz, de ses inspirations, et des suavités par lesquelles il tire, conduit et nourrit nos cœurs a la vie eternelle.

  A005001048 

 Les bienfaitz ne nous [344] eschauffent point si nous ne regardons la volonté eternelle qui les nous destine, et le cœur du Sauveur qui les nous a merités par tant de peynes, et sur tout en sa Mort et Passion..

  A005001067 

 O amour eternel, mon ame vous requiert et vous choisit eternellement! Hé, «venes, Saint Esprit, et enflammes nos cœurs de vostre dilection.» Ou aymer ou mourir! Mourir et aymer! Mourir a tout autre amour pour vivre a celuy de Jesus, affin que nous ne mourions point eternellement; ains que vivans en vostre amour eternel, o Sauveur de nos ames, nous chantions eternellement: VIVE JESUS! J'ayme Jesus! Vive Jesus [346] que j'ayme! J'ayme Jesus, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A005001087 

 En quoy les Ames devotes de ce siecle nous semblent avoir autant de saincte obligation à remercier et magnifier la Divine Bonté, qui a voulu accroistre et favorablement gratifier l'honneur de leurs ans de la precieuse jouissance de cet Œuvre, et de la desirable presence de l'Autheur qui l'a composé, comme celles des siecles passés, si on leur en eust donné advis, eussent eu de juste occasion de regretter que l'un et l'autre ait esté refusé et ait manqué à la gloire et au bien de leurs jours..

  A005001087 

 Et non seulement y avoir trouvé toutes choses conformes à la saincte Doctrine des saincts Peres et Docteurs de l'Eglise, et adjustees au niveau de la Foy Catholique, Apostolique, et Romaine: mais d'abondant confessons ingenuëment y avoir rencontré tant d'avantages pour l'entiere recommandation de l'Amour de Dieu, tant d'ordre et de lumiere à le faire aisément concevoir, tant d'attraicts si puissants à luy gaigner les Ames; que nous estimons que ce sublime et Divin subject a vrayement rencontré cette fois celuy qu'il luy falloit pour dignement le [349] manier et l'estaller en public: et que l'esclat de son excellence et grandeur eust tousjours esté plus sombre et moindre parmy les hommes, quant à sa parfaite cognoissance, si ce Reverendissime Prelat, esgalement sçavant et Religieux, n'eust employé son net esprit et sa riche plume à le traicter.

  A005001105 

 Et dautant que pour ce faire, il a cy devant faict de grands frais, et luy en convient encores faire, il nous a tres-humblement requis et supplié de luy en vouloir accorder la permission, et faire deffences à toutes personnes de le troubler en l'impression, et vente dudit livre, sur les peines qu'il nous plairra d'ordonner.

  A005001105 

 Et parce que d'icelles ledit suppliant pourra avoir à faire en plusieurs et divers endroits, nous voulons qu'au vidimus d'icelles faict sur le seel Royal, ou par l'un de nos amez et feaux Conseillers, Notaire, et Secretaire, foy soit adjoustee comme au present original, et en mettant un brief extrait d'icelle, au commencement ou à la fin de chacun exemplaire, il soit tenu pour bien et deuëment signifié, et comme si c'estoit l'original, afin qu'aucun n'en pretende cause d'ignorance.

  A005001105 

 Nostre cher et bien-amé Pierre Rigaud, Marchand Libraire de nostre Ville de Lyon, nous a fait dire et remonstrer, qu'il desire faire imprimer de nouveau, en beaux, et bons caracteres le Livre intitulé, T raicté de l'Amour de Dieu, par François de Sales, Evesque de Geneve.

  A005001105 

 Nous à ces causes desirant gratifier ledit Rigaud, et empescher qu'il ne soit privé de son travail et labeur, Vous mandons, ordonnons, et enjoignons par ces presentes, comme nous avons permis et permettons de grace speciale audit Rigaud, qu'il puisse imprimer ou faire imprimer, vendre et debiter, tant de fois que bon luy semblera, ledit livre, pendant le temps de Dix ans entiers et consecutifs, à compter du jour et datte que ledit livre sera achevé d'imprimer, faisant pour cet effect tres-expresses inhibitions, et deffences à tous Marchands, Libraires, et Imprimeurs, de nostre Royaume, de n'imprimer ou faire imprimer ledit livre, ny l'exposer en vante: sans l'exprez congé, et permission dudit Rigaud, ou de ceux qui auront droict de luy, sur peine de dix mille livres d'amande, applicable moitié à nous, et l'autre moitié audit suppliant, et confiscation des exemplaires qui seront treuvez avoir esté mis en vente contre la teneur des presentes; lesquels seront saisis et mis en nostre main, par le premier de nos Juges, Officiers, Huissiers, ou Sergents sur ce requis, luy monstrant ces presentes ou coppie d'icelles, deuëment collationnées: ausquels donnons pouvoir, commission et mandement special, de proceder a rencontre de tous ceux qui y contreviendront par toutes voyes deuës et raisonnables, nonobstant oppositions ou appellations quelconques, clameur de Haro, Chartre Normande, prise à partie et toutes autres Lettres à ce contraires, ausquelles nous avons derogé et derogeons par ces presentes.

  A005001128 

 Ainsy sçavons-nous bien que c'est l'homme qui void, qui oyt, qui parle, qui entend, qui se resouvient, qui veut et qui ayme; mais pour monstrer que cette varieté [355] d'operations se fait par diverses facultés et differens organes, nous disons que l'œil void, l'oreille oyt, la langue parle, l'entendement entend, la memoyre se resouvient et la volonté veut et ayme.

  A005001128 

 C'est pourquoy, encor que la volonté soit la faculté de nostr'ame qui tend et nous porte au bien, c'est toutefois nous, a proprement parler, qui par icelle nous esmouvons au bien et qui nous y complaysons, et qui avons avec iceluy cette grande convenance laquelle est le fondement de la complaysance et de l'amour..

  A005001128 

 D'autant que l'homme fait ses operations distinctes selon la distinction des facultés de son ame et des organes de son cors, nous attribuons a chasque faculté et a chasque organe les actions que nous faysons par icelles.

  A005001128 

 Or je dis ceci, Philothee, affin que vous sachies que la convenance au bien delaquelle la volonté reçoit complaysance, n'est pas une convenance de la seule volonté, mais de l'homme mesme avec le bien, laquelle neanmoins ne peut sentir avec complaysance que par la faculté que nous appelions volonté, car c'est l'homme qui a la convenance.

  A005001134 

 Nul n'entre au Sanctuaire que le grand Prestre; en cette pointe de l'ame les discours n'y entrent point, ains [357] seulement cette supreme et universelle et grande veûe, par laquelle nous connoissons que la volonté divine est souverainement bonne et digne d'estr'aymee en tout generalement et non pas seulement particulierement en quelque chose, et non pas seulement en general mais en particulier en chasque chose.

  A005001136 

 Aussi l'acte de la foy n'est pas un discours, mays un tres simple acquiescement de l'entendement aux choses revelees, et revelees non par une claire lumiere mays par une lumiere obscure, quoy que tres certaine; or l'acte de l'esperance n'est autre chose que le simple mouvement de la volonté a ce que la foy enseigne, entant quil nous est utile et promis, pour l'unir a nous et le rendre nostre; et l'acte de la charité, un mouvement de la volonté au bien que la foy nous monstre, entant quil est bon simplement, pour nous unir a iceluy et nous rendre siens.

  A005001146 

 ...entre Dieu et l'homme par la charité, l'amour de Dieu previent nostre cœur et produit en nous l'amour; et toutes les fois que cette Bonté cesse de jetter sa vertu dans nos cœurs, comm'il arrive tous-jours quand le peché divisant entre Dieu et nous fait ecclipser ce grand Soleil de justice, helas, alhors nous demeurons sans charité et sans amour.

  A005001146 

 C'est la vraye volonté de Dieu que nous ayons tous les moyens requis a faire nostre salut, aussi les avons nous tous suffisamment, et mesme, pour la plus part, nous les avons abondamment et surabondamment.

  A005001146 

 Et comm'est ce que sa bonté pourroit mieux tesmoigner la volonté qu'ell'a de nous sauver, que faysant pour nous une si riche provision des moyens necessaires a cet effect, les nous offrant si liberalement, et nous pressant si chaudement de les recevoir, de les embrasser et de les employer? Il est vray, [363] Philothee, que Dieu ne nous veut pas porter au salut, d'une volonté absolue et inevitable, sinon Ihors quil void la nostre suivre volontairement les attraitz de la sienne.

  A005001146 

 Hé, dit le divin Espoux de nos ames, retourne, retourne, Sullamite; retourne, retourne, affin que nous te regardions: certes, il desire que nous le regardions, et affin que nous le regardions il desire de nous regarder, sachant que nous ne sçaurions le regarder que premier il ne nous regarde, ni l'aymer que premier il ne nous ayme.

  A005001146 

 Il veut que nous y aillions, puisquil nous y exhorte, mais que nous y aillions volontairement et librement, selon la liberté et franchise de nostre volonté, laquelle il veut attirer et allecher affin qu'elle coure a l'odeur de ses parfuns, mays il ne veut pas la violenter ni necessiter; c'est pourquoy, bien quil veuille faire veritablement nostre salut, il ne le veut pas inevitablement faire..

  A005001146 

 Mays par ce qu'encor quil ne nous ayme pas, il ne laisse pas de desirer de nous aymer, il nous invite a nous laisser conduire a sa grace................................

  A005001146 

 Non certes, car il ne nous veut pas tirer par les cordages desquelz on tiroyt jadis les veaux et les moutons aux sacrifices, sans leur consentement et par force, ains par les liens d'Adam, par les liens de charité, d'amour et d'affection, comm'Abraham mena le s t enfant Isaac et le mit sur le bucher pour l'immoler.

  A005001146 

 O Dieu, mais sil le veut, pourquoy ne nous sauvons pas tous? C'est par ce quil ne le veut pas de sa volonté inevitable, ains de sa volonté attrayante, laquelle exerce suffisamment en nous sa bonté pour nous rendre capables du salut, mays qui n'exerce pas pourtant sa toute puissance pour nous mettre hors du danger et du pouvoir de nous damner si nous voulons.

  A005001146 

 attirer affin quil nous puisse aymer......................................................................................................................................................dit l'Apostre, que tous hommes soyentsauvés et viennent a la connoissance de la verité.

  A005001148 

 En ce que par cette volonté Dieu nous veut donner les moyens et commodités de nous sauver, ell'est tous-jours accomplie; car tous les hommes ont un vray et reel pouvoir d'estre ou de devenir enfans de Dieu, et par consequent ses heritiers, silz veulent.

  A005001148 

 Et par ce que quicomque veut donner les moyens propres et convenables qui conduisent a quelque fin, il veut aussi la fin pour laquelle il les donne, partant il est tout vray que Dieu, qui nous donne en effect toutes les commodités requises a nostre salut, veut aussi veritablement nostre salut que veritablement il nous en veut donner les moyens.

  A005001148 

 Mays avec cette difference toutefois, que quand aux [364] moyens il nous les donne a tous en effect, car, qui est celuy qui peut dire que la grace de Dieu luy soit refusee? mays quant au salut, sa divine Majesté ne le donne en effect qu'a [ceux] qui se prevalent des moyens quilz ont d'y parvenir: cette Bonté souveraine nous donnant les moyens du salut sans nous vouloir pour cela necessiter de les employer; il nous les met en main, mais il laysse en nostre liberté d'en user ou de n'en user point..

  A005001154 

 La pœnitence est aussi une vertu toute chrestienne, et nous n'en voyons presque point de marques entre les Philosophes.

  A005001156 

 C'est pourquoy cette vertu est une vertu morale, lhors que pour avoir offencé Dieu nous nous en repentons, demandons pardon, et pour reparation du peché excitons en nostre ame un volontaire desplaysir; mais elle ne laisse pas d'estre un vray don de Dieu, car bien que nous puissions avoir quelque sorte de repentance de nos pechés, entant que par iceux nous avons violé la loy naturelle et le dictamen rationis, l'ordonnance, la conduite et l'advis de la rayson, [si est] ce [que] quand nostre repentir se fait pour Dieu, et forclost [la volonté de pecher,] il ne peut [estre] que de Dieu, et vray don de Dieu..

  A005001156 

 Certes, la nature nous enseigne la repentance d'avoir [365] offencé l'ami et nous provoque a luy presenter nostre desplaysir et satisfaction, et a nous humilier, demander pardon, reparer par sousmission et chastiment la faute commise, laquelle contenant tous-jours en soy quelque mespris, nous estimons de reparer lhors que nous acceptons ou faysons quelque punition de nous mesme.

  A005001158 

 Que si la repentance [que nous avons conçeue] du peché n'est pas si grande qu'elle nous porte a vouloir satisfaire a celuy qui est offencé, et reparer l'injure au mieux quil se peut, ce n'est pas une vraye penitence, ains un foible commencement de pœnitence, une penitence foible, debile et sans vigueur..

  A005001171 

 Et ce pauvr'homme Epictete parle en sorte de la reprehension, repentance et condemnation que nous devons faire de nos fautes, quil est advis quil ayt eu en cela le sentiment du Christianisme, l. 4.

  A005001173 

 Nous commençons par une profonde apprehension de cette verité et maxime, que, entant qu'en nous est, nous offençons Dieu par nos pechés, le mesprisons, luy desobeissons et nous rebellons a luy; que du costé de Dieu il s'en tient pour offencé, desagree, reprouve et abomine l'iniquité.

  A005001173 

 Or sachans que nous avons offencé Dieu, plusieurs motifs nous peuvent porter a la repentance, et bien souvent ilz s'entresuivent tous les uns apres les autres; comme quand, sous la conduite de quelque directeur, nous allons excitans la contrition par les meditations qui ont, a cet effect, esté mises en l' Introduction: et en effect, il est bon de faire cette suite pour plus profondement jetter les fondemens d'une parfaite resolution..

  A005001174 

 Et cette pœnitence est salutaire, louable et desirable, car en cent endroitz de l'Escriture cette crainte nous est inculquee pour nous provoquer [368] a pœnitence.

  A005001174 

 Nous considerons que Dieu, lequel nous avons offencé, a establi la punition rigoureuse de l'enfer pour les pecheurs, alaquelle nous serons condamnés si nous ne nous convertissons et faysons pœnitence; et cette consideration nous esmeut a nous repentir de nos pechés, les detester et rejetter de tout nostre cœur.

  A005001174 

 Nous pouvons considerer que par le peché nous demeurons forclos et privés du Paradis et gloire eternelle, et pour cela nous nous repentons et detestons le peché; et cette pœnitence est mercenaire..

  A005001175 

 Comm'encor quand, touchés de l'exemple des Saintz, ou mors ou vivans, nous nous repentons; car, qui eut jamais peu voir, par exemple, le monastere appellé Prison, dont s t Clymacus parle, auquel on faysoit tant d'exercices d'un'incomparable pœnitence, sans estre esmeu a se repentir de ses pechés?.

  A005001175 

 Nous pouvons estre excités a repentance pour la defformité, laideur et desreglement du peché, selon que la foy nous enseigne cette difformité.

  A005001175 

 Par exemple, entant que par le peché la ressemblance et image de Dieu que nous avons est souillee, la dignité de nostre esprit deshonnorée, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous violons le devoir que nous avons d'honnorer Dieu entant quil est nostre Createur, nous perdons lhonneur de la societé des Saintz, nous nous associons et rendons sujetz du Diable, nous nous rendons esclaves de nos passions, renversans l'ordre et la police que Dieu avoit establie en nous, sousmettans la rayson a la passion, nous nous rendons ingratz a nostre bon Ange qui nous ayme tant: car ce sont tous des inconveniens et malheurs que nous sçavons par la foy provenir du peché.

  A005001176 

 Non, Philothee, car comme le grand Apostre a dit que sil donnoit son cors a bruler et tout son bien aux pauvres, et quil n'eut pas la charité cela ne luy prouffite de rien, aussi pouvons nous dire que quand nous aurions une repentance si grande que nous fondissions en larmes et que le regret nous fit pasmer, ains mourir tout a fait, et nous n'avons pas la charité, tout cela ne prouffite de rien pour la vie eternelle..

  A005001176 

 Quand donq nous sommes touchés par quelqu'un de ces motifz et qu'en vertu d'iceux nous detestons nos pechés, nous faysons une louable pœnitence (car la crainte de perdre ce que nous devons desirer ne peut estre que louable, et quand le desir d'une chose est louable, la crainte de son contraire est louable aussi: desirer le Paradis est chose louable; donques, craindre l'enfer est chose louable), mays imparfaite encor et laquelle ne suffit pas pour nous mettre en la grace de Dieu.

  A005001177 

 Or, ma chere Philothee, en toutes ces repentances le s t amour de Dieu n'y entre point; car ne voyes vous pas que c'est la crainte de la peyne, le desir du Paradis, l'interest de nostre ame, pour sa beauté interieure, son honneur, sa dignité, son propre bien, et, en un mot, nostre propre amour, quoy qu'amour s t et juste, qui nous porte a repentance, et non l'amour que nous devons a Dieu [369] comme au souverain bien et premiere bonté, alaquelle, comm'au supreme objet de nostre volonté et affection, nous devrions regarder simplement..

  A005001178 

 Et qui seroit le pere qui treuvast bonne la volonté d'un enfant, quand il dirait que si son pere ne luy avoit præparé un bon hæritage il l'offenceroit? Mays je dis que ces repentances que la consideration de nostre propre interest, quoy que spirituel et louable, produit en nous, n'enferment point et ne comprenent point encor l'amour [de] Dieu; elles ne le rejettent pas, mais elles ne le contiennent pas non plus; elles ne sont pas contre luy, mais elles sont encor sans luy; il n'en est pas exclus ou forclos, mais il n'y est enclos non plus.

  A005001178 

 Le bien n'est pas bien pour nous quand il forclost le mieux qui est en nostre liberté et qui nous est plus propre..

  A005001180 

 Or toutes ces repentances qui procedent de la crainte de l'enfer, du desir du Ciel, de la consideration des autres maux et inconveviens que le peché nous apporte, elles sont quelques fois si fortes [370] qu'elles arrachent de nos ames toutes les affections qu'elle avoit eues au peché, et la determinent a ne vouloir plus pecher: et lhors elles s'appellent attritions des pœnitens.

  A005001180 

 Que si elles ne sont pas si puissantes qu'elles nous desengagent du tout de l'affection du peché, ou elles ne sont pas attritions, ou elles sont attritions des impœnitens: car, par exemple, n'arrive-il pas maintefois qu'un homme se repentira estrangement d'un peché, comme d'avoir battu son pere ou sa mere, par ce que la difformité de ce peché, et lhorreur, et mesme les exaggerations et vehementes reprehensions d'iceluy quil ouira dire a un bon praedicateur, le toucheront, et neanmoins ne se repentira nullement de la fornication quil a commise? Il y a des pechés desquelz la vilenie et le malheur est plus sensible que des autres, et comme souvent ilz sont plus attrayans que les autres avant quilz soyent commis, ilz desplaysent aussi plus fort estans perpetrés.

  A005001181 

 En fin donq, nous pouvons detester le peché, non pour l'endommagement quil fait a nostr'ame delaquelle il souille la beauté, defigure l'image divine, non pour le desir d'avoir le Paradis, non pour la crainte d'estre damnés, mays par ce que le peché offence Dieu qui est souverainement bon, et souverainement bien aymable et souverainement bienaymé.

  A005001186 

 Et comme nous voyons que le vin theriacal ne s'appelle pas theriacal par ce que la theriaque en elle mesme soit meslee avec ce vin, mais seulement par [ce] que la vertu et proprieté de la theriaque y est, et quil la contient et l'a en soy; de mesme la repentance, quand ell'est excellente, ne contient pas tous-jours l'amour en luy mesme et selon son action, mais bien que quelquefois l'amour ne se treuve pas en la repentance selon son action propre, il y est neanmoins tous-jours en sa vertu et proprieté.

  A005001187 

 Et ne faut pas treuver estrange, Philothee, que la vertu et force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit du tout formé, [puisque nous voyons] que par la reflexion des rayons du soleil dardés sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et proprieté du feu, s'augmente petit [a petit] si fort, qu'en fin, avant qu'elle produise le feu elle brusle, en sorte que commençant a brusler elle produit le feu; ainsy l'ame qui considerant la souveraine Bonté reçoit les rayons de ses attraitz, [372] fayt reflection sur soymesme et sur ses pechés [avec une certaine chaleur] affective, qui est la proprieté de l'amour, lequel par apres jette ses flammes et fait son action manifeste et son operation formee.

  A005001187 

 Il est avec elle, quand par la propre action de l'amour nous venons a repentance; il est en elle, quand l'amour ne paroist voirement pas en la propre forme et condition de son action, mais il agit neanmoins en la repentance, ou sa vertu, force et proprieté pour luy.

  A005001188 

 On considere que par le peché on offence cette divine bonté, on la mesprise, on se separe d'elle pour se joindre a la creature, on la quitte, et autant quil est en nous on la rejette.

  A005001193 

 En somme, les pechés venielz diminuent la charité en son exercice et non en sa substance, c'est a dire ilz ne diminuent pas la charité, mais l'exercice d'icelle, et notamment en ce que la charité requiert que nous rapportions nos actions a Dieu.

  A005001193 

 Or, le peché veniel nous fait porter et rapporter...........

  A005001195 

 Certes, nous ne changeons pas d'esprit quand, estans assoupis de l'appetit de dormir, nous ne sçavons presque ce que nous faysons, et quand, estans bien esveillés, nous discourons sagement sur nos affaires; mais pourtant il semble que nous en ayons moins quand nous en avons moins l'usage, dautant que d'avoir une chose et n'en point user c'est l'avoir en vain.

  A005001195 

 Et en somme, la charité, qui nous est donnee pour agir selon la volonté de Dieu, n'arreste guere en un cœur qui ne l'employe pas: ou ell'agit ou elle perit; elle veut avoir des enfans, comme Rachel, [374] ou mourir.

  A005001204 

 Mays, au contraire, si le second se plaignoit du soleil et disoit: Hé, qu'ay-je fait au soleil pour quoy il ne m'ayt pas fait voir sa lumiere comm'a mon compagnon, affin que je fisse mon voyage et ne demeurasse pas icy en ces effroyables tenebres? dites-moy, Philothee, ne prendrions nous pas la cause du soleil en main, et ne dirions nous pas a cet insensé: Chetif ingrat que tu es, qu'est ce que le soleil pouvoit faire qu'il n'ayt fait? les faveurs quil t'a faites ont esté de son costé esgales a celles de ton compaignon; que si les mesmes effectz ne s'en sont pas ensuivis, c'est que tu en as empeché la production: le soleil t'a abordé avec une lumiere egale, il t'a touché des mesmes rayons, il t'a jetté une mesme chaleur; et, malheureux que tu es, tu luy as tourné le dos pour dormir ton saoul..

  A005001218 

 ...verra clairement quil confesse que la volonté de Dieu a eu des grans motifs et fortes raysons au decret de ce repoussement du peuple Juif, mays quil ne faut pas neanmoins en faire la recherche, ains que nous....................................................................................

  A005001226 

 Secondement, la commiseration prend sa grandeur de celle [de] l'object, car si les douleurs que nous voyons en autruy sont extremes, pour peu que nous l'aymions nous en avons pitié.

  A005001233 

 Mes yeux se [sont] presque escoulés, disans: quand me consoleres vous? Bref, le langage d'amour ne consiste pas es paroles, mais es regars, es souspirs, es contenances, voire mesme au silence: c'est pourquoy la theologie mistique ne consiste pas a ouïr parler de Dieu, ni a lire, ni a escrire de Dieu, mais a ouïr parler Dieu, a sentir ses mouvemens, ses inspirations et ses clartés; ni nous ne parlons pas de Dieu seulement, mais a Dieu; c'est a luy a qui on parle de luy, et c'est luy qui parle de soy mesme a nous.

  A005001238 

 La pensee et l'estude est de tous objectz, mais la meditation, ainsy que nous en parlons maintenant, n'est qu'es objectz la consideration desquelz nous peut rendre meilleurs et plus devotz.

  A005001238 

 Saches donq, Philothee, que toute pensee n'est pas meditation: car, quand nous pensons a quelque chose sans aucun dessein de tirer prouffit de nostre pensee, nous faysons une simple pensee, et pour attentive qu'elle soit, elle n'est autre chose que pensee; que si nous pensons attentivement a quelque chose pour apprendre les causes, les effectz, les circonstances, cette pensee est nommee estude; mays quand nous pensons a quelque chose, non pour apprendre et nous instruire, mais pour nous affectionner en icelle, cela s'appelle mediter.

  A005001239 

 En ce sens l'Apostre nous exhorte, Heb.

  A005001239 

 Mais pourquoy veut il que nous repensions et meditions en N. S r qui a tant souffert? Non certes affin que nous devenions sçavans, mais affin que nous devenions patiens comm'il l'a esté.

  A005001239 

 Nous meditons volontier ce que nous aymons, et par la meditation nous prouffitons en l'amour..

  A005001239 

 Par la meditation, donques, nous ruminons un objet bon, le [381] remaschant maintefois pour le savourer et en tirer la nourriture interieure.

  A005001240 

 v. 4, 5, 6: car si nous recevons les mysteres par la foy, et nous ne les considérons pas attentivement pour nous exciter a l'amour, nous mangeons spirituellement, mais nous ne ruminons pas, et sommes immondes.

  A005001247 

 Car premierement, nous meditons principalement affin de nous provoquer a l'amour de Dieu, mays nous contemplons par ce que nous aymons; car apres que nous avons treuvé l'amour par la meditation, cet amour nous fait treuver une si grande douceur en la chose aymee, que nous ne pouvons nous saouler de regarder et voir la chose aymee: le desir d'obtenir l'amour nous fait mediter, et l'amour obtenu nous fait: contempler..

  A005001247 

 La meditation ne semble avoir qu'une seule difference d'avec l'estude, qui consiste en la fin; car l'estude tend a nous rendre plus doctes, et la meditation a nous rendre plus affectionnés a Dieu.

  A005001250 

 Il est vray que le regard ayant excité l'amour, l'amour ne s'arreste pas es bornes jusques auxquelles le regard l'a poussé, car en ce monde nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance; dont S t Thomas asseure que «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour de Dieu.

  A005001251 

 Ne voyons nous pas, Philothee, que la cholere esmeüe par la connoissance de quelqu'injure fort legere, si promptement elle n'est bridee, elle passe tout outre et devient infiniment plus grande que le sujet ne requiert? La connoissance donne la naissance aux passions, mais non pas la mesure.

  A005001252 

 Adjoustes que nous autres Chrestiens n'appliquons pas nostre volonté par la connoissance du discours, ni de la doctrine et science, mais par la connoissance de la foy, laquelle nous asseurant de l'infinité de la bonté divine, nous donne asses de mouvement pour nous la faire aymer de tout nostre pouvoir, encor que nous n'en ayons que cett'obscure mais certaine connoissance.

  A005001252 

 Et comme nous voyons que l'on creuse et fouit la terre pour treuver les minieres d'or et d'argent avec une peyne fort grande, employant une peyne presente et effectuelle pour un tresor esperé, et qu'une connoissance de simple conjecture nous met en un veritable travail, puis a mesure que nous en treuvons nous en cherchons tous-jours davantage et nous eschauffons davantage, ainsi, a mesure que nous aymons nous allons croissans en amour.

  A005001252 

 Un bien petit sentiment esmeut et eschauffe la meute a la chasse et poursuite de la beste; ainsi une connoissance obscure et environnee de beaucoup de nuages, comm'est celle de la foy, nous eschauffe infiniment, et un'obscure connoissance nous donne un amour extremement grand.

  A005001253 

 C'est pourquoy, apres que la connoissance de la foy nous a provoqué [386] au commencement de l'amour, la connoissance de l'experience, par laquelle nous goustons, touchons et voyons la bonté de Dieu sous la conduite de l'amour, produit en nous un autr'amour plus grand; puis cet amour un goust plus excellent, et ce goust un amour plus eminent.

  A005001254 

 La connoissance du bien le fait naistre, mais estant nay il vit et croist par la delectation qui l'attire et luy donne force; ainsy que nous voyons es petitz enfans, auxquels il faut de la persuasion pour leur faire recevoir dans leurs bouches le miel et le sucre, mays despuis quilz l'ont tasté et senti la douceur, ilz l'ayment esperdument..

  A005001254 

 ad 2, ou il apporte un'instance inevitable: Nous aymons, dit-il, extremement les sciences avant que de les sçavoir, «pour la connoissance sommaire et confuse que nous en avons;» «il en faut,» dit il, «dire de mesme de l'amour de Dieu.» La connoissance de la bonté applique la volonté a l'amour, mais despuis que l'amour est en train, il va par apres croissant par le playsir quil reçoit et ressent, sans qu'il soit besoin d'autre persuasion ni connoissance.

  A005001266 

 63, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement est comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes ci rentrent dedans soy quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, mais seulement quand il plait a Dieu de nous faire cette grace.

  A005001269 

 Il ne se peut dire combien alhors l'ame se fasche de sortir hors de soymesme, par ce qu'ell'a au milieu de soy son Bienaymé; c'est pourquoy elle voudroit n'avoir ni des yeux, ni des aureilles, ni les autres sens exterieurs, par lesquels, comme par des portes ouvertes, il semble que les facultés sortent et s'en vont hors de l'ame; elle diroit volontier comme S t Pierre: O qu' il est bon que nous soyons icy; Je tiens Celuy que mon ame ayme, je le tiens et ne le quitteray point..

  A005001269 

 Quel bonheur, Philothee, quelle suavité de sentir Dieu au milieu de son ame! Quand le tressaint Sacrement est dedans nous, et que par la tressainte foy et meditation nous apprehendons vivement la veritable et admirable presence de ce divin Espoux, il nous ramasse fort souvent a soy et retire toutes nos facultés: Revertere, revertere, Sulamitis; il nous attire par le miel de sa sapience comm'un autre Salomon autour de son trosne.

  A005001273 

 C'est la ferveur que la rencontre du Bienaymé excite en nous..

  A005001277 

 Ce qui nous fait ainsy recueillir c'est une certaine reverence sensible qui saysit nostre cœur, comme nous voyons que, pour distraitz que nous soyons, si nous sçavons que le Roy nous regarde, nous rentrons en nous mesme pour nous bien tenir en sa presence avec le respect convenable.

  A005001277 

 Il arrive que quelquefois cette Bonté celeste nous envoye certaine douceur qui nous fait resserrer en nous mesme et ramasser nos puissances au dedans de nous, affin que de toute nostre ame nous adorions nostre Souverain, lequel nous est proposé hors de nous, soit au Ciel, soit en la terre.

  A005001277 

 Mays ce recueillement ne se fait pas seulement par ce sentiment de la presence de Dieu au fond de nostre ame lhors que les puissances se recueillent autour du Bienaymé, ains aussi quand nous nous mettons en la presence de Dieu en quelle façon que ce soit.

  A005001279 

 C'est ce « sommeil des puissances» dont parle la M. Therese, par lequel les facultés de l'ame sont totalement sans action, hormis la volonté, laquelle pourtant ne fait autre chose que recevoir le contentement de la presence du Bienaymé, demeurant tout'accoisee et satisfaite et assovie: assovissement et satisfaction neanmoins qu'elle n'apperçoit point, mais dont elle jouit en une certaine façon imperceptible; car elle ne pense point a son contentement ni a son bonheur, ains seulement a la presence de son Bienaymé, qui est la source de son contentement: comme il arrive quelquefois qu'un leger sommeil nous surprenant, nous entr'oyons seulement ce que ceux que nous aymons disent aupres de nous, ou ressentons quelque sorte de caresses qu'ilz nous font, ainsy quil arriva a la tressainte Sulamite quand elle disoit: Je dors, mays mon cœur veille; voyla que mon Bienaymé me dit: Sus, leve toy..

  A005001288 

 Et comme l'enfant, si pour quelque occasion avoit levé sa teste du giron de sa mere pour voir ou il a les pieds, y retournerait soudain, ainsy faut il que nous estans ainsy distraitz par cette curiosité de sçavoir ce que nous faysons, nous remettions soudain nostre cœur en cette douce et paysible attention que nous avions a la presence de Dieu.

  A005001289 

 Nous avons veu un'ame extremement attachee a Dieu, [399] avoir neanmoins eu l'entendement tellement libre, qu'ell'entendoit fort distinctement ce qui se disoit autour d'elle et s'en resouvenoit, bien que toutefois il luy fut impossible de pouvoir respondre ni de se desprendre de Dieu; auquel ell'estoit occupee par l'application de la volonté en telle sorte, qu'elle ne pouvoit estre retiree de cette douce occupation sans une douleur extreme qui la provoquait au gemissement: et semble que ce fut comm'un enfant qui, ayant la bouche au tetin de sa mere, pourroit voir, ouïr et mesme remuer les bras pour prendre quelque chose, sans toutefois se desprendre du sucheron, ni cesser de tetter..

  A005001292 

 Et notes, Philothee, qu'il y a difference entre se mettre en la presence de Dieu et se tenir ou estre en la presence de Dieu: car pour s'y mettre il faut appliquer son ame et la rendre actuellement attentive a cette presence, ainsy que je le dis en l' Introduction; mais apres qu'on s'est mis en la presence de Dieu, on s'y tient et on y persevere tous-jours tandis qu'ou par l'entendement ou par la volonté on fait quelque chose en Dieu ou pour Dieu: comme, par exemple, regardant Dieu ou quelque chose pour son amour; ou bien ne le regardant pas ni aucune chose pour son amour, mais luy parlant; ou mesme ne regardant ni ne parlant mais l'escoutant; ou encor ne regardant, ni ne parlant, ni n'escoutant, mais attendant sil nous regardera ou sil nous parlera; ou en fin, ne faysant rien de tout cela, mais simplement demeurant ou il nous a mis, par ce quil nous y a mis.

  A005001292 

 Que si a cette simple demeure se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu et quil est nostre tout, c'est une grace extremement grande que nous recevons..

  A005001294 

 Mon Dieu, chere Philothee, que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, que d'estre en son bon playsir et y demeurer volontairement! Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veue, a son gré et selon sa volonté; et semble qu'il nous jette la sur le lit comme des statues dans leurs niches, et nous nichons dans nos lictz comme les oyseaux dans leurs nids.

  A005001294 

 Nous avons donq tous-jours continué d'estre en sa presence, quoy que les yeux clos et fermés et sans que nous nous en soyons apperceu; et nous dirions volontier comme Jacob: Vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien..

  A005001294 

 Quand nous nous esveillons, nous treuvons que nous sommes presens a Dieu, qui ne s'est point esloigné de nous, ni nous de luy.

  A005001299 

 Je ne parle pas icy de l'union generale que l'amant a avec la chose aymee et alaquelle l'amour tend, mais je parle d'une certaine union par laquelle l'ame recueillie en Dieu, comme nous avons dit cy devant, avec toutes ses puissances, elle se joint et unit a son object bienaymé, et demeure comme toute collee en luy..

  A005001301 

 Ainsy, treschere Philothee, N. S. attirant un'ame a soy par l'orayson de recueillement dont nous avons parlé, et ayant ramassé toutes ses puissances sur le sein de sa bonté plus que maternelle, et, par maniere de dire, l'ayant toute repliee devers luy, il la joint, et la serre et colle sur soy et sur son visage.

  A005001303 

 Car il y a difference entre joindre une chose a un'autre, et serrer ou presser une chose contr'un'autre et sur un'autre: car joindre et unir se fait par une simple application d'une chose, comme nous joignons, en sorte qu'elles se touchent, les vignes ou le jasmin aux arbres; mais presser et serrer se fait par un'application forte qui accroist et augmente l'union et conjunction: si que serrer c'est fortement et intimement joindre, comme le lierre se joint a un arbre; car il le serre et le presse si fort, que mesme il penetre et entre dedans son escorce..

  A005001303 

 Or icy donques (et ceci doit estre au commencement du chap.) nous ne parlons pas de l'union generale du cœur avec Dieu, mais de certains actes particuliers que le cœur fait, pour non seulement estr'uni, mais estre plus uni, plus serré et plus joint a Dieu.

  A005001304 

 Ainsy les pelerins desirans que nostre Seigneur demeurast en Emaüs, qui aussi le vouloyt bien, non seulement ilz appliquerent leur persuasion pour le faire demeurer avec eux, disans: Seigneur, demeures avec nous, car la nuit s'approche, il se fait tard, mais ilz le presserent et le serrerent a force, le contraignans d'un'amiable contrainte de demeurer.

  A005001304 

 Nous usons mesme de ce mot en nostre langage: il me presse de faire telle chose, il me presse de demeurer avec luy; c'est a dire, il n'applique seulement sa persuasion, ou son credit, ou sa priere, mais il l'applique avec contention, effort et vehemence.

  A005001305 

 Quelque fois nostr'union se fait insensiblement, nous tenans seulement en sa presence, ou par le recueillement, et cœt.

  A005001305 

 Quelquefois il nous semble que nous prevenons N. S r, bien qu'en effect nous devons tous-jours fermement croire et protester que sil ne nous tiroyt insensiblement nous ne nous mouvrions nullement a nous aprocher de luy.

  A005001306 

 Quelquefois cett'union se fait encor avec l'entendement, qui de plus en plus se serre a Dieu, non pour l'entendre, mais pour estre avec son object, par ce que la volonté le tire apres soy et l'applique a cela, l'amour respandant dans l'entendement ce playsir special d'estre fiché en Dieu; comme nous voyons quil respand une profonde et speciale attention en nos yeux pour regarder fixement ce que nous aymons, quoy que les yeux d'ailleurs eussent d'autres objectz plus aggreables..

  A005001307 

 Voyes Sulamite comme elle parle: Tirés moy, nous courrons; l'Espoux n'en tire qu'une, et plusieurs suivent; l'amour tire la volonté, et plusieurs facultés la suivent.

  A005001311 

 Or l'union de nostre ame a Dieu est lhors en sa perfection quand nous sommes tellement saysis de sa bonté que non seulement elle nous tire a soy, non seulement elle nous joint a soy, non seulement elle nous serre a soy, mais elle nous attache et se prend tellement a nous que nous ne nous en pouvons desprendre.

  A005001311 

 Telle fut l'union de celuy qui disoit: Christo confixus sum cruci; Je suis affigé et cloüé a la croix pour Jesus Christ (vide locum et Commentar.); et ailleurs: Qui nous separera de la charité de Jesus Christ? Je suis asseuré que ni la mort, ni les angoisses, et cœt.

  A005001312 

 Mays en cet endroit nous ne parlons pas du lien permanent par lequel nostr'ame est attachee a Dieu en vertu des resolutions que la sainte charité nous donne: c'est sans doute, Philothee, que la charité est un lien et lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus attaché a Dieu, plus indissolublement, plus inseparablement, plus estroittement.

  A005001312 

 Nous parlons de l'union de nostre esprit a Dieu qui se fait par l'action de l'amour, c'est a dire de l'union qui est un des exercices de l'amour.

  A005001313 

 Or c'est de cet exercice que nous parlons icy, lequel quand Dieu nous le donne jusques a [ce] signe de perfection que ce nous est une grande peyne et difficulté de nous en retirer, que nous ne pouvons qu'avec douleur nous en desprendre, et quil semble a nostr'ame qu'ell'est attachee et collee a son Dieu, alhors nous disons qu'ell'est en l'union d'adhæsion ou inhæsion.

  A005001314 

 Or la Mere Therese dit excellemment que cett'union estant parvenue jusque a cette perfection que nous venons de dire, elle n'est point differente de l'extase, suspension ou pendement; mais que seulement on l'appelle union ou suspension quand ell'est courte, extase et ravissement quand ell'est longue: car en effect, l'ame attachee a son Dieu, si serré que toutes ses puissances sont employees a cela, elle n'est plus en soy mesme, mais en Dieu; comm'un cors crucifié n'est plus en soymesme, mais en la croix.

  A005001320 

 Ell'a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes en sa propre volonté; et lhors qu'ell'est plus sujette a ses inclinations et volontés, nous disons qu'ell'est dure spirituellement, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, et vous en donneray un de chair; c'est a dire, je vous osteray vostre obstination et dureté spirituelle.

  A005001322 

 Ne voyes vous pas, Philothee, les nuees comm'elles demeurent la en l'air suspendues, comme si elles estoyent attachees au ciel? elles demeurent en elles mesme et se soustiennent, en sorte que quelquefois elles semblent des rideaux [411] qui sont tendus pour nous cacher le ciel.

  A005001327 

 L'amour est la source et racine de toutes les passions de l'ame, comme nous avons dit ailleurs; et par ce que l'amour qu'un esprit donne a l'autre perce puissamment jusques a ce quil ayt treuvé son centre, et que le centre de l'amour ou il establit son siege, ou est sa place, n'est autre chose que le fin fond de la volonté, partant l'amour blesse, et a guise d'une sagette se fourre soymesme dedans l'ame.

  A005001327 

 Pourquoy, je vous prie, Philothee, haissons-nous le mal sinon par ce que nous aymons le bien? pourquoy nous attristons nous des maux apprehendés comme presens sinon par ce quilz nous privent du bien? pourquoy craignons nous le mal futur sinon par ce que nous desirions et esperions le bien? C'est l'amour seul qui nous donne toutes les passions, c'est luy aussi qui nous blesse et navre le cœur..

  A005001329 

 Car tout ainsy que si une abeille avoit piqué le visage d'un enfant, vous auries beau luy dire: ah, mon cher enfant, c'est l'abeille mesme qui a fait le miel que tantost vous avés gousté avec tant de playsir; il vous diroit: il est vray, mais son eguillon m'a percé, et tandis quil est dans ma joue je ne puis vivre en repos; ne voyes vous pas comme ma joue en est emflee? Aussi il est vray que l'amour est un mouvement de complaysance, pourveu quil ne nous laisse point l'eguillon du desir; mais quand il le laisse, sans doute nous avons un'extreme douleur, mais parce que c'est une douleur d'amour ell'est aymable et amiable.

  A005001330 

 Les [414] premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, par ce que le cœur qui sembloit sain et entier et tout a soy mesme tandis quil n'aymoit pas, il commence a recevoir du tourment, a se separer et diviser de soymesme pour se donner a l'objet aymé: or la douleur se fait par la division des choses qui se treuvent l'un'a l'autre et sont unies.

  A005001330 

 Quand nous aymons des-ja fort nostre object, si nous en sommes absens, l'amour alhors a un eguillon, a sçavoir, le desir qui nous pique et blesse incessamment; c'est pourquoy nous plaignons alhors et souspirons comme gens affligés et blessés.

  A005001334 

 Jamais nous ne blessons un cœur d'amour que nous n'en soyons atteintz, et de voir un cœur blessé cela nous sert de blesseure: c'est pourquoy les ames devotes, quand elles considerent que Dieu est touché, ains blessé d'amour pour elles, elles en reçoivent une reciproque blesseure, dautant plus grande qu'elles voyent de ne pouvoir jamais tant aymer que l'amour divin le requiert..

  A005001335 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedëe, et le malin esprit estant pressé de respondre quel estoit son nom, il dit quil estoit «ce malheureux privé d'amour.» S te Catherine de Genes, qui estoit la presente, se sentit esmouvoir toutes les entrailles entendant le mot de privation d'amour: et comme les demons voyans le seul signe de l'amour de Dieu, oyans le seul nom de son amour, qui est Jesus et la Croix, tremblent, sont tourmentés et fuyent, par ce quilz haissent souverainement l'amour qui fit incarner le Filz de Dieu, ainsy ceux qui aiment Dieu tremoussent aux moindres signes ou paroles qui representent la privation de cet amour, comme sont ces paroles de desfiance: M'aymes-tu? car encor que nous sachions qu'elles ne sont pas de desfiance, neanmoins, par ce qu'elles en ont l'apparence, elles nous affligent..

  A005001336 

 Quelque fois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir du tems que nous avons esté sans aymer Dieu, d'ou, ce semble, procedoit cette voix de S t Augustin: «O que tard je t'ay» reconneu, «Beauté antique!» Car la vie est plus ennuyeuse que la mort a ceux qui connoissent que la vie est sans vie tandis qu'on vit sans aymer la vraye vie..

  A005001338 

 Certes, l'amour est ainsy aigredoux, et tandis que nous sommes en ce monde il n'a jamais sa douceur pure, par ce quil n'y est pas parfait ni assovi; neanmoins il ne laisse pas d'estr'aggreable, et son aigreur mesme rend plus aymable sa douceur, comme sa douceur rend son aigreur extremement suave..

  A005001338 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains rangés et serrés ensemble, et par sa couronne, represente naifvement, selon l'advis de s t Greg., la sainte charité, enflammee de l'amour de son Dieu, contenant toute la varieté des vertus, et qui est la seule vertu couronnee de la gloire; mays son suc, Philothee, comme nous sçavons, qui est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé de douceur et d'aigreur, qu'on ne sçauroit discerner sil est plus aggreable par ce quil a une douceur aigrette, ou par ce quil a un'aigreur doucette.

  A005001343 

 C'est chose admirable de voir les langueurs amoureuses de s te Catherine de Sienne et de Gennes, de s te Angele de Foligni, de la Bienheureuse Mere Therese; mays qui pourrait jamais exprimer les merveilles des effectz que l'amour celeste fit au cœur et au cors de s t François? Car sa vie n'est presque que de larmes, de souspirs, de plaintes amoureuses: et en fin vous voyes un Seraphin qui le stigmatise et le blesse par des rayons sortans des endroitz de l'ouverture du flanc, et des pertuis des mains et des pieds d'un'image de Jesus Christ crucifié quil portoit; de sorte que cinq playes demeurent imprimees en ce bienaymé serviteur, es mesmes endroitz esquelz son Maistre les avoit receues pour nous rachetter.

  A005001343 

 Nissene lhors quil la regardoit, combien fut attendrie, je vous supplie, chere Philothee, l'ame du grand S t François, quand il vid l'image de nostre Seig r se sacrifiant luy mesme pour nous sur l'arbre de la croix! image fait'au Ciel et par des mains celestes..

  A005001346 

 Or, quand les blesseures et playes de l'amour sont frequentes, elles font en nous la langueur et l'aimable maladie d'amour, ou bien quand la blesseure est fort profonde.

  A005001352 

 Dieu est jaloux de nous, et nous le devons estre de luy; mays sa jalousie et la nostre ne sont pas de mesme espece, a rayson de la difference des objetz: car Dieu a de la jalousie pour nous en deux façons.

  A005001352 

 Et la rayson est par ce que nos ames n'ont pas asses d'amour pour aymer dignement ce s t Amant, et voulant partager leur amour elles le destruysent; joint qu'estant souverainement aymable, rien ne doit tenir rang egal a luy dedans nostre cœur: c'est pourquoy il le veut tout, c'est a dire, que toutes nos autres affections soyent dependentes, ou au moins sujettes, ou, au fin moins, inferieures a celle que nous luy portons..

  A005001352 

 Premierement, par maniere de convoytise, car il veut que nous soyons tellement siens que nous ne soyons nullement a personne qu'a luy: Nul, dit il, ne peut servir a deux maistres.

  A005001353 

 Ainsy Dieu se plaint: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cisternes dissipees qui ne peuvent contenir les eaux. Il nous veut donq tout pour soy, affin que nous vivions, et ne perissions point; qui est un vray amour d'amitié.

  A005001353 

 Ainsy, Dieu ne veut point de corrival par ce que nous n'en pouvons point recevoir qu'en nous perdant, et tout ce que nous luy ostons de nostr'amour nous le perdons..

  A005001353 

 Voyons nous pas, Philothee, un pere ou une mere extremement jaloux de leur fille? voire mesme un frere? Quel regret a Absalom quand il vit Tamar violee, a Jacob et ses enfans quand Dina fut defleuree! Ce n'estoit pas qu'ilz eussent praetention sur l'une ni sur lautre, mais c'estoit par ce que les aymans d'un vray amour d'amitié ilz desiroyent qu'elles fussent exemptes de mal.

  A005001354 

 Mays quant a nous autres, nous avons de la jalousie pour Dieu en un'autre façon, car nous ne voulons pas quil n'ayme plusieurs choses avec nous, ains toutes les choses; et a mesure que nous l'aymons davantage, nous desirons quil ayme plusieurs autres avec nous, dautant que son cœur infini et son amour immense est plus que suffisant pour aymer toutes les creatures quil luy plait, en sorte que l'amour quil porte a toutes ne soit point diminué par celuy quil porte a une chacune, ni celuy quil porte a une chacune, par celuy quil porte a toutes..

  A005001356 

 Ainsy, donq, l'amour fait une s te jalouzie et cree en nous un zele lequel estant vray fait des merveilles: car, procedant de l'amour, il n'agit que pour l'amour et par l'amour; et partant, plus il est excellent, plus il est doux; plus il est fort, plus il est suave et discret.

  A005001356 

 C'est la jalouzie pour laquelle nous voudrions que toutes choses, mais sur tout nostre ame fut unie inseparablement a Dieu, qui faysoit dire: Ni la mort, ni l'angoisse, ni les choses presentes.

  A005001356 

 L'amour est une passion de complaysance laquelle engendre la hayne du mal contraire a ce que nous aymons; et comme l'amour tend au bien de la chose aymee, ou s'y complaysant si elle l'a, ou le luy desirant et pourchassant si elle ne l'a pas, aussi ce mesm'amour engendre la hayne laquelle fuit le mal contraire a la chose aymee, ou le haissant simplement, ou desirant et pourchassant de l'esloigner et oster si elle a des-ja le mal, ou desirant de l'empescher et divertir si elle ne l'a pas..

  A005001356 

 Le zele est une passion amoureuse que les Philosophes n'ont pas bien conneüe, car ilz ont creu que c'estoit une mesme chose avec l'envie; au moins Aristote le definit: «Une tristesse du bien d'autruy par ce que nous ne l'avons pas,» qui est, en effect, la vraye definition de l'envie.

  A005001356 

 Nostre jalousie donq consiste en ce que nous desirons que rien ne soit contraire a Dieu, a sa volonté, a sa gloire.

  A005001357 

 Le zele donq, a proprement parler, est l'ardeur de l'amour qui s'oppose a tout ce qui est contraire au bien que nous aymons.

  A005001357 

 Or, Dieu nous ayant donné pour resister au mal et le surmonter, et pour surmonter les difficultés quil y a en la conqueste du bien, l'esperance, la hardiesse et la cholere, quand l'amour est vehement et quil tend ardemment au bien de la chose aymee il espere puissamment, il est hardi et ose fortement, et employe pour l'execution de ce quil espere et quil ose, la cholere et l'ire, par le moyen delaquelle, sil ne peut empescher le mal, il fait au moins vangeance de ceux qui le font et qui en sont les causes.

  A005001358 

 Tout cela s'appelle zele, mesme selon les Philosophes, et il procede de l'amour de nous mesme: nous voulons seulz posseder les graces du prince, seulz gaigner, seulz estr'aymés.

  A005001359 

 Mays quant au zele que Dieu a pour nous, c'est quil veut tout nostre cœur pour luy, par ce que c'est nostre souverain bien que nous soyons tout entierement siens; car, quand a luy, il ne tire nulle utilité de nostr'amour, ell'est toute pour nous.

  A005001360 

 (Entant quil nous appartient; contre le zele qui non est secundum scientiam: les corrections indiscretes.).

  A005001360 

 Car le zele n'estant autre chose que l'amour entant quil nous fait rejetter et repousser le mal contraire a la chose aymee, il se sert de toutes les passions et affections de nostre ame, tant de la partie convoitante comme de l'irascible, pour executer son entreprise.

  A005001360 

 Et quant au zele que nous avons pour Dieu, il consiste en ces pointz.

  A005001360 

 Par ce que nous l'aymons souverainement nous devons aussi hair tout ce qui luy est contraire, entant quil luy est contraire; et non seulement le hair, mais le fuir; et non seulement le fuir, mays l'empescher d'estre si nous pouvons; et non seulement l'empescher d'estre, mais si nous ne pouvons pas l'empescher, estre extremement marris quil soyt; et non seulement estre marris, mays avoir une s te affection d'ire pour vanger, entant quil nous appartient, la contrarieté faite a Dieu.

  A005001361 

 effect du zele que nous avons pour Dieu, c'est un'ardeur que nous avons pour la pureté des ames qui sont ses espouses, comme le grand s t Paul disoit aux Cor. 2. c. II. initio: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a un homme, de vous representer une vierge chaste a Jesuschrist; vide s t Th.

  A005001362 

 effect du zele envers Dieu est bien contraire a la jalousie humaine, car en lieu que nous craignons que la chose aimee ne soit possedee par quelqu'autre et qu'elle ne soit divisee, le zele envers Dieu nous fait craindre que nous mesme ne l'aymions pas asses purement et uniquement, et que nous ne soyons en quelque sorte divisés ou partagés selon l'esprit.

  A005001363 

 C'est une tressainte reverence que l'amour produit, qui nous fait souverainement desirer d'estr'agreables a Dieu et ne permettre que nous perdions aucun'occasion de luy estre tous-jours plus aggreables.

  A005001363 

 Ce sont les chaisnes d'or avec lesquelles Dieu nous assujettit a son amour.

  A005001363 

 Ce zele nous fait desirer de plaire de plus en plus a N. S. et de nous conformer parfaitement a ses desirs et intentions..

  A005001363 

 Mays en quoy consiste cette crainte? La jalousie que nous avons pour Dieu ne nous met point en peyne si Dieu en ayme des autres ou sil ne nous ayme pas bien, mais si nous ne l'aymons pas bien nous mesme, si nous avons chose qui luy puisse desplaire.

  A005001364 

 La difference quil y a entre la jalousie et le zele, comme il y en a entre l'amour et l'amitié; car le zele est un exces d'amour qui arrive jusques a ce signe, de vouloir esloigner, etc. La jalousie est un exces [d']amour qui veut esloigner tout ce qui nous empesche de posseder le bien de l'amitié: c'est pourquoy le zele est general, et la jalouzie un'espece particuliere de zele.

  A005001364 

 Quand nous aymons ardemment d'estr'aymés de quelcun le zele devient jalousie; car l'amitié humaine, quoy qu'elle soit ou vertu ou fort semblable a la vertu, si est ce qu'ell'a cette imperfection, qu'estant communiquee a plusieurs elle n'est pas si bien exercee envers un chacun, et estant departie a beaucoup de personnes sa force en devient moindre pour chacune d'icelles.

  A005001364 

 Quand nous aymons ardemment les choses corporelles, le zele qui s'en ensuit se termine pour l'ordinaire en envie, par ce que les choses corporelles et exterieures, comme la beauté, la gloire, les richesses, les honneurs, les rangs, sont si particulieres et bornees, finies et imparfaites, que [429] quand l'un les possede il empesche lautre de les posseder si pleynement, et estant communiquees a plusieurs la communication en est moins parfaite pour un chascun.

  A005001365 

 L'envie s'attriste que le prochain ayt un bien pareil ou plus grand que nous, encor quil nous laisse le nostre, nous estant advis que l'avantage quil a, ou la ressemblance au nostre, nous oste la gloire ou le contentement que nous aurions au nostre: en quoy l'envie est desraysonnable, vivant d'imagination, et ne voulant que le prochain jouisse du sien, quoy que justement et saintement.

  A005001365 

 Mays la jalousie n'est nullement marrie que chacun jouisse du sien, ains seulement lhors que la jouissance du compaignon empesche la nostre; car un homme, pour jaloux quil soit, ne sera jamais marri que celuy duquel il est jaloux soit aymé des autres femmes, pourveu que ce ne soit pas de la sienne: non pas mesme nous ne sommes pas jaloux, a proprement parler, de nos corrivaux, tandis que nous n'estimons d'avoir acquise l'amitié de la personne aymee (que si il y a de la passion pour cela, c'est une passion d'envie), mais oüy bien lhors que nous l'avons [430] acquise et que nous nous desfions qu'un autre ne l'emporte.

  A005001366 

 Il faut dire la difference quil y a entre la jalousie que Dieu a pour nous et celle que nous avons pour luy, et la rayson de la difference.

  A005001366 

 La difference quil y a entre le zele et jalousie que nous avons pour Dieu, et le zele et jalousie que nous avons pour les hommes; car c'est comme le cheval de Pausô, tout y va a la renverse.

  A005001366 

 Nous voulons tout l'amour d'un'ame pour nous icy, [la] nous desirons quil ayme un chacun; nous voudrions exclurre tous les rivaux icy, nous voudrions que tout le monde aymast lâ: le zele et la jalousie craignent la dissipation [ici], la elles ne la craignent nullement, etc. 6.

  A005001368 

 C'est pourquoy cette jalousie est une des proprieés du parfait et tre pur amour envers N. S r, laquelle s'estend jusques au prochain, envers lequel nous avons du zele et de la jalousie comme nous avons de l'amour, affin quil soit parfaitement fidele a nostre commun Sauveur, prestz a mourir pour l'empescher de perir, voire mesme d'offencer, comme tant de personnes saintes ont fait; car nous aymons le prochain comme nous mesme et avons de la jalousie pour luy comme pour nous..

  A005001373 

 Ce bon pere de famille que N. S. descrit en l'Evangile, conneut bien cet inconvenient ordinaire aux serviteurs rudes et ardens; car s'offrans a luy pour sarcler son champ et arracher l'ivroÿe, et luy disans: Voules vous que nous l'allions recueillir? non, dit-il, de peur que d'adventure avec l'ivroye vous n'arrachies aussi le froment..

  A005001375 

 Les chiens sages et bien appris tirent pais et retournent sur eux mesme selon que le piqueur leur parle, mais les apprentis et jeunes chiens s'esgarent et sont desobeissans: les grans personnages, qui ont rendu sages leurs passions a force de l'exercice des vertus, les peuvent employer selon qu'ilz veulent; mais nous autres, qui avons des passions indomtees, toutes jeunes et apprentisses, nous ne les pouvons employer qu'avec peril..

  A005001375 

 Mays nous autres, qui sommes presque tous des petites gens, nous n'avons pas tant d'authorité; nostre cheval n'est pas si bien dressé que nous le puissions pousser et faire parer quand il nous plait.

  A005001377 

 Mays quant a nous, tenons nous dedans la regle de S t Jaques: L'ire de l'homme n'opere point la justice de Dieu.

  A005001379 

 Mays l'amour propre nous trompe souvent, et prætent le zele pour exercer ses passions sous un honnorable praetexte; et parce que le zele se sert quelquefois de la cholere, la cholere en contre-change se sert souvent du nom de zele pour s'excuser et couvrir son ignominie: car de se servir du zele mesme, en verité, cela ne se peut; dautant que c'est le propre de toutes les vertus, mais surtout de la charité, d'estre «si bonnes que nul ne peut en abuser.» Et y a des personnes qui ne pensent pas y avoir autre sorte de zele que la cholere, ni autre instrument du zele que l'ire, et qui ne pensent rien accommoder s'ilz ne gastent tout; ou, au contraire, le vray zele n'employe la cholere que fort rarement et es extremes maux, car comm'on n'applique le feu et le fer aux malades que rarement et quand on ne peut moins faire, aussi le zele n'employe la cholere qu'es extremités..

  A005001382 

 Et le grand s t Denis dit excellemment a Demophile, que celuy qui veut corriger les autres doit premierement «avoir soin d'empescher que lacholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte et sedition et confusion dans nous mesme.» Et apres, il dit au mesme: «De façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussées d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie; car telles paroles ne pleurent pas a Jes.

  A005001382 

 Or un jour que nostre Seigneur passoit au pais de Samarie, il envoya en une ville pour y apprester son logis, mais les bourgeois, sachans que N. S. estoit Juif de nation et quil alloit en Hierusalem, ne le voulurent pas loger; ce que [440] voyans S t Jean et S t Jaques, ilz dirent a N. S.: Voules vous que nous commandions au feu quil descende et quil les brusle? Et N. S. se retournant devers eux les tança, disant: Vous ne sçaves de quel esprit vous estes; le Filz de l'homme n'est pas venu pour perdre les ames, mais pour les sauver..

  A005001383 

 Le grand s t Thomas d'Acquin, estant tumbé malade de la maladie dont il mourut au monastere de Fosseneuve, de l'Ordre de Cisteaux, en la campaigne, les religieux le supplierent de leur faire une briefve exposition du sacré Cantique des Cantiques, a l'imitation de s t Bernard, et il leur respondit: «Mes chers Peres, donnes moy l'esprit de s t Bernard, et interpreteray ce divin Cantique comme s t Bernard.» Ainsy, certes, quand on nous dit a nous autres, petitz Chrestiens, miserables, imparfaitz, chetifs: Serves vous de l'ire et de l'indignation, comme Phinees, Helie, Mathatias, S t Pierre, S t Paul; nous devons respondre: Donnes nous l'esprit de perfection, le pur zele et la lumiere interieure de Phinees, Helie, S t Pierre et S t Paul, et nous employerons la cholere, l'ire, le courroux comm'eux.

  A005001384 

 Le zele fait rarement courroucer, mais il fait souvent endurer; il fait travailler, veiller, jeusner, prier, prescher, exhorter, et enfin il nous rend tout a tous affin de sauver [ tous.] S t Paulin, E. de Noie, de nation françois, se vend luy mesme pour racheter l'enfant d'une pauvre vefve: c'est un acte d'extreme douceur, mais d'un extreme zele.

  A005001389 

 Et de cette jalouzie provient la tressainte nudité du cœur et le parfait despouillement de l'amour pur, car la jalouzie est comme la mort qui nous despouille de tout, c'est a dire l'ame de son cors et de tout; et comme l'ame despouillee de son cors ne le reprend jamais que Dieu ne le luy rende par la resurrection, ainsy l'ame despouillee de toutes affections par le saint amour ne les reprend jamais que Dieu ne le luy ordonne.

  A005001389 

 Imagines vous, Philothee, le cher Espoux de nos ames au parvis du prœtoire de Pilate, ou, pour l'amour de nous, les ministres de la mort, c'est a dire les bourreaux, le despouillerent de tous ses vestemens l'un apres lautre; puis, non contens de cela, ilz le despouillerent, par maniere de dire, de sa peau, tant ilz la deschirerent a coups de verges et de fouetz, dont il sembloit un ladre ulceré, dit le Prophete; et enfin la mort mesme venant, despouilla sa s te ame de son cors et de tous les sentimens d'iceluy.

  A005001392 

 Ilz quitterent leurs femmes, ceux qui en avoyent; despuis, s'ilz les reprirent, ce fut avec changement d'affection, car en lieu quilz les avoyent precedemment par affection nuptiale, ilz les eurent par affection de frere a seur, dit S t Paul: N'avons nous pas ce pouvoir, mulierem sororem circumducendi?.

  A005001398 

 Cependant, cette admiration tenant l'ame hors de soymesme, attentive aux choses celestes, elle la met en extase et en ravissement: et souvent il arrive que la volonté estant touchee de l'amour et de la delectation sacree qui en provient, l'entendement entre en admiration de voir cette douceur; et reciproquement il advient maintefois que l'entendement estant en admiration pour quelque nouvelle veue et connoissance des beautés celestes, la volonté entre en amour de sentir le contentement et assovissement de l'entendement; et qu'ainsy ces deux facultés s'entreprestent l'un'a lautre et se communiquent mutuellement leur ravissement: le regard de la beauté nous fait aymer, et l'amour pareillement nous fait regarder.

  A005001399 

 Et tous-jours vous sçaurés que l'extase de l'amour est la meilleure, car lautre ne nous fait pas meilleurs si ell'est seule, le s t Apostre disant: Si je connoissois tous les misteres et toute science, et je n'ay pas la charité, je ne suis rien. C'est pourquoy le malin esprit peut extasier, pour parler ainsy, et ravir l'entendement, representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent suspens, et par le moyen de telles illusions il peut provoquer la volonté a certaine [446] sorte d'amour imparfait, tendre et fort aggreable a la nature; comm'en effect il a souvent abusé plusieurs personnes par de telles amorces et faulses extases..

  A005001402 

 C'est lhors que nous ne vivons pas selon nostre rayson naturelle, mais au dessus; lhors que nous ne nous contentons pas de vivre selon les vertus civiles et morales, mais selon les perfections divines et chrestiennes; lhors que, renonçans mesme aux choses loysibles, nous passons outre a une vie plus relevee que la vie humaine.

  A005001402 

 Mays, outre les commandemens, il y a des conseilz et des inspirations evangeliques, qui nous eslevent a une vie qui, a la verité, n'est pas contraire, mais qui excede et surpasse toute l'inclination naturelle: et lhors que nous prattiquons ces conseilz et inspirations nous faysons une vie surhumaine, c'est a dire une vie qui est hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005001402 

 Voyes-vous, Philothee, les commandemens de Dieu sont tous conformes a la rayson mesme naturelle, et bien quilz ne puissent pas estre exactement observés par les seules forces de la nature, si est ce que nostre nature nous incline a les vouloir observer.

  A005001403 

 Non seulement ne desrobber point, mais quitter tous nos biens, nous plaire en la pauvreté, et quand il nous arrive des miseres, des necessités, des afflictions, des persecutions, les tenir pour des beatitudes et felicités, chantans de cœur avec David: Elegi abjectus esse in domo Dei mei, et cæt., Bienheureux sont les pauvres; appeller la pauvreté sa chere maistresse, comme s t François; rejetter les louanges, se plaire au mespris, aymer l'abjection; non seulement observer le commandement: Tu ne paillarderas point, mais quitter mesme les playsirs loysibles du mariage; et en fin, vivre emmi le monde contre les maximes et doctrines du monde, rejetter les playsirs, les honneurs, les richesses, vivre contre le courant du fleuve de cette vie: c'est vivre extatiquement et hors de nous mesme..

  A005001404 

 C'est pourquoy icy nous n'aymons rien que pour le Ciel et Jesus Christ; et quand Jesus Christ qui est nostre vie, c'est a dire nostr'amour, apparoistra au jour du jugement, alhors nous apparoistrons avec luy en gloire; c'est a dire, nostr'amour nous glorifiera et monstrera sa felicité et splendeur.

  A005001404 

 C'est pourquoy, estans mortz au monde et resuscités a Dieu avec J. C., nous ne devons appeter et chercher sinon le Ciel et les choses celestes, et savourer les amours de ce divin Espoux..

  A005001404 

 Il colloque en Dieu toutes ses consolations, tous ses playsirs, toutes ses richesses, tous ses honneurs, et cependant les couvre, affin qu'on ne les voye pas, d'humilité, d'abjection; si que, avec Jesus Christ, il couvre (comme Jesus Christ qui cacha sa Divinité) sa gloire, sa felicité sous l'ignominie de la croix: ainsy nous cachons nostre vie, c'est a dire nostre esperance, nostre consolation, la grace abondante, sous la croix.

  A005001405 

 Et comme Aristote dit que l'ame est «le principe par lequel nous vivons, sentons et entendons,» aussi l'amour [449] est le principe par lequel nous vivons affectivement ou moralement, nous sentons et entendons, et nous sommes telz qu'est nostre amour.

  A005001405 

 Et comme l'ame est le principe de tous les mouvemens animaux ou spontanees, et l'on connoit la diversité des ames par la varieté des mouvemens, aussi l'on connoit qu'une ame est aimante par le mouvement, et la diversité de ses mouvemens affectifz nous fait voir quelle ell'est.

  A005001406 

 C., nous avons caché nostre vie morale en luy: quand il se manifestera aussi, luy qui estant nostre amour est nostre vie, nous serons aussi manifestés en cette gloire de nostr'amour et de nostre vie.

  A005001406 

 Quand donq nous avons colloqué nostre amour en Dieu avec Jes.

  A005001408 

 6, quand il dit que nostre viel homme est crucifié ensemblement avec Nostre Seigneur, et que nous sommes morts au peché avec luy, et que de mesme nous sommes resuscités avec luy pour marcher en nouveauté de vie, affin de ne servir plus au peché.

  A005001408 

 Car manifestement, le grand Apostre represente deux hommes en chacun de nous, et par consequent deux vies: l'une du viel homme, qui est une vielle vie, comme celle d'une viell'aigle, ou d'un cerf qui mue et quitte sa teste dans son buisson; et lautre, une vie nouvelle, de l' homme nouveau..

  A005001411 

 Cor. 5, cet admirable amant de Dieu fait un argument admirable, et le plus pressant qui fut jamais fait, ce me semble, pour nous porter a cett'extase de vie delaquelle nous [451] parlons.

  A005001411 

 Et J. C. est vrayement mort pour tous, car il n'est point mort pour soy, mais pour nous..

  A005001411 

 La charité, dit-il, de J. C. nous presse.

  A005001411 

 Mais quand nous presse elle le plus? Æstimantes (hebraismus), lhors que nous estimons et pensons attentivement; elle nous presse, œstimans, lhors que nous sommes estimans, que nous estimons, ceci.

  A005001411 

 Ouy, car la mort de Celuy qui est mort pour tous est estimee estre la mort de tous, elle doit estre imputee a un chacun de ceux pour qui Celluy la est mort; car sil est mort pour nous, nous sommes tous morts en sa personne, la mort quil a soufferte estant une mort qui estoit deüe a tous.

  A005001411 

 Voyes, je vous prie, comm'il va bellement fichant son argument: lhors, dit, que nous estimons ceci; et quoy? que si un est mort pour tous, donques tous sont morts.

  A005001412 

 C. est mort pour nous, nostre vie nous est donnee par sa mort, nous ne vivons que par ce quil est mort, nous luy devons donques toute nostre vie: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui est mort pour nous; nostre vie ne doit plus estre qu'en luy, a luy et pour luy, puisqu'il est mort en nous, pour nous et a nous..

  A005001414 

 Ah, Philothee, Nostre Seigneur nous a nourris des nostre [452] jeunesse! Mays que dis-je? Suscepisti me de utero matris meœ; in te projectus sum ex utero.

  A005001414 

 Des l'instant de nostre conception il nous a receu entre les bras de sa providence, et nous a rendu siens par le Baptesme, et nous a nourris temporellement et spirituellement, avec un amour incomparable; et pour nous acquerir la vie il a supporté la mort.

  A005001414 

 Que reste-il, sinon que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesme, que nous rapportions toutes nos proyes, toutes nos œuvres, toutes nos intentions et actions a ce sauverain Seigneur, et que nous consacrions a son amour tous les momens de nostre vie; et que le considerans sur la croix comme sur son bucher d'honneur, ou il brusle d'amour et meurt d'un amour douloureux plus que la mort mesme, ou d'une mort plus amoureuse que l'amour, nous nous jettions sur luy en la croix, nous nous crucifions sur luy, et mourions courageusement pour l'amour de Celuy qui, pour l'amour de nous, a bien voulu mourir..

  A005001419 

 L'amour, qui est aussi fort que la mort, nous divise d'avec le monde, d'avec tout ce qui est au monde, et passe jusques a faire la division entre l'ame et l'esprit, et [453] par maniere [de dire,] nous divise nous mesme de nous mesme, c'est a dire, nostr'homme interieur d'avec l'exterieur.

  A005001419 

 La mort nous separe de toutes choses, et pour son principal effect, elle separe l'ame de son cors.

  A005001422 

 O Dieu, que c'est une mort heureuse que de mourir par l'amour! [Heureux] celuy auquel l'amour cause ainsy la mort! Quelle douce sajette qui nous fait tant perdre de sang qu'en fin nous en mourons!.

  A005001423 

 Et comme nous voyons que le feu, enfermé et pressé dedans l'artillerie ou dans une mine, separe la basle de l'artillerie ou un boulever tout entier de la terre, romp et fracasse tout pour sortir et pousser en haut, ainsy l'amour estant fort enflammé, enfermé et serré dans un cœur, il pousse enfin l'ame dehors et la separe de son cors, luy donnant par ce moyen le coup de la mort.

  A005001423 

 Mays mourir d'amour c'est lhors que l'amour mesme, non seulement comm'un dard nous blesse en quelqu'endroit, que nous perdions le sang et en fin en mourions, mays quand il nous blesse droit dedans le cœur et pousse nostre ame dehors de son cors.

  A005001423 

 Or ce grand espurement se fait par les actes [de] l'amour unitif dont nous avons discouru en ce Livre, par lesquelz le saint amour affoibli les forces de la chair, qui veut retenir l'esprit, comme la femme de Puthiphar, Joseph, par son manteau, par l'amour de soymesme.

  A005001424 

 Il est dedans leur ame, mais alhors, pour l'ordinaire, il n'est pas en exercice et ne fait pas d'action, car estant en un homme dormant, il semble qu'il dorme aussi, comme toutes les autres habitudes, de science, de prudence, de foy, d'esperance; car alhors la science est en un homme dormant, car sil la perdoit en s'endormant, il faudroit quil retournast a l'escole pour l'apprendre: on la treuve en se resveillant, et la foy et l'esperance et toutes les autres vertus, desquelles la condition naturelle est que quand nous les avons nous nous en puissions servir quand nous voulons, et qu'elles ne nous servent pas sinon que nous voulions.

  A005001424 

 Or, quand nous dormons nous ne voulons rien, c'est pourquoy alhors ces habitudes ne sont pas en usage.

  A005001443 

 Il faut mesurer nostre soin et attention a l'importance de ce que nous entreprenons: c'est une desreglee attention d'estre autant en peyne a deliberer pour un voyage d'une lieue comme pour celuy de cent lieues..

  A005001444 

 Le choix de la vocation, l'entreprise de quelqu'affaire de grande consequence ou de quelqu'occupation de longue haleyne, de quelque grande despence, le choix de l'habitation et sejour, l'election des conversations et amitiés, et telles semblables choses meritent qu'on regarde avec extrem'affection ce que Dieu veut de nous, et que l'on s'essaye de bien reconnoistre la volonté de Dieu; conferer des charges, entreprendre des grans voyages.

  A005001444 

 Mays es menues actions ordinaires et qui ne sont pas de grande consequence, esquelles mesme la faute seroit aysement reparable quand il y en auroit, il n'est pas besoin de plus grand'attention pour discerner ce que Dieu veut, que celle qui est ordinaire et par laquelle on n'est point arresté; ains il se faut contenter de ce que d'abord l'amour de Dieu et du prochain nous suggere.

  A005001445 

 Car si bien les difficultés et evenemens qui s'en ensuivront sembleront nous donner desfiance d'avoir bien choysi, neanmoins c'est faute de voir ce qui fut arrivé faysant un autre choix, qui eut esté cent fois pis; et encor, c'est que nous ne sçavons pas si Dieu veut que nous soyons exercé en la consolation par le bon succes, ou en la patience et abjection par le mauvais..

  A005001447 

 Voyes vous ces cheveux de nos testes? ilz nous importent peu, et quand nous serions chauves, comm'Helisee et saint Pierre, nous n'en vaudrions pas moins; neanmoins tous ces cheveux sont contés, la providence de Dieu en tient le roolle et ne veut pas qu'un seul perisse.

  A005001452 

 C'est un plus grand amour de recevoir aggreablement les maladies, incommodités, pauvretés, injures que Dieu nous envoye.

  A005001452 

 L'amour de la croix nous fait entreprendre des afflictions volontaires: les jeusnes, veilles, cilices et autres macerations; le renoncement aux playsirs et voluptés et consolations corporelles.

  A005001453 

 Or l'amour, voyant que Dieu veut telles souffrances nous arriver, permet bien a l'ame de se plaindre dequoy mesme elle ne se peut plaindre, et de dire toutes les lamentations de Job, mais en fin il fait tous-jours l'acquiescement dans le fond du cœur, et un acquiescement amoureux, bien que non pas tendre; mais amoureux d'un amour fort, indomptable, et lequel retiré dans la pointe de l'esprit, comme dans le dongeon de la forteresse, quoy que tout le reste soit pris et coupé, demeure courageux et acquiesce parfaitement a la volonté divine.

  A005001454 

 Or, la pureté de l'amour divin requiert que nous n'aymions en toute chose que la volonté de Dieu, sans meslange de propre interest..

  A005001455 

 Job, sans doute, ne fait en ses travaux que l'acte de resignation: Si nous avons receu, dit-il, des biens de la main du Seigneur, pourquoy ne soutiendrons nous les peynes quil nous envoye? Il parle de les soustenir, de supporter, de tolerer, d'endurer..

  A005001455 

 Mays je dis, on voudroit vivre sil playsoit a Dieu, et on voudroit quil luy pleut, et seroit on plus ayse quil luy pleut de nous faire vivre; on meurt de bon cœur, mais on vivroit encor de meilleur cœur; on passe volontier, mais on demeureroit encor plus volontier.

  A005001457 

 Or, nous disons la volonté de Dieu estre presente quand nous la connoissons en quelque occasion.

  A005001461 

 L'indifference nous porte a l'exclamation de David: O Dieu de mon cœur, et le seul heritage que je prœtens! Qu'y a-il au ciel pour moy, et que veux-je en terre sinon vous? Qui ne cherche que Dieu, ni en terre parmi les miseres, ni au Ciel parmi les fœlicités, qu'est ce qui ne luy est pas indifferent?.

  A005001473 

 Or cette sainte indifference se doit prattiquer es choses qui dependent de la vie civile, comm'en lhonneur, es richesses, es rangs, es conditions, pour les avoir ou ne les avoir point, tout ainsy quil plait a Dieu nous les donner; en la vie naturelle, comme en la santé, en la maladie et en telz autres accidens; en la vie spirituelle, comm'es secheresses, aridités, froideurs et autres travaux interieurs..

  A005001474 

 Cor. 6, nous renvoye a toutes ces indifferences, voulant que nous nous monstrions vrays serviteurs de Dieu en fort grande patience es tribulations, es necessités, es angoisses, es blessures, es prisons, es seditions, es travaux, es veillees, es jeusnes; en chasteté, en science, en longanimité, en suavité au S t Esprit; en charité non fainte, en parole de verité, en la vertu de Dieu; par les armes de justice a droitte et a gauche; par la gloire et l'abjection, par l'infamie et bonne renommee; comme seducteurs, et neanmoins veritables comm'inconneus et toutefois conneus; comme mourans, et voyci nous vivons; comme chastiés, et toutefois non tués; comme tristes, et toutefois tous-jours joyeux; comme pauvres, et toutefois enrichissans plusieurs; comme n'ayans rien, et toutefois possedans toutes choses..

  A005001474 

 En agissant, pour nous employer es œuvres que Dieu veut, selon les inspirations, advis et conseilz.

  A005001475 

 Voyes encores comme le s t Apostre met les souffrances avant les vertus: il dit premierement que nous devons servir Dieu en patience es tribulations, es necessités; puis il adjouste, en chasteté, en prudence.

  A005001476 

 Alhors nous pourrons dire avec David: Seigneur, je suis comme un cheval bien dressé devant vous, car vous me tournés a toutes mains a vostre gré..

  A005001477 

 Faysons de nostre costé tout ce que nous pourrons pour les acquerir, n'oublions rien pour cette entreprise, car cela est de nostre devoir, c'est une volonté signifiee de Dieu que nous fassions cela soigneusement, diligemment et constamment; mais les fruitz de ce soin, de cette diligence, ce ne sont pas des volontés signifiees, ce sont des effectz de la volonté effective de Dieu: c'est pourquoy il faut demeurer en une simple attente de l'evenement de nos diligences, pour le recevoir tel qu'il plaira a Dieu nous le donner, sans nous inquieter pour cela..

  A005001477 

 Il faut mesme demeurer sousmis en cette sorte a la volonté de Dieu en l'acquisition des vertus, et ne vouloir pas les vertus qu'a mesure qu'il plaist a Dieu nous les donner.

  A005001484 

 Or cet amour de Dieu peut estre aymé du cœur, ou par ce quil regarde Dieu, ou par ce quil est en nous.

  A005001486 

 La maniere de connoistre si c'est l'amour de Dieu en tant quil est nostre, que nous aymons, ou si c'est l'amour de Dieu en tant quil est a Dieu et quil tend a Dieu, c'est de voir si nous sommes en indifference pour les exercices de l'amour de Dieu.

  A005001496 

 Autre chose est avoir la volonté conforme et vouloir ce que Dieu veut; autre chose, avoir la volonté aneantie et convertie en celle de Dieu, car on ne veut plus, mays on laisse que Dieu veuille pour nous..

  A005001496 

 Nous ne disons plus: Verumtamen non mea voluntas, sed tua fiat, car nous n'en avons plus; mais nous disons: In manus tuas commendo spiritum meum; ce n'est plus un acquiescement de nostre volonté a la volonté divine, mais c'est un aneantissement.

  A005001497 

 Sans user de nostre vouloir nous pouvons simplement acquiescer aux evenemens; et mesme, sans aucun acquiescement, nous pouvons recevoir les evenemens par une tres simple tranquillité, un repos de nostre volonté, qui, ne voulant rien vouloir, laisse vouloir et faire a la volonté de Dieu ce qu'il luy plaist, en nous, de nous, sur nous, jettant toute nostre sollicitude et tout nostre soin en luy, affin qu'il ayt soin de nous.

  A005001508 

 En quoy donq consiste l'excellence de ce vray amour de Dieu au dessus de tous autres amours? En ce que cet amour, quoy que moins sensible et pressant que les autres, il met Dieu en tell'estime dedans nos ames et fait que nous le prisons si hautement, que nous quitterions plus tost toutes choses que de le quitter, le preferans a tout et le cherissans sur tout, lhors que nous sommes reduitz a la necessité ou de le quitter ou de quitter tout autre chose: et c'est l'amour d'excellence ou l'excellence de l'amour qui nous est commandé.

  A005001511 

 Car, comme nous voyons que les bons arbres ne produisent jamais du fruit veneneux, mais en produisent bien neanmoins de vert et inutile, qui ne meurit point, ainsy l'homme de bien ne produit jamais des actions de peché mortel, mais ouï bien des actions mal meures, aspres et inutiles du peché veniel.

  A005001513 

 Et neanmoins, c'est toute nostre ame qui ayme, tout nostre cœur, quoy que non pas totalement, toute nostre force, quoy que non pas totalement, ains selon qu'elle peut tendre a nostre Seigneur, et que nous en sommes les maistres; car nostr'ame entant que vegetante et sensuelle, elle n'est pas nostre par obeissance, ni moralement, ains la seule ame intellectuelle et spirituelle..

  A005001513 

 Mays notes que quand il est dit que nous devons aymer de toutes nos forces, de tout nostre cœur, de toute nostre puissance, cela s'entend [481] de tout le cœur, de toute l' ame, de toute la force qui est capable d'aymer Dieu, et entant qu'ell'en est capable: de sorte que cela regarde, non l'appetit sensuel, non les forces de la partie inferieure, mays seulement la partie spirituelle de l'ame; tant par ce qu'elle seule est en nostre absolue puyssance, lautre estant pour l'ordinaire rebelle contre nostre rayson, qu'aussi par ce qu'ell'est incapable d'aymer Dieu, qui, estant un object spirituel, ne peut estre aussi aymé que par le cœur entant quil est spirituel.

  A005001514 

 Helas! aussi, quel honneur que Dieu ne nous permette pas seulement, mais nous commande de l'aymer! Il doit estre mis au commencement pour la definition de la charité, et monstrer que cet amour n'est pas seulement un'amitié mais une dilection, et non seulement une dilection mais une charité, car c'est un amour d'excellence.

  A005001519 

 Dieu a fait sourdre et jaillir le fleuve de la rayson et lumiere naturelle, delaquelle il est dit: La lumiere de vostre visage est marquee sur nous; et ce fleuve que Dieu fait sourdre pour arrouser tout l'homme en toutes ses facultés et exercices se divise en quatre chefs, selon les quatres parties ou regions de nostre ame, qui produisent les actions humaines et libres.

  A005001520 

 Or, outre cela, Nostre Seigneur voulant favoriser l'homme pieux, affin de rendre le paradis du cœur humain plus aggreable et delicieux, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de nostre ame une fontaine surnaturelle que nous appelions grace, composee de la foy, esperance et charité, qui espanche ses eaux sur toute nostre ame et l'arrouse tout entierement, la rendant gracieuse, amene et grandement aymable a sa divine Majesté.

  A005001527 

 Le peché ruine nostr'ame, et les actions bonnes que nous avons faites præcedemment sont par luy non exterminees mais mortifiees; elles ont encor leur estre, mais infructueux pour nous quant a la vie eternelle: que si la grace revient, qui est un œuvre de Dieu, non seulement elle vivifie nostre ame, mais toutes œuvres que le peché avoit mortifiees; et outre cela elle ne mortifie pas seulement la vie mortelle du peché, mais elle l'abolit entierement.

  A005001529 

 Et Ihors que nous sommes rendus esclaves du peché, nos œuvres bonnes sont deplorablement oubliees, reduites en boüe, amorties [485] et estouffees; mais apres nostre captivité, Ihors que par la pœnitence nous retournons en grace, nos œuvres sont tirees du puis de l'oubli, et, touchees des rayons de la charité, elles revivent et se convertissent en flammes aussi claires qu'au paravant, pour estre remises sur l'autel, et avoir leur premiere valeur; videatur locus.

  A005001535 

 O que bienheureux sont ceux qui sçavent faire le despouillement de soy mesme duquel nous avons parlé ci dessus! car par ce moyen ilz, n'ont qu'a faire un petit souspir ou un petit regard en Dieu, pour tesmoignage qu'ilz confirment leurs despouillemens et qu'ilz ne veulent rien qu'en Dieu et pour Dieu, et qu'ilz ne s'ayment eux mesmes, ni chose du monde, que pour cela.


06-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VI-Les vrays entretiens spirituels.html
  A006000015 

 Sur la fuite de Nostre Seigneur en Egypte, où il est traitté de la fermeté que nous devons avoir parmi les accidens du monde.

  A006000029 

 Auquel on demande en quoy consiste la parfaite determination de regarder et suivre la volonté de Dieu en toutes choses, et si nous la pouvons trouver et suivre és volontés des Superieurs, égaux ou inferieurs, que nous voyons proceder de leurs inclinations naturelles ou habituelles; et de quelques poincts notables touchant les confesseurs et predicateurs. 99.

  A006000034 

 Auquel il est demandé quelle pretention nous devons avoir entrant en Religion 135.

  A006000047 

 D. Ce que nostre saint Fondateur nous dit dans son dernier voyage à Paris, en presence d'un de Messieurs ses freres et d'une autre personne de ses amis, nous disant a Dieu.

  A006000056 

 A. Comme il faut prendre garde que le desir que nous avons de tout quitter ne soit point vain et par flatterie 176.

  A006000073 

 Nous confessons neantmoins (ce que tout le monde croira facilement d'un ouvrage qui est passé par des mains si indignes que les nostres) que quielque diligence et quelque soin que nous y ayons apporté, il ne nous a pas esté possible de faire ce recueil si exactement qu'il ne nous soit eschappé beaucoup de choses excellentes, et que celles que nous avons retenues n'ayent aussi perdu beaucoup de leur force et des advantages qu'elles avoyent en sortant d'une si digne et si venerable bouche.

  A006000073 

 Nous les recueillions sincerement, et redigions par escrit apres qu'il les avoit achevé de faire; et comme nous en avions alors la memoire toute fraiche, et que chacune de nos Sœurs en rapportoit une partie, nous taschions, en assemblant toutes les pieces, de les ajuster le mieux qu'il nous estoit possible pour en former un corps.

  A006000073 

 Toutesfois, il nous sera permis de dire avec toute verité, qu'une [1] grande partie des enseignemens qu'il nous a laissés y sont si naïfvement deduits et si fidelement rapportés, que quiconque aura eu le bon-heur de l'entendre ou qui sera versé en la lecture de ses livres, y recognoistra aussi tost son esprit, et ne fera point de difficulté de mettre ces Entretiens, sinon au rang des autres œuvres, qui sont immediatement sorties de ses mains, au moins au rang de celles qui ont en quelque façon l'honneur de luy appartenir.

  A006000073 

 Voyci les vrays Entretiens que nostre bien-heureux Pere nous a faits en divers temps et en diverses occasions.

  A006000074 

 Certes, nous voulons croire de nostre prochain, que ç'a esté un bon zele, plustost qu'aucune autre consideration, qui l'a induit à les mettre au jour: mais nous ne sçaurions luy estre si indulgentes que nous ne nous plaignions charitablement de luy, non de nous avoir osté ce qui sembloit estre nostre (car nous n'avons rien à nous, et les biens spirituels le sont encor moins que les autres parce qu'ils doivent estre plus communiqués), mais d'avoir soustrait ces Entretiens d'une telle sorte, que, les tirant avec peine, il a esté impossible qu'il ne les ayt mis en pieces et qu'il ne les ayt donnés par lambeaux comme il les avoit pris.

  A006000074 

 Mais estant arrivé (nous ne sçavons dire par quels moyens) qu'ils ont esté imprimés à nostre insceu, avec un grand nombre de fort notables manquemens et en un tres-mauvais estat; ce qu'ayant veu Monseigneur de Geneve, tres digne frere et successeur de ce bien-heureux Prelat, a obtenu le Privilege mis ci apres, et voyant qu'il y alloit de la reputation de son saint frere, nous a commandé d'en donner promptement une veritable copie, pour remedier au mal de cette mauvaise impression et faire voir au [2] vray ce qui en a esté recueilli dans ce monastere.

  A006000075 

 C'est le souhait continuel que nous faisons pour vous et pour nous, qui sommes en JESUS CHRIST,.

  A006000075 

 Il a esté donc necessaire, nos tres-cheres Sœurs, de communiquer ces Entretiens premierement à ceux de qui nous dependons et de qui nous devons prendre conseil, et lesquels ont pris la peine de reparer les defauts qu'ils avoient contractés entre nos mains; puis de les mettre en lumiere et les donner au public en la forme qu'ils doivent estre, pour pouvoir veritablement porter le nom des Entretiens de nostre bien-heureux Pere.

  A006000075 

 Jouissons toutes ensemble de ces si utiles et agreables Entretiens; conservons-nous dans l'esprit de nostre Regle par leur frequente et attentive lecture, mais sur tout par la pratique fidele des saints enseignemens dont ils sont pleins: et à mesure qu'on les exprime extérieurement, imprimons-les profondement dans nos cœurs, à fin qu'ils n'en soient jamais effacés, et que nous ne soyons pas un jour obligées de rendre compte d'un si precieux talent, si nous ne l'avons fait profiter.

  A006000075 

 Neantmoins, ayant tousjours esté un des Salutaires conseils et desirs de nostre bien-heureux Pere, Instituteur et Fondateur, et qu'il nous a declaré dans l'un de ses Entretiens, que l'esprit de nos maisons fust communiqué au prochain, pour donc ne pas frustrer du fruict des saintes instructions que nous avons receuës, l'obeissance et la charité veut que nous en fassions part au public: elle ordonne aussi qu'ils nous soyent particulierement dediés, comme à celles à qui ils sont particulierement propres, puisque c'est à nous à qui nostre bien-heureux Pere les a faits.

  A006000075 

 Nous esperons que nostre bien-heureux Pere, qui nous l'a donné de la part de Nostre Seigneur, nous obtiendra de sa divine bonté le moyen de le bien employer, et de nous en servir pour sa gloire et pour le salut de nos ames.

  A006000096 

 Or, ceste desobeissance formelle et ce mespris des choses bonnes et saintes n'est jamais sans quelque peché, pour le moins veniel, non pas mesme és choses qui ne sont que conseillées: car bien qu'on puisse ne point suivre les conseils des choses saintes, par l'élection d'autres choses, sans aucunement offenser, si est-ce qu'on ne peut pourtant les laisser par mespris et contemnement, sans offense; d'autant que tout bien ne nous oblige pas à le suivre, mais ouy bien à l'honorer et estimer, et par consequent, à plus forte raison, à ne le point mespriser et vilipender..

  A006000109 

 Et quant aux violements de la Regle qui ne se font point par pure desobeissance ni par mespris, s'ils se font par nonchalance, infirmité, tentation ou negligence, on s'en pourra et devra confesser comme de peché veniel, ou bien comme de chose où il y peut avoir peché veniel: car, bien qu'il n'y ait aucune sorte de peché en vertu de l'obligation de la Regle, il y en peut neantmoins avoir à raison de la negligence, nonchalance, precipitation ou autres tels defauts, puisqu'il arrive rarement que voyant un bien propre à nostre [10] avancement, et notamment estant invitees et appellées à le faire, nous le laissions volontairement sans offenser; car tel delaissement ne procede que de negligence, affection depravée ou manquement de ferveur, et s'il nous faut rendre compte des paroles qui sont vrayement oyseuses, combien plus d'avoir rendu oyseuse et inutile la semonce que la Regle nous fait à son exercice!.

  A006000110 

 J'ay dit qu'il arrive rarement de n'offenser pas Dieu quand nous laissons volontairement de faire un bien propre à nostre avancement, parce qu'il se peut faire qu'on ne le laisse pas volontairement, ains par oubli, inadvertance, surreption; et lors il n'y a aucun peché, petit ni grand, sinon que la chose que nous oublions fust de si grande importance que nous fussions obligés de nous tenir attentifs pour ne point tomber en oubli, inadvertance et surreption.

  A006000113 

 Je ne dis rien icy de l'obligation que nous avons à l'observance des vœux; car il est tout evident que qui transgresse absolument la Regle és vœux essentiels de pauvreté, chasteté et obeissance, peche mortellement, et feroit-on le mesme, contrevenant à la closture.

  A006000122 

 Forte à se tenir independante des tendretés, douceurs et consolations qui nous proviennent tant de Dieu que des creatures, pour ne point nous laisser engager par icelles..

  A006000124 

 C'est pourquoy, comme la devotion genereuse ne cesse jamais de crier à Dieu: Tirez moy, aussi ne cesse elle jamais d'aspirer, d'esperer et de se promettre courageusement de courir, et de dire: Nous courrons apres vous.

  A006000124 

 Car encor que nous ne courions pas, il suffit que, Dieu aydant, nous courrons: ceste Congregation, non plus que les autres Religions, n'estant pas une assemblée de personnes parfaites, mais de personnes qui pretendent de se perfectionner; non de personnes courantes, mais de personnes qui pretendent courir, et lesquelles pour cela apprennent premierement à marcher le petit pas, puis à se haster, puis à cheminer à demi course, puis en fin à courir..

  A006000124 

 Et ne faut jamais se fascher si d'abord on [14] ne court pas apres le Sauveur, pourveu que l'on die tousjours: Tirez moy, et que l'on ayt le courage bon pour dire: Nous courrons.

  A006000124 

 Genereuse pour pretendre au plus haut point de la perfection chrestienne, nonobstant toutes imperfections et foiblesses presentes, en s'appuyant, par une parfaite confiance, sur la misericorde divine, à l'exemple de celle qui disoit à son Bien Aimé: Tirez moy, nous courrons apres vous en l'odeur de vos onguents, comme si elle eust voulu dire: De moy mesme je suis immobile, mais quand vous me tirerez je courray.

  A006000124 

 Le divin Amant de nos ames nous laisse souvent comme englués dans nos miseres, à fin que nous sçachions que nostre delivrance vient de luy, et que, quand nous l'aurons, nous la tenions chere, comme un don precieux de sa bonté.

  A006000125 

 Ceste devotion genereuse ne mesprise rien, et fait que, sans trouble ni inquietude, nous voyons un chacun cheminer, courir et voler diversement, selon la diversité des inspirations et varieté des mesures de la grace divine qu'un chacun reçoit.

  A006000128 

 Advoüons franchement que les autres Congregations sont meilleures, plus riches et plus excellentes, mais non pas pourtant plus aymables ni desirables pour nous, puisque Nostre Seigneur a voulu que ce fust nostre patrie et nostre barque, et que nostre cœur fust marié à cest Institut; suivant le dire de celuy auquel quand on demanda quel estoit le plus agreable sejour et le meilleur aliment pour l'enfant: Le sein, dit-il, et le lait de sa mere; car bien qu'il y ait de plus beaux seins et de meilleurs laits, si est ce que pour luy il n'y en a point de plus propre ni de plus aymable.

  A006000132 

 Ce mot tant celebre entre les Anciens, « Cognois-toy toy-mesme, » encores qu'il s'entende de la cognoissance de la grandeur et excellence de l'ame, [19] pour ne la point avilir et prophaner en des choses indignes de sa noblesse, il s'entend aussi de la cognoissance de nostre indignité, imperfection et misere: d'autant que tant plus que nous nous cognoistrons miserables, tant plus nous nous confierons en la bonté et misericorde de Dieu; car, entre la misericorde et la misere, il y a une certaine liaison si grande, que l'une ne se peut exercer sans l'autre.

  A006000132 

 Or, je responds que non seulement l'ame qui a la cognoissance de sa misere peut avoir une grande confiance en Dieu, mais qu'elle ne peut avoir une vraye confiance qu'elle n'ayt la cognoissance de sa misere; car ceste cognoissance et confession de nostre misere nous introduit devant Dieu, Ainsi tous les grands Saints, comme Job, David et les autres, commençoient toutes leurs prieres par la confession de leur misere et indignité; de sorte que c'est une tres-bonne chose de se recognoistre pauvre, vil, abject, et indigne de comparoistre en la presence de Dieu.

  A006000133 

 Ce ne seroit pas grande chose de s'estre aneanti et despouillé de soy-mesme (ce qui se fait par des actes de confusion), si ce n'est oit pour se donner tout à Dieu, ainsi que saint Paul nous l'enseigne quand il dit: Despoüillez-vous du vieil homme, et vous revestez du nouveau; car il ne faut pas demeurer nud, ains se revestir de Dieu.

  A006000133 

 Ce petit reculement ne se fait que pour mieux s'eslancer en Dieu par un acte d'amour et de confiance, car il ne se faut pas confondre tristement et avec inquietude: c'est l'amour propre qui donne ces confusions-là, parce que nous sommes marris de n'estre pas parfaits, non tant pour l'amour de Dieu que pour l'amour de nous-mesmes..

  A006000133 

 Il est bien bon de se deffier de soy-mesme, mais de quoy nous serviroit-il de le faire, sinon pour jetter toute nostre confiance en Dieu et nous attendre à sa misericorde? Les fautes et les infidelités que nous commettons tous les jours nous doivent bien apporter de la honte et confusion lors que nous voulons approcher de Nostre Seigneur: et ainsi lisons-nous qu'il y a des grandes ames, comme sainte Catherine de Sienne et la Mere Therese, qui lors qu'elles estoient tombées en quelque defaut, avoient de ces grandes confusions; [20] aussi est il bien raisonnable qu'ayant offencé Dieu nous nous retirions un peu par humilité, et demeurions confus, car si seulement nous avons offencé un amy, nous avons bien honte de l'aborder: mais il n'en faut pas demeurer là, car ces vertus d'humilité, d'abjection et de confusion, sont des vertus mitoyennes, par lesquelles nous devons monter à l'union de nostre ame avec son Dieu.

  A006000133 

 La deffiance de nous-mesmes provient de la cognoissance de nos imperfections.

  A006000133 

 Vous voyez donc que tant plus nous nous cognoissons miserables, tant plus nous avons occasion de nous confier en Dieu, puisque nous n'avons rien de quoy nous confier en nous mesmes.

  A006000134 

 Et il est tousjours [21] en nostre pouvoir de faire de ces actes, et quoy que nous ayons de la difficulté, il n'y a pourtant pas de l'impossibilité; et c'est en ces occasions là et parmi ces difficultés, que nous devons tesmoigner de la fidelité à Nostre Seigneur; car bien que nous fassions ces actes sans goust et sans aucune satisfaction il ne s'en faut pas mettre en peine, puisque Nostre Seigneur les ayme mieux ainsi.

  A006000135 

 Voila donc pour la conclusion de ce premier poinct, qu'il est tres-bon d'avoir de la confusion quand nous avons la cognoissance et sentiment de nostre misere et imperfection; mais qu'il ne faut pas s'arrester là, ni pour cela tomber en descouragement, ains relever son cœur en Dieu par une sainte confiance, le fondement de laquelle doit estre en luy et non pas en nous; d'autant que nous changeons et il ne change jamais, et demeure tousjours aussi bon et misericordieux quand nous sommes foibles et imparfaits que quand nous sommes forts et parfaits.

  A006000136 

 Il faut donques sçavoir qu'abandonner nostre ame et nous laisser nous mesmes n'est autre chose que quitter et nous deffaire de nostre propre volonté pour la donner à Dieu: car il ne nous serviroit de guere, comme j'ay desja dit, de nous renoncer et [22] delaisser nous-mesmes, si ce n'estoit pour nous unir parfaitement à la divine Bonté.

  A006000136 

 Mais nous autres, nous ne voulons pas nous abandonner sinon pour nous laisser à la mercy de la volonté de Dieu..

  A006000137 

 Il arrivera que vous n'aurez pas de la consolation en vos exercices: il est certain que c'est le bon plaisir de Dieu, c'est pourquoy il faut demeurer avec une extreme indifference entre la desolation et la consolation; de mesme en faut-il faire en toutes les choses qui nous arrivent, és habits qui nous sont donnés, és viandes qui nous sont presentées.

  A006000137 

 La volonté de son bon plaisir regarde les evenemens des choses que nous ne pouvons pas prevoir: comme, par exemple, je ne sçay pas si je mourray demain, je voy que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'abandonne à son bon plaisir et meurs de bon cœur.

  A006000138 

 Il faut de plus remarquer qu'il y a des choses esquelles il faut joindre la volonté de Dieu signifiée à celle de son bon plaisir: comme si je tombe malade d'une grosse fievre, je voy en cest evenement que le bon plaisir de Dieu est que je demeure en indifference de la santé ou de la maladie; mais la volonté de Dieu signifiée est que moy, qui ne suis pas sous l'obeissance, j'appelle le medecin et que j'applique tous les remedes que je puis (je ne dis pas les plus exquis, mais les communs et ordinaires), et que les Religieux, qui sont sous un Superieur, reçoivent les remedes et traittement qui leur sont presentés, en simplicité et soubmission; car Dieu le nous a signifié en ce qu'il donne la vertu aux remedes, la Sainte Escriture le nous enseigne en plusieurs endroits et l'Eglise l'ordonne.

  A006000138 

 Or cela fait, que la maladie surmonte le remede, ou le remede surmonte le mal, il en faut estre en parfaite indifference, en telle sorte que si la maladie et la santé estoient là devant nous et que Nostre Seigneur nous dist: Si tu choisis la santé je ne t'en osteray pas un grain de ma grace, si tu choisis la maladie je ne te l'augmenteray pas aussi de rien, mais au choix de la maladie il y a un peu plus de mon bon plaisir; alors l'ame qui s'est entierement delaissée et abandonnée entre les mains de Nostre Seigneur choisira sans doute la maladie, pour cela seulement qu'il y a un peu plus du bon plaisir de Dieu; ouy mesme quand ce seroit pour demeurer toute sa vie dans un lict, sans faire autre chose que souffrir, elle ne voudroit pour rien du monde desirer un autre estat que celuy-là.

  A006000139 

 Nous en devons faire de mesme, mes tres-cheres filles, en toute occasion, soit que nous souffrions ou que nous jouissions de quelque contentement, nous laissant ainsi conduire à la volonté divine, selon son bon plaisir, sans jamais nous laisser preoccuper de nostre volonté particuliere..

  A006000140 

 Car jamais nous ne sommes reduits à telle extremité, que nous ne puissions tousjours respandre devant la divine Majesté des parfums d'une sainte sousmission à sa tres-sainte volonté, et d'une continuelle promesse de ne le vouloir point offencer.

  A006000140 

 Et voila comme je desire que nous cheminions, mes cheres filles..

  A006000140 

 Nostre Seigneur ayme d'un amour extremement tendre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner ainsi totalement à son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence, sans s'amuser à considerer si les effets de ceste providence leur seront utiles, profitables, ou dommageables; estant tout asseurés que rien ne leur sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres-aymable, ni qu'il ne permettra que rien leur arrive [26] de quoy il ne leur fasse tirer du bien et de l'utilité, pourveu que nous ayons mis toute nostre confiance en luy et que de bon cœur nous disions: Je remets mon esprit, mon ame, mon corps et tout ce que j'ay entre vos benites mains, pour en faire selon qu'il vous plaira.

  A006000141 

 Je n'entens pas pourtant de dire qu'il ne faille pas penser és choses ausquelles nous sommes obligés chacun selon, sa charge; car il ne faut pas qu'un Superieur, sous ombre de s'estre abandonné à Dieu et se reposer en son soin, neglige de lire et d'apprendre les enseignemens qui sont propres pour l'exercice de sa charge.

  A006000142 

 Il est bien vray qu'il faut avoir une grande confiance pour s'abandonner ainsi sans aucune reserve à la Providence divine; mais aussi, quand nous abandonnons tout, Nostre Seigneur prend soin de tout et conduit tout.

  A006000142 

 Que si nous reservons quelque chose, de laquelle nous ne nous confions pas en luy, il nous la laisse, comme s'il disoit: Vous pensez estre assez sages pour faire ceste chose-là sans moy, je vous laisse gouverner, vous verrez comme vous vous en trouverez.

  A006000143 

 Or je dis en premier lieu, qu'il n'arrive jamais, pour abandonnés que nous [28] soyons, que nostre franchise et la liberté de nostre arbitre ne nous demeurent, de sorte qu'il nous vient tousjours quelque desir et quelque volonté; mais ce ne sont pas des volontés absolues et des desirs formés, car si tost qu'une ame qui s'est delaissée au bon plaisir de Dieu apperçoit en soy quelque volonté, elle la fait incontinent mourir en la volonté de Dieu..

  A006000143 

 Vous dites maintenant, s'il est bien possible que nostre volonté soit tellement morte en Nostre Seigneur que nous ne sçachions plus ce que nous voulons ou ce que nous ne voulons pas.

  A006000145 

 Ce sont des vertus qui font leur residence en la partie superieure de l'ame, l'inferieure pour l'ordinaire n'y entend rien; il n'en faut faire aucun estat, mais sans regarder ce qu'elle veut, il faut embrasser ceste volonté divine et nous y unir, malgré qu'elle en ayt..

  A006000145 

 Il faut qu'elle soit fondée sur l'infinie bonté de Dieu et sur les merites de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, avec ceste condition de nostre part, que nous ayons et cognoissions en nous une entiere et ferme resolution d'estre tout à Dieu, et de nous abandonner du tout et sans aucune reserve à sa providence.

  A006000145 

 Il ne faut pas aussi entendre qu'en toutes ces choses icy de l'abandonnement et de l'indifference nous n'ayons jamais des desirs contraires à la volonté de Dieu, et que nostre nature ne repugne aux evenemens de son bon plaisir; car cela peut souvent arriver.

  A006000145 

 Je desire toutesfois que vous remarquiez que je ne dis pas qu'il faille sentir ceste resolution d'estre ainsi toute à Dieu, mais seulement qu'il la faut avoir et cognoistre en nous, parce qu'il ne faut pas s'amuser à ce que nous sentons ou que nous ne sentons pas, d'autant que la pluspart de nos sentimens et satisfactions ne sont que des amusemens de nostre amour propre.

  A006000146 

 Il y a peu de personnes qui arrivent à ce degré du parfait delaissement d'elles mesmes, mais nous y devons neantmoins tous pretendre, chacun selon sa portée et petite capacité.

  A006000150 

 Cet Evangile est plein d'une quantité de belles conceptions: je me contenteray de quelques unes, qui nous serviront d'un autant agreable que profitable entretien.

  A006000150 

 Nous celebrons l'octave de la feste des saints Innocens, auquel jour la sainte Eglise nous fait lire l'Evangile qui traitte comme l' Ange du Seigneur dit au glorieux saint Joseph en songe, c'est à dire en dormant, qu'il prist l'Enfant et la Mere et qu'il s'enfuist en Egypte; d'autant qu'Herodes, jaloux de sa royauté, cherchoit Nostre Seigneur pour le mettre à mort, de crainte qu'il ne la luy ostast, et estant rempli de colere, dequoy les Roys Mages n'estoient point retournés par devers luy en Jerusalem, il commanda que l'on fist mourir tous les petits enfans au dessous de l'âge de deux ans, croyant que Nostre Seigneur s'y trouveroit, et par ce moyen il s'asseureroit de la possession de son royaume.

  A006000151 

 Ainsi Dieu a voulu diversifier les saisons, et que l'esté fust suivi de l'automne et l'hiver suivi du printemps, pour nous monstrer que rien n'est permanent en ceste vie, que les choses temporelles sont perpetuellement muables, inconstantes et sujettes au changement: et le defaut de la cognoissance de ceste verité est, comme j'ay dit, ce qui nous rend muables et changeans en nos humeurs; d'autant que nous ne nous servons pas de la raison que Dieu nous a donnée, laquelle raison nous rend immuables, fermes et solides, et partant semblables à Dieu..

  A006000151 

 Hé! qui ne void nostre folie? car nous voulons ce qui ne se peut.

  A006000151 

 O que ceste consideration est utile! car le defaut d'icelle est ce qui nous porte au descouragement et bijarrerie d'esprit, inquietude, varieté d'humeurs, inconstance et instabilité en nos resolutions; car nous ne voudrions pas rencontrer en nostre chemin nulle difficulté, nulle contradiction et nulle peine; nous Voudrions avoir tousjours des consolations sans secheresses ni aridités, des biens sans meslange d'aucun mal, la santé sans maladie, le repos sans travail, la paix sans trouble.

  A006000152 

 La raison est ce qui nous rend superieurs et maistres de tous les animaux.

  A006000153 

 C'est un abus tres-grand que de ne vouloir point souffrir [34] ou sentir de mutations et changemens en nos humeurs, tandis que nous ne nous gouvernerons point par la raison, et que nous ne voudrons pas nous laisser gouverner.

  A006000153 

 Dieu a donné à l'homme la raison pour le conduire, mais pourtant il y en a peu qui la laissent maistriser en eux; au contraire, ils se laissent gouverner par leurs passions, lesquelles devroient estre subjettes et obeissantes à la raison selon l'ordre que Dieu requiert de nous..

  A006000154 

 Mais en la Religion on ne peut pas tant se laisser emporter à ses passions; car pour les choses exterieures, les Regles y sont pour nous tenir reglés au prier, au manger et dormir et ainsy des autres exercices, tousjours à mesme heure, quand l'obeissance ou la cloche nous le signifie; et puis, nous n'avons tousjours qu'une mesme conversation, car nous ne pouvons pas nous separer..

  A006000155 

 Et que veut dire cela? n'est-elle pas autant capable d'estre aymée aujourd'huy qu'elle estoit hier? Si nous regardions à ce que nous dicte la raison, nous verrions qu'il falloit aymer ceste personne parce que c'est une creature qui porte l'image de la divine Majesté; ainsi nous aurions autant de suavité en sa conversation que nous en avions eu autrefois..

  A006000155 

 Maintenant nous voulons une chose, et demain nous en voudrions une autre; ce que je voy faire à un tel ou à une telle à ceste heure me plaist; tantost cela me desplaira en telle sorte que cela sera capable de me faire concevoir de l'aversion.

  A006000156 

 Mais cela ne provient sinon dequoy on se laisse conduire à son inclination, à ses passions ou affections, pervertissant ainsi l'ordre que Dieu avoit mis en nous, que tout seroit subjet à la raison; car si la raison ne domine sur toutes nos puissances, sur nos facultés, nos passions, inclinations, affections, et en fin sur tout ce qui sera de nous, qu'en arrivera-t'il sinon une continuelle vicissitude, inconstance, varieté, changement, bijarrerie, qui nous fera tantost estre fervens, et peu apres lasches, negligens et paresseux; tantost joyeux, et puis melancoliques? Nous serons tranquilles une heure, et puis inquiets deux jours; bref, nostre vie se passera en faineantise et perte de temps..

  A006000157 

 Donc par ceste premiere remarque, nous sommes incités et semonds à considerer l'inconstance et varieté des succes, tant aux choses temporelles qu'aux choses spirituelles, à fin que par l'evenement des rencontres qui pourroient effaroucher nos esprits, comme estant choses nouvelles et non preveües, nous ne perdions point courage, ne nous laissant emporter à l'inegalité d'humeur parmi l'inegalité des choses qui nous arrivent; ains, que sousmis à la conduite de la raison que Dieu a mise en nous, et à sa providence, nous demeurions fermes, constans et invariables en la resolution que nous avons faite de servir Dieu constamment, courageusement, hardiment et ardemment, sans discontinuation quelconque.

  A006000160 

 Et ne sçavez-vous pas que les Egyptiens sont ennemis des Israëlites? qui nous recevra? Et semblables choses, que nous eussions bien alleguées à l'Ange si nous eussions esté en la place de saint Joseph; lequel ne dit pas un mot pour s'excuser de faire l'obeissance, ains il partit à la mesme heure, et fit tout ce que l'Ange luy avoit commandé..

  A006000161 

 Et premierement nous sommes enseignés qu'il [39] ne faut nulle remise et delai en ce qui regarde l'obeissance; c'est le fait du paresseux que de retarder, et dire, comme saint Augustin dit de soy-mesme: Tantost, « encor un peu, » et puis je me convertiray.

  A006000161 

 Le Saint Esprit ne veut nulle remise, ains desire une grande promptitude à la suite de ses inspirations; nostre perte vient de nostre lascheté, qui nous fait dire: je commenceray tantost.

  A006000161 

 O que nous avons grand tort de permettre que Dieu envoye et renvoye heurter et frapper à la porte de nos cœurs par plusieurs fois, avant que nous luy voulions ouvrir et luy permettre d'y demeurer! car il est à craindre que nous l'irritions et contraignions de nous abandonner..

  A006000161 

 Pourquoy non à ceste heure, qu'il nous inspire et nous pousse? C'est que nous sommes si tendres sur nous-mesmes que nous craignons tout ce qui semble nous oster de nostre repos, qui n'est autre chose que nostre tardiveté et faineantise, desquelles nous ne voulons point estre retirés par la sollicitation d'aucuns objects qui nous attirent à sortir de nous-mesmes; et nous disons quasi comme le paresseux, lequel se plaignant dequoy on le vouloit faire sortir de sa maison: Comment sortiray-je? dit-il, car il y a un lion sur le grand chemin, et les ours sont sur les advenues, qui sans doute me devoreront.

  A006000162 

 De plus, il faut considerer la grande paix et egalité d'esprit de la tres-sainte Vierge et de saint Joseph, en leur constance parmi l'inegalité si grande des divers accidens qui leur arrivoient, ainsi que nous avons dit.

  A006000162 

 Il nous le faut dire et redire plusieurs fois, à fin de le mieux graver dans nos esprits, que l'inegalité des accidens ne doit jamais porter nos ames et nos esprits dans l'inégalité d'humeur; car l'inegalité d'humeur ne provient d'autre source que de nos passions, inclinations ou affections immortifiées, et elles ne doivent point avoir de pouvoir sur nous tandis qu'elles nous inciteront à faire, delaisser ou desirer aucune chose, pour petite qu'elle puisse estre, qui soit contraire à ce que la raison nous dicte qu'il faut faire ou delaisser pour plaire à Dieu..

  A006000162 

 Or, voyez si nous avons raison de nous troubler et estonner si nous voyons semblables rencontres en la maison de Dieu, qui est la Religion, puisque cela estoit en la famille mesme de Nostre Seigneur, où la fermeté [40] et la solidité mesme faisoit residence, qui estoit Nostre Seigneur.

  A006000163 

 Il faut premierement sçavoir que quand on dit l'Ange du Seigneur, il ne faut pas entendre que ce soit comme l'on dit de nous autres, l'Ange d'un tel ou d'une telle; car cela veut dire nostre Ange gardien, qui a soin de nous de la part de Dieu; mais Nostre Seigneur, qui est le roy et la guide des Anges mesmes, n'a pas besoin, ou n'avoit pas besoin durant le cours de sa vie mortelle d'un Ange gardien.

  A006000163 

 Sur quoy je desire que nous remarquions l'estime que nous devons faire du soin, du secours, de l'assistance et de la direction de ceux que Dieu met autour de nous pour nous aider à marcher seurement en la voye de la perfection.

  A006000164 

 Nous sommes en ceste vie comme dessus de la glace, trouvant à tous propos des occasions propres pour faire trebucher et tomber, tantost au chagrin, ores en des murmures, un peu apres en des bijarreries d'esprit qui feront que l'on ne pourra rien faire qui nous puisse contenter; et puis nous entrons en degoust de nostre vocation, la melancolie nous suggerant que nous ne ferons jamais rien qui vaille; et que sçay-je? semblables choses et accidens qui se rencontrent en nostre petit monde spirituel.

  A006000164 

 Pour expliquer cecy familierement: l'on changea d'offices et d'aydes ces jours passés; que signifient ces aydes que l'on vous donne? pourquoy vous les [41] donne-t'on? Saint Gregoire dit que nous devons faire en ce miserable monde ce que font ceux qui cheminent sur la glace, pour nous tenir fermes et solides à l'entreprise que nous faisons de nous sauver ou de nous perfectionner; car il dit qu'ils se prennent par la main ou par dessous les bras, à fin que si quelqu'un d'entre eux glisse, il puisse estre retenu par l'autre, et puis que l'autre puisse estre retenu par luy quand il sera esbranlé pour tomber à son tour.

  A006000165 

 Donc, les aydes que l'on nous donne sont pour nous ayder à nous tenir fermes en nostre chemin, à fin de nous empescher de tomber, ou si nous tombons, qu'elles nous aydent à nous relever.

  A006000165 

 Nos aydes sont nos bons Anges visibles, ainsi que nos saints Anges gardiens le sont invisibles: nos aydes font visiblement ce que nos bons Anges font interieurement; car elles nous advertissent de nos defauts, elles nous encouragent en nos foiblesses et laschetés, elles nous excitent à la poursuite de nostre entreprise pour parvenir à la perfection, elles nous empeschent par leurs bons conseils de tomber, et nous aydent à nous relever quand nous sommes cheus en quelque precipice d'imperfection ou defaut.

  A006000165 

 O Dieu, avec quelle franchise, cordialité, sincerité, simplicité et fidelle confiance ne devons-nous pas traitter avec ces aydes qui nous sont données de la part de Dieu pour nostre avancement spirituel! Non certes autrement que comme avec nos bons Anges: nous les devons regarder tout de mesme, car nos bons Anges sont appellés nos Anges gardiens parce qu'ils sont chargés de nous assister de leurs inspirations, de nous defendre en nos perils, de nous reprendre en nos defauts, de nous exciter en la poursuite de la [42] vertu; ils sont chargés de porter nos prieres devant le throsne de la majesté, bonté et misericorde de Nostre Seigneur, et de nous rapporter l'interinement de nos requestes; et les graces que Dieu nous veut faire, il nous les fait par l'entremise ou intercession de nos bons Anges.

  A006000165 

 Or, voyez donc l'estat que nous devons faire de leur assistance et du soin qu'elles ont pour nous..

  A006000165 

 Si nous sommes accablés d'ennuy et de degoust, elles nous aydent à porter nostre peyne patiemment, et prient Dieu qu'il nous donne la force de la porter comme il faut pour ne point succomber en la tentation.

  A006000166 

 Ne pouvoit-il pas bien dire à l'oreille de son beau-pere saint Joseph: Allons nous en en Egypte, nous y serons tel temps? puisque c'est une chose toute asseurée qu'il avoit l'usage de raison dés l'instant de sa conception aux entrailles de la tres-sainte Vierge; mais il ne vouloit pas faire ce miracle de parler devant que le temps fust venu.

  A006000167 

 Et maintenant nous autres, serons-nous si osés de dire que nous nous gouvernerons bien nous mesmes, comme n'ayans plus besoin de direction ni de l'ayde de ceux que Dieu nous a donnés pour nous conduire, ne les estimant assez capables pour nous? Dites-moy, l'Ange estoit-il plus que Nostre Seigneur ou Nostre Dame? avoit-il meilleur esprit et plus de jugement? Nullement.

  A006000168 

 Mais qui m'asseurera que c'est la volonté de Dieu? Nous voudrions que Dieu nous revelast toutes choses par des secrettes inspirations.

  A006000168 

 Nous voudrions, par adventure, estre enseignés et instruits par Dieu mesme, par la voye des extases ou ravissemens et visions, et que sçay-je, moy? semblables niaiseries que nous forgeons en nos esprits, plustost que de nous sousmettre à la voye tres aymable et commune d'une sainte sousmission à la conduite de ceux que Dieu nous a donnés, et à l'observance de la direction tant des Regles que des Superieurs..

  A006000168 

 Voudrions nous attendre qu'il nous envoyast des Anges pour nous annoncer ce qui est de sa volonté? Il ne le fit pas à Nostre Dame mesme (au moins en ce subjet), ains voulut la luy faire sçavoir par l'entremise de saint Joseph, auquel elle estoit subjette comme à son superieur.

  A006000168 

 À quelle raison donne-t'on ceste charge? pourquoy a-t'on dit cela? à quelle fin fait-on une telle chose à celle cy plustost qu'à l'autre? Grande pitié, dés qu'une fois on s'est laissé aller à esplucher tout ce que l'on void faire! Que ne faisons nous pas pour perdre la tranquillité de nos cœurs? Il ne nous faut point d'autres raisons sinon que Dieu le veut ainsi, et cela nous doit suffire.

  A006000169 

 Qu'il nous suffise donc de sçavoir que Dieu veut que nous obeissions, sans nous amuser à la consideration de la capacité de ceux à qui nous devons obeir; ainsi nous assujettirons nos esprits à marcher tout simplement en la tres heureuse voye d'une sainte et tranquille humilité, qui nous rendra infiniment agreables à Dieu..

  A006000170 

 Le pauvre saint Joseph n'eust-il pas eu raison de faire quelque replique? Vous me dites que je parte; est-ce si promptement? Tout à ceste heure: pour nous monstrer la promptitude que le Saint Esprit requiert de nous lors qu'il nous dit: Leve toy, sors de toy-mesme et de telle imperfection.

  A006000170 

 Par ceste façon de proceder entre l'Ange et saint Joseph nous sommes enseignés, en troisiesme lieu, comment nous nous devons embarquer sur la mer de la divine Providence, sans biscuit, sans rames, sans avirons, sans voiles, et en fin sans nulle sorte de provisions; et ainsi laisser tout le soin de nous-mesmes et du succes de nos affaires à Nostre Seigneur, sans retours ni repliques, ni craintes quelconques de ce qui nous pourroit arriver.

  A006000171 

 Saint Joseph n'eust-il pas peu dire à l'Ange: Vous me dites que je meine l'Enfant et la Mere; dites-moy donc, s'il vous plaist, de quoy les nourriray-je en chemin? car vous sçavez bien, mon seigneur, que nous n'avons point d'argent.

  A006000172 

 Est-ce si grande merveille de nous voir broncher quelquefois? Mais je suis si miserable, si remplie d'imperfection! Le cognoissez-vous bien? benissez Dieu dequoy il vous a donné ceste cognoissance, et ne vous lamentez pas tant: vous [48] estes bien-heureuse de cognoistre que vous n'estes que la misere mesme.

  A006000172 

 Il n'y? certes que le trop grand soin que nous avons de nous-mesmes qui nous fasse perdre la tranquillité de nostre esprit et qui nous porte à des humeurs bijarres et inegales, car dés que quelques contradictions nous arrivent, voire quand nous appercevons seulement un petit trait de nostre immortification, ou quand nous commettons quelque defaut, pour petit qu'il soit, il nous semble que tout est perdu.

  A006000172 

 Mais je considere qu'il n'est pas seulement requis de nous reposer en la divine Providence pour ce qui regarde les choses temporelles, ains beaucoup plus pour ce qui appartient à nostre vie spirituelle et à nostre perfection.

  A006000173 

 Nous avons des tendretés sur nos corps qui sont grandement contraires à la perfection; mais plus, sans comparaison, celles que nous avons sur nos esprits.

  A006000174 

 Je le croy, mais est-elle comparable à celle de laquelle nous venons de parler? Il ne se peut; et si cela est, considerez, je vous prie, si nous avons raison de nous en plaindre et lamenter, puisque saint Joseph ne se plaint point, ni n'en tesmoigne rien en son exterieur: il n'en est point plus amer en sa conversation, il n'en fit pas la mine à Nostre Dame, il ne la traitta point mal; ains simplement il souffre sa peine, et ne veut faire autre chose que la quitter: Dieu sçait ce qu'il pouvoit faire en ce sujet.

  A006000174 

 Mon aversion, dira quelqu'un, est si grande envers ceste personne, que je ne luy sçaurois presque parler qu'avec une grande peine, ceste action me desplaist si fort! C'est tout un, il n'en faut point pourtant entrer en bijarrerie contre elle, comme si elle en pouvoit mais; ains il se faut comporter comme Nostre Dame et saint Joseph: il faut estre tranquille en nostre peine, et laisser le soin à Nostre Seigneur de nous l'oster quand il luy plaira Il estoit bien au pouvoir de Nostre Dame d'apaiser ceste bourrasque, mais elle ne le voulut pourtant pas faire, ains laissa pleinement l'issue de ceste affaire à la divine Providence..

  A006000175 

 De mesme, en nostre luth spirituel, ce sont deux choses egalement discordantes et necessaires d'estre accordées, d'avoir un grand soin de nous perfectionner, et n'avoir point de soin de nostre perfection, ains le laisser entierement à Dieu: je veux dire, qu'il [50] faut avoir le soin que Dieu veut que nous ayons de nous perfectionner, et neantmoins luy laisser le soin de nostre perfection.

  A006000175 

 Dieu veut que nous ayons un soin tranquille et paisible, qui nous fasse faire ce qui est jugé propre par ceux qui nous conduisent, et aller fidellement tousjours avant dans le chemin qui nous est marqué par les Regles et Directoires qui nous sont donnés; et quant au reste, que nous nous en reposions en son soin paternel, taschant tant qu'il nous sera possible de tenir nostre ame en paix, car la demeure de Dieu a esté faite en paix, et au cœur paisible et bien reposé.

  A006000175 

 Il nous faut donc laisser le soin de nous-mesmes à la mercy de la divine Providence, et faire neantmoins tout bonnement et simplement ce qui est en nostre pouvoir pour nous amender et perfectionner, prenant tousjours soigneusement garde de ne point laisser troubler et inquieter nos esprits.

  A006000175 

 Mais quand elle est troublée, inquietée et agitée des diverses bourrasques des passions, et que l'on se laisse gouverner par elles et non par la raison qui nous rend semblables à Dieu, lors nous ne sommes nullement capables de representer la belle et tres-aymable image de Nostre Seigneur crucifié, ni la diversité de ses excellentes vertus, ni nostre ame ne peut pas estre capable de luy servir de lict nuptial.

  A006000176 

 Je remarque en fin que l'Ange dit à saint Joseph qu'il demeurast en Egypte jusques à ce qu'il l'advertist de revenir, et que le bon Saint ne luy dit point: Et quand sera-ce, Seigneur, que vous me le direz? pour nous enseigner que quand on nous fait commandement d'embrasser quelque exercice, il ne faut pas dire: Sera-ce pour long temps? ains il le faut embrasser tout simplement, imitant la parfaite obeissance d'Abraham, lors que Dieu luy commanda de luy sacrifier son fils.

  A006000177 

 De mesme, mes filles, quand on nous donne quelque charge ne disons pas: Mon Dieu! je suis si brusque, si l'on me donne telle charge je feray mille traits d'empressement; je suis desja si distraite, si l'on me donne un tel office je le seray bien plus; mais si l'on me laissoit dans ma cellule, je serois si modeste, si tranquille, si recueillie.

  A006000177 

 Et ne sçavez-vous pas ce que je vous ay desja dit autrefois et qu'il n'est pas mauvais de redire, que la vertu ne requiert pas que nous soyons privés de l'occasion de trebucher en l'imperfection qui luy est contraire? « Il ne suffit pas, » dit Cassian, « pour estre patient et bien doux en soy-mesme, d'estre privé de la conversation des hommes; car il m'est arrivé, estant en ma cellule tout seul, de me passionner quand mon fusil ne prenoit pas feu, » tellement que je le jettois par colere..

  A006000177 

 Il ne seroit pas bien de prendre des charges et offices par sa propre election, de crainte que nous n'y fissions pas nostre devoir: mais quand c'est par obeissance, n'apportons jamais nulle excuse; car Dieu est pour nous, et nous fera profiter davantage en la perfection que si nous n'avions rien à faire.

  A006000177 

 Ne pouvoit-il pas bien dire: Vous me faites emporter l'Enfant; vous nous faites fuir un ennemy, et vous nous allez mettre entre les mains de mille et mille autres que nous trouverons en Egypte, d'autant que nous sommes d'Israël.

  A006000185 

 Il faut de plus, outre l'entremise de la raison, qu'il y ayt une certaine correspondance, ou de vocation ou de pretention ou de qualité, entre ceux qui contractent de l'amitié: ce que l'experience nous enseigne clairement, car n'est-il pas vray qu'il n'y a point de plus vraye amitié ni de plus forte que celle qui est entre les freres? L'on n'appelle pas l'amour que les peres portent à leurs enfans amitié, ni celuy que les enfans ont pour leurs peres, parce qu'il n'y a pas ceste correspondance dont [55] nous parlons, ains sont differens: l'amour des peres estant un amour majestueux et plein d'authorité, et celuy des enfans pour leurs peres, un amour de respect et de sousmission; mais entre les freres, à cause de la ressemblance de leur condition, la correspondance de leur amour fait une amitié ferme, forte et solide.

  A006000186 

 Ce qui est dit de Dieu se doit aussi entendre de l'amour du prochain, pourveu toutesfois que l'amour de Dieu surnage tousjours au dessus et tienne le premier rang: mais apres, nous devons aymer nos Sœurs de toute l'estendue de nostre cœur, et ne nous contenter pas de les aymer comme nous-mesme, ainsi que les commandemens de Dieu nous obligent; mais nous les devons aymer plus que nous-mesme, pour observer les regles de la perfection evangelique, qui requiert cela de nous.

  A006000186 

 Et tout ainsi qu'il a fait tout ce qui se pouvoit pour nous, excepté de se damner (car il ne le pouvoit ni devoit faire, parce qu'il ne pouvoit pecher, qui est cela seul qui nous conduit à la damnation), il veut, et la regle de la perfection le requiert, que nous fassions tout ce que nous pouvons les uns pour les autres, excepté de nous damner; mais hors de là, nostre amitié doit estre si ferme, cordiale et solide, que nous ne [57] refusions jamais de faire ou de souffrir quoy que ce soit pour nostre prochain et pour nos Sœurs..

  A006000186 

 Et tout ainsi que Nostre Seigneur nous a tousjours preferés à luy-mesme, et le fait encor autant de fois que nous le recevons au tres-saint Sacrement, se faisant nostre viande, de mesme veut-il que nous ayons un amour tel les uns pour les autres, que nous preferions tousjours le prochain à nous.

  A006000186 

 Il faut donques que nous sçachions que l'amour a son siege dans le cœur, et que jamais nous ne pouvons [56] trop aymer nostre prochain ni exceder les termes de la raison en cest amour, pourveu qu'il reside dans le cœur; mais quant aux tesmoignages de cest amour nous pouvons bien faillir et exceder, passant outre les regles de la raison.

  A006000187 

 L'affabilité est celle qui respand une certaine suavité dans les affaires et communications serieuses que nous avons les uns parmi les autres; la bonne conversation est celle qui nous rend gratieux et agreables dans les recreations et communications moins serieuses que nous avons avec nostre prochain.

  A006000188 

 Ainsi voyons-nous qu'il ne nous faut pas estonner si nous ne sommes pas esgalement doux et suaves, pourveu que nous aymions nostre prochain de l'amour du cœur, selon toute son estendue, et comme Nostre Seigneur nous a aymés: c'est à dire plus que nous-mesmes, le preferant tousjours à nous en toutes choses dans l'ordre de la sainte charité, et ne luy refusant jamais rien que nous puissions contribuer [60] pour son utilité, excepté de nous damner, ainsi que nous avons desja dit.

  A006000188 

 C'est bien la verité, que nous devons tous avoir ceste pretention d'atteindre et donner droit dans le blanc de la vertu, laquelle nous devons desirer ardemment: [59] mais pourtant nous ne devons pas perdre courage quand nous ne rencontrons pas droittement l'essence de la vertu, ni nous estonner, pourveu que nous donnions dans le rond, c'est à dire au plus pres que nous pourrons; car c'est une chose que les Saints mesmes n'ont pas sceu faire en toutes les vertus, n'y ayant que Nostre Seigneur et Nostre Dame qui l'ayent peu faire.

  A006000188 

 Il faut pourtant tascher de rendre autant que nous pourrons les tesmoignages exterieurs de nostre affection conformément à la rayson; rire avec les rians, pleurer avec ceux qui pleurent..

  A006000188 

 La vertu de bonne conversation requiert que l'on contribue à la joye sainte et moderée, et aux entretiens gratieux qui peuvent servir de consolation ou de recreation au prochain, en sorte que nous ne luy causions point d'ennuy par nos contenances refrongnées et melancoliques, ou bien refusant de nous recreer au temps qui est destiné pour ce faire.

  A006000188 

 Nous avons desja traitté de ceste vertu en l'Entretien de la Modestie; voila pourquoy je passe outre, et dis que c'est une chose fort difficile de rencontrer tousjours le blanc auquel on vise.

  A006000189 

 Ainsi, mes cheres filles, il faut tesmoigner que nous aymons nos Sœurs et que nous nous plaisons avec elles, pourveu que la sainteté accompagne tousjours les tesmoignages que nous leur rendons de nostre affection, et que Dieu n'en puisse pas, non seulement estre offensé, mais qu'il en puisse estre glorifié et loué.

  A006000189 

 C'estoit la coustume d'user des baisers quand les Chrestiens se rencontroyent; Nostre Seigneur usoit aussi envers ses Apostres de ceste forme de salutation, ainsi que nous apprenons en la trahison de Judas.

  A006000189 

 Je dis qu'il faut tesmoigner que nous aymons nos Sœurs (et cecy est la seconde partie de la question) sans user de familiarité indecente: la Regle le dit, mais voyons ce qu'il faut faire de cecy.

  A006000189 

 Le mesme saint Paul qui nous enseigne de faire que nos affections soient tesmoignées saintement, veut et nous enseigne de le faire gratieusement, nous en donnant l'exemple: Saluez, dit-il, un tel, qui [61] sçait bien que je l'ayme de cœur, et un tel, qui doit estre asseuré que je l'ayme comme mon frere, et en particulier sa mere, qui sçait bien qu'elle est aussi la mienne..

  A006000190 

 C'est à ceux qui ont plus besoin de nous auxquels nous devons tesmoigner nostre amour plus particulierement; car c'est là où nous monstrons mieux que nous aymons par charité, que non pas en aymant ceux qui nous donnent plus de consolation que de peine.

  A006000190 

 Je dis à cela, que bien que nous soyons obligés d'aymer davantage ceux qui sont plus vertueux, de l'amour de complaisance, nous ne les devons pas pourtant plus aymer de l'amour de bienveuillance, et ne leur devons pas tesmoigner plus de signes d'amitié; et cela pour deux raisons.

  A006000190 

 Mais hors de là, il faut tascher de faire que nous aymions tous esgalement, puisque Nostre Seigneur n'a pas dit: Aymez ceux qui sont plus vertueux, ains indifferemment: Aymez-vous les uns les autres ainsi que je vous ay aymés, sans en exclure aucun, pour imparfait qu'il soit..

  A006000191 

 La seconde raison pour laquelle nous ne devons pas rendre des tesmoignages d'amitié aux uns plus qu'aux autres, et ne devons nous laisser aller à les aymer davantage, est que nous ne pouvons pas juger qui sont [62] les plus parfaits et qui ont le plus de vertu; car les apparences exterieures sont trompeuses, et bien souvent ceux qui vous semblent estre les plus vertueux (comme j'ay dit autre part) ne le sont pas devant Dieu, qui est celuy-là seul qui peut les recognoistre.

  A006000192 

 Et toutes doivent sçavoir que nous les aymons de cest amour du cœur; et partant il n'est pas besoin d'user de tant de paroles, que nous les aymons cherement, que nous avons une certaine inclination à les aymer particulierement, [63] et autres semblables; car pour avoir une inclination pour une plus que pour les autres, l'amour que nous luy portons n'en est pas plus parfait, ains peut estre, plus sujet à changement à la moindre petite chose qu'elle nous fera.

  A006000192 

 Il faut donc nous tenir en l'affection que nous devons avoir pour nos Sœurs le plus esgalement que nous pourrons, pour les raisons susdites.

  A006000192 

 Que si tant est qu'il soit vray que nous ayons de l'inclination à en aymer une plustost que l'autre, nous ne devons nous amuser à y penser, et encor moins à le luy dire; car nous ne devons pas aymer par inclination, ains aymer nostre prochain, ou parce qu'il est vertueux, ou pour l'esperance que nous avons qu'il le deviendra, mais principalement parce que telle est la volonté de Dieu..

  A006000193 

 C'est à ce souverain degré de l'amour du prochain que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, sommes appellés; car, ce [64] n'est pas assez d'assister le prochain de nos commodités temporelles, ce n'est pas encor assez, dit saint Bernard, d'employer nostre propre personne à souffrir pour cest amour: mais il faut passer plus avant, nous laissant employer pour luy par la tres-sainte obeissance, et par luy tout ainsi que l'on voudra, sans que jamais nous y resistions.

  A006000193 

 Car quand nous nous employons nous-mesmes, et par le choix de nostre propre volonté ou propre election, cela donne tousjours beaucoup de satisfaction à nostre amour propre; mais à nous laisser employer es choses que l'on veut, et que nous ne voulons pas, c'est à dire que nous ne choisissons pas, c'est là où gist le souverain degré de l'abnegation: comme quand nous voudrions prescher, on nous envoye servir les malades; quand nous voudrions prier pour le prochain, on nous envoye servir le prochain.

  A006000193 

 En quoy il nous apprend que de s'employer, voire de donner sa vie pour le prochain, n'est pas tant que de se laisser employer au gré des autres, ou par eux ou pour eux; et ce fut ce qu'il avoit appris de nostre doux Sauveur sur la croix.

  A006000193 

 O mieux vaut tousjours, sans comparaison, ce que l'on nous fait faire (j'entends ce qui n'est pas contraire à Dieu et qui ne l'offense point) que ce que nous faisons ou choisissons à faire nous-mesme..

  A006000193 

 Or pour bien tesmoigner que nous l'aymons, il faut luy procurer tout le bien que nous pouvons, tant pour l'ame que pour le corps, priant pour luy, et le servant cordialement quand l'occasion s'en presente: d'autant que l'amitié qui se termine en belles paroles n'est pas grand'chose, et n'est pas s'aymer comme Nostre Seigneur nous a aymés, lequel ne s'est pas contenté de nous asseurer qu'il nous aymoit, mais a voulu passer plus outre, en faisant tout ce qu'il a fait pour preuve de son amour.

  A006000194 

 Aymons-nous donc bien les uns les autres, et nous servons pour cela de ce motif qui est si preignant pour nous exciter à ceste sainte dilection, que Nostre Seigneur sur la croix respandit jusques à la derniere goutte de son sang sur la terre, comme pour faire un ciment sacré duquel il vouloit cimenter, unir, conjoindre et attacher toutes les pierres de son Eglise, qui sont les fidelles, les uns avec les autres, à fin que ceste union fust tellement forte qu'il ne s'y trouvast jamais aucune division, tant il craignoit que ceste division ne causast la damnation eternelle..

  A006000195 

 Et neantmoins nostre doux [65] Sauveur avoit des pensées d'amour pour eux, nous en donnant un exemple du tout inimaginable en ce qu'il excuse ceux qui le crucifioyent et l'injurioyent d'une rage toute barbare, et cherche des inventions pour faire que son Pere leur pardonne en l'acte mesme du peché et de l'injure.

  A006000195 

 Le support des imperfections du prochain est un des principaux points de cest amour: Nostre Seigneur nous l'a monstré sur la croix, lequel avoit un cœur si doux envers nous et nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui luy causoyent la mort, et qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire, car le peché que les Juifs commirent fut un monstre de meschanceté.

  A006000195 

 O que nous sommes miserables nous autres mondains! car à peine pouvons-nous oublier une injure que l'on nous a faite, long temps apres que nous l'avons receuë.

  A006000196 

 Et par ainsi, ceste confiance nourrirait grandement la cordialité et la tranquillité de nos esprits, qui sont sujets à se troubler quand nous sommes recognus defaillans en quelque chose, pour petite qu'elle soit, comme si c'estoit grande merveille de nous voir imparfaits..

  A006000196 

 Il ne se faut pas donc estonner ni descourager quand nous commettons des imperfections et des defauts devant nos Sœurs; ains au contraire, il faut estre bien aises que nous soyons recognuës pour telles que nous sommes.

  A006000196 

 Je ne dis pas que si on avoit quelque don extraordinaire de Dieu il faille le dire à tout le monde, non; mais quant à nos petites consolations et nos petits biens, [66] je voudrois que l'on ne fist pas les reservées, ains que, quand l'occasion s'en presenteroit, non par forme de jactance ou vanterie, ains de simple confiance, l'on se les communiquast rondement et naïfvement les unes aux autres; et pour ce qui regarde nos defauts, que nous ne nous missions pas en peine de les couvrir; car pour ne les laisser pas voir au dehors ils n'en sont pas meilleurs.

  A006000203 

 Ce que j'ay dit que nous devons rendre nostre amour si esgal envers les Sœurs, que nous en ayons autant pour les unes que pour les autres, cela veut dire autant que nous le pouvons; car il n'est pas en nostre pouvoir d'avoir autant de suavité en l'amour que nous avons pour celles à qui nous avons moins d'alliance et correspondance d'humeur, qu'avec les autres, avec lesquelles nous avons de la sympathie.

  A006000203 

 Mais cela n'est rien; l'amour de charité doit estre general, et les signes et [68] tesmoignages de nostre amitié esgaux, si nous voulons estre vrayes servantes de Dieu..

  A006000205 

 Nous ne sçaurions bonnement cognoistre nos paroles oyseuses; il s'en dit peu en ces maisons de Religieuses observantes.

  A006000207 

 Quand nous tendons à la perfection, il faut tendre au blanc, et ne se pas mettre en peine quand nous ne rencontrons pas tousjours.

  A006000211 

 L'humilité, c'est de faire quelque acte pour s'humilier; l'habitude est d'en faire à toute rencontre et en toutes occasions qui s'en presentent; mais l'esprit d'humilité est de se plaire en l'humiliation, de rechercher l'abjection et l'humilité parmi toutes choses: c'est à dire, qu'en tout ce que nous faisons, disons ou desirons, nostre but principal soit de nous humilier et avilir, et que nous nous plaisions à rencontrer nostre propre abjection en toutes occasions, en aymant cherement la pensée.

  A006000212 

 C'est une bonne pratique d'humilité de ne regarder [71] les actions d'autruy que pour en remarquer les vertus et non jamais les imperfections; car tandis que nous n'en avons point de charge il ne faut point tourner nos yeux de ce costé là, ni moins nostre consideration.

  A006000212 

 Es choses evidemment mauvaises, il nous faut avoir compassion et nous humilier des defauts du prochain comme des nostres propres, et prier Dieu pour leur amendement, d'un mesme cœur que nous ferions pour le nostre si nous estions sujets aux mesmes defauts.

  A006000212 

 Il faut tousjours interpreter en la meilleure part qu'il se peut ce que nous voyons faire à nostre prochain; et és choses douteuses, il nous faut persuader que ce que nous avons apperceu n'est point mal, ains que c'est nostre imperfection qui nous cause telle pensée, à fin d'eviter les jugemens temeraires sur les actions d'autruy, qui est un mal tres dangereux et lequel nous devons souverainement detester.

  A006000213 

 Mais que pourrons-nous faire, dites-vous, pour acquerir cet esprit d'humilité tel que nous avons dit? O! il n'y a point d'autre moyen pour l'acquerir que pour toutes les autres vertus, qui ne s'acquierent que par des actes reiterés..

  A006000214 

 L'humilité nous fait aneantir en toutes les choses qui ne sont pas necessaires pour nostre advancement en la grace, comme seroit de bien parler, avoir un beau maintien, de grands talents pour le maniement des choses exterieures, un grand esprit, de l'eloquence, et semblables; car en ces choses exterieures il faut desirer que les autres y fassent mieux que nous.

  A006000219 

 Ce que pour mieux entendre, il faut sçavoir qu'il y a en nous deux sortes de biens: les uns qui sont en nous et de nous, et les autres qui sont en nous, mais non pas de nous.

  A006000219 

 Et qu'il ne soit ainsi, y a-t'il rien de moins asseuré que les richesses, qui dependent du temps et des saisons? que la beauté, qui se ternit en moins de rien? il ne faut qu'une dertre sur le visage pour en oster l'esclat; et pour ce qui est des sciences, un petit trouble de cerveau nous fait perdre et oublier tout ce que nous en sçavions.

  A006000219 

 L'humilité donc n'est autre chose qu'une parfaite recognoissance que nous ne sommes rien qu'un pur neant, et elle nous fait tenir en ceste estime de nous-mesmes.

  A006000219 

 Mais d'autant qu'elle, nous fait plus abaisser et humilier par la cognoissance de ce que nous sommes de nous-mesmes, par le peu d'estime qu'elle fait de tout ce qui est en nous et de nous, d'autant aussi nous fait-elle grandement estimer à cause des biens qui sont en nous, et non pas de nous, qui sont la foy, l'esperance, l'amour de Dieu, pour peu que nous en ayons, comme aussi une certaine capacité que Dieu nous a donnée de nous unir à luy par le moyen de la grace; et quant à nous autres, nostre vocation, qui nous donne asseurance, autant que nous la pouvons avoir en ceste vie, de la possession de la gloire et felicité eternelle.

  A006000219 

 Or, l'humilité nous empesche de nous glorifier et estimer à cause de ces biens là, d'autant qu'elle n'en fait non plus de cas que d'un neant et d'un rien; et en effet, cela se doit par raison, n'estant point des biens stables et qui nous rendent plus agreables à Dieu, ains muables et sujets à la fortune.

  A006000219 

 Quand je dis que nous avons des biens qui sont de nous, je ne veux pas dire qu'ils ne viennent de Dieu et que nous les ayons de nous-mesmes; car en verité, de nous-mesmes nous n'avons autre chose que la misere et le neant: mais je veux dire que ce sont des biens que Dieu a tellement mis en nous qu'ils semblent estre de nous; et ces biens sont la santé, les richesses, [74] les sciences, et autres semblables.

  A006000220 

 Ils ont tres-grand tort; car les biens que Dieu a mis en nous veulent estre recognus, estimés et grandement honnorés, et non pas tenus au mesme rang de la basse estime que nous devons faire de ceux qui sont en nous et qui sont de nous.

  A006000220 

 L'humilité croid de ne pouvoir rien, eu esgard à la cognoissance de nostre pauvreté et foiblesse, entant qu'est de nous-mesmes; et au [75] contraire, la generosité nous fait dire avec saint Paul: Je puis tout en Celuy qui me conforte.

  A006000220 

 L'humilité nous fait défier de nous-mesmes, et la generosité nous fait confier en Dieu.

  A006000220 

 Non seulement les vrays Chrestiens ont recognu qu'il falloit regarder ces deux sortes de biens qui sont en nous, les uns pour nous humilier, les autres pour glorifier la divine Bonté qui les nous a donnés, mais aussi les philosophes; car ceste parole qu'ils disent: « Cognois toy-mesme, » se doit entendre non seulement de la cognoissance de nostre vileté et misere, mais encor de celle de l'excellence et dignité de nos ames, lesquelles sont capables d'estre unies à la Divinité par sa divine Bonté, qui a mis en nous un certain instinct lequel nous fait tousjours tendre et pretendre à ceste union en laquelle consiste tout nostre bonheur..

  A006000220 

 Voyez-vous, ces premiers biens dont nous avons parlé appartiennent à l'humilité pour son exercice, et ces autres à la generosité.

  A006000221 

 Et ainsi elle fait ce discours en elle-mesme: si Dieu m'appelle à un estat de perfection si haute qu'il n'y en ayt point en ceste vie de plus relevée, qu'est-ce qui me pourra empescher d'y parvenir, puisque je suis tres-asseurée que Celuy qui a commencé l'œuvre de ma perfection la parfera? Mais prenez garde que tout cecy se fait sans aucune presomption, d'autant que ceste confiance n'empesche pas que nous ne nous tenions tousjours sur nos gardes, de crainte de faillir; ains elle nous rend plus attentifs sur nous-mesmes, plus vigilans et soigneux de faire ce qui nous peut servir pour l'avancement de nostre perfection..

  A006000222 

 L'humilité ne gist pas seulement à nous défier de nous-mesmes, ains aussi à nous confier en Dieu; et la défiance de nous-mesmes et de nos propres forces produit la confiance en Dieu, et de ceste confiance naist la generosité d'esprit de laquelle nous parlons.

  A006000222 

 La tres sainte Vierge Nostre Dame nous fournit à ce sujet un exemple tres-remarquable lors qu'elle prononça ces mots: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole; car en ce qu'elle dit qu'elle est servante du Seigneur, elle fait un acte d'humilité le plus grand qui se peut faire, d'autant qu'elle oppose aux louanges que l'Ange luy donne, qu'elle sera Mere de Dieu, que l'enfant qui sortira de ses entrailles sera appellé le Fils du Tres-Haut, dignité la plus grande que l'on eust peu jamais imaginer, elle oppose, dis-je, à toutes les louanges et grandeurs sa bassesse [77] et son indignité, disant qu'elle est servante du Seigneur.

  A006000223 

 Pareillement, à faute de ceste generosité, il se fait fort peu d'actes de vraye contrition; d'autant qu'apres nous estre humiliés et confondus devant la divine Majesté en consideration de nos grandes infidelités, nous ne venons pas à faire cest acte de confiance, nous relevant le courage par une asseurance que nous devons avoir que la divine Bonté nous donnera sa grace, pour desormais luy estre fidelles et correspondre plus parfaitement à son amour.

  A006000224 

 Je responds que la generosité d'esprit ne nous permet jamais d'entrer en aucun doute.

  A006000224 

 Mais nous autres, nous sommes si joyeux que rien plus, de tesmoigner que nous sommes bien humbles et que nous avons une basse estime de nous-mesmes, et semblables choses, qui ne sont rien moins que la vraye humilité, laquelle ne nous permet jamais de resister au jugement de ceux que Dieu nous a donnés pour nous conduire..

  A006000224 

 Mais vous me demanderez s'il n'est jamais permis de douter de n'estre pas capables de faire les choses qui nous sont commandées.

  A006000224 

 Or, quand je dis que la generosité ne nous permet point de douter, c'est quant à la partie superieure; car il se pourra bien faire que l'inferieure sera toute pleine de ces doutes, et aura beaucoup de peine à recevoir la charge ou l'employ que l'on nous donne; mais de tout cela, l'ame qui est genereuse s'en mocque et n'en fait aucun estat, ains se met simplement en l'exercice de ceste charge, sans dire une seule parole ni faire aucune action pour tesmoigner le sentiment qu'elle a de son incapacité.

  A006000226 

 Nous ne devons donc jamais mettre en doute que nous ne puissions faire ce qui nous est commandé, d'autant que ceux qui nous commandent cognoissent bien nostre capacité.

  A006000227 

 Mais j'entends bien la finesse: c'est que nous craignons de n'en pas sortir à nostre honneur; nous avons nostre reputation en si grande recommandation, que nous ne voulons point estre tenus pour apprentifs en l'exercice de nos charges, ains pour maistres et maistresses qui ne font jamais des fautes..

  A006000228 

 Ces tendretés se nourrissent des vaines reflexions [81] que nous faisons sur nous-mesmes, principalement quand nous avons bronché en nostre chemin par quelque faute; car ceans, par la grace de Dieu, l'on ne tombe jamais du tout, nous ne l'avons encore point veu, mais l'on bronche; et au lieu de s'humilier tout doucement, et puis se redresser courageusement, comme nous avons dit, l'on entre en la consideration de sa pauvreté, et dessus cela l'on commence à s'attendrir sur soy-mesme.

  A006000228 

 Et par apres, l'on passe au découragement qui nous fait dire: O non, il ne faut plus rien esperer de moy, je ne feray jamais rien qui vaille, c'est perdre le temps que de me parler; et là dessus, nous voudrions quasi que l'on nous laissast là, comme si l'on estoit bien asseuré de ne pouvoir jamais rien gagner avec nous.

  A006000228 

 Et partant, la devotion de ceans doit estre une devotion forte et genereuse, comme nous avons dit plusieurs fois..

  A006000228 

 Mon Dieu, que toutes ces choses sont esloignées de l'ame qui est genereuse et qui fait une grande estime, comme nous avons dit, des biens que Dieu a mis en elle! Car elle ne s'estonne point, ni de la difficulté du chemin qu'elle a à faire, ni de la grandeur de l'œuvre, ni de la longueur du temps qu'il y faut employer, ni en fin du retardement de l'œuvre qu'elle a entreprise.

  A006000228 

 Vous entendez maintenant assez que c'est que l'esprit de force et de generosité que nous avons tant d'envie de voir ceans, à fin d'en bannir toutes les niaiseries et tendretés, qui ne servent qu'à nous arrester en nostre chemin et nous empescher de faire progres en la perfection.

  A006000229 

 Mais outre ce que nous avons dit de ceste generosité, il faut encore dire cecy, qui est que l'ame qui la possede reçoit également les secheresses et les tendresses des consolations, les ennuys interieurs, les tristesses, les accablemens d'esprit, comme les ferveurs et les prosperités d'un esprit bien plein de paix et de tranquillité.

  A006000230 

 Escoutez ces paroles qu'il dit sur la croix: Mon Dieu, mon Dieu, fourquoy m'avez-vous abandonné? Il estoit reduit à l'extremité, car il n'y avoit que la fine pointe de son esprit qui ne fust accablé de langueurs; mais remarquez qu'il se prend à parler à Dieu, pour nous montrer qu'il ne nous seroit impossible de le faire..

  A006000230 

 Le sacré Concile de Trente a determiné cela, et nous sommes obligés de croire que Dieu et sa grace ne nous abandonnent jamais en telle sorte que nous ne puissions recourir à sa bonté et protester que, contre tout le trouble de nostre ame, nous voulons estre toutes à luy et que nous ne le voulons point offencer.

  A006000230 

 Mais remarquez que tout cecy est en la partie supreme de nostre ame; et parce que la partie inferieure n'en apperçoit rien et qu'elle [83] demeure tousjours en sa peine, cela nous trouble et nous fait estimer bien miserables: et sur cela, nous commençons à nous attendrir dessus nous mesmes, comme si c'estoit une chose bien digne de compassion que de nous voir sans consolation.

  A006000230 

 Vous me direz que l'on ne peut pas emmy ces grandes tenebres faire ces considerations, veu qu'il semble que nous ne pouvons pas seulement dire une parole à Nostre Seigneur.

  A006000231 

 Et qu'importe? Nous sommes certes comme des enfans, lesquels sont bien aises d'aller dire à leur mere qu'ils ont esté piqués d'une abeille, à fin que la mere les plaigne et souffle sur le mal qui est desja gueri; car nous voulons aller dire à [84] nostre Mere que nous avons esté bien affligées, et agrandir nostre affliction, la racontant toute par le menu, sans oublier une petite circonstance qui nous puisse faire un peu plaindre.

  A006000231 

 Or ne voila pas des enfances tres-grandes? Si nous avons commis quelques infidelités, bon de les dire; si nous avons esté fidelles il le faut aussi dire, mais courtement, sans exagerer ni l'un ni l'autre; car il faut tout dire à ceux qui ont la charge de nos ames..

  A006000231 

 Qui est mieux en ce temps, dites-vous, de parler à Dieu de nostre peine et de nostre misere, ou bien de luy parler de quelque autre chose? Je vous dis qu'en cecy, comme en toute sorte de tentations, il est mieux de divertir nostre esprit de son trouble et de sa peine, parlant à Dieu de quelque autre chose, que non pas de luy parler de nostre douleur; car indubitablement, si nous le voulons faire, ce ne sera point sans un attendrissement que nous ferons sur nostre cœur, agrandissant tout de nouveau nostre douleur, nostre nature estant telle qu'elle ne peut voir ses douleurs sans en avoir une grande compassion.

  A006000236 

 O mon Dieu, que nous serions heureux si nous pouvions nous accoustumer à faire ceste response à nos cœurs lors qu'ils sont en soucy de quelque chose: Nostre Seigneur y pourvoira; et qu'apres cela nous n'eussions plus d'anxieté, de trouble ni d'empressement, non plus qu'Isaac! car il se tut apres, croyant que le Seigneur y pourvoiroit, ainsi que son pere luy avoit dit..

  A006000237 

 Grande est certes la confiance que Dieu requiert que nous ayons en son soin paternel et en sa divine providence: mais pourquoy ne l'aurions-nous pas, veu que jamais personne n'y a peu estre trompé? Nul ne se confie en Dieu, qui ne retire les fruicts de sa confiance.

  A006000237 

 Je dis cecy entre nous autres; car quant aux gens du monde, bien souvent leur confiance est accompagnée d'apprehension; c'est pourquoy elle n'est de nulle valeur devant Dieu.

  A006000240 

 Allez donc pleines de courage faire ce à quoy vous estes appellées, mais allez en simplicité; si vous avez des apprehensions, dites à vostre ame: Le Seigneur nous pourvoira; si les considerations de vostre foiblesse vous travaillent, jettez-vous en Dieu et vous confiez en luy.

  A006000241 

 Sans doute, nous avons grand sujet de craindre quand nous recherchons les charges et les offices, soit en Religion, soit [91] ailleurs, et qu'elles nous sont données sur nostre poursuite; mais quand cela n'est point, ployons humblement le col sous le joug de la sainte obeissance et acceptons de bon cœur le fardeau; humilions-nous, car il le faut tousjours faire, mais ressouvenons-nous tousjours d'establir la generosité sur les actes de l'humilité, car autrement ces actes d'humilité ne vaudroyent rien..

  A006000242 

 Si on vous donne des obeissances en la Religion qui vous semblent dangereuses, comme sont les superiorités, ne les refusez point; si l'on ne vous en donne point, ne les desirez point, et ainsi de toutes choses: j'entends des choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons et devons desirer et demander à Dieu; l'amour de Dieu les comprend toutes.

  A006000244 

 C'est peu [94] de chose que ceste separation corporelle, aussi bien la faudroit-il faire un jour, veuillons nous ou non; mais la separation des cœurs et desunion des esprits, c'est cela seul qui est à redouter.

  A006000244 

 Mais ce qui nous doit faire aller et demeurer de bon cœur, mes cheres filles, c'est la certitude presque infaillible que nous devons avoir que ceste separation ne se fait que quant au corps, car quant à l'esprit vous demeurerez tousjours tres uniquement unies.

  A006000244 

 Or quant à nous autres, non seulement nous demeurerons tous jours unis par ensemble, mais bien plus, car nostre union s'ira tous les jours plus perfectionnant, et ce doux et tres-aymable lien de la sainte charité sera tousjours de plus en plus serré et renoué à mesure que nous nous avancerons en la voye de nostre propre perfection; car nous rendant plus capables de nous unir à Dieu, nous nous unirons davantage les uns aux autres, si qu'à chaque Communion que nous ferons nostre union sera rendue plus parfaite, car nous unissant avec Nostre Seigneur nous demeurerons tousjours plus unis ensemble: aussi la reception sacrée de ce Pain celeste et de ce tres-adorable Sacrement s'appelle Communion, c'est à dire comme union.

  A006000245 

 Toutes, sans doute, mes cheres filles, avez besoin de beaucoup de vertus et de soin de les pratiquer tant pour s'en aller que pour demeurer: car comme celles qui s'en vont ont besoin de beaucoup de courage et de confiance en Dieu pour entreprendre amoureusement et avec esprit d'humilité ce que Dieu desire d'elles, vainquant tous les petits ressentimens qui leur pourroyent venir de quitter la maison en laquelle Dieu les a premierement logées, les Sœurs qu'elles ont si cherement aymées et la conversation desquelles leur apportoit tant de consolation en l'ame, la tranquillité de leur retraitte qui est si chere, les parens, les cognoissances, et que sçay-je moy? plusieurs choses auxquelles la nature s'attache tandis que nous vivons en ceste vie; celles qui demeurent ont de mesme besoin et necessité de courage, tant pour perseverer en la pratique de la sainte sousmission, humilité et tranquillité, qu'aussi pour se preparer de sortir quand il leur sera commandé, puisque ainsi que vous voyez, vostre Institut, mes cheres Sœurs, va s'estendant de toutes parts en tant de divers lieux.

  A006000246 

 Mais qui eust peu croire cela, puisqu'en les enserrant dans leur petite maison nous ne pensions à autre chose que de les faire mourir au monde? Elles furent sacrifiées, ains elles se sacrifierent elles-mesmes volontairement; et Dieu se contenta tellement de leur sacrifice, qu'il ne leur donna pas seulement une nouvelle vie pour elles-mesmes, ains une vie si abondante qu'elles la peuvent par sa grace communiquer à plusieurs ames, ainsi que l'on void maintenant..

  A006000248 

 Il est mieux que nous ne les voyions point en nous, car cela nous tient en humilité et nous donne plus de sujet de nous mesfier de nos forces et de nous-mesmes, et fait que nous jettons plus absolument toute nostre confiance en Dieu.

  A006000248 

 Ne nous amusons point à desirer ni à pretendre rien, laissons-nous tout à fait entre les mains de la divine Providence, qu'elle fasse de nous ce qu'il luy plaira; car à quel propos desirer une chose plustost qu'une autre? tout ne nous doit-il pas estre indifferent? Pourveu que nous plaisions à Dieu, et que nous aymions sa divine volonté, cela nous doit suffire.

  A006000248 

 Quand la charge que l'on nous donne est honnorable devant les hommes, tenons-nous humbles devant Dieu; quand elle est plus abjecte devant les hommes, tenons-nous plus honnorés devant la divine Bonté.

  A006000248 

 Quand on nous donneroit le choix, les plus abjects seroyent les plus desirables et ceux qu'il faudrait embrasser plus amoureusement; mais cela n'estant pas à nostre choix, embrassons les uns comme les autres d'un mesme cœur.

  A006000248 

 Quant à moy, j'admire comment il se peut faire que nous ayons plus d'inclination d'estre employés à une chose qu'à une autre, estant en Religion principalement, où une charge et une besogne est autant agreable à Dieu qu'une autre, puisque c'est l'obeissance qui donne le prix à tous les exercices de la Religion.

  A006000248 

 Tant que nous n'avons pas besoin de la pratique d'une vertu, il est mieux que nous ne l'ayons pas; quand nous en aurons besoin, [98] pourveu que nous soyons fidelles en celles dont nous avons presentement la pratique, tenons-nous asseurés que Dieu nous donnera chaque chose en son temps.

  A006000258 

 Et ne faudroit pas jamais douter que Dieu nous manquast, car son amour est infini pour l'ame qui se repose en luy.

  A006000258 

 O que nous serions heureux si nous faisions tout pour nostre aymable Colombeau qui est le Saint Esprit! car il prendroit le soin de nous; et à mesure que nostre confiance par laquelle nous nous reposerions en sa providence seroit plus grande, plus aussi son soin s'estendroit sur toutes nos necessités.

  A006000258 

 O quelle agreable et profitable loy est celle-cy, de ne rien faire que pour Dieu et luy laisser tout le soin de nous-mesmes! Je ne dis pas seulement pour ce qui regarde le temporel, car je n'en veux pas parler où il n'y a que nous autres, cela s'entend assez sans le dire; mais je dis pour ce qui regarde le spirituel et l'avancement de nos ames en la perfection.

  A006000259 

 Ce desir est celuy que nous avons apporté venant en Religion, qui est d'embrasser les vertus religieuses, c'est l'une des branches de l'amour de Dieu et l'une des plus hautes qui soit en cest arbre divin; mais ce desir ne se doit pas estendre plus loin que les moyens qui nous sont marqués dans nos Regles et Constitutions pour parvenir à ceste perfection que nous avons pretendu d'acquerir en nous obligeant à la poursuite; ains il le faut couver et fomenter tout le temps de nostre vie, à fin de faire que ce desir devienne un beau petit colombeau qui puisse ressembler à son Pere, qui est la perfection mesme.

  A006000259 

 Et ce pendant, n'ayons autre attention que de nous tenir sur nos œufs, c'est à dire ramassés dans les moyens qui nous sont prescrits pour nostre perfection, laissant tout le soin de nous-mesmes à nostre unique et tres-aymable Colombeau, qui ne permettra pas que rien nous manque de ce qui nous sera necessaire pour luy plaire..

  A006000259 

 Mais qu'est-ce que nos œufs, lesquels il faut que nous couvions jusques à ce qu'ils soyent esclos pour avoir des petits colombeaux? Nos œufs sont nos desirs, lesquels estant bien couvés et fomentés, les colombeaux en proviennent, qui sont les effets de nos desirs; mais entre nos desirs, il y en a un qui est sureminent au dessus de tout autre, et qui merite grandement d'estre bien couvé et fomenté pour plaire à nostre divin paron le Saint Esprit, lequel veut tousjours estre appellé l'Espoux sacré de nos ames, tant sa bonté et son amour est grand envers nous.

  A006000260 

 Tout nostre bien dépend de la grace de Dieu, en laquelle nous devons jetter toute nostre confiance; et cependant il semble, par l'empressement qu'elles ont à beaucoup faire, qu'elles se confient en leur travail et en la multiplicité des exercices qu'elles embrassent, ne leur semblant jamais de pouvoir assez faire.

  A006000261 

 Ces anxietés d'esprit que nous avons pour avancer nostre perfection et pour voir si nous avançons ne sont nullement agreables à Dieu, et ne servent qu'à satisfaire l'amour propre, qui est un grand tracasseur qui ne cesse jamais d'embrasser beaucoup, bien qu'il ne fasse guere.

  A006000261 

 Il est vray, c'est à nous de bien cultiver, mais c'est à Dieu de faire que nostre travail soit suivi d'un bon succes.

  A006000261 

 La sainte Eglise le chante en chaque feste des saints Confesseurs: Dieu a honnoré vos travaux en faisant que vous en tirassiez du fruict; pour monstrer que de nous mesmes nous ne pouvons rien sans la grace de Dieu, en laquelle nous devons mettre toute nostre confiance, n'attendant rien de nous mesmes.

  A006000261 

 Ne nous empressons point en nostre besogne, je vous prie; car pour la bien faire il faut nous appliquer soigneusement, mais tranquillement et paisiblement, sans mettre nostre confiance en nostre peine, ains en Dieu et en sa grace.

  A006000262 

 C'est bien dit qu'il faut tousjours s'avancer, respondis-je; mais nostre avancement ne se fait pas comme vous pensez, par la multitude des exercices de pieté, ains par la perfection avec laquelle nous les faisons, nous confiant tousjours plus en nostre cher Colombeau et nous desfiant davantage de nous-mesmes.

  A006000262 

 Il y a quelque temps qu'il y eut des saintes Religieuses qui me dirent: Monsieur, que ferons-nous ceste année? L'année passée nous jeusnasmes trois jours de la semaine, et nous faisions la discipline autant: que ferons-nous maintenant le long de ceste année? il faut bien faire quelque chose davantage, tant pour rendre graces à Dieu de l'année passée, comme pour aller tousjours croissant en la voye de Dieu.

  A006000263 

 Lire force livres spirituels, [109] sur tout quand ils sont nouveaux, bien parler de Dieu et de toutes les choses les plus spirituelles pour nous exciter, disons-nous, à devotion, ouïr force predications, faire des conferences à tout propos, communier bien souvent, se confesser encores plus, servir les malades, bien parler de tout ce qui se passe en nous pour manifester la pretention que nous avons de nous perfectionner, et au plus tost qu'il se pourra: ne sont-ce pas là des choses fort propres pour nous perfectionner et parvenir au but de nos desseins? Ouy, pourveu que tout cela se fasse selon qu'il est ordonné, et que ce soit tousjours avec dependance de la grace de Dieu; c'est à dire que nous ne mettions point nostre confiance en tout cela, pour bon qu'il soit, ains en un seul Dieu, qui nous peut seul faire tirer le fruict de tous nos exercices..

  A006000263 

 Nous n'avons pas assez de chaleur spirituelle pour bien digerer tout ce que nous embrassons pour nostre perfection, et cependant nous ne voulons pas nous retrancher de ces anxietés d'esprit que nous avons à tant desirer de beaucoup faire.

  A006000265 

 Mais que veut dire donc que mangeant si peu de ces viandes spirituelles qui nourrissent nos ames à l'immortalité, ils estoyent neantmoins tousjours si en bon point, c'est à dire si forts et courageux pour entreprendre l'acquisition des vertus, et parvenir à la perfection et au but de leur pretention? Et nous autres, qui mangeons beaucoup, sommes tousjours si maigres, c'est à dire si lasches et languissans à la poursuite de nos entreprises, et semble, sinon tant que les consolations spirituelles marchent, que nous n'avons nul courage ni vigueur au service de Nostre Seigneur? Or il faut donc imiter ces saints Religieux, nous appliquant à nostre besogne, c'est à dire à ce que Dieu requiert de nous selon nostre vocation, fervemment et humblement, et ne penser qu'en cela, n'estimant pas de trouver nul moyen de nous perfectionner meilleur que celuy-là.

  A006000266 

 Non pas ceste humilité, c'est à dire ce sentiment de nostre petitesse qui nous fait si fort humilier en toutes choses si gracieusement; mais je veux dire l'humilité qui nous fait cognoistre nostre propre abjection, et qui nous la fait aymer l'ayant recognuë estre en nous; car cela est la vraye humilité..

  A006000266 

 Non pas de celle que vous entendez, quant au sentiment, laquelle Dieu donne à qui bon luy semble, et qui n'est pas en nostre pouvoir d'acquerir quand il nous plaist.

  A006000267 

 Ainsi leurs livres, leurs predications rapportoyent des fruicts merveilleux; et nous autres qui nous confions en nos belles paroles, en nostre bien dire et en nostre doctrine, toutes nos peines s'en vont en fumée et ne rendent autre fruict que de vanité.

  A006000267 

 Ces grands Saints, Augustin, Gregoire, Hilaire, duquel nous faisons la feste aujourd'huy, ni beaucoup d'autres n'ont point tant estudié; ils n'eussent sceu le faire, composant tant de livres qu'ils ont fait, preschant et faisant tout le reste qui appartenoit à leurs charges; mais ils avoyent une si grande confiance en Dieu et en sa grâce, et une si grande mesfiance d'eux-mesmes, qu'ils ne s'attendoyent ni confioyent nullement en leur industrie ni en leur travail, si qu'ils firent toutes les grandes œuvres qu'ils ont faites purement par la confiance qu'ils avoyent mise en la grace de Dieu et en sa toute-puissance: C'est vous, disoyent-ils, ô Seigneur, qui nous faites travailler et pour qui nous travaillons; [112] ce sera vous qui benirez nos sueurs et qui nous donnerez une bonne recolte.

  A006000269 

 Il nous en faut donc faire de mesme pour observer ceste aymable loy des colombes, nous laissant despouiller par nostre souverain Maistre de nos petits colombeaux, c'est à dire des moyens d'executer nos desirs, quand il luy plaist de nous en priver, pour bons qu'ils soyent, sans nous plaindre ni lamenter jamais de luy comme s'il nous faisoit grand tort; ains nous devons nous appliquer à doubler, non nos desirs ni nos exercices, mais la perfection avec laquelle nous les faisons, taschant par ce moyen de gagner plus par un seul acte, comme indubitablement nous ferons, que nous ne ferions pas avec cent autres faits selon nostre propension et affection.

  A006000269 

 Mais las! nous n'en faisons rien; car quand sa Bonté nous prive de la consolation qu'il nous souloit donner en nos exercices, il semble que tout est perdu, [114] et qu'il nous oste les moyens de faire ce que nous avons entrepris..

  A006000269 

 Nostre Seigneur ne veut pas que nous portions sa croix sinon par le bout, et il veut estre honnoré comme les grandes dames, lesquelles font porter la queue de leurs robes; il veut pourtant que nous portions la croix qu'il nous met sur les espaules, qui est la nostre mesme.

  A006000270 

 O il ne faut pas ainsi faire; ains, plus Dieu nous prive de la consolation, et plus nous devons travailler pour luy tesmoigner nostre fidelité.

  A006000271 

 Mais je dis qu'il se faut tenir tousjours fermes et resolus en la superieure partie de nostre esprit, pour suivre la vertu de laquelle nous faisons profession, et se tenir en une continuelle egalité, és choses adverses comme és prosperes, en la desolation comme en la consolation, et en fin parmi les secheresses comme emmi les tendretés..

  A006000272 

 Job, duquel nous avons desja parlé en la seconde loy, nous fournit encor d'un exemple en ce sujet, car il ne chanta tous-jours que sur un mesme air tous les cantiques qu'il a composés, qui ne sont autres que l'histoire de sa vie.

  A006000272 

 O que ceste ame sainte estoit bien une chaste et amoureuse colombelle, grandement cherie de son cher Colombeau! Ainsi puissions-nous faire, mes cheres filles, qu'en toutes occasions nous prenions les biens, les maux, les consolations et afflictions de la main du Seigneur, ne chantant tousjours que le mesme cantique tres-aymable: Le nom de Dieu soit beni, tousjours sur l'air d'une continuelle egalité; car si ce bonheur nous arrive, nous vivrons avec une grande paix en toutes occurrences.

  A006000272 

 Qu'est-ce qu'il disoit lors que Dieu faisoit multiplier ses biens, luy donnoit des enfans, et en fin luy envoyoit à souhait selon qu'il l'eust peu desirer en ceste vie? que disoit-il, sinon: Le nom de Dieu soit beni? C'estoit son cantique d'amour qu'il chantoit en toute occasion; car voyez-le reduit à l'extremité de l'affliction: qu'est-ce qu'il fait? il chante son cantique [117] de lamentation sur le mesme air que celuy qu'il chantoit par resjouïssance: Nous avons receu, dit-il, les biens de la main du Seigneur, pourquoy n'en recevrons-nous les maux? Le Seigneur m' avoit donné des enfans et des biens, le Seigneur me les a ostés, son saint nom soit beni.

  A006000273 

 Ayant fait tout pour nostre Bien-Aymé dés ceste vie, il aura soin de nous pourvoir de son eternelle gloire [118] pour recompense de nostre confiance; et là nous verrons le bon-heur de ceux qui, quittans tout le soin superflu et inquiet que nous avons ordinairement sur nous-mesmes et sur nostre perfection, se seront adonnés tout simplement à leur besogne, s'abandonnans sans reserve entre les mains de la divine Bonté pour laquelle seule ils auront travaillé: leurs travaux seront en fin suivis d'une paix et d'un repos qui ne se peut expliquer, car ils reposeront pour jamais dans le sein de leur Bien-Aymé.

  A006000273 

 L'amour donc que nous portons à Nostre Seigneur nous sollicitera de les observer et garder, à fin que nous puissions dire, à l'imitation de la belle colombe du souverain Colombeau, qui est l'Espouse sacrée: Mon Bien-Aymé est tout mien, et moy je suis toute pour luy, ne faisant rien que pour luy plaire; il a tousjours son cœur tourné de mon costé par prevoyance, comme j'ay le mien tourné de son costé par confiance.

  A006000273 

 Le bon-heur aussi de ceux qui auront observé la seconde loy sera grand; car s'estans laissé despouiller par le Maistre, qui est Nostre Seigneur, de tous leurs petits colombeaux, et ne s'estans nullement faschés ni despités, ains ayant eu le courage de dire: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, demeurans sousmis au bon plaisir de Celuy qui les aura despouillés, ils chanteront d'autant plus courageusement là haut au Ciel le cantique tres-aymable: Dieu soit beni, emmi les consolations eternelles, qu'ils l'auront chanté de meilleur cœur parmi les desolations, langueurs et desgousts de ceste vie mortelle et passagere, durant laquelle il nous faut tascher de conserver soigneusement la continuelle et tres-aymable egalité d'esprit.

  A006000276 

 Mais il faut bien en cecy, comme en toute autre chose, faire difference entre les inclinations et affections; car quand ces choses ne sont que des inclinations et non pas des affections, il ne s'en faut point mettre en peine, parce qu'il ne depend pas de nous de n'avoir point de mauvaises inclinations, ouy bien des affections.

  A006000276 

 Or, ce qui nous rend affectionnés à ce qui est nostre, c'est la grande estime que nous faisons de nous-mesmes; car nous nous tenons pour si excellens que, dés qu'une chose nous appartient nous l'en estimons davantage, et le peu d'estime que nous faisons des autres fait que nous avons à contre-cœur ce qui leur a servi; mais si nous estions bien humbles et despouillés de nous-mesmes, que nous nous tinssions pour un neant devant Dieu, nous ne ferions aucun estat de ce qui nous seroit propre, et nous estimerions extremement honorés d'estre servis de ce qui auroit esté à l'usage d'autruy.

  A006000276 

 Si donques il arrive qu'en changeant la robbe d'une Sœur pour [120] luy en donner une autre moindre, la partie inferieure s'esmeuve un petit, cela n'est pas peché, pourveu qu'avec la raison elle l'accepte de bon cœur pour l'amour de Dieu; et ainsi de tous les autres sentimens qui nous arrivent.

  A006000278 

 C'est pourquoy il faut faire des considerations et sur sa condition et sur toutes les choses qui en dependent en detail; puis en particulier, renoncer tantost à une de nos volontés propres, tantost à une autre, jusques à tant que nous en soyons entierement despouillés.

  A006000278 

 Et ce vray despouillement se fait par trois degrés: le premier est l'affection du despouillement, qui s'engendre en nous par la consideration de la beauté de ce despouillement; le second degré est la resolution qui suit l'affection, car nous nous resolvons aisément à un bien que nous affectionnons; le troisiesme est la pratique, qui est le plus difficile..

  A006000278 

 Or, il ne faut pas seulement vouloir en general la desappropriation, mais en particulier; car il n'y a rien de si aisé que de dire de gros en gros: Il faut renoncer à nous-mesmes et quitter nostre propre volonté; mais quand il faut venir à la pratique, c'est là où gist la difficulté.

  A006000279 

 Les biens exterieurs sont toutes les choses que nous avons laissées hors de la Religion: les maisons, les possessions, les parens, amis et choses semblables.

  A006000279 

 Pour en faire le despouillement, il les faut renoncer entre les mains de Nostre Seigneur, et puis demander les affections qu'il veut que nous ayons pour eux; car il ne faut pas demeurer sans affections, ni les avoir esgales et indifferentes, il faut aymer chacun en son degré; la charité donne le rang aux affections.

  A006000282 

 De mesme, à la rencontre de ceux que nous aymons, il ne se peut pas faire que nous ne soyons esmeus de joye et de contentement; c'est pourquoy cela n'est point contraire à la vertu.

  A006000282 

 Il faut icy remarquer que le contentement que nous ressentons à la rencontre des personnes que nous aymons, et les tesmoignages d'affection que nous leur rendons en les voyant ne sont point contraires à ceste vertu de despouillement, pourveu qu'ils ne soyent point desreglés, et qu'estans absens, nostre cœur ne coure point apres [123] eux; car, comment se pourroit-il faire que les objets estans presens les puissances ne soyent point esmeuës? C'est comme qui diroit à une personne à la rencontre d'un lion ou d'un ours: n'ayez point peur.

  A006000283 

 Nous devons dire de mesme de nostre vocation, l'estimant non seulement bonne et belle, mais aussi douce, suave et aymable; si nous faisons ainsi, nous aurons un grand amour à observer tout ce qui en depend..

  A006000284 

 Il est vray, mes cheres Sœurs, que l'on ne sçauroit jamais parvenir à la perfection tandis que l'on a de l'affection à quelque imperfection, pour petite qu'elle soit, voire mesme quand ce ne seroit qu'avoir une pensée inutile; et vous ne sçauriez croire combien cela porte de mal à une ame, car dés que vous aurez donné à vostre [124] esprit la liberté de s'arrester à penser à une chose inutile, il pensera par apres à des choses pernicieuses: il faut donc couper court au mal dés que nous le voyons, pour petit qu'il soit.

  A006000284 

 Il faut aussi examiner à bon escient s'il est vray, comme il nous semble quelquefois, que nous n'ayons point nos affections engagées: par exemple, si quand l'on vous loue vous venez à dire quelque parole qui agrandisse la louange que l'on vous donne, ou bien quand vous la recherchez par paroles artificieuses, disant que vous n'avez plus la memoire ou l'esprit si bon que vous souliez avoir pour bien parler, hé! qui ne void que vous pretendez que l'on vous die que vous parlez tousjours extremement bien? Cherchez donc au fond de vostre conscience si vous y pouvez trouver de l'affection à la vanité.

  A006000285 

 Il y a encor une autre raison qui rend ces premieres amitiés dont nous avons parlé moindres que les secondes: c'est qu'elles ne sont pas de durée, parce que la cause en estant fresle, dés qu'il arrive quelque traverse, elles se refroidissent et alterent; ce qui n'arrive pas à celles qui sont fondées en Dieu, parce que la cause en est solide et permanente..

  A006000285 

 Or, les actes de charité qui se font autour de ceux que nous aymons de ceste sorte sont mille fois plus parfaits, d'autant que tout tend purement à Dieu; mais les services et autres assistances que nous faisons à ceux que nous aymons par inclination sont beaucoup moindres en merite, à cause de la grande complaisance et satisfaction que nous avons à les faire, et que, pour l'ordinaire, nous les faisons plus par ce mouvement que par l'amour de Dieu.

  A006000286 

 De maniere que quand ceux auxquels je fais ces caresses sçauroyent que je les leur fais parce que je leur ay de l'aversion, ils ne s'en devroyent point offencer, ains les estimer et cherir davantage que si elles partoyent d'une affection sensible; car les aversions sont naturelles, et d'elles-mesmes ne sont pas mauvaises quand nous ne les suivons pas; au contraire, c'est un moyen de pratiquer mille sortes de bonnes vertus, et Nostre Seigneur mesme nous a plus à gré quand avec une extreme repugnance nous luy allons baiser les pieds, que si nous y allions avec beaucoup de suavité.

  A006000286 

 Les caresses mesmes et signes d'amitié que nous faisons contre nostre propre [126] inclination aux personnes auxquelles nous avons de l'aversion, sont meilleures et plus agreables à Dieu que celles que nous faisons attirés de l'affection sensitive.

  A006000287 

 Il est vray que là où il y a davantage de Dieu, c'est à dire plus de vertu, qui est une participation des qualités divines, nous y devons plus d'affection: comme par exemple, s'il se trouve des ames plus parfaites que celle de vostre Superieure, vous les devez aymer davantage pour ceste raison là; neantmoins nous devons aymer beaucoup plus nos Superieurs parce qu'ils sont nos peres et nos directeurs..

  A006000287 

 Souvent nous pensons aymer une personne pour Dieu, et nous l'aymons pour nous-mesmes; nous nous servons de ce pretexte, et disons que c'est pour cela que nous l'aymons, mais en verité nous l'aymons pour la consolation que nous en avons: car n'y a-t'il pas plus de suavité de voir venir à vous une ame pleine de bonne affection, qui suit extremement bien vos conseils et qui va fidelement et tranquillement dans le chemin que vous luy avez marqué, que d'en voir une autre toute inquietée, embarrassée et foible à suivre le bien, et à qui il faut dire mille fois une mesme chose? sans doute vous aurez plus de suavité.

  A006000288 

 Autant en faut-il dire pour ce qui regarde le temporel; car pourveu que la maison soit accommodée, nous ne devons pas nous soucier si c'est par nostre moyen ou par un autre.

  A006000288 

 Et non seulement il n'en faut pas estre marrie, mais il faut estre disposée à contribuer tout ce que nous pouvons pour cela, jusques à nostre peau, s'il en estoit besoin; car, pourveu que Dieu soit glorifié, nous ne nous devons pas soucier par qui; de telle sorte que [128] s'il se presentoit une occasion de faire quelque œuvre de vertu et que Nostre Seigneur nous demandast qui nous aymerions mieux qui la fist, il faudroit respondre: Seigneur, celle qui la pourra faire plus à vostre gloire.

  A006000288 

 Or, n'ayant point ce choix, nous devons desirer de la faire, car la premiere charité commence à soy-mesme; mais ne le pouvant, il faut se resjouir, se complaire, et estre extremement ayse de ce qu'une autre la fait, et ainsi nous aurons mis parfaitement toutes choses en commun.

  A006000288 

 Quant à ce que vous me demandez, s'il faut estre bien aise qu'une Sœur pratique la vertu aux despens d'une autre, je dis que nous devons aymer le bien en nostre prochain comme en nous-mesmes, et principalement en Religion où tout doit estre parfaitement en commun, et ne devons point estre marris qu'une Sœur pratique quelque vertu à nos despens.

  A006000289 

 Ainsi nous ne pouvons pas juger de nostre avancement, mais ouy bien de celuy d'autruy; car nous n'osons pas nous asseurer, quand nous faisons une bonne action, que nous l'ayons faite avec perfection, d'autant que l'humilité le nous defend.

  A006000289 

 Je responds que nous ne cognoistrons jamais nostre propre perfection, car il nous arrive comme à ceux qui navigent sur mer; ils ne sçavent pas s'ils avancent, mais le maistre pilote, qui sçait l'air où ils navigent, le cognoist.

  A006000289 

 Or, encor que nous puissions juger de la vertu d'autruy, si ne faut-il pourtant jamais determiner qu'une [129] personne soit meilleure qu'une autre, parce que les apparences sont trompeuses; et tel qui paroist fort vertueux à l'exterieur et aux yeux des creatures, devant Dieu le sera moins qu'un autre qui paroist beaucoup plus imparfait.

  A006000293 

 La seconde qui porte le nom de modestie, est l'interieure bien-seance de nostre entendement et de nostre volonté: celle-cy a de mesme deux vices opposés, qui sont la curiosité en l'entendement, la multitude des desirs de sçavoir et d'entendre toutes choses et l'instabilité en nos entreprises, passant d'un exercice à un autre sans nous arrester à rien; l'autre vice, c'est une certaine stupidité et nonchalance d'esprit, qui ne veut pas mesme sçavoir ni apprendre les choses necessaires pour nostre [131] perfection, imperfection qui n'est pas moins dangereuse que l'autre.

  A006000293 

 La troisiesme sorte de modestie consiste en nostre conversation et en nos paroles, c'est à dire en nostre façon de parler et de converser avec le prochain, evitant les deux imperfections qui luy sont opposées, à sçavoir, la rusticité et la babillerie: la rusticité qui nous empesche de contribuer quelque chose pour l'entretien de l'honneste conversation; la babillerie qui nous fait tellement parler que nous ostons le temps aux autres de parler à leur tour.

  A006000294 

 La modestie donques nous assujettit tousjours et tout le temps de nostre vie, à cause que les Anges nous sont tousjours presens, et Dieu mesme, pour les yeux duquel nous nous tenons en modestie..

  A006000294 

 La premiere est extremement recommandable pour plusieurs raisons, et premierement, parce qu'elle nous assujettit fort; il n'y a point de vertu en laquelle il faille une si particuliere attention; et en ce qu'elle nous assujettit, consiste son grand prix, car tout ce qui nous assujettit pour Dieu est d'un grand merite et merveilleusement agreable à Dieu.

  A006000294 

 La seconde raison est qu'elle ne nous assujettit pas seulement pour un temps, mais tousjours et en tout lieu, aussi bien estans seuls qu'en compagnie, et en tout temps, ouy mesme en dormant.

  A006000294 

 [132] O mon Dieu, combien nous coucherions-nous modestement et devotement si nous vous voyions! Sans doute nous croiserions les bras sur nos poitrines avec une grande devotion.

  A006000297 

 Il faut que je vous die une chose que je lisois ces jours passés, parce qu'elle regarde le discours que nous faisons de la modestie.

  A006000298 

 Je regarde aussi que nous ne nous devons point estonner si nous avons encor quelque vieille habitude du monde, puisqu'Arsenius avoit celle-là apres avoir demeuré long temps au desert en la compagnie de ces Peres.

  A006000299 

 Ceste modestie retient la volonté resserrée en l'exercice des moyens de son avancement en l'amour de Dieu, selon la vocation en laquelle nous sommes..

  A006000299 

 Je vous dis donc que la seconde, qui est l'interieure, fait les mesmes effets en l'ame que celle que nous avons dit fait au corps.

  A006000299 

 Mieux vaut s'attacher à Dieu comme Magdelaine, se tenant à ses pieds, luy demandant qu'il nous donne son amour, que de penser comment et par quel moyen nous le pourrons acquerir.

  A006000300 

 J'ay dit que ceste vertu s'occupe principalement à assujettir l'entendement; et cela parce que la curiosité que nous avons naturellement est tres dangereuse, et fait que nous ne sçavons jamais parfaitement une chose, d'autant que nous ne mettons pas assez de temps pour la bien apprendre.

  A006000301 

 De mesme, nostre entendement et volonté, nos passions et les facultés de nostre ame, comme abeilles spirituelles, jusques à tant qu'elles ayent un roy, c'est à dire jusques à tant qu'elles ayent choisi Nostre Seigneur pour leur Roy, elles n'ont aucun repos; nos sens ne cessent de s'esgarer curieusement et d'attirer nos facultés interieures apres eux, pour se dissiper tantost apres un sujet, tantost apres un autre, et ainsi ce n'est qu'un continuel travail d'esprit et inquietude, qui nous fait perdre la paix et tranquillité d'esprit qui nous est tant necessaire; et c'est ce qui nous cause l'immodestie de l'entendement et de la volonté.

  A006000302 

 Je lisois ces jours passés la Regle que saint Augustin a faite pour les Religieuses, où il dit expressement que les Sœurs ne lisent jamais aucuns livres que ceux qui leur seront donnés par la Superieure; et apres il fit le mesme commandement à ses Religieux, tant il avoit de cognoissance du mal qu'apporte la curiosité de vouloir sçavoir autre chose que ce qui nous est necessaire pour mieux servir Dieu, qui est certes fort peu de chose; car si vous marchez en simplicité par l'observance de vos Regles, vous servirez parfaitement Dieu, sans vous espancher ou rechercher de sçavoir autres choses.

  A006000304 

 Au reste, il faut remarquer que la modestie exterieure de laquelle nous avons parlé, sert de beaucoup à l'interieure et à acquerir la paix et tranquillité de l'ame.

  A006000305 

 Il y a des paroles qui seroyent immodestie en tout autre temps qu'en celuy de la recreation, où justement et avec bonne raison on doit relascher un peu l'esprit; et qui ne voudroit parler ni laisser parler les autres sinon de choses hautes et relevées en ce temps-là, feroit une immodestie; car n'avons-nous pas dit que la modestie regarde le temps, les lieux et les personnes? A ce propos, je lisois l'autre jour que saint Pachome, d'abord qu'il fut entré au desert pour mener une vie monastique, eut de grandes tentations, et les malins esprits luy apparoissoyent souvent en diverses manieres.

  A006000306 

 Ceste modestie compose nostre façon de parler, à fin qu'elle soit agreable, ne parlant ni trop haut ni trop bas, ni trop lentement ni trop brusquement, se tenant dans les termes d'une sainte mediocrité, laissant parler les autres quand ils parlent, sans les interrompre, car cela tient de la babillerie; parlant neantmoins à son tour, pour eviter la rusticité et suffisance qui nous empesche d'estre de bonne conversation.

  A006000306 

 Il y a temps de rire et temps de ne pas rire; comme aussi, temps de parler et de se taire, comme nous monstra ce glorieux Saint en ces tentations.

  A006000307 

 De celle-cy, il n'est pas besoin de dire autre chose, sinon qu'il faut eviter la saleté et messeance en la façon de s'habiller; comme aussi l'autre extremité, qui est un trop grand soin de nous bien habiller, avec curiosité affectée d'estre bien accommodé, cela est vain; mais la netteté a esté fort recommandée par saint Bernard, comme estant un grand indice de la pureté et netteté de l'ame.

  A006000307 

 Il y a une chose qui semble nous contrarier en ce point, en la Vie de saint Hilarion; car un jour parlant à quelque gentilhomme qui l'estoit allé voir, il luy dit « qu'il n'y avoit point d'apparence de rechercher la netteté en un cilice, » voulant dire qu'il ne falloit point rechercher de la netteté en nos corps, qui ne sont que charognes puantes et toutes pleines d'infection: mais cela estoit plus admirable en ce grand Saint, que non pas imitable.

  A006000308 

 D'empescher que le sentiment de colere ne s'esmeuve en nous et que le sang ne nous monte au visage, jamais cela ne sera; bien-heureux serons-nous [143] si nous pouvons avoir ceste perfection un quart d'heure avant que mourir.

  A006000308 

 Mais de garder la secheresse d'esprit, en sorte que nous ne parlions pas apres que le sentiment est passé, avec autant de confiance, de douceur et de tranquillité qu'auparavant, ô cela il faut avoir grand soin de ne le pas faire.

  A006000308 

 Vous desirez, en second lieu, de sçavoir comment il faut faire pour bien recevoir la correction sans qu'il nous en demeure du sentiment ou de la secheresse de cœur.

  A006000309 

 O Dieu! ce n'est pas le temps de sousmettre son jugement, pour luy faire croire et confesser que la correction est bonne et qu'elle a esté faite bien à propos; ô non! c'est apres que vostre ame sera raccoisée et tranquillisée; car pendant le trouble il ne faut dire ni faire aucune chose, sinon demeurer fermes et resolus de ne consentir point à nostre passion, pour raison que [144] nous eussions de le faire; car jamais nous ne manquerions de raisons en ce temps-là, il nous en viendroit à la foule: mais il n'en faut pas escouter une seule, pour bonne qu'elle puisse sembler, ains se tenir proche de Dieu, comme j'ay dit, nous divertissant, apres nous estre humiliés et sousmis devant sa Majesté, luy parlant d'autre chose..

  A006000310 

 Mais remarquez ce mot que je me plais grandement à dire à cause de son utilité: humiliez-vous d'une humilité douce et paisible, et non pas d'une humilité chagrine et troublée; car c'est nostre malheur, nous portons devant Dieu des actes d'humilité despiteux et ennuyeux, et par ce moyen nous ne raccoisons pas nos esprits, et ces actes sont infructueux.

  A006000310 

 Mais si au contraire, nous faisions ces actes devant la divine Bonté avec une douce confiance, nous sortirions de là tous rasserenés et tranquilles, et desavouerions bien facilement apres toutes les raisons, bien souvent et pour l'ordinaire irraisonnables, que nostre jugement et nostre amour propre nous suggere, et nous irions avec autant de facilité parler à ceux qui nous ont fait la correction ou contradiction comme auparavant.

  A006000310 

 Tout cela provient du mesme mal que nous avons dit; que vous doit-il importer que l'on vous parle d'une façon ou d'une autre, pourveu que vous fassiez vostre devoir?.

  A006000311 

 Or, quelle apparrence y a-t'il, je vous prie, que nous autres nous estonnions de nous voir prompts à la colere, et si nous ressentons quand on nous reprend ou que l'on nous fait quelque contradiction? Il faut donc tirer exemple de ces Saints, lesquels se surmonterent incontinent, l'un recourant à la priere, et l'autre demandant humblement pardon à son frere, et ne firent rien ni l'un ni l'autre, en faveur de leur ressentiment, mais s'amenderent et en firent profit..

  A006000312 

 Vous ne sçavez peut estre pas qu'il y a en nous-mesmes un certain monastere dont l'amour propre est superieur, et partant il impose des penitences; et ceste peine est la penitence qu'il vous impose pour la faute que vous avez faite d'avoir fasché la Superieure, parce que peut estre elle ne vous estimera pas tant comme elle eust fait si vous n'eussiez pas failli..

  A006000314 

 C'est le moyen de bien faire tout ce que nous faisons que d'estre bien attentifs à la presence de Dieu; car aucun de nous ne l'offencera, voyant qu'il nous regarde.

  A006000314 

 Il semble mesme que sa divine Bonté nous dit: Dormez et reposez, et ce pendant j'auray les yeux sur vous pour vous garder et defendre [148] du lion rugissant, qui va tousjours autour de vous pour penser vous deffaire.

  A006000314 

 Les pechés veniels mesmes ne sont pas capables de nous destourner de la voye qui conduit à Dieu: ils nous arrestent sans doute un peu en nostre chemin, mais ils ne nous en destournent pas pourtant, et beaucoup moins les simples distractions; et cecy je l'ay dit en l' Introduction..

  A006000314 

 Pardonnez-moy, ma fille, la moindre mousche de distraction ne retire pas vostre esprit de Dieu, ainsi que vous dites, car rien ne nous retire de Dieu que le peché; et la resolution que nous avons faite le matin de tenir nostre esprit uni à Dieu et attentif à sa presence, fait que nous y demeurons tousjours, voire mesme quand nous dormons, puisque nous le faisons au nom de Dieu et selon sa tres-sainte volonté.

  A006000314 

 Voyez donc si nous n'avons pas raison de nous coucher modestement, ainsi que nous avons dit.

  A006000315 

 C'en est de mesme de la peine que nous avons le long de la journée d'arrester nostre esprit en Dieu et és choses celestes, pourveu que nous ayons le soin de retirer nostre esprit pour l'empescher de courir apres ces mousches et papillons, comme fait une mere à l'endroit de son enfant.

  A006000315 

 Et que faire là, sinon prendre patience et ne nous lasser point de nostre travail, puisqu'il est pris pour l'amour de Dieu?.

  A006000315 

 Pour ce qui est de l'oraison, elle ne nous est pas moins utile ni moins agreable à Dieu pour y avoir beaucoup de distractions; ains elle nous sera peut estre plus utile que si nous y avions beaucoup de consolations, parce qu'il y a plus de travail, pourveu neantmoins que nous ayons la fidelité de nous retirer de ces distractions et n'y laissions point arrester nostre esprit volontairement.

  A006000316 

 Il y a bien à dire d'avoir la presence de Dieu (j'entends estre en sa presence), et d'avoir le sentiment de sa presence; il n'y a que Dieu seul qui nous puisse faire ceste grace; car de vous donner les moyens d'acquerir ce sentiment, il ne m'est pas possible..

  A006000316 

 Mais si je ne me trompe, quand nous disons que nous [149] ne pouvons trouver Dieu, et qu'il nous semble qu'il est si loin de nous, nous voulons dire, que nous ne pouvons avoir du sentiment de sa presence.

  A006000317 

 Demandez-vous comment il faut faire pour se tenir tousjours avec un grand respect devant Dieu, comme estans tres-indignes de ceste grace? Il n'y a point d'autre moyen de le faire que comme vous le dites: regarder qu'il est nostre Dieu, et que nous sommes ses foibles creatures, indignes de cest honneur; comme faisoit saint François, qui passa toute une nuict interrogeant Dieu en ces termes: « Qui estes-vous, et qui suis-je? » En fin, si vous me demandez: Comment pourray-je faire pour acquerir l'amour de Dieu? je vous diray: En le voulant aymer; et au lieu de vous appliquer à penser et demander comment vous pourrez faire pour unir vostre esprit à Dieu, que vous vous mettiez en la pratique par une continuelle application de vostre esprit à Dieu, et je vous asseure que vous parviendrez bien plus [150] tost à vostre pretention par ce moyen-là que non pas par aucune autre voye; car à mesure que nous nous dissipons nous sommes moins recueillis, et partant moins capables de nous unir et joindre avec la divine Majesté, qui nous veut tout sans reserve.

  A006000318 

 C'est que vous voudriez que je vous enseignasse une voye de perfection toute faite, en sorte qu'il n'y eust qu'à la mettre sur la teste, comme vous feriez vostre robbe, et que par ce moyen vous vous trouvassiez parfaite sans peine, c'est à dire que je vous donnasse la perfection toute faite; car ce que je dis, qu'il faut faire, n'est pas trouvé agreable à la nature; ce n'est pas ce [151] que nous voudrions.

  A006000318 

 Certes, nous nous trompons; car il n'y a point de plus grand secret que de faire et travailler fidellement en l'exercice du divin amour, si nous pretendons de nous unir au Bien-Aymé..

  A006000319 

 Ces ames qui veulent gouster de toutes les methodes et de tous les moyens qui nous conduisent ou peuvent conduire à la perfection, en font de mesme; car l'estomac de leur volonté n'ayant pas assez de chaleur pour digerer et mettre en pratique tant de moyens, il se fait une certaine crudité et indigestion qui leur oste la paix et tranquillité d'esprit aupres de Nostre Seigneur, qui est cest un necessaire, que Marie a choisi, et ne luy sera point osté.

  A006000320 

 Cela ne se peut durant ceste vie, car nous aurons tous-jours à travailler.

  A006000320 

 Nous faisons de mesme: nous voudrions, par exemple, bien aymer la correction, mais nous voulons neantmoins estre obstinés; ô c'est une folie, cela ne se peut.

  A006000320 

 Voulez-vous que je vous die pourquoy nous demeurons si foibles? c'est parce que nous ne voulons pas nous abstenir des viandes mal saines; comme si une personne laquelle voudroit bien n'avoir point de mal d'estomac, demandoit à un medecin comment elle pourroit faire.

  A006000321 

 Au reste, ce n'est pas estre foible de tomber quelquesfois en des pechés veniels, pourveu que nous nous en relevions tout incontinent par un retour de nostre ame en Dieu, nous humiliant tout doucement.

  A006000321 

 Certes, si bien ils nous arrestent un peu, comme j'ay dit, ils ne nous destournent pourtant pas de la voye: un seul regard de Dieu les efface.

  A006000321 

 Il faut que nous ayons deux égales resolutions: l'une, de voir croistre des mauvaises herbes en nostre jardin, et l'autre, d'avoir le courage de les voir arracher et les arracher nous-mesmes; car nostre amour propre ne mourra point pendant que nous vivrons, lequel est celuy qui fait ces impertinentes productions.

  A006000321 

 Il ne faut pas que nous pensions pouvoir vivre sans en faire tousjours quelques uns, car il n'y a eu que Nostre Dame qui ayt eu ce privilege.

  A006000322 

 En fin il faut sçavoir que nous ne devons jamais cesser de faire des bonnes resolutions, encore que nous voyons bien que selon nostre ordinaire nous ne les pratiquons pas, voire, quand bien nous verrions qu'il est impossible de les pratiquer quand l'occasion s'en presentera; et cela, il le faut faire avec plus de fermeté que si nous sentions en nous assez de courage pour reussir de nostre entreprise, disant à Nostre Seigneur: Il est vray que je n'auray pas la force de faire ou supporter telle chose de moy-mesme, mais je m'en resjouïs, d'autant que ce sera vostre force qui le fera en moy; et sur cest appui, allez à la bataille courageusement, et ne doutez point que vous n'en rapportiez la victoire.

  A006000322 

 Nostre Seigneur fait envers nous tout de mesme comme un bon pere ou une bonne mere, laquelle laisse marcher son enfant tout seul lors qu'il est sur une douce prairie où l'herbe est grande, ou bien dessus la mousse, parce que si bien il vient à tomber, il ne se fera pas grand mal; mais aux mauvais et dangereux chemins elle le porte soigneusement entre ses bras.

  A006000322 

 Nous avons souvent veu des ames supporter courageusement des grands assauts sans estre vaincues par leurs ennemis, lesquelles par apres ont esté surmontées en des bien legers rencontres.

  A006000323 

 Remarquons pour conclusion, que tout ce que nous avons dit en cest Entretien sont des choses assez delicates pour la perfection; et partant, que nulle de vous autres qui les avez entendues n'ayt à s'estonner si elle ne se trouve parvenue à ceste perfection, puisque, par la grace de Dieu, vous avez toutes le courage bon pour y vouloir pretendre.

  A006000328 

 Mais quant à l'obeissance qui regarde les Superieurs que Dieu a establis sur nous pour nous gouverner, elle est de justice et de necessité, et se doit rendre avec une entiere sousmission de nostre entendement et de nostre volonté.

  A006000328 

 Nostre inclination naturelle nous porte tousjours au desir de commander et nous donne une aversion d'obeir; et neantmoins il est certain que nous avons beaucoup de capacité pour obeir, et peut estre n'en avons-nous point pour commander..

  A006000328 

 Or, ceste obeissance de l'entendement se pratique lors qu'estans commandés nous acceptons et approuvons le commandement, non seulement avec la volonté mais aussi avec nostre entendement, approuvant et estimant la chose commandée, et la jugeant [157] meilleure que toute autre chose que l'on nous eust peu commander sur ceste occasion.

  A006000328 

 Quand on est parvenu là, alors on ayme tellement à obeir, que l'on desire insatiablement d'estre commandé, à fin que tout ce que l'on fait soit fait par obeissance; et cecy est l'obeissance des parfaits, et celle que je vous desire, laquelle procede d'un pur don de Dieu, ou bien est acquise avec beaucoup de temps et de travail par une quantité d'actes souvent reiterés et produits à vive force, par le moyen desquels nous acquerons l'habitude.

  A006000329 

 Cassian rapporte qu'estant au desert il se mettoit quelquefois en colere, et que prenant la plume pour escrire, si elle ne marquoit pas il la jettoit: de sorte, dit-il, qu'il ne sert de rien d'estre seul, puisque nous portons la colere avec nous.

  A006000329 

 L'obeissance plus ordinaire a trois conditions: la premiere c'est d'agréer la chose que l'on nous commande et y plier doucement nostre volonté, aymant à estre commandés; car ce n'est pas le moyen de nous rendre vrays obeissans de n'avoir personne qui nous commande, comme de mesme ce n'est pas le moyen d'estre doux que de demeurer seul dans un desert.

  A006000330 

 Or, ceste troisiesme condition est la plus difficile de toutes, à cause de la legereté et inconstance de l'esprit humain; car à ceste heure nous aymons faire une chose, et tantost nous ne la voudrions pas regarder.

  A006000330 

 Si nous voulions suivre tous les mouvemens de nostre esprit, ou qu'il nous fust possible de le faire sans qu'il y eust du scandale ou du deshonneur, nous ne verrions autre chose que des changemens: ores nous voudrions estre en [159] une condition, et peu apres nous en chercherions une autre, tant ceste inconstance de l'esprit humain est extravagante; mais il la faut arrester avec les forces de nos premieres resolutions, à fin de vivre également parmi les inégalités de nos sentimens et des evenemens..

  A006000331 

 Or, pour mieux nous affectionner à l'obeissance, lors que nous nous trouverons tentés, il faut faire des considerations de son excellence, de sa beauté et de son merite, voire de son utilité, pour nous encourager à passer outre: cela s'entend pour les ames qui ne sont pas encore bien establies en l'obeissance; mais quand il n'est question que d'une simple aversion ou dégoust dela chose commandée, il faut faire un acte d'amour et se mettre à la besogne.

  A006000332 

 Car encore que nous obeissions avec repugnance et quasi comme forcés par l'obligation de nostre condition, nostre obeissance ne laisse pas d'estre bonne en vertu de nostre premiere resolution; mais elle est d'une valeur et d'un merite infiniment grand quand elle est faite avec les conditions que nous avons dites; car une chose, pour petite qu'elle soit, estant faite avec une telle obeissance, est de tres-grande valeur..

  A006000332 

 Cela procede de ce qu'il nous fasche d'assujettir nostre entendement, car c'est la derniere piece que nous sousmettons, et neantmoins il est entierement necessaire que nous assujettissions nostre pensée à certains objets; de maniere que quand on nous marque des exercices ou pratiques de vertu, il faut que nous demeurions en ces exercices et que nous y assujettissions nostre esprit.

  A006000332 

 Je n'appelle pas manquer à la perseverance quand nous faisons quelques petites interruptions, pourveu que nous ne quittions pas tout à fait; comme ce n'est pas manquer à l'obeissance de manquer à quelques unes de ses conditions, attendu que nous ne sommes pas obligés sinon à la substance des vertus et non pas aux conditions.

  A006000334 

 Le second poinct auquel consiste l'obeissance est plustost humilité qu'obeissance; car ceste sorte d'obeissance est une certaine souplesse de nostre volonté à suivre la volonté d'autruy, et c'est une vertu extremement aymable, qui fait tourner nostre esprit à toutes mains et nous dispose à faire tousjours la volonté de Dieu.

  A006000335 

 Que s'il arrive qu'une Sœur nous requiere de faire quelque chose, et que par surprise nous tesmoignions d'y * avoir de la repugnance, il ne faut pas que la Sœur s'en ombrage ni fasse semblant de le cognoistre, ni qu'elle prie de ne le faire pas; car il n'est pas en nostre puissance d'empescher que nostre couleur, nos yeux et nostre contenance ne tesmoignent le combat que nous avons au dedans, encore que la raison veuille bien faire la chose; car ce sont des messagers qui viennent sans que l'on les demande, et qui, encore qu'on leur die retournez, n'en font rien pour l'ordinaire.

  A006000336 

 Il faut souffrir avec patience le retardement de nostre perfection, faisant tousjours ce que nous pouvons pour nostre avancement, et de bon cœur..

  A006000336 

 Nous devons tous estre capables des defauts les uns des autres, et ne faut en façon quelconque s'estonner d'en rencontrer; car si nous demeurons quelque temps sans tomber en faute, nous serons par apres un autre temps que nous ne ferons que faillir et ferons plusieurs grandes imperfections, de la suite desquelles il faut profiter par l'abjection qui nous en revient.

  A006000337 

 Ce seroit un grand bien si nous pouvions estre humbles tout aussi tost que nous avons desiré de l'estre, sans autre peine.

  A006000337 

 Il faut que nous nous accoustumions à rechercher [164] l'evenement de nostre perfection selon les voyes ordinaires, en tranquillité de cœur, faisant tout ce que nous pouvons pour acquerir les vertus par la fidelité que nous aurons à les pratiquer une chacune selon nostre condition et vocation; et demeurons en attente pour ce qui regarde de parvenir tost ou tard au but de nostre pretention, laissant cela a la divine Providence, laquelle aura soin de nous consoler au temps qu'elle a destiné de le faire; et quand mesme ce ne seroit qu'à l'heure de nostre mort, il nous doit suffire, pourveu que nous rendions nostre devoir en faisant tousjours ce qui est en nous et à nostre pouvoir.

  A006000337 

 Il se faut contenter de sçavoir qu'on fait bien par celuy qui gouverne, et n'en rechercher ni les sentimens ni la cognoissance particuliere, mais marcher comme aveugle dans ceste providence et confiance en Dieu, mesme parmi les desolations, craintes, tenebres, et toute autre sorte de croix qu'il luy plaira nous donner.

  A006000337 

 Nous aurons tousjours assez tost ce que nous desirons, quand nous l'aurons et qu'il plaira à Dieu de nous le donner.

  A006000338 

 Or, le moyen d'acquerir ceste souplesse à la volonté d'autruy est de faire souvent en l'oraison des actes d'indifference, et puis les venir mettre en pratique lors que l'occasion s'en presentera; car ce n'est pas assez de se despouiller devant Dieu, d'autant que cela se faisant seulement avec l'imagination, il n'y a pas grand affaire; mais quand il le faut faire en effet, et que venans de nous donner tout à Dieu nous trouvons une creature qui nous commande, il y a bien de la difference, et c'est là où il faut monstrer son courage..

  A006000339 

 Car comme ceste oraison n'est autre chose qu'un renoncement de nous-mesmes en Dieu, quand l'ame dit avec verité: Je n'ay plus de volonté sinon la vostre, Seigneur, alors elle est toute unie à Dieu; de mesme, renonçans nostre volonté pour faire tousjours celle du prochain, c'est la vraye union avec le prochain: et faut faire tout cela pour l'amour de Dieu..

  A006000340 

 En fin, la charité donne le prix et la valeur à toutes nos œuvres, de maniere que tout le bien que nous ferons il le faut faire pour l'amour de Dieu, et le mal que nous eviterons, il le faut eviter pour l'amour de Dieu.

  A006000340 

 Les actions bonnes que nous ferons, qui ne nous sont pas particulierement commandées et qui ne peuvent tirer leur merite de l'obeissance, il le leur faut donner par la charité, encore que nous les pouvons toutes faire par obeissance.

  A006000341 

 Que si quelquefois pendant le silence il nous vient devotion de dire un Ave maris stella ou un Veni Creator Spiritus ou quelque autre chose, il n'y a point de difficulté que nous ne le puissions dire et qu'il ne soit bon; mais il faut bien prendre garde que cecy se fasse sans prejudice d'un plus grand bien.

  A006000346 

 Il y a une troisiesme obeissance qui est celle de laquelle je veux parler, comme estant la [169] plus parfaite, qui se nomme amoureuse; et c'est de ceste-cy de laquelle Nostre Seigneur nous a monstre exemple tout le temps de sa vie..

  A006000348 

 Plusieurs se sont grandement trompés sur cette condition de l'obeissance, lesquels ont [170] creu qu'elle consistoit à faire à tort et à travers tout ce qui nous pourroit estre commandé, fust-ce mesme contre les commandemens de Dieu et de la sainte Eglise; en quoy ils ont grandement erré, s'imaginans une folie en cest aveuglement, qui n'y est nullement; car en tout ce qui est des commandemens de Dieu, comme les Superieurs n'ont point de pouvoir de faire jamais aucun commandement contraire, les inferieurs n'ont de mesme jamais aucune obligation d'obeir en tel cas, ains s'ils y obeissoient ils pecheroient..

  A006000349 

 L'obeissance amoureuse presuppose que nous avons l'obeissance aux commandemens de Dieu..

  A006000350 

 Les payens, tous meschans qu'ils estoyent, nous ont monstré exemple de cecy, car le diable parloit à eux en diverses sortes d'idoles: les unes estoyent des statues d'hommes, les autres des rats, des chiens, des lyons, des serpens et choses semblables; et ces pauvres gens adjoustoyent foy également à tous, obeissant à la statue d'un chien comme à celle d'un homme, à celle d'un rat comme à [172] celle d'un lyon, sans aucune difference.

  A006000350 

 Nostre Seigneur, Nostre Dame et saint Joseph nous ont fort bien enseigné ceste façon d'obeir, au voyage qu'ils firent de Nazareth en Bethlehem; car Cesar ayant fait un edict, que tous ses subjets allassent au lieu de leur naissance pour y estre enroollés, ils y allerent amoureusement pour satisfaire à ceste obeissance, bien que Cesar fust payen et idolastre: Nostre Seigneur voulant monstrer par là que nous ne devons jamais regarder au visage de ceux qui commandent, pourveu qu'ils ayent le pouvoir de commander..

  A006000350 

 Saint Pierre nous commande d'obeir aux Superieurs, encore qu'ils fussent meschans.

  A006000350 

 Tous les anciens Peres ont grandement blasmé ceux lesquels ne se vouloyent pas sousmettre à l'obeissance de ceux qui estoyent de moindre qualité qu'eux; ils leur demandoyent: Quand vous obeissiez à vos Superieurs, pourquoy le faisiez-vous? estoit-ce pour l'amour de Dieu? Nullement, car cestui-cy ne tient-il pas la mesme place de Dieu parmi nous que faisoit l'autre? Sans doute, il est vicaire de Dieu, et Dieu nous commande par sa bouche, et nous fait entendre ses volontés par ses ordonnances, comme il faisoit par la bouche de l'autre.

  A006000352 

 Il n'eust rien cousté à Nostre Seigneur de luy dire luy mesme ce qu'il luy fit dire par Ananias, mais il vouloit que nous cognussions par cest exemple combien il ayme l'obeissance aveugle, puisqu'il semble qu'il n'aveugla saint Paul que pour le rendre vray obeissant..

  A006000352 

 Il semble que Nostre Seigneur mesme nous ayt voulu monstrer combien ceste sorte d'obeissance luy estoit agreable, lors qu'il s'apparut à saint Paul pour le convertir; car l'ayant appelle par son nom, il le fit cheoir par terre et l'aveugla.

  A006000356 

 La charité et l'obeissance ont une telle union ensemble qu'elles ne se peuvent separer: l'amour nous fait obeir promptement, car pour difficile que soit la [177] chose commandée, celuy qui a l'obeissance amoureuse l'entreprend amoureusement, parce que l'obeissance estant une principale partie de l'humilité qui ayme souverainement la sousmission, l'obeissant par consequent ayme le commandement, et dés qu'il l'apperçoit de loin, quel qu'il puisse estre, soit-il selon son goust ou non, il l'embrasse, il le caresse et le cherit tendrement..

  A006000358 

 A son exemple, il nous faut apprendre d'estre grandement prompts en l'obeissance, car il ne suffit pas au cœur amoureux de faire ce qu'on luy commande ou que l'on luy tesmoigne de desirer, s'il ne le fait promptement; il ne peut voir l'heure assez tost venue pour accomplir ce que l'on a ordonné, à fin que l'on luy commande de nouveau quelque autre chose.

  A006000358 

 Nous sommes obligés de secourir nostre prochain quand il est en extreme necessité; neantmoins, parce que l'aumosne est un conseil de Nostre Seigneur, plusieurs font volontiers l'aumosne autant que leur moyen le leur permet.

  A006000358 

 Or, dessus ceste obeissance aux conseils, l'obeissance amoureuse est entée, qui nous fait entreprendre de suivre ric à ric les desirs et les intentions de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000360 

 Or ceste-cy, Nostre Seigneur la nous enseigne fort particulierement; saint Paul l'a declaré en ces termes: Il a esté fait obeissant jusques à la mort; et encherissant ceste obeissance: et jusques à la mort de la croix, dit-il.

  A006000361 

 Le bon Religieux Jonas nous fournit deux exemples sur le sujet de la perseverance; et bien qu'il n'obeist si promptement au commandement que saint Pachome luy donna, c'estoit neantmoins un Religieux de grande perfection: car dés qu'il entra en Religion jusques à la mort il continua en l'office de jardinier, sans jamais le changer durant soixante et quinze ans qu'il vescut en ce monastere; et l'autre exercice auquel il persevera aussi toute sa vie, comme je vous ay dit cy-devant, fut de faire des nattes de joncs entrelacés avec des feuilles [181] de palmes, tellement qu'il mourut en les faisant.

  A006000362 

 En fin il adora leur idole, et ces meschans se mocquans de luy le battirent tres-bien, et puis le laisserent revenir en son monastere, où estant arrivé plus mort que vif, tout pâle et transi, saint Pachome qui luy estoit allé au devant luy dit: Eh bien, mon fils, [184] comme va? qu'y a-t'il que vous estes si défait? Lors, le pauvre Religieux, tout honteux et confus parce qu'il avoit de l'orgueil, ne pouvant supporter de se voir avoir fait une si grande faute, se jetta en terre et confessa sa faute; à quoy le Pere remediant promptement, faisant prier les Freres pour luy et luy faisant demander pardon à Dieu, le remit en bon estat, et puis luy donna de bons advertissemens, disant: Mon fils, souviens-toy qu'il vaut mieux avoir de petits desirs de vivre selon la Communauté, et ne vouloir que la fidelité à l'observance des Regles sans entreprendre ni desirer autre chose que ce qui y est compris, que non pas avoir de grands desirs de faire des merveilles imaginaires, qui ne sont bons qu'à enfler nos cœurs d'orgueil et nous faire mesestimer les autres, pensant bien estre quelque chose plus qu'eux.

  A006000362 

 Nous lisons en la Vie de saint Pachome, qu'un de ses Religieux ayant perseveré tout le temps de son novitiat.

  A006000362 

 O qu'il fait bon vivre à l'abri de la sainte obeissance, plustost que nous retirer d'entre ses bras pour chercher ce qui nous semble plus parfait! Si tu te fusses contenté, ainsi que je t'avois dit, de te bien mortifier en vivant, lors que tu ne voulois rien moins que la mort, tu ne fusses pas tombé comme tu as fait; mais bon courage, souviens-toy de vivre desormais en sousmission, et t'asseure que Dieu t'a pardonné.

  A006000365 

 Celles qui ne voudroyent pas s'assujettir aux conseils et à la direction contreviendroyent à l'obeissance amoureuse; et ce seroit tesmoigner une grande lascheté de coeur et avoir bien peu d'amour pour Dieu, [189] que de ne vouloir faire que ce qui nous est commandé et rien davantage.

  A006000366 

 Ce seroit une plaisante façon d'obeir si nous ne voulions obeir qu'aux Superieurs qui nous seroyent agreables.

  A006000366 

 O certes, nous ne pouvons pas empescher que la pensée ne nous en vienne, mais de s'y arrester, c'est ce qu'il ne faut point faire; car si Balaam fut bien instruit par une asnesse, à plus forte raison devons-nous croire que Dieu qui nous a donné ceste Superieure, fera bien qu'elle nous enseignera selon sa volonté, bien que peut estre ce ne sera pas selon la nostre.

  A006000367 

 C'est sans doute que j'auray plus de satisfaction, quant à la partie inferieure de mon ame, de faire ce qu'une Superieure me commande à laquelle j'ay de l'inclination, que non pas à faire ce que l'autre [191] me dit à laquelle je n'en ay du tout point; mais pourveu que j'obeisse également quant à la partie superieure il suffit, et mon obeissance vaut mieux quand j'ay moins de plaisir à la faire, parce que c'est là où nous monstrons que c'est pour Dieu et non pour nostre plaisir que nous obeissons.

  A006000368 

 Et c'est assez dit de l'obeissance pour nous y affectionner..

  A006000368 

 Mais hors de là, les inferieurs doivent tousjours croire et faire confesser à leur propre jugement que les Superieurs font tres-bien et qu'ils ont bonne raison de le faire; car autrement ce seroit se faire Superieur et rendre le Superieur inferieur, puisque nous nous rendrions examinateurs de sa cause.

  A006000370 

 En la seconde façon, certes, il ne le faut pas faire, car par le moyen de nostre plainte nous perdons le merite de la mortification.

  A006000370 

 Parce que les creatures ne me contentent pas, je cherche le Createur: ô non! le Createur merite bien que je quitte tout pour luy; aussi veut-il que nous le fassions.

  A006000370 

 Quand donc nous sortons de devant la Superieure toutes seches et sans avoir receu une seule goutte de consolation, il faut que nous emportions nostre secheresse comme un baume precieux, comme l'on fait des affections que l'on reçoit en la sainte oraison, comme un baume, dis-je, et que nous ayons un grand soin de ne pas laisser respandre ceste liqueur precieuse qui nous a esté envoyée du Ciel comme un don tres-grand, à fin de parfumer nostre cœur de la privation de la consolation que nous pensions rencontrer és paroles de la Superieure..

  A006000370 

 Sçavez-vous ce qu'il faut faire quand nous sommes corrigés et mortifiés? il nous faut prendre ceste mortification comme une pomme d'amour et la cacher en nostre cœur, la baisant et caressant le plus tendrement qu'il nous est possible.

  A006000371 

 Tantost nous serons consolés, et d'icy à un peu nous aurons le cœur sec, et de telle sorte que les paroles de consolation nous ajusteront extremement cher à dire..

  A006000372 

 Parce que l'entendement et le jugement representent à la volonté que cela ne se doit pas, ou qu'il faut user d'autres moyens pour faire ce que l'on dit, que ceux qui nous sont marqués, elle ne peut se sousmettre, d'autant qu'elle fait tousjours plus d'estat des raisons que le propre jugement luy monstre que non pas d'aucune autre, car chacun croid que son propre jugement est le meilleur.

  A006000372 

 Si l'on vous donne quelque exercice, ne permettez pas à vostre jugement de discerner s'il vous sera propre ou non; et prenez garde que, si bien vous faites la chose ainsi qu'elle est commandée, bien souvent [196] le propre jugement n'obeit pas, je veux dire ne se sousmet pas, car il n'approuve pas le commandement: ce qui est pour l'ordinaire cause de la repugnance que nous avons de nous sousmettre à faire ce que l'on veut de nous.

  A006000372 

 Vous me demandiez encor que j'eusse à vous dire quel estoit l'exercice propre à faire mourir le propre jugement; à quoy je responds que c'est de luy retrancher fidelement toutes sortes de discours és occasions où il se veut rendre maistre, luy faisant connoistre qu'il n'est que valet; car, mes cheres filles, ce n'est que par les actes reiterés que nous acquerons les vertus, bien qu'il y ayt eu quelques ames auxquelles Dieu les a données toutes en un moment.

  A006000373 

 Nous avons en nostre âge un exemple grandement remarquable de la mortification du propre jugement.

  A006000374 

 Faire avouer que ce qui est commandé est bon, l'aimer et l'estimer comme une chose qui nous est bonne et utile au dessus de toute autre, ô c'est à cela que le jugement se trouve retif; car il y en a plusieurs qui disent: je feray bien cela ainsi que vous dites, mais je voy bien qu'il seroit mieux autrement.

  A006000374 

 Il faut donc avoir un tres-grand soin de l'empescher de faire ces considerations, à fin qu'il ne nous enyvre de ses raisons, principalement en ce qui concerne l'obeissance..

  A006000374 

 L'on void encor assez souvent des sens mortifiés, parce que la propre volonté se mesle de les mortifier, et ce seroit une chose honteuse de se monstrer retifs à l'obeissance: que diroit-on de nous? mais de propre jugement, fort rarement on en trouve de bien mortifiés.

  A006000378 

 La simplicité donc n'est autre chose qu'un acte de charité pur et simple qui n'a qu'une seule fin, qui est d'acquerir l'amour de Dieu, et nostre ame est simple lors que nous n'avons point d'autre pretention en tout ce que nous faisons.

  A006000378 

 La vertu de laquelle nous avons à traitter est si necessaire que, bien que j'en aye souventesfois parlé, vous avez neantmoins desiré que j'en fisse un Entretien tout entier.

  A006000378 

 Vous sçavez que nous appelions communément une chose simple quand elle n'est point brodée, doublée ou bigarrée; par exemple nous disons: voila une personne qui est habillée bien simplement, parce qu'elle ne porte point de façon ou de doublure en son habit, je dis de doublure façonnée ou qui se voye, ains sa robbe et son habit n'est que d'une estoffe; et cela est une robbe simple.

  A006000379 

 Et ainsi elle doubloit ceste premiere fin de l'amour de Dieu en son exercice, de plusieurs autres petites pretentions, desquelles elle fut reprise de Nostre Seigneur: Marthe, Marthe, tu te troubles de plusieurs choses, bien qu' une seule soit necessaire, qui est celle que Magdelaine a choisie et qui ne luy sera point ostée. Cest acte donc de charité simple qui fait que nous ne regardons et n'avons autre visée en toutes nos actions que le seul desir de plaire à Dieu est la part de Marie, qui est seule necessaire, et c'est la simplicité, vertu laquelle est inseparable de la charité, d'autant qu'elle regarde droit à Dieu, sans que jamais elle puisse souffrir aucun meslange de propre interest, autrement ce ne seroit plus simplicité; car elle ne peut souffrir aucune doublure des creatures ni aucune consideration d'icelles, Dieu seul y trouve place..

  A006000381 

 Or, ce que nous [204] disons qu'il n'y a point d'art, n'est pas pour mespriser certains livres qui sont intitulés: L'Art d'aymer Dieu; car ces livres enseignent qu'il n'y a point d'autre art que de se mettre à l'aymer, c'est à dire se mettre en la pratique des choses qui luy sont agreables, ce qui est le seul moyen de trouver et acquerir cest amour sacré, pourveu que ceste pratique s'entreprenne en simplicité, sans trouble et sans sollicitude.

  A006000382 

 L'astuce est un amas d'artifices, de tromperies, de malices, et c'est par le [205] moyen de l'astuce que nous trouvons des inventions pour tromper l'esprit du prochain et de ceux avec lesquels nous avons à faire, pour les conduire au poinct que nous pretendons, qui est de leur faire entendre que nous n'avons autre sentiment au coeur que celuy que nous leur manifestons par nos paroles, ni autre cognoissance sur le sujet dont il s'agit; chose qui est infiniment contraire à la simplicité, qui requiert que nous ayons l'interieur entierement conforme à l'exterieur..

  A006000383 

 Ce n'est donc pas manquer de simplicité de faire bonne mine quand nous sommes esmeus en l'interieur.

  A006000383 

 Il est vray que par fois nous avons des grandes émotions en nostre interieur sur la rencontre d'une correction ou de quelqu'autre contradiction; mais ceste émotion ne provient pas de nostre volonté, ains tout ce ressentiment se passe en la partie inferieure; la partie superieure ne consent point à tout cela, ains elle aggrée, accepte et trouve bonne ceste rencontre.

  A006000383 

 Je n'entends pas pourtant de dire qu'il faille tesmoigner en nos émotions, des passions à l'exterieur ainsi que nous les avons en l'interieur; car ce n'est pas contre la simplicité de faire bonne mine en ce temps-là, ainsi que l'on pourroit penser.

  A006000383 

 Mais ne seroit-ce point tromper ceux qui nous verroyent, dites-vous, d'autant que, quoy que nous fussions fort immortifiées, ils croiroyent que nous serions fort vertueuses? Ceste reflexion, ma chere Sœur, sur ce que l'on dira ou [206] que l'on pensera de vous, est contraire à la simplicité; car nous avons dit qu'elle ne vise qu'à contenter Dieu et nullement les creatures, sinon entant que l'amour de Dieu le requiert.

  A006000383 

 Nous avons dit que la simplicité a son regard continuel en l'acquisition de l'amour de Dieu; or l'amour de Dieu requiert de nous que nous retenions nos sentimens, et que nous les mortifions et aneantissions, c'est pourquoy il ne requiert pas que nous les manifestions et fassions voir au dehors.

  A006000384 

 De mesme en est-il de ce que l'on pourroit dire, s'il n'est pas permis de se servir de la prudence pour ne pas descouvrir aux Superieurs ce que l'on penseroit les pouvoir troubler, ou nous-mesmes en le disant; car la simplicité ne regarde sinon s'il est expedient de dire ou de faire telle chose, et puis là dessus elle se met à la faire, sans perdre le temps à considerer si le Superieur se trouble, ou bien encor moy, si je luy dis quelque pensée que j'ay eu de luy, ou qu'il ne se trouble pas, ni moy aussi.

  A006000385 

 Ce trouble ne se fait qu'en la partie inferieure de nostre ame; c'est pourquoy il ne s'en faut nullement estonner, quand il n'est pas suivi, je veux dire quand nous ne consentons point à ce qu'il nous suggere; car en ce cas là il ne le faudroit pas faire.

  A006000385 

 Mais d'où pensons-nous que vienne ce trouble, sinon du manquement de simplicité, d'autant que l'on s'amuse souvent à penser: que dira-t'on ou que pensera-t'on? au lieu de penser à Dieu et à ce qui nous peut rendre plus agreables à sa Bonté..

  A006000386 

 Ceste vertu a une grande affinité avec l'humilité, laquelle ne permet pas que l'on aye mauvaise opinion de personne que de nous-mesmes..

  A006000386 

 Et si vous en demeurez en peine, ce n'est que l'immortification qui fait cela; car à quel propos diray-je ce qui n'est pas necessaire pour mon [208] utilité, en laissant ce qui me peut plus mortifier? La simplicité, comme nous avons desja dit, ne cherche que le pur amour de Dieu, lequel ne se trouve jamais si bien qu'en la mortification de nous-mesmes; et à mesure que la mortification croist, nous nous approchons d'autant plus du lieu où nous devons trouver son divin amour.

  A006000386 

 Mais de plus, je pense, quant à moy, qu'il est meilleur et plus expedient de dire à la Superieure les pensées qui nous mortifient le plus, que non pas plusieurs autres qui ne servent de rien, sinon pour accroistre l'entretien que vous faites avec elle.

  A006000387 

 Mais bien qu'il vous arrivast de dire quelque petite chose qui semblast n'estre pas si bien receüe de toutes comme vous voudriez, il ne faudroit pas pour cela s'amuser à faire des reflexions et examens sur toutes vos paroles; ô non, car c'est l'amour propre sans doute qui nous fait faire ces enquestes, si ce que nous avons dit et fait est bien receu; mais la sainte simplicité ne court pas apres ses paroles ni ses actions, ains elle en laisse l'evenement à la divine Providence, à laquelle elle s'attache souverainement.

  A006000388 

 Mais comment peut-on accorder deux choses si contraires? L'on nous dit d'un costé qu'il faut avoir un grand soin de nostre perfection et avancement, et de [210] l'autre l'on nous defend d'y penser! Remarquez icy, s'il vous plaist, la misere de l'esprit humain, car il ne s'arreste jamais à la mediocrité, ains il court ordinairement aux extremités.

  A006000388 

 Nous tenons ce defaut de nostre bonne mere Eve, car elle en fit bien autant lors que le malin esprit la tentoit de manger du fruict defendu; elle dit que Dieu leur avoit defendu de le toucher, au lieu de dire qu'il leur avoit defendu de le manger.

  A006000389 

 C'est aussi manquer de simplicité de faire tant de considerations quand nous nous voyons faire des defauts les uns aux autres, pour sçavoir si ce sont des choses necessaires à dire à la Superieure; car dites-moy, la Superieure n'est-elle pas capable de cela, et de juger s'il est requis d'en faire la correction ou non? Mais que sçay-je moy à quelle intention ceste Sœur aura fait telle chose? dites-vous.

  A006000389 

 Il faut voirement observer et attendre le temps convenable pour faire la correction, car la faire sur le champ est un peu dangereux; mais hors de là il faut faire en simplicité ce que nous sommes obligés de faire selon Dieu, et cela sans scrupule.

  A006000389 

 La Regle qui commande de procurer l'amendement des Sœurs par le moyen des advertissemens, ne nous commande pas d'estre si considerées [212] en ce poinct, comme si l'honneur des Sœurs dependoit de ceste accusation.

  A006000389 

 La Superieure ne doit pas laisser de corriger les Sœurs parce qu'elles ont de l'aversion à la correction; car peut estre tant que nous vivrons nous en aurons tousjours, d'autant que c'est une chose totalement contraire à la nature de l'homme d'aymer d'estre avili et corrigé; mais ceste aversion ne doit pas estre favorisée de nostre volonté laquelle doit aymer l'humiliation.

  A006000390 

 Et nous autres penserons estre plus favorisés de Dieu que saint Paul, croyans qu'il [214] nous veut conduire luy-mesme sans l'entremise d'aucune creature.

  A006000390 

 La conduite de Dieu pour nous autres, mes tres-cheres filles, n'est autre que l'obeissance, car hors de là il n'y a que tromperie..

  A006000390 

 Vous voulez que je vous die un mot de la simplicité que nous devons avoir à nous laisser conduire selon l'interieur, tant à Dieu que par nos Superieurs.

  A006000391 

 C'est bien une chose certaine que tous ne sont pas conduits par un mesme chemin; mais aussi n'est-ce pas à un chacun de nous de cognoistre par quel chemin Dieu nous appelle.

  A006000391 

 Il ne faut pas dire qu'ils ne nous cognoissent pas bien, car nous devons croire que l'obeissance et la sousmission sont tousjours les vrayes marques de la bonne inspiration; et quoy qu'il puisse arriver que nous n'ayons point de consolation és exercices que l'on nous fait faire, et que nous en ayons beaucoup aux autres, ce n'est pas par la consolation que l'on juge de la bonté de nos actions.

  A006000391 

 Vous retirerez plus d'utilité de ce que vous ferez suivant la direction de vos Superieurs, que non pas en suivant vos instincts interieurs, qui ne proviennent pour l'ordinaire que de l'amour propre qui, sous couleur de bien, recherche de se complaire en la vaine estime de nous-mesmes..

  A006000392 

 Mais à quoy servent aussi les desirs si pressans et inquietans des vertus dont la pratique ne nous est pas necessaire? La douceur, l'amour de nostre abjection, l'humilité, la douce charité et cordialité envers le prochain, l'obeissance, sont des vertus dont la pratique nous doit estre commune, d'autant qu'elle nous est necessaire, parce que la rencontre des occasions nous en est frequente; mais quant à la constance, à la magnificence, et telles autres vertus que peut estre nous n'aurons jamais occasion de pratiquer, ne nous en mettons point en peine; nous n'en serons pas pour cela moins magnanimes ni genereux.

  A006000393 

 Helas! nos satisfactions et consolations ne satisfont pas les yeux de Dieu, ains elles contentent seulement ce miserable amour et soin que nous avons de nous-mesmes, hors de Dieu et de sa consideration.

  A006000393 

 Les enfans, certes, que Nostre Seigneur nous marque devoir estre le modelle de nostre perfection, n'ont ordinairement aucun soin, sur tout en la presence de leurs peres et meres; ils se tiennent attachés à eux, sans se retourner à regarder ni leurs satisfactions ni leurs consolations, qu'ils prennent à la bonne foy et en jouissent en simplicité, sans curiosité quelconque d'en considerer les causes ni les effets, l'amour les occupant assez sans qu'ils puissent faire autre chose.

  A006000394 

 Cest exercice d'abandonnement continuel de soy-mesme és mains de Dieu comprend excellemment toute la perfection des autres exercices en sa tres-parfaite simplicité et pureté; et tandis que Dieu nous en laisse l'usage, nous ne devons point le changer.

  A006000396 

 Apres que nous aurons dit cela, mes [218] tres-cheres filles, que reste-t'il sinon d'expirer et mourir de la mort de l'amour, ne vivant plus à nous-mesmes, mais Jesus Christ vivant en nous? Alors cesseront toutes les inquietudes de nostre cœur, provenantes du desir que l'amour propre nous suggere et de la tendreté que nous avons en nous et pour nous, qui nous fait secrettement empresser à la queste des satisfactions et perfections de nous-mesmes; et embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de ceste simple et amoureuse confiance, sans nous appercevoir de nostre progrés, nous le ferons grandement; sans aller, nous avancerons, et sans nous remuer de nostre place nous tirerons païs, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice.

  A006000397 

 Alors encor l'amour naturel du sang, des convenances, des bien-seances, des correspondances, des sympathies, des graces sera purifié et reduit à la parfaite obeissance de l'amour tout pur du bon plaisir divin; et certes, le grand [219] bien et le grand bon-heur des ames qui aspirent à la perfection seroit, de n'avoir nul desir d'estre aymées des creatures, sinon de cest amour de charité qui nous fait affectionner le prochain et chacun en son rang, selon le desir de Nostre Seigneur..

  A006000397 

 Alors nous serons toutes détrempées en douceur et suavité envers nos Sœurs et les autres prochains, car nous verrons ces ames là dans la poitrine du Sauveur.

  A006000398 

 De mesme devons-nous faire, exposant tout au peril quand il est requis, pour conserver en nous sain et entier Nostre Seigneur et son amour; car il est nostre chef, et nous sommes ses membres: et cela est la prudence que nous devons avoir en nostre simplicité..

  A006000398 

 Laissant toutes autres responses qui se peuvent faire à ceste demande, nous prenons [220] maintenant les paroles de Nostre Seigneur: Soyez prudens comme le serpen t lequel, lors qu'il est attaqué, il expose tout son corps pour conserver sa teste.

  A006000398 

 Plusieurs ont demandé quel estoit le serpent duquel Nostre Seigneur vouloit que nous apprinssions la prudence.

  A006000399 

 Quant à la naturelle, il la faut bien mortifier comme n'estant pas du tout bonne, nous suggerant plusieurs considerations et prevoyances non necessaires, qui tiennent nos esprits bien esloignés de la simplicité..

  A006000404 

 Or, premier que de parler de cest esprit, il faut que vous sçachiez que veut dire cela, avoir l'esprit d'une Regle; car nous entendons ordinairement dire: un tel Religieux a le vray esprit de sa Regle..

  A006000405 

 Allant donc en Hierusalem, il voulut passer par une ville de Samarie, mais les Samaritains ne le voulurent pas permettre; dequoy saint Jacques et saint Jean entrerait en colere, et furent tellement indignés contre les Samaritains de l'inhospitalité qu'ils faisoyent à leur Maistre, qu'ils luy dirent: Maistre, voulez-vous que nous fassions tomber le feu du ciel pour les abysmer et les chastier de l'outrage qu'ils vous font? Et Nostre Seigneur leur respondit: Vous ne sçavez de quel esprit vous estes, voulant dire: Ne sçavez-vous pas que nous ne sommes plus au temps d'Helie qui avoit un esprit de rigueur? Et bien qu'Helie fust un tres-grand serviteur de Dieu, et qu'il fist bien en faisant ce que vous voulez faire, neantmoins vous autres ne feriez pas bien en l'imitant, d'autant que je ne suis pas venu pour punir et confondre les pecheurs, ains pour les attirer doucement à penitence et à ma suite..

  A006000405 

 L'autre exemple que nous trouvons en l'Evangile, qui sert à [223] nostre propos, est que Nostre Seigneur voulant aller en Hierusalem, ses disciples l'en dissuadoyent, parce que les uns avoyent affection d'aller en Capharnaum, les autres en Bethanie, et ainsi taschoyent de conduire Nostre Seigneur au lieu où ils vouloyent aller; car ce n'est pas d'aujourd'huy que les inferieurs veulent conduire leurs maistres selon leur volonté.

  A006000405 

 Nous tirerons du saint Evangile deux exemples qui sont tres-propres pour vous faire comprendre cecy.

  A006000406 

 Pour le mieux entendre il faut donner des exemples qui soyent hors de nous, et apres, nous [224] reviendrons à nous-mesmes.

  A006000407 

 Il y a la generale en toutes les Religions, comme nous avons dit; mais c'est de la particuliere de laquelle je parle, et à laquelle il faut avoir un si grand amour qu'il n'y ayt chose aucune que nous puissions cognoistre qui soit conforme à ceste fin, que nous ne l'embrassions de tout nostre cœur..

  A006000407 

 Ils s'unissent bien encor à Dieu par l'oraison; mais neantmoins leur fin principale est celle que nous venons de dire, de tascher de convertir les ames et les unir à Dieu.

  A006000408 

 Mais Dieu, à qui seul appartient de faire ces assemblées de pieté, les a fait reussir en la façon que nous voyons qu'elles sont; car il ne faut jamais croire que ce soyent les hommes qui, par leur invention, ayent commencé ceste façon de vie si parfaite comme est celle de la Religion: c'est Dieu par l'inspiration duquel ont esté composées les Regles, qui sont les moyens propres pour parvenir à ceste fin generale à tous les Religieux, de s'unir à Dieu, et au prochain pour l'amour de Dieu..

  A006000408 

 Mais il faut que ceste exacte et ponctuelle observance soit entreprise en simplicité de cœur, je veux dire qu'il ne nous faut pas vouloir aller au delà, par des pretentions de faire plus qu'il ne nous est marqué dans nos Regles; car ce n'est pas par la multiplicité des choses que nous faisons que nous acquerons la perfection, mais c'est par la perfection et pureté d'intention avec laquelle nous les faisons.

  A006000409 

 Estant donc ainsi sequestrés de toutes choses, nous nous retirons en l'intime de nos cœurs pour plus parfaitement nous unir à sa divine Majesté..

  A006000409 

 Il en fait tout de mesme à la chair et à toutes ses sensualités et plaisirs, tant licites qu'illicites, par le vœu de chasteté, qui est un tres-grand moyen de s'unir à Dieu tres-particulierement; d'autant que ces plaisirs sensuels allentissent et affoiblissent grandement les forces de l'esprit, dissipent le cœur et l'amour que nous devons à Dieu, et que nous luy donnons entierement par ce moyen, ne nous contentant pas de sortir de la terre de ce monde, mais sortans encore de la terre de nous-mesme, c'est à dire renonçans aux plaisirs terrestres de nostre chair.

  A006000409 

 Mais beaucoup plus parfaitement nous unissons-nous à Dieu par le vœu d'obeissance, d'autant que nous renonçons à toute nostre ame, à toutes ses puissances, ses volontés et toutes ses affections, pour nous sousmettre et assujettir non seulement à la volonté de Dieu, mais à celle de nos Superieurs, laquelle nous devons tousjours regarder comme estant celle de Dieu mesme; et cecy est un tres-grand renoncement, à cause des continuelles productions des petites volontés que fait nostre amour propre.

  A006000413 

 Voicy un exemple en Jacob, qui est tres-admirable et fort propre pour monstrer comment il se faut accommoder aux foibles, et arrester nostre force pour nous assujettir à aller de pair avec eux, principalement quand nous y avons de l'obligation, comme ont les Religieux à suivre la Communauté en tout ce qui est de la parfaite observance.

  A006000414 

 Accommodons-nous donc volontiers avec les infirmes qui y peuvent estre receuës, et je vous asseure que nous n'arriverons pas plus tard pour cela à la perfection; ains au contraire, ce sera cela mesme qui nous y conduira plus tost, parce que n'ayant pas beaucoup à faire nous nous appliquerons à le faire avec la plus grande perfection qu'il nous sera possible.

  A006000414 

 Et c'est en quoy nos œuvres sont plus agreables à Dieu, d'autant qu'il n'a pas esgard à la multiplicité des choses que nous faisons pour son amour, comme nous avons tantost dit, ains seulement à la ferveur de la charité avec laquelle nous les faisons.

  A006000414 

 Je trouve, si je ne me trompe, que si nous nous determinons à vouloir parfaittement observer nos Regles, nous aurons assez de besogne sans nous charger davantage, d'autant que tout ce qui concerne la perfection de nostre estat y est compris..

  A006000414 

 Si nous voulons que nos voyages soyent benis de la divine Bonté, assujettissons-nous volontiers à l'exacte et ponctuelle observance de nos Regles, et cela en simplicité de cœur, sans vouloir doubler les exercices, ce qui seroit aller contre l'intention de l'Instituteur et la fin pour laquelle la Congregation a esté erigée.

  A006000416 

 De mesme nous autres, il ne faut pas que nous tenions pour un bon vent, c'est à dire pour inspiration, tant de petites volontés qui nous viennent, ores de demander à communier, tantost de faire oraison, tantost une autre chose; car nostre amour propre, qui recherche tousjours sa satisfaction, demeurerait entierement content de tout cela, et principalement de ces petites inventions, et ne cesseroit de nous en fournir tousjours de nouvelles.

  A006000416 

 Il ne faut point tenir pour inspiration les choses qui sont hors de la Regle, si ce n'est en [234] cas si extraordinaires, que la perseverance nous fasse cognoistre que c'est la volonté de Dieu, comme il s'est trouvé, pour ce qui est de la Communion, en deux ou trois grandes Saintes, les directeurs desquelles vouloyent qu'elles communiassent tous les jours.

  A006000416 

 Je trouve que c'est un tres-grand acte de perfection de se conformer en toutes choses à la Communauté et de ne s'en départir jamais par nostre propre choix; car outre, que c'est un tres-bon moyen pour nous unir avec le prochain, c'est encore cacher à nous-mesmes nostre propre perfection..

  A006000416 

 Mais quant à certaines petites ferveurs que nous avons aucunes fois, qui sont passageres et qui pour l'ordinaire sont des effets de nostre nature, lesquelles nous font desirer la Communion, il ne faut point avoir esgard à cela, non plus que les mariniers n'en ont point à un certain vent qui se leve à la pointe du jour, lequel est produit des vapeurs qui s'eslevent de la terre et n'est pas de durée, ains cesse tout aussi tost que lesdites vapeurs sont un peu surlevées et dissipées; et partant, le patron du navire qui le cognoist, ne crie point au vent et ne desploye point les voiles pour voguer à la faveur d'iceluy.

  A006000416 

 Vous me [233] demandez s'il y auroit plus de perfection à se conformer tellement à la Communauté, que mesme l'on ne demandast point à faire de Communion extraordinaire? Qui en doute, mes cheres filles? si ce n'est en certains cas, comme seroit és festes de nostre Patron ou du Saint auquel nous avons eu devotion toute nostre vie, ou quelque necessité fort pressante.

  A006000417 

 Elle tranche court à toutes les inventions de son amour propre, lequel prend une souveraine delectation à faire des entreprises de choses grandes et excellentes et qui nous font surestimer au dessus des autres.

  A006000418 

 En fin, quand nous sommes à ramer, il le faut faire par mesure; ceux qui rament sur mer ne sont pas si tost battus pour ramer un peu laschement, que s'ils ne donnent les coups de rame par mesure.

  A006000418 

 Jamais il ne faut ni penser ni croire que pour ne faire rien de plus que les autres et suivre la Communauté, [235] nous ayons moins de merite.

  A006000418 

 L'on doit tascher d'eslever les Novices toutes également, faisant les mesmes choses, à fin que l'on rame justement; et si bien toutes ne le font pas avec égale perfection, nous ne sçaurions qu'y faire, cela se trouve en toutes les Communautés..

  A006000418 

 O non, car la perfection ne consiste point és austerités; encore que ce soyent des bons moyens d'y parvenir, et qu'elles soyent bonnes en elles-mesmes, neantmoins pour nous elles ne le sont pas, parce qu'elles ne sont pas conformes à.

  A006000420 

 En fin, mes cheres filles, il faut beaucoup aymer nos Regles, puisqu'elles sont les moyens par lesquels nous parvenons à leur fin, qui est de nous conduire facilement à la perfection de la charité, qui est l'union de nos ames avec Dieu et avec le prochain.

  A006000420 

 Et non seulement cela, mais aussi de reunir le prochain avec Dieu, ce que nous faisons par la voye que nous luy presentons, laquelle est toute douce et facile, aucune fille n'estant rejettée faute de force corporelle, pourveu qu'elle ayt volonté de vivre selon l'esprit de la Visitation, qui est, comme j'ay dit, un esprit d'humilité envers Dieu et de douceur de cœur envers le prochain: et c'est cest esprit qui fait nostre union tant avec Dieu qu'avec le prochain.

  A006000420 

 Par l'humilité nous nous unissons avec Dieu, nous sousmettant à l'exacte observance de ses volontés qui nous sont signifiées dans nos Regles; car nous devons pieusement croire qu'elles ont esté dressées par son inspiration, estant receuës par la Sainte Eglise et approuvées par Sa Sainteté, qui en sont des signes tres-evidens; [237] et partant, nous les devons aymer d'autant plus tendrement, et les serrer sur nos poitrines tous les jours plusieurs fois en forme de recognoissance envers Dieu qui nous les a données.

  A006000420 

 Par la douceur de cœur nous nous unissons avec le prochain par une exacte et ponctuelle conformité de vie, de mœurs et d'exercices, ne faisant ni plus ni moins que ceux avec lesquels nous vivons et que ce qui nous est marqué en la voye en laquelle Dieu nous a mis ensemble, employant et arrestant toutes les forces de nostre ame à les faire avec toute la perfection qui nous sera possible.

  A006000421 

 Elle pouvoit bien dire: La loy n'est pas faite pour mon tres-cher Fils ni pour moy, elle ne nous oblige aucunement; mais puisque le reste des hommes y est obligé et l'observe, nous nous y sousmettons tres-volontiers pour nous conformer à un chacun d'eux, et n'estre singuliers en aucune chose.

  A006000422 

 L'on ne sçauroit aymer le commandement si l'on n'ayme celuy qui le fait; à mesure que nous aymons et estimons celuy qui fait la loy, à mesure nous nous rendons exacts à l'observer.

  A006000423 

 Il faut donc estre extrêmement ponctuelles en l'observance des loix et des regles qui nous sont données par Nostre Seigneur, mais sur tout en ce poinct de suivre en toutes choses la Communauté; et se faut bien garder de dire que nous ne sommes pas tenues d'observer ceste Regle, ou commandement particulier de la Superieure, d'autant qu'il est fait pour les foibles, et que nous sommes fortes et robustes; ni, au contraire, que le commandement est fait pour les fortes, et que nous [240] sommes foibles et infirmes.

  A006000425 

 Les mousches à miel nous monstrent l'exemple de ce que nous disons, car les unes sont employées à la garde de la ruche, et les autres sont perpetuellement au travail de la cueillette; celles toutesfois qui demeurent dans la ruche ne mangent pas moins de miel que celles qui ont la peine de l'aller picorant sur les fleurs, Ne vous semble-t'il pas que David fit une loy injuste lors qu'il commanda que les soldats qui garderoyent les hardes eussent également part au butin avec ceux qui iroyent à la bataille et qui en reviendroyent tous chargés de coups? Non certes, elle n'estoit point injuste, d'autant que ceux qui gardoyent les hardes les gardoyent pour ceux qui combattoyent, et ceux qui estoyent en la bataille [242] combattoyent pour ceux qui gardoyent les hardes: aussi ils meritoyent tous une mesme recompense, puisqu'ils obeissoyent tous également au Roy.

  A006000428 

 Chacun a des propres opinions; mais cela ne nous empesche pas de parvenir à la perfection, pourveu que nous ne nous y attachions pas ou que nous ne les aymions pas, car c'est seulement l'amour de nos propres opinions qui est infiniment contraire à la perfection; et c'est ce que j'ay tant de fois dit, que l'amour de nostre propre jugement est l'estime que l'on en fait, est la cause qu'il y a si peu de parfaits.

  A006000431 

 Or, dites-moy maintenant, nous devons-nous troubler quand on void quelque defaut parmi nous autres, puisque les Apostres les commirent bien?.

  A006000431 

 Si donc les Superieurs vouloyent changer d'opinion à tous rencontres, ils seroyent estimés legers et imprudens en leur gouvernement; mais aussi, si ceux qui n'ont point de charges vouloyent estre attachés à leurs opinions, les voulant maintenir et faire recevoir, ils seroyent tenus pour opiniastres; car c'est une chose toute asseurée que l'amour de la propre opinion degenere en opiniastreté, s'il n'est fidelement mortifié et retranché: nous en voyons l'exemple mesme entre les Apostres.

  A006000432 

 Ils ne s'arment pas à la defense quand on leur oppose quelque contrarieté ou quelque contraire opinion à celle qu'ils ont jugée pour bonne et bien asseurée, ainsi que nous avons dit du grand saint Thomas.

  A006000432 

 Par ainsi, nous voyons que c'est une chose naturelle que d'estre sujet à ses opinions..

  A006000433 

 D'estre donc sujets à faire estime de nostre propre jugement, et pour cela de s'enfoncer à la recherche des raisons propres à soustenir ce que nous avons une fois compris et trouvé bon, est une chose toute naturelle; mais de s'y laisser aller et s'y attacher, seroit une imperfection notable.

  A006000433 

 Et, bien que cela fust une imperfection, ils ne laisserent pas pour cela d'estre grands Saints et fort agreables à Dieu; ce qui nous apprend que nous ne nous devons pas troubler quand nous appercevons en nous des imperfections ou des inclinations contraires à la vraye vertu, pourveu qu'on ne se rende pas opiniastre à vouloir perseverer en icelles; car et sainte Paule et les autres qui se rendirent opiniastres, quoy que ce fust en peu de chose, ont esté reprehensibles en cela.

  A006000433 

 Quant à nous autres, il ne faut jamais que nous laissions tellement former nos opinions, que nous n'en desprenions volontiers quand il est de besoin, soit que nous soyons obligés ou non de les former.

  A006000434 

 Il est bien vray que nous ne pouvons pas empescher ce premier mouvement de complaisance qui nous vient quand nostre opinion est approuvée et suivie, car cela ne se peut éviter, mais il ne se faut pas amuser à ceste complaisance; il faut benir Dieu, puis passer outre sans se mettre en peine de la complaisance, non plus que d'un petit ressentiment de douleur qui vous viendroit si vostre opinion n'estoit pas suivie ou trouvée bonne.

  A006000434 

 Il faut mesme opiner aucune fois sur les opinions des autres et remonstrer les raisons sur quoy nous appuyons les nostres; mais il faut que cela se fasse modestement et humblement, sans mespriser l'advis des autres, ni contester pour faire recevoir les nostres..

  A006000434 

 Vous vient-il en pensée qu'on a tort de faire faire cela de la sorte, qu'il seroit mieux ainsi que vous l'avez conceu? détournez-vous de ceste pensée, en disant en vous-mesme: Helas! qu'ay-je à faire de telle chose, puisqu'elle ne m'est pas commise? Il est tousjours beaucoup [248] mieux fait de s'en détourner ainsi tout simplement, que non pas rechercher des raisons en nostre esprit pour nous faire croire que nous avons tort; car au lieu de le faire, nostre entendement, qui est preoccupé de son jugement particulier, nous donneroit le change; de sorte qu'au lieu d'aneantir nostre opinion, il nous donneroit des raisons pour la maintenir et faire recognoistre pour bonne.

  A006000436 

 Le seul et unique remede de guerir le propre jugement c'est de negliger ce qui nous vient en la pensée, nous appliquant à quelque chose de meilleur; car si nous nous voulons laisser aller à faire attention sur toutes les opinions qu'il nous suggerera és diverses rencontres et occasions, qu'arrivera-t'il sinon une continuelle distraction et empeschement des choses plus utiles et qui sont propres à nostre perfection, nous rendans incapables et invalides pour faire la sainte oraison? Car ayant donné la liberté à nostre esprit de s'amuser à la consideration de telles tricheries, il s'enfoncera tousjours plus avant, et nous produira pensées sur pensées, opinions sur opinions et raisons sur raisons, qui nous importuneront merveilleusement en l'oraison.

  A006000437 

 C'est, comme j'ay dit plusieurs fois, la derniere chose que nous quittons, et toutesfois c'est une des choses la plus necessaire à quitter et renoncer pour l'acquisition de la vraye perfection; car autrement nous n'acquerrons pas la sainte humilité, qui nous empesche et nous defend de faire aucune estime de nous ni de tout ce qui en dépend; et partant, si nous n'avons la pratique de ceste vertu en grande recommandation, nous penserons tousjours estre quelque chose de meilleur que nous ne sommes, et que les autres nous en doivent de reste.

  A006000437 

 Car si nous ne les estimons pas, nous n'en serons pas si amoureux; et si nous ne les aymons pas, nous ne nous soucierons guere qu'elles soyent approuvées, et ne serons pas si legers à dire: Les autres croiront ce qu'ils voudront, mais quant à moy... Sçavez-vous que veut dire ce quant à moy? Rien autre sinon: Je ne me sousmettray point, ains je seray ferme en ma resolution et en mon opinion.

  A006000437 

 Voila donc ce que j'avois à vous dire sur le sujet de la premiere question, par laquelle nous avons esté enseignés que d'avoir des opinions n'est pas une chose [250] contraire à la perfection, mais ouy bien d'avoir l'amour de nos propres opinions et l'estime par consequent.

  A006000438 

 Ce que pour mieux entendre, il faut que je vous ressouvienne de ce que vous sçavez tres-bien, que nous avons deux amours en nous, l'amour affectif et l'amour effectif; et cela est tant en l'amour que nous avons pour Dieu qu'en celuy que nous avons pour le prochain et pour nous-mesmes encore; mais nous ne parlerons que de celuy du prochain, et puis nous retournerons à nous-mesmes..

  A006000438 

 Si vous ne me demandez rien davantage, nous passerons à la seconde question, qui est si la tendreté que nous avons sur nous-mesmes nous empesche beaucoup au chemin de la perfection.

  A006000440 

 Des esprits bien faits ne s'arrestent point à ces niaiseries et fades tendretés, qui ne sont propres qu'à nous arrester en la voye de nostre perfection.

  A006000440 

 Et apres cela, ne pouvoir souffrir que l'on nous estime tendres, n'est-ce pas l'estre grandement?.

  A006000440 

 L'amour que nous avons pour nous-mesmes est de ceste sorte, affectif et effectif.

  A006000443 

 Il ne faut pas estre aussi si tendres, que de vouloir tousjours dire toutes les incommodités que nous avons, quand elles ne sont pas d'importance: un petit mal de teste ou un petit mal de dens, qui sera peut estre bien tost passé, si vous le voulez porter pour l'amour de Dieu, il n'est pas besoin de l'aller dire pour vous faire un peu plaindre.

  A006000444 

 Je croy bien que vous prenez plus de plaisir et de confiance de dire vostre mal à celle qui n'est point chargée de vous faire prendre du soulagement qu'à celle qui a ce soin et ce pouvoir; car tandis que vous faites ainsi, chacun plaint ma Sœur telle, et se met-on en besogne pour pourvoir de remedes, au lieu que si vous le disiez à la Sœur qui a charge de vous, il faudroit entrer en sujetion de faire ce qu'elle ordonneroit: et cependant, c'est ceste benite sujetion que nous evitons tousjours de tout nostre cœur, l'amour propre recherchant d'estre gouvernante de nous-mesme et maistresse de nostre propre volonté.

  A006000446 

 Ceste tendreté est beaucoup plus insupportable és choses de l'esprit que non pas és corporelles; et si, elle est par malheur plus pratiquée et nourrie par les personnes spirituelles, lesquelles voudroyent estre saintes du premier coup, sans vouloir neantmoins qu'il leur couste rien, non pas mesme les souffrances des combats que leur cause la partie inferieure, par les ressentimens qu'elle a és choses contraires à la nature; et cependant, veuillons ou non, il faudra que nous ayons le courage de souffrir, et par consequent de resister à ces efforts tout le temps de nostre vie en plusieurs rencontres, si nous ne voulons faire banqueroute à la perfection que nous avons entreprise.

  A006000446 

 Je desire grandement [257] que l'on distingue tousjours les effets de la partie superieure de nostre ame d'avec les effets de la partie inferieure, et que nous ne nous estonnions jamais des productions de l'inferieure, pour mauvaises qu'elles puissent estre; car cela n'est nullement capable de nous arrester en chemin, pourveu que nous nous tenions fermes en la partie superieure, pour aller tousjours avant au chemin de la perfection, sans nous amuser et perdre le temps à nous plaindre que nous sommes imparfaits et dignes de compassion, comme si on ne devoit faire autre chose que de plaindre nostre misere et infortune d'estre si tardifs à venir à chef de nostre entreprise..

  A006000447 

 A nous autres, il nous fait si grand bien de pleurer sur nos defauts; cela contente tant l'amour propre! Il faut, mes cheres filles, estre fort genereuses et ne s'estonner nullement de nous voir sujettes à mille sortes d'imperfections, et avoir neantmoins un grand courage pour mespriser nos inclinations, nos humeurs, bijarreries et attendrissemens, mortifiant fidelement tout cela en chaque rencontre.

  A006000447 

 Ceste bonne fille de laquelle nous avons parlé, ne s'attendrit nullement en me parlant de son defaut; ains elle me le dit avec un cœur et contenance fort asseurée, en quoy elle me pleut davantage.

  A006000447 

 Que si neantmoins il nous eschappe d'y faire des fautes, par cy par là, ne nous arrestons pourtant pas; mais relevons nostre courage pour estre plus fidelles à la premiere occasion, et passons outre, faisant du chemin en la voye de Dieu et au renoncement de nous-mesmes..

  A006000449 

 Et comme apres la confession il n'est pas temps de s'examiner pour voir si on a bien dit tout ce que l'on a fait, ains c'est le temps de se tenir attentif aupres de Nostre Seigneur en tranquillité, avec lequel nous nous sommes reconciliés, et luy rendre graces de ses bien-faits, n'estant nullement necessaire de faire la recherche de ce que nous pourrions avoir oublié, de mesme en est-il apres avoir rendu compte: il faut dire tout simplement ce qui nous vient; apres, il n'y faut plus penser.

  A006000450 

 Il faut bien apprendre à souffrir un peu genereusement ces petites choses auxquelles nous ne pouvons pas mettre du remerle, estant des productions, pour l'ordinaire, de nostre nature imparfaite: comme sont ces inconstances d'humeurs, de volontés, de desirs, qui produisent tantost un peu de chagrin, tantost une envie de parler et puis, tout pour un coup, une aversion grande de le faire, et choses semblables, auxquelles nous sommes sujets et le serons tant que nous vivrons en ceste vie perissable et passagere.

  A006000451 

 L'on ne dit point: Helas! j'ay offencé Dieu, il faut recourir à sa bonté et esperer qu'il me fortifiera; on dit: O je sçay bien que Dieu est bon; il n'aura pas égard à mon infidelité, il recognoist trop bien nostre infirmité; mais nostre Mere... Nous revenons tousjours là pour continuer nos plaintes..

  A006000452 

 Faisons du mieux que nous pourrons pour ne fascher personne; mais apres cela, s'il arrive que par vostre infirmité vous les mescontentiez quelque fois, recourez soudain à la doctrine que je vous ay si souvent preschée et que j'ay tant d'envie de graver en vos esprits.

  A006000452 

 Humiliez-vous soudain devant Dieu en recognoissant vostre fragilité et foiblesse, et puis reparez vostre faute, si elle le merite, par un acte d'humilité à l'endroit de la personne que vous avez peu fascher; et cela fait, ne vous troublez jamais, car nostre pere spirituel qui est l'amour de Dieu, nous le defend, en nous enseignant qu'apres que nous avons fait, l'acte d'humilité, ainsi que je dis, nous rentrions en nous-mesmes pour caresser tendrement et cherement ceste abjection bien-heureuse qui nous revient d'avoir failli, et ceste bien-aymée reprehension que la Superieure nous fera..

  A006000452 

 Mais aussi il dit par apres: Ne servez point vos maistres à l'œil, voulant dire qu'ils se gardent bien de rien faire de plus estant à la veuë des maistres, qu'ils feroyent estant absens, parce que l'œil de Dieu les void tousjours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui luy puisse déplaire; et en ce faisant ne nous mettre pas en grande peine ni souci de vouloir tousjours contenter les hommes, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A006000453 

 Il faut avec simplicité rapporter une fois nos raisons, si elles nous semblent bonnes; mais au partir de là, acquiescer sans plus de repliques à ce que l'on nous dit, et par ainsi faire mourir nostre jugement, que nous estimons si sage et prudent au dessus de tout autre..

  A006000453 

 Nous avons deux amours, deux jugemens et deux volontés; et partant il ne faut faire nul estat de tout ce que l'amour propre, le jugement particulier ou la propre volonté nous suggerent, pourveu que nous fassions regner l'amour de Dieu au dessus de l'amour propre, le jugement des Superieurs, voire des inferieurs et egaux, au dessus du nostre, le reduisant au petit pied; ne se contentant pas de faire assujettir nostre volonté, en faisant tout ce que l'on veut de nous, mais assujettissant le jugement à croire que nous n'aurions nulle raison [262] de ne pas estimer que cela soit justement et raisonnablement fait, dementant ainsi absolument les raisons qu'il voudroit apporter, pour nous faire accroire que la chose qui nous est commandée seroit mieux faite autrement qu'ainsi que l'on nous dit.

  A006000454 

 C'est la marque d'un cœur tendre et d'une devotion molle, de se laisser aller à tous les petits rencontres de contradiction: n'ayez pas peur que ces niaiseries d'humeur melancolique et despiteuse soyent jamais parmi nous; nous avons trop bon courage, graces à Dieu; nous nous appliquerons tant à faire desormais, qu'il y aura grand plaisir de nous voir.

  A006000454 

 Cependant, mes cheres filles, purifions bien nostre intention, à fin que faisant tout pour Dieu, pour son honneur et gloire, nous attendions nostre recompense de luy seul.

  A006000458 

 Il faut sçavoir que la determination de suivre la volonté de Dieu en toutes choses sans exception est contenue dans l'Oraison dominicale, en ces paroles que nous disons tous les jours: Vostre volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A006000458 

 Il n'y a aucune resistance à la volonté de Dieu au Ciel, tout luy est sujet et obeissant; ainsi disons-nous qu'il nous puisse arriver et ainsi demandons-nous à Nostre Seigneur de faire, n'y apportant jamais aucune resistance, mais demeurans tous jours tres-sujets et obeissans en toutes occurrences à ceste divine volonté.

  A006000459 

 Aux commandemens de Dieu et de l'Eglise il faut necessairement que chacun obeisse, parce que c'est la volonté de Dieu absolue, qui veut qu'en cela nous obeissions si nous voulons estre sauvés.

  A006000459 

 C'est un conseil de quitter tout pour suivre Nostre Seigneur desnué de toutes choses; c'est un conseil de prester et de donner l'aumosne: dites-moy, celuy qui a quitté tout d'un coup ce qu'il avoit, dequoy peut-il faire l'aumosne puisqu'il n'a rien? Il faut doncques suivre les conseils que Dieu veut, que nous suivions, et ne pas croire qu il les ayt tous donnés à fin que nous les [265] embrassions tous.

  A006000459 

 Mesme nous ne devons pas vouloir entreprendre la pratique de tous, ains seulement de ceux qui sont plus conformes à nostre vocation; car il y en a qui sont tellement opposés les uns aux autres, qu'il seroit impossible tout à fait d'embrasser la pratique de l'un sans oster le moyen de pratiquer l'autre.

  A006000459 

 Or, la pratique des conseils qu'il faut que nous pratiquions nous autres, sont ceux qui sont compris dans nos Regles..

  A006000459 

 Ses conseils, il veut bien que nous les observions, mais non pas d'une volonté absolue, ains seulement par maniere de desir; c'est pourquoy nous ne perdons pas la charité et ne nous separons pas de Dieu pour n'avoir pas le courage d'entreprendre l'obeissance des conseils.

  A006000460 

 Il ne veut pas aussi que nous attendions que luy-mesme nous manifeste ses volontés ou qu'il nous envoye des Anges pour les nous enseigner; mais sa volonté est que nous recourions, és choses douteuses et d'importance, à ceux qu'il a establis sur nous pour nous conduire, et que nous demeurions totalement sousmis à leur conseil et à leur opinion en ce qui regarde la perfection de nos ames.

  A006000460 

 Nous avons dit de plus que Dieu nous signifie sa volonté par ses inspirations; il est vray, mais pourtant il ne veut pas que nous discernions de nous-mesmes si ce qui nous est inspiré est sa volonté, ni moins qu'à tort et à travers nous suivions ses inspirations.

  A006000460 

 Voila donc comment Dieu nous manifeste sa volonté que nous appelions volonté signifiée..

  A006000461 

 Et à ceste volonté de Dieu, nous devons tousjours estre prests de nous sousmettre en toutes occurrences, és choses desagreables comme és agreables, en la mort comme en la vie, en fin en tout ce qui n'est point manifestement contre la volonté de Dieu signifiée, car celle-cy va devant; et c'est en cecy que nous respondons à la seconde partie de la demande.

  A006000461 

 Il y a de plus la volonté du bon plaisir de Dieu, laquelle nous devons regarder en tous les evenemens, je veux dire en tout ce qui nous arrive: en la maladie, en la mort, en l'affliction, en la consolation, és choses adverses et prosperes, bref en toutes choses qui ne sont point preveües.

  A006000462 

 Outre cela, Nostre Seigneur n'a-t'il pas dit que si nous ne sommes faits comme un petit enfant nous n'entrerons point au Royaume des cieux? Ne vous estonnez donc point si je suis doux et facile à condescendre comme un enfant, puisqu'en cela je ne fais que ce qui m'a esté ordonné par mon Sauveur.

  A006000462 

 Sçachez donc que me ressouvenant que Nostre Seigneur a commandé que nous fissions aux autres ce que nous voudrions qui nous fust fait, je ne peux faire autrement; car je voudrois que Dieu fist ma volonté, et partant je fais volontiers celle de mes Freres et de mes prochains, à fin [267] qu'il plaise à ce bon Dieu de faire quelquesfois la mienne.

  A006000464 

 Il n'y a pas aussi grand danger de passer ainsi ou ainsi les joncs à faire des nattes; mais il y auroit bien du danger si nous n'avions à cœur ceste [269] parole tant celebre du Sauveur: Si vous n'estes faits comme petits enfans, vous n'aurez point de part au Royaume de mon Pere.

  A006000465 

 Il faut donc se sousmettre tousjours à faire tout ce que l'on veut de nous pour faire la volonté de Dieu, pourveu qu'il ne soit pas contraire à sa volonté qu'il nous a signifiée en la maniere susdite..

  A006000465 

 Or, non seulement les Saints nous ont enseigné ceste pratique de la sousmission de nostre volonté, mais aussi Nostre Seigneur mesme, tant par exemple que par parole.

  A006000466 

 Ce n'est pas aussi de ceste sorte de volonté que l'on demande s'il s'y faut sousmettre, car on n'en doute nullement; mais de celles qui sont hors de propos et desquelles nous ne cognoissons pas la raison pourquoy l'on veut cela de nous, c'est où il va du bon.

  A006000466 

 Il faut donc recevoir par maniere de souffrance l'execution de telles volontés, et se servir de ces contradictions journalieres pour nous mortifier, les acceptant avec amour et douceur.

  A006000466 

 Par maniere de complaisance, il n'est pas besoin d'exhortation pour les nous faire suivre; car tres-volontiers nous obeissons aux choses agreables, ains nous allons au devant de ces volontés-là pour leur offrir nos sousmissions.

  A006000467 

 O Dieu! mes cheres Sœurs, c'est icy où la divine Majesté nous veut faire gaigner le prix de la sousmission; car si nous voyions bien tousjours que l'on a raison de nous commander ou de nous prier de faire une telle chose, nous n'aurions pas grand merite en la faisant, ni grande repugnance, parce que sans doute toute nostre ame aquiesceroit volontiers à cela; mais quand les raisons nous sont cachées, c'est lors que nostre volonté repugne, que nostre jugement regimbe, et ressentons la contradiction.

  A006000468 

 C'est pourquoy, encore que nous cognussions qu'ils eussent des inclinations naturelles, voire mesme des passions, par les mouvemens desquelles ils commanderoyent quelquefois ou reprendroyent les defauts de leurs inferieurs, il ne s'en faudroit nullement estonner, car ils sont hommes comme les autres, et par consequent sujets à avoir des inclinations et des passions; mais il ne nous est pas permis de faire jugement que ce qu'ils nous commandent [272] parte de leur passion et inclination, et c'est chose qu'il se faut garder de faire.

  A006000468 

 Es choses de consequence, il ne faut non plus perdre le temps à les considerer, mais il s'en faut addresser à nos Superieurs, à fin de sçavoir d'eux ce que nous avons à faire; apres quoy, il n'y faut plus penser, ains s'arrester absolument à leur opinion, puisque Dieu nous les a donnés pour la conduite de nostre ame en la perfection de son amour.

  A006000468 

 Neantmoins, si nous cognoissions palpablement que cela fust, il ne faudroit pas laisser d'obeir tout doucement et amoureusement, et se sousmettre avec humilité à la correction..

  A006000468 

 Que si l'on doit ainsi condescendre à la volonté d'un chacun, beaucoup plus le doit-on faire à celle des Superieurs, lesquels nous devons tenir et regarder parmi nous comme la personne de Dieu mesme; aussi sont-ils ses lieutenans.

  A006000469 

 C'est voirement une chose bien dure à l'amour propre que d'estre sujet à toutes ces rencontres, Il est vray; mais ce n'est pas aussi cest amour là que nous devons contenter ni escouter, ains seulement le tres-saint amour de nos ames, Jesus, qui demande de ses cheres espouses une sainte imitation de la parfaite obeissance qu'il rendit, non seulement à la tres-juste et bonne volonté de son Pere, mais aussi à celle de ses parens, et qui plus est, de ses ennemis lesquels sans doute suivirent leurs passions aux travaux qu'ils luy imposerent; et cependant le bon Jesus ne laisse de s'y sousmettre doucement, humblement, amoureusement.

  A006000469 

 Et nous verrons assez que ceste parole de Nostre Seigneur qui ordonne que l'on prenne sa croix, doit estre entendue de recevoir de bon cœur les contradictions qui nous sont faites à tous rencontres par la sainte obeissance, bien qu'elles soyent legeres et de peu d'importance..

  A006000471 

 Premierement, je voudrois qu'on portast un grand honneur aux confesseurs; car, outre que nous sommes fort obligés d'honnorer le sacerdoce, nous les devons regarder comme des Anges que Dieu nous envoye pour nous reconcilier avec sa divine Bonté.

  A006000472 

 En second lieu, nous avons quelque reciproque obligation aux confesseurs en l'acte de la confession, de tenir caché ce qu'ils nous auront dit, si ce n'estoit quelque chose de bonne edification; et hors de là il n'en faut point parler.

  A006000473 

 Il faut que la colere soit déreglée, ou qu'elle nous porte à des actions déreglées, pour estre peché.

  A006000474 

 Je voudrois bien, de plus, que l'on eust un grand soin d'estre bien veritables, simples et charitables en la confession (veritable et simple est une mesme chose): dire bien clairement ses fautes, sans fard, sans artifice, faisant attention que c'est à Dieu que nous parlons, auquel rien ne peut estre celé; fort charitables, ne meslant aucunement le prochain en vostre confession.

  A006000475 

 Certes, on a beaucoup d'obligation de le faire; car il semble que ce soyent des messagers celestes qui viennent de la part de Dieu pour nous enseigner le chemin de salut.

  A006000475 

 De mesme faut-il faire de la parole de Dieu: ne point regarder qui est-ce qui la nous apporte ou qui est-ce qui la nous declare; il nous doit suffire que Dieu se sert de ce predicateur pour la nous enseigner.

  A006000475 

 Et puisque nous voyons que Dieu l'honnore tant que de parler par sa bouche, comment est-ce que nous autres pourrions manquer d'honnorer et de respecter sa personne?.

  A006000475 

 Il les faut regarder comme tels, et non pas comme des simples hommes; car, quoy qu'ils ne parlent pas si bien que les hommes celestes, il ne faut pourtant rien rabattre de l'humilité et reverence avec laquelle nous devons recevoir la parole de Dieu, qui est tousjours la mesme, aussi pure, aussi sainte que si elle estoit dite et proferée par les Anges.

  A006000482 

 Le veniel fait seulement une petite ouverture entre Dieu et nous, et par le Sacrement de Confession nous remettons nostre ame en son premier estat..

  A006000482 

 O que les ames religieuses ont un grand advantage par dessus les mondains, estant dehors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000483 

 L'on peut commettre en confession quatre grands manquemens: le premier, quand l'on y va plustost pour [281] se descharger que pour plaire à Dieu; l'on est si satisfait quand on a bien dit ses raisons, meslant le defaut des autres pour nous mieux faire entendre! Et c'est par ceste voye que les pechés se commettent bien souvent en confession.

  A006000486 

 Toutefois, il ne se faut pas mettre en peine, car nous n'avons pas une perfection exempte d'amour propre qui nous fait tousjours faire quelque chose par cy par là.

  A006000487 

 Mes cheres filles, ne nous amusons point à tous ces discernemens, ni à vouloir pleurer et sentir nostre contrition; suffit qu'elle soit solide au fond du cœur et en la resolution d'amendement.

  A006000490 

 Humilions-nous devant Dieu et il nous pardonnera; faisons resolution de nous confesser à la premiere occasion, et passons chemin en la voye de Dieu.

  A006000493 

 Mais icy entre nous autres, mes cheres filles, nous sçavons bien que cela est impossible; c'est pourquoy nous ne craignons point de nous scandaliser en disant franchement nos petites infirmités.

  A006000493 

 Ne voyez-vous pas que quand je presche au choeur devant les seculiers, comme [286] barbier, je ne fay point de mal? Je ne jette que des parfums, je ne parle que des vertus et des choses propres à consoler nos ames; je joüe un peu du flageolet, parlant des louanges que nous devons rendre à Dieu.

  A006000494 

 La premiere demande est: Qu'est-ce qu'aversion? Les aversions sont certaines inclinations qui sont aucunefois naturelles, lesquelles font que nous avons un certain petit contre-cœur à l'abord de ceux envers qui nous les avons, qui empesche que nous n'aymons pas leur conversation, s'entend que nous n'y prenons pas du plaisir, comme nous ferions en celle de ceux envers lesquels nous avons une inclination douce, qui nous les fait aymer d'un amour sensible, parce qu'il y a une certaine alliance et correspondance entre nostre esprit et le leur..

  A006000496 

 Or, de ces aversions naturelles il n'en faut pas faire grand cas, non plus que des inclinations, pourveu que nous sousmettions le tout à la raison.

  A006000497 

 Mais le malheur est que nous voulons trop bien cognoistre si nous avons raison ou non d'avoir aversion à quelque personne.

  A006000497 

 O jamais il ne faut s'amuser à ceste recherche; car nostre amour propre, qui ne dort jamais, nous dorera si bien la pillule qu'il nous fera accroire qu'elle est bonne; je veux dire qu'il nous fera voir qu'il est vray que nous avons certaines raisons lesquelles nous sembleront bonnes, et puis, celles-là estans approuvées de nostre propre jugement et de l'amour propre, il n'y aura plus de moyen de nous empescher de les trouver justes et raisonnables.

  A006000498 

 Mais il les faut combattre et abattre quand on void que le naturel passe plus outre, et nous veut faire departir de la sousmission que nous devons à la raison, qui ne nous permet jamais de rien faire en faveur de nos aversions, non plus que de nos inclinations quand elles sont mauvaises, de crainte d'offencer Dieu.

  A006000498 

 Nous n'avons jamais raison d'avoir de l'aversion, beaucoup moins de la vouloir nourrir.

  A006000498 

 Or, quand nous ne faisons autre chose en faveur de nos aversions que de parler un peu moins agreablement que nous ne ferions à une personne pour laquelle nous aurions de grands sentimens d'affection, ce n'est pas grande chose; ains il n'est presque pas en nostre pouvoir de faire autrement, quand nous sommes en l'émotion de ceste passion; l'on auroit tort de requerir cela de nous..

  A006000499 

 De vouloir lire pour contenter la curiosité, est une marque que nous avons encore un peu l'esprit leger, et qu'il ne s'amuse pas assez à faire le bien qu'il a apprins en ces petits livres de la pratique des vertus; car ils parlent fort bien de l'humilité et de la mortification, que l'on ne pratique pourtant pas lors que l'on ne les accepte pas de bon cœur..

  A006000499 

 Je dis bien plus, car je vous asseure que nous prendrions plaisir à ne lire jamais qu'un mesme livre, pourveu qu'il fust bon et qu'il parlast de Dieu; ains, quand il n'y auroit que ce seul nom de Dieu nous serions contens, puisque nous trouverions tousjours assez de besogne à faire, apres l'avoir leu et releu plusieurs fois.

  A006000499 

 La seconde demande est: Comment on se doit comporter en la reception des livres que l'on nous donne à lire? La Superieure donnera à une des Sœurs un livre qui traitte fort bien des vertus; mais parce qu'elle ne l'ayme pas, elle ne fera point de profit de sa lecture, ains elle le lira avec une negligence d'esprit; et la raison est, qu'elle sçait desja sur le doigt ce qui est comprins dans [291] ce livre, et qu elle auroit plus de desir que l'on luy en fist lire un autre.

  A006000499 

 Or je dis que c'est une imperfection de vouloir choisir ou desirer un autre livre que celuy que l'on nous donne, et.

  A006000499 

 Si nous lisions pour profiter, et non pas pour nous contenter, nous serions également satisfaits d'un livre comme d'un autre; au moins accepterions-nous de bon cœur tous ceux que nostre Superieure nous donneroit pour lire.

  A006000499 

 c'est une marque que nous lisons plustost pour satisfaire à la curiosité de l'esprit, que non pas pour profiter de nostre lecture.

  A006000500 

 Mais le mal d'où procede tout cecy est que nous cherchons tousjours nostre propre satisfaction, et non pas nostre plus grande perfection.

  A006000500 

 Si d'aventure l'on a esgard à nostre infirmité, et que la Superieure nous mette au choix du livre que nous voudrons, alors nous le pouvons choisir avec simplicité; mais hors de là, il faut demeurer tousjours humblement sousmise à tout ce que la Superieure ordonne, soit qu'il soit à nostre gré ou non, sans jamais tesmoigner les sentimens que nous pourrions avoir qui seroyent contraires à ceste sousmission..

  A006000501 

 Car la vertu de force et la force de la vertu ne s'acquiert jamais au temps de la paix, et tandis que nous ne sommes pas exercés par la tentation de son contraire.

  A006000501 

 La troisiesme demande est si nous nous devons estonner de voir des imperfections entre nous autres, ou mesmes aux Superieures.

  A006000502 

 Bien souvent il arrive que nos passions dorment et demeurent assoupies; et si pendant ce temps-là nous ne faisons provision de forces pour les combattre et leur resister, quand elles viendront à se réveiller, nous serons vaincus au combat.

  A006000502 

 Il faut tousjours demeurer humbles et ne pas croire que nous ayons les vertus, encore que nous ne fassions pas, au moins que nous cognoissions, des fautes qui leur sont contraires.

  A006000503 

 Helas! mes cheres filles, si l'on ne vouloit mettre des Superieurs et Superieures sinon qu'ils fussent parfaits, il faudroit prier Dieu de nous envoyer des Saints ou des Anges pour l'estre, car des hommes nous n'en trouverons point.

  A006000503 

 Hé! dites-moy, Nostre Seigneur ne nous a-t'il pas monstré luy-mesme qu'il n'y falloit pas [295] prendre garde, en l'élection qu'il fit de saint Pierre pour le rendre Superieur de tous les Apostres? car chacun sçait quelle faute fit cest Apostre en la Mort et Passion de son Maistre, s'amusant à parler avec une chambriere, et reniant si malheureusement son tres-cher Seigneur qui luy avoit fait tant de bien; il fit le bravache, et puis en fin il print la fuite.

  A006000504 

 En un mot, mes cheres filles, ressouvenons-nous des paroles du grand Apostre saint Paul: La charité ne pense point de mal; voulant dire que dés qu'elle le void elle s'en destourne, sans y penser ni s'amuser à le considerer..

  A006000504 

 Mais en fin il nous fasche bien de rencontrer la mortification où nous ne la cherchons pas.

  A006000504 

 Ne pensons pas, tandis que nous serons en ceste vie, de pouvoir vivre sans commettre des imperfectoins; car il ne se peut, soit que nous soyons Superieurs, soit que nous soyons inferieurs, puisque nous sommes tous hommes, et par consequent avons tous besoin de croire ceste verité comme tres-asseurée, à fin que nous ne nous estonnions pas de nous voir tous sujets à des imperfections.

  A006000504 

 Nostre Seigneur nous a ordonné de dire tous les jours ces paroles qui sont au Pater: Pardonnez-nous [296] nos offences, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offencés; et n'y a point d'exception en ceste ordonnance, parce que nous avons tous besoin de le faire.

  A006000505 

 Mais si la Sœur estoit un peu troublée en le disant, la Superieure ne devroit pas faire semblant de rien, mais destourner ce propos, et neantmoins cacher l'abjection dans son cœur; car il faut bien prendre garde que nostre amour propre ne nous fasse perdre l'occasion de voir que nous sommes imparfaits, et de nous humilier.

  A006000506 

 Voila donc, mes cheres Sœurs, comment il ne se faut jamais oublier de ce que nous avons esté, à fin que nous ne devenions pires, et ne pas penser que nous soyons parfaits quand nous ne commettons pas beaucoup d'imperfections..

  A006000506 

 Voyez-vous, ceste petite vertu de l'amour de nostre abjection ne doit jamais s'esloigner de nostre cœur d'un pas, parce que nous en avons besoin à toute heure, pour avancés que nous soyons en la perfection, d'autant que nos passions renaissent, voire quelquesfois apres que nous avons vescu longuement en la Religion et apres avoir fait un grand progres en la perfection, ainsi qu'il advint à un Religieux de saint Pachome, nommé Sylvain, lequel estant au monde estoit comedien de profession; et, s'estant converti et fait Religieux, il passa l'année de sa probation, voire plusieurs autres apres, avec une mortification fort exemplaire, sans que l'on luy vist jamais faire aucun acte de son premier mestier.

  A006000507 

 Il faut aussi prendre garde de ne nous pas estonner si nous avons des passions, car nous n'en serons jamais exempts; ces hermites qui voulurent dire le contraire furent censurés par le sacré Concile, et leur opinion condamnée et tenue pour erreur.

  A006000507 

 Nous ferons donc tousjours quelques fautes; mais il faut faire en sorte qu'elles soyent rares et qu'il ne s'en voye que deux en cinquante ans, ainsi qu'il ne s'en vid que deux en autant de temps que vesquirent les Apostres apres qu'ils eurent receu le Saint Esprit.

  A006000511 

 Ces honneurs sont bons pour ces maisons religieuses où l'on appelle Madame, la Superieure; mais pour nous autres, il ne faut rien de tout cela..

  A006000511 

 Il nous faut eviter soigneusement toutes ces choses qui nous font paroistre quelque chose au dessus des autres, je veux dire suréminent [302] et remarquable.

  A006000511 

 La Superieure doit estre recognuë et remarquée par ses vertus, et non pas par ces singularités non necessaires, specialement entre nous autres de la Visitation, qui voulons faire une profession particuliere d'une grande simplicité et humilité.

  A006000516 

 O Dieu, ma fille, se plaindre! n'ay-je pas dit à Philothée, que « pour l'ordinaire, qui se plaint peche »? Or, de se plaindre à la Superieure quand une Sœur nous a mortifiée, cela est tolerable à une fille imparfaite; mais se plaindre à une Sœur de ce que la Superieure nous a mortifiée, je n'ay rien à dire là-dessus, parce que sans marchander il s'en faut amender, si quelqu'une y estoit inclinée.

  A006000517 

 A plus forte raison sommes-nous obligés de couvrir ceux du prochain, luy en faisant toutes-fois la correction fraternelle, ainsi que la Constitution vous enseigne.

  A006000517 

 Car voyez-vous, mes tres-cheres filles, [305] nous pouvons bien dire nos pechés veniels haut et clair à tout le monde pour nous humilier, mais non nos pechés mortels, parce que nous ne sommes pas maistres de nostre reputation.

  A006000517 

 L'on demande s'il est loisible de nommer à la Superieure la Sœur qui nous a rapporté quelque chose qu'elle auroit dit à nostre desavantage.

  A006000518 

 Certes, nous devrions avoir une si cordiale jalousie de la paix et tranquillité de nos cheres Sœurs, que nous ne devrions jamais rien faire ni dire qui les puisse fascher; or, rien ne peut tant affliger une pauvre fille que de croire que la Superieure est faschée d'elle [306] ou contre elle.

  A006000518 

 Je ne voudrois pas mesme, generalement parlant, que l'on nommast à la Superieure les Sœurs qui parleroyent contre elle; bien luy dirois-je que l'on desapprouve telle et telle chose qu'elle fait, mais je ne luy dirois point qui fait ce desapprouvement; car, mes cheres filles, si nous n'avons la ferveur et pureté de la charité, nous n'aurons jamais la perfection..

  A006000526 

 Ainsi en voyons-nous qui viennent par despit et ennuy en Religion; et quoy qu'il semble que ces vocations ne soyent pas bonnes, neantmoins on en a veu qui estans ainsi venus, ils ont fort bien reussi au service de Dieu.

  A006000528 

 Comment donc, parmi une si grande varieté de vocations et par de si differens motifs, pourra-t'on recognoistre la bonne d'avec la mauvaise, pour n'estre point trompés? C'est une chose voirement de grande importance que ceste-cy, et laquelle est bien difficile; neantmoins elle ne l'est point tant que nous soyons entierement destitués de moyens pour recognoistre la bonté d'une vocation.

  A006000530 

 Doncques, pour sçavoir si Dieu veut que l'on soit Religieux, il ne faut pas attendre qu'il nous parle sensiblement, ou qu'il nous envoye quelque Ange du Ciel pour nous signifier sa volonté; ni moins est-il besoin d'avoir des revelations sur ce sujet.

  A006000530 

 Il ne faut non plus [313] un examen de dix ou douze docteurs pour voir si l'inspiration est bonne ou mauvaise, s'il la faut suivre ou non; mais il faut bien correspondre et cultiver le premier mouvement, et puis ne se pas mettre en peine s'il vient des dégousts et des refroidissemens touchant cela; car si l'on tasche tousjours de tenir sa volonté bien ferme à vouloir rechercher le bien qui nous est monstré, Dieu ne manquera pas de faire reussir le tout à sa gloire.

  A006000532 

 Car, combien que Dieu soit tout-puissant et peut tout ce qu'il veut, si est-ce qu'il ne veut point nous oster la liberté qu'il nous a une fois donnée; et quand il nous appelle à son service, il veut que ce soit de nostre bon gré que nous y allions, et non par force ni par contrainte.

  A006000536 

 Et tout ainsi qu'une personne qui ne sçait que c'est de la menuyserie, voyant quelque bois tortu en la boutique d'un menuysier, s'estonneroit de luy entendre dire que c'est pour faire quelque beau chef-d'œuvre (car, diroit-il, si cela est comme vous dites, combien de fois faudra-t'il passer le rabot par dessus, avant que d'en pouvoir faire un tel ouvrage?) ainsi, pour l'ordinaire, la divine Providence fait des beaux chefs-d'œuvre avec ces intentions tortues et sinistres, comme il fait entrer [319] en son festin les boiteux et les aveugles, pour nous faire voir qu'il ne sert de rien d'avoir deux yeux ou deux pieds pour aller en Paradis; qu'il vaut mieux aller en Paradis avec une jambe, un œil, un bras que d'en avoir deux et se perdre.

  A006000537 

 Et de cecy nous avons l'exemple de Judas, duquel nous ne pouvons douter qu'il ne fust bien appellé; car Nostre Seigneur le choisit et l'appella à l'apostolat de sa propre bouche.

  A006000538 

 Et, pour ce faire, il est necessaire d'avoir ceste volonté ferme et constante de laquelle nous avons parlé, d'embrasser tous les moyens propres de se perfectionner en la vocation en laquelle on est appellé.

  A006000538 

 Or, quand je dis que Nostre Seigneur s'oblige, il ne [320] faudroit pas penser que ce soit nous qui l'ayons obligé à ce faire en suivant sa vocation, car on ne sçauroit l'obliger; mais Dieu s'oblige soy-mesme par soy-mesme, poussé et provoqué à ce faire par les entrailles de son infinie bonté et misericorde; tellement que, me faisant Religieux, Nostre Seigneur s'est obligé de me fournir tout ce qui est necessaire pour estre bon Religieux, non point par devoir, mais par sa misericorde et providence infinie; tout ainsi qu'un grand roy, levant des soldats pour faire la guerre, sa prevoyance et prudence requiert qu'il prepare des armes pour les armer; car, quelle apparence y auroit-il de les envoyer combattre sans armes? Que s'il ne le fait pas, il est taxé d'une grande imprudence, Or, la divine Majesté ne manque jamais de soin ni de prevoyance touchant cecy; et pour le nous mieux faire croire, elle s'y est obligée, en sorte qu'il ne faut jamais entrer en opinion qu'il y ayt de sa faute quand nous ne faisons pas bien: voire, sa.

  A006000548 

 Neantmoins, il faut considerer que cela peut arriver ou par une simple tentation ou pour exercice: et cela se peut cognoistre par le profit qu'elle fera de telle pensée, dégoust ou repentir, quand avec [331] simplicité elle se descouvrira de telle chose et qu'elle sera fidelle à se servir des remedes que l'on luy donnera là dessus; car Dieu ne permet jamais rien pour nostre exercice, qu'il ne veuille que nous en tirions profit, ce qui se fait tousjours quand l'on est fidelle à se descouvrir et, comme j'ay dit, simple à croire et à faire ce que l'on nous dit: et cecy est la marque que l'exercice est de Dieu.

  A006000550 

 En fin, direz-vous, si le sentiment des autres Sœurs estoit tout contraire à ce que l'on sçait, et qu'il nous vinst inspiration de dire quelque chose que nous avons recognu qui est à l'advantage de la Sœur, faudroit-il laisser de le dire? Non, quoy que le sentiment des autres soit tout contraire au vostre et que vous soyez seule en ceste opinion; car cela pourra servir encor aux autres pour se resoudre à ce qu'elles doivent faire.

  A006000555 

 Avant que sçavoir comment il nous faut preparer pour recevoir les Sacremens et quel fruict nous en devons tirer, il est necessaire de sçavoir que c'est que Sacremens et leurs effects.

  A006000555 

 Les Sacremens doncques sont des canaux par lesquels, pour ainsi parler, Dieu descend à nous, comme par l'oraison nous montons à luy, puisque l'oraison n'est autre chose qu'une elevation de nostre esprit en Dieu.

  A006000555 

 Les effects des Sacremens sont divers, quoy qu'ils n'ayent tous qu'une mesme fin et pretention, qui est de nous unir à Dieu.

  A006000555 

 Par le Sacrement de Baptesme, nous nous unissons à Dieu comme le fils avec le pere; par celuy de la Confirmation, nous nous unissons comme le soldat avec son capitaine, prenant force pour combattre et vaincre nos ennemis en toutes tentations; par le Sacrement de Penitence, nous sommes unis à Dieu comme les amis reconciliés; par celuy de l'Eucharistie, comme la viande avec l'estomach; par celuy de l'Extreme Unction, nous nous unissons à Dieu comme l'enfant qui vient d'un lointains païs, mettant desja l'un des pieds en la maison de son pere pour se [338] reunir avec luy, avec sa mere et toute la famille.

  A006000556 

 Et premierement, il est tres-necessaire que nous sçachions pourquoy c'est que, recevant si souvent ces deux Sacremens, nous ne recevons pas aussi les graces qu'ils ont accoustumé d'apporter aux ames qui sont bien preparées, puisque ces graces sont jointes aux Sacremens.

  A006000556 

 Je le diray en un mot: c'est faute de deuë preparation; et partant il faut sçavoir comment il nous faut bien preparer pour recevoir ces deux Sacremens, et tous les autres encor.

  A006000556 

 Nous ne parlerons maintenant que de deux: de celuy de la Penitence, et de l'Eucharistie.

  A006000557 

 Or, l'intention est pure lors que nous recevons les Sacremens, ou faisons quelque autre chose quelle qu'elle soit, pour nous unir à Dieu et pour luy estre plus agreables, sans aucun meslange de propre interest.

  A006000557 

 Quant à la pureté d'intention, c'est une chose totalement necessaire, non seulement en la reception des Sacremens, mais encor en tout ce que nous faisons.

  A006000557 

 [338] Mais si, au contraire, vous consentez à l'inquietude dequoy l'on vous a refusé de communier, ou dequoy vous n'avez pas eu de la consolation, qui ne void que vostre intention estoit impure, et que vous ne cherchiez de vous unir à Dieu, ains aux consolations, puisque vostre union avec Dieu se doit faire sous la sainte vertu d'obeissance? Et tout de mesme, si vous desirez la perfection d'un desir plein d'inquietude, qui ne void que c'est l'amour propre, qui ne voudroit pas que l'on vist de l'imperfection en nous? S'il estoit possible que nous peussions estre autant agreables à Dieu estans imparfaits comme estans parfaits, nous devrions desirer d'estre sans perfection, à fin de nourrir en nous par ce moyen la tres-sainte humilité..

  A006000558 

 Certes, nous devrions aller aux Sacremens avec beaucoup d'attention, tant sur la grandeur de l'œuvre, comme sur ce que chaque Sacrement demande de nous.

  A006000558 

 Par exemple, allant à la Confession, nous y devons porter un coeur amoureusement douloureux, et à la sainte Communion, il y faut porter un cœur ardemment amoureux.

  A006000560 

 Donnez-moy, dira un autre, ceste humilité qui est si propre pour donner bon exemple; mais d'humilité de cœur, qui nous fait aymer nostre propre abjection, ils n'en ont point de besoin, ce leur semble.

  A006000560 

 Je dis sans reserve, d'autant que nostre misere est si grande que nous nous reservons tousjours quelque chose.

  A006000560 

 Mais, outre ces trois preparations, je vous veux dire en un mot que la principale est l'abandonnement total de nous-mesmes à la mercy de Dieu, sousmettans sans [339] reserve quelconque nostre volonté et toutes nos affections à sa domination.

  A006000560 

 O ce n'est pas là le moyen de faire ceste union, que de se reserver toutes ses volontés, pour belle apparence qu'elles ayent; car Nostre Seigneur se voulant donner tout à nous, veut que reciproquement nous nous donnions entierement à luy, à fin que l'union de nostre ame avec sa divine Majesté soit plus parfaite, et que nous puissions dire veritablement, apres ce grand parfait entre les Chrestiens: Je ne vis plus moy, ains c'est Jesus Christ qui vit en moy..

  A006000560 

 Voire, c'est bien ce qu'il nous faut pour estre unis à Dieu, qui est la pretention que nous avons! et jamais ils ne demandent des tribulations ou mortifications.

  A006000561 

 Certes, la cause pourquoy nous ne recevons pas la grace de la sanctification (puisqu'une seule Communion bien faite [340] est capable et suffisante pour nous rendre saints et parfaits) ne provient sinon de ce que nous ne laissons pas regner Nostre Seigneur en nous comme sa bonté le desire.

  A006000561 

 Faisons donc de nostre costé ce qui est de nostre pouvoir pour nous bien preparer à recevoir ce Pain supersubstantiel, nous abandonnant totalement à la divine Providence, non seulement pour ce qui regarde les biens temporels, mais principalement les spirituels, respandant en la presence de la divine Bonté toutes nos affections, desirs et inclinations, pour luy estre entierement sousmis; et nous asseurons que Nostre Seigneur accomplira de son costé la promesse qu'il nous a faite de nous transformer en luy, eslevant nostre bassesse jusques à estre unie avec sa grandeur..

  A006000561 

 Il vient en nous, ce Bien-Aymé de nos ames, et il trouve nos cœurs tout pleins de desirs, d'affections et de petites volontés: ce n'est pas ce qu'il cherche, car il les veut trouver vuides pour s'en rendre le maistre et le gouverneur.

  A006000561 

 Or, je sçay bien que le milieu de vos cœurs est vuide, autrement ce seroit une trop grande infidelité: je veux dire que nous avons non seulement rejetté et detesté le peché mortel, ains toute sorte d'affection mauvaise; mais las! tous les coins et recoins de nos cœurs sont pleins de mille choses indignes de paroistre en la presence de ce Roy souverain, lesquelles ce semble, luy lient les mains à fin de l'empescher de nous départir les biens et les graces que sa bonté avoit desire de nous faire, s'il nous eust trouvés preparés.

  A006000562 

 Et pour ce qui est des vertus, aucune fois il est plus à propos et meilleur pour nous de ne les pas avoir en habitude que si nous les avions, pourveu toutesfois que nous en fassions les actes à mesure que les occasions s'en presentent; car la repugnance que nous sentons à pratiquer quelque vertu nous doit servir pour nous humilier, et l'humilité vaut tousjours mieux que tout cela..

  A006000562 

 L'on peut bien communier pour diverses fins: comme pour demander à Dieu d'estre delivrés de quelque tentation ou affliction, soit pour nous ou pour nos amis, [341] ou pour demander quelque vertu, pourveu que ce soit sous ceste condition de nous unir par ce moyen plus parfaitement à Dieu, ce qui n'arrive pourtant pas bien souvent; car au temps de l'affliction l'on est ordinairement plus uni à Dieu, parce que l'on se ressouvient plus souvent de luy.

  A006000563 

 Cela s'entend, que vous ayez l'intention de prier Dieu qu'il donne la vertu ou la grace que vous luy demandez pour vous, à tous ceux qui en ont la mesme necessité, et que ce soit tousjours pour vous unir davantage avec luy; car autrement nous ne devons demander ni desirer aucune chose ni pour nous ni pour le prochain, puisque c'est la fin pour laquelle les Sacremens sont institués.

  A006000563 

 En fin, il faut qu'en toutes les prieres et demandes que vous ferez à Dieu, vous ne les fassiez pas seulement pour vous, ains que vous observiez de dire tousjours nous, comme Nostre Seigneur nous l'a enseigné en l'Oraison dominicale, où il n'y a ni mien, ni mon, ni moy.

  A006000563 

 Il faut donc que nous correspondions à [342] ceste intention de Nostre Seigneur, les recevant pour ceste mesme fin..

  A006000564 

 Et ne faut pas que nous pensions que communiant ou priant pour les autres nous y perdions quelque chose, sinon que nous offrissions à Dieu ceste Communion ou priere pour la satisfaction de leurs pechés, car alors nous ne satisferions pas pour les nostres.

  A006000564 

 La priere que nous avons faite pour eux augmente nostre merite, tant pour la recompense de la grace en ceste vie, que de la gloire en l'autre.

  A006000564 

 Mais pourtant le merite de la Communion et de la priere nous demeureroit, car nous ne sçaurions meriter la grace les uns pour les autres: il n'y a que Nostre Seigneur qui l'ayt peu faire.

  A006000564 

 Nous pouvons bien impetrer des graces pour les autres, mais leur meriter, nous ne le pouvons pas faire.

  A006000566 

 Je voudrois bien que l'on allast simplement quand il nous viendroit le desir de communier, le demandant à la Superieure avec resignation d'accepter humblement le refus, si on le nous fait; et si on nous octroye nostre demande, aller à la Communion avec amour.

  A006000567 

 Il ne faut donc point s'arrester à considerer si l'on a de bons sentimens; mais il nous faut faire ce qu'ils nous feroyent faire si nous les avions..

  A006000567 

 Je voudrois aussi que l'on ne s'inquietast point quand l'on entend parler de quelque defaut que nous avons ou de quelque vertu que nous n'avons pas; mais que nous benissions Dieu dequoy il nous a découvert le moyen d'acquerir la vertu et de nous corriger de l'imperfection, et puis prendre courage de nous servir de ces moyens.

  A006000567 

 Les consolations et tendretés ne doivent pas estre desirées, puisque cela ne nous est pas necessaire pour aymer davantage Nostre Seigneur.

  A006000568 

 Il ne faut pas aussi estre si tendres à se vouloir confesser de tant de menues imperfections, puisque mesme nous ne sommes pas obligés de nous confesser des [344] pechés veniels, si nous ne voulons; mais quand on s'en confesse, il faut avoir la volonté resolue de s'en amender, autrement ce seroit un abus de s'en confesser.

  A006000570 

 Et non seulement en ceste occasion, mais aussi entrant à tous nos exercices, à fin que nous apportions à chacun d'iceux l'esprit qui luy est propre; car il ne seroit pas à propos d'aller à l'Office comme à la recreation: à la recreation il faut porter un esprit amoureusement joyeux, et en l'Office, un esprit serieusement amoureux.

  A006000570 

 Je le veux bien; et je vous dis premierement qu'il faut se preparer pour le dire, dés l'instant que l'on entend la cloche qui nous y appelle, et faut, à l'imitation de saint Bernard, demander à nostre cœur que c'est qu'il va faire.

  A006000570 

 Quand l'on dit: Deus in adjutorium meum intende, il faut penser que Nostre Seigneur nous dit reciproquement: Et vous, soyez attentifs à moy..

  A006000571 

 Et tout ainsi qu'un homme qui parleroit à un roy se rendroit" fort attentif, craignant de faire quelque faute; que si nonobstant tout son soin il luy advenoit d'en faire, il rougiroit incontinent, tout de mesme en devons-nous faire à l'Office, nous tenant dessus nos gardes, crainte de faillir.

  A006000571 

 Il faut aussi considerer que nous faisons le mesme office que les Anges, quoy qu'en divers langage, et que nous sommes devant le mesme Dieu devant lequel les Anges tremblent.

  A006000571 

 Mais s'il nous arrive d'en faire plusieurs, et que cela continue, il y a de l'apparence que nous n'avons pas conceu un vray desplaisir de nostre premiere faute; et c'est ceste negligence qui nous devroit apporter beaucoup de confusion, non pas à cause de la presence de la Superieure, mais pour le respect de celle de Dieu qui nous est present, et de ses Anges.

  A006000571 

 Or, c'est presque une regle generale, que quand nous faisons si souvent une mesme faute, c'est signe qu'on manque d'affection de s'en amender; et si c'est une chose de laquelle on nous ayt souventefois adverties, il y a de l'apparence que l'on neglige l'advertissement..

  A006000571 

 Que s'il nous arrive d'y faire quelque manquement, il faut s'en humilier sans s'en estonner, puisque ce n'est pas chose estrange, et que nous en faisons bien ailleurs.

  A006000574 

 Car il ne faut pas tousjours penser que l'on a eu de la negligence quand la distraction a esté longue, car il se pourra bien faire qu'elle nous durera le long d'un Office sans qu'il y ayt de nostre faute; et pour mauvaise qu'elle fust, il ne faudroit pas s'en inquieter, ains en faire des simples rejets de temps en temps devant Dieu.

  A006000575 

 Je ne dis pas qu'il ne faille se servir des methodes qui sont remarquées; mais l'on ne s'y doit pas attacher, comme font ceux qui pensent n'avoir jamais bien fait leurs oraisons s'ils ne font leurs considerations devant les affections que Nostre Seigneur leur donne, qui est pourtant la fin pour laquelle nous faisons les considerations.

  A006000577 

 Car pourveu que nous ajustions tousjours nostre volonté avec celle de la divine Majesté, demeurans dans une simple attente et disposition pour recevoir les evenemens de son bon plaisir avec amour, soit en l'oraison ou és autres occurrences, il fera que toutes choses nous seront profitables et agreables aux yeux de sa divine Bonté.

  A006000577 

 Il faut aussi avoir une grande determina.ti.on de n'abandonner jamais l'oraison, pour aucune difficulté qui s'y puisse rencontrer, et n'y aller avec aucune preoccupation de desirs d'y estre consolée et satisfaite; car cela ne seroit pas rendre nostre volonté unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison nous soyons resolus de souffrir la peine des continuelles distractions, secheresse et dégoust qui nous y [348] surviendront, demeurans aussi constantes que si nous y avions eu beaucoup de consolation et de tranquillité; puisque c'est une chose certaine que nostre oraison ne sera pas moins agreable à Dieu, ni à nous moins utile pour estre faite avec plus de difficulté.

  A006000578 

 C'est le Maistre souverain que le Pere eternel a envoyé au monde pour nous enseigner ce que nous devions faire; et partant, outre l'obligation que nous avons de nous former sur ce divin Modelle, nous devons grandement estre exactes à considerer ses actions pour les imiter, parce que c'est l'une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous faisons que de les faire parce que Nostre Seigneur les a faites; c'est à dire, pratiquer les vertus parce que nostre Pere les a pratiquées et comme il les a pratiquées.

  A006000579 

 Elles peuvent demeurer ainsi utilement, cela est bon; mais generalement parlant, il faut faire que toutes les filles commencent par la methode d'oraison qui est la plus seure, et qui porte à la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disons qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur: on y marche en asseurance.

  A006000579 

 Il se faut donc appliquer tout à la bonne foy autour de nostre Maistre, pour apprendre ce qu'il veut que nous fassions.

  A006000580 

 Je ne veux pas dire qu'il faille avoir des grands sentimens et consolations pour cela, bien que quand Dieu nous les donne, nous soyons obligés d'en faire nostre profit et correspondre à son amour Mais quand il ne nous les donne pas il ne faut pas manquer de fidelité, ains vivre selon la raison et la volonté divine, et faire nos resolutions avec la pointe de nostre esprit et partie superieure de nostre ame, ne laissant de les effectuer et mettre en pratique pour aucune secheresse, repugnance ou contradiction qui se puisse presenter.

  A006000580 

 Nous devons faire nos resolutions en la ferveur de l'oraison, lors que le Soleil de justice nous esclaire et nous incite par son inspiration.

  A006000581 

 La seconde maniere de mediter est de ne point faire d'imagination, mais de se tenir au pied de la lettre, c'est à dire mediter purement et simplement l'Evangile et les mysteres de nostre foy, s'entretenant familierement et tout simplement avec Nostre Seigneur de ce qu'il a fait et souffert pour nous, sans aucune representation.

  A006000581 

 Or ceste façon icy est bien plus haute et meilleure que la premiere, et si, elle est plus sainte et plus asseurée; c'est pourquoy il s'y faut porter facilement, pour peu d'attrait que l'on y ayt, observant en tout degré d'oraison de tenir son esprit dans une sainte liberté pour suivre les lumieres et mouvemens que Dieu nous y donnera.

  A006000585 

 Le juste est fait semblable à la palme, ainsi que la sainte Eglise nous fait chanter en chaque feste des saints Confesseurs; mais comme le palmier a une tres-grande varieté de proprietés particulieres au dessus de tous les autres arbres, comme estant le prince et le roy des arbres tant pour la beauté que pour la bonté de son fruict, de mesme il y a une tres-grande varieté de justice.

  A006000586 

 Cela estant donc ainsi presupposé, je remarque trois proprietés particulieres qu'a la palme, entre toutes les autres qui sont en tres-grand nombre, lesquelles proprietés conviennent mieux au Saint dont nous celebrons la feste, qui est, ainsi que la sainte Eglise nous fait dire, semblable à la palme.

  A006000590 

 Mais en particulier, pour nous tenir en nostre propos commencé, en quel degré pensons-nous qu'il eust la virginité, qui est une vertu qui nous rend semblables aux Anges? Si la tres-sainte Vierge ne fut pas seulement Vierge toute pure et toute blanche, ains (comme chante la sainte Eglise aux respons des leçons des Matines, « Sainte et immaculée virginité, » etc.) elle estoit la virginité mesme, combien pensons-nous que celuy qui fut commis de la part du Pere eternel pour gardien de sa virginité, ou pour mieux dire, pour compagnon, puisqu'elle n'avoit pas besoin d'estre gardée d'autre que d'elle-mesme, combien, dis-je, devoit-il estre grand en ceste vertu? Ils avoyent fait vœu tous deux de garder virginité tout le temps de leur vie, et voila que Dieu veut qu'ils soyent unis par le lien d'un saint mariage, non pas pour les faire dédire ni se repentir de leur vœu, ains pour les reconfirmer et se fortifier l'un l'autre de perseverer en leur sainte entreprise; c'est pourquoy ils le firent encores de vivre virginalement ensemble tout le reste de leur vie..

  A006000591 

 Il dit donc ainsi: Nostre sœur, ceste petite fillette, helas, qu'elle est petite! [356] elle n'a point de mammelles: que luy ferons-nous au jour qu'il luy faudra parler? Que si c'est un mur faisons-luy des boulevars d'argent, et si c'est une porte, il la nous faut renforcer et doubler d'ais de cedre ou de quelque bois incorruptible.

  A006000591 

 Nostre sœur elle est petite, elle n'a point de mammelles, c'est à dire, elle ne pense point au mariage, car elle n'a ni sein ni soin pour cela: que luy ferons-nous au jour qu'il luy faudra parler? Qu'est-ce à dire cela: au jour qu'il luy faudra parler? le divin Espoux ne luy parle-t'il pas tousjours quand il luy plaist? Au jour qu'il luy faudra parler, cela veut dire, de la parole principale, qui est quand on parle aux filles de les marier; d'autant que c'est une parole d'importance, puisqu'il y va du choix et de l'élection d'une vocation et d'un estat auquel il faut par apres demeurer.

  A006000591 

 Que si c'est, dit le sacré Espoux, un mur, faisons-luy des boulevars d'argent; si c'est une porte, au contraire que nous la veuillions enfoncer, nous la doublerons ou renforcerons d'ais de cedre, qui est un bois incorruptible..

  A006000592 

 Que luy ferons-nous? car elle doit estre mariée, Celuy qui luy a donné ceste resolution de la virginité l'ayant ainsi [357] ordonné.

  A006000592 

 Si la tres-sainte Vierge est une porte, dit le Pere eternel, nous ne voulons pas qu'elle soit ouverte, car c'est une porte orientale par laquelle nul ne peut entrer ni sortir; au contraire, il la faut doubler et renforcer de bois incorruptible, c'est à dire, luy donner un compagnon en sa pureté, qui est le grand saint Joseph, lequel devoit pour cest effet surpasser tous les Saints, voire les Anges et les Cherubins mesmes en ceste vertu tant recommandable de la virginité, vertu qui le rendit semblable au palmier, ainsi que nous avons dit..

  A006000593 

 La palme tient ses fleurs resserrées dedans des bourses qui sont faites en forme de gaines ou estuis; ce qui nous represente tres-bien la difference des ames qui tendent à la perfection d'avec les autres, la difference des justes d'avec ceux qui vivent [358] selon le monde; car les mondains et hommes terrestres, qui vivent selon les loix de la terre, dés qu'ils ont quelque bonne pensée ou quelque cogitation qui leur semble estre digne d'estre estimée, ou s'ils ont quelque vertu, ils ne sont jamais en repos jusques à tant qu'ils l'ayent manifestée et fait cognoistre à tous ceux qu'ils rencontrent.

  A006000595 

 O combien ce grand Saint dont nous parlons fut fidele en cecy! il ne se peut dire selon sa perfection, car nonobstant ce qu'il estoit, en quelle pauvreté et en quelle abjection ne vescut-il pas tout le temps de sa vie; pauvreté et abjection sous laquelle il tenoit cachées [359] et couvertes ses grandes vertus et dignités.

  A006000596 

 Il n'y a point de doute, mes cheres Sœurs, que saint Joseph ne fust plus vaillant que David et n'eust plus de sagesse que Salomon; neantmoins, le voyant reduit en l'exercice de la charpenterie, qui eust peu juger cela s'il n'eust esté esclairé de la lumiere celeste, tant il tenoit resserrés tous les dons signalés dont Dieu l'avoit gratifié? Mais quelle sagesse n'avoit-il pas, puisque Dieu luy donnoit en charge son Fils tres-glorieux et qu'il estoit choisi pour estre son gouverneur? Si les princes de la terre ont tant de soin, comme estant une chose tres-importante, de donner un gouverneur qui soit des plus capables à leurs enfans, puisque Dieu pouvoit faire que le gouverneur de son Fils fust le plus accompli homme du monde en toutes sortes de perfections, selon la dignité et excellence de la chose gouvernée, qui estoit son Fils tres-glorieux, Prince universel du ciel et de la terre, comment se pourroit-il faire que l'ayant peu il ne l'ayt voulu et ne l'ayt fait? Il n'y a donc nul doute que saint Joseph n'ayt esté doué de toutes les graces et de tous les dons que meritoit la charge que le Pere eternel luy vouloit donner, de l'œconomie temporelle et domestique de Nostre Seigneur et de la conduite de sa famille, qui n'estoit composée que de trois, qui nous representent le mystere de la tres-sainte et tres-adorable Trinité.

  A006000596 

 Non qu'il y ayt de la [360] comparaison, sinon en ce qui regarde Nostre Seigneur, qui est l'une des Personnes de la tres-sainte Trinité, car quant aux autres ce sont des creatures; mais pourtant nous pouvons dire ainsi, que c'est une trinité en terre qui represente en quelque façon la tres-sainte Trinité.

  A006000597 

 O en quelle extremité estoit reduite son abjection et son humilité! Son humilité fut la cause, ainsi que l'explique saint Bernard, qu'il voulut quitter Nostre Dame quand il la vid enceinte; car saint Bernard dit qu'il fit ce discours en soy-mesme: Et qu'est cecy? Je sçay qu'elle est vierge, car nous avons fait, un vœu par ensemble de garder nostre virginité et pureté, à quoy elle ne voudroit aucunement manquer; d'ailleurs je voy qu'elle est enceinte et qu'elle est mere: comment se peut faire que la maternité se trouve en la virginité, et que la virginité n'empesche point la maternité? O Dieu! dit-il en soy-mesme, ne seroit-ce point peut estre ceste glorieuse Vierge dont les Prophetes asseurent qu'elle concevra et sera Mere du Messie? O si cela est, à Dieu ne plaise que je demeure avec elle, moy qui en suis si indigne.

  A006000598 

 En quoy nous voyons combien l'humilité est necessaire pour la conservation de la virginité, puisqu'indubitablement aucun ne sera du celeste banquet et du festin nuptial que Dieu prepare aux vierges en la celeste demeure, sinon entant qu'il sera accompagné de ceste vertu.

  A006000599 

 Cette boite d'albastre est donques l'humilité, dans laquelle nous devons, à l'imitation de Nostre Dame et de saint Joseph, resserrer nos vertus et tout ce qui nous peut faire estimer des hommes, nous contentans de plaire à Dieu et demeurans sous le voile sacré de l'abjection de nous-mesmes, attendans, ainsi que nous avons dit, que Dieu venant pour nous retirer au lieu de seureté, qui est la gloire, fasse luy-mesme paroistre nos vertus pour son honneur et gloire..

  A006000600 

 Mais quelle plus parfaite humilité se peut-il imaginer que celle de saint Joseph? Je laisse à part celle de Nostre Dame, car nous avons desja dit que saint Joseph recevoit un grand accroissement en toutes les vertus par forme de reverberation que celles de la tres-sainte Vierge faisoyent en luy.

  A006000601 

 O Dieu, qu'il faisoit bon voir la reverence et le respect avec lequel il traittoit tant avec la Mere qu'avec le Fils! S'il avoit bien voulu quitter la Mere, ne sçachant encor tout à fait la grandeur de sa dignité, en quelle admiration et profond aneantissement estoit-il par apres, quand il se voyoit estre tant honnoré que Nostre Seigneur et Nostre Dame se rendissent obeissans à ses volontés et ne fissent rien que par son commandement! Cecy est une chose qui ne se peut comprendre; c'est pourquoy il nous faut passer à la troisiesme proprieté que je remarque estre en la palme, qui est [364] la vaillance, constance et force, vertus qui se sont trouvées en un degré fort eminent en nostre Saint..

  A006000603 

 Nous appelions un homme constant, lequel se tient ferme et preparé à souffrir les assauts de ses ennemis, sans s'estonner ni perdre courage durant le combat; mais la perseverance regarde principalement un certain ennuy interieur qui nous arrive en la longueur de nos peines, qui est un ennemy aussi puissant que l'on en puisse rencontrer.

  A006000604 

 Le diable est tellement ennemy de l'humilité, parce que, manque de l'avoir, il fut dechassé du Ciel et precipité aux enfers (comme si l'humilité pouvoit mais dequoy il ne l'a pas voulu choisir pour compagne inseparable), qu'il n'y a invention ni artifice duquel il ne se serve pour faire decheoir l'homme de ceste vertu, et d'autant plus qu'il sçait que c'est une vertu qui le rend infiniment agreable à Dieu; si que nous pouvons bien dire: Vaillant et fort est l'homme qui, comme saint Joseph, persevere en icelle, parce qu'il demeure tout ensemble vainqueur du diable et du monde, qui est rempli d'ambition, de vanité et d'orgueil..

  A006000604 

 Mais quelle vaillance et quelle force ne tesmoigne-t'il pas en la victoire qu'il remporta sur les deux plus grands ennemis de l'homme, le diable et le monde? et cela par la pratique exacte d'une tres-parfaite humilité, comme nous avons remarqué, en tout le cours de sa vie.

  A006000605 

 O combien cest ennuy dont nous parlons le devoit presser! veu mesmement que l'Ange ne luy avoit point dit le temps qu'il y devoit estre, si qu'il ne pouvoit s'establir nulle demeure asseurée, ne sçachant quand l'Ange luy commanderoit de s'en retourner..

  A006000605 

 Quant à la perseverance, contraire à cest ennemy interieur qui est l'ennuy qui nous survient en la continuation des choses abjectes, humiliantes, penibles, des mauvaises fortunes, s il faut ainsi dire, ou bien és divers accidens qui nous arrivent, ô combien ce Saint fut [366] esprouvé de Dieu et des hommes mesmes en son voyage! L'Ange luy commande de partir promptement et de mener Nostre Dame et son Fils tres-cher en Egypte, le voila que soudain il part sans dire mot; il ne s'enquiert pas: Où iray-je? quel chemin tiendray-je? de quoy nous nourrirons-nous? qui nous y recevra? Il part d'aventure avec ses outils sur son dos, à fin de gaigner sa pauvre vie et celle de sa famille à la sueur de son visage.

  A006000607 

 Dieu veut qu'il soit tousjours pauvre, qui est une des plus puissantes espreuves qu'il nous puisse faire, et il s'y sousmet amoureusement, et non pas pour un temps, car ce fut toute sa vie.

  A006000608 

 Apres quoy il se sousmettoit tres-humblement à la volonté de Dieu en la continuation de sa pauvreté et de son abjection, sans se laisser aucunement vaincre ni terrasser par l'ennuy interieur, lequel sans doute luy faisoit maintes attaques; mais il demeuroit tousjours constant en la soumission laquelle, comme toutes ses autres vertus, alloit continuellement croissant et se perfectionnant; ainsi que de Nostre Dame, laquelle gaignoit chaque jour un surcroist de vertus et de perfections qu'elle prenoit en son Fils tres-saint, lequel ne pouvant croistre en aucune chose, d'autant qu'il fut dés l'instant de sa conception tel qu'il est et sera eternellement, faisoit que la sainte famille en laquelle il estoit alloit tousjours croissant et avançant en perfection, Nostre Dame tirant sa perfection de sa divine Bonté, et saint Joseph la recevant, comme nous avons desja dit, par l'entremise de Nostre Dame..

  A006000609 

 Et s'il est vray, ce que nous devons croire, qu'en vertu du tres-saint Sacrement que nous recevons, nos corps ressusciteront au jour du jugement, comment pourrions-nous douter que Nostre Seigneur ne fist monter quant et luy au Ciel, en corps et en ame, le glorieux saint Joseph qui avoit eu l'honneur et la grace de le porter si souvent entre ses benits bras, bras auxquels Nostre Seigneur se plaisoit tant? O combien de baisers luy donnoit-il fort tendrement de sa benite bouche pour recompenser en quelque façon son travail!.

  A006000609 

 Que nous reste-t'il plus à dire maintenant, sinon que nous ne devons nullement douter que ce glorieux Saint n'ayt beaucoup de credit dans le Ciel aupres de Celuy qui l'a tant favorisé que de l'y eslever en corps et en ame; ce qui est d'autant plus probable que nous n'en avons nulle relique ça bas en terre, et il me semble que nul ne peut douter de ceste verité; car, comme eust peu refuser ceste grace à saint Joseph Celuy qui luy avoit esté si obeissant tout le temps de sa vie? Sans doute que Nostre Seigneur descendant au Limbe, fut arraisonné par saint Joseph en ceste sorte: Mon Seigneur, ressouvenez-vous, s'il vous plaist, que quand vous vinstes du Ciel en terre je vous receus en ma maison, en ma famille, et que dés que vous fustes né je [369] vous receus entre mes bras.

  A006000610 

 Il nous obtiendra, si nous avons confiance en luy, un saint accroissement en toutes sortes de vertus, mais specialement en celles que nous avons trouvé qu'il avoit en plus haut degré que toutes autres, qui sont la tres-sainte pureté de corps et d'esprit, la tres-aymable vertu d'humilité, la constance, vaillance et perseverance; vertus qui nous rendront victorieux en ceste vie de nos ennemis, et qui nous feront meriter la grace d'aller jouïr en la vie eternelle des recompenses qui sont preparées à ceux qui imiteront l'exemple que saint Joseph leur a donné estant en ceste vie; recompense qui ne sera rien moindre que la felicité eternelle, en laquelle nous jouirons de la claire vision du Pere, du Fils et du Saint Esprit.

  A006000610 

 O combien serons-nous heureux, si nous pouvons meriter d'avoir part en ses saintes intercessions! car rien ne luy sera refusé, ni de Nostre Dame ni de son Fils glorieux.

  A006000614 

 Elles viendront en un parloir, elles verront des Religieuses avec un visage serein, tenant bonne mine, bien modestes, fort contentes, elles diront en elles-mesmes: Mon Dieu, qu'il fait bon là! allons-y; aussi bien le monde nous fait mauvaise mine, nous n'y rencontrons point nos pretentions.

  A006000616 

 Je dis donc, mes cheres filles, que nostre unique pretention doit estre de nous unir à Dieu comme Jesus Christ s'est uni à Dieu son Pere, qui a esté en mourant sur la croix; car je n'entens point vous parler de ceste union generale qui se fait par le Baptesme, où les Chrestiens s'unissent à Dieu en prenant ce divin Sacrement et caractere du Christianisme, et s'obligent à garder ses commandemens, ceux de la sainte Eglise, s'exercer aux bonnes œuvres, pratiquer les vertus de la foy, esperance et charité; et partant leur union est valable, et peuvent justement pretendre au Paradis, S'unissant par ce moyen à Dieu comme à leur Dieu, ils ne sont point obligés à davantage; ils ont atteint leur but par la voye generale et spacieuse des commandemens.

  A006000616 

 Nous voulons faire un grand bastiment, mes cheres filles, qui est d'edifier chez nous la demeure de Dieu.

  A006000616 

 Partant, considerons bien meurement si nous avons suffisamment du courage et de la resolution pour nous [372] ruiner nous-mesmes et nous crucifier, ou plustost pour permettre à Dieu mesme de nous ruiner et nous crucifier, à fin qu'il nous reedifie pour estre le temple vivant de sa Majesté.

  A006000617 

 C'est estre reliées à Dieu par la continuelle mortification de nous-mesmes, et ne vivre que pour Dieu, nostre propre cœur servant tousjours à sa divine Majesté, nos yeux, nostre langue, nos mains et tout le reste le servant continuellement.

  A006000617 

 Et parce que nous ne sçaurions arriver à cela que par une continuelle pratique de mortification de toutes nos passions, inclinations, humeurs et aversions, nous sommes obligés à veiller continuellement sur nous-mesmes [373] à fin de faire mourir tout cela.

  A006000619 

 Et comme il ne faut pas que le laboureur se fasche, puisqu'il ne merite pas d'estre blasmé pour n'avoir point recueilli une bonne prise, pourveu neantmoins qu'il ayt eu soin de cultiver bien la terre et de la bien ensemencer, de mesme le Religieux ne doit point se fascher s'il ne recueille pas si tost les fruicts de la perfection et des vertus, pourveu qu'il ayt une grande fidelité de bien cultiver la terre de son cœur, en retranchant ce qu'il apperçoit estre contraire à la [375] perfection à laquelle il s'est obligé de pretendre, puisque nous ne serons jamais parfaitement gueris que nous ne soyons en Paradis..

  A006000619 

 Mais il faut avoir un courage invincible pour ne nous point lasser avec nous-mesmes, parce que nous aurons tousjours quelque chose à faire et à retrancher.

  A006000620 

 Elle nous donne des Regles pour servir à nos cœurs de pressoirs, et en faire sortir tout ce qui est contraire à Dieu: vivez donc courageusement selon icelles..

  A006000620 

 Je dis donc qu'il faut mourir à fin que Dieu vive en nous, car il est impossible d'acquerir l'union de nostre ame avec Dieu par un autre moyen que par la mortification.

  A006000620 

 La Religion tolere bien que nous apportions nos mauvaises habitudes, passions et inclinations, mais non pas que nous vivions selon icelles.

  A006000620 

 Remarquez que je dis faire, car l'on n'acquiert [376] pas la perfection en croisant les bras; il faut travailler à bon escient à se dompter soy-mesme, et vivre selon la raison, la Regle et l'obeissance, et non pas selon les inclinations que nous avons apportées du monde.

  A006000621 

 Bien-heureux serons-nous si un quart d'heure devant que mourir nous nous trouvons revestus de ceste robbe! Toute nostre vie sera bien employée si nous l'occupons à y coudre tantost une piece, tantost une autre; car ce saint habit ne se fait pas avec une piece seulement, il est requis qu'il y en ayt plusieurs.

  A006000621 

 Je vous en dis de mesme de la sainte humilité et douceur, fondement de ceste Congregation: Dieu nous les donnera infailliblement, pourveu que nous ayons bon cœur et fassions nostre possible pour les acquerir.

  A006000622 

 Faisons ainsi ce que nous pourrons, Dieu se contentera, et nos Superieurs aussi.

  A006000623 

 Dieu nous a laissé ce pouvoir; autrement ce seroit, en nous demandant la perfection, nous obliger à chose impossible, et partant injustice, laquelle ne se peut rencontrer en Dieu..

  A006000623 

 Le monde se trompe en ceste pensée, Dieu ne rejette rien de ce où la malice ne se rencontre point; car dites-moy, je vous prie, que peut [378] mais une personne d'estre de telle ou telle temperature, sujette à telle ou telle passion? Le tout gist donc aux actes que nous en faisons par ce mouvement, lequel dépend de nostre volonté, le peche estant si volontaire que sans nostre consentement il n'y a point de peché.

  A006000625 

 Vous estes bien heureuses, mes cheres filles, au prix de nous autres dans le monde; lors que nous demandons le chemin, l'un dit: C'est à droite, l'autre: C'est à gauche, et en fin le plus souvent on nous trompe; mais vous autres, vous n'avez qu'à vous laisser porter.

  A006000627 

 Dieu nous attire par des attraits particuliers, chacun a le sien special, nous ne sommes pas toutes tirées par un mesme chemin.

  A006000627 

 Il n'appartient pas à nous autres, qui sommes inferieurs, de juger de nos attraits particuliers; cela est du devoir des Superieurs, et pour cela la direction particuliere est ordonnée.

  A006000628 

 Tout nostre bon-heur consiste en la perseverance: je vous y exhorte, mes cheres filles, [381] de tout mon cœur, et prie sa Bonté qu'il vous comble de grace et de son divin amour en ce monde, et nous fasse tous jouïr en l'autre de sa gloire, A Dieu, mes cheres filles, je vous emporte toutes dans mon cœur; de me recommander à vos prieres ce seroit chose superflue, car je croy de vos pietés que vous n'y manquez point.

  A006000633 

 Je dis donc qu'il ne faut rien demander ni rien refuser, mais se laisser entre les bras de la Providence divine, sans s'amuser à aucun desir, sinon à vouloir ce que Dieu veut de nous.

  A006000634 

 O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien demander ni rien desirer, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander; et demandant l'amour de Dieu, nous les y comprenons, car il les contient toutes.

  A006000635 

 Il est tousjours meilleur de ne rien desirer, mais se tenir preste pour recevoir celles que l'obeissance nous imposera; et fussent-elles honnorables ou abjectes, je les prendrois et recevrois humblement sans en dire un seul mot, sinon que l'on m'interrogeast, et lors je respondrois simplement la verité comme je la penserais..

  A006000637 

 Je veux pas dire pourtant qu'on ne la puisse bien demander à Nostre Seigneur, comme à Celuy qui nous Peut donner, avec ceste condition, si telle est sa volonté; car nous devons tousjours dire: Fiat voluntas tua..

  A006000638 

 Il ne suffit pas d'estre malade et d'avoir des afflictions puisque Dieu le veut; mais il le faut estre comme il le veut, quand il le veut, autant de temps qu'il veut et en la façon qu'il luy plaist que nous le soyons, ne faisant aucun choix ni rebut de quelque mal ou affliction que ce soit, tant abjecte ou deshonnorable nous puisse-t'elle sembler; car le mal et l'affliction sans abjection enfle bien souvent le cœur au lieu de l'humilier.

  A006000639 

 Chose estrange! il n'ignoroit pas que c'estoit un breuvage qui augmentoit sa peine; neantmoins il le prit tout simplement, sans rendre tesmoignage que cela le faschoit ou [387] qu'il ne l'eust pas trouvé bon; pour nous apprendre avec quelle sousmission nous devons prendre les remedes et viandes présentées, quand nous sommes malades, sans rendre tant de tesmoignages que nous en sommes dégoustés et ennuyés, voire mesme quand nous serions en doute que cela accroistroit nostre mal.

  A006000639 

 En fin, c'est grande compassion combien nous sommes peu imitateurs de la patience de nostre Sauveur, lequel s'oublioit de ses douleurs et ne taschoit point de les faire remarquer par les hommes, se contentant que son Pere celeste, par l'obeissance duquel il les souffroit, les considerast, et appaisast son courroux envers la nature humaine pour laquelle il patissoit..

  A006000639 

 Helas! si nous avons tant soit peu d'incommodité nous faisons tout au contraire de ce que nostre doux Maistre nous a enseigné, car nous ne cessons de nous lamenter, et ne trouvons pas assez de personnes, ce semble, pour nous plaindre et raconter nos douleurs par le menu.

  A006000639 

 Nostre Seigneur estant sur la croix, nous fait bien voir comme il faut mortifier les tendretés; car ayant une grande soif, il ne demanda pourtant point à boire, mais manifesta simplement sa necessité, disant: J'ay soif.

  A006000639 

 Nostre mal, quel qu'il soit, est incomparable, et celuy que les autres souffrent n'est rien au prix; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter.

  A006000640 

 Ainsi, nous ne devons rien desirer ni rien refuser, ains souffrir et recevoir esgalement tout ce que la providence de Dieu permettra nous arriver.

  A006000640 

 Dieu nous en fasse la grace..

  A006000649 

 Nous soubsignez Docteurs en la sacrée Faculté de Theologie à Paris; certifions avoir leu diligemment les v de feu Messire FRANÇOIS DE SALES d'heureuse memoire, Evesque et Prince de Geneve, par luy faicts de vive voix, aux Religieuses de l'Ordre de la Visitation de saincte Marie, pour leur instruction, et direction, et par icelles Religieuses colligez, et redigez par escrit pour leur usage; lesquels ressentent son homme d'Oraison, et parfaitement interieur, et sont conformes aux Regles et maximes de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine: Et d'iceux on peut tirer tres-utilement la parabole de ce que toute sorte de personnes, tant Regulieres que Seculieres, doivent pratiquer pour bien employer les graces de nostre Dieu, devenir grandes en vertu, redresser les inclinations de la nature, et porter courageusement le joug de nostre Seigneur.

  A006000658 

 Veu l'Approbation des Docteurs en Theologie, nous permettons l'Impression des Entretiens Spirituels de feu M r de Geneve.

  A006000667 

 Et d'autant que depuis le sieur EVESQUE DE GENEVE, Frere dudit deffunct, et les Superieures dudit Ordre de la Visitation nostre Dame, Nous ont fait entendre le contraire; et que tel livre supposé faict prejudice à la Religion, et à la memoire du defïunct, dont nous devons avoir un soing particulier.

  A006000667 

 Nous vous mandons, et par ces presentes, signees de nostre main, enjoignons que vous ayez à faire saisir et arrester tous les Exemplaires dudit livre, en quelque part qu'ils seront trouvez, et que vous contraigniez et fassiez contraindre tous ceux qui s'en trouveront saisis, de les vous delivrer, par toutes voyes dettes et raisonnables, pour estre lesdits Exemplaires supprimez, faisant faire, comme nous faisons par ces dictes presentes, tres-expresses deffences à tous Libraires et Imprimeurs, de reimprimer ledict livre, nonobstant ledict Privilege. et permission, que nous avons revoqué, revoquons, et à peine de confiscation des exemplaires, de cinq cens livres d'amande et autre plus grande peine s'il y eschet; nonobstant oppositions, ou Appellations quelconques, pour lesquelles ne sera differé, et dont si aucunes interviennent, Nous avons reservé et reservons la cognoissance, à Nous et à nostre Conseil, et icelle interditte à tous autres Juges.

  A006000667 

 Sur ce qui nous a esté remonstré: Que depuis quelque temps, il a esté mis en lumiere un livre intitulé, Entretiens et Colloques spirituels, de defunct FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, Fondateur des Religieuses de la Visitation Saincte Marie; imprimé avec Privilege obtenu de Nous, comme ayant ledit livre esté tiré au vray de l'Original de l'Autheur.

  A006000681 

 A ces causes, apres qu'il nous est apparu, par l'acte d'Approbation des Docteurs en Theologie, cy attaché soubs le contre-seel de nostre Chancellerie, qu'il n'y a rien audict Livre de contraire à la Religion Catholique, Apostolique et Romaine; Avons au susdict Exposant permis et octroyé, permettons et octroyons par ces presentes de faire imprimer en nostre Royaume ledict Livre, sans qu'aucuns autres Imprimeurs que celuy qui sera par luy nommé, puissent imprimer, vendre, ny distribuer ledict Livre, durant le temps de six ans; Faisant pareillement defence à tous Imprimeurs, d'imprimer à l'advenir aucunes des Œuvres dudict feu sieur Evesque, cy devant imprimées, et à imprimer, sans l'expies consentement dudict Exposant, sur peine d'amende arbitraire, confiscations desdicts Livres, et de tous despens, dommages, et interests.

  A006000681 

 Mais craignant que d'autres Imprimeurs que celuy qu'il a choisy pour cest effect, vueillent imprimer, ou exposer en vente lesdicts Entretiens Spirituels, comme il a esté cy devant faict, au prejudice de la verité, et de la memoire de leur Autheur: Il nous a supplié, et requis luy octroyer nos lettres sur ce necessaires.

  A006000681 

 Nostre amé et feal Conseiller en nos Conseils, le sieur JEAN FRANÇOIS DE SALES Evesque et Prince de Geneve, Nous a fait remonstrer: Que le feu sieur Evesque de Geneve son frere, desireux de l'avancement en la vertu des Religieuses de l'Ordre de la Visitation de nostre Dame, par luy fondées, et establies en ce Royaume, avoit souvent eu avec elles plusieurs Entretiens des choses spirituelles, tendant à leur instruction et edification, lesquels ayans esté jugés par lesdictes Religieuses, non seulement utiles poulies ames retirees du monde; mais aussi pour toutes sortes de conditions: Elles eurent soing de les recueillir diligemment, pour les faire quelque jour imprimer, et donner au public; et à ceste fin les auroyent à present mis és mains dudit Exposant.

  A006000681 

 Voulons et nous plaist qu'en faisant mettre au commencement, ou à la fin dudict Livre un bref, ou sommaire extraict des presentes, ensemble le consentement et permission dudict sieur Evesque de Geneve, elles soyent tenuës pour suffisamment signifiées, et venuës à la cognoissance de tous, comme si plus particulierement elles estoyent exprimées: Car tel est nostre plaisir.

  A006000698 

 Nous Michel Favre, Official deputé en l'Evesché de Geneve, certifions à tous qu'il appartiendra, que maistre Claude Decrouz, Notaire, bourgeois d'Annessy, qui a receu et stipulé l'acte de transport, et remission de Privilege sus escrit, est Notaire Ducal en Genevois, et qu'aux Actes, et Contrats par luy receus, et stipulez, foy y est adjoustée en jugement, et dehors, vivant ledit Notaire en bonne fame, vie, et reputation, ainsi que tout notoire.

  A006000730 

 Je fermetois et ouvrirois les portes bien doucement parce que nostre Mere le veut, et nous voulons bien faire tout ce qu'elle veut que l'on fasse.

  A006000730 

 Je porterais laveüe bien basse et marcherais fort modestement; car, ma chere fille, Dieu et ses Anges nous regardent tousjours et ayment extremement ceux qui font bien..

  A006000731 

 O ma chere fille Simplicienne, il le faut bien faire le mieux que nous pourrons: [398] n'est-il pas vray que nous nous sommes faites Religieuses pour cela nous deux? Je suis certes bien aise qu'il y ayt une Sœur ceans qui veuille tenir ma place et estre Religieuse pour moy, mais j'ayme bien que ce soit ma Sœur Claude Simplicienne, car je l'ayme bien ma Sœur Claude Simplicienne..

  A006000732 

 Mais il ne nous faut pas estonner de nos fautes, car que pouvons-nous sans l'ayde de ce bon Dieu? rien du tout.

  A006000732 

 Or sus, faisons donc le mieux que nous pourrons; rien ne nous doit empescher de bien faire tout ce qui est marqué dans nos Constitutions, car nous le pouvons avec la grace de Nostre Seigneur.

  A006000733 

 Commençons tout de bon, Dieu nous aydera; si nous avons le courage, nous ferons prou, Dieu aydant..

  A006000733 

 Et qu'avons-nous [399] en ce monde autre chose à faire que cela? Rien du tout, nous sçavons tout ce qui est requis que nous sçachions pour cela, et à ceste heure il nous faut quitter nous-mesmes.

  A006000733 

 Je tascherois le mieux qu'il me seroit possible de me tenir en la presence de Dieu et de faire toutes mes actions pour son amour, car, ma chere fille, on nous apprend ceans à faire ainsi.

  A006000734 

 Dieu nous en face la grace et soit beni..

  A006000738 

 J'ouvrirois et fermerois les portes bien doucement parce que nostre Mere l'a ainsi ordonné; car nous voulons bien faire tout ce que nous sçavons qu'elle veut que l'on fasse.

  A006000738 

 Ma chere fille, Dieu et ses Anges nous regardent tousjours, et ayment extremement ceux qui font bien..

  A006000739 

 O cela il nous le faut bien faire le [398] mieux que nous pourrons, car à ceste heure, nous deux nous nous faisons Religieux pour cela: n'est-il pas bien vray? Je suis bien aise qu'il y ayt une Sœur Claude Simplicienne, car je l'ayme de tout mon cœur ma Sœur Claude Simplicienne.

  A006000739 

 Voulons-[nous] pas bien faire nous deux? Taschons de faire du mieux que nous pourrons..

  A006000740 

 Jamais nous ne nous devons estonner ni descourager pour estre sujettes à faire des fautes; nous en ferons tousjours, Dieu le permettant ainsi pour nous faire pratiquer l'humilité: de nous-mesmes nous ne pouvons rien autre chose.

  A006000740 

 Pour bien faire, entreprenons de bien mortifier nos humeurs et inclinations un peu bien à la bonne foy et tout de bon, car nous n'avons rien autre qui nous puisse empescher de bien faire que cela.

  A006000740 

 Rien ne nous doit empescher de bien faire tout ce qui est marqué en nos Constitutions; avec la grace de Dieu, nous le pouvons et devons faire.

  A006000741 

 A ceste heure nous n'avons rien à faire que ce qui est escrit pour nous.

  A006000741 

 C'est bien peu ce que nous laissons au monde, mais puisque c'est tout ce que nous pouvions avoir, c'est tout quitter.

  A006000741 

 Et tousjours je tascherois le mieux que je pourrois de faire toutes mes actions en la presence de Dieu, avec le plus d'humilité et d'amour qu'il me seroit possible, car on apprend ceans à faire ainsi, n'est-il pas vray? Et qu'avons-nous à faire nous autres que cela? [399] rien du tout.

  A006000741 

 Si nous avons bien eu le courage de quitter ce que nous avions au monde, il en faut bien plus avoir pour nous quitter nous-mesmes.

  A006000742 

 Faisons bien, nous avons bon courage.

  A006000742 

 Je lirois bien souvent le chapitre De l'Humilité et De la Modestie: et vous, ne les lisez-vous pas bien souvent? Quelquefois? Nous ferons prou, je le sçay bien moy, et Dieu nous aydera.

  A006000748 

 Le premier degré de l'humilité c'est la cognoissance de soy-mesme, c'est à dire lors que par le tesmoignage de nostre propre conscience et par la lumiere que Dieu respand dans nostre esprit, nous cognoissons que nous ne sommes rien que pauvreté, que misere et abjection.

  A006000749 

 La recognoissance donques c'est de dire et publier quand il en est besoin, ce que nous cognoissons de nous; mais cela s'entend de le dire avec un vray sentiment de nostre neant, car il s'en trouve une infinité qui ne font autre chose que s'humilier en paroles.

  A006000749 

 Or, de tels humbles Dieu nous en defende..

  A006000750 

 Le troisiesme degré est d'avouer et confesser nostre vileté et abjection quand les autres la descouvrent: car souventesfois nous disons bien nous-mesmes, voire avec sentiment, que nous sommes pervers et miserables, mais nous ne voudrions pas qu'un autre nous devançast en ceste declaration; et si l'on le fait, non seulement nous n'y prenons pas plaisir, mais de plus nous nous en piquons, qui est une vraye marque que nostre humilité n'est pas parfaite ni de la fine.

  A006000751 

 Le quatriesme c'est d'aymer le mespris et se resjouïr quand on nous deprime et avilit; car, quelle apparence de tromper l'esprit d'autruy? il n'est pas raisonnable.

  A006000751 

 Puisque nous avouons que nous ne sommes rien, il faut estre bien ayses que l'on le croye, que l'on le die et que l'on nous traitte comme vils et miserables..

  A006000762 

 Le plus ordinaire sejour de l'ame devote doit estre au pied de la Croix de Nostre Seigneur, car l'on obtient davantage de Dieu par le chemin de l'humilité et reverence; et il ne se faut pas trop avancer par la voye de la confiance, de peur qu'il ne nous arrive comme à l'Espouse, qui pria son Amy de luy monstrer le lieu où il reposoit sur le midy.

  A006000765 

 Il ne faut pas desirer d'estre delivré de ses imperfections, sinon parce qu'elles desplaisent à Dieu; car il est bon, pour nous tenir en humilité et resignation, que sa volonté soit faite ou nous les ostant ou nous les laissant, pourveu qu'il soit glorifié en icelles..

  A006000766 

 L'on n'est en Religion que pour conserver en nous l'image et semblance de Dieu sans intermission, et le moyen de le faire, c'est d'estre continuellement en sa presence et former toutes nos actions au modele des siennes.

  A006000767 

 Et pour la bien faire, il faut, outre cela, avoir encor trois autres conditions, à sçavoir: estre pauvre par humilité, riche en esperance, et estre enté sur l'arbre de la Croix avec Nostre Seigneur: et en somme, il faut tousjours demander à Dieu en l'oraison qu'il « accroisse en nous la foy, l'esperance et la charité.

  A006000767 

 La fin pour laquelle nous faisons l'oraison ne doit estre que pour nous unir à Dieu.

  A006000769 

 Quand nous faisons des fautes il ne s'en faut point descourager, car cela ne provient que de l'amour propre; au contraire, nos imperfections nous doivent servir d'eschelle pour monter au Ciel.

  A006000771 

 Quand nous avons ouy la parole de Dieu, il nous faut prendre garde de n'estre pas comme le panier qu'on tire de l'eau..

  A006000772 

 C'est une des plus grandes graces que nous puissions recevoir de Nostre Seigneur que la cognoissance de ce que nous sommes, par quelque voye que ce soit..

  A006000773 

 La meilleure preparation que nous pouvons faire pour bien celebrer les festes, c'est de bien faire ce que nous faisons..

  A006000775 

 Ce n'est pas humilité de se recognoistre miserable, c'est seulement n'estre pas beste; mais c'est humilité de vouloir et desirer que l'on nous tienne et que l'on nous traitte pour tels..

  A006000777 

 Apres que Nostre Seigneur se fut transfiguré, les disciples ne virent plus que luy: en tout ce que nous faisons nous ne devons rien voir que Nostre Seigneur..

  A006000777 

 Il est meilleur pour nous d'estre sur le mont de Calvaire avec Nostre Seigneur crucifié, que sur celuy de Thabor où il fut transfiguré.

  A006000777 

 Quand nous avons ouy la voix du Pere qui dit: Cestuy-cy est mon Fils bien-aymé, escoutez-le, il faut mettre en pratique ce qu'il nous a dit.

  A006000778 

 Quand nous sommes en la presence de Dieu nous devons avoir deux attentions: l'une à luy, et l'autre à ce que nous faisons..

  A006000779 

 Il ne faut jamais penser qu'on aye bien fait une action, encor que nous l'ayons faite avec toute la perfection qu'il nous a esté possible, parce que nous ne sçavons pas ce qu'elle est devant Dieu; la propre volonté ne vaut rien devant luy.

  A006000779 

 Il ne faut pas pourtant vouloir aller par une autre voye que celle qu'il plaist à Dieu nous conduire, soit à pied, soit en barque; mais il faut avoir ceste resolution de se monstrer fidelle aux occasions, car nous sommes des geans à pecher et des nains à bien faire.

  A006000780 

 Les mortifications qui ne sont point apprestées à la sauce de nostre propre volonté sont les meilleures et plus excellentes, et aussi celles que l'on rencontre par les rues sans y penser et que l'on ne cherche pas, et celles qui nous sont journalieres quoy que petites..

  A006000784 

 Nostre Seigneur est si amoureux de l'humilité qu'il met au hazard que nous perdions toutes les autres vertus pour conserver celle-cy..

  A006000785 

 Le sommaire de toutes vertus c'est d'estre fondé en une profonde crainte de Dieu, laquelle au seul nom du peché nous fasse trembler.

  A006000787 

 Nos resolutions ne sont que des avortons, si nous ne venons aux effects.

  A006000787 

 Nous sommes obligés d'une obligation particuliere de nous perfectionner et nous donner à Dieu sans reserve quelconque, et quand on se sent pauvre et desnué de vertus il faut avoir de plus grandes pretentions de bien faire.

  A006000789 

 La cause pourquoy nous ne faisons pas nostre profit de l'usage frequent des Sacremens c'est parce que nous n'y portons pas un esprit vuide et despouillé, et qu'apres les avoir receus nous nous retournons endormir en nos miseres..

  A006000790 

 Il ne se faut pas despouiller pour demeurer nud, mais il se faut despouiller de nous-mesme pour se revestir de Dieu..

  A006000790 

 Il nous faut bien recognoistre nostre neant, mais il n'y faut pas demeurer, car nous ne nous aneantissons que pour nous unir à nostre tout qui est Dieu.

  A006000791 

 Il faut aller à l'Office divin avec un cœur angelique et divin, puisque nous faisons ça bas ce que les Anges font au Ciel.

  A006000793 

 Il faut pour acquerir les vertus vrayes et solides, ne regarder que Nostre Seigneur en tout ce que nous faisons..

  A006000794 

 Ceux-là sont tiedes qui vont lentement au service de Dieu et comme par coustume, disant: Allons tousjours; pourveu que nous arrivions une fois à la perfection, ce sera assez.

  A006000809 

 Et comme nous persistions à luy dire qu'il en serait incommodé, il nous dit: « Je suis trop bien, ne vous mettez pas en peine, conservez la paix du cœur.

  A006000809 

 La premiere fois qu'il arriva il nous entretint environ une heure et demie de la tranquillité d'esprit, avec ressentiment de devotion, et nous dit plusieurs fois qu'il ne falloit jamais se mettre en peine de rien, ni perdre la paix du cœur pour chose qui nous peust arriver; que pour luy il choisiroit plustost d'estre logé au coin d'une chambre, avec repos, que d'estre dans la Cour parmi le tracas des honneurs et richesses; et pour cela il tesmoigna de desirer d'estre logé dans la chambre de Monsieur Brun, nostre confesseur.

  A006000809 

 Nous luy dismes plusieurs fois qu'il en recevrait beaucoup d'incommodités; il dit tousjours que non, et qu'il serait mieux qu'il ne meritoit, et de plus, qu'il serait proche de ses cheres filles.

  A006000809 

 » Et nous [407] dit avec une façon si pleine d'humilité et de douceur: « Je voy bien que vous avez envie de vous defaire de moy; mais, je vous prie, permettez que je loge là, et ne vous mettez nullement en peine que je ne sois pas bien; car en verité je couche à Neci dans une chambre qui est dix fois plus froide que celle-là.

  A006000810 

 Et comme il continuoit tousjours à nous parler de la tranquillité d'esprit, nous luy dismes: Monseigneur, nous vous supplions tres-humblement de nous en faire un Entretien, et comme il se faut comporter en la deposition des Superieures.

  A006000811 

 Il nous dit encore ensuite: « Le bonheur d'un Ordre ne depend nullement d'un chef, cela se void tous les jours par experience; et ceux qui en ont eu, et de si excellens, n'ont pas delaissé de se relascher.

  A006000811 

 Nous luy demandasmes s'il n'avoit point quelque pretention à fin que l'esprit de douceur et de simplicité qui se pratique parmi nous y fust conservé et qu'il y eust quelque liaison entre nos maisons; que plusieurs personnes avoyent pensé qu'une Generale serviroit grandement à cela.

  A006000811 

 Nous sçavons qu'il a traitté de ceste affaire avec les Reverends Peres Jesuites, qui ont esté de mesme sentiment; de quoy il tesmoigna d'estre fort ayse, disant que les affaires de Dieu se font tousjours avec difficulté.

  A006000811 

 » Et nous luy dismes: Quelle est donc vostre intention, Monseigneur? « C'est qu'on laisse tout à la Providence divine.

  A006000811 

 » Il nous a dit ceste parole plusieurs fois, et nous a fait cognoistre [408] apertement qu'il n'avoit autre dessein.

  A006000812 

 Il me tesmoigna d'en estre fasché, et me dit: « Mon Dieu, ma fille, n'ayez point ces desirs; il y a peu de personnes qui sçachent trouver la veine de la vraye pauvreté, laquelle consiste à ne rien desirer, mais se contenter de ce peu que Dieu veut que nous ayons.

  A006000812 

 Nous luy demandasmes comme il se falloit comporter pour les affaires temporelles, veu que tout le monde nous portoit à nous y affectionner et attacher; et que si nous voulions nous en desprendre, tous nous contrarioyent en cela, et que l'on me mettoit au devant les monasteres bien bastis et rentés, que le nostre ne l'estoit pas.

  A006000812 

 « Il est vray, ma fille, que le monde craint la pauvreté; mais que faire à cela? Il faut tesmoigner simplement que nous ne voulons point nous y attacher, ni perdre la tranquillité de l'esprit pour les biens de ce monde.

  A006000812 

 » A ce propos on luy dit que le logis de nostre Prince Cardinal avoit esté bruslé, et qu'il avoit perdu six mille escus de vaisselle d'argent; et je luy dis que c'estoit grand dommage, que cela nous feroit grand bien pour bastir nostre eglise.

  A006000814 

 Il nous dit que non, et qu'il aymoit mieux que la maison fust incommodée et eust besoin de quelque chose, que de permettre aux filles ces affections qui ne nourrissent que trop leur amour propre, non pas mesme pour la sacristie, quoy qu'elle fust pauvre.

  A006000814 

 Nous luy dismes si c'estoit son intention que les filles demandassent à leurs parens, quand ils sont riches et que les maisons estoyent incommodées.

  A006000815 

 Nous luy dismes si une Superieure pourroit donner à une sienne parente qui seroit à Sainte Claire, qui luy demanderait l'aumosne.

  A006000817 

 Nous luy demandasmes si c'estoit son intention qu'en toutes nos maisons on donnast l'aumosne.

  A006000821 

 Nous luy dismes un jour que nous craignions qu'il y eust bien du danger, quand les Superieures n'auroyent pas l'esprit de la Regle, « Que feriez-vous là? si elles sont fidelles à les observer, Dieu le leur donnera avec le temps.

  A006000821 

 » Il nous dit qu'il « seroit tousjours mieux de faire election d'une fille qui seroit d'une grande vertu, quoy qu'elle fust jeune.

  A006000821 

 » Nous luy dismes: Monseigneur, il me semble qu'ayant confiance en Dieu il ne manque pas de donner la lumiere pour les charges, et que la charité est toute chose.

  A006000824 

 Il respondit: « Nos paroles ne font pas des miracles; il faut s'adonner à la pratique que les Constitutions nous enseignent: elles disent prou comme il faut faire, mais les filles ont tant de petites volontés, qu'elles ayment mieux suivre qu'obeir! Et que faire là? Il faut laisser pleurer les filles et tesmoigner les affections qu'elles ont, car elles penseroyent qu'on croiroit qu'elles n'ont point d'amour, si elles ne tesmoignoyent tout cela, qui n'est que foiblesse de filles..

  A006000824 

 Nous luy dismes: Monseigneur, quand vous aurez fait l'Entretien comme il se faut comporter és depositions et elections des Superieures nous ferons des merveilles à le bien pratiquer.

  A006000825 

 Et puis, dequoy nous mettons-nous tant en peine d'estre aymés des creatures, pourveu que l'on le soit du Createur? Comme cela nous est tres asseuré, cela nous doit suffire..

  A006000825 

 Il ne faut rien dire ni faire pour estre aymés ni estimés des creatures, ni pour estre mesprisés, et faut croire que si les creatures ne nous ayment pas icy bas, elles nous aymeront au Ciel où nous nous verrons tous.

  A006000827 

 Il dit qu'il apprenoit en la theologie, qu'il ne le falloit pas faire, mais que nous le pouvons sans qu'il y eust de mal; que la methode qu'on nous avoit donnée nous le permet parce que nous ne sçavons pas discerner quand il y a du peché, c'est pourquoy nous donnons une generalité.

  A006000827 

 « Cela est bon d'en dire és confessions extraordinaires et annuelles; et quand nous n'avons rien à dire pour nous confesser, il faut dire un peché du monde..

  A006000828 

 Il ne se faut pas mettre en peine de cela, car nous n'avons pas une perfection qui soit exempte d'amour propre qui ne nous fasse faire au moins quelque faute par cy par là; il ne s'en faut nullement estonner.

  A006000828 

 Mais quand nous ne faisons rien par ce mouvement, il n'y a point de mal mais du merite.

  A006000828 

 Nous pouvons bien nous confesser quand nous avons du sentiment de quelque chose et quand nous avons fait quelque action en suite, quoy que legere, comme de dire quelque parole, car il y [413] peut avoir du peché.

  A006000829 

 « Il ne faut pas avoir un sentiment qui nous fasse jetter des larmes, mais un desplaisir d'avoir offencé Dieu.

  A006000830 

 Il faut aller fort simplement, à la franche marguerite, et bien faire la recreation; que si nostre attention estoit en quelque chose, il l'en faudrait oster, si elle nous empeschoit de la faire.

  A006000830 

 Quand nous tendons à la perfection, il faut tendre au blanc, et ne se pas mettre en peine quand nous ne rencontrons pas.

  A006000831 

 Quand nous avons des pensées de mesestime contre le prochain, il n'y a point de mal quand nous ne les rejettons pas faute d'attention; suffit que nous les rejettions quand nous nous en appercevons.

  A006000831 

 [414] Et quant à ce que vous me demandez s'il faut laisser de dire ses peines ou quelque chose qui feroit voir du bien en nous, crainte que vous avez de ne le pas sçavoir dire, et que vous donnez plustost suget de vous faire estimer que de vous accuser: ô ma fille, il se faut tousjours descouvrir naïfvement et simplement, tant du bien du mal, pourveu que vous n'ayez pas intention de vous faire estimer.

  A006000832 

 Il faut suivre les discours quand Nostre Seigneur nous y attire, mais il faut tascher de nous advancer à la perfection par la voye la plus simple et n'estre pas si fine.

  A006000832 

 Il n'est pas mal de revenir quelquefois sur soy-mesme, pourveu que ce soit pour nous humilier, comme de penser en nostre ingratitude, mais il faut tousjours se tourner à Dieu; car, comme je dis en quelque lieu, ce n'est pas proprement faire oraison, que de tousjours reflechir sur soy, puisque l'oraison est une eslevation de nostre esprit en Dieu pour s'unir à luy.

  A006000832 

 Il ne faut point s'estonner quand nous ne nous tenons pas en ceste sainte presence comme nous desirerions.

  A006000832 

 Il suffit de faire toutes vos actions pour Dieu tout simplement; et quand mesme vous n'auriez pas pensé de dresser vostre intention avant que de faire et commencer vostre action, il suffit de le faire apres, et n'en recevez aucun scrupule: l'intention generale que nous faisons le matin suffit.

  A006000832 

 Nous ne pouvons pas avoir une continuelle presence de Dieu, cela n'appartient qu'aux Anges; il suffit de nous y tenir tant qu'il nous sera, possible, et d'eslever souvent nostre esprit en Dieu: je n'entens pas d'avoir tousjours l'esprit bandé.

  A006000832 

 On est bien heureux d'avoir ceste sainte affection de servir à Dieu, et ne faut point faire d'estat de n'avoir pas le sentiment que nous desirerions en son service.

  A006000832 

 Quand nous faisons quelque chose pour Dieu, c'est estre en sa presence; le desir que nous avons de nous tenir en sa presence nous sert [d'attention à la] presence de sa Bonté.

  A006000832 

 Que si ce que nous faisons nous tire hors de nostre attention à Dieu, et qu'il soit necessaire, il ne s'en faut pas mettre en peine.

  A006000832 

 Si bien vous faites des fautes par le mouvement de vostre sentiment, n'y regardez pas de si pres, et vous destournez de toutes ces reflexions; il faut tendre au blanc de la perfection, et ne pas s'estonner si nous ne rencontrons pas selon nostre desir.

  A006000834 

 Et ne dites jamais que vous ne pouvez pas faire quelque chose, car nous pouvons tousjours quand nous voulons: ce seroit dire que Nostre Seigneur eust mis quelque impossibilité, ce qui n'est pas.

  A006000834 

 Il faut souffrir humblement cela, et demeurer devant Dieu comme une statue, pour recevoir tout ce qu'il nous envoyera; Nostre Seigneur se plaist quelques fois de nous voir combattre tout le temps de l'oraison le sommeil, sans nous en vouloir deslivrer; il faut souffrir patiemment et en aymer nostre abjection.

  A006000834 

 Nous pouvons tout en sa grace qui ne nous manque jamais..

  A006000835 

 Pour nous disposer à la sainte Communion, il nous faut bien tenir proches de Nostre Seigneur, et luy dire des paroles selon nostre affection, et qu'il nous suggerera, considerant ou regardant qu'il se fait chair de nostre chair à fin de s'unir à nous; et luy faut dire comme l'Espouse au Cantique, qu'il nous baise d'un baiser de sa bouche; et il le fait quand il vient dedans nous, et alors l'ame peut dire: Mon Bien-Aymé est à moy, et je suis toute sienne..

  A006000836 

 Nous ne serons jamais exempts de pechés veniels..

  A006000837 

 Ce n'est rien du sentiment qui nous vient d'estre accusée, pourveu que nostre volonté soit ferme à aymer son abjection.

  A006000837 

 Il est tousjours mieux de tenir nostre ame en confiance en Dieu qu'en crainte, quoy que nous le fassions pour nous humilier.

  A006000837 

 L'accusation de nous-mesme ne nous sert de rien quand nous ne pouvons pas supporter d'estre reprise; et si volontairement nous n'aymons pas qu'on voye nos defauts, ce n'est qu'amour propre.

  A006000837 

 L'amour nous fait assez humilier..

  A006000839 

 La fidelité de l'ame envers Dieu consiste à estre parfaitement resignée à sa sainte volonté, à endurer patiemment tout ce que sa [416] Bonté permet nous arriver, faire tous nos exercices en l'amour et pour l'amour, et sur tout l'oraison, en laquelle il se faut entretenir avec Nostre Seigneur fort familierement de nos petites necessités, les luy representer et luy demeurer sousmise en tout ce qui luy plaira faire de nous; estre bien obeissante, faire tout ce que l'on nous commande, de bon cœur, encor que nous y sentions de la repugnance; estre fidelle à partir si tost que la cloche nous appelle, et rejetter les distractions qui nous arrivent en l'oraison et à l'Office; conserver une grande pureté de cœur, car c'est là où Dieu habite, et non pas dans les cœurs pleins de vanité et de presomption d'eux-mesmes, au contraire il les chastie et punit rigoureusement.

  A006000840 

 Quand nous regardons à escient les imperfections des autres, ô Dieu, ma chere fille, cela est bien mal, il ne le faut pas faire; mais quand quelquefois nous les voyons, il s'en faut destourner, et penser tout doucement au Paradis et aux perfections de Dieu et de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saints et Saintes et des Anges, et quelquefois nous regarder nous-mesme, nostre indignité et nostre bassesse; et quand ces pensées nous viennent, nous nous devons humilier et aneantir jusques au centre de la terre, voyant que nous ne sommes que des petits vermisseaux, et nous voulons esplucher les actions des autres qui sont les espouses de Nostre Seigneur! Nous devons bien faire voir à nostre cœur sa foiblesse, nous faisant à nous-mesme une petite reprimande à fin d'estre sur nos gardes à l'advenir.

  A006000842 

 Pour nous bien preparer pour l'oraison il faut y aller avec une grande humilité et recognoissance de nostre neant, invoquant l'assistance du Saint Esprit et celle de nostre bon Ange, et se tenir bien coye durant ce temps-là, en la presence de Dieu, croyant qu'il est plus en nous que nous-mesme; et, bien que nostre oraison soit privée de discours et consideration, il n'y a nul danger, car elle ne depend point du discours ni de la consideration.

  A006000842 

 Quand ces pensées vous arrivent, il faut faire un simple abaissement de vostre esprit devant Dieu, de tous vos pechés, sans les particulariser, car ce seul acte suffit; pour l'ordinaire ces pensées ne nous servent que de distraction..

  A006000843 

 Faisant quelques œuvres où il y faut mettre son attention, il faut de temps en temps remettre son esprit en Dieu; et quand nous y avons manqué il s'en faut humilier, et de l'humilité aller à Dieu, et de Dieu à l'humilité, avec confiance, luy parlant comme l'enfant fait à sa mere, car il sçait bien ce que nous sommes..

  A006000846 

 Il ne faut jamais dire que nous ne pouvons pas faire quelque chose, mais vous faites bien de dire qu'il vous semble; car on peut tout en la grace de Dieu, lequel ne nous laisse pas en nos necessités..

  A006000846 

 O qu'il est bien raisonnable que nous nous privions des contentemens du monde pour Dieu, puisqu'il se prive de sa gloire pour nous.

  A006000847 

 Les maladies du corps n'empeschent pas à la devotion, au contraire elles nous aydent, si nous les prenons de [418] la main de Dieu.

  A006000847 

 Pour l'oraison, il n'y a aucun danger de s'asseoir pour quelque temps quand la necessité le requiert, mais il n'y faudrait pas demeurer tout le temps de l'oraison; il ne faut pas avoir tant de tendretés, lesquelles sont dangereuses et nous nuisent bien en la voye de nostre salut.

  A006000849 

 Il ne faut pas pleurer inutilement, car si nous devons rendre compte des paroles inutiles, à plus forte raison des larmes jettées sans sujet.

  A006000852 

 Il faut avoir une grande constance en nos ennuis, car pendant que nous serons en ceste vie nous ne serons pas tousjours en mesme estat, cela ne se peut..

  A006000853 

 La vertu de nostre premiere offrande que nous avons faite en nous sacrifiant à Nostre Seigneur suffit, encore que nous n'ayons pas ceste attention à luy offrir tout ce que nous faisons.

  A006000853 

 Les sentimens ne sont point necessaires pour la perfection que nous desirons; car Nostre Seigneur estant au Jardin, delaissé de toute consolation, ne laissa pas pour cela d'accomplir la volonté de son Pere..

  A006000856 

 Il faut croire que tout ce que nous souffrons est peu devant Dieu; il faut penser le moins que nous pouvons à ce que nous souffrons..

  A006000857 

 Vous vous pouvez bien destourner du sentiment de la delectation qui vous vient en prenant les choses qui vous sont necessaires; comme qui passeroit par une rue et rencontreroit beaucoup de boüe, il ne feroit rien autre que prendre un autre chemin: et ainsi devons-nous faire, sans y penser davantage..

  A006000860 

 Nous devons estre bien ayses d'avoir quelques choses qui peuvent servir aux autres, comme de prester les besognes de la sacristie.

  A006000867 

 Ma fille, sainte Blandine quand les payens la martyrisoient, elle disoit: « Je suis Chrestienne; » de mesme, quand nous avons quelques douleurs et ennuis, il faut dire: Je suis Chrestienne..

  A006000868 

 L'humiliation n'est pas si mauvaise que nous pensons, elle ne nous fera pas tant de mal que nous pensons et qu'il nous semble; ne la craignons pas tant.

  A006000868 

 La peine que nous avons de souffrir l'abjection, la crainte d'estre humiliée, sont des imperfections auxquelles nous sommes tous sujets; il ne faut point s'en estonner, mais prendre bon courage et mettre son cœur en Dieu, ne desirant autre chose que de luy plaire.

  A006000871 

 Et quand les tentations d'envie viennent de ce que nos Soeurs font mieux, ou sont plus aymées que nous, il faut tordre son cœur comme une serviette pour le faire venir à la raison..

  A006000873 

 Il faut avoir un grand support de nos Sœurs et les ayder et soulager [en] tout ce que nous pouvons, et ne pas croire qu'elles ayent peu de mal, car ce n'est pas à nous à faire ce discernement..

  A006000874 

 Dieu ne nous demandera pas compte si nous avons dit beaucoup d'Offices, mais ouy bien si nous avons esté bien sousmis à sa volonté..

  A006000874 

 Nous n'irons pas au Ciel pour avoir bien chanté, mais si ferons bien pour avoir obei.

  A006000876 

 Pour ce qui est de l'honneur qu'il vous semble que je porte à un chacun, la civilité nous apprend cela, et puis j'y suis porté naturellement; je n'ay jamais sceu faire comme plusieurs personnes font, auxquelles il semble, quand elles sont eslevées en [422] quelque dignité, qu'elles se doivent faire honnorer de tout le monde; et quand elles escrivent elles ne veulent mettre, sinon aux personnes de grand respect, « tres-humble » et « bien humble.

  A006000877 

 Luy parlant de la condescendance, comme il faisoit pour se rendre si facile à tout le monde, il nous dit: « Je n'ay pas grand peine à cela, il ne me fasche jamais de le faire, ouy bien quand je ne le fais pas; naturellement je n'ay pas mes volontés fortes, et puis ne faut-il pas estre ainsi condescendant au prochain? Je ne sçay point contraindre les inclinations; quand je voy qu'on desire quelque chose, je laisse faire.

  A006000878 

 Il nous dit: « Il faut accoustumer les seculiers à venir hors le temps des Offices, tant qu'il se peut.

  A006000878 

 » Cela c'estoit le jour de saint Estienne, pendant None, qu'il nous parla avec suavité de ceste sainte vertu.

  A006000879 

 Il nous tesmoigna une fois qu'il desiroit que la fondation de Besançon se fist, et il nous dit qu'il estoit bien ayse que nos Sœurs s'estendissent, parce qu'elles vivent avec beaucoup de paix et douceur..

  A006000880 

 Luy disant une fois que nous desirions grandement en ceste maison de prendre son esprit, il nous respondit: « Dieu vous en garde! prenez celuy de Dieu et de saint Augustin.

  A006000881 

 Apres avoir confessé une de nos Sœurs, laquelle il avoit entretenue environ une heure et demie, nous luy dismes qu'il estoit admirable en sa douceur d'avoir pris la peine et patience de l'escouter si long temps, et lors il nous dit: « Tout beau, tout beau! il faut traitter les malades comme malades.

  A006000882 

 Il nous dit que ce qu'il avoit mis dans les Constitutions cela n'estoit pour autre cause que pour celles qui n'ont pas la confiance de le dire à elle-mesme, mais que les plus confidentes sont les meilleures..

  A006000882 

 Nous luy demandasmes si c'estoit l'intention des Constitutions de [423] dire à la Suprrieure ce que l'on pense [d'elle], parce qu'elles nous envoyent à l'Ayde de la Suprrieure.

  A006000883 

 Il nous dit: « Que ne nous l'avez-vous envoyée à Nessy! ».

  A006000885 

 Luy parlant qu'il y a quelques fois des filles naturellement sobres et qui pour l'ordinaire ne mangent que le tiers de leurs portions, s'il falloit leur dire resolument de manger davantage, il nous respondit qu'il seroit mieux de souffrir quelque temps un peu de peine à s'accoustumer, parce qu'il le falloit ainsi à cause qu'il leur pourroit nuire avec le temps.

  A006000895 

 En fin, mes cheres filles, il s'en faut aller; je viens finir la consolation que j'ay receue jusques à present avec vous: qu'avons-nous à dire? Rien plus, sans doute.

  A006000895 

 » Monseigneur, luy dit-on, nous voulons parler à vous à fin d'apprendre à parler à Dieu.

  A006000896 

 Les vertus de Dieu, entant que Dieu, sont si excellentes, que pour satisfaire à nostre foiblesse il s'est voulu faire homme pour nous monstrer l'exemple de ce que nous devons faire, à fin que nous le puissions imiter.

  A006000897 

 » Que faut-il donc faire, Monseigneur, quand on nous loüe? « Il s'en faut aller à Dieu et les laisser là; mais pour les inferieures, quand la Superieure loüe quelques bonnes actions qu'elles ont faites, il ne faut pas qu'elles s'en aillent; il est quelquefois necessaire de le faire, mais pour les Superieures elles ne doivent pas permettre cela en façon quelconque.

  A006000898 

 Nous sommes si ayses d'avoir quelque charge pour surexceller par dessus les autres, comme d'estre Superieure ou Assistante, à fin de faire voir là son bel esprit, car ma Sœur ordonne et dispose si bien! nous sommes si ayses de faire voir que nous sçavons fort bien ordonner.

  A006000898 

 « Vous demandez si ce n'est pas une grande foiblesse de desirer [426] des charges et se mettre en peine quand on ne nous en donne point.

  A006000899 

 Il ne faut non plus craindre qu'il nous en vienne, pourveu que nous tenions tous-jours nostre volonté superieure ferme en Dieu; et au lieu de nous amuser à de vaines craintes, il nous faut tenir nostre cœur en Dieu et nous unir à luy: car en fin il ne faut rien desirer ni rien refuser, mais se laisser entre les bras de la Providence divine, sans s'amuser à aucun desir sinon en ce que Dieu veut faire de nous.

  A006000899 

 Il ne se faut pas mettre en peine quand nous sentirons des desirs en nous; tant que nous vivrons, nostre nature nous les produira.

  A006000900 

 Il vaut mieux estre en sa cellule par obeissance, faisant un petit ouvrage, ou lisant, ou faisant que sçay-je moy quoy; et si on le fait avec plus d'amour que ne fait celle qui est à la cuisine, qui a beaucoup de peine et se brusle les yeux, si elle le fait avec moins d'amour, l'autre a plus de merite: car ce n'est pas par la multiplicité de nos œuvres que nous plaisons à Dieu, mais par l'amour avec lequel nous les faisons..

  A006000900 

 « Saint Paul nous defend de desirer des charges relevées et des preeminences.

  A006000901 

 Et ne faut point faire ces jugemens, où il y a plus de merite; pour nous autres il n'y faut point regarder, et je n'ayme point cela de vouloir tousjours regarder au merite, car les Filles de Sainte Marie ne doivent faire leurs actions que pour la plus grande gloire de Dieu.

  A006000901 

 Il est à craindre qu'en voulant [428] choisir où il y a plus de merite, nous ne donnions le change à nostre esprit.

  A006000901 

 Si nous pouvions servir Dieu sans meriter, ce qui ne se peut, nous devrions desirer de le faire.

  A006000902 

 « Ce n'est pas par la grandeur de nos actions que nous plaisons à Dieu, comme j'ay desja dit, mais par l'amour avec lequel nous les faisons; car une Sœur qui sera en sa cellule, ne faisant qu'un petit ouvrage, meritera plus qu'une autre qui aura bien de la peine, si elle le fait avec moins d'amour.

  A006000903 

 O mon Dieu, quand sera-ce que nos Sœurs n'auront plus tant de desirs, et qu'elles s'amuseront à faire et à ne rien vouloir que ce que Dieu veut, la volonté duquel nous est signifiée par nos Regles et Superieurs!.

  A006000904 

 Il est dangereux que l'amour propre nous le fasse dire, de crainte que nous avons de ne la pas bien faire, pour nous excuser quand nous viendrons à y manquer, à fin que l'on en soit adverti; cela est bien dangereux et suspect.

  A006000904 

 [Bien] que nous le fassions sous pretexte d'humilité, il ne l'est nullement; au contraire, cela est contre l'humilité.

  A006000905 

 Mais si cela s'arreste en l'esprit et qu'il nous face faire quelque faute, c'est cela qu'il faut dire.

  A006000905 

 Si chacun vouloit choisir en Religion les charges à sa phantasie, que seroit-ce sinon faire chacun sa volonté? Que nous doit-il importer d'avoir de la peine aux charges, puisqu'elles nous sont imposées par nos Superieurs qui nous representent Dieu? David disoit: J'ay esté fait comme une beste de charge pour porter les commandemens du Seigneur; en quoy il nous fait bien voir la sousmission que nous devons tousjours avoir en tout ce qui nous est ordonné de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000906 

 Mais il y a ceste difference entre Nostre [430] Seigneur et nous, que volontairement il vouloit ressentir pour l'amour de nous, s'en pouvant exempter entant que Dieu; mais nous ne le pouvons, encore qu'il soit contraire à nostre volonté..

  A006000906 

 Nostre Seigneur nous en a voulu donner l'exemple au jardin des Olives, voulant sentir des mouvemens contraires à sa partie superieure; bien que sa volonté fust conforme à celle de son Pere eternel, il ne laissoit pas de ressentir.

  A006000906 

 Nous le voyons bien en saint Paul, lequel estant tenté de l'aiguillon de la chair, ce mouvement le pressant fort, il demanda par trois fois à Dieu d'en estre delivré; et lors il ouyt Nostre Seigneur qui luy dit: Paul, ma grace te suffit, ma vertu se perfectionne en l'infirmité; et lors il demeura tranquille et paisible en sa peine et tentation.

  A006000906 

 O non, ma chere fille, nostre nature nous les produira tousjours; les desirs, pensées et mouvemens involontaires ne nous peuvent point nuire en la perfection.

  A006000906 

 Que nous doit-il soucier si nous sentons de la peine, pourveu que nous fassions nostre devoir? Laissons aboyer ce mastin contre la lune, il ne nous peut rien faire si nous ne voulons.

  A006000906 

 Vous demandez si les desirs quoy qu'involontaires ne nous retardent pas beaucoup de la perfection.

  A006000908 

 Qui en doute, ma chere fille, qu'il ne soit mieux de s'estre tenu ainsi en la presence de Dieu, plustost que de tant flechir et reflechir sur ce qui se passe dedans nous et autour de nous? Vous demandez si on se sentoit un grand scrupule, ne pouvant accoiser son esprit, à cause que ces desirs et tentations ont tant duré, si on s'en pourrait confesser.

  A006000909 

 Quand nous demandons l'amour de Dieu et la charité nous y comprenons l'humilité et toutes les vertus, car elles ne sont point separées les unes des autres.

  A006000909 

 « O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien desirer ni demander, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander.

  A006000911 

 Cela fait si grand bien à l'amour propre, à fin que l'on cognoisse que nous leur sommes bien obligées.

  A006000911 

 L'on demande si ce n'est pas une marque que nous suivons nostre sentiment de laisser de se mettre proche d'une Sœur à la recreation quand elle nous a advertie.

  A006000911 

 Pour les larmes, il y a des naturels qui ne s'en peuvent pas empescher, et nous sommes quelquesfois si ayses de pleurer, sur tout quand on nous change de Superieure, pour monstrer que ma Sœur une telle n'est pas desnaturée et qu'elle le ressent bien.

  A006000912 

 Les Religieux ont en cela un grand advantage par dessus les mondains, estans hors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000912 

 Les pechés veniels ne nous en desunissent pas, ains ils font une petite ouverture entre Dieu et l'ame; et par la vertu de ce Sacrement, nous reunissons nostre ame à Dieu et la remettons en son premier estat..

  A006000913 

 En ces descharges qui tirent à la longue devant le confesseur, il est dangereux que nous ne meslions les defauts des autres avec les nostres, ce qu'il ne faut point faire.

  A006000913 

 Il faut aller à la Confession purement pour nous unir à Dieu, avec une vraye detestation de ses pechés et une volonté ferme et entiere de s'amender, moyennant sa grace.

  A006000913 

 Il nous semble que nous avons l'esprit si content quand nous nous sommes bien deschargés, et pensons que cela suffit, comme si nostre paix et repos dependoit de cela.

  A006000914 

 L'on demande si les Sœurs doivent discerner les petites obeissances d'avec les grandes, et si on doit s'accuser en ces termes: Mon Pere, je m'accuse dequoy j'ay fait une desobeissance en chose d'importance, ou en chose legere, ou s'il faut dire la chose tout simplement comme elle est; et si l'on doit discerner les obeissances de la Regle et des Constitutions, parce qu'il y en a qui nous sont conseillées seulement, et d'autres qui nous sont commandées absolument.

  A006000915 

 Comme par exemple: la [433] cloche nous appelle le matin, qui est la voix de Dieu, et je demeure un quart d'heure apres qu'elle aura sonné; qui ne void qu'en cela ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui nous font faire le peché (car c'est un peché veniel cela), mais le mouvement de paresse par lequel nous desobeissons? Et pour la Regle, ma fille, il n'y a nul doute que les fautes que l'on fait contre ne soyent plus grandes que celles que l'on fait contre les Constitutions; car les Regles sont les fondemens de la Religion, et les Constitutions ne sont que des marques et des traces pour nous faire mieux observer la Regle.

  A006000915 

 Et pour les choses qui nous sont conseillées és Regles et Constitutions il n'est point besoin de s'en confesser, car il n'y a point de peché; mais pourtant, la circonstance pourroit estre telle en chose de conseil qu'elle seroit peché, comme le mespris et autre chose.

  A006000915 

 Le mespris nous fait faire beaucoup de mal..

  A006000918 

 Et l'imperfection est quand nous faisons quelque faute par surprise sans volonté deliberée, comme par exemple, si je fais un conte à la recreation et que dans mon discours il s'y glisse quelques paroles qui ne soyent pas tout à fait veritables, ne m'en appercevant point qu'apres qu'il seroit fait, cela n'est point peché mais imperfection, et n'est nullement besoin de m'en confesser.

  A006000920 

 Nous devons ayder à nostre prochain en tout ce qui nous est possible, et mesme [435] les advertissemens sont ordonnés pour cela ceans.

  A006000925 

 Nous n'avons rien à desirer que l'union de nostre ame avec Dieu.

  A006000934 

 Tandis que nous ne favorisons point nos aversions, elles nous sont une tribulation, laquelle il faut souffrir comme une autre.

  A006000935 

 Or, en toutes aversions, il faut observer de ne diminuer point les actes de charité envers la personne à laquelle nous avons aversion; il la faut servir, luy parler, la caresser, non seulement comme si nous ne luy en avions point, mais davantage, et en cela nous tesmoignerons nostre fidelité à Dieu et obeirons à sa volonté signifiée, qui est que, contre toute nostre repugnance, nous nous surmontions, ainsi que j'ay dit, à la caresser.

  A006000937 

 Mais si nostre aversion continue et que nous fassions quelque action ou disions des paroles par ce motif, alors il y a du mal, car despuis que le cœur le pousse jusques à la bouche, c'est signe que la volonté est coulpable et qu'elle n'a pas reprimé le premier mouvement..

  A006000937 

 Or, ce n'est pas à dire que quand l'aversion est un peu forte nous puissions tousjours parler avec la mesme allegresse que si nous avions une amitié suave; car si bien il est en nostre pouvoir de parler et faire toutes autres actions, il ne nous est pas pourtant possible de les faire avec un visage aussi gracieux que si nous n'avions point ceste difficulté.

  A006000937 

 Or, quand il ne s'ensuit point autre chose de nos aversions sinon qu'en parlant à ceste personne nous ne sommes pas du tout si gays ou que nous destournons un peu nos yeux de dessus elle, cela n'est pas grand cas; il y a seulement matiere d'abaissement et d'humiliation, mais non pas de confession.

  A006000939 

 Il la faut laisser gronder, et ne pas suivre ses volontés, faisant tousjours regner la raison, qui veut que nous nous surmontions en toutes les occasions pour plaire à Dieu et observer le point de nos Regles qui dit qu'il se faut aymer cordialement..

  A006000939 

 Il y a tousjours un petit mot à dire sur le sujet des aversions, bien que non pas pour nous arrester beaucoup, car nous l'avons desja dit d'autres fois qu'il ne se faut pas estonner si l'on ne rit pas de si bonne grace que si l'on n'en avoit point, non plus que quand on se trouve mal; car en ces deux occasions, pourveu que l'on se sousrie un peu et que l'on ne tienne pas sa contenance refrognée quand on nous parle, nous nous devons contenter; car quand la [439] passion est fort esmeue il est bien difficile de faire meilleure mine, au moins avec ceux auxquels nous avons de l'aversion ou quand le mal nous presse.

  A006000939 

 Or bien, nous avons souventesfois dit cecy, c'est pourquoy il suffit que nous sçachions qu'il faut marcher selon la partie superieure en la voye de nostre perfection, et ne nous pas soucier des esmotions de la partie inferieure; autrement nous serions en perpetuel chagrin et inquietude d'esprit, et ne ferions pas grand avancement.

  A006000947 

 Il faut bien prendre garde quand nous sommes esmeus de quelque passion, de ne faire point d'action qui parte de nostre mouvement; quand neantmoins il arrive en des choses de peu, comme seroit de jetter une plume ou chose semblable avec un peu de sentiment, ce n'est pas matiere de confession.

  A006000948 

 Il arrive pourtant quelquefois que nous y avons de l'aversion par la mauvaise inclination de nos esprits; de façon que l'un se desplaira de voir seulement baiser terre, l'autre de voir dire une coulpe, ou quelque autre mortification.

  A006000948 

 La nonchalance fait que nous n'avons pas le courage de faire les mortifications, ni de desirer que l'on nous y [440] exerce, c'est pourquoy nous avons aversion à les voir faire aux autres; et le descouragement nous fait ennuyer et dire: Mon Dieu, la grande peine! ce n'est jamais fait, je ne vis jamais tant de choses, c'est tousjours à recommencer.

  A006000949 

 Et pour ce qui est de quel esprit l'on doit recevoir les mortifications, si l'on nous y preparoit en nous advertissant deux heures devant, il seroit aysé de n'en estre point esmeus; mais quand elles arrivent par surprise il est bien difficile.

  A006000949 

 Les mortifications nous arrivent par l'ordre de la providence de Dieu et nous sont tousjours faites avec charité, et faut le croire ainsi, car il ne nous appartient pas de juger si elles partent de la passion.

  A006000949 

 Les mortifications que nous choisissons, encores qu'elles soyent repugnantes à nostre nature, depuis que nous en avons fait l'election, il n'y a plus de difficulté parce que nostre nature en tire de la vanité; mais celle qui est faite par nos Superieurs, il la faut recevoir comme de la main de Dieu, avec honneur et humilité.

  A006000949 

 Mais s'il arrivoit que cela nous tombast en la pensée, il faut le recevoir par forme de tribulation, avec douceur, et regarder tousjours la main de Dieu; car encores qu'il ne soit pas autheur du mal et de ceste passion, puisqu'elle devoit arriver, Nostre Seigneur la prend de sa main et la pose dessus nous, pour nous faire meriter par la souffrance de la tribulation..

  A006000950 

 Et cela est mal, car nous devons toutes estre en ce continuel exercice de charité, de contribuer tout ce qui nous est possible pour le bien les unes des autres; car tout doit estre en commun, voire Nostre Seigneur mesme: il ne veut pas que nous l'ayons en particulier, il veut tellement estre en particulier qu'il soit à tous en commun, et tellement en commun qu'il soit à tous en particulier..

  A006000950 

 Nous devons grandement aymer de faire et voir faire aux Soeurs tout ce qui leur peut profiter et les avancer à la perfection, et en faire beaucoup d'estime; car ces petites pratiques, encor qu'elles semblent de peu de valeur, sont plus utiles que les grandes.

  A006000951 

 Cela tient l'esprit en repos et nous oste le doute et la crainte d'avoir consenti; car à l'examen, trouvant que l'on a fait ces choses-là, l'on est en asseurance autant que l'on y peut estre en ceste vie..

  A006000959 

 Je suis fort volontiers l'opinion de ce grand Saint et ay tousjours esté de cest advis, qu'il faut nous appliquer durant le saint Sacrifice de la tres-sainte Messe à la consideration des mysteres qui y sont compris, selon qu'ils sont marqués en l'exercice de la Messe.

  A006000960 

 Et estant demandé à nostre bien-heureux Pere s'il estoit mieux pour nous autres qui entendons ce que nous disons aux Offices, d'appliquer simplement nostre attention à Dieu, ou bien de suivre le sens des paroles que nous prononçons, il respondit qu'il aymoit mieux qu'on s'appliquast à suivre le sens de ce que l'on dit, d'autant que c'est se conformer à l'intention de celuy lequel, par inspiration de la divine Majesté, les a composées.

  A006000969 

 En l'ancienne Loy, Dieu ne vouloit point que l'holocauste luy fust offerte, si premier elle n'estoit escorchée: de mesme, nos cœurs ne seront jamais si propres pour estre immolés et sacrifiés à l'honneur de la divine Majesté, que quand ils seront bien escorchés de leur vieille peau, qui sont nos habitudes, nos inclinations, nos repugnances, les affections superflues que nous avons sur nous-mesme et pour nostre propre volonté..

  A006000969 

 En quoy voulons-nous nous mortifier sinon és occasions de contradiction qui nous arrivent? Mes cheres filles, il faut escorcher la victime si nous voulons qu'elle soit agreable à Dieu.

  A006000969 

 O c'est là que je vous attendois, car c'est tousjours nostre rendez-vous general que de revenir à nous-mesme; nous ne sommes jamais assez aymées ou estimées de la Superieure, qui est une chose tres-importante pour nostre consolation.

  A006000969 

 Que nous doit-il importer, pourveu que nous rendions nostre devoir en son endroit, qu'elle nous ayme ou qu'elle ne nous ayme pas? O dà, ma chere fille, je ne dis pas qu'il faille dire par esprit de mespris de la Superieure que nous ne nous soucions pas qu'elle nous ayme, ains plustost par mespris de nous-mesme, et [443] avec intention de nous despouiller de ceste vaine affection que nous avons d'estre aymées.

  A006000970 

 C'est icy où il y va du bon; car un acte de mortification fait avec une grande repugnance, est infiniment propre pour nous mettre fort avant en la perfection.

  A006000970 

 Sommes-nous consolées? benissons Dieu; la consolation nous manque-t'elle? benissons-le semblablement, et ne nous estonnons point de ces petites bijarreries..

  A006000971 

 Mon Dieu, que les Sœurs qui auroyent une Superieure qui ne les aymeroit pas seroyent heureuses! bien que cela ne se puisse, car la Superieure ayme tousjours les Sœurs de cest amour effectif dont nous avons parlé, leur procurant tout le bien qu'elle peut par l'exercice de sa charge, selon qu'elle y est obligée; mais de cest amour effectif, tendre et mignard que nous desirons si cherement, c'est de celuy-là que je veux dire; car moins la Superieure nous aymera de ceste sorte, et moins d'amusement nous aurons autour [444] de cest amour, si que nous aurons plus de temps pour nous occuper de Nostre Seigneur et pour nous tenir retirées aupres de Dieu qui doit estre nostre soin particulier..

  A006000972 

 Car, comme l'amour de la propre opinion, quand elle s'attache és choses de la foy, nous fait tomber en heresie et nous rend malheureux (comme il advint aux Anges qui, s'estans trop attachés à l'opinion qu'ils avoyent formée qu'ils devoyent estre quelque chose davantage qu'ils n'estoyent, furent par leur opiniastreté à soustenir et aymer leur opinion rendus, d'Anges glorieux, diables, eternellement damnés et eternellement attachés au mal, si que jamais plus ils ne s'en peuvent desprendre; où au contraire les Anges pour s'estre sousmis, se sont tellement attachés à Dieu que jamais ils n'en peuvent estre destachés, car ayans par la subtilité de leur esprit une fois penetré le fond de quelque verité ils n'en demordent jamais), de mesme, si nous n'apprenons à negliger et nous mocquer de la varieté de l'esprit humain, nous perdrons le temps à nous tourmenter en nous voyant si esloignés de ceste egalité apres laquelle nous aspirons, et de laquelle pourtant nous ne jouirons point absolument tandis que nous serons en ceste vie, ceste grace estant reservée aux esprits bienheureux là haut au Ciel.

  A006000972 

 Et bien que, comme je viens de dire, nous ne la puissions pas avoir absolument en sa perfection en ceste vie, nous devons pourtant tascher de l'avoir au plus haut degré que nous pourrons..

  A006000972 

 Il nous faut user du mesme remede pour nous divertir de ces petites tricheries d'humeur, de chagrin, d'aversion, que nous avons dit touchant la premiere question du renoncement de la propre opinion, par un simple divertissement de nostre esprit, pour parler à Dieu d'autre chose.

  A006000973 

 Or sus, n'avons-nous pas assez dit touchant ceste tendreté que nous avons sur nous-mesme, tant de l'interieur qui regarde l'esprit, comme des choses qui regardent le corps? Les plus spirituels s'ayment bien aussi de l'amour effectif; car nous avons dit que les mondains s'ayment grandement de cest amour, se souhaitans par une affection pleine d'ambition tant de biens et tant d'honneurs qu'ils n'en sont jamais contens.

  A006000973 

 Repugner à nos repugnances, decliner de nos inclinations, mortifier nos affections, mortifier le propre jugement et renoncer à la propre volonté, ce sont choses que l'amour affectif et mignard que nous nous portons à nous-mesme ne nous peut permettre sans crier: holà, que cela fait de la peine! Et cela est cause que nous ne faisons rien..

  A006000974 

 C'est estre pauvre bien agreablement, ou plustost ce n'est pas estre pauvre quand rien ne nous manque.

  A006000974 

 C'est sans doute qu'il ne se faut pas plaindre de tels petits rencontres, car si nous nous en plaignons c'est une marque que nous ne les aymons pas, et partant nous ne rendons pas nostre devoir à la sainte pauvreté.

  A006000974 

 Ce n'est pas estre pauvre de n'avoir point d'argent quand nous n'en avons pas besoin et que rien ne nous manque.

  A006000974 

 Vous demandez maintenant, ma chere fille, si pour pratiquer la sainte pauvreté il ne faut pas se tenir attentif à recevoir de bon cœur les petites disettes qui nous arrivent, tantost en cecy, tantost en cela.

  A006000975 

 Si nous nous procurons d'estre tousjours bien pourveus de tout ce qui nous semble aucunement necessaire, nous ne ressentirons point les effects de la sainte pauvreté.

  A006000976 

 Je ne demanderais pas mesme de communier, excepté en certains jours que la coustume semble nous obliger de le demander, comme celuy de la reception à l'habit, de la Profession, de la feste du Patron; et je demanderais aussi une aiguille et du filet quand on me commanderait de faire quelque ouvrage, car le commandement qui m'est fait de faire l'ouvrage m'oblige à demander ce qui est requis pour le faire.

  A006000977 

 Faire tout simplement tout ce qui nous est commandé, ou par les Regles, ou par les Constitutions, ou bien par nos Superieurs, et puis nous tenir en repos pour tout le reste, tant pres de Dieu que nous pourrons..

  A006000978 

 Que dites-vous, ma chere fille, que sur ce que j'ay dit tantost qu'il se faut mortifier fidellement, si vous devez vous abstenir ordinairement de manger telle ou telle viande que vous aymez fort? Si c'estoit moy je ne le ferois pas, car nous sommes obligés, par la parole sacrée de Nostre Seigneur, de manger ce que l'on nous mettra devant; et cela se fait sans choix.

  A006000979 

 Sur le sujet de la pauvreté, j'ay dit qu'il est bon de souffrir quelque petite necessité sans se plaindre ni desirer, encor moins demander, ce qui nous manque.

  A006000981 

 De quel costé que ce soit, ne nous lassons point de faire et souffrir beaucoup pour Nostre Seigneur, auquel soit à jamais rendu grace, gloire et louange par tous les siecles des siecles.

  A006000981 

 Il faut donc conclure maintenant et clore nostre Entretien par la recommandation de la simplicité et generosité d'esprit: marcher tousjours en la voye de nostre propre perfection sans nous amuser en chemin, quel rencontre de contradiction que nous puissions faire, soit de nos propres imperfections, repugnances ou passions immortifiées, soit des autres exercices qui proviennent d'ailleurs.

  A006000994 

 Quand Nostre Seigneur me fit l'incomparable grace d'entrer dans nostre Institut, il n'y avoit encore que six Religieuses, qui vivoyent comme des Anges en pureté et en amour, et qui estoyent gratifiées de plusieurs graces extraordinaires en l'oraison, en sorte que l'on auroit oublié de prendre les necessités du corps, si nostre saint Fondateur ne nous eust fait comprendre qu'il desiroit que nous fussions aussi promptes à obeir au premier coup de cloche pour aller au refectoire, aux recreations et au coucher, comme au resveil et à l'Office, nous disant: « Mes cheres filles, le mesme Dieu qui vous appelle à l'Office et à l'oraison, vous appelle à la refection et au repos; et comme je desire que vous soyez des filles mortifiées à toutes propres volontés, je souhaitte qu'à tout moment du jour et de la nuit vous viviez en esprit de sacrifice interieur, ce qui vous tiendra place de disciplines, jeusnes, cilices, etc. Et je vous asseure, mes [filles] tres-aymées de nostre commun Maistre, que vous ravirez son cœur estant fidelles à toutes les pratiques de vos Regles, car elles ne sont point ouvrage d'homme mais du Saint Esprit.

  A006000996 

 Il vint faire un Entretien à la Communauté, et entr'autres choses il parla de l'union qui devoit [451] estre parmi nous; puis s'adressant à nostre digne Mere, il dit: « Mes cheres filles sont-elles bien unies et en amitié les unes parmi les autres? il pourroit bien arriver quelquesfois qu'elles pourroyent avoir prononcé quelques paroles moins douces et moins respectueuses.

  A006000996 

 Or sus, mes cheres filles, dans nos difficultés, allons trouver nostre Mere, sans nous amuser à nous vouloir resoudre nous-mesmes, qui ne sommes pas bons juges dans nos propres causes; et nous pratiquerons les deux cheres vertus de nostre divin Maistre, qui nous benira eternellement.

  A006000998 

 Je desire fort qu'on ne parle point de la mangeaille parmi nous; mangeons à la bonne foy ce qui nous sera presenté, qu'il soit à nostre goust ou non; pourveu que nostre sac à vers se soustienne, c'est assez.

  A006000998 

 Nostre saint Fondateur le sceut; il nous dit dans un Entretien de tenir les yeux baissés au refectoire, pour ne pas gehenner celles qui voudroyent faire de semblables mortifications.

  A006000998 

 Une fois nous vismes nostre Sœur de Chastel qui mangeoit une pomme pourrie au refectoire; nous luy en fismes la guerre à la recreation.

  A006000998 

 « Il faut, mes cheres filles, » nous dit-il, « s'edifier des vertus de nos Sœurs, sans en rire ni leur en parler, crainte que la vanité leur en fasse perdre le merite.

  A006001001 

 C'est pourquoy, à fin qu'il n'y ayt point de ces preeminences parmi nous qui sommes petites, on tirera les rangs, mettant dans les billets des Saints, i à l'un, à l'autre 2, ainsi de suite, selon le nombre que vous serez.

  A006001001 

 Chacune tirera au sort, et gardera pour l'année suivante le rang qui luy escherra; ainsi faisant, nous vivrons parfaitement despouillées.

  A006001001 

 Les Peres Jesuites les tirent tous les moys, mais nous nous nous contenterons que ce soit tous les ans.

  A006001001 

 » Ayant dit cela, il nous donna sa benediction et se retira..


07-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VII-Vol.1-Sermons.html
  A007000046 

 Ce grand, tesmoignage de nostre salut nous faict resjouir.

  A007000126 

 On me dira que cela s'entend de ceux qui avoyent receu le Saint Esprit; hé bien, pourquoy ne le recevray je pas avec vous? Si feray certes, si comme les Apostres et disciples nous nous mettons unanimement avec devotion a prier Dieu cum Maria Matre Jesu, laquelle [2] affin qu'elle nous assiste de son intercession, mes Freres, a ce mien commencement, jettons nous plus fervemment que jamais a ses piedz et la saluons; et puys, in nomine Domini laxabo rete.

  A007000131 

 Je m'arreste donques, mes Freres, et ce que j'en ay voulu dire ç'a esté pour monstrer en quelque façon qui est Celuy duquel nous celebrons la feste, qui est le Saint Esprit et Amour, procedant eternellement du Pere et du Filz, vray Dieu avec le Pere et le Filz; et encores pour vous donner a entendre que de toute eternité ce Saint Esprit venoit, par ceste incomprehensible procession et respiration, du cœur du Pere et du Filz, combien qu'il ne soit pas venu, ou par maniere de dire arrivé, et que ceste mission n'aye esté bien accomplie qu'a tel jour qu'aujourd'huy, il y a environ 1559 ans.

  A007000132 

 Ce que nous voulant enseigner lhors qu'elle parle de la creation des choses en leur estre naturel, parlant de celle de l'homme, elle introduit la Majesté divine en ses troys Personnes, disant: Faisons l'homme a nostre sem blance car si une seule Personne eust creé l'homme, elle eust dict: Je fais, et non pas: Faisons, comme nous trouvons escrit: Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Et David chante: Benedicat nos Deus, Deus noster, benedicat nos Deus; Dieu nous benie, Dieu nostre, Dieu nous benie; ne reprenant par troys fois ce nom de Dieu sinon pour nous monstrer que non seulement le Pere benit, non [5] seulement le Filz benit, mais encores le Saint Esprit, et tous trois ensemble sont ceux qui benissent.

  A007000137 

 Et comme des gourmans, nous disons qu'ilz ont l'ame en la panse, et de certaine nation, qu'elle a l'ame au bout des doigtz, pour ce que ne monstrant d'ailleurs guere de bon entendement, elle en faict plus paroistre es ouvrages manuelz, ainsy (et vaille la comparayson tant qu'elle pourra) nous disons le Saint Esprit descend la ou il faict quelque particuliere operation et participation de ses graces, ou pour le moins quelque nouvelle demonstration, comme quand il descendit sur Nostre Seigneur en son Baptesme; car la il ne communiqua pas nouvelle grace, Jesus en ayant la plenitude des sa conception, mais il donna seulement l'attestation de sa grandeur..

  A007000137 

 Tout de mesme donques, Dieu est par tout le monde, vivifiant tout; et comme nous disons l'ame estre en la teste pour les principales operations qu'elle y faict, aussi disons nous que nostre Dieu est au Ciel pour les principales operations qu'il y faict, monstrant sa gloire ouvertement.

  A007000138 

 Or, ces operations sont de deux sortes: les unes exterieures, comme les signes qui apparurent ce saint jour, le feu et le son vehement; les autres interieures, a sçavoir, l'onction de la grace et l'illumination invisible es cœurs et espritz apostoliques: et celles cy estans signifiëes, figurëes et representëes par celles la, en considerant les premieres nous apprendrons aysement les secondes; c'est a dire, par les signes exterieurs nous apprendrons les effectz interieurs qui sont comme le principal de ce mistere, le reste n'estant qu'accessoire, puysque omnis gloria filiæ regis ab intus.

  A007000142 

 Mais c'est asses parlé de ce premier signe pour le peu de tems que nous avons; venons a parler du second, qui fut des langues de feu ou comme de feu.

  A007000146 

 Et quant a celles cy, il est tousjours obei au Ciel, et partant Deus autem noster in cœlo; omnia quæcumque voluit fecit. Mays en terre, il n'y est pas tousjours obei; autrement, dites moy, qu'aurions nous besoin de demander Fiat voluntas tua sicut in cœlo et in terra? Et d'ou vient, me dires vous, ceste difference entre les volontés qui sont au Ciel et celles qui sont en la terre? En peu de parolles je vous le diray: c'est que les volontés celestes et heureuses sont tellement appuyëes sur la volonté de Dieu, que l'une ne se peut mouvoir sans l'autre, et n'ont pas la liberté de contrarieté, c'est a dire de mal faire, ains seulement de bien faire: grace et gloire tout ensemble..

  A007000147 

 Et pour nous conduire en Paradis, il se sert des remedes telz qu'ilz ne puissent pas lever la liberté qu'il a donné..

  A007000147 

 Mays nous autres, pendant que nous sommes en ce malotru monde, nous ne sommes pas ainsy appuyés; mays affin que nous puissions mieux meriter selon la suavité de la divine disposition, nous sommes tellement appuyés de la grace de Dieu, que nous puissions descheoir: la grace nous fait vaincre nostre infirmité et nous fortifie dans l'amour et la prattique du bien, nous laissant neantmoins tousjours en danger de tomber.

  A007000148 

 Ainsy Dieu en la constitution et reformation des choses jura, par maniere de dire, sur son immutabilité, que si nous voulons voguer sur la nacelle de l'Eglise parmi l'eau amere de ce monde, il nous conduiroit en Paradis.

  A007000148 

 Dieu pourroit bien nous creer en Paradis, nous y mettre des l'enfance, en tout tems; mais nostre nature requiert qu'il nous fasse ses cooperateurs, et que « Celuy qui nous fit sans nous, ne nous sauve pas sans nous.

  A007000148 

 Il le desire, il le commande, il nous exhorte, il nous menace; mays de nous y conduire sans que nous nous aydions, il ne le peut pas faire, puysqu'il a juré le contraire.

  A007000149 

 Et ceste autre voix: Pænitet me fecisse hominem, [14] ah, bon Dieu, elle seroit suffisante de nous fendre les cœurs, s'ilz estoyent de chair; car nostre Dieu ne se plaint pas d'avoir faict l'homme pour la creation, car quand il l'eut creé, vidit cuncta quæ fecerat, et erant valde bona; mais pour la peyne que devoit avoir son Filz faict homme a le reformer, dont il dict: Tactus dolore cordis intrinsecus.

  A007000149 

 O mon ame, ma chere moitié, n'as tu jamais ouy en toy mesme le Seigneur ton Dieu te commander: Ambula coram me, et esto perfectus? Ouy sans doute; et luy as tu jamais respondu: Recede a nobis, viam mandatorum tuorum nolumus? O combien de fois, avec tant de pechés, as tu rejetté les inspirations de Dieu; combien de fois luy as tu fait resistance! Ah, la lamentable voix que Dieu rend par Isaye, se plaignant de nous autres: Tota die expandi manus meas ad populum non credentem, et contradicentem mihi.

  A007000152 

 Si que les Apostres estans comme les çieux de l'Eglise, on peut bien dire d'eux: Verbo Domini cœli firmati sunt, et spiritu oris ejus omnis virtus eorum; les deux apostoliques, par l'influence desquelz Jesus Christ, comme premier mouvant, nous communique sa foy et ses graces, ont esté confirmés par la parolle de ce Verbe de Dieu, lhors qu'il les laissa pour monter au Ciel, leur faisant ses beaux advertissemens.

  A007000159 

 Mais de nous mesmes, nous ne pouvions enfanter qu'apres ceste sainte venue du Saint Esprit, qu'apres ce feu, ce vent, ce tonnerre, quand la promulgation de l'Evangile commença..

  A007000159 

 Mes Freres, les biches ont tellement grande difficulté de faonner ou faire leurs petitz, que jamais elles n'en viendroyent a bout si les tonnerres ne leur faisoyent poser de frayeur ou qu'elles n'usassent d'une herbe appellee siselle; et ainsy en l'hebrieu, au lieu que nous avons: præparantis cervos, il y a: parturire facientis.

  A007000161 

 Et de cest enfantement des Apostres que s'ensuit il? Deus revelabit condensa; il s'ensuit que le sombre et touffu bois et forest de l'ignorance et aveuglement du monde a esté esclairci et descouvert, les arbres en ont esté abattus et rués par terre, si qu'apres ceste descouverte il n'y a personne qui puisse plus dire: Quis ostendit nobis bona? car par tout le son de la trompette evangelique a esté ouÿ, pour nous advertir de quel costé nous nous devons jetter a la retraitte, et par [19] tout il y a des autelz dressés a sa Majesté et des temples, si que in templo ejus omnes dicent gloriam..

  A007000162 

 Si que, comme ce premier deluge nettoya, reforma et renouvella la terre, aussi cestuy [cy] la remet, la reforme et la renouvelle, dont nous chantons: Emitte Spiritum tuum et creabuntur, et renovabis faciem terræ; et desormais sedebit rex Dominus in æternum, c'est a dire Jesus Christ, qui regnabit in domo Jacob, et regni ejus non erit finis..

  A007000163 

 En paix, mon Dieu, et que feres vous de nous, Seigneur, qui sommes en guerre?.

  A007000164 

 Je ne m'amuseray donq pas a vous persuader de desirer le Saint Esprit, mays plustost je vous mettray en avant ce qu'il faut faire de nostre costé, comme il se faut disposer a le recevoir; car, disposés que nous serons, infalliblement selon sa sainte bonté, il arrivera en nous avec toutes ses benedictions..

  A007000166 

 Ainsy voulons nous dire que le juste vit selon la foy, selon qu'elle enseigne, ex præscripto fidei; et aussi, qu'il vit du gain qu'il faict en la foy, c'est a dire des œuvres bonnes et qui sont selon la foy..

  A007000166 

 Il faut apprendre que si nous voulons recevoir le Saint Esprit, il nous faut multiplier et enrichir les douze articles de la foy par l'observation et execution des dix commandemens de la loy.

  A007000166 

 Mays non; nous voulons dire que le malade, il vit selon la diete ordonnëe par le medecin, selon la regle, selon la maniere; et l'advocat, qu'il vit du gain (ou juste ou injuste, selon que l'advocat a l'ame bonne ou mauvaise), du gain qu'il faict par le moyen de ses livres.

  A007000166 

 Nous croyons tous, mays fort peu font ce que la foy et creance leur apprend.

  A007000167 

 Jamais Dieu ne cessera de nous chastier, jusques a ce que nous cessions de pecher, dict l'Apostre saint Pol: Tu autem secundum impænitens cor tuum, etc. Et ceste impcenitence vient d'une certaine courtoysie que chacun a envers soy mesme; que chacun se flatte, chacun est prest ad excusandas excusationes in peccatis, chacun rejette la cause de nos maux sur le peché d'autruy, et non sur les siens, comme l'on devroit; et me semble, a ouÿr les discours que l'on va faisant en Savoye, que je vois jouer au change..

  A007000167 

 Je vous diray seulement: le peché fondamental qui nous entretient en guerre, c'est l'impœnitence.

  A007000167 

 Que ferons nous, mes Freres, nous qui sommes, comme j'avois commencé a vous dire, en guerre? Mes Freres, la guerre est un fleau de Dieu, et pendant que nous en sommes chastiés, il nous faut croire que c'est pour nos pechés; car si in terra pax est hominibus bonæ voluntatis, donques, bellum hominibus malæ voluntatis; car, comme inter bonæ voluntatis et malæ voluntatis, il n'y a point d'entre-deux, il n'y en a point aussi entre bellum et pax.

  A007000169 

 Ceux cy sont les plus advisés, car il n'est permis de mesdire sans danger, en ce tems ou nous sommes, de personne sinon de l'Eglise, de laquelle chacun est censeur, chacun la sindique.

  A007000169 

 En fin, nous jouerons tant a ce jeu si nous n'y advisons, qu'il nous faudra rompre ceste conversation; et comme nous avons veu courir des autres nations ça et la pour vivre, ainsy nous faudra il faire si nous ne prenons garde a nous mesme.

  A007000169 

 Et que faut il faire? Il faut bannir le peché de nous; il nous faut faire la paix avec Dieu, et nous aurons bien tost apres la paix en la terre..

  A007000169 

 Il me semble, mes Freres, qu'en Savoye nous nous entretenons tous au jeu du change: car si vous parles au peuple, la noblesse aura le change, laquelle avec sa lascheté n'ose rien remonstrer; si l'on parle a la noblesse, [23] les ministres de justice auront le change, qui se meslent de l'autruy; si l'on parle aux justiciers, les soldatz auront le change, qui sont trop desbordés; si l'on parle aux soldatz, les cappitaines auront le change, qui les conduisent et retiennent leurs payes, ou sont si avaricieux que pour desrobber eux mesmes ilz permettent a leurs soldatz de desrobber.

  A007000170 

 Confessons nos fautes propres, et laissons les autres confesser les leurs; sçachons qu'il n'est pas tems de dire: Patres nostri comederunt uvam acerbam, et dentes nostri obstupuerunt, car Nostre Seigneur nous respondra: Anima quæ peccaverit, ipsa morietur.

  A007000170 

 Disons donques tous, et que chacun parle pour soy, [24] faisons chacun pour nous en nous eslevant a Dieu: Pater, peccavi in cœlum et coram te; Tibi soli peccavi, et malum coram te feci.

  A007000170 

 Donques, omnes declinaverunt; que personne ne s'excuse d'estre cause des malheurs de nostre aage: nous avons tous part a la peyne et fascherie, nous avons tous part a la coulpe..

  A007000171 

 Messieurs, je vous exhorte a l'amitié et a la bienveuillance entre vous, et a la paix entre tous; car si nous avions la charité entre nous, nous aurions la paix, nous aurions le Saint Esprit..

  A007000171 

 Seigneur Jesus Christ, faites encor que de nous, sit cor unum et anima una; car alhors erit tranquillitas magna.

  A007000172 

 Nostre necessité nous y invite, et la liberalité de Dieu: Ad Dominum cum tribularer clamavi, et exaudivit me; Miserere mei, et exaudi orationem meam.

  A007000172 

 Si nous nous mettons a faire des oraysons, le Saint Esprit viendra en nous et dira: Pax vobis; ego sum, nolite timere.

  A007000173 

 Mays gardes bien de faire comme plusieurs, lesquelz ont accoustumé de dire: O s'il plaisoit a Dieu nous donner la paix, nous triompherions, nous ferions aussi bonne chere.

  A007000173 

 Que devons nous demander a Dieu, mes Freres? Tout ce qui est pour son honneur et le salut de nos ames, et en un mot l'assistance du Saint [26] Esprit: Emitte Spiritum tuum et creabuntur; et en ce tems icy, la paix et la tranquillité: Fiat pax in virtute tua; Rogate quæ ad pacem sunt Hierusalem.

  A007000174 

 Et pour obtenir le Saint Esprit, il faut remercier Dieu le Pere qui l'envoye, de ce qu'il l'a envoyé sur nostre chef Jesus Christ Nostre Seigneur son Filz, entant qu'homme, [et] que ex plenitudine ejus omnes accepimus; de ce qu'il l'a envoyé sur ses Apostres pour nous le communiquer par leurs mains.

  A007000174 

 Il nous faut remercier le Filz, lequel entant que Dieu l'envoye pareillement sur ceux qui se disposent; mays sur tout, il le faut remercier de ce qu'entant qu'homme il nous a merité la grace de recevoir le Saint Esprit.

  A007000174 

 Il nous faut rendre graces a Dieu de tous ses bien-faictz, si nous voulons qu'il nous donne des victoires qui sont commencement de paix.

  A007000174 

 Sans luy, jamais nous ne pourrions le recevoir; car Dieu voyant devant le deluge les grans pechés qui se [27] commettoyent, ne dict il pas: Non permanebit spiritus meus in homine, quoniam caro est? O sentence terrible, o decret effroyable! Mais Nostre Seigneur, lhors qu'on rompoit sa beniste peau sur l'arbre de la croix et en la colomne, il rompoit avec son merite decretum chirographi, le decret et cedule qui nous tenoit obligés au pouvoir des enfers.

  A007000177 

 Que ces suffisans donques se retirent, qui ont peur que nous ne faisions trop d'honneur a la Vierge; car elle est digne de tout l'honneur qui appartient a la pure creature, tant spirituelle que corporelle.

  A007000179 

 C'est Jesus Christ, beny, tres glorieux, qui vit et regne avec le Pere et le Saint Esprit, duquel la benediction tombe sur nous.

  A007000179 

 Serves la, honnores la, affin que Celuy qui vient a nous par elle, nous reçoive par elle: Per te nos « suscipiat, qui per te » ad nos venit.

  A007000188 

 Non, je ne m'abuse point, car je vous apporte ceste pierre sur la parole toute puyssante de Nostre Seigneur, laquelle nous asseure que ceste pierre nous doit tous repaistre: Petre, amas me? Tu scis, Domine, quia amo te.

  A007000189 

 Addressons nous a nostre tres glorieuse Dame la Sainte Vierge, et la prions qu'elle dise a son divin Filz, non pour le tenter mays pour le glorifier: Dic ut petra [31] hæc panis fiat; et soyes asseurés que si la semaine passëe Nostre Seigneur cibavit vos ex adipe frumenti (Psal. 80 ), maintenant, de petra melle saturabit vos.

  A007000194 

 Quand je considere que l'Eglise nostre Mere nous propose en la joyeuse octave de la nativité de saint Jan la solemnité de la mort douloureuse de saint Pierre, sçachant qu'elle est conduitte du Saint Esprit, je crois qu'elle le faict pour quelque similitude et rapport qu'il y a entre la mort de l'un et la nativité de l'autre; pensëe en laquelle je suys d'autant plus confirmé, que je vois que la mesme Eglise appelle aussi bien naissance la mort de saint Pierre que la nativité de saint Jan, voyant que non seulement en la mort, mays encores en leur vie mesme, j'y trouve certaine alliance et grande ressemblance, quoy qu'en certains pointz il y aye de la dissimilitude, comme il y en a tousjours entre les choses du Viel et du Nouveau Testament..

  A007000196 

 Le propitiatoire, mes chers auditeurs, c'est Nostre Seigneur, lequel le Pere eternel nous a donné pour estre propitiatio pro peccatis nostris: et ipsum proposuit Deus propitiationem.

  A007000196 

 Nous lisons qu'il y avoit autour du propitiatoire deux cherubins lesquelz s'entreregardoyent.

  A007000197 

 Mais puysque nous sommes sur le mistere de la vocation de saint Pierre, je vous veux descouvrir a ce propos une consideration plus profonde..

  A007000199 

 Mais considerons maintenant la ressemblance de ces deux nativités de saint Jan et de saint Pierre, a condition toutesfois que nous ne ferons que toucher ce qui sera de saint Jan, pour nous arrester davantage en ce qui est de saint Pierre, puysque c'est en ce jour que nous celebrons sa feste.

  A007000203 

 Ainsy furent sanctifiés les Apostres au jour de la Pentecoste; de quoy nous avons tesmoignage en saint Pol, qui dict qu'il est asseuré qu'aucune chose, non pas mesme la mort, ne le pourra separer de la charité de Jesus Christ: Scio quia neque mors nos separabit a charitate Christi; Rom., 8..

  A007000203 

 Et de ceste seconde sorte, nous n'avons que la Vierge sacrëe, de laquelle David dict, Psal. 84: Benedixisti, Domine, terram tuam, avertisti captivitatem Jacob.

  A007000208 

 C'est que Dieu nous attribue ces noms pour nous humilier et nous monstrer sa charité; le diable nous les attribue pour nous faire tomber dans la superbe, et par ce moyen nous separer de la charité.

  A007000208 

 En fin ces noms donnés aux hommes monstrent plustost la gloire de Dieu que celle des hommes: il a tant de bonté que de nous vouloir rendre semblables a luy, autant que nostre bassesse le peut porter..

  A007000208 

 Il s'appelle nostre frere, il nous appelle ses amis et ses coheritiers; et d'abondant, il nous communique un nom duquel la chose est proprement incommunicable: Ego dixi: Dii estis, et filii Excelsi omnes.

  A007000208 

 Mais remarques cecy: car Dieu nous appelle dieux; le diable nous appelle dieux, quoy que non pas absolument, disant: Eritis sicut dii, scientes bonum et malum.

  A007000209 

 Il ne faut donq pas, mes chers auditeurs, avec nostre petit entendement contreroller et sindiquer quand nous voyons que l'Eglise donne a certains grans Saintz, notamment a nostre glorieuse Maistresse, des tiltres excellens.

  A007000209 

 Les autres noms de ceste sainte Vierge s'entendent par proportion et participation, comme quand nous l'appelions nostre refuge, nostre esperance, parce qu'elle l'est en effect, bien que ce ne soit que par participation et par le moyen de son credit.

  A007000211 

 Et neantmoins Papias (au recit d'Eusebe), disciple des Apostres, nous en asseure, apportant pour tesmoignage que saint [41] Pierre date sa premiere Epistre de Babylone, c'est a dire de Rome, interpretation laquelle est suyvie du grand saint Hierosme, au traitté qu'il a faict Des hommes illustres.

  A007000214 

 Quand nous nous regardons dans une fontayne, nous semblons y estre representés antipodalement, la teste en bas et les piedz en haut.

  A007000217 

 Et quel nom de martyre, de passion et de souffrance avoit Nostre Seigneur? Le nom que nous devrions tous avoir au cœur pour nous encourager a l'observation des commandemens divins: c'est le nom d'obeyssant.

  A007000221 

 L'Eglise est une monarchie, et partant il luy faut un chef visible qui la gouverne comme le sauverain lieutenant de Nostre Seigneur; car autrement, quand Nostre Seigneur dict: Die Ecclesiæ, a qui parlerions nous, ou comment conserverions nous l'unité de la foy? Et quand une personne se voudroit emanciper, qui la pourroit reduire au bercail? Comment pourroit on empescher qu'il n'y eust de la division dans l'Eglise? Autrement, lhors que, comme dict saint Hierosme, « totus orbis se Arianum esse miratus est, » comment se fust il converty? Omne regnum in se divisum desolabitur; Luc., 11..

  A007000222 

 Que dirons nous donq? Il n'y en a point qui ayent jamais pretendu de l'estre que les successeurs de saint Pierre; il n'y en a point qui le pretendent, il n'y en a point de qui on aye jamais eu ceste pensëe que du Pape; c'est une des verités que l'Eglise a tousjours creu: et d'autre part il faut qu'il y en aye un; donques c'est luy sans doute.

  A007000224 

 C'est asses parlé sur la mort de saint Pierre; que vous laisseray je pour prattique? La premiere chose a quoy je vous exhorte est de remercier Dieu de ce qu'il nous a donné une telle pierre, sur laquelle nous appuyant, nous ne tomberons jamais.

  A007000224 

 Et la seconde, pour la reformation de nostre entendement, je desirerois que nous fussions simples et fermes en la foy que la sainte Eglise nous enseigne, croyant fermement tout ce qui est escrit en ceste pierre, car je vous ay dict que la lo.y evangelique y estoit escritte.

  A007000226 

 Confessons nous donques souvent, puysque nous pechons souvent; brisons nos pechés des leur commencement, contre ceste pierre..

  A007000226 

 Et quand on vient aux pieds du prestre pour les confesser, qu'est ce autre chose sinon apporter les petitz de sa volonté a la pierre? Et notes encores, mes chers auditeurs, qu'il dict parvulos suos, pour nous monstrer qu'il ne faut pas attendre que nos pechés soyent inveterés pour les confesser; car quand ilz sont inveterés, il est tres difficile de les bien declairer et encores plus de s'en amender: Quoniam tacui, dict David, inveteraverunt ossa mea.

  A007000227 

 Or, puysqu'il n'y a personne si saint qui ne contrevienne quelquefois a la loy de Dieu, au moins tesmoignons que nous aymons ceste loy, en demandant pardon a Dieu, et venant briser nos pechés par la confession et pœnitence aux pieds du prestre, comme a une pierre fondëe sur la pierre de la foy: Beatus vir qui allidet parvulos suos ad petram..

  A007000228 

 En fin je desirerois que nous fussions tous crucifiés a l'exemple de saint Pierre.

  A007000228 

 Il ne suffit pas de prendre sa croix, mays il faut encores suivre Nostre Seigneur, car apres qu'il a dict: Tollat crucem suam, il adjouste: Et sequatur me; alhors la croix nous seroit douce, alhors nous trouverions la vie en la mort, et les consolations es adversités..

  A007000228 

 La guerre, la pauvreté et les autres miseres nous crucifient, il est vray, mais elles nous crucifient comme le mauvais larron et non comme saint Pierre; c'est a dire qu'au lieu de prouffiter de ces maux, nous en empirons.

  A007000229 

 Ainsy puissions nous tous mourir, mes chers auditeurs, crucifiés en la Croix de Nostre Seigneur, affin de suivre en la vie æternelle Celuy que nous suivrons en la mort.

  A007000230 

 O glorieux Apostre, impetres nous la grace d'appuyer tousjours nostre foy sur l'Eglise, laquelle estant fondëe sur vous apres Nostre Seigneur, comme sur une pierre ferme, est la vraye colomne et le firmament de verité.

  A007000246 

 Si l'ancienne Sinagogue, par le commandement de Dieu, celebroit si solemnellement le premier jour de chasque mois, qu'on appelloit neomenie, en reconnoissance du gouvernement et solicitude que Dieu a des hommes, il me semble, que nous avons tout'occasion a ce premier jour du mois d'aoust de solemniser la feste que nostre Mere l'Eglise nous y presente, puysque elle se faict en contemplation d'un miracle auquel reluit tres [55] clairement la faveur et assistence de Dieu aux prieres de son Eglise, sa providence sur le chef general d'icelle, et la misericorde que sa Majesté a usëe vers le paganisme (duquel nous sommes la race) en [la] translation de son Eglise d'entre les Hebreux aux Gentilz..

  A007000247 

 Et si les Romains anciens solemnisoyent ce premier jour a lhonneur de leur Empereur Auguste, duquel le nom mesme fut donné a ce mois, ne vous semble il pas raisonnable que changeant le corporel au spirituel et le mondain au Christianisme, au lieu de la feste de l'Empereur paien, nous faisions feste a lhonneur de Dieu, sous le nom de son lieutenant general, vray Empereur de l'Eglise militante, tres auguste, tressainct et tres grand Prince des Apostres, et par la grace de Dieu protecteur et patron de ceste nostre Eglise pastorale?.

  A007000260 

 La fille donna la teste de saint Jan a sa mere; ainsy, avant la consommation, l'Evangile sera rapporté par nous autres aux Juifz.

  A007000261 

 Dict donques l'historiographe, qu' Herodes se prit a persecuter quelques uns de l'Eglise, et entr'autres, il fit mourir par l'espëe le glorieux saint Jaques, duquel nous celebrions la feste il y a huict jours.

  A007000263 

 Qui me contemnunt erunt ignobiles: ja Dieu ne plaise que nous nous procurions les malheurs pour la mauvaise affection qu'on a a l'Eglise, que nos praedecesseurs ont fuis et evités, et surmontés et chassés par leur devotion.

  A007000277 

 Ainsy il me semble, Messieurs, que l'Evangile du jourd'huy soit un vray fleuve, arrousant en ceste journee toute l'Eglise, vray paradis terrestre, de celestes pensees, de considerations devotes et divines consolations; duquel fleuve nous pouvons bien dire: Fluminis impetus lætificat civitatem Dei.

  A007000277 

 En ce delectable sejour que Dieu prepara pour nos premiers parens, et puys pour tous nous autres si le peché ne nous en eust chassés, il y avoit un fleuve pour arrouser ceste beniste contree, lequel sortant de la, se departoit en quattre diverses courses.

  A007000279 

 C'est une chose bien certaine et qui nous devroit bien consoler, que Jesus Christ Nostre Seigneur et Maistre, en toute rigueur de justice, avec un juste prix, a payé et satisfait a Dieu son Pere ce que nous avions merité de peyne pour tous nos pechés, et non seulement pour tous les nostres, mays pour tous ceux de tout le monde.

  A007000280 

 Ainsy nostre Sauveur voyant que la divine Majesté de son Pere avoit extremement a cœur ceste bague ou dragme, la nature humaine, sans s'informer ni du prix ni d'autre chose, de premier abord pour nous racheter, il presente, d'une tres pure et tres liberale affection, un prix que ni nous ni les Anges ne valons pas, une satisfaction beaucoup plus grande que tous les pechés du monde n'avoyent peu meriter; d'ou saint Pol, en la 1.

  A007000283 

 Ce n'est pas donques merveille si Nostre Seigneur ayant fait un tel payement, il a rompu le decret par lequel nous estions livrés es mains du diable: Delens, dict le grand vase d'élection, Col., 2, quod adversus nos erat chirographum decreti..

  A007000285 

 Nostre Seigneur estoit une personne infinie, il a satisfait pour nous; sa satisfaction donques estoit et est infinie.

  A007000285 

 Voyons maintenant ou nous en sommes.

  A007000288 

 Huguenotz, que dites vous de nous autres? vous semble il pas que nous reconnoissons comme il faut la grace de Nostre Seigneur, sa redemption et mediation? A vostre advis, ceste façon de discourir de la redemption ressent elle pas de la vraye Espouse de Jesus Christ? Nous parlons bien plus magnifiquement de ce mystere que vous, et vous faites les bons valetz.

  A007000289 

 Qui void et ne croid n'est bienheureux que comme les Juifz; qui croid et ne void est bienheureux comme il fut dit a saint Thomas: Beati qui non viderunt et crediderunt; qui void et croid est bienheureux encores comme saint Thomas, qui vid premierement, et puys creut; mais qui croid et void: Beati oculi, etc. Donq le fondement de toute beatitude c'est la satisfaction de Nostre Seigneur surabondante; la veuë du cors de Nostre Seigneur est la beatitude de nos yeux corporelz praeparëe; mais ny l'un ny l'autre ne nous profitera de rien, si nous ne l'appliquons a nous mesmes par la foy, esperance, charité et par les Sacremens..

  A007000290 

 Donques, pour venir au poinct Beati oculi qui vident quæ vos videtis, il y a quatre endroitz par lesquelz Dieu peut venir en nous: l'entendement, la memoyre, la volonté et les sens exterieurs.

  A007000290 

 Donques, quoy que le sang immaculé soit prest, nous ne serons jamais heureux si nous ne croyons: c'est le commencement de nostre bonheur.

  A007000293 

 Gardons que ces gens ne s'eslevent contre nous au jour du jugement.

  A007000293 

 Qui pourroit jamais lire sans larmes ce qu'on escrit du bon capitaine Anthoyne de Paive, qui convertit si tost les roys des Mazacariens, des Sianiens et Supaniens? Et qui ne se trouvera le cœur saysi, considerant la premiere conversion si soudaine et si grande que firent trois Peres de l'Ordre de saint Dominique en Conge? Qui ne dira avoir esté bienheureux les travaux de tant de prestres et Religieux qui sont allés prescher es Indes, puysqu'ilz ont trouvé la terre des cœurs humains si fertile et traittable, que, a une seule rosëe de la parolle de Dieu, elle germe et bourgeonne toutes sortes de fleurs chrestiennes? Cela nous doit faire pleurer de consolation d'un costé, de voir Dieu receu en ces contrëes, et pleurer de detresse de l'autre costé, de nous voir recevoir si abondamment ses graces sans rendre aucun fruict.

  A007000294 

 Je diray encores que c'est une grande honte d'avoir veu les Indiens si catholiques qu'ilz croyent tout sans douter a la simple parole des prestres, et nous, qui sommes nourris et nays en l'Eglise, voulons tout contreroller.

  A007000294 

 Nous sommes d'accord, dires vous; aussi suis je, car en l'Evangile tout y est radicalement.

  A007000294 

 Si nous voulons que pour nostre foy il nous soit dict: Beati oculi, il faut croire tout Jesus Christ, tout son Evangile.

  A007000296 

 Non, non, il ne le faut pas penser sans rien faire, mays en faysant: Domine, quid faciendo? Et de vray, qui croit bien ce dont nous avons discouru au commencement, comme n'esperera il de Dieu toute sorte de biens? Qui connoist combien Dieu a faict pour nous, et qui croit aux peynes que Nostre Seigneur a endurëes pour nous, il ne peut qu'il ne soit en bonne esperance: ainsy la Magdeleyne, [76] ut cognovit quod Jesus accubuisset, attulit alabastrum.

  A007000297 

 Et de vray, de quoy devrions nous avoir plus de desir que de la vie eternelle? S'il se trouvoit un medecin si fortuné qui trouvast quelque herbe qui peust asseurer cinquante ans de vie, mon Dieu, comme chacun y courroit, on n'y espargneroit rien.

  A007000297 

 Nous ne sommes donques pas hommes, de n'aymer pas la vie eternelle.

  A007000297 

 Que si cinquante ans de vie seroyent tant recherchés et desirés, o combien devrions nous desirer la vie eternelle, vie sans mort, vie vrayement vie! Combien de fois irions nous trouver ce medecin, luy demandant: Domine, quid faciendo, vitam quinquagenariam possidebo? O que n'allons nous souvent a Nostre Seigneur, disant: Domine, pellem pro pelle, et omnia quæ habet homo dabit pro anima sua.

  A007000297 

 Que veut dire que nous n'y pensons point? Nous devrions tousjours avoir dies æternos devant nous, et il n'y a rien, qu'en contemplation d'iceux nous ne deussions faire.

  A007000300 

 Elle vient le mieux a propos du monde au tems ou nous sommes, ou tant de miseres demandent bien un peu plus de frequentation de pieté..

  A007000301 

 Et comment ce que Paris, avec son œil clairvoyant de Sorbonne, a receu avec tant de contentement, une petite cervelle le voudra contreroller? Mays pour coupper chemin a toutes murmurations, ce que son Altesse et nos Princes honnorent tant a Turin et par tout, le voudrions nous censurer? Et s'il faut conclure en termes plus fortz, ce que le Saint Siege apostolique, regle infallible de bien faire, a confirmé de son authorité... [79].

  A007000311 

 4, le peuple hebreu sentit tant de consolation que tout le peuple tumbant sur sa face loua et benit Dieu qui les avoit ainsy prosperé, quelle joÿe, quelle consolation devrons nous recevoir aujourdhuy en la memoyre de l'Exaltation de la tressainte [Croix,] laquelle, ayant esté terrassëe et abbatue par les infidelles, [80] fut en semblable jour, par ce grand cappitayne Hæraclius, relevëe et redressëe? D'autant plus grande pour vray, mes Freres, doit estre nostre consolation qu'en cest ancien Temple ne furent onques offerts que veaux, boucqs, aigneaux; mays sur la Croix, le Filz aeternel de Dieu.

  A007000312 

 Que si nous voulons considerer la convenance quil y a eu entre l'ædification du Temple de Salomon et l'Exaltation de ceste sainte Croix, je suys asseuré que les devotz y en trouveront plus de deux mays je me contenteray d'en dire une.

  A007000316 

 Facent les huguenotz ce quilz voudront, comme les chiens qui s'attaquent a la pierre, que quand a nous, tousjours nous prædicamus Christum, etc. Nous ne sçavons autre: Absit mihi.

  A007000318 

 Ainsi nous exalterons la Croix..

  A007000318 

 Mes Freres, nous allons en Bethel: Bethel veut dire mayson de Dieu; nostre Jacob sera pour ceste heure saint Pol, qui crie: Hoc sentite in vobis, quod et in Christo; comme s'il disoit: Abjicite deos alienos.

  A007000331 

 C'est le propre effect de ceste paralysie d'empescher de travailler ceux qu'elle a saysis, pour la sayson a venir; dont tous nos maux arrivent, si que nous pouvons bien dire avec le Prophete: Ab aquilone omne malum panditur; car ne nous pouvans mouvoir, nous ne pouvons chercher le bien ny fuir le mal.

  A007000331 

 En somme nous appellons, pour le dire en un mot, estre paralytiques [86] ceux lesquelz demeurent en leurs pechés; car ilz ne sçauroyent garder en eux ce catharre, qu'ilz ne deviennent comme percluz, impotens et comme transis de ce froid, engourdis de tous leurs membres spirituelz, dont parlant le Prov., au 20 chap., il dict: Propter frigus, piger arare noluit; comme s'il vouloit dire: Le paresseux estant engourdi du froid du peché, faute d'estre revestu des vertus et eschauffé du feu de charité, il n'a point voulu travailler.

  A007000331 

 Vrayement nous sommes tous pecheurs; nous pouvons dire que aquæ intraverunt usque ad animam meam.

  A007000333 

 Maintenant, pour nous garder de ceste maladie et purger ceste humeur, si elle estoit par adventure en nous, il faut un peu voir ses causes particulieres; et combien qu'elles soyent en grand nombre, si est-ce que celles qui sont mieux assaysonnëes au lieu et a l'aage ou nous sommes, sont ces deux icy: une flatteuse et trompeuse excuse qu'on se forge en ses pechés, et une grande lascheté de courage.

  A007000340 

 Maintenant mettons tous la main a la conscience, et demandons a nous mesmes si nous n'en sommes point detenus.

  A007000340 

 Que si quelqu'un se doute d'y tomber, comme nous avons tous occasion de la craindre, je vous veux donner un remede, duquel pourront encores user ceux qui sont desja tombés paralytiques, pour se guerir.

  A007000340 

 Si nous ne voulons pas nous amender, si nous cheminons froidement en la voye spirituelle, il y a danger pour nous.

  A007000340 

 Voyes vous les maux que faict ceste paralysie, qui nous garde de cheminer a Dieu? vous aves veu ce que c'est.

  A007000341 

 Il faut descendre en enfer vivans, dict un Prophete; et le bon roy Ezechias, converti et gueri, nous apprend comme il le faut appliquer: Ego dixi: In medio dierum meorum, vadam ad portas inferi.

  A007000341 

 Quel feu donques nous guerira de ceste paralysie? Le feu d'enfer, mes bons Freres, lequel je vous ordonne et a mon ame, propre pour nous guerir si nous nous en sçavons servir.

  A007000367 

 Mais moi qui suis préposé à ceux dont la modestie, la force, la prudence, la charité l'emportent sur celles qu'on pourrait désirer dans le Prélat le plus accompli, en sorte que chacun d'eux mériterait d'être Prévôt, quelle crainte puis-je avoir en cette occasion? Pourquoi m'arrêter à mon jeune âge, à mon inexpérience, à mon manque de talents, puisque dans mes fonctions je n'aurai jamais à user d'admonitions, de [96] mesures de discipline ou de correction? A moins que, comme disaient les anciens, on ne veuille « instruire Minerve, » ou, selon notre proverbe, « prêcher saint Bernard » ou parler latin parmi les Cordeliers, au milieu desquels nous sommes.

  A007000372 

 C'est ainsi que nous lui rapportons plus facilement « ces biens qui procèdent tous de lui.

  A007000416 

 Cette prière et votre si agréable et si douce présence (la vôtre surtout, Révérendissime Evêque, qui nous cause d'autant plus de bonheur qu'elle était moins attendue), Pères vénérables, mes auditeurs à la fois très aimants et très aimés, mes chers parents et amis, etc., cette prière, dis-je, et votre présence ont apaisé le trouble de mon âme.

  A007000417 

 Ce projet de recouvrer Genève, dont l'accomplissement est si vivement désiré depuis longtemps, doit, quel qu'en soit l'auteur, être adopté par nous avec enthousiasme, et il le sera, je l'espère.

  A007000417 

 Voici l'entreprise que je propose à vos délibérations; elle est aussi grande que difficile, elle n'est pourtant pas plus impossible qu'elle n'est indigne de nous: il s'agirait de recouvrer Genève, ce siège antique de votre assemblée.

  A007000428 

 C'est ainsi que nous lui rapportons plus facilement « ces biens qui procèdent tous de lui.

  A007000428 

 Qu'il assaisonne du sucre et du miel de sa charité nos fruits printaniers, précoces et encore verts, et nous n'aurons pas à craindre qu'ils se gâtent..

  A007000429 

 C'est-à-dire: par mes talents et mes connaissances, je suis bien faible, mais je fonderai toutes mes espérances en Celui qui est puissant pour rendre éloquentes les langues des enfants, et qui ne « refuse jamais son secours à celui qui fait ce qui est en son pouvoir, » comme nous l'enseignent avec tant de charme et de vérité tous les bons théologiens..

  A007000433 

 Si vous voulez vous libérer de toute responsabilité, il ne vous reste qu'à aider et soutenir ma faiblesse par vos conseils et votre exemple, à suppléer par votre charité aux qualités qui me manquent, et je sens trop combien nombreuses elles sont! Soyez persuadés que Dieu vous a ordonné, comme à ses Anges, de me garder en toutes mes voies, de me porter dans vos mains, afin que je ne me heurte pas à cette table de pierre [sur laquelle sont gravés les dix commandements du Seigneur] sur laquelle il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul; et portant ainsi les fardeaux les uns des autres, nous accomplirons la loi du Christ.

  A007000436 

 A notre tour, je vous en conjure, employons pour nous emparer de Béthulie et de cet Holopherne enfermé dans Genève la méthode dont lui-même nous a montré l'usage.

  A007000436 

 C'est par la faim et la soif, endurées non par nos adversaires mais par nous-mêmes, que nous devons repousser l'ennemi.

  A007000436 

 C'est par la prière que nous le chasserons; car ce genre de démons, vous le savez, ne peut être chassé que par la prière et le jeûne.

  A007000436 

 [Que l'exemple d'Holopherne nous apprenne, je vous prie, la meilleure manière d'emporter une ville d'assaut...] Voulez-vous une méthode facile pour emporter rapidement une ville d'assaut? Je vous prie de l'apprendre de l'exemple d'Holopherne: il est bien permis, en effet, de retourner contre l'ennemi ses propres armes et d'en tirer profit, comme l'a si bien démontré Plutarque.

  A007000437 

 C'est à cause de nous que le nom de Dieu est blasphémé chaque jour parmi les nations, et c'est avec pleine raison que le Seigneur s'en plaint si amèrement par ses Prophètes.

  A007000438 

 Faisons refluer à leur source les courants de nos péchés, et là, comme desséchés par le Soleil éternel dans notre propre cœur, que ces courants n'offrent plus de cette eau de scandale ni à nos ennemis ni à nous.

  A007000439 

 Il est une éternelle cité dont on a dit tant de choses glorieuses, qui est défendue par une position si haute et si avantageuse, que la vue elle-même ne la peut découvrir; or, nous savons que l'on peut s'emparer de cette cité céleste par la prière et les bonnes œuvres.

  A007000440 

 Nous laisserait-elle donc insensibles cette douleur que nous devrions éprouver au sujet d'un exil d'autant plus lourd et moins honorable que nos péchés à tous en prolongent la durée? Les Israëlites s'assirent sur les rives des fleuves de Babylone, et pleurèrent au souvenir de Sion.

  A007000440 

 Que ferons-nous donc, Chanoines de Genève? Ne sommes-nous pas exilés et pèlerins sur une terre étrangère, celle que nous habitons et foulons aux pieds? Asseyons-nous [110] donc sur ces rivages des fleuves de Babylone, c'est-à-dire de la confusion, des péchés; pleurons au souvenir de cette Sion genevoise, jadis si glorieuse des trophées du Christ, et aujourd'hui, pour les crimes de notre époque et de nos ancêtres, gisant accablée sous la plus honteuse servitude de l'hérésie..

  A007000441 

 Ainsi, par la miséricorde de Dieu, nous recouvrerions les biens que nos ancêtres perdirent par son juste jugement..

  A007000441 

 Je voudrais que nous comprissions ainsi ce passage: nous, Chanoines, comme sénateurs de l'Eglise, nous imiterions les vieillards d'Israël, et nous réserverions aux vierges de Sainte Claire, survivantes aussi du clergé de Genève, le rôle des vierges de Juda.

  A007000441 

 L'exemple que Jérémie nous cite de ces mêmes Israëlites, nous montre la tristesse que Genève, perdue pour le Christ et pour nous, devrait nous inspirer: Ils se sont assis sur la terre, les vieillards de la fille de Sion; ils ont couvert de cendre leurs têtes, ils se sont revêtus de cilices; les vierges de Juda ont baissé leurs têtes vers la terre.

  A007000442 

 Bons signes, mes Collègues, bons signes! Conduite providentielle qui rappelle à nos ennemis l'usurpation de nos sièges, nous excite à recouvrer notre bien, par un heureux retour, et à choisir notre sépulture dans le même tombeau que nos ancêtres.

  A007000442 

 En un mot, car il faut terminer ce discours, nous devons vivre d'après la règle chrétienne, de telle sorte que nous soyons Chanoines, c'est-à-dire réguliers, et enfants de Dieu, non seulement de nom mais encore d'effet..

  A007000442 

 Pour atteindre ce but, rendons-nous Dieu propice par la pénitence.

  A007000443 

 Qu'il en soit ainsi, mes Pères, ou plutôt (pour ramener notre discours à la pensée de Dieu par laquelle il a commencé), puissions-nous vous rendre honneur et gloire, Dieu tout-puissant! A la Bienheureuse Vierge, aux Saints Anges, aux Bienheureux Pierre et Paul, au Bienheureux François, louanges [112] et actions de grâces! Et qu'en retour, ô Dieu, vous nous accordiez votre grâce, vous qui êtes souverainement exalté dans les siècles, Père, Fils et Saint-Esprit..

  A007000447 

 Nous avons en effet une consolation à notre époque si malheureuse: la plupart des hommes de bien et de jugement pensent qu'à cette époque est réservée la réalisation d'un vœu formé depuis si longtemps.

  A007000447 

 Nous recouvrerons nos anciens sièges, et enfin délivrés des mains de nos ennemis, nous servirons dans la sainteté et la justice ce Dieu souverainement exalté dans les siècles..

  A007000448 

 Daignez combler la mesure de vos bienfaits envers moi, et, en vertu de la puissance qui vous a été donnée d'en haut, je vous supplie et conjure de nous fortifier tous par votre bénédiction.

  A007000459 

 Et qui nous a procuré ceste misericorde? Nostre Seigneur; car sans luy, rien.

  A007000460 

 Mais outre tout cela, Nostre Seigneur nous a merité davantage de gloire.

  A007000460 

 Sil y a en nous l'adoption, elle vient du merite de Nostre Seigneur; si la foy, elle vient de Nostre Seigneur; si de l'esperance, de Nostre Seigneur; si de la charité, de Nostre Seigneur; si des Sacremens, de Nostre Seigneur; si des bonnes œuvres, de Nostre Seigneur.

  A007000460 

 Voyla comment, en sa premiere effusion de sang, on l'apelle Jesus, par ce que par son sang, comme par la mer Rouge, il nous devoit sauver.

  A007000461 

 O Seigneur, Seigneur, mon Dieu, nous flechissons le genou a vostre sacré nom, nous reconnoissons qu' il n'y en a point d'autre in quo salvari nos opporteat.

  A007000490 

 C'est pourquoy voyant en l'Evangile une infallible marque de ceux auxquelz nous devons croire, et par mesme moyen de ceux auxquelz nous ne devons pas croire, de ceux qui sont vrays ouvriers et de ceux qui sont plustost dissipateurs, je me suis deliberé, estant envoyé pour ceste journëe au milieu de vous autres, comme ouvrier en la vigne de Dieu, de vous monstrer comme il faut fuir quelques uns de ceux qui font profession d'avoir espié la terre de l'Escriture, et faut se rendre obeyssant a la voix de ceux lesquelz sont marqués a bonnes enseignes..

  A007000499 

 Les Catholiques, envoyés par legitime succession, pouvans dire: Sicut locutus est ad patres nostros, monstrent l'origine de leur mission: Jesus misit Petrum; Petrus, etc. Nous pouvons dire: Deus, auribus nostris audivimus; patres nostri annuntiaverunt nobis..

  A007000501 

 Mais affin que nous sçachions la volonté de Nostre Seigneur en cecy: Sicut misit me Pater, et ego mitto vos, subjungit: Accipite Spiritum Sanctum; Joan., 20, post Resur.

  A007000506 

 Quicomque allegue mission extraordinaire la doit prouver; car quelle regle pourrions nous tenir, s'il ne falloit que dire? Ainsy Moyse, saint Jan; et Nostre Seigneur mesme le prouve..

  A007000509 

 En fin, que recueillons nous? Puysque nos hæretiques ne nous sçavent dire d'ou ilz viennent ny qui les a envoyés, il se faut garder de les ouÿr; car assumunt linguas suas, et aiunt: Dicit Dominus.

  A007000511 

 Il ne faut sinon qu'un pied nous faille.

  A007000512 

 Quelles occasions n'avons nous point de sortir de nostre paresse? tant de maux que nous voyons tous les jours, etc. Nostre Seigneur faict comme le pere qui, tenant les verges en main, dict a ses enfans lesquelz il chastie: Ne seres vous jamais sages?.

  A007000515 

 Courage, mes Freres: tous sont appellés, tous ne sont pas esleuz; il ne tiendra qu'a nous si nous n'allons travailler en sa vigne.

  A007000515 

 La nous te loüerons a toute eternité, si nous te servons en ceste briefve journëe de ce monde: c'est, o Seigneur, dequoy nous vous prions nous faire la grace, puysque vous estes le Dieu de misericorde, Pere, Filz et Saint Esprit.

  A007000530 

 C'est le peché qui empesche que Dieu ne se rende maistre de nos ames, et ne peut entrer en nous, ains demeure a la porte: Ego st o ad ostium et [132] pulso.

  A007000531 

 C'est de ces murailles que nous pouvons dire: Ascendite muros ejus, et dissipate, comme dict Nostre Seigneur de Hierusalem; Hier., 5..

  A007000533 

 Quant a l'intention, mes Freres, je voudrois qu'elle fust a l'avenant de celle de Nostre Seigneur, lequel ne nous a pas voulu parler pour autre fin que pour nous [133] sauver: Ut fides sit ex auditu, et omnis qui credit in eum non pereat, sed habeat vitam æternam.

  A007000536 

 Or, cecy n'est pas une petite incivilité, que Dieu parlant a nous, nous ne voulions l'escouter, ne plus ne moins que si nous parlions a Dieu sans y penser; de maniere que de ceux la Nostre Seigneur dict: Populus hic auribus me honorat, cor autem eorum longe est a me.

  A007000541 

 Ainsy regnera Nostre Seigneur en nous.

  A007000554 

 Ce sont les premieres ou plustost fondamentales paroles de la predication de Nostre Seigneur, lequel apres avoir jeusné quarante jours en la montaigne, descendant de la, commença a prescher aux Juifz, et puys a tout le monde, la sainte pœnitence pour la remission des pechez; nous faysant connoistre qu'ayant faict ce saint jeune pour une pœnitence non ja necessayre (car qui ne pecha jamays et ne peut onques pecher n'avoit ja besoin de pœnitence), mays pour une pœnitence exemplayre, il demandoit de nous pareille pœnitence, et qu'avec semblable façon nous surmontassions [139] les tentations.

  A007000554 

 Enseignement lequel a esté entendu de ceste façon de tous nos anciens Peres, du college mesmes des Apostres, et semini ejus in secula, et a esté ainsy interpreté per os sanctorum qui [ a ] Christo sunt prophetarum; lhors que par « tradition de main en main, » ilz ont observé tres etroittement et commandé le sainct jeusne de Caresme, affin qu'en ce tems la on fit particulierement pœnitence, pour s'approcher dignement autant qu'on peut du Royaume des cieux, ou ne se rendre pas incapables d'iceluy, s'approchant de nous par la communication du præcieux Cors de Nostre Seigneur, vive memoyre de la mort de Nostre Seigneur et de sa Croix, par laquelle le Royaume de Dieu, qui n'estoit qu'a Dieu seul, a esté mesme communiqué aux hommes..

  A007000555 

 Et pour nous en approcher, estans en la mer de ce monde, entre les flotz et les bourrasques de nos propres pechés, esquelz nous sommes tumbés par le miserable naufrage que nous avons faict par nostre faute, de l'innocence baptismale, il faut que nous [empoignons] nous jettions dedans l'esquif de pœnitence, seul refuge, seule consolation en ces dangers; sur lequel, quoy que [nous] ne soyons sans crainte, regret, souspirs, faim et autres telles peynes, si est que nous sommes seurs d'arriver, si nous [140] avons bon courage, au port desiré de la Croix, et par apres de la gloire.

  A007000555 

 Nous sommes advisés que, si nous voulons, le Royaulme des cieux, vraÿe terre de promission, est pour nous; il ne faut que sortir d'Egipte et fayre pœnitence, que bien tost nous y arriverons.

  A007000555 

 Qui est la rayson pour laquelle, devant choysir quelque proufitable discours avec lequel je peusse conduyre pas a pas, a journëes rompues, vos ames au pied de la Croix au mont Calvaire par affection, et au saint Cors et Sang de Nostre Seigneur par realité, et vous y faire aborder heureusement, j'ay choysi ces saintes paroles, par lesquelles nous sommes advisés que le Royaume de Dieu s'approchant, si nous voulons [y] avoyr part, il faut que de nostre costé nous nous approchions de luy.

  A007000556 

 Mays pour ce que le chemin par lequel nous devons passer est un grand desert de pœnitence, avant toutes choses je vous veux dire un peu des conditions et qualités d'iceluy, affin que vous ne soyes pas si nouveaus par apres des choses que nous y verrons par le menu; et puys, nous regarderons de nous acheminer.

  A007000585 

 Au reste, elle est tres difficile, et tirassëe ça et la par les adversaires de l'Eglise Catholique, pour renverser la foy des Anciens; et neantmoins en icelle sont cachés plusieurs admirables secretz en confirmation [146] de la creance de l'Eglise et de la vérité d'icelle; secretz et mysteres lesquelz jamais nous ne descouvrirons, si Celuy qui les y a mis pour nostre salut ne les nous faict voir par sa grace.

  A007000585 

 Prions le donques par son sang, qu'il nous en fasse participans a son honneur et gloire, et prenons pour advocate sa Mere, a laquelle nous presenterons le salut angelique.

  A007000587 

 Mais oyes briefvement l'histoire, puys nous nous arresterons sur nostre principal poinct quand nous l'aurons rencontré..

  A007000590 

 Consideres vous point la bonté de ce Seigneur, l'affection de ce Chasseur qui court pour prendre la proye de l'ame, tant qu'il est las et contraint, par maniere de dire, de se reposer? Consideres vous point nostre lascheté, qui nous faschons de la moindre peyne du monde qu'il faut prendre pour nous sauver nous mesmes? Or, Nostre Seigneur n'estoit pas las sans cause, car il avoit cheminé bien tard, et a pied sans doute, dont l'Evangeliste dict: Hora autem erat quasi sexta, il estoit ja quasi midy; car les Juifz partagent le jour en douze heures et la nuict en douze..

  A007000592 

 Voicy l'occasion que Nostre Seigneur prend de sauver ceste ame; car la, pres de la fontaine, il luy dict: Da mihi bibere, Donnes moy a boire. Nostre Seigneur, pour avoir occasion de nous faire du bien, nous demande les oeuvres de misericorde.

  A007000595 

 Mays voyes quelle honnorable memoyre elle fait de Jacob, et comme elle s'apprivoise peu a peu: patre nostro, de nostre pere Jacob; nous tous venuz d'un mesme pere..

  A007000611 

 Ce sont les sept parolles qu'elle dict; nous estions en la cinquiesme: Propheta es tu.

  A007000628 

 Qui me donnera maintenant la grace de vous dire en si bonne façon la douce nouvelle de la venue que Nostre Seigneur doit bien tost faire en vos consciences par la sainte Communion, que vous luy allies au devant par desir et devotion, jettant les robbes de vos ames et les rameaux de vos affections, par mortification? O que ce seroit bien faire la memoyre de ce glorieux triomphe, puysque nous triompherions nous mesmes de nostre plus grand ennemy, qui est nostre chair, comme vrays enfans et hæritiers de ceste auguste et triomphante Majesté du Sauveur.

  A007000631 

 C'est bien nous oster toute esperance de paix: Militia est vita hominis super terram..

  A007000632 

 Mais quand il dict: Militia est vita hominis, il veut dire non seulement que nous sommes en guerre, mays que nous mesmes nous sommes guerre: Militia, etc. Et de vray, qui regardera bien les diversités de mouvement, et les assaultz que faict l'esprit contre la chair, je suys asseuré qu'il dira que Militia, etc.

  A007000634 

 Ceste chair alleche la volonté, ores par des playsirs, ores par des richesses; ores elle nous met des imaginations de pretentions, ores en l'entendement une grande curiosité, tout sous especes et prætexte de bien.

  A007000634 

 Mais encores seroit ce peu si ceste chair n'avoit point d'intelligence dans nostre ame; car c'est chose certaine que jamais nous ne serions vaincuz.

  A007000634 

 Mon Dieu, quelz [160] stratagemes font nos ennemis contre nous! Domine, quid multiplicati sunt qui tribulant me? multi insurgunt adversum me; Ps.

  A007000635 

 Que diray je plus? ceste chair a telle intelligence en nous mesmes, que pourveu qu'elle connoisse nos forces, incontinent elle nous ruine.

  A007000635 

 Qui diroit jamais qu'elle nous ostast mesmes les saintes vertus, et les nous rendist ennemies? Mais que penses vous? Si elle connoist qu'il y en aye en nous, elle sollicite tant, que nous nous en vantons, nous en prisons, et par ce moyen deviennent poison; car estant comme le moust et le bon vin doux, si elles sont esventees elles s'aigrissent.

  A007000637 

 Que ferons nous? Courage, il faut combattre.

  A007000637 

 Que si ainsy est, que ferons nous, mes Freres? D'apaiser l'ennemy, il n'est pas possible, il est inexorable; car qui plus le flatte, plus l'aigrit: Qui amat animam suam, perdet eam; Cum loquebar illis, impugnabant me gratis; Ps.

  A007000637 

 Que si nous nous trouvons foibles a l'occasion de nos factions domestiques, il ne faut perdre courage pour cela, mays appeller quelque secours, faire quelque alliance..

  A007000638 

 A qui nous addresserons nous? Le diable et le monde sont confederés a la chair, et voyla leur mot du guet.

  A007000638 

 Il faut se ranger au party de Nostre Seigneur, et ainsy nous aurons la victoire sur nous mesmes.

  A007000641 

 Quatriesmement, une grande diligence a nous servir des moyens que Nostre Seigneur nous a mis en main, pour monstrer que nous nous fions en luy, non pas en nous.

  A007000643 

 Coupans les branches d'arbres, ilz monstrent qu'il faut combattre la concupiscence; ce qu'ilz jettent leurs vestemens aux pieds de Nostre Seigneur, monstre qu'ilz n'ont nulle confiance en eux mesmes, comme s'ilz osoyent dire: Non nobis; ce qu'ilz crient Hosanna, monstre qu'ilz se fient en la seule protection divine, et se veulent servir du premier moyen; ce qu'ilz vont jusques au mont des Olives et qu'ilz le menent dans leur ville, monstre la reception que nous luy devons faire.

  A007000643 

 En ceste façon, nous pourrons porter les palmes comme eux en signe de victoire, vainqueurs de nostre chair, que nous porterons comme trophëes aux pieds de l'Aigneau qui y regne, comme a Celuy pour qui et en qui nous aurons triomphé, qui est Jesus Christ qui vit et regne es siecles, et vous benie.

  A007000643 

 Faire paix, nous ne pouvons; reculer, encores moins: il faut donques combattre; que si nous sommes foibles, regardons de prendre secours.

  A007000643 

 Nostre vie n'est pas seulement en guerre, ni n'a pas seulement la guerre, mais est une guerre propre: Militia, etc., puisque la chair, moitié de nostre vie, nous guerroie par tant de menëes, excitant sedition en nostre ame ainsy qu'Absalon, trompe comme Dalila.

  A007000651 

 C'est le discours que j'ay entrepris, mays que je ne puys bien faire, ny vous, bien escouter, si le Saint Esprit ne nous assiste.

  A007000653 

 La foy nous monstre la felicité, l'esperance nous y faict aspirer, la charité nous met en possession.

  A007000653 

 Nostre Seigneur ne faict autre chose que nous bien enseigner ces trois leçons: comme il faut croire, esperer et aymer; mays sur tout en ces quarante jours esquelz il conversa apres sa resurrection avec ses Apostres, et plus particulierement en l'apparition recitëe aujourd'huy..

  A007000655 

 O article admirable, et lequel estant bien creu, nous sommes bons Chrestiens, car nous en tirerons aysement ces consequences: Donques je ne profaneray pas ce cors; donques, in ictu oculi, in novissima tuba resurgemus.

  A007000656 

 Ah, comme pourrions nous craindre? Ecce iste venit, prospiciens per cancellos, respiciens per fenestras..

  A007000656 

 O je ne voudrois pas que nous fussions sans esperance, mays je voudrois bien que nous pleurassions quand nous perdons Dieu.

  A007000669 

 Nous y voulons addresser nos pleurs et nos cris, nous ne voulons autre nourriture que les fruictz de la Croix: Absit que nous nous glorifiions en aucune autre chose.

  A007000669 

 Si le prophete Jonas se consola tant au lierre que Nostre Seigneur luy avoit præparé, que l'Escriture dict: Et lætatus est Jonas super hedera lætitia magna, quelle doit estre l'allegresse des Chrestiens en la tressainte Croix de Nostre Seigneur, sous laquelle ilz sont bien plus a l'ombre que Jonas n'estoit sous le lierre; ilz sont mieux defendus et contregardés que Jonas ne fut par le lierre: Absit mihi, etc. Or, disons donques: Que Jonas se resjouisse au lierre; qu'Abraham fasse festin aux Anges sous l'arbre (Gen., 18 ); qu'Ismaël soit exaucé sous l'arbre au desert (Gen., 21 ); qu'Helie soit nourry sous le genevre en la solitude (3. Reg., 19 ): quant a nous, nous ne voulons autre ombre que celle de la Croix, autre festin que celuy qui nous y est praeparé.

  A007000670 

 Or, les biens esquelz nous nous estimons grans sont de trois sortes: de l'ame, du cors, de fortune.

  A007000673 

 La Croix est le vray livre du Chrestien, et je vous prens a tesmoin, o Bernard, tres doux et devot Docteur; car ou aves vous repeu vostre entendement de la tres douce et tres souëfve doctrine dont vous nous aves laissé les saintes instructions, sinon en ce livre, quand vous disies: Fasciculus myrrhæ dilectus meus mihi? [174] Je vous appelle a garant, o grand saint Augustin, qui, constitué entre les deux misteres de la Nativité et de la Passion, pouves dire: Hinc lactor ab ubere, hinc pascor a vulnere.

  A007000673 

 » La a appris ses saintes leçons la devote Magdeleine, qui, puys apres, les annonça aux Provençaux; la, la devote Catherine Siennoise, qui, puys apres, nous a laissé ses devotz memoyres..

  A007000674 

 Mais que nous sert il de produire tant de tesmoins en une chose si claire? Nostre Seigneur ne veut que nous apprenions autre chose plus particulierement que la debonnaireté et l'humilité.

  A007000675 

 C'est la le premier sujet que nous avons de nous glorifier en la Croix..

  A007000675 

 Je me suis estendu sur ceste premiere glorification que nous devons avoir en la Croix, pour vous conjurer d'y [175] penser et repenser tous les jours le plus souvent que pourres, et parmi la nuict toutes les fois que vous vous esveilleres.

  A007000676 

 O quel sujet a nous de nous y glorifier; Absit mihi gloriari, etc. La encores nous avons esté renduz grans en la santé, force et beauté de l'ame et du cors, car nostre immortalité et resurrection en depend..

  A007000676 

 Voicy maintenant la seconde glorification: c'est que nostre salut y est, c'est la ou Nostre Seigneur nous a sauvés; car combien que toutes les actions de sa vie, jusques aux plus petites, ayent esté infiniment suffisantes pour operer nostre salut, neantmoins la volonté de Dieu son Pere et la sienne a esté de ne l'accomplir qu'en la Croix.

  A007000679 

 Luy est le Christ, mays nous sommes les Chrestiens: Hæredes quidem Dei, cohæredes autem Christi.

  A007000679 

 Quelle gloire pour nous, auditoire chrestien, que par la Croix et en la Croix nous ayons esté transferés du royaume d'enfer en celuy du Ciel, que Nostre Seigneur, le meilleur Roy du monde, nous ayt esté donné; mais quelle gloire que nous mesmes y soyons faitz roys et hæritiers du Royaume celeste.

  A007000680 

 Ceste estime qu'on faict de la Croix plaist infiniment au Crucifix; et jamais nous ne l'honnorons qu'en intention d'honnorer le Crucifix, et vous conseille, pour vostre consolation, que quand vous verres la Croix, vous regardies tousjours le Crucifix en icelle.

  A007000680 

 Il suffit que nous n'adorons pas la Croix pour l'amour d'elle, mais pour l'amour de Celuy a qui elle appartient.

  A007000681 

 Disons donques que ce saint bois de la Croix est singulierement venerable; car s'il est escrit, Psal. 131: Adorabo in loco ubi steterunt pedes ejus, comme n'honnorerons nous pas ubi stetit totum corpus? Et partant, il s'ensuit: Surge, Domine, in requiem, etc. Et si on faysoit, dict saint Hierosme, tant d'honneur au tabernacle, etc., combien plus au bois de la Croix, sur lequel a esté estendu le cors de Dieu incarné, qui a esté arrousé, teint et penetré de son sang [178] prætieux.

  A007000682 

 Quand Constantin alla a la guerre, il ouÿt de [Dieu] la voix: « In hoc signo vinces; » ainsy veut il que nous vainquions: « Filii tui armis triumphare jussisti.

  A007000682 

 Regardons si en nostre mont Calvaire, c'est a dire en nostre cerveau et entendement, nous y avons laissé la foy fervente de la Croix qui nous y fut mise au Baptesme, ou si nous n'avons point eslevé une idole de Venus en nostre imagination; si en nostre memoyre, ou la sainte esperance fut mise, nous n'y avons point remis Adonis; en nostre volonté, ou Dieu avoit mis la charité, etc. Et a l'imitation d'Helene, ostons, ostons ces figures maudites du monde, ces impressions vaines, et y relevons la Croix, disant: Absit mihi gloriari, etc., car c'est la nostre secours.

  A007000682 

 » Le jour nous invite, le lieu nous appelle; la sayson nous y porte, nos afflictions ne sont pas encores finies.

  A007000704 

 Que si un si grand Seigneur nous eut invité sans autre, encores devrions nous y aller le prenant a honneur, nous devant sentir honnorer.

  A007000709 

 Ce pain, et voyci un seul motif, nous transforme en luy, non ja quand a la substance mais quand aux qualités.

  A007000712 

 C'est ce que dict saint Chrisostome, au rapport de saint Thomas, que « nous sommes terribles au diable, sortans de ceste cæleste Table.

  A007000712 

 Ce pain nous corrobore mesmes contre les ennemis; si que de ce pain, nous pouvons dire: Parasti in conspectu meo mensam, adversus eos qui tribulant me; comme l'interprete Cyp., ad Cæcilium.

  A007000712 

 Le pain jamais ne nous renforce, que par la reaction nous ne perdions.

  A007000712 

 Le pain nous corrobore interieurement, mais il ne nous rend formidable exterieurement; il nous præserve dedans, mais dehors non.

  A007000712 

 Mays cestuyci nous renforce et eschauffe, car c'est le Sacrement d'union.

  A007000725 

 Hé, qui voudries vous donques qui les receust? N'est ce pas l'honneur au medecin d'estre recherché des malades, et d'autant plus que leurs maladies sont incurables? Nostre Seigneur, non tant pour repousser la temerité de ces Pharisiens, que pour nous donner courage de nous approcher de luy, rejette bien loin par similitudes ceste consideration pharisaïque.

  A007000725 

 Quelle merveille donques si en l'Evangile du jourdhuy nous le voyons environné de malades: pecheurs et publicains? O vayne et sotte murmuration des Juifz: Hic peccatores recipit.

  A007000726 

 Mais ces graces sont les [186] effectz propres et particuliers du Saint Esprit; il nous faut donques demander sa benite assistance, et pour aysement l'obtenir, employons y la faveur de sa tres glorieuse Espouse, la saluant: Ave Maria..

  A007000726 

 Mays pensons y premierement un peu de pres, affin que le desir de nous approcher de Nostre Seigneur nous vienne d'autant plus grand; et puys nous verrons les moyens de nous en approcher, et les consolations que nous aurons en ce saint approchement, affin que reconnoissant le bannissement auquel les pechés constituent l'ame, nous nous ostions au plus tost de peché si nous y sommes, nous nous gardions de jamais y retourner, et nous approchions tousjours de plus pres de Nostre Seigneur.

  A007000728 

 Je trouve admirable et profonde la description que le saint personnage et langoureux prophete Job faict des pecheurs, quand il les qualifie en ceste façon: Qui dixerunt Deo: Recede a nobis, scientiam viarum tuarum nolumus (cap. 21 ); Retire toy, va t'en, destourne toy de nous, nous ne voulons point sçavoir tes chemins. O belle façon de parler, o description pleine de doctrine! Pour dire les pecheurs, il dict ceux qui ont dict a Dieu: Retire toy de nous.

  A007000729 

 C'est en cest esloignement que consiste le mal principal du peché, c'est a dire qu'il nous separe de Dieu; de maniere qu'en l'escole l'on est d'accord que Ite, est le mot principal de la sentence de Nostre Seigneur: Ite.

  A007000730 

 Mais voicy le gros de la difficulté: comme se peut il faire que nous soyons esloignés de Dieu luy mesme qui est par tout, et ne sçaurions trouver un recoin, pour caché qu'il soit, que sa Majesté n'y soit? Saint Pol aux Atheniens, Act., 17: Non longe abest ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus, movemur et sumus..

  A007000731 

 La ou, remarques la façon, l'immobilité est propre a Dieu et la mobilité aux pecheurs, et ilz la veulent renverser: Recede a nobis, etc. Secondement, l'ame s'esloigne de Dieu fuyant ses graces et les moyens qu'il nous propose pour nostre salut; comme l'on dict qu'un tel fuit les medecins, non pas pource qu'il laisse la personne des medecins, mays les remedes: Scientiam viarum tuarum nolumus..

  A007000732 

 Ainsy le chetif prodigue et l'infortuné Absalon (2. Reg., 14 ), comme sont ilz receus de leurs peres? Et sans cela, que deviendrions nous? car omnes declinaverunt; Omnis homo mendax; Si dixerimus quoniam peccatum, etc. Eccli., 17: Revertere ad Dominum, et avertere ab injustitia tua; Quam magna misericordia Domini, et propitiatio illius convertentibus ad se.

  A007000734 

 Les Pharisiens murmurent quia hic peccatores recipit; mais voyons un peu le progres, comme il les reçoit, et nous verrons grandes choses, Le pecheur se peut bien esloigner de Dieu, et de soy mesme, c'est chose certaine.

  A007000734 

 Nous pouvons bien gaster, mais non pas refaire.

  A007000735 

 Ah, donques, si ceux cy murmurent, louons le, nous, quia peccatores recipit, quia quærit.

  A007000736 

 Mais, o miserables que nous sommes, bien souvent nous sommes appellés, et nous faisons la sourde oreille: Vocavi, et renuistis; nous sommes attirés, et nous nous opiniastrons contre luy.

  A007000739 

 Il faut donques nous laisser tirer, et il faut ressentir nostre miserable estat..

  A007000741 

 N'attendons plus: Hora est jam nos de somno surgere, puysque nous sçavons que peccatores recipit.

  A007000741 

 Quid est, Israel, quod in terra inimicorum inveterasti, in terra aliena? Voulons nous estre ensevelis en Egypte? Egredere, egredere in fortitudine tua, Sion.

  A007000741 

 Sortons, sortons de ceste Egypte; approchons-nous de Nostre Seigneur; faysons provision de bonnes œuvres; [192] que les piedz de nos affections soyent nudz; revestons nous d'innocence; ne nous contentons pas de crier misericorde, sortons de l'Egypte: Egredimini de Babylone, fugite a Chaldæis.

  A007000752 

 O comme nous sommes donques a Dieu, comme il est nostre Seigneur et nostre Maistre, puysque tout ce qui est en nous, il l'a faict: c'est luy qui en est l'ouvrier.

  A007000753 

 Et non seulement nous sommes a luy et il est nostre Seigneur pource qu'il nous a produitz, mays encores pource qu'il nous a achetés bien cherement et cent mille fois davantage que nous ne valons.

  A007000753 

 Le diable nous avoit osté a nostre naturel Seigneur, et encores qu'il n'eust nul droit, si est ce que Nostre Seigneur nous acheta, et acheta ce qui estoit sien affin de nous faire plus siens, si plus siens nous pouvions estre.

  A007000753 

 » La moindre goutte du sang de Nostre Seigneur valoit plus que nous; et neantmoins, affin de nous rendre plus siens, il le voulut tout donner: Copiosa apud eum redemptio.

  A007000757 

 Et de vray, comme dict saint Pol: Quis plantat vineam et de fructu ejus non edit? Si Jesus Christ nous a planté, n'est ce pas la rayson que nous luy rapportions tout le service que nous pourrons?.

  A007000757 

 L'autre conclusion qu'il faut tirer, c'est qu'estant descendus au rien, remontant a l'estre que Dieu nous a baillé, et considerant de poinct en poinct combien nous sommes dependans de Dieu et combien nous sommes obligés a le servir, il nous faut faire une exclamation a nostre ame: Nonne Deo subjecta erit anima mea? [196] Comment, si Dieu m'a creëe, et non seulement creëe, mays rachetëe d'entre les mains d'un si cruel et barbare tyran, avec tant de sang, si je luy ay voué et presté fidelité, qui me levera jamais de son service? Escoutes comme David estoit en ceste resolution: Quasi jumentum factus sum apud te, et ego semper tecum.

  A007000758 

 De maniere qu'encores a rayson de cecy, nous sommes obligés a servir Dieu, et ceux qui ne le serviront pas en recevront un terrible reproche au jour du jugement; car c'est pour cela qu'il est dict que totus orbis pugnabit contra insensatos.

  A007000758 

 Mays outre, tout cela, il y a une autre rayson: c'est que nous nous servons de toutes les creatures, et icelles nous servent volontier, en intention que nous servions Dieu pour elles; car elles, ne pouvant pas servir Dieu, lequel estant esprit ne peut estre servi que par esprit, elles nous servent a celle fin que nous servions Dieu tant en leur nom qu'au nostre.

  A007000760 

 De ceste resolution, il nous faut passer a l'execution d'icelle, c'est a dire de servir Dieu le mieux qu'il nous sera possible.

  A007000760 

 Or est-il qu'entre toutes les façons de servir Dieu, [la meilleure] c'est de le servir en la façon qu'il est servi en Paradis; car c'est luy qui nous enseigne a demander que son service soit fait en la terre comme au Ciel; car il n'y a pas difference entre servir Dieu et faire sa volonté.

  A007000760 

 Que si nous voulons sçavoir comme [197] Dieu est servi au Ciel, escoutes David: Beati qui habitant in domo tua, Domine; in sæcula sæculorum laudabunt te.

  A007000763 

 De cest amour parle David: Quam magna multitudo dulcedinis tuæ; Omnia ossa mea dicent: Domine, quis similis tibi? Isaye: Lætificabo eos in monte orationis meæ? C'est a quoy nous invite David: Ecce nunc benedicite Dominum, etc. Il dict nunc; comme vous voudries estre de ces beati qui habitant, commences donques maintenant, nunc..

  A007000766 

 Desormais nous vous benirons; mays affin de ce faire, assistes le magistrat ecclesiastique et seculier, delivres nous d'ennemis, donnes nous la paix, affin que vous demeuries avec nous, quia factus est in pace locus tuus, a fin que de manu inimicorum nostrorum liberati, serviamus tibi.

  A007000766 

 Non par nos merites, mais, Protector, aspice Deus, et vous nous verres tant affligés spirituellement et temporellement; et puys, in faciem Christi tui, qui a tant enduré pour nous, par la Passion duquel nous vous conjurons de nous faire misericorde.

  A007000766 

 Seigneur, nous sommes vos serviteurs indignes, qui n'avons pas gardé les regles de vostre service.

  A007000799 

 Les publicains venoyent a luy pour estre baptizés; nous avons besoin de son baptesme de pœnitence: tant de pechés.

  A007000799 

 Mais y a il que douter qu'il ne nous faille pleurer? Quid existis in desertum videre? Erat lucerna lucens et ardens, et nous n'avons tenu le chemin.

  A007000805 

 Or, ce qu'elle mesme faict voir par experience, je m'efforceray a vous le faire voir par discours, produisant les bons et indubitables tiltres qu'elle a pour sa visibilité et incorruption, qui est le gros du proces que nous avons avec nos adversaires.

  A007000805 

 Prions Dieu qu'il nous fasse la grace que tout soit a son honneur, et Nostre Dame qu'il luy plaise nous favoriser de son intercession.

  A007000811 

 Mais dites moy, de grace, si l'Eglise est invisible, pourquoy sera ce que Nostre Seigneur nous dira, Matt., 18: Dic Ecclesiæ; si Ecclesiam non audierit, sit [208] tibi tanquam ethnicus et publicanus? Quelle sorte d'addresse seroit celle cy: Dis le a l'Eglise? Comme voules vous qu'on s'addresse a l'Eglise si on ne la voit, si on ne la connoist? 1.

  A007000819 

 Ah, mes Freres, c'est le dessein du diable de la rendre invisible, affin de nous soustraire de son obeyssance, affin de nous oster la liberté de nous refugier vers elle, et a elle le pouvoir de nous parler, nous instruire, nous monstrer nos fautes, de nous corriger et nous mettre dans nostre devoir..

  A007000823 

 Or sus, mes Freres, que retirerons nous de tout ce discours? Premierement, une asseurance en la doctrine de l'Eglise, qu'elle est visible; 2.

  A007000823 

 combien nous avons d'obligation a Celuy qui a ædifié ceste cité de refuge pour nous, en laquelle nous puissions avoir nostre recours.

  A007000834 

 Je crois que vous sçaves, auditeurs chrestiens, que lhors qu'il pleut a Dieu creer le monde, voyant sa divine Majesté la terre et l'eau remplie d'animaux, il les benit tous, et leur donna force en leur nature, chacun en son espece, de continuer leur race jusques a la fin du monde; [de] mesme quand il eut creé l'homme, il le benit, et luy donna la mesme perfection et condition: si que des lhors on ne trouvera pas que jamais aucune sorte d'animaux aye manqué de race; et quant a nous autres, chacun sçait bien que par la ligne droitte et continuation perpetuelle, nous sommes tous descendus, de pere en filz sans interruption, de ce premier pere auquel Dieu donna la force et le commandement de multiplication.

  A007000841 

 Ceste verité est si claire et si puyssante, que Calvin mesme s'en est laissé eschapper la confession, Inst., liv. 4, sur les parolles desja alleguëes, ou il confesse l'assistance perpetuelle avoir esté promise a l'Eglise, y adjoustant une bonne rayson: car, dict il, ce seroit peu que l'Evangile et le Saint Esprit nous eust esté une fois donné, s'il ne demeuroit tousjours avec nous.

  A007000842 

 Si vous esties avec elle, dites nous ou elle estoit.

  A007000845 

 Donques de la consideration de la durëe de ceste Eglise nous devons nous eslever a la durëe de la triomphante, et penser que le Royaume du ciel est eternel; puys, penser combien jusques a present nous avons esté mal advisés d'avoir quitté ce Royaume la auquel nous avons part, pour un rien, pour un petit peché, et qui sommes si lasches de ne point prendre peyne pour avoir ce Paradis qui dure eternellement.

  A007000845 

 Mais qu'apprendrons nous icy en ceste verité? Nous apprendrons a louer Dieu qui a laissé au monde une Eglise perpetuelle, a laquelle en tout tems on peut recourir pour y faire son salut; puys, montant de ceste Eglise que nous voyons ça bas, a celle que nous ne voyons pas, la haut, nous exciterons en nous le desir de la vie eternelle, comme dict l'Apostre, 2 Cor., 4: Non contemplantibus nobis quæ videntur, sed quæ non videntur.

  A007000855 

 Cecy estant proposé, voicy le gros de nostre difficulté; car nos adversaires veulent dire que nous prenons en la Cene le prætieux Cors de Nostre Seigneur, spirituel, c'est a dire par foy, et en apprehension ou volonté ou intelligence; comme qui diroit: j'ay tousjours mon espoux en mon cœur, l'y auroit spirituellement mays non reellement.

  A007000855 

 Et quand a l'Eglise Catholique, elle tient que Nostre Seigneur est receu reellement et spirituellement, et que comme reellement il entra en la salle les portes fermëes, ainsy entre il dans nostre cors; mays comme il entra en la salle en façon d'esprit, sans ouverture des portes, sans estre veu ni apperceu jusques a tant qu'il fut au milieu des Apostres, ainsy il entre en nous en façon d'esprit sans occuper place, estre veu ni apperceu..

  A007000858 

 Or, tout cela dict par maniere de præparatoire, je vous diray les tres preignans et inevitables motifz que nous devons avoir pour nous arrester fermement en ladicte creance de la realité..

  A007000865 

 Si Adam par la communication reale de sa chair nous faict mourir, etc. Et c'est la plus grande gloire de Dieu..

  A007000872 

 Les deux premieres sont pour reverence, et dont nous n'avons pas expres commandement en particulier..

  A007000900 

 Affin donques que nous le puyssions entendre, invoquons l'assistance du Saint Esprit, etc. Ave Maria..

  A007000900 

 Ainsy Nostre Seigneur desirant extremement de parachever l'œuvre de nostre redemption, s'avoisinant le tems de sa Passion, il en faict des discours et prædictions a ses Apostres en plusieurs lieux, et particulierement en la portion evangelique que [231] l'Eglise nostre Mere nous propose aujourd'huy pour l'entretien de nos ames, ou Nostre Seigneur, comme grand Cappitaine, traitte avec ses Apostres de la victoire qu'il devoit remporter sur le peché et ses complices; mays auparavant il discourt de l'aspre bataille de sa Passion, ce que les Apostres ne comprirent pas pour l'heure.

  A007000900 

 Quand un prince tient la prise de quelque ville ou quelque notable victoire asseurëe, vous le voyes a tous propos parler de la bataille, et ne cessons jamais de parler de ce que nous attendons et desirons; ce que sçauroyent bien dire les voyageurs qui, desirans leur arrivëe en quelque ville, ne trouvent personne a qui ilz ne demandent combien le chemin est loin.

  A007000904 

 Et c'est ce qu'enseigne saint Pol, Heb., 12: Recogitate eum qui talem sustinuit a peccatoribus adversus semetipsum contradictionem, ut ne fatigemini, animis vestris deficientes; et a quoy luy mesme nous excite: O vos omnes qui transitis per viam, attendite et videte si est dolor sicut dolor meus; ce qui a esmeu l'Eglise, vraye Espouse de Nostre Seigneur, a tascher par tous moyens de maintenir en la memoyre de ses enfans et disciples la Passion de nostre Sauveur et Maistre; et partant, entr'autres, aujourd'huy elle met cest Evangile en avant.

  A007000905 

 Mays parce que sur ce fait on a voulu censurer l'Eglise, et nos adversaires ont voulu dire qu'il y avoit de la superstition, il nous faut un peu arrester pour voir leurs raysons, et ne penser pas que ce soit hors de propos; car les raysons que les adversaires tiennent estre les principales contre l'usage du signe de la Croix sont sans aucune force.

  A007000908 

 Nostre Seigneur mesme honnorera sa Croix; pourquoy non nous? Or, qu'il soit vray, en saint Matthieu, 24, il est dict entre les autres signes et prodiges qui arriveront au jour du jugement, que signum apparebit Filii hominis in cœlo.

  A007000909 

 Mais outre ceste apparition, nous en avons d'autres, lesquelles, quoy que non si authentiques, sont neantmoins dignes de foy.

  A007000911 

 Vous semble il pas que nous avons rayson de suivre [235] plustost la prattique de l'ancienne Eglise que les difficultés de ces nouveaux venuz? Or, quelles raysons, je vous prie, proposent ilz?.

  A007000916 

 Cest escabeau est le Temple, comme disent les Chaldeens; c'est l'Arche de l'alliance, comme disent les Hebrieux: et comme que ce soit, c'est tousjours pour nous, et on infere de la efficacement, que ceste sainte figure est digne d'estre honnorëe, puysqu'elle est consacrëe a Dieu..

  A007000917 

 A rayson de tout ce qui est dict cy devant; car si Nostre Seigneur l'a colloquee au ciel, s'il l'a monstree avec de si signalés effectz, n'est ce pas nous la rendre honnorable?.

  A007000918 

 Parce que la Croix nous a esté comme le sceptre et siege royal de Nostre Seigneur.

  A007000930 

 O sainte Salutation, o louanges bien authentiques, o riches et discretz honneurs! Le grand Dieu les a dictés, un grand Ange les a prononcés, un grand Evangeliste les a enregistrés, toute l'antiquité les a prattiqués, nos ayeulz nous les ont enseignés..

  A007000932 

 Calvin, en son Harmonie Evangelique, nous appelle superstitieux, tant pour saluer une absente que pour nous mesler du mestier d'autruy; nous accusant au surplus en cest endroit d'enchantement, disant que nous sommes mal appris, nous servans de ceste Salutation comme de priere, ores que ce ne soit qu'une simple congratulation.

  A007000932 

 En fin, toute leur reprehension contient trois poinctz: premierement, que c'est un attentat du ministere des Anges de dire la Salutation angelique, puysque nous n'en avons pas charge; secondement, que c'est superstition de saluer une absente; tiercement, que c'est une lourdise de penser prier avec ceste sainte Salutation.

  A007000933 

 Il met pour execration de ne point saluer et ne point dire Ave; la ou que dirons nous de ceux qui ne veulent point saluer Marie, sinon qu'ilz l'haïssent? De mesme saint Pol a ses Philip., 4: Salutate omnem sanctum in Christo Jesu; comme s'il vouloit que cela fust deu aux saintz et vertueux, que d'estre salués..

  A007000934 

 Si donques Marie n'apporte point que de bonne doctrine, n'ayant jamais rien dict en l'Evangile que saintement, pourquoy nous defendra on de la saluer? Si elle est sainte et la plus sainte, pourquoy ne la saluerons nous? Est ce la doctrine que Nostre Seigneur nous a appris, disant tant de fois: Pax vobis, pax vobis? Et en saint Matthieu, 28, rencontrant les Maries: Avete, leur dict il..

  A007000952 

 Ainsy le faut il croire sans doute; et partant, voulant aujourd'huy vous monstrer avec ces paroles un des premiers et plus importans fondemens de la doctrine chrestienne, je vous supplie, demandons a ce celeste Consolateur son ayde, laquelle pour mieux obtenir, il nous y faut employer l'intercession de tous les Saintz, particulierement de la glorieuse Vierge, a laquelle partant nous presenterons l' Ave Maria..

  A007000954 

 Et comme sommes nous enseignés sinon par la foy, laquelle peut estre appellee oracle, parce qu'en icelle on oyt Dieu? Fides ex auditu; Rom., 10.

  A007000954 

 Mais l'unique entrëe de cest oracle c'est la parolle de Dieu; car nous ne pouvons pas entrer en cest auditoire de Dieu, que ce ne soit per Mot Dei..

  A007000955 

 C'est signe qu'il avoit beaucoup dict de choses quand il dict qu'il en a encor beaucoup a leur dire; et puisque nous n'avons point ces choses-la en escrit, c'est signe qu'il y a beaucoup plus de paroles dites que d'escrites.

  A007000956 

 Mais parce qu'en ceste doctrine nous ne sommes pas d'accord avec les adversaires, j'en diray sommairement quelque chose qui confirmera l'interpretation et la foy catholique, en cest ordre: premierement, qu'il y a des saintes Traditions en l'Eglise; 2.

  A007000958 

 Multa habeo vobis dicere, etc.; or, de cela nous n'avons que bien peu.

  A007000958 

 Puys, ou Nostre Seigneur le leur devoit dire pour eux ou pour l'Eglise: si pour l'Eglise, donq nous l'avons encores; si pour eux seulement, donq en l'Evangile tout ce qui est necessaire a un chacun n'y est pas..

  A007000965 

 Quant au II e, je dis les Traditions estre necessaires: [1.] pour authentiquer l'Escriture; car qui nous a dict qu'il y a des Livres canoniques? L'Alcoran dict bien qu'il a esté envoyé du ciel, mais qui le croit? Qui nous a dict l'Evangile de saint Marc, etc., plustost que celuy de [249] saint Thomas et de saint Bartholomé? Pourquoy ne reçoit on l'Epistre qui porte le tiltre ad Laodicenses puysque saint Pol aux Coloss., c. ult., atteste leur avoir escrit, plustost que celle aux Hebrieux? Pourquoy croiray je que l'Evangile de saint Marc est celuy de saint Marc qu'on monstre maintenant?.

  A007000969 

 Nous avons plusieurs articles de foy par la, comme: [1.] que le Baptesme des hæretiques est bon; 2.

  A007000976 

 Et par ce moyen s'en vont a neant tous ces passages que nos adversaires ont accoustumé de nous objecter: Non addetis ad Mot quod ego præcipio vobis, Deut., 4 et 12; Gal., 1: Sed licet nos, aut Angelus de cœlo evangelizet vobis præter quam quod evangelizavimus vobis, etc..

  A007000989 

 » Et affin que nous n'ignorions pas que ce fut une apparition d'un Dieu en Trinité, apres qu'Abraham eut veu ces troys, il en adore l'unité: « Tres vidit, et unum adoravit, » dict la Glose; et Abraham leur parlant: Domine, si inveni gratiam in oculis tuis, ne transeas servum tuum, sed afferam pauxillum aquæ, ut laventur pedes vestri, et requiescite sub arbore.

  A007000990 

 Ainsy levons les yeux vers ceste lumiere æternelle, a celle fin qu'elle daigne nous illuminer de son Esprit, et qu'en sa clairté nous puissions voir de ce saint mistere ce que nous en devons connoistre et ce qu'il luy plaira nous en faire voir, affin de le croire, le croyant y esperer, y esperant l'aymer, et qu'ainsy vrayement « gloire soit au Pere et au Filz et au Saint Esprit.

  A007000990 

 Et maintenant, auditoire devot, le mesme Seigneur se presente a nous pour nous visiter, un par essence en trinité de personnes, non plus par une exterieure apparition, mais [par] une interne illumination de la foy, en ceste bonne vallëe de l'Eglise, puysqu'aujourd'huy l'Eglise celebre une grande solemnité a la gloire de la toute puyssante, toute bonne et infinie Trinité, Pere, Filz et Saint Esprit, affin de graver en nostre courage l'honneur et l'hommage supreme que nous luy devons.

  A007000990 

 Gloria Patri, etc. Nous luy rendons la gloire si nous croyons, esperons et aymons ceste supreme essence en sa tres glorieuse Trinité, si nous prions les troys Personnes de demeurer avec nous, si nous lavons leurs pieds, si nous les invitons sous l'arbre, ce que comme on le doive faire, je prætens vous le monstrer briefvement.

  A007000990 

 Mays pour cest effect il nous faut faire tous ensemble comme Abraham, [255] lequel leva les yeux en haut, et autrement n'eust pas eu cest honneur.

  A007000993 

 A ceste occasion, Nostre Seigneur premierement, puys son Eglise, en l'administration du Sacrement fondamental qui est le Baptesme, nous met en avant ce saint mystere: In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.

  A007000993 

 O comme nous devrions donques encores en ce tems miserable celebrer ceste sainte feste et dire: Gloria Patri, etc. Penses vous pas que nos adversaires se soyent contentés de renverser l'Eglise? Superbia eorum qui te oderunt ascendit semper; Psalm.

  A007000993 

 Si donques ceste feste a esté instituëe pour tant et de si justes raysons, avec combien de devotion la devons nous [257] celebrer, maintenant que les causes de son institution sont renouvellees..

  A007000994 

 Gloria Patri, etc. Je trouve que nous pouvons souhaitter la gloire au Pere, au Filz et au Saint Esprit en deux façons: ou la gloire qui leur est naturelle et essentielle, ou l'exterieure et denominative.

  A007000996 

 Chantons donques: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc. Je sçay bien que vous n'entendes pas ce mistere, ni moy aussi, mays il me suffit que nous le croyions tant mieux; et ce que j'en ay dict n'est pour autre fin que pour vous le representer davantage, et vous ayder a le croire plus distinctement.

  A007000996 

 Il y a certains exemples qui nous pourroyent ayder a en concevoir quelque chose; mais il y a tant a redire, que, sans nous amuser a autre, nous nous contenterons de sçavoir que c'est la foy catholique « ut unum Deum in Trinitate, et Trinitatem in unitate veneremur.

  A007000997 

 Nous chanterons tousjours Gloria Patri, d'autant plus encores que Calvin et Beze et leurs hæresies, veulent que toutes les trois Personnes ayent leur divinité de soy et non par communication; qui est un blaspheme estrange, car ainsy il n'y auroit ni Filz ni Saint Esprit.

  A007000999 

 Et quant a ceste belle objection que ce mot n'est pas latin, ignores vous encores que quand il a pleu a Dieu, en l'exces de son amour, nous descouvrir de nouvelles verités, il a fallu chercher de nouveaux motz pour les exprimer? Ignores vous que les motz sont faictz pour les choses, et non les choses pour les motz, et qu'il se faut bien garder d'assujettir les choses aux parolles, et beaucoup plus de renoncer aux choses les plus saintes et les plus divines pour ne pas rencontrer dans le langage usité parmi les Romains des dictions qui les signifient? Suyvant ceste maxime de vostre eschole, il faudroit encores rejetter le mistere fondamental de nostre salut, [260] l'Incarnation du Verbe æternel, pource que ce mot d'incarnation ne se trouve point dans la pure latinité.

  A007000999 

 O malheureux et infortunés docteurs, qui ayment mieux estre latins que chrestiens! C'est une des ruses du diable, qui, sous couleur de quelque plus grande pureté de latin, tend a nous enlever la creance des premiers et plus importans misteres de nostre sainte religion.

  A007001001 

 C'est lhors que nous procurons que Dieu soit glorifié: Ut videant opera vestra bona et glorificent Patrem vestrum..

  A007001002 

 Et c'est principalement de ceste gloire que nous entendons Gloria Patri, etc., non la luy desirans comme chose absente, mays nous resjouyssans en icelle.

  A007001002 

 Glorificate et portate Deum in corpore vestro, dict saint Pol, I. Cor., 6; et en ceste façon, lhors que nous disons Gloria Patri, etc., nous disons tout autant comme: Fiat voluntas tua sicut in cœlo et in terra.

  A007001003 

 Ceste gloire est exterieure et se peut entendre de deux sortes; car pour tous les biens nous devons rendre gloire au Pere, au Filz et au Saint Esprit, mays particulierement pour la mort de Nostre Seigneur et le benefice de la Redemption, pource que Deus sic dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret.

  A007001004 

 Nous devons glorifier toutes les trois Personnes, et nous les devons glorifier par la Personne du Verbe incarné, et particulierement par sa Passion, laquelle il appelle sa gloire en saint Jan, 7: Nondum enim erat Spiritus datus, quia nondum erat Jesus glorificatus.

  A007001005 

 Nous devons glorifier Dieu par la Passion de son Filz; or, ceste Passion n'est plus præsente pour rendre gloire a Dieu par icelle, il faut donq [263] recourir a sa memoire.

  A007001005 

 Nous trouvons deux sortes de memoire de la Passion de Jesus Christ en l'Eglise: l'une vivante, l'autre morte.

  A007001040 

 Prenez-nous les petits renards qui ravagent les vignes..

  A007001058 

 Sur ceste quæstion prise et faite en tout autre sens et façon qu'elle ne fut faicte par ce bienheureux Apostre, s'est fondëe ceste grande Babilone que nous voyons en ce miserable siecle.

  A007001064 

 il compare les Juifz a des hommes dormans et les autres aux veillans: Il est tems, dict il, que nous levions du sommeil.

  A007001065 

 De tout cecy je tire consequence que les figures de l'Ancien Testament ne doyvent rien approcher de l'excellence de ce qui nous est donné en leur lieu au Nouveau, nomplus que l'homme dormant au pris du veillant, croire et jouir, la nuict et le jour, l'ombre et le cors, la figure et la chose figurëe.

  A007001173 

 Le calice de bénédiction que nous bénissons, n'est-il pas la communication du sang du Christ? et le pain que nous rompons, n'est-il pas la participation au corps du Christ? Saint Paul ne parle pas de participation par la foi, car en soi le pain n'est rien, mais il dit que le pain est la participation..

  A007001214 

 Quant à nous, voici notre foi sans détour: l'Eucharistie contient le corps du Seigneur, le même absolument qui reposa sur l'autel de la Croix.

  A007001216 

 Notre interprétation est confirmée: [1.] par le fait que les quatre Evangélistes exposent ce dogme de la même manière, sans rien ajouter qui nous oblige à le comprendre autrement, ce qu'ils ne manquent pas de faire lorsqu'il y a lieu: Détruisez ce temple; mais il disait cela du temple de son corps.

  A007001217 

 Par le fait que Jésus-Christ a parlé trois fois de ce Sacrement: quand il l'a promis en termes précis (nous exposerons ces paroles Dimanche); quand il l'a donné à la dernière Cène; quand il en a instruit Paul: En dernier lieu, il m'a parlé à moi, qui ne suis qu'un avorton; ce ne fut pourtant pas alors que le Seigneur l'instruisit, ce fut lors de son ravissement au troisième ciel. De là vient ce ton solennel de Paul: Car j'ai reçu moi-même du Seigneur..

  A007001220 

 Mais les paroles mêmes du texte et les arguments que nous en tirerons vous feront mieux saisir beaucoup de points..

  A007001229 

 Mais on objecte: L'esprit, etc. Pour répondre à cette objection nous devons, en peu de mots, déclarer de quelle manière le Christ est présent dans l'Eucharistie et se donne à nous.

  A007001253 

 Aucune difficulté ne doit nous faire repousser l'oracle du Seigneur; ne recherchons aucune ambiguité.

  A007001253 

 De plus, nous avions dit que le Christ avait parlé trois fois de son Sacrement: lorsqu'il le promit, lorsqu'il l'institua, lorsqu'il en instruisit saint Paul.

  A007001253 

 Notre question était: l'Eucharistie contient-elle le corps vrai, naturel de Jésus-Christ, vraiment et réellement présent? Nous avons répondu: oui, parce que Jésus-Christ l'a dit expressément, et que nos adversaires ne peuvent rien opposer à notre [297] affirmation.

  A007001253 

 Nous ne pouvons rien apprendre au sujet du Sacrement de l'Eucharistie, si ce n'est de la parole de Dieu.

  A007001254 

 Jésus-Christ nous a creusé des puits de doctrine dans l'Ecriture, mais les Philistins les remplissent de leurs interprétations terre-à-terre.

  A007001255 

 [1.] N'est-ce pas d'une manière toute spéciale que, dans l'Eucharistie, nous mangeons le corps du Christ, la chair du Christ? Tous l'avouent.

  A007001277 

 Ici, les rôles sont changés, et c'est le Seigneur qui sert les hommes, etc. Mais comment nous exprimerons-nous? [301].

  A007001278 

 Comme il avait aimé les siens, il les aima jusqu'à la fin. Déjà sur la croix, il a montré son amour par deux actes: à son Père, il offre son esprit et s'offre tout entier; à nous, il offre surtout son corps et s'offre tout entier.

  A007001278 

 De même, dans l'Eucharistie, le véritable Agneau pascal, le vrai Elie, le même Crucifié s'offre à son Père et se donne à nous.

  A007001279 

 Dans la dernière instruction, nous l'avons prouvé par les paroles de la promesse; et cela très clairement, si je ne me trompe.

  A007001279 

 Et pour procéder avec ordre, nous établirons de nouveau que Jésus-Christ est bien réellement présent sous les espèces du pain et du vin.

  A007001279 

 Nous le prouverons aujourd'hui par les paroles mêmes de l'institution, telles qu'elles nous sont proposées.

  A007001303 

 De même que Jésus-Christ en parlant, ne s'est pas arrêté au mot ceci, ainsi, pour comprendre, nous ne devons pas nous arrêter à ce mot..

  A007001307 

 Saint Cyprien, De la Cène: « Ce même pain des Anges que nous mangeons ici-bas sous les voiles sacramentels, au Ciel, nous nous en nourrirons plus véritablement, sans l'entremise du corps, sans Sacrement.

  A007001312 

 Afin que nous n'ayons pas horreur; saint Ambroise, liv. VI des Sacrements, chap. 1..

  A007001325 

 Et de fait, pourquoy auroit laissé Nostre Seigneur (ad Ephes., 4 ) alios, pastores et doctores, si nous n'avions besoin que sa parole fut annoncëe par ceux qui parlent de sa part et en son esprit?.

  A007001332 

 Humilité et reverence laquelle croistra infiniment quand nous considererons a qui ceste parole s'addresse.

  A007001344 

 Et affin qu'il nous en fasse la [311] grace, presentons nous a la Sainte Vierge, et pour impetrer son regard sur nous, disons Ave Maria..

  A007001347 

 Ce que nos adversaires ne voulant entendre, pour trouver occasion de se separer d'avec l'Eglise leur douce Mere et faire mesnage a part, affin de mieux seconder les impressions de leurs cervelles, ilz ont dict a ceux qui leur ont voulu prester l'oreille, que nous disions Dieu n'estre pas par tout et n'ouÿr pas nos oraysons par tout, ains qu'en l'eglise il avoit « l'oreille plus pres de nous, » pour user des termes de leur maistre.

  A007001347 

 Nous sçavons bien que Dieu est par tout, et que prope est invocantibus eum ou que ce soit; neantmoins nous sçavons bien aussi qu'il assiste particulierement aux lieux qui luy sont dediés, y respandant plus liberalement ses graces, estant de son bon playsir que la il soit adoré..

  A007001347 

 » C'est l'Eglise qui nous faict dire: « Deus qui invisibiliter omnia contines.

  A007001349 

 Aussi en certains lieux nous faict il des benefices plus qu'es autres, Dieu est en tous lieux, Dieu est en tous tems; il y a certains tems qui luy sont sacrés et esquelz il veut estre particulierement honnoré; pourquoy n'y aura il aussi certains lieux? C'est comme nostre ame, qui estant par tout le cors, neantmoins est dite estre au cœur ou au cerveau; ainsy Nostre Seigneur est particulierement aux cieux pour ce qu'il y descouvre sa gloire, et es eglises pour ce qu'il y communique particulierement ses graces.

  A007001349 

 Si pour ce que Dieu est en tous lieux il n'a point de lieu qui luy soit plus sacré l'un que l'autre, dites moy, pourquoy ferons nous aucunes festes? car s'il est en tous lieux, aussi est il en tous tems.

  A007001349 

 Vous me dires: Pour ce qu'en ces jours Dieu nous a favorisés de la creation et autres benefices.

  A007001350 

 Mays sur tout les Chrestiens y doivent avoir une plus grande reverence que les autres; car si les Juifz portoyent tant d'honneur a leur Temple dans lequel on ne sacrifioit que des animaux, quelle reverence doivent avoir les Chrestiens lesquelz sçavent que l'eglise est le lieu auquel est sacrifié Jesus Christ, ou le cors de Nostre Seigneur est reservé, si que nous pouvons bien dire ce que le bon homme Jacob disoit quand Dieu luy eut faict part de ses merveilles: Vere Dominus est in loco isto; Gen., 28..

  A007001351 

 En quoy encores elle nous instruit de ce que nous devons faire affin que Jesus Christ fasse son habitation chez nous; car nous sommes les temples de Dieu, pour lesquelz les autres temples ont esté faictz: Nescitis quia templum Dei estis, et Spiritus Dei habitat in vobis? Saint Luc dict donques que Nostre Seigneur traversant la ville de Hieri cho, voicy qu'un homme appellé Zachee, prince des publicains, fort riche, vouloit voir Nostre Seigneur quel homme c'estoit.

  A007001351 

 Et c'est ce de quoy il me semble que nostre Mere l'Eglise nous veuille principalement donner advis, lhors qu'en l'Evangile elle nous propose un grand effect de la præsence de Nostre Seigneur en quelque lieu, par l'exemple de ce qui se fit en la personne de Zachee.

  A007001351 

 Voyes vous comme il faut que Nostre Seigneur vienne le premier a nous? S'il n'eust entré en Hiericho, jamais Zachee ne le seroit allé trouver, dont il dict bien [315] par, apres: Venit enim Filius hominis quærere et salvum facere quod perierat..

  A007001352 

 Icy Zachee fait diligence et se haste, mays il sera bon, a mon advis, que nous y arrestions un peu..

  A007001353 

 C'est icy ou il nous faut apprendre nostre leçon; car il y en a plusieurs qui voudroyent bien se ranger a servir Dieu, mays ilz y vont si laschement, que pour cela seul ilz sont reprehensibles.

  A007001354 

 Ainsy trop tard est il de penser bien faire quand le tems de la mort est venu, quand le soleil est couché pour nous sans jamais se relever.

  A007001365 

 Implorons donques premierement son assistance par l'entremise de sa tressainte Mere, que nous saluerons a l'accoustumee, disant Ave.

  A007001365 

 Tenes vos yeux ouvertz, o Chrestiens; voyes ceste belle verité autant desirable que nulle autre qui soit en l'Evangile, mays si grande et relevëe que ni vous ni moy n'en sçaurions soustenir l'esclat si Celuy qui l'a revelëe ne nous est propice.

  A007001368 

 Et partant, tout estonnés de ceste promesse, ilz disoyent entre eux: Comme peut celuy cy nous donner sa chair a manger? Et voyans qu'il persistoit [323] a les en asseurer, mesme avec son plus grand serment ilz adjousterent: Ce propos est bien dur, et qui le peut ouÿr?.

  A007001370 

 La primitive Eglise esparse sur toute la face de la terre, faisoit une profession si ouverte parmy ses enfans de manger reellement le cors du Filz de Dieu et de boire son sang, que les parolles avec lesquelles elle le declairoit estans venues aux oreilles des payens et autres ennemis du Sauveur, ilz en prenoyent occasion de calomnier les Chrestiens et les accuser de l'antropophagie, c'est a dire de manger les petitz enfans, les esgorger et deschirer a belles dens, et [324] disoyent qu'en leur Sacrement et mistere ilz faisoyent leur festin de chair humaine a la cyclopique: « Dicimur, » dict Tertullien en son Apologet., « sceleratissimi de sacramento infanticidii, et pabulo inde; On nous appelle tres criminelz, » dict il, « du sacrement de l'homicide des enfans et du repas qui s'en faict.

  A007001372 

 Combien de fois nous objectent ilz que si nous mangeons reellement le cors de Nostre Seigneur, donques il faut que nous le deschirions, maschions et rongions; et de la, ilz passent a des argumens si insolens et extravagans, qu'il n'est pas possible de plus.

  A007001372 

 O peuple, des personnes baptizëes, nourries et instruites en l'Eglise de Dieu, qui ont mille fois ouÿ et veu la celebration de la sainte Eucharistie et cent fois peut estre y ont participé; et apres tout cela, s'estant [325] separés de la sainte compaignie des fidelles pour faire des sectes a part, ne laissent pas de nous faire des argumens sur ceste calomnie aussi asseurement comme s'ilz estoyent tout a fait ignorans de nostre creance.

  A007001379 

 L'un estoit: Quomodo potest hic nobis carnem suam dare ad manducandum? L'autre estoit: Durus est hic sermo, et quis potest eum audire? Car toutes les oppositions qu'on nous faict tendent la, ou que ceste realité n'a peu estre instituëe et faitte, ou qu'il n'a pas esté convenable; et semble que tous les lieux qu'ilz sont allés recherchans en l'Escriture ne leur servent que d'une confirmation pour ces deux doutes.

  A007001380 

 Maintenant, en la poursuite de ce mesme discours, je monstreray: [1.] qu'il n'y a nulle impossibilité en ce saint Sacrement, qu'un cors soit en un lieu sans y occuper place et garder ceste extension exterieure que nous voyons estre naturellement es autres cors; 2.

  A007001383 

 [1.] Nous demeurasmes donques bien asseurés qu'un cors peut estre en plusieurs lieux par l'obeissance qu'il faict au commandement de son Dieu tout puyssant, auquel il n'y a rien d'impossible.

  A007001384 

 L'autre qualité que nous concevons estre en la chose qui est en quelque lieu, c'est qu'elle y occupe une place, c'est a dire qu'elle y soit tellement, que la ou elle est nulle autre chose y puisse estre avec elle; elle remplit tellement le lieu ou elle est, qu'autre chose n'y puisse avoir lieu..

  A007001384 

 Quand une chose est en un lieu nous avons accoustumé de concevoir en icelle deux choses, deux qualités, deux appartenances.

  A007001385 

 Ces deux conditions, a nostre grossiere façon de penser, nous semblent estre tellement liëes l'une avec l'autre, qu'elles ne peuvent estre aucunement separëes; et nous [329] est bien advis que quand une chose est en un lieu, elle y occupe place, et partant qu'une autre chose n'y peut estre avec elle.

  A007001387 

 Et voicy maintenant la difficulté ouverte entre nous et nos adversaires; car nous disons que comme la præsence est ordinairement separëe de l'occupation de lieu es choses spirituelles, aussi le peut elle estre es choses corporelles par la toute puyssance de Dieu.

  A007001387 

 Ilz le nient, et nous le prouvons; et nostre premiere preuve se prend de ce que nous disions Dimanche, comme reciproquement ce que nous prouvions Dimanche se peut prouver par ce que nous dirons maintenant, estant la nature des verités de s'entr'ayder l'une l'autre.

  A007001388 

 Nous disions Dimanche, et le prouvasmes suffisamment, qu'un seul cors peut estre en deux lieux; donques deux cors peuvent estre en un lieu, n'y ayant non plus de difficulté que deux cors n'ayent qu'un lieu, que de dire que deux lieux n'ayent qu'un mesme cors.

  A007001401 

 Et quant a l'Escriture, tout ce qu'ilz nous sçavent objecter, c'est premierement que ce nom de transsubstantiation n'est point en l'Escriture; a quoy je respons que ni le mot de Trinité, ni Omoousios, ni Theotocos.

  A007001403 

 Voulons nous aban donner toute l'antiquité si bien fondëe en l'Escriture pour esviter un peu de difficulté et flatter les consequences de nostre entendement propre? Concluons donques qu'apres la consecration, le vray cors de Nostre Seigneur y est, et n'y a point d'autre substance quelle qu'elle soit; il y est, dis je, reellement et tres veritablement..

  A007001410 

 Et Origene, plus ancien encores, homil. 5 in diversa, dict qu'en ce Sacrement nous recevons en nous comme en nostre mayson, le cors de Nostre Seigneur: « Dis donques, » dict il, « Domine, non sum dignus, » etc..

  A007001418 

 Le pain que nous rompons, n'est-ce pas.

  A007001422 

 Les Catholiques respondent qu'ouy, parce, disent ilz, que accepimus a Domino, quoniam Dominus Jesus, in qua nocte tradebatur, accepit panem, et gratias agens, fregit et dixit: Accipite et manducate, hoc est corpus meum; Nous avons appris du Seigneur que le Seigneur Jesus, la nuict en laquelle il fut livré, prit du pain, et rendant graces, il le rompit et dict: Prenes et manges, cecy est mon cors. C'est en cest article, auditeurs, ou je vous desire attentifz, si jamais vous le fustes, pour entendre nos raysons, vous conjurant de laisser toute passion pour bien juger en une cause si importante; et je suis asseuré que, le tout meurement consideré, vous feres jugement en faveur des Catholiques, tant leurs raysons devancent en fermeté, en sainteté, en solidité et en bonté celles des adversaires..

  A007001425 

 De peur que par un praejugé et supposition fause vos entendemens ne soyent atteintz de quelque passion contre nous, chers auditeurs, pendant qu'on vous pourrait avoir faict accroire que le differend qui est entre nous et nos adversaires ne gist en autre, sinon en ce qu'ilz ne veulent rien croire que ce qui est es Escritures, et [que] nous voulions fonder nostre doctrine ailleurs que sur icelles, je vous supplie de croire qu'en ce particulier differend (ni en pas un autre aussi, non plus qu'eux) nous ne voulons ceder a eux en l'honneur que nous avons juré aux Saintes Escritures; mays que tout au contraire nous protestons ne vouloir le demesler que par la seule, pure et expresse parolle de Dieu, ainsy que nous fismes Dimanche.

  A007001425 

 Nous ne voulons icy que l'Escriture..

  A007001425 

 Si donques on vous a dict que l'Eglise n'alleguoit que l'authorité des hommes, si on vous a dict qu'elle laissoit en arriere l'Escriture, je vous prie de vous en desabuser, et croire que l'Escriture [343] a tousjours esté en nos mains, et que ce riche thresor n'a esté gardé que par l'Eglise, et que nos adversaires ne l'ont eu que de nous.

  A007001426 

 Nous sommes donq desja d'accord en ce poinct, quj est que ce differend ne se decide que par l'Escriture; mais c'est en l'interpretation que gist nostre controverse et dispute; car nous apportons de beaux et bons passages de l'Escriture, et eux en apportent de ceux qu'ilz peuvent penser estre telz.

  A007001426 

 Tout est de l'Escriture; mays quoy? ilz veulent interpreter les nostres et les leurs contre nous; et nous, quasi comme estans sur la defensive, sans interpreter les nostres, car ilz sont clairs voulons seulement rejetter leurs interpretations affin qu'elles ne nous offencent.

  A007001428 

 Il dict qu'ilz ne se doivent ainsy entendre comme nous pensons; nous disons que si.

  A007001428 

 L'adversaire respond que Dieu ne l'a pas dict; nous monstrons ses propres motz.

  A007001428 

 Voyla nostre differend: qui entend mieux les Escritures? Si je puys monstrer clairement que nous [344] sommes bien fondés, il s'ensuivra que les adversaires le seront d'autant moins, qu'ilz viennent combattre le possesseur de bonne foy..

  A007001431 

 Or, les Sacremens doivent estre institués en arolles claires; donques, etc. La mineure se prouve par rayson: parce que l'usage du Sacrement nous doit estre aysé et commun a tous; donq chacun doit entendre ce qui en est.

  A007001432 

 Pourquoy voules vous, o Messieurs, adjouster vos interpretations sur le testament de Nostre Seigneur? Si saint Pol faict consideration sur un singulier et pluriel, tant il veut prendre rigoureusement la proprieté des parolles, pourquoy [345] voulons nous prendre la licence de renoncer a la proprieté des paroles du Filz de Dieu en ce sien testament?.

  A007001433 

 En fin, vous semble il qu'un morceau de pain soit un present digne d'un tel Seigneur? et voules vous que nous soyons tousjours serviteurs, n'ayant pour hæritage qu'une figure, comme les Mosaïques?.

  A007001439 

 Voyla les raysons generales par lesquelles il appert [346] que nous sommes bien fondés a les interpreter en leur sens expres et formel, non figuré et metamorphosé..

  A007001508 

 Bien que nous soyons plusieurs, nous ne sommes qu' un seul corps dans le Christ. Ne savez-vous pas qu'un peu de ferment [ corrompt ] toute, etc. Saint Augustin, sur le Ps.

  A007001517 

 Qui sont ceux-ci qui volent comme des nuées, comme des colombes vers les ouvertures de leurs colombiers? Puisque à cause de vous nous sommes mis a mort tout le jour, nous sommes regardés comme des brebis d'immolation.

  A007001526 

 Qui nous séparera? Le juste meurt..

  A007001567 

 Courons par la patience au combat qui nous est proposé, contemplant l'Auteur de la foi, auquel la joie étant proposée, il a souffert la croix en méprisant la confusion.

  A007001575 

 ad Cor., 12, saint Pol dict que nous sommes tous membres d'un mesme cors; dont il tire une conclusion conforme a ce quil escrit aux Galath., 6: Alter alterius onera portate, etc.

  A007001577 

 2 nt: affin que tous, tant que nous sommes, reconnoissions nous sommes freres, comme dict saint Augustin, et que partant, sit nobis cor unum et anima una; Act., 4.

  A007001579 

 D'ou nous apprenons que Sursum corda, et quil faut prier de grand'ardeur.

  A007001592 

 Pour nous, nous prêchons Jésus-Christ crucifié.

  A007001603 

 C'est le sujet de l'Evangile que je traitteray maintenant; mays que l'Esprit Saint qui assista a Nostre Seigneur pour ce combat, m'assiste pour vous bien instruire, et vous pour me bien escouter, ce que nous luy devons demander par les intercessions de Nostre Dame.

  A007001603 

 Description que l'Eglise nous fait aujourd'huy pour nous donner courage a semblable execution, car nous devons suivre ce nostre Cappitaine qui se bat aujourd'huy, et nostre vie n'est qu' un perpetuel combat sur la terre.

  A007001603 

 Il faut se battre a bon escient: l'exemple de Nostre Seigneur est devant nos yeux, l'ennemy n'est pas invincible; si nous taschons de suivre nostre Maistre, sans doute que la victoire nous en demeurera.

  A007001603 

 Mays sur tout en ce tems de Caresme ou nous aspirons a la penitence, il nous faut attendre de recevoir des attaques plus rudes et plus frequentes qu'en aucune autre sayson.

  A007001603 

 Voicy le tems de nostre recolte spirituelle; c'est ce qui fera mettre les forces ennemies [367] en campaigne pour nous l'empescher.

  A007001605 

 C'est a dire, nous nous devons garder de trois choses: luxure, avarice, superbe; car nous pouvons trop exceder en desirant trop de moyens exterieurs, de commodités au cors, et trop d'honneur a l'esprit.

  A007001649 

 Pour nous apprendre que nul n'est exempt de combat.

  A007001650 

 Pour nous inspirer la confiance de vaincre..

  A007001651 

 Pour nous enseigner la manière de vaincre, et afin que Celui qui nous porte secours, nous instruisît par son exemple..

  A007001660 

 Servons-nous-en pour prier.

  A007001710 

 O sainte affliction, o benite tribulation qui nous faict recourir a ce celeste Consolateur! Certes, entre tous les prouffitz de la tribulation qui ne sont pas petitz, je trouve celuy cy l'un des plus excellens, qu'elle nous faict revenir a Nostre Seigneur.

  A007001710 

 Quand nous sommes en prosperité, bien souvent nous l'oublions; mays en adversité nous recourons a luy comme a nostre singulier refuge.

  A007001721 

 C'est pourquoy il nous enseigne de dire: Pater noster.

  A007001726 

 Nostre Seigneur nous l'enseigne, se prosternant sur sa face au jardin des Olives.

  A007001750 

 A la vérité, nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés.

  A007001762 

 Elle courut donc à Simon Pierre et à l'autre disciple que Jésus aimait, et leur dit: Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons où ils l'ont mis.

  A007001764 

 Hélas, hélas, mon fils, pourquoi t'avons-nous envoyé en pays étranger? Vous me chercherez et vous me trouverez lorsque vous m'aurez cherché de tout votre cœur.

  A007001794 

 Il me revient seulement de vous dire que saint Jaques, duquel nous faysons aujourdhuy la feste, a mille similitudes avec Jacob et [384] Josué, desquelles je diray quelques unes, si elles se rencontrent sur les chemins de mon discours.

  A007001840 

 O pecheurs, il me semble que je vois mon Seigneur sur la montaigne de Calvaire, qui regarde si nous retournons point a luy.

  A007001857 

 Les bienfaits de Dieu à notre égard sont si nombreux, que, pussions-nous vivre sans fin et le servir de toutes manières, nous n'égalerions pas sa libéralité; et après tout cela, nous devrions dire: Nous sommes des serviteurs inutiles.

  A007001857 

 Mais, que ne devrions-nous pas faire pour la gloire du Ciel? [ Les souffrances ] ne sont pas dignes d'être comparées....

  A007001857 

 Nous devrions avoir autant de sollicitude que Tobie.

  A007001857 

 Sachez que le Seigneur est Dieu; c'est lui qui nous a faits, et non pas nous-mêmes. Donc, tout ce que nous sommes, nous le tenons de lui.

  A007001857 

 Si je vous appartiens parce que vous m'avez créé, combien plus parce que vous m'avez créé une seconde [396] fois! Mais que ne devrions-nous pas faire pour éviter l'enfer? Il m'a mené et ramené.

  A007001868 

 ... Esaü pèche par son retard et perd son droit; nous péchons par retard et révolte.

  A007001868 

 Les Saints, touchés dans leur conscience, ne veulent pas acheter le Paradis à vil prix; et nous, nous le dédaignons absolument.

  A007001877 

 Fous y verres qu'encores que Dieu le nous eust laissé davantage, vous n'eussies pourtant gueres jouy du bien de sa presence; car il avoit tant de charité, qu'il eut tous-jours privé de ce contentement son espouse et sa fille, pour ne point frustrer de son secours l'Eglise sa mere et l'espouse de son Dieu.

  A007001886 

 Je ne le pourrais pas, parce que la perte que nous avons faitte avec toute l'Eglise est si grande, qu'estant extremement sensible elle en est d'autant plus indicible; aussi est il tres difficile de trouver asses de passion pour exprimer un grand dueil.

  A007001886 

 Si Dieu me donnoit autant d'esprit pour discourir et force a bien dire que j'en desirerois maintenant, pour le service de ceste action publique que nous celebrons pour honnorer la memoire du grand Philippe Emmanuel de Lorraine duc de Mercœur, lieutenant general de l'Empereur en ses armees d'Hongrie, je ne pourrois pas pourtant ni ne devrois vous representer, tres illustre et chrestienne assemblee, la justice du regret que nous avons pour son trespas.

  A007001887 

 Il ne m'est donques pas necessaire de vous esmouvoir a regretter ce prince, puisque c'est vous qui y aves le principal interest, et qui, plus sensibles aux affections du public, connoisses trop bien la perte que nous avons faite.

  A007001887 

 Ne vaut il pas beaucoup mieux cesser d'affliger ceux qui sont affligés * et mettre peyne d'essuyer vos pleurs, que de les exciter? Aussi, quand je vois devant et tout autour de moy le feu de tant de flambeaux allumés, signe ordinaire de l'immortalité, et que je me trouve revestu de blanc, couleur et marque de gloire, je connois bien que mon office n'est pas maintenant (et je vous supplie, Messieurs, de ne le pas desirer de moy), de vous representer les raysons que nous avons eu de regretter et plaindre, mays plustost celles que nous avons de finir nos regretz par le commencement de la consideration du bien dont jouyt ce grand prince par son trespas, affin que le sujet que nous avons de nous resjouyr attrempe et modere la violence du ressentiment que nous avons de ceste grande perte, quoy que je sçache que l'on doit permettre quelque chose a la pieté, mesme contre le devoir, et qu'en une douleur extreme c'est une partie du mal que d'ouÿr des consolations..

  A007001888 

 N'est ce pas l'excellente bonté, la valeur, la vertu du prince trespassé qui rend nostre perte incomparable? Et n'est ce pas la mesme bonté, valeur et vertu qui nous obligent de recevoir la consolation?.

  A007001888 

 Permettes moy, je vous supplie, puysqu'aussi bien les larmes que nous espandons pour nos amis nous meneront plustost a eux qu'elles ne nous les rameneront, et que les pleurs apres la mort sont de tardives preuves d'amitié, permettes moy, dis je, Messieurs, que je revoque vos [401] espritz a la consolation, plustost que de les provoquer a une plus grande affliction.

  A007001889 

 Soit donq que je jette les yeux sur son bien pour nous consoler ou sur nostre mal pour nous affliger, je ne puys eschapper de l'abisme de ses vertus infinies, dont la grandeur et l'esclat est insupportable a la foiblesse de mes yeux.

  A007001896 

 Mays, helas, que nous sommes trompés! Ilz sont en la paix et au repos de la vraye et constante vie, et nous sommes bien avant dans la mort, en laquelle nous nous enfonçons tous-jours de plus en plus jusques a tant que nous l'ayons passee..

  A007001896 

 Nous nous imaginons qu'ilz sont mortz et en la mort, et ilz ne le sont plus; ilz le furent seulement au dernier instant de ceste vie mortelle.

  A007001896 

 Nous ressemblons a ceux qui vont sur mer le long de la rade et terre a terre: il leur est advis que les arbres les laissent et se reculent d'eux, et que le navire dans lequel ilz sont portés est du tout immobile et sans changer de place; car il nous semble que ceux qui sont [403] decedés de ce monde sont tous-jours en la mort et que nous sommes en la vie.

  A007001896 

 O si nous pouvions comprendre les verités que nous recevons par la foy, combien nous serions aysement consolés en la mort de ceux auxquelz nous avons quelque devoir d'amitié ou d'honneur! Sapientiam loquimur inter perfectos.

  A007001896 

 Telles pensees ne sont pas dignes de nous, si nous ne voulons estre de ceux auxquelz le Sage donne tiltre de folz: Visi sunt oculis insipientium mori.

  A007001897 

 Nous mourons tous les jours, et nostre vie s'en va par pieces et morceaux, comme cest animal des Indes, lequel estant de sa nature terrestre, petit a petit et piece a piece perd du tout son estre naturel et devient entierement poisson; car ainsy, piece a piece, nous changeons ceste vie mortelle, jusques a tant que par une entiere et finale mutation, que nous appelions mort, nous ayons du tout acquise une vie immortelle..

  A007001898 

 Et certes, comme les ratz du Nil se forment petit a petit, et ne reçoivent la vie en tous leurs membres ensemblement, aussi les philosophes sont bien d'accord que nous ne vivons pas tout a coup ni ne mourons pas en un moment, puysqu'ilz disent que le cœur est le premier membre qui vit en nous et le dernier qui meurt.

  A007001898 

 Mais, je vous supplie, nostre Dieu ne dit-il pas au premier homme qu'au jour qu'il mangeroit du fruit defendu il mourroit de mort? Et neanmoins, si nous parlons selon le vulgaire, il ne mourut qu'apres plusieurs centaines d'annees despuis qu'il eut prevariqué; toutefois la verité est qu'il commença a mourir des le jour qu'il eut offencé, et continua jusques a son dernier jour..

  A007001899 

 Ah que nous sommes donq bien trompés quand nous appelions mortz ceux qui ont passé ceste vie mortelle, et vivans ceux qui la passent encor! Nous nommons vivans ceux qui meurent, parce qu'ilz n'ont pas achevé [404] de mourir, et ceux qui ont achevé de mourir, nous les apppellons mortz.

  A007001899 

 Mais si nous les voyions maintenant qu'ilz en sont delivrés, mon Dieu, que nous serions honteux de les avoir appellés mortz, et que nous serions en peyne de trouver des belles parolles pour exprimer l'excellence de la vie en laquelle ilz sont arrivés! Aussi nostre langue françoise ne les appelle pas mortz, mais trespassés, protestant asses que la mort n'est qu'un passage et trait, au dela duquel est le sejour de la gloire..

  A007001899 

 Nous imitons les peintres qui ne sçavent representer les Anges qu'avec des cors, parce que jamais ilz ne furent veuz autrement; car ainsy n°us nommons les deffunctz mortz, parce que nous ne les avons jamais veuz sinon en la mort de ceste vie ou en la vie de ceste mort.

  A007001900 

 Il n'est pas si loin de nous que nous pensons; il y est allé, selon le vulgaire des hommes, en un moment, car la mort, a leur advis, ne dure pas davantage; mais selon les sages, il a mis quarante trois ans en ce voyage..

  A007001900 

 Que si nous n'avions la veuë si debile, nous le verrions bien loin au dela de la mort, en ce jardin celeste ou il jouît des consolations eternelles.

  A007001901 

 Helas, que ce terme est court! La pluspart de nous a desja beaucoup plus employé d'annees; les uns n'y vont pas si viste que les autres, mais presque tous neanmoins y vont tousjours plus viste qu'ilz ne voudroyent.

  A007001901 

 Nous avons mille peynes et travaux pour parvenir ou il est; pourquoy serons nous faschés qu'il y soit arrivé? Pourquoy pleurerons nous tant le trespas de ce prince, lequel pleureroit, s'il estoit en lieu de larmes, avec beaucoup plus de rayson le retardement du nostre, que nous n'avons pas pleuré l'avancement du sien? Nolo vos ignorare de dormientibus, ut non contristemini, sicut et cæteri qui spem non habent.

  A007001902 

 Bref, par la hauteur et latitude des actions que nous faysons ça bas, ilz mesurent les distances et estendues de la gloire que nous aurons en ce grand mont celeste: Prout gessit unusquisque in corpore suo, sive bonum, sive malum..

  A007001902 

 Mays par ce que ceste consolation que je vous presente est fondee sur la certayne esperance que nous avons que nostre trespassé est receu en la main droitte de son Dieu avec tous les justes, Justorum animæ in manu Dei sunt, voyons je vous supplie, le sujet que nous avons d'une confiance tant asseuree.

  A007001903 

 Si donques nous sçavons quelles ont esté les actions de l'ame de ce grand prince pendant qu'elle estoit en ce monde, et que, jointe a son cors, elle nous donnoit le bonheur de sa conversation, nous aurons asseurance par ceste inspection de ce qu'elle est au Ciel; que s'il nous reste aucun desir d'aspirer a ce siege de gloire, nous aurons un riche exemplaire et beau sujet d'imitation.

  A007001907 

 C'est tous-jours Dieu qui fait en nous tout nostre salut, il en est le grand architecte; mays il procede differemment en ses misericordes, car il nous donne certains biens sans nous, et d'autres avec l'entremise de nos desirs, travaux et volontés.

  A007001909 

 Mays si nous passons en Espagne, vous y verres Henri, frere de Guillaume duc de Lorraine, lequel ayant fidellement et vaillamment combattu pour la religion sous Alphonse roy de Castille, en la guerre qu'il avoit lhors contre les Maures et Sarrasins, espousa en recompense sa fille, qui luy porta en dote la province laquelle despuis erigee en royaume est appellee Portugal, ou la race de ce premier Henri a fort chrestiennement et genereusement regné jusques au dernier Henri, Cardinal, trespassé de nostre tems..

  A007001910 

 Allons en Italie, et nous y verrons le riche et fertile [410] royaume de Sicile.

  A007001910 

 Mais qui ne sçait que les deux ducz de Lorraine, René premier et second, en furent rois? Et par ce, passons outre mer, et voyons l'heureuse Palestine en laquelle nostre redemption fut faitte; nous y contemplerons ce trois fois grand Godefroy de Bouillon, lequel ayant quitté son païs et ses biens, et mesme vendu son duché de Bouillon, pour chasser les infidelles de la Terre Sainte, y alla armé de zele et de religion, brave et conquerant, et comme un autre Josué il establit la foy au peril de son sang au lieu ou le Sauveur avoit respandu le sien pour la planter et faire le salut des hommes.

  A007001914 

 Et a la verité, l'extraction sert de beaucoup et a un grand pouvoir sur nos desseins, voire sur nos actions mesmes, soit pour la sympathie des passions que nous empruntons souvent de nos predecesseurs, soit pour la memoire que nous conservons de leur prouesse, soit aussi pour la bonne et plus curieuse nourriture que nous en recevons..

  A007001914 

 Tellement qu'il m'a esté bien-seant de parler de son extraction, quoy qu'il semble a plusieurs que la noblesse estant chose hors de nous, nos seules actions soyent nostres.

  A007001916 

 Saint Paul partage le devoir d'un Chrestien en trois [413] vertus: en la sobrieté que nous appelions temperance, en la justice et en la pieté: Ut sobrie, juste et pie vivamus, dit-il; la temperance au regard de nous mesmes, la justice quant au prochain, et la pieté pour ce qui concerne le service de Dieu..

  A007001917 

 Aussi n'ignoroit il pas que les voluptés ne nous embrassent que pour nous estrangler, et que pour cela nostre ame ne doit point autrement regarder nostre cors que comme les fers de sa captivité.

  A007001919 

 Et ce que je prise le plus, il estoit fort instruit en ceste partie de la theologie morale qui nous enseigne les regles de bien establir la conscience.

  A007001920 

 Or, que pouvoit-on attendre d'une telle moderation et temperance qui luy estoit naturelle, sinon « une perpetuelle volonté de n'offencer personne et de rendre a chacun ce qui luy appartient, » qui est ce que nous [415] appelions justice? Quand l'a-on jamais veu maltraitter ou offencer personne? Ses domestiques tesmoignent que c'estoit la douceur et patience mesme.

  A007001921 

 Il ne s'attribuoit rien de ses richesses que la puissance de les dispenser, sçachant bien que la lueur de l'or et celle de l'espee ne nous doivent non plus esblouir l'une que l'autre..

  A007001923 

 A ce saint autel de la religion il avoit consacré son ame, voué son cors, dedié toute sa fortune, et pouvoit bien dire avec ce grand Roy: Deus, docuisti me a juventute mea; In te projectus sum ex utero; [416] car si nous considerons les desirs de la jeunesse, ce n'ont esté que les fleurs des fruitz qu'il a fait paroistre en son plein aage..

  A007001925 

 Mais la louange d'avoir si bien nourri ses premieres inclinations a la vertu parmi tant de rencontres et d'occasions doit estre fort consideree en ce prince, veu que, comme nous avons ja dit, ni la cour ni la guerre, ennemies jurees de la devotion, quoy qu'aydees des secrettes amorces de la jeunesse, beauté et commodités de cest excellent prince, ne peurent jamais rien gaigner dessus son ame, laquelle il maintenoit tous-jours pure parmi tant d'infections.

  A007001952 

 Consideres aussi le credit qu'il s'estoit acquis: voyes l'archiduc [427] frere de l'Empereur, sous sa conduitte, penses aux grans faitz d'armes qu'il a executés en si peu de tems, resouvenes vous de la puissance de l'ennemy qu'il a deffait, l'inegalité de ses forces avec la monstrueuse multitude des Turcz, et vous admireres l'immensité des merites de ce prince, mays plustost de ce grand miracle, duquel nous devons bien tous remercier le grand Dieu des armees, qui a voulu deffaire ses ennemis par le bras de ce prince, prenant en main la justice de la cause..

  A007001959 

 O trespas, que tu nous prives de grandes choses! Si nous croyons le desir des siens, voire de tous les gens de bien, ce grand prince a fort peu vescu; si nous mesurons la grandeur de ses actions, il a asses vescu; si nous mesurons la misere du tems, il a trop vescu; si nous regardons la memoire de ses beaux exploitz, il vivra aeternellement..

  A007001962 

 Mays il nous a laissé ceste sainte devise qu'il a tant cheri en ce monde, montant en l'autre; car le mot est bon pour avoir le passage au Ciel, mais il ne se peut dire des qu'on y est entré.

  A007001963 

 Si l'esprit de ce prince a quelque soin de nous, comme il n'en faut pas douter, je crois que c'est principalement pour le desir qu'il a que quelqu'un luy succede [433] qui puisse comme luy porter pour sa devise: « Plus de foy que de vie.

  A007001963 

 Voyla donques la devise de ce vaillant et genereux prince qu'il nous laisse ici bas.

  A007001964 

 Il me semble que je le voy nous arraisonnant avec une grace celeste presque en ces termes: Quis consurget mihi adversus malignantes? aut quis stabit mecum adversus operantes iniquitatem? Je suis maintenant en ceste vie heureuse ou la foy n'arrive point, ou il n'y a plus d'esperance, car la clarté a chassé la foy, et la jouissance a banni l'esperance.

  A007001967 

 Nous vous donnons tous nos vœux et souhaitz.

  A007001967 

 Que si neanmoins le secret inscrutable de nostre Dieu vous avoit encores confiné, o devot et genereux esprit, pour quelque tems au sejour de purgation, voicy que nous vous donnons nos prieres et oraysons, nos jeusnes et nos veilles et tout ce que nous pouvons, et sur tout ces saintz Sacrifices, aflin qu'ilz vous soyent appliqués.

  A007001992 

 Ces deux instructions nous montreront combien il fut grand avant sa naissance, combien durant sa vie.

  A007001992 

 Montrons aujourd'hui sa grandeur dans le sein de sa mère, nous dirons demain sa grandeur dans le monde..

  A007002019 

 Avec quel soin devons-nous conserver les grâces I Comme les roses entre les épines.

  A007002021 

 Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions certainement point jugés..

  A007002034 

 Et ceux cy sont pleins de consolation: c'est qu'elle est montee pour l'honneur de son Filz et pour exciter en nous une grande devotion.

  A007002034 

 Mais, mon Dieu, si la reception de ceste ancienne Arche fut si solemnelle, quelle devons nous penser avoir esté celle de la nouvelle Arche, je dis de la tres glorieuse Vierge Mere du Filz de Dieu, au jour de son Assumption? O joye incomprehensible! o feste pleine de merveilles, et qui fait que les ames devotes, les vrayes filles de Sion, s'escrient par admiration: Quæ est ista quæ ascendit? Qui est celle cy laquelle monte du desert? Et pour vray, ces pointz sont admirables: la Mere de la vie est morte, la morte est resuscitee et montee au lieu de la vie.

  A007002037 

 Dequoy nous ne pouvons aucunement douter, puisque saint Luc, au 2.

  A007002038 

 Il nous suffit de sçavoir que ceste sainte Arche de la nouvelle alliance demeura ainsy en ce desert du monde, sous les tentes et pavillons, apres l'Ascension de son Filz..

  A007002038 

 [441] par la a verifier ce que nous chantons d'elle: « Cunctas haereses interemisti; Tu as ruyné, o Vierge, et destruit toutes les heresies.

  A007002039 

 Il est vray que l'Escriture nous enseigne en termes generaux que tous les hommes meurent, et n'y en a pas un qui soit exempt du trespas, mais elle ne dit pas que tous les hommes sont mortz, ni que tous ceux qui ont vescu soyent des-ja trespassés; au contraire elle en excepte quelques uns, comme Helie qui sans mourir fut transporté sur le chariot de feu, et Enoch qui fut ravi par Nostre Seigneur avant qu'il aye senti la mort; et encores saint Jean Evangeliste, comme je pense estre le plus probable selon la parole de Dieu, ainsy que je vous ay remonstré cy devant, le jour de sa feste en may.

  A007002039 

 Mais la verité est qu'elle est morte et trespassee aussi bien que son Filz et Sauveur, car encor que cela ne se peut prouver par l'Escriture, si est ce que la tradition et l'Eglise, qui sont d'infallibles tesmoins, nous en asseurent..

  A007002039 

 Que si cela est certain comme il l'est, il est aussi tres certain qu'en fin ceste sainte Dame mourut; non que l'Escriture le tesmoigne, car je ne trouve aucune parole en l'Escriture ou il soit dit que la Vierge soit morte; la seule tradition ecclesiastique est celle-la qui nous en asseure, et la sainte Eglise, laquelle le confirme en l'orayson secrette qu'elle dit au saint office de la Messe de ceste feste.

  A007002041 

 La rayson fondamentale est parce que Nostre Dame n'avoit qu'une mesme vie avec son Filz, elle ne pouvoit donq avoir qu'une mesme mort; elle ne vivoit que de la vie de son Filz, comme pouvoit-elle mourir d'autre mort que de la sienne? C'estoyent a la verité deux personnes, Nostre Seigneur et Nostre Dame, mais en un cœur, en une ame, en un esprit, en une vie; car si le lien de charité lioit et unissoit tellement les Chrestiens de la primitive Eglise, que saint Luc asseure qu'ilz n'avoyent qu' un cœur et une ame (aux Actes, 4 ), combien avons nous plus de rayson de dire et croire que le Filz et la Mere, Nostre Seigneur et Nostre Dame, n'estoyent qu' une ame et qu'une vie?.

  A007002053 

 C'est la verité, o peuple, plus les paroles de Nostre Seigneur furent douces, plus furent elles cuisantes a la Vierge sa Mere, et le seroyent a nous si nous aymions son Filz.

  A007002053 

 Rien ne nous fait tant ressentir la douleur d'un amy que les asseurances de son amour..

  A007002054 

 Mais revenons a nous, je vous prie.

  A007002057 

 Elle attendit l'heure, heure bienheureuse pour nous, a laquelle l'amour luy fit l'entree et luy livra Nostre Seigneur piedz et mains cloué; si que ce que la mort n'eut peu faire, l'amour, aussi fort qu'elle, l'entreprit et le fit.

  A007002058 

 Mais non, il ne voulut pas; l'amour qu'il nous portoit comme une Dalila luy osta toute sa force, et se laissa volontairement mourir; et partant il n'est pas dit que son esprit sortit de luy, mais qu'il le rendit: Emisit spiritum.

  A007002064 

 N'est il pas vray que nonobstant ces regles, plusieurs resusciterent au jour de la resurrection, Multa corpora sanctorum qui dormierant resurrexerunt? Et pourquoy non la Vierge, a laquelle, dit le grand Anselme, nous ne devons refuser aucun privilege ni honneur qui soit accordé a aucune creature simple?.

  A007002065 

 Et si quelqu'un veut contredire, nous avons a luy respondre, comme fit en cas pareil l'Apostre: Si quis videtur contentiosus esse, nos talem consuetudinem non habemus, neque Ecclesia Dei; Que s'il y a quelqu'un qui semble estre contentieux, nous n'avons point telle coustume, ni aussi l'Eglise de Dieu..

  A007002065 

 L'Escriture, laquelle ne contredit ni a l'une de [452] ces deux verités ni a l'autre, n'en establit aussi ni l'une ni l'autre par paroles bien expresses; mays la sainte tradition qui nous enseigne qu'elle est decedee, nous apprend avec esgale asseurance qu'elle est resuscitee, et si quelqu'un refuse credit a la tradition pour la resurrection, il ne sçauroit convaincre celuy qui en fera de mesme pour la mort et trespas.

  A007002065 

 Mais en fin, si l'on me presse pour sçavoir quelle certitude nous avons de la resurrection de la Vierge, je respondray que nous en avons tout autant que de son trespas.

  A007002065 

 Mays nous qui sommes Chrestiens, croyons, asseurons et preschons qu'elle est morte, et bien tost resuscitee, parce que la tradition le porte, parce que l'Eglise le tesmoigne.

  A007002067 

 Mays qui est l'enfant qui ne resuscitast sa bonne mere, s'il pouvoit, et ne la mist en Paradis apres qu'elle seroit decedee? Ceste Mere de Dieu mourut d'amour, et l'amour de son Filz la resuscita; et en ceste consideration laquelle, comme vous voyes, est toute raysonnable, nous disons aujourd'huy: Quæ est ista quæ ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super Dilectum suum? C'est le sujet de nostre feste, c'est l'occasion de ceste grande allegresse que tous les saintz celebrent en l'Eglise militante et triomphante..

  A007002068 

 Et comme douterons nous qu'a l'Assumption de la tressainte Mere du Sauveur tous les Anges n'ayent fait feste et celebré sa venue par toutes sortes de cantiques de joye, auxquelz joignans nos vœux et affections, nous devons faire une solemnelle feste avec des voix et chans de triomphe: Qui est celle ci qui monte du desert, abondante en delices?.

  A007002070 

 Et si bien par la penitence nous sommes restablis, si voyes vous qu'il y a bien du mauvais mesnage en nos affaires, car nous perdons beaucoup de tems; et si, nos forces demeurent affoiblies apres le peché, et mesme apres la penitence, si que nostre amas ne peut estre grand.

  A007002070 

 Voules vous voir clair en ceste doctrine? Sçaches qu'en matiere de bonnes œuvres, il n'y a personne qui commence si tost a en faire ni qui continue si diligemment comme fit Nostre Dame; car quant a nous autres, nous commençons bien tard a en faire, et si nous en faysons, bien souvent nous les perdons par le peché et ne continuons pas; si que l'amas ne s'en trouve pas fort grand, car bien qu'a l'adventure nous assemblons quelques deniers de merite, ce n'est que quelquefois, et bien souvent nous jouons et dissipons nostre argent en un coup de peché.

  A007002072 

 C'est la conclusion de toutes les louanges que l'Eglise donne saintement aux Saintz, et sur tout a la Vierge; car nous les rapportons tous-jours a l'honneur de son Filz, par la force et vertu duquel elle monte et a receu la plenitude des delices.

  A007002072 

 Mais voyons le reste de la sentence que nous avons choisie pour sujet.

  A007002074 

 Tant s'en faut que nous voulions mettre en comparayson absolue le Filz avec la Mere, comme nos adversaires croyent ou font semblant de croire pour le persuader au peuple..

  A007002075 

 Bref, nous la nommons belle, et belle plus que tout le reste des creatures, mais belle comme la lune qui reçoit sa clarté de celle du soleil, car elle reçoit sa gloire de celle de son Filz.

  A007002076 

 Le Sauveur est advocat de justice, car il plaide pour nous, alleguant le droit et rayson de nostre cause; il produit nos pieces justificatives, qui ne sont autres que sa redemption, que son sang, que sa croix; il confesse a son Pere que nous sommes debiteurs, mais il fait voir qu'il a payé pour nous.

  A007002076 

 Mais la Vierge et les Saintz sont advocatz de grace: ilz supplient pour nous qu'on nous pardonne, et le tout par la Passion du Sauveur; ilz n'ont pas pour monstrer dequoy nous justifier, mais s'en confient au Sauveur; bref, ilz ne joignent pas leurs prieres a l'intercession du Sauveur, car elles ne sont pas de mesme qualité, mais aux nostres.

  A007002076 

 Si Jesus Christ prie au Ciel, il prie en sa vertu; mais la Vierge ne prie que comme nous en la vertu de son Filz, mais avec plus de credit et de faveur.

  A007002077 

 Et reginæ laudaverunt eam: et non seulement le peuple, mais les ames plus relevees, les prelatz, les docteurs, les princes et monarques l'ont loüee et magnifiee; et comme les oyseaux commencent a gazouiller chacun en son ramage a la pointe du jour, ainsy tous se sont evertués a celebrer ses honneurs, comme elle mesme l'avoit præveu, disant: Beatam me dicent omnes generationes, a la suitte desquelz tous les fidelles doivent, et vous le deves plus particulierement, o Parisiens, l'invoquer et luy obeyr, qui sont les deux premiers honneurs que nous luy pouvons rendre et qu'elle nous a invité a luy rendre..

  A007002078 

 En ces deux actes est comprins l'exercice de la charité et volonté de la Vierge a l'endroit des hommes; c'est de prier pour eux, et partant nous la devons invoquer avec grande confiance.

  A007002079 

 Mais elle ne demeura gueres morte, mais fut resuscitee, et monta du desert de ce monde la haut en Paradis, ou elle est au supreme degré de toutes les creatures; et tout cela pour la plus grande gloire de son Filz, pour laquelle elle prie pour nous et nous demande que nous luy soyons fidelles serviteurs..

  A007002079 

 O Chrestiens, voulons nous que la Vierge nous exauce? exauçons la.

  A007002081 

 O tres sacree et tres heureuse Dame, qui estes au plus haut du Paradis de felicité, helas, ayes pitié de nous qui sommes au desert de misere; vous estes en l'abondance des delices, et nous sommes en l'abisme des desolations; impetres nous la force de bien porter toutes afflictions, et que nous soyons tous-jours appuyés sur vostre Bien-aymé, seul appuy de nos esperances, seule recompense de nos travaux, seule medecine de nos maux.

  A007002081 

 Soyes propice au Roy: vostre grand père [461] David fit du bien au filz de Jonathas pour la memoire des services et offices receuz de Jonathas, et ce Roy est petit filz d'un de vos plus fidelles et devotz serviteurs, le bienheureux saint Louys; nous vous prions de luy donner vostre protection au nom de ce saint Roy.

  A007002173 

 Quelle force plus que celle de l'amour nous prive de nos biens? La chaleur des rayons du soleil nous oblige à rejeter nos vêtements; mais cet astre même revêt les arbres de fleurs et de feuilles.

  A007002196 

 C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés.

  A007002199 

 Nous ressusciterons tous. La trompette: Il enverra ses Anges avec une trompette et une voix éclatante.

  A007002199 

 Voici que je vais vous dire un mystère: A la vérité, nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés.

  A007002200 

 Job, dans la loi de nature, témoigne, en conformité avec nous, de sa foi à l'article de notre résurrection; bien que celle-ci se puisse faire par Dieu seul.


08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons.html
  A008000123 

 Nous cherchons l'eau en la mer.

  A008000128 

 Maître, nous voulons voir un miracle de vous.

  A008000132 

 Maitre, nous voulons voir.

  A008000132 

 Tes yeux sont ceux des colombes... Beaucoup disent: Qui nous montre le bien?.

  A008000154 

 Là, nous sommes enfants de Dieu... Cet homme souffre depuis trente-huit ans.

  A008000155 

 Nous ne sommes pas capables.

  A008000183 

 [2.] Ce qui nous fait mourir dans le péché..

  A008000205 

 Notre tribulation présente, légère et momentanée, opère en nous sans mesure dans la sublimité un poids éternel de gloire..

  A008000206 

 Car tout ce que nous avons vient de notre Dieu; c'est donc par Dieu que nous sommes utiles.

  A008000206 

 Quand vous aurez fait tout cela, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles.

  A008000206 

 Saint Augustin: Parce que nous sommes esclaves par nature, nous ne méritons que par la volonté de Dieu.

  A008000206 

 Saint Bède: Nous avons moins mérité que nous ne recevrons; au delà de notre mérite.

  A008000206 

 Saint Bède: Pour Dieu, non pour nous, parce qu'il n'a pas besoin de nos biens.

  A008000236 

 Avec quel à propos pouvons-nous dire ceci! Un pauvre avait seulement une petite brebis; il l'avait achetée, nourrie: elle mangeait de son pain et buvait de sa coupe, dormait sur son sein.

  A008000236 

 Qui nous donnera de nous [12] rassasier de sa chair? L'Epouse: Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe, il demeurera entre mes mamelles.

  A008000237 

 C'est pour cela que nous sommes tous frères, parce que par le même corps et le même sang nous sommes nourris pour la vie éternelle..

  A008000237 

 Nous sommes tous un seul corps, nous qui participons à un seul pain et à un seul calice.

  A008000241 

 Celui qui se donne à nous dans la manne d'une maniere cachée, nous donnera ensuite le reste à découvert.

  A008000270 

 Et comment avons-nous entendu chacun notre langue dans laquelle nous sommes nés? Chacun entend sa langue: le mondain entend la langue du monde, l'orgueil; le charnel entend la langue de la chair, la concupiscence; le fils du diable entend la langue du diable, les querelles.

  A008000271 

 Mais vous direz: Nous avons entendu.

  A008000272 

 Mais la cause principale pour laquelle ils n'entendent pas est la haine, la malveillance dont nous les voyons animés.

  A008000273 

 Les Juifs dirent donc; Maintenant nous connaissons qu'il y a un démon en [18] vous; Abraham est mort, et les Prophètes aussi, qui prétendez-vous être? Jésus répondit: Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien; c'est mon Père, etc..

  A008000273 

 Les Juifs répondirent et lui dirent: Ne disons-nous pas avec raison que vous êtes un Samaritain et qu'un démon est en vous? Ces paroles-ci sont bien les propos du diable, c'est-à-dire, des blasphèmes, des paroles infernales.

  A008000296 

 Courage donc! Des yeux de l'âme, contemplons son Ascension; et, de crainte que nos yeux soient éblouis, demandons à Dieu la grâce qui nous permettra de le voir, par l'entremise de Celle dont il s'est servi pour se rendre visible aux hommes.

  A008000296 

 Il en sera de même assurément, auditeurs: si nous voyons l'Ascension du Christ, le trésor le plus abondant de ses dons nous sera communiqué.

  A008000302 

 II aux Antiochiens: «Elie laisse à son disciple son manteau; le Fils de Dieu, montant au Ciel, nous laisse sa chair; mais Elie s'était dépouillé, le Christ, lui, nous laisse sa chair sans la quitter lui-même,» bien qu'il la cache..

  A008000304 

 Mais pourquoi ne nous entraine-t-il pas? L'aimant attire le fer, pourvu que n'y mettent obstacle ni un diamant interposé, ni une substance graisseuse, ni l'ail.

  A008000331 

 Sa divine Majesté nous veuille rendre tout siens.

  A008000345 

 Comme le Christ est l'Epoux, bien que nous ne puissions douter de son amour, cependant, pour notre consolation, voyons les témoignages d'amour de Jésus envers sa Mère..

  A008000349 

 Qui nous séparera de la charité du Christ? Je suis cloué a la croix avec le Christ..

  A008000351 

 Prenez-nous les petits renards qui ravagent les vignes, car ma vigne a fleuri.

  A008000400 

 Aussi voulons-nous traiter de nouveau ce sujet, en y joignant toutefois le retour d'Egypte.

  A008000401 

 Quel est cet Ange? Ce ne fut pas certes celui clu Christ si nous l'entendons du génitif d'intérêt, mais ce fut bien celui du Christ s'il s'agit du génitif de possession; car il lui fallait un Ange, non comme gardien mais comme Berviteur.

  A008000406 

 Qui nous séparera? Pour moi, il m'est bon d'adhérer a Dieu.

  A008000407 

 Quant à ceux-ci, ils nous aident, nous stimulent par leurs inspirations, leurs lumières.

  A008000407 

 Toutefois, Dieu veut que nous soyons ordinairement instruits par les hommes [35] et non par les Anges.

  A008000411 

 Bon Dieu! et nous, nous voulons que tout prospère, que tout nous sourie! [37].

  A008000437 

 Pour contempler ce mystère nous ne voulons d'autre étoile que Marie..

  A008000438 

 Les présents apaisent Dieu, et nous l'apaisons ainsi par instinct naturel, témoin Abel..

  A008000439 

 Nous l'apprendrons par l'exemple des Mages; car le premier acte en chaque genre sert de type aux autres.

  A008000439 

 «Par les dons, croyez-m'en, hommes et dieux s'apaisent.» (Aussi lit-on dans l'Exode, XXIII: Tu ne paraîtras pas devant moi les mains [38] vides; Deut., XVI: Personne ne paraîtra devant moi les mains vides.) C'est pourquoi il nous est nécessaire de connaître la manière d'offrir à Dieu nos présents.

  A008000446 

 Pourquoi? Et nous sommes venus adorer le Seigneur..

  A008000476 

 La despouille du premier serpent c'est la mort, car il nous la donna.

  A008000490 

 Dans ce premier sermon nous traiterons de ces deux termes; dans les autres, des moyens.

  A008000490 

 Les grenouilles, dans les marais, pouvaient coasser de bonheur en ce temps de pluies et de brouillards, mais voici que la céleste philomèle et la tourterelle se félicitent réciproquement de ce temps sec du jeûne et de ces jours sereins de la pénitence; leur chant nous réjouit par l'harmonie si suave de ses accents de pénitence et d'espoir.

  A008000490 

 Voici les préludes de tout le Carême, voici les deux termes de la pénitence: celui duquel nous partons, la cendre; celui auquel nous tendons, le Ciel: de la misère, aux trésors.

  A008000491 

 Eh bien! ce trésor secret, ouvrez-le nous, car voici que votre fils grossi, pour ainsi dire, et débordant de la trop grande abondance de ses trésors, s'écrie: Thésaurisez des trésors dans le Ciel..

  A008000491 

 Qui donc les y a recélés? N'est-ce pas vous, ô Vierge? Mais dites-moi, ô Mère très aimante, [45] pour qui les mères cachent-elles des trésors, si ce n'est pour leurs enfants? C'est donc pour nous que vous les avez cachés.

  A008000492 

 Donnez-nous quarante jours, et si nous ne faisons pénitence, exterminez-nous.

  A008000492 

 O Seigneur Dieu, souvenez-vous que nous sommes poussière et que nous retournons en poussière.

  A008000492 

 O Souveraine très humble, enseignez-nous l'humilité.

  A008000492 

 O bonne Mère, ouvrez-nous ce que vous avez caché, mais de nouveau dès que nous aurons thésaurisé, cachez ces trésors en nous, comme vous les avez cachés en votre Fils.

  A008000492 

 Seigneur, il n'existe au Ciel que des trésors de sagesse, de science et de bonté; mais vous les possédez tous, ils sont tous en vous; pourquoi donc dites-vous: Thésaurisez? Livrez-nous vous-même vos trésors, et nous thésauriserons; et puisque votre Mère, comme trésorière, cache des trésors, ordonnez-lui de nous les ouvrir.

  A008000492 

 Vous les avez cachés en votre Fils sous l'humble enveloppe d'une chair mortelle, cachez-les en nous sous le souvenir de la mort et de notre fin.

  A008000492 

 Vous montrez votre puissance contre une poussière que le vent de la mort emporte de la face de la terre, et vous poursuivez une paille sèche? Pardonnez, pardonnez-nous, Seigneur, et nous ferons pénitence.

  A008000493 

 Oui, mes Frères, nous mourons; de plus en plus, le Royaume des cieux approche, et par la pénitence nous sont préparés d'indéfectibles trésors.

  A008000493 

 Quant à vous, ô Dieu, qui êtes Père et Fils et Saint-Esprit, bénissez-nous tous..

  A008000494 

 Pour terrasser Holopherne, c'est-à-dire le démon avec tous ses suppôts, le monde, la chair, leurs séductions, nous avons aussi, mes Frères, un double devoir; il faut: 1.

  A008000494 

 nous couvrir du cilice et de la cendre, dompter notre corps et mortifier notre chair: «Souviens-toi, ô homme.» Convertissez-vous à moi dans le jeune, les pleurs et les gémissements; 2.

  A008000498 

 Et le Seigneur nous montre cela quand il dit: Lorsque vous jeûner ne soyez pas tristes comme les hypocrites, afin d'être vus des hommes.

  A008000499 

 Montrez-vous joyeux; prenez votre visage des bonnes fêtes, Saint Chrysostôme: Le Christ est la tête que [51] nous oignons par notre pitié pour les pauvres, etc.; lave ton visage, c'est-à-dire ta conscience.

  A008000500 

 Je la donnerai, je ne la rendrai pas, répondit Philippe; et les Athéniens reprirent: Nous ne la recevrons pas comme don, nous la recouvrerons.

  A008000503 

 Ainsi [54] saint Paul fut père: Car eussiez-vous plusieurs milliers de précepteurs, vous n'avez cependant pas plusieurs pères, etc.; il fut mère: Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement. » Or, comment le Christ nous vivifie de son sang, nous le comprenons; comment de sa bouche il nous donne la mort, la chose est moins claire.

  A008000503 

 Le Christ envers nous a une autorité paternelle et une maternelle affection, comme la poule qui, par autorité, rassemble ses poussins, et par affection les réchauffe.

  A008000504 

 La [55] connaissance de Dieu est le brouillard, la connaissance de nous-mêmes, la cendre répandue.

  A008000504 

 Le brouillard est la connaissance confuse de Dieu, qu'il répand comme la cendre, c'est-à-dire, selon la connaissance que nous avons de nous-mêmes.

  A008000505 

 Ainsi nous disons la langue grecque, pour désigner non pas l'organe, la langue, mais son action, c'est-à-dire, la parole grecque; ou, j'ai reconnu la main, pour dire, l'œuvre d'une telle main.

  A008000506 

 Ainsi le Christ, tout couvert des merites de sa Passion, nous appelle, et, en nous appelant, il nous blesse pour que nous recourions à ses merites.

  A008000527 

 Et afin que ses enfants observent cette règle: Mes Frères [dit-elle,] l'heure est venue, etc. C'est l'enthymème de saint Paul: Notre salut est maintenant plus proche que lorsque nous avons cru; la nuit passe et le jour [59] approche; donc l'heure est venue de nous lever de notre sommeil.

  A008000527 

 Et l'Apôtre développe cette conséquence: Marchons dignement comme durant le jour, etc.; rejetons les œuvres de ténèbres, et revêtons-nous des armes de lumière, etc..

  A008000529 

 Ainsi saint Paul: Or ces choses ont été écrites pour notre instruction, pour nous qui nous trouvons à la fin des temps... Mes petits enfants,cette heure est la dernière... Ses voies sont souillées en tout temps; vos jugements sont otés de devant sa face.

  A008000531 

 [3.] Saint Grégoire: La nuit est le temps de la Loi mosaïque; l'aurore, celui de la Loi évangélique; le jour, la résurrection; le temps intermédiaire nous offre l'ombre sans la réalité, au Ciel nous aurons la réalité sans ombre, etc. L'heure est venue; lève-toi, toi qui dors.

  A008000533 

 Nous les avons déjà rejetées, rejetons-les de nouveau.

  A008000550 

 Or, voici que le Christ vient à notre recherche et l'Eglise nous invite à bien le recevoir: Il y aura des signes, etc. Combien est utile la crainte de Dieu; combien juste la crainte du jugement..

  A008000552 

 La morale nous fait craindre les juges, qui, comme le dit saint Paul, ne portent pas le glaive sans raison.

  A008000572 

 Que nous prenons et qui nous prennent.

  A008000577 

 Nous, nous remettons les péchés, nous déclarons que ce même Christ est venu, nous ne le montrons pas seulement du doigt comme l'Agneau du sacrifice, mais nos mains le présentent comme victime consommée et comme nourriture, et personne ne vient! Cette nation se lèvera..

  A008000578 

 Que disent les hommes? Voilà ce que nous demandons tous.

  A008000580 

 Allez, bien-aimés auditeurs, allez, mon peuple, au Christ, et demandez-lui en [65] mon nom: Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? Vous le voyez venir enfermé dans le sein de sa Mère, et c'est lui-même cependant qui viendra juger les vivants et les morts; nous ne devons pas en attendre un autre.

  A008000605 

 Devant votre face (version des Septante, d'après Sa, dans votre crainte, parce que nous vous craignons ) nous avons conçu et comme enfanté l'esprit, c'est-à-dire l'amour.

  A008000605 

 Mais pourquoi Jésus-Christ parle-t-il si souvent du jugement et de la fin du monde? C'est pour nous remplir de crainte.

  A008000605 

 Mais pourquoi veut-il que nous craignions? Afin que nous aimions, parce que la crainte est le commencement de la sagesse.

  A008000606 

 Nous avons commencé l'année dernière à traiter ce sujet, nous allons donc continuer.

  A008000607 

 La crainte dont nous parlons ne diffère en rien du stérile regret des damnés.

  A008000607 

 Voir page 28 des exemples pour nous faire saisir..

  A008000625 

 Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? En ce peu de mots, saint Jean exprime les deux plus beaux titres du Christ: qui doit venir et que nous attendons.

  A008000625 

 Nous les développerons d'abord, et nous expliquerons ensuite l'Evangile dans toute sa teneur..

  A008000627 

 Celui que nous attendons.

  A008000628 

 Pourquoi cette attente? Parce que nous avions besoin du Sauveur, pour de nombreux motifs.

  A008000639 

 Armes, a la verite dire, peu sortables au dessein, si nous les regardons selon leur premiere trempe et le sens exterieur; mays armes en effect excellentes, par lesquelles toute l'armee des Madianites fut mise en desordre, en route, et en fin au fil de l'espee.

  A008000640 

 O Madianites, mondains, pecheurs desbauches, le Sauveur vous denonce la guerre, et nous sommes ses soldatz d'eslite.

  A008000640 

 Vous dormes, non pas, au milieu de vos grossieres et terrestres affections? et voyci que ce divin Capitaine nous commande que nous sonnions haut et cler de nos trompettes, et que nous facions tout par tout retentir nos clerons: Vox dicentis mihi, clama; quasi tuba exalta vocem tuam.

  A008000663 

 Les douces, très douces: Mais toi, lorsque tu jeûnes, oins ta tête; ton Père qui voit dans le secret te le rendra; thésaurisez des trésors, etc. Allons donc, et au nom du Seigneur, goûtons les figues douces et les figues amères qu'il nous montre, mais prions la Vierge de nous rendre, par son intercession, celles qui sont amères, douces, et les douces excellentes..

  A008000665 

 C'est pourquoi voici que notre Elisée dit: Apporte -moi de la farine; sers-nous l'Evangile, qui n'est autre qu'un grain de froment (c'est-à-dire le Christ lui-même broyé et [78] manifesté par divers enseignements); et il la mit dans la marmite, joignit l'Evangile à la Prophétie, et dit: Verses-en pour tout le monde.

  A008000668 

 Ajoutez iniquité sur iniquité, et qu'ils n'entrent point; c'est-à-dire, ils n'entreront point, vous ajouterez.) Or, nous vivons à l'égard de nous-même dans une double ignorance, ainsi que les philosophes ont donné une double signification à cet axiome: «Connais-toi toi-même.» Socrate, en effet, dans l'Alcibiade de Platon, dit que la connaissance de nous-même consiste dans la connaissance de l'excellence de notre âme; d'autres disent que c'est la connaissance de notre bassesse quant au corps; pusillanimité et orgueil..

  A008000668 

 Pour moi, je ne vois pas ici un reproche, mais un conseil bienveillant qui nous apprend de quelle manière nous devons débuter dans la recherche de Dieu.

  A008000669 

 Hélas! nous y pensons assez, mais nous n'y réfléchissons pas: D'une grande désolation, etc. Dis-moi, orgueilleux, dis-moi, avare, gourmand, quêteur de [81] renommée, etc. Le fondement de toutes les tentations fut de bannir l'idée de la mort..

  A008000669 

 Pour expliquer le second sens, rappelons que Dieu dès l'origine nous a donné le nom d'Adam: Il les créa mâle et femelle, et leur donna le nom d'Adam, qui signifie terrestres, formés de boue, comme le dit saint Grégoire de Nysse, De la Création de l'homme, chap. XXII. Du limon de la terre; afin qu'à notre nom qui rappelle la terre, nous nous souvenions de la mort: o Souviens-toi, ô homme.» Mais nous nous en souvenons assez, dis-tu.

  A008000670 

 Donc, dès que la femme est créée, il vient et dit: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? Voyez la ruse: Pourquoi a-t-il commandé? Parce qu'il est le Seigneur; c'est lui qui nous a faits, et nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes.

  A008000670 

 Ecoutez ce récit bien connu, mais trop peu médité; l'Eglise nous invite à l'étudier.

  A008000670 

 Ses suggestions d'aujourd'hui sont semblables: Oh ces prédicateurs! ils vous interdisent toute joie, toute nourriture, tout sourire, tout soin des biens temporels; ils vous veulent tout le jour à l'église, toujours dans le jeûne, [82] Ah! traître à l'humanité! nous ne disons pas cela, mais: Nourris-toi de toute joie, mais de la joie du péché n'en use pas, etc. La femme dit: [ Nous mangeons ] du fruit des arbres... Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, c'est-à-dire, à l'arbre..

  A008000671 

 De peur que nous ne mourions.

  A008000673 

 Nous nous préoccupons du vêtement du corps, nullement de celui de l'âme..

  A008000673 

 Ordinairement, nous tirons gloire de notre corps, et nous n'avons nulle sollicitude pour notre âme.

  A008000697 

 Que ferons-nous a notre sœur au jour où il lui faudra parler? etc. Il se repaît entre les lis.

  A008000730 

 Et Celui qui pourvoit aux serpents nous abandonnerait! Le serpent se nourrit de terre et ne manque pas de nourriture; le cœur de l'homme se nourrit du Ciel et le Ciel lui manquerait! Lorsque le serpent boit, il perd son venin, et l'homme restauré d'aliments célestes ne déposerait pas le venin des passions! Celui qui n'abandonne pas le serpent perfide qui fuit, pourrait-il abandonner l'homme qui le suit fidèlement? Evangile d'hier sur la Providence de Dieu..

  A008000735 

 La doctrine d'Epictète me plaît extrêmement: Comment punirons-nous l'ambitieux? Qu'il soit plus ambitieux encore.

  A008000736 

 Tout assurément nous serait prospère, etc. Dagon, froment, idole de l'avarice..

  A008000758 

 Mes yeux ont défailli dans l'attente de votre parole, disant: Quand me consolerez-vous? Nous parlons par le seul regard..

  A008000759 

 Dieu nous a donné l'Esprit de son Fils qui crie dans nos cœurs: Abba, Père! L'Esprit lui-même demande pour nous avec des gémissements inénarrables..

  A008000760 

 Avant-hier, il est vrai, notre aveugle disait: Nous savons que Dieu n'exauce pas les pêcheurs.

  A008000760 

 il entendait parler de l'obtention d'un miracle comme témoignage de la sainteté de celui qui le sollicite; la [97] réponse distingue entre les justes, les pécheurs et les pénitents: Dieu exauce les pénitents; or, ici nous avons une pénitente et une âme juste..

  A008000761 

 La mort de Lazare que nous considérons présentement symbolise la même vérité.

  A008000761 

 Nous supplions le Christ par deux motifs: par notre misère et par l'amour ou la miséricorde de Dieu.

  A008000762 

 Ainsi quand nous voyons distiller l'eau de rose de l'alambic, nous disons: Il y a là du feu.

  A008000762 

 Les yeux sont semblables à la porte ou à la fenêtre par laquelle nous voyons dans l'intérieur de la [98] maison; aussi les Juifs dirent-ils: Voila comme il l'aimait; ils virent l'amour.

  A008000787 

 Citer alors ce que saint Grégoire de Nysse dit d'Abraham, [Ibid.,] liv. II, folio 274: Mais qui, je vous prie, pourrait sans pleurer voir l'image du Crucifié? Voici que nous voyons le corps du Christ suspendu, déchiré de toutes parts, ses yeux chargés de larmes, ses lèvres pleines de fiel et d'absinthe, sa tète ceinte d'une couronne, et le sang coulant en abondance de tous les membres de son corps.

  A008000787 

 Que d'images s'offrent à vos regards! Je souhaiterais qu'il nous arrivât ce qui advint à sainte Macrine.

  A008000789 

 De qui est cette image et cette inscription? Est-ce la tunique de Notre-Seigneur, ou non? O Seigneur, si nous vous voyions vous-même, etc. Pourquoi donc votre vêtement est-il rouge? Le pressoir, etc. Comme un signe auquel ou contredira..

  A008000789 

 Oui, tout ce qui vous implante en notre âme, nous l'aimons.

  A008000793 

 Car la charité du Christ nous presse, considérant ceci, que si un seul est mort pour tous, donc tous sont morts.

  A008000819 

 Nous aussi, admirons et imitons.

  A008000823 

 A cause de vous, nous sommes mis à mort tout le jour.

  A008000827 

 Selon la multitude, etc. Et ces mérites nous sont appliqués en vertu de la communion [des Saints].

  A008000850 

 Nous expliquerons brièvement la première partie; quant à la seconde, nous en presserons davantage l'exposition et nous vous en ferons un vêtement pour l'hiver qui vous menace..

  A008000852 

 Avant tout, ayez les uns pour les autres, etc. De même dans l'Epitre aux Ephésiens: Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme; c'est-à-dire dans l'Esprit-Saint qui est en votre âme, ou bien dans l'esprit qui est votre âme; parfois, en effet, nous ne pouvons renouveler la partie inférieure de notre âme dans laquelle s'élève la révolte.

  A008000853 

 Mais Dieu lui fit des vêtements de peau, ce que quelques-uns entendent de la mortification et de la pénitence, et que nous entendons de la charité et des mérites du Christ, afin que nous fussions couverts du vêtement fait de la laine de l'Agneau immolé.

  A008000854 

 C'est la grâce suffisante des enfants baptisés; aussi leur donnons-nous le chrémeau: «Reçois ce vêtement blanc.» Il est beau à voir, car nous savons par la foi qu'avec la charité, ces enfants reçoivent toutes les vertus.

  A008000873 

 Ainsi les hérétiques: Pourquoi l'Eglise vous ordonne-t-elle de ne pas lire toute l'Ecriture? Pourquoi [113] défend-elle de se marier? Pourquoi, de manger des aliments créés par Dieu? etc. La femme lui répondit: Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis; mais pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourions.

  A008000873 

 Les Pères donnent, relativement au péché du premier homme et de la première femme, de très beaux enseignements que nous devons considérer.

  A008000889 

 in margine: «Ces choses-la sont comprinses en la doctrine des Apostres, hors laquelle il ne nous faut rien chercher.» Finesse.

  A008000901 

 Comment comprendre ces paroles, nous l'allons dire sous l'inspiration du même Esprit; mais auparavant, pour qu'il descende sur nous, saluons la Bienheureuse Vierge..

  A008000901 

 Parfois nous ne voulons pas interroger, pour ne pas apprendre une nouvelle qu'il nous serait pénible de connaître.

  A008000901 

 Souvent nous obligeons les personnes à qui la maladie ôte tout appétit à prendre de la nourriture.

  A008000903 

 Dans l'Epître aux Hébreux, au sujet de Melchisédech: de qui, dit-il, nous avons de grandes choses à dire (c'est-à-dire en grand nombre), et difficiles à expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre.

  A008000905 

 Ainsi les Apôtres nous ont transmis la parole de Dieu, les docteurs la dégagent de toute ambiguité et les prédicateurs l'emportent pour la déposer dans les coeurs..

  A008000905 

 Nous ressemblons aux fourmis.

  A008000933 

 Fuyez, mais soyez semblable au chevreuil, qui regarde ce qu'il laisse derrière lui (envoyez-nous un autre Paraclet ), et au faon de biche, lequel, bien qu'il monte en sautant, regarde cependant à chaque instant le fond de la vallée où il a laissé sa mère.

  A008000951 

 Je ne suis donc pas digne, je ne sais parler; mais vous, Mère du Verbe, par laquelle le Verbe nous est apparu, par vos prières, ouvrez ce sens, ou faites-le moi ouvrir.

  A008000985 

 Je traiterai donc ces deux points: j'exposerai brièvement le mystère de l'Incarnation; en second lieu, je dirai comment nous devons tous, mais vous surtout, mes Sœurs, goûter ce mystère..

  A008000985 

 L'Eglise, par ces paroles, nous donne à entendre que le Christ est semblable à la manne; et il en est ainsi au double point de vue, 1.

  A008000999 

 La raison mystique est qu'ils naissent pour mourir et pour souffrir beaucoup; aussi plusieurs ont observé que le premier vagissement des garçons est a, celui des filles hé, premières lettres des noms d'Adam et d'Eve, auteurs de tant de misères qui nous accablent.

  A008001001 

 Cet Enfant pourrait nous offrir une très belle image de tout le vêtement religieux; les enfants, en effet, sont revêtus comme les moines, du capuchon, etc., ils ont les pieds nus, etc. [129].

  A008001013 

 Sed antequam ordiamur, prions la plus aymable, la plus aymee et la plus aymante Espouse, affin que nous puissions parler du plus aymable, du plus ayme et du plus aymant Espoux..

  A008001064 

 Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ), comme un fleuve de souffrances et d'afflictions, puis se changea en lumière et en soleil au jour de son Assomption: Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore lorsqu'elle se lève, belle comme la lune, choisie comme le soleil? Et, chose plus admirable encore, cette lumière, ce soleil se répandit en eaux très abondantes; c'est-à-dire que depuis son Assomption, la Vierge, par ses prières, nous a obtenu de très nombreuses grâces..

  A008001071 

 C'est ainsi qu'elle fut établie pour intercéder en notre faveur; tous les Saints, sans exception, l'affirment (non pas assurément qu'elle demande de la même manière que son Fils qui intercède par lui-même); et beaucoup de grâces nous sont accordées par sa faveur, comme l'atteste l'Eglise entière.

  A008001072 

 Voyez donc, Chrétiens, combien nous sommes heureux si nous lui sommes vraiment dévots.

  A008001109 

 Nous devrions certes, nous aussi, avoir la fièvre à chaque anniversaire de notre naissance: une fièvre causée par la crainte que notre [141] vie ne soit le prélude de la mort éternelle, à cause de l'abus que nous avons fait du temps.

  A008001109 

 Par contre, Antipater, poète de Sidon, nous dit le même Pline, était atteint de la fièvre à chaque anniversaire de sa naissance, et il mourut enfin le même jour, de la même fièvre.

  A008001111 

 Jacob vit Dieu au sommet de l'échelle, nous le voyons au bas.

  A008001117 

 De même, nous qui sommes préposés à la direction d'autrui, apportons les roses, symbole de l'autorité et de la dignité, roses qui ne sont jamais sans les épines des sollicitudes.

  A008001141 

 Et au commencement [147] du sermon: Dieu nous a recommandé en diverses occasions et en bien des manières la charité envers le prochain.

  A008001141 

 L'homme a été créé à la ressemblance de Dieu; donc, l'amour du prochain tend à ce que nous aimions en lui la ressemblance et l'image de Dieu, c'est-à-dire [que nous contribuions] à rendre cette image et cette ressemblance de plus en plus parfaite.

  A008001142 

 Comme Joseph, tout en aimant suffisamment ses autres frères, était particulièrement uni à Benjamin, de même, nous devons aimer tout le monde, mais être spécialement unis aux Chrétiens, les aimant comme Jésus les aime..

  A008001142 

 Jésus l'appela commandement nouveau, en saint Jean, XIII: Un commandement nouveau; nouveau, c'est-à-dire excellent, réintégré ( nouveaux cieux, nouvelle terre ); car par son exemple, le Christ nous presse d'une manière admirable.

  A008001143 

 Cet amour donc ayant tant de prix, Jésus ne néglige rien pour l'enflammer en nous et détruire ce qui s'y oppose.

  A008001144 

 Qu'as-tu que tu n'aies reçu? Il y a plus: Qu'as-tu que tu n'aies dérobé? Nous sommes redevables au Christ de ses grâces, de ses Sacrements, de son sang: il nous a tout donné..

  A008001145 

 Combien les injustices qui nous sont faites sont légères! Ce sont des songes pour la plupart.

  A008001232 

 De même l'Eglise: «O Emmanuel, notre Roi et Législateur, attente des nations et objet de leur désir, venez nous sauver, Seigneur notre Dieu.» De même encore Jacob, en bénissant Joseph: Les bénédictions de ton père ont été corroborées par celles de ses ancêtres, jusqu'à ce que vienne le désir des collines éternelles, c'est-à-dire le Christ.

  A008001232 

 L'Eglise, dans l'oraison de la Messe d'aujourd'hui, appelle cette vigile l'attente de la Rédemption et du Rédempteur: «O Dieu, qui nous réjouissez chaque année par l'attente de notre Rédemption.» Et Jacob avait déjà prédit que le Sauveur serait l'attente des nations.

  A008001234 

 Nous avons déjà donné bien des comparaisons à ce sujet, et voici maintenant celle de la myrrhe; car Marie est aussi appelée myrrhe de la mer; or la myrrhe produit comme virginalement sa goutte et la myrrhe première ( Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe ), car elle perle comme une sueur sans qu'on la presse.

  A008001313 

 Qu'est-ce que la prière? Ce mot a deux acceptions: [1.] il est employé dans le sens strict et signifie alors demande; c'est la demande faite à Dieu de tout ce que nous désirons de lui; or, nous demandons de trois manières (voir l'Inventaire des vertus).

  A008001314 

 Les deux premiers actes nous importent peu, le troisième et le quatrième concernent l'oraison.

  A008001336 

 Elle est nécessaire en deux circonstances: à l'article de la mort, et quand nous voulons renouveler notre vie.

  A008001336 

 Il nous reste à dire quelque chose de la confession générale.

  A008001337 

 Il y a deux sortes de satisfaction: l'une stricte, et celle-là nous ne la faisons pas; l'autre qui a un certain rapport avec la faute commise, comme abandonner ses biens ou se livrer soi-même, etc..

  A008001338 

 Pouvons-nous savoir si nous avons fait une véritable pénitence? Nous ne pouvons en avoir la certitude, mais bien la confiance.

  A008001338 

 Un premier signe, d'après saint Basile, Règles abrégées, est si nous pouvons de tout notre cœur dire avec le Roi pénitent: J'ai haï l'iniquité et je l'ai eue en abomination, et j'ai aimé votre loi.

  A008001340 

 Au contraire, selon Job, [les pécheurs] ont dit à Dieu: Retirez-vous de nous, nous ne voulons point de la science de vos voies.

  A008001372 

 Lui-même nous le donne à entendre.

  A008001373 

 Nous avons un autel.

  A008001387 

 NOUS CELEBRONS LA FÊTE DE L'OBLATION DU CHRIST ET DE LA PURIFICATION.

  A008001389 

 Si nous portons ainsi le Christ avec nous, il n'est rien que nous n'obtenions par un tel holocauste.

  A008001422 

 Souvent nous voyons les impies, les criminels régner et prévaloir sur les justes.

  A008001425 

 Nous appelons quelquefois verge des pécheurs ce qui est la verge de Dieu notre Père.

  A008001432 

 Nous verrons alors pourquoi les méchants ont été heureux et les bons malheureux.

  A008001433 

 Aussi c'est avec raison que le Psalmiste dit: Faites du bien, Seigneur, aux bons et à ceux qui ont le cœur droit; faites ce bien non pas de la manière que nous jugeons, mais selon votre volonté et selon qu'il sera trouvé bon à vos yeux, même en ce monde, fût-ce en nous donnant des croix, des tribulations, etc., et dans la vie future où se trouve le bien absolu: Entre dans ton repos, parce que le Seigneur t'a comblé de bienfaits.

  A008001462 

 Nous avons déjà touché ces points plus haut; mais ce qui concerne proprement ce texte, nous l'expliquerons selon les quatre sens qu'il peut présenter..

  A008001514 

 Le Christ nous l'enseigne en s'adressant au Prince des pasteurs: M'aimes-tu? Pais mes brebis.

  A008001514 

 Remarquons que Rachel est avec les brebis de son père; nous aussi nous devons être avec les brebis, par amour et bienveillance, d'esprit et de cœur: L'âme est là où elle aime.

  A008001515 

 Noter en second lieu que Jacob nous donne la première signification du mariage qu'il devait contracter avec Rachel, en la choisissant pendant qu'elle s'attachait à paître ses troupeaux, et auprès de la fontaine où elle avait coutume de venir.

  A008001516 

 Mais le Christ, qui est le Seigneur lui-même, donne avant que nous ne demandions, car nous ne demanderions pas s'il ne nous enseignait intérieurement à demander: Vous l'avez prévenu des bénédictions de douceur.

  A008001516 

 Nous, confesseurs et pasteurs, qui sommes serviteurs, nous ne vous donnons les pendants d'oreilles des paroles de l'absolution ou de la purification (source de joie et d'allégresse pour les oreilles de notre coeur, d'où le texte: les os humiliés tressaillent) que lorsque vous nous avez donné des signes de componction, que vous nous avez sensiblement abreuvés du témoignage de votre contrition.

  A008001517 

 Nous devons porter à tout ce qui concerne Dieu un amour et un honneur analogues à celui que nous avons pour Dieu lui-même.

  A008001519 

 Quand c'est un témoignage d'amitié ou sainte ou purement morale, comme dans le cas dont nous traitons et comme [196] on en usait entre les premiers Chrétiens.

  A008001522 

 De même, anciennement avaient lieu des veilles parce que les Chrétiens étaient lumière dans le Seigneur; on les a supprimées aujourd'hui de peur que les ténèbres ne nous surprennent..

  A008001532 

 Le puits est la doctrine chrétienne qui, entre ces deux Sacrements, nous conduit à la vie éternelle; car un baptisé doit toujours faire pénitence.

  A008001532 

 Par le Baptême nous sommes fiancés et non encore épousés, les noces ne se font qu'au Ciel où nous serons inséparablement unis [au Christ]..

  A008001536 

 Embrasser la vie contemplative, c'est méditer; or nous méditons en abreuvant le troupeau de Rachel, c'est-à-dire en désirant les vertus qui accompagnent la contemplation.

  A008001536 

 Rachel annonce aussitôt la nouvelle à sa mère: la méditation nous porte aussitôt vers la charité..

  A008001555 

 Comme Rachel représente l'union avec Dieu, la charité parfaite et la vie contemplative, il me semble voir en ce fait un sens mystique: sept degrés nous élèvent à la perfection et nous nous maintenons dans la perfection par sept vertus; ces sept degrés sont les sept dons du Saint-Esprit..

  A008001597 

 L'Ancien Testament était celui qui donnait la terre promise, et en vertu duquel on la possédait; le Nouveau est celui en vertu duquel nous possédons la grâce, l'Eglise et le corps même [206] du Christ qui est la [veritable] terre de promission.

  A008001601 

 C'est ce motif qui me l'a fait choisir, surtout parce qu'il parle de la venue du Christ dont il nous exhorte à préparer les voies.

  A008001601 

 Une préparation est en effet nécessaire; et comme l'Eglise veut que nous soyons prêts, elle exerce sur nous une triple action.

  A008001621 

 Parcourir l'Evangile: Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? [210].

  A008001657 

 Et nous a suscité une corne de salut.

  A008001659 

 (Il existe bien un autre récit sur la corne de la chèvre qui nourrit Jupiter, mais c'est une fable.) Si nous usons bien de cette corne dont parle le Prophète lorsqu'il dit: Il a suscité une corne, nous y trouverons une mine inépuisable d'enseignements..

  A008001663 

 Au reste, nous ne lisons pas qu'aucun roi, sauf David et Salomon, ait été oint avec la corne d'huile, ce que je crois fort digne d'être observé.

  A008001664 

 Et nous a suscité une corne de salut, c'est-à-dire, le royaume du salut; car puisque le roi David a été oint de l'huile de la corne, c'est avec raison que le royaume est désigné par la corne, royaume de salut.

  A008001667 

 Maintenant nous faisons résonner notre trompette de corne et de corne de bélier, c'est-à-dire, nous chantons maintenant dans la puissance du Christ, comme il est dit au Psaume XCVII: Chantez sur la harpe des cantiques au Seigneur, sur la harpe et sur l'instrument à dix cordes, au son des trompettes de métal battu au marteau, et des trompettes d'argent, au son de la trompette de corne.

  A008001669 

 Au Psaume où nous avons: C'est là que je ferai paraître la corne de David, l'hébreu porte: Je ferai pousser.

  A008001695 

 La question est: pourquoi plutôt la maison de David que celle de Salomon, ou de Roboam, d'Ezéchias, de Josaphat, de Josias? Nous répondons que le règne de David fut le plus illustre..

  A008001698 

 Car lorsque nous étions ennemis, [etc.] Saint Bernard: [Le Christ a eu] une charité plus grande, puisqu'il est mort même pour ses ennemis..

  A008001719 

 Pour nous sauver de nos ennemis.

  A008001721 

 Aussi, malheur à nous si nous ne combattons pas bien..

  A008001721 

 Le Christ a également racheté ceux qui l'ont précédé: Il a suscité une corne de salut; pour nous sauver de nos ennemis.

  A008001724 

 Ce n'est pas en vain que saint Paul s'écrie: Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours de salut; et encore: La bonté et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue; et aux Hébreux: Nous avons un autel dont ceux qui servent dans le tabernacle n'ont pas le droit de manger..

  A008001724 

 Toutefois, pour nous Chrétiens, c'est d'une manière beaucoup plus absolue que nous sommes délivrés de nos ennemis.

  A008001725 

 De même, les armes spirituelles que nous fournissent les Sacrements l'emportent de beaucoup sur les anciennes.

  A008001725 

 Et ainsi les Sacrements nous offrent un secours bien plus puissant..

  A008001740 

 Dum in mora sumus le tems nous dure: Ubi sunt misericordiæ tuæ antiquæ, Domine? Sicut jurasti David in veritate tua.

  A008001749 

 Ce testament est un contrat parce qu'il est fait sous la condition que nous ne serons pas ingrats; ce contrat est un testament parce qu'il n'a sa force qu'après la mort.

  A008001749 

 Or, toutes ces choses ont été des figures de ce qui nous regarde, afin que nous ne convoitions pas les choses mauvaises comme ils les convoitèrent.

  A008001751 

 Mais nous parlons d'une manière humaine.

  A008001751 

 Tant que nous sommes dans l'attente, le temps nous dure: Où sont vos anciennes miséricordes, ô Seigneur, telles que vous les avez jurées à David dans votre vérité? Souvenez-vous, Seigneur, de l'opprobre (que j'ai gardé dans mon sein) que vos serviteurs ont souffert de la part d'un grand nombre de nations; de ce que nos ennemis ont reproché, Seigneur, de ce qu'ils ont reproché le changement de votre Christ.

  A008001752 

 La grâce de Dieu noire Sauveur est apparue à tous les hommes, nous enseignant, etc. [ Lorsque ] la bénignité et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue, ce n'est point par les œuvres de justice que nous avons faites, qu'il nous a sauvés, mais selon sa miséricorde.

  A008001753 

 Il nous a armés.

  A008001753 

 Je rattache la fin au début: Dieu nous a fait miséricorde, car il s'est lui-même donné à nous, comme un gage plus précieux que tout.

  A008001753 

 Nous sommes donc déjà héritiers, mais l'épreuve dure encore.

  A008001791 

 Après que vous aurez tout fait, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles. Le Seigneur dit de Jean: Un Prophète, oui, je vous le dis, plus qu'un Prophète; mais Jean répond: Je ne le suis pas.

  A008001791 

 Les anciens disent: Seigneur, il est digne que vous lui accordiez cette grâce, car il nous a même construit une synagogue; cette dignité est de convenance, elle est selon votre miséricorde, dignité relative et non pas équivalente.

  A008001792 

 Il ne faut pas alléguer nos mérites au Christ; nous devons rivaliser avec lui non de dignité mais d'humilité.

  A008001793 

 Cependant vous ne le guérirez pas si je n'ai la foi; eh bien! je l'ai, car nous avouons n'être pas dignes que vous entriez sous le toit de notre cœur, mais dites seulement une parole.

  A008001797 

 Nous sommes tous les serviteurs du Christ, et nous devons aimer nos serviteurs.

  A008001808 

 Saint Chrysostôme dit à ce sujet: Dieu nous ordonne d'aimer nos ennemis pour que l'amour ne reste pas oisif, car les amis sont si peu nombreux que si nous n'aimions que les amis, nous aimerions un très petit nombre de personnes..

  A008001822 

 Zeuxis fit une luite ou il print grand playsir, et escrivit dessous «qu'elle seroit plus tost enviee qu'imitee.» Et ecce Evangelistæ nobis pugnam tanquam in tabula pingunt, quæ ne doit point estre enviee ains aymee, parce que son issue est heureuse pour nous; et non seulement elle doit estre aymee, mais imitee..

  A008001845 

 Or voici que les Evangélistes nous peignent, comme dans un tableau, une lutte qui.

  A008001849 

 Quoiqu'il n'eût rien à craindre, toutefois, pour nous [247] montrer le chemin, pour nous apprendre à combattre les tentations et, avant tout, agissant non par son propre mouvement, mais par celui de l'Esprit-Saint, il se retira dans le désert..

  A008001850 

 Pourtant, il y est tenté pour nous apprendre qu'on peut l'être partout..

  A008001851 

 Après son baptême; par le Baptême, en effet, nous acquérons (ceci néanmoins ne s'applique pas au Christ) des forces et de la constance, comme par les autres Sacrements.

  A008001851 

 C'est pourquoi nous sommes oints comme des athlètes et on fait sur nous des exorcismes contre le démon; nous sortons de la sainte Table forts «comme des lions au souffle enflammé;» ce sont les expressions de saint Chrysostôme; aussi disons-nous avec le Psalmiste: Vous avez préparé une table devant moi.

  A008001851 

 La Pénitence nous rend plus forts, comme des chevaux blessés par la dent du loup; voir Pline.

  A008001851 

 La belette ne craint rien auprès du serpolet; il en est ainsi de nous en présence des Sacrements..

  A008001887 

 Nous ressusciterons tous; donc, nous mourrons tous..

  A008001888 

 Voici que je vais vous dire un mystère: A la vérité, nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés.

  A008001917 

 En ce jour-là je scruterai Jérusalem avec des lampes (Saint Bernard: S'il en est ainsi pour Jérusalem, quelle sera la fin de Babylone! Jérusalem, c'est-à-dire les Saints: les péchés mêmes des Saints seront découverts, mais à leur grande consolation; et ils diront: C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés); et je visiterai les hommes enfoncés dans leur lie, qui disent en leurs cœurs: Le Seigneur ne fera pas de bien, il ne fera pas de mal.

  A008001918 

 Histoire de Joseph: [ Ils se dirent ] les uns aux autres: C'est justement que [259] nous souffrons tout ceci, parce que nous avons péché contre notre frère; voyant les angoisses de son âme quand il nous suppliait, nous ne l'avons pas écouté; c'est pour cela que cette tribulation a fondu sur nous. Et Ruben de répondre: Ne vous ai-je pas dit: Ne péchez pas contre cet enfant? et vous ne m'avez pas écouté; voilà que son sang nous est redemandé..

  A008001943 

 Nous allons en parler eu expliquant l'Evangile du jour, où nous trouverons encore quelques enseignements sur le jugement par comparaison..

  A008001944 

 Le Seigneur parlait des rigueurs de l'examen, lorsqu'il ajouta: Or, je vous le dis qu'il portera sur toute parole oiseuse, etc. Alors quelques-uns d'entre les Scribes et les Pharisiens lui répondirent: Maître, nous voulons voir un miracle de vous.

  A008001944 

 Rien de plus incroyable que ce que nous ne voulons pas croire; la rigueur du jugement excite la haine de tout homme pervers, Nous l'oublions volontairement, ou bien nous nous [261] bornons à de vaines et subtiles conjectures sur ce qui doit arriver en ce jour.

  A008001945 

 Ces hommes pourtant étaient comme nous composés de chair et d'os.

  A008001945 

 Trois jours de prédication les ont convertis, et nous, etc.; notre prédication pourtant est bien supérieure à cause de l'autorité du Christ qui parle en nous.

  A008001946 

 C'est donc à bon droit que seront condamnés les méchants, et ils n'auront rien à objecter à une aussi juste sentence; mais avant que nous l'entendions [je veux vous confier une pensée qui m'est familière].

  A008001949 

 Quel beau royaume! Mais nous en parlerons Dimanche.

  A008001951 

 L'une et l'autre éternité s'ouvrent ainsi devant nous.

  A008001974 

 Mais puisque c'est par la prière qu'elle nous montre sa foi, son espérance et sa charité, nous choisirons pour sujet de notre discours la toute-puissance de la prière..

  A008001975 

 Mais maintenant nous en donnons une autre cause consignée folio 154, verso.

  A008001975 

 Quand nous avons interprété le premier verset du cantique de Zacharie, nous avons dit pourquoi Dieu est appelé le Dieu d'Israël; c'est à cause de la [266] religion de ce peuple.

  A008001976 

 L'Eglise nous enseigne que la prière est nécessaire et que, seule, elle ne suffit pas.

  A008001976 

 O toute-puissance de la prière! Deux hérésies pourtant se sont élevées à ce sujet: celle des Euchites et des Messaliens qui disaient que la prière suffit; et celle des Pélagiens, dont la plupart prétendaient que nous n'avons pas besoin de prier.

  A008001977 

 Et dans le Cantique: Quelle est celle-ci qui monte du désert comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe et d'encens? Toutefois, cette élévation est mentale, non matérielle, elle est relative à son objet, non au lieu; c'est également ce que signifient ces mots: «En haut les cœurs,» Quelle étonnante sottise ou méchanceté de la part des Calvinistes quand ils nous objectent ces paroles: «En haut les cœurs,» comme si «en haut» s'entendait au sens littéral! Ils ne veulent pas distinguer entre prier matériellement devant une image et prier moralement devant cette image.

  A008001978 

 Nous sommes parfois utilement tentés par le démon ( misérablement est pris ici à la lettre, pour violemment), comme Job, saint Antoine, sainte Catherine de Sienne, [268] saint Paul, car ces Saints tiraient profit de la tentation; mais d'autres sont tentés pour leur malheur.

  A008001979 

 Hélas! Celui qui a créé l'oreille n'entendra pas? Celui qui a façonné l'œil ne considère pas? O Verbe de Dieu, vous ne répondez pas une parole? Parfois, l'amour fait la sourde oreille (Pierre, m'aimes-tu? Pierre, m'aimes-tu?) afin que nous criions plus fort..

  A008001980 

 Tirez-moi; nous courrons après vous à l'odeur de vos parfums..

  A008001981 

 Dès que [la Chananéenne] a levé le cerf de son fort, de son buisson: Elle crie après nous, [disent les Apôtres]; elle nous invoque, c'est-à-dire, elle vous prie par notre entremise.

  A008001981 

 [269] (Les pauvres crient après nous: «Ce que vous dévorez nous appartient; toutes vos dépenses inutiles sont un vol cruel que vous nous faites.») Mais la femme répond: Oui, car les petits chiens, etc..

  A008002015 

 Le serviteur qui plonge [dans l'eau régénératrice], c'est le prêtre, ministre ordinaire du Baptême; mais, ainsi que les hérétiques eux-mêmes le reconnaissent (car tout en nous regardant comme idolâtres et antichrétiens, ils ne rebaptisent cependant pas ceux que nous avons baptisés), tout homme, fùt-il infidèle, peut en être le ministre extraordinaire, comme l'Eglise l'a défini au Concile de Florence, contre saint Cyprien et Cécilien.

  A008002019 

 Là, nous sommes enfants de Dieu... Le Christ est appelé icthys, poisson, d'après les vers de la Sybille.

  A008002047 

 Oh! que ne puis-je vous dépeindre au vif par mes paroles cette glorieuse Transfiguration! Assurément, vous voudriez avec Pierre, établir votre demeure [sur le Thabor]; mais du moins nous en esquisserons quelque chose, afin surtout que vous entendiez le Fils, c'est-à-dire, afin que vous observiez ses préceptes..

  A008002048 

 La gloire qui nous est préparée est ineffable.

  A008002048 

 Saint Paul aux Corinthiens: Nous parlons de la sagesse dans le mystère, etc. Ensuite, il traite de la gloire qui s'acquiert par cette sagesse, laquelle, dit-il, aucun prince de ce siècle n'a connue; car s'ils l'avaient connue, jamais ils n'auraient crucifié le [276] Seigneur de la gloire.

  A008002049 

 Et de même que nous connaissons quelque peu la configuration de l'Amérique et ce qui concerne ce pays par les descriptions que nous en ont faites ceux qui l'ont visité, ainsi connaissons-nous cette gloire que nous révèle ici le Seigneur de la gloire.

  A008002049 

 Notre Evangile est comme une mappemonde où le Royaume des cieux ou l'autre monde nous est indiqué par certains points et certaines lignes.

  A008002049 

 Toutefois, pour avoir l'espérance [du Ciel], il fallait que nous en connussions quelque chose, que nous en eussions dans l'Evangile un avant-goût... Saint Jean Damascène dit: Par cette ouverture, le Christ nous montre la splendeur de la lumière.

  A008002051 

 Mais, prise d'une manière relative, elle s'applique aussi à nous; la béatitude est alors «l'état que rend parfait la réunion de tous les biens» qui nous conviennent.

  A008002051 

 Ou bien on pourrait la définir: l'état par lequel nous possédons Dieu, «assemblage de tous les biens.

  A008002052 

 Face à face; nous voyons maintenant comme par un miroir, etc.; nous le verrons tel qu'il est.

  A008002052 

 J'entends ainsi ce passage: l'image de Dieu dort, maintenant que nous la voyons comme par un miroir, en énigme; mais lorsqu'elle s'éveillera, que nous la verrons vivante, face à face, alors nous serons bienheureux.

  A008002052 

 Nous ne voyons pas le visage de l'homme qui dort, parce que nous ne voyons pas le visage de ce [278] visage, c'est-à-dire les yeux.

  A008002053 

 Alors nous dirons: Que vous êtes beau, mon Bien-Aimé, que vous êtes beau! de là provient l'amour.

  A008002053 

 C'est pourquoi Jésus fut transfiguré pendant qu'il priait, en cette contemplation de complaisance et de bienveillance dont nous avons parlé dans le livre de l'Amour de Dieu..

  A008002082 

 Terrible et redoutable menace! Mais comment Dieu, si plein de miséricorde, ne se présentera-t-il pas à ceux qui le cherchent? Nous répondrons à cette question si Dieu veut bien nous inspirer.

  A008002086 

 Mais venons aux causes pour lesquelles nous mourons dans notre péché.

  A008002123 

 Nous Catholiques, en effet, nous écoutons bien le Pape, même quand il décrète par sa seule autorité et en dehors d'un Concile, au lieu que les hérétiques ne veulent entendre ni Pape ni Concile..

  A008002125 

 Aussi est-il dit dans les Actes: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous; ce qui indique que l'Esprit-Saint était le Chef invisible de tout le Concile.

  A008002127 

 Que les hommes nous regardent comme ministres du Christ, etc..

  A008002156 

 Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré.

  A008002158 

 Et comme nous parlons sans cesse de ce que nous désirons le plus, car la main indique la partie qui souffre, la langue indique l'amour [dont on est animé], ainsi le Christ parle continuellement de sa Passion.

  A008002159 

 Aussi, d'une part, le Christ est-il toujours appelé crucifié, et de l'autre, nous, prédicateurs, répétons constamment: J'ai estimé ne rien savoir que Jésus.

  A008002159 

 Convaincue de ces vérités, l'Eglise réveille très fréquemment chaque jour le souvenir de la Passion du Seigneur, dans les temples, sur les routes, partout; et c'est pour cela que nous portons des croix au cou (Macrine et Vestiane), que nous honorons chaque vendredi.

  A008002159 

 Mais nous ne comprenons rien a ces choses, ou si nous en avons quelque intelligence, c'est seulement à la surface et non pas dans l'intime du cœur: nous sommes comme ceux qui comprennent sans comprendre.

  A008002159 

 Nous ne comprenons pas ce que nous ne voulons pas comprendre; nous cherchons des divertissements et nous les excusons..

  A008002159 

 O malheureux! nous avons sans cesse à la bouche le récit de nos souffrances et de nos agitations, au lieu de nous entretenir de la Passion du Christ! Réfléchissez a Celui qui a supporté une telle contradiction de la part des pécheurs soulevés contre lui.

  A008002161 

 Quelque chose: Maître, nous voulons que vous nous accordiez tout ce que nous vous demanderons.

  A008002161 

 Toujours à notre avis, ce que nous sollicitons doit être compté pour rien..

  A008002201 

 Qui est celui-ci et nous le louerons? L'avare est aussi pauvre de ce qu'il a que de ce qu'il n'a pas..

  A008002203 

 Dignité des pauvres; combien nous devons les honorer, et partant les visiter comme représentant Notre-Seigneur..

  A008002234 

 Il démontre ensuite très clairement la perpétuité de l'Eglise et ses autres caractères que nous examinerons rapidement..

  A008002237 

 Le pressoir des fidèles est la charité, à laquelle se rapportent les sacrifices, les oblations, la dévotion, car la charité du Christ nous presse.

  A008002237 

 Nous sommes placés entre deux plateaux de bois, l'amour de Dieu et l'amour du prochain, et nous y devons agir et souffrir en martyrs.

  A008002238 

 Cette tour est l'espérance qui du haut des prophéties voit venir le Christ, et alors, comme du sommet d'une montagne, nous respirons l'odeur des parfums et nous sentons notre proie, le Christ.

  A008002243 

 Il n'ôtera pas le royaume, mais il nous ôtera nous-mêmes du royaume parce que nous ne produisons aucun fruit.

  A008002276 

 En tout ce passage, voici le point le plus difficile; et même, nous dit saint Augustin, sermon XI des [306] Paroles du Seigneur, «il n'y en a pas de plus difficile dans toute l'Ecriture.

  A008002276 

 » Puis donc qu'il importe beaucoup de le comprendre, nous allons l'expliquer..

  A008002280 

 Nous avons des exemples de ces péchés dans les trois premiers individus de la race humaine: Adam, Eve, Caïn.

  A008002286 

 Ne pouvant nier les miracles, ceux du moins qui nous sont racontés par les plus sérieux auteurs, comme serait saint Augustin, ils prétendent que ces prodiges sont des stratagèmes du démon..

  A008002287 

 C'est ainsi que nous pouvons la déclarer impossible aux hommes, même au moyen de la grâce ordinaire, mais non pas impossible à Dieu.

  A008002311 

 [ Faites ici ] d'aussi grandes choses que nous avons entendu dire, etc..

  A008002314 

 Il est dans l'Ecriture deux vérités que Dieu veut surtout nous inculquer et qu'il nous enseigna toujours dans l'Eglise: la première est que si nous nous perdons, c'est par notre faute; la seconde, que nous ne devons notre salut qu'à Dieu.

  A008002315 

 C'est à vous qu'il a fallu premièrement annoncer la parole de Dieu, il est vrai; mais puisque vous la rejetez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous nous tournons vers les Gentils..

  A008002316 

 Or, le Seigneur s'étonnait, ou plutôt il nous montrait une chose étonnante, à savoir qu'à la vue de tant de prodiges, les hommes qui lui devaient la plus grande reconnaissance, auxquels il avait porté le plus de secours, ne se convertissaient pas.

  A008002352 

 Et il ne suffit pas que les péchés soient mortels, il faut qu'il soit possible de les corriger, c'est-à-dire que nous puissions espérer que notre correction produira l'amendement [de celui que nous reprenons].

  A008002353 

 Si les péchés sont véniels, mais très dangereux ou très fréquents, et que notre frère y soit fortement attaché, nous pouvons le reprendre, mais nous n'y sommes pas tenus.

  A008002388 

 C'est, en effet, le Christ Notre-Seigneur qui est l'auteur de la doctrine chrétienne: or, [1.] lui-même n'a rien écrit, si ce n'est quelques caractères lorsqu'il absolvait [320] la femme adultère; caractères qu'il n'a pas même voulu que nous connussions, et que, pour ce motif, il traça sur la terre.

  A008002389 

 Jésus-Christ nous l'enseigne lorsqu'il dit: Qui vous écoute m'écoute, et en cent lieux ( Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.

  A008002390 

 Néanmoins [nous devons ajouter foi] à l'autre partie, qui n'est pas écrite, mais qui seulement a été transmise comme de main en main.

  A008002391 

 L'Eglise suffit, parce qu'elle nous donne l'Ecriture; la Tradition suffit, parce qu'elle [323] recommande l'Ecriture; l'Ecriture suffit, parce qu'elle recommande et l'Eglise et la Tradition.

  A008002391 

 Mais, disent-ils, les Ecritures ne suffisent-elles pas? ne sont-elles pas suffisantes et surabondantes? Assurément, je ne voudrais pas dire avec de très illustres et très doctes personnages qu'elles ne suffisent pas, Oui, elles suffisent; c'est nous qui ne suffisons pas à puiser la doctrine catholique dans les seules Ecritures, prises isolément.

  A008002392 

 pour savoir qu'il existe des Ecritures; car, comment le saurions-nous sans le témoignage de l'Eglise qui a reçu cette tradition? Ainsi donc, ou l'Ecriture ne fait pas foi, ou la Tradition fait foi..

  A008002393 

 Pour nous apprendre le nombre des Livres canoniques.

  A008002394 

 Voir en outre ce passage de l'Apôtre aux Hébreux, [touchant Melchisédech]: De qui nous avons de grandes choses à dire, et difficiles a expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre.

  A008002427 

 Nous traiterons brièvement aujourd'hui les points que nous avons omis hier concernant la Tradition, et nous ne sortirons pas de notre plan, car le célibat des prêtres est l'une des plus importantes Traditions de l'Eglise, et il nous fallait nécessairement en parler au début de notre Evangile.

  A008002428 

 Nous sommes contraints à faire cet aveu par le fait même, [1.] que nous possédons les Ecritures; car sans la Tradition, nous ne saurions pas que nous avons les Ecritures..

  A008002429 

 Qu'est devenue cette grande parole, ce propos si long? Nous Catholiques, en sommes suffisamment instruits: Melchisédech était la figure du Christ instituant le Sacrement de l'autel, figure dont parle toute l'antiquité..

  A008002429 

 Que nous en avons tel nombre; car comment savons-nous que l'Epître aux Laodicéens et les Epîtres à Sénèque ne sont pas de vraies Epîtres de saint Paul, sinon par la Tradition? Et puis, ces mots de l'Apôtre lui-même [au sujet de Melchisédech]: De qui nous avons de grandes choses à dire, et difficiles à expliquer.

  A008002430 

 Sans la Tradition, nous ne pourrions jamais confondre l'opiniâtreté des hérétiques; aussi haïssent-ils la Tradition.

  A008002434 

 Pour établir la différence entre les diverses traditions ecclésiastiques que nous devons néanmoins toutes respecter, mais dans la mesure indiquée par l'Eglise..

  A008002435 

 Nous devons remarquer que nulle tradition ne contredit à l'Ecriture (car l'une et l'autre viennent du même Dieu); toutes les traditions au contraire sont [327] conformes à l'Ecriture.

  A008002437 

 Ce Verbe, etc. Nous devons être prêts à mourir pour maintenir ce point là où il doit être.

  A008002462 

 Terrible sentence! Dans le II e Livre des Rois, nous voyons un fait bien plus terrible.

  A008002466 

 Hélas! que nous sommes peu révérencieux dans l'église, nous-mêmes ecclésiastiques! Voir l'épître de saint Jérôme à Héliodore au sujet de Népotien.

  A008002466 

 Nous ne cherchons [332] point ce qui est à vous, mais vous-mêmes.

  A008002466 

 Nous ressemblons à Nabal et à Absalon, qui ne se réjouissaient qu'à la tonte des brebis.

  A008002466 

 Semblables aux rats et aux hirondelles, nous ne pouvons jamais nous apprivoiser avec le maître de la maison où nous vivons.

  A008002503 

 Lorsque nous sommes frappés, nous devons faire ce que firent les matelots dont il est parlé au Livre de Jonas: Venez, dirent-ils, jetons le sort, pour savoir d'où ce malheur a pu nous venir.

  A008002506 

 Nous devons obéir simplement au Christ lorsqu'il nous dit: Accuse tes péchés..

  A008002509 

 Ce mendiant est guéri par le médecin, parce que le médecin aime les mendiants; pour nous, bien que nous soyons aveugles, comme nous ne mendions pas, nous ne sommes pas guéris par le Médecin céleste qui comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides.

  A008002539 

 Au contraire: Ne sais-tu pas que la bénignité de Dieu t'attend à pénitence! Mais je donnerai trois règles d'après lesquelles nous devons procéder dans ces conjonctures..

  A008002540 

 Même silence s'il s'agit d'un autre homme, à moins que la charité ne nous oblige à parler.

  A008002540 

 Quand notre prochain est frappé, s'il s'agit d'un homme fidèle et craignant Dieu, nous ne devons jamais dire qu'il est puni pour ses péchés.

  A008002540 

 Quand nous sommes frappés, nous devons agir comme les matelots dont il est parlé dans le Livre de Jonas, I..

  A008002540 

 Rappeler l'histoire d'Aman, qui voulait faire pendre Mardochée, etc. Ce qui nous oblige à cette réserve c'est que très souvent nous nous trompons; il en fut ainsi des barbares, Actes, XXVIII. [340] 3.

  A008002540 

 Rapporter ici ce qu'à la page précédente nous avons dit de l'esclave éthiopien, d'Euclide.

  A008002540 

 Sur cette conduite de Dieu, nous devons nous abstenir de toute recherche curieuse.

  A008002546 

 Ils passent leurs jours dans la jouissance, etc. Comme les chasseurs qui poursuivent les ramiers des bois, [les maltraitent après les avoir saisis, ainsi, etc.] Ecoutez la parole du Seigneur, hommes railleurs; vous avez dit: Nous avons contracté une alliance avec la mort et nous avons fait un pacte avec l'enfer, etc. [342].

  A008002589 

 Pierre dit: Pourquoi ne pouvons-nous pas vous suivre à présent? je donnerai ma vie pour vous.

  A008002590 

 Hélas! nous présumons trop de nous-mêmes; il ne suffit pas de reconnaître que nous tenons tout de Dieu, il faut encore ne pas croire que nous ayons beaucoup.

  A008002593 

 Les Disciples avaient demandé: Seigneur, si nous frappions du glaive? Sans attendre la réponse, Pierre frappe indiscrètement..

  A008002622 

 DANS LA PREMIÈRE PARTIE, NOUS CONTINUERONS A EXAMINER LES DEGRÉS DE LA CHUTE; DANS LA SECONDE, NOUS EXPOSERONS LES CAUSES POUR LESQUELLES LE CHRIST A PERMIS UNE TELLE CHUTE..

  A008002625 

 L'audace des Apôtres et de Pierre fut répréhensible; car, ou ils pensèrent que le Christ ferait des miracles, et alors ce fut de la vanité de dire: Si nous frappions du glaive? ou ils ne le pensèrent pas, et alors leur témérité fut inopportune.

  A008002625 

 Nous nous étonnerions de voir un éléphant qui résisterait à un rhinocéros et aussitôt après redouterait un rat; il en est de même du crocodile qui fuit l'ichneumon.

  A008002631 

 Ce n'est donc pas dans l'absence mais dans le règlement des passions que consiste la perfection; les passions sont au cœur ce que les cordes sont à une harpe: il faut qu elles soient ajustées afin que nous puissions dire: Je vous louerai sur la harpe..

  A008002658 

 Nous ressemblons aux apodes, et à l'oiseau de paradis.

  A008002658 

 Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est ton secours... Nul ne peut venir à moi si mon Père ne l'attire... Tirez-moi, nous courrons après vous.

  A008002688 

 Nous avons donc besoin de la grâce qui coopère avec nous, de celle qui suit notre acte et de celle qui nous aide.

  A008002688 

 Par cette grâce prévenante, la volonté est donc mise en action: Il donnera le vouloir et le faire; il opère en nous le vouloir.

  A008002715 

 Saint Bernard, dit dans le XXXIX e de ses Petits Sermons: «Une triple bénédiction nous est nécessaire: celle qui prévient l'acte, celle qui y coopère, celle qui le couronne.

  A008002716 

 Que de fois, en effet, nous disons: Je veux me convertir, et cependant nous ne nous convertissons pas! C'est le reproche qu'adresse Isaïe aux Iduméens: Malheur accablant de Duma, c'est-à-dire, de [364] la partie de l'Idumée qui est située au sud; il me crie de Séir.

  A008002716 

 [1.] Pour la conversion, la miséricorde prévenante opère en nous le vouloir; mais cela ne suffit pas.

  A008002717 

 C'est cette grâce qui nous fait rechercher de tout cœur tous les moyens d'une vraie pénitence.

  A008002717 

 Donc, pour le salut du pécheur, cette grâce qui aide et dont nous avons parlé précédemment est nécessaire.

  A008002719 

 La persévérance proprement dite est celle par laquelle nous persévérons longtemps, et dans ce cas, le don de la persévérance n'est autre chose qu'une série de grâces qui dirigent, protègent et portent secours..

  A008002720 

 Il est vrai que la grâce de Dieu nous est nécessaire, mais aussi jamais elle ne nous manque: Ils ont été rebelles à la lumière.

  A008002720 

 Voici la première: Si par nous-mêmes nous ne pouvons rien, celui qui est condamné l'est parce que Dieu ne l'a pas aidé? Voici que je meurs de soif.

  A008002760 

 Dans mon dernier sermon que je fis ici le lundi de la Pentecôte, c'était pour moi, disais-je, le temps de parler, parce que des langues de feu nous avaient été données, à nous, successeurs des Apôtres; mais c'est [370] aujourd'hui le temps de parler bien plus haut, car si c'était alors la fête des langues, c'est maintenant le temps de la voix, parce que nous célébrons le Saint qui est la voix de Celui qui crie.

  A008002762 

 Comme s'il disait: Le Christ est le soleil qui paraît d'en haut à l'orient, le soleil qui se lève dans les hauteurs d'où il est venu nous visiter; quant à toi, tu es l'aurore, l'agréable étoile, tu es le paranymphe et le héraut qui prépare ses voies..

  A008002764 

 L'objet de la mission de saint Jean est donc la rémission des péchés: Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, avec lesquelles le soleil levant nous a visités d'en haut.

  A008002764 

 Le soleil levant nous a visités; illuminare, éclairer, c'est-à-dire, afin d'éclairer, pour éclairer, ceux, etc., pour diriger nos pas dans la voie de la paix..

  A008002767 

 Mais combien nous sommes heureux! Voici que la paix nous arrive contre toute attente, et pour la plus grande gloire de notre Prince qui a mesuré son épée avec celle du plus puissant Roi.

  A008002767 

 si nous rendons à Dieu les actions de grâce qui lui sont dues; les sources se dessèchent si personne n'y puise.

  A008002813 

 Si nous commençons à parler, peut-être le supporteras-tu avec peine; mais qui pourrait retenir le discours qu'il a conçu? Ce sont les paroles d' Eliphaz le Thémanite..

  A008002814 

 Les abîmes n'étaient pas encore, et moi j'étais déjà conçue; avant toutes les collines j'étais enfantée... Comme celle qui a conçu, lorsqu'elle approche de l'enfantement, souffre et crie dans ses douleurs, ainsi sommes-nous devenus devant votre face, Seigneur.

  A008002814 

 Nous avons conçu, nous avons été comme en travail, et nous avons enfanté l'esprit; nous n'avons pas mis notre salut dans la terre, c'est pour cela que les habitants de la terre ne sont pas tombés.

  A008002814 

 Nous n'avons pas mis notre salut, c'est-à-dire, nous n'avons pas mis l'espérance [378] de notre salut dans la terre; nous avons été comme en travail, parce que le péchèur s'attriste et se réjouit de sa douleur.

  A008002816 

 Voir le remarquable passage: Nous avons conçu et proféré de notre cœur des paroles de mensonge... Lorsque la concupiscence a conçu, elle enfante le péché... Voila qu'il a enfanté l'injustice, il a conçu la douleur et mis au monde l'iniquité; il a ouvert un abîme et il Va creusé, il est tombé dans la fosse qu'il avait faite..

  A008002817 

 Or nous savons que, etc. Car ceux qu'il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés pour être conformes a l'image de son Fils, afin qu'il fût lui-même le premier-né entre beaucoup de frères.

  A008002820 

 Saint Bernard dit que nous devons être des mères..

  A008002841 

 Je présuppose que le Christ nous a apporté le salut éternel, et, partant, ne nous a délivrés que des ennemis du salut; 2.

  A008002841 

 qu'ils nous livrent bataille..

  A008002844 

 Grande tentation [de Jean]; comme celle de l'ange, elle éveille une correspondance dans l'intime de l'amour-propre; c'est pourquoi l'ange, sans être attaqué extérieurement par la tentation, etc. Celle qu'il soutient est plus forte que la tentation de nos premiers parents... Oh! si elle nous était offerte, que ferions-nous? [Les envoyés de la Synagogue] étaient pjêts à croire tout ce qu'il dirait..

  A008002845 

 Quoi donc? que dis-tu de toi-même, afin que [ nous donnions ] une réponse, [etc.] Je suis la voix de Celui qui crie dans le désert, etc. Voyez l'abaissement: Je ne suis pas digne de délier la courroie, etc..

  A008002846 

 (Nous, souvent nous confessons et nous nions, même dans la confession.) En faisant cette question: Qui es-tu? ils confessent et ils nient.

  A008002873 

 Or, il est certain que la bienheureuse Geneviève, ainsi que beaucoup d'autres Saintes, n'a pas donné de ces miroirs, puisqu'elle n'en avait pas; mais elle a donné un miroir mystique dans l'admirable exemple qu'elle nous a laissé, à nous qui voulons nous laver et nous purifier; miroir dans lequel nous voyons notre visage intérieur dont nous devons prendre soin.

  A008002874 

 Car la parole de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, c'est-à-dire pour nous, elle est vertu de Dieu.

  A008002900 

 Tout est à nous: à notre usage et pour nous; vous êtes au Christ, comme les esclaves sont au maître qui les a achetés, et les membres, au chef.

  A008002934 

 Donc, pendant une heure, puisque c'est l'espace de temps destiné à cette manducation spirituelle, nous [391] mangerons autant que nous pourrons, et nous dirons: premièrement, que Dieu nous a destiné un certain travail à accomplir; secondement, qu'à ce travail il a préparé une récompense; et en troisième lieu, que la récompense sera proportionnée au travail accompli..

  A008002934 

 Parabole très célèbre et très féconde, mais qui offre une si grande moisson de considérations pieuses, que si nous voulions toutes les recueillir, la journée n'y suffirait pas.

  A008002935 

 L'homme naît pour le travail (d'après Cal., pour travailler dans la Loi), et l'oiseau pour voler... Parce que tu mangeras le fruit du travail de tes mains... Mais chacun recevra son propre salaire selon son travail... Nous vous déclarons ceci: si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange point... Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front... Or, faisant le lien, ne nous lassons point, car nous moissonnerons en son temps.

  A008002938 

 Car ce qu'il y a de momentané et léger dans notre tribulation opère en nous sans mesure dans la sublimité un poids éternel de gloire; nous ne contemplons point les choses qui se voient, mais celles qui ne se voient pas.

  A008002939 

 Saint François au Frère: «Et à cause des biens que j'attends,» etc. Saint Bernard, Aux Ecclésiastiques, sur la Conversion: «Elles ne sont pas dignes d'être comparées à la faute passée qui est remise, à la consolation qui est communiquée, à la gloire qui est promise.» [Nous souffrons pour notre] Rédempteur, pour notre Créateur, pour notre Glorifîcateur..

  A008002959 

 Saint Chrysostôme, sur saint Matthieu: Les chameaux difformes figurent les âmes des Gentils; le Fils de Dieu est l' aiguille dont la pointe est la Divinité, la partie plus épaisse, l'humanité; et c'est par l'ouverture de sa Passion que nous entrons.

  A008002990 

 Mais pour que je parle avec profit de votre Père, je m'adresse, Seigneur, à votre piété filiale: «Nous vous en supplions, Seigneur, que les mérites de l'Epoux de votre sainte Mère nous soient en aide, et que les grâces que nous ne pouvons obtenir par nous-mêmes nous soient accordées par son intercession;» et à vous, ô Vierge, je dis, Ave Maria, etc..

  A008002996 

 Et de fait, bien que phoenix en grec signifie ce rare et admirable oyseau duquel nous avons parle, si est ce quil signifie aussi la palme: la palme estant le phoenix des arbres comme le phoenix est la palme des oyseaux, avec beaucoup de similitude de l'un a l'autre, hormis que la palme n'est pas si rare que le phcenix, ni le phoenix si fertile que la palme..

  A008002996 

 Mais, bien que 1'authorite de ce grand personnage merite beaucoup d'honneur en ce quil a dit de bon sens, si est ce neanmoins quil nous faut attacher a la version ordinaire canonizee par la sainte Eglise, laquelle est justificata in semetipsa.

  A008002999 

 Cum esset desponsata Mater Jesu Maria Joseph, antequam convenirent, etc. Non, le palmier ne faeconde pas la palme, c'est le soleil qui la faeconde; mais la nature a volu observer cette ceremonie, peut estre seulement pour nous acheminer par cette similitude a ce que nous disons maintenant.

  A008002999 

 La premiere, que les palmes sont de deux sortes: les unes sont males, que nous pourrons appeller palmiers, et les autres femelles, qui retiennent le nom de palme.

  A008003049 

 Mais nous ne pouvons parler de la prière que si Dieu nous instruit; disons donc avec les Apôtres: Seigneur, enseignez-nous à prier..

  A008003049 

 Voilà pourquoi nous devons absolument parler de la prière; le temps des Rogations du reste l'exige.

  A008003052 

 Wiclef use mal de la distinction des anciens théologiens et des Saints qui comptaient trois sortes de prières: la vocale, la mentale et la vitale ou la prière des œuvres; quant à nous, nous en devons bien user.

  A008003056 

 Toute prière renferme toujours une demande à Dieu; nous sommes serviteurs inutiles, non relativement à nous-mêmes, mais relativement à Dieu.

  A008003057 

 Aussi disons-nous: «En haut les cœurs! Nous les tenons élevés vers le Seigneur.».

  A008003057 

 Et quand nous disons Père, nous comprenons toute la sainte Trinité; c'est ce qui explique le chapitre XIV: Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

  A008003057 

 Ne savez-vous pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Nous demandons bien aux Saints, mais non d'une manière absolue, nous demandons qu'ils appuient nos prières par les leurs.

  A008003058 

 En mon nom, comme Médiateur (déjà les anciens priaient de la sorte, mais implicitement; nous, nous prions ainsi plus explicitement, plus formellement, comme notre foi aussi est plus explicite); sans cela nous ne serions pas dignes d'être regardés.

  A008003058 

 Vous n'avez pas reçu l'esprit [408] de servitude qui vous retienne encore dans la crainte; mais vous avez reçu l'esprit des enfants, par lequel nous crions: Aida, Père.

  A008003079 

 Voir dans Génébrard comment il faut recourir à la puissance du Seigneur quand nous ne comprenons pas un mystère.

  A008003080 

 Ces expressions indiquent une durée courte non pas en soi, mais relativement à nos mérites, car nous méritions que le Messie ne vînt jamais.

  A008003083 

 Noter cela pour comprendre soit le grand avantage qu'il y a d'être avec Marie, soit la préséance d'honneur qui place Marie au-dessus de tous, comme étant la plus digne; car nous ne disons pas que le prince voyage ou est avec son courtisan, nous disons que celui-ci est avec son prince..

  A008003096 

 Or, pour la preuve de nostre foy, il ne se faut pas contenter de bayser la Croix, mais il faut aymer la Croix; car la bayser sans l'aymer, c'est augmenter le crime de nostre infidelité, et attirer sur nous les punitions de ce peuple duquel Jesus Christ disoit: Ces gens icy m'honnorent des levres, ilz me donnent des baysers hypocritiques et des feintes louanges; mais leur cœur est fort esloignè de moy, et par consequent leurs œuvres sont fort esloignees de mes intentions.

  A008003107 

 Certes, les travaux, les injures, les tribulations que nous recevons sont des croix de vray larron, et nous les avons bien meritees, et nous devons humblement dire comme ce bienheureux larron: Nous recevons dans nos souffrances ce que nous avons merité par nos offences.

  A008003107 

 Et par ceste humilité, nous rendrons nostre croix de larron, une croix de vray Chrestien.

  A008003107 

 Unissons donq, comme le bon larron, nostre croix de pecheur a la Croix de Celuy qui nous a sauvé par sa Croix; et par ceste amoureuse et devote union de nos souffrances aux souffrances et Croix de Jesus Christ, nous entrerons, comme des bons larrons, dans son amitié, et a sa suite, dans son Paradis..

  A008003128 

 C'est le cantique des Bienheureux, ainsi que nous l'apprenons de saint Jean.

  A008003130 

 Mais pourquoi l'Eglise nous fait-elle, dès maintenant, entonner les célestes concerts de la vie bienheureuse? Quoi! l'hymne de la fortunée patrie peut-il être sur les lèvres des tristes exilés qui gémissent dans la vallée de larmes! Assis sur les bords des fleuves de Babylone, pouvons-nous chanter le cantique du Seigneur dans une terre étrangère? Oui, sans doute, puisque par la foi nous habitons déjà les Cieux: Conversatio nostra in Cœlis est.

  A008003132 

 Et nous, habitants de la terre, nous sommes appelés à partager ces divins transports; c'est aussi à nous de considérer, avec les yeux du cœur, les plaies adorables de notre bon Maître.

  A008003133 

 Ces plaies sont les sources d'eau vive que l'amour du Sauveur nous a creusées clans son propre corps, et dont il a été écrit par Isaïe que nous y puiserons avec joie les grâces les plus abondantes: Haurietis aquas in gaudio de fontibus Salvatoris.

  A008003133 

 combien sont abondantes les grâces qu'il a renfermées pour nous dans ces sources fécondes et miséricordieuses.

  A008003133 

 en quoi consiste la joie avec laquelle nous devons puiser dans les fontaines du Sauveur; 2.

  A008003138 

 Pourquoi le Prophète nous invite-t-il à la joie en nous rappelant le souvenir des plaies sanglantes de notre Sauveur? Comment chanter l' Alleluia à la vue des tristes marques de sa douloureuse Passion? Haurietis aquas in gaudio.

  A008003138 

 Quand l'Eglise nous fait chanter des cantiques d'allégresse en l'honneur de Jésus ressuscité, ce n'est pas pour que nous bannissions de notre esprit l'attendrissant souvenir de ses tourments et de ses supplices, ni pour que nous cessions de verser des larmes sur ses cruelles souffrances.

  A008003139 

 L'Eglise nous invite toujours à fixer nos yeux sur le Crucifix qui nous représente Jésus élevé en croix; tout le poids de son corps qui ne porte que sur ses plaies, sa chair et ses veines qui se déchirent de plus en plus, ses nerfs qui se brisent, et ses os qui se disloquent les uns après les autres en sorte qu'on peut les compter, comme l'avait prédit le Prophète: Dinumeraverunt omnia ossa mea..

  A008003140 

 Ah! s'écrie saint Bonaventure, si une épine seulement nous blesse le pied, nous jetons des cris de douleur; et comment donc serions-nous insensibles aux maux extrêmes qu'a soufferts notre Chef et notre Seigneur! «Quare magis compateris parvae puncturae pedis tui, quam gravissimae morti Domini tui!» Quoi! dit encore le même Saint, nous ne pourrions soutenir la vue d'un tourment affreux exercé, je ne dis pas sur un parent ou sur un ami, je ne dis pas sur un homme inconnu, mais sur un vil animal; et nous verrions sans douleur l'excès des maux que souffre notre Dieu! «Si videres animal brutum ita affligi, humano affectu compatereris, quanto magis Domino Deo!».

  A008003141 

 Que sera-ce donc, ajoute le saint Docteur, si nous réfléchissons que nos péchés sont les bourreaux de Jésus-Christ, que c'est pour nos crimes qu'il a été cloué à la croix, que ce sont nos iniquités qui lui ont fait ces plaies si humiliantes et si douloureuses! Quelle profonde tristesse, quelle vive componction, quelle contrition amère ne doit pas s'emparer de notre cœur! «In dolore enim Domini nostri Jesu Christi, debemus intime sibi condolere et compati.

  A008003142 

 Mais en même temps, dit toujours saint Bonaventure, «la bienheureuse Passion de notre Sauveur doit exciter dans un cœur chrétien la plus sainte allégresse et le [427] ravissement de la joie la plus vive: In hac beatissima Passione datur nobilissimi gaudii materia et vehemens exsultatio.» «Eh! qui pourrait ne pas être transporté de joie en se voyant, par l'heureux effet des plaies de Jésus, arraché à la damnation éternelle, à l'esclavage du péché, à la tyrannie du démon! Quis non exsultet et gaudeat, cum cernit seipsum per hanc beatissimam Passionem liberatum a damnatione aeterna, a culpae ignominia, a potestate diabolica!» «Quelles bornes pourrions-nous donner aux transports de notre allégresse, quand nous considérons qu'un Dieu nous a aimés jusqu'à se réduire pour nous à tant d'humiliations et de souffrances! Sed quis non exsultet in immensum, cum cernit Deum ipsum in tantum diligere ut tantae vilitati et pœnalitati subjecerit semetipsum pro eo!».

  A008003143 

 «Ce n'est pas que nous nous réjouissions de ses ignominies et de ses douleurs;» non, non, elles feront toujours la matière de nos gémissements et de nos larmes, mais nous sommes saisis de joie à la vue des admirables effets qu'a produits le sang précieux qui coule de ses plaies; nous bénissons mille et mille fois la tendre affection, l'amour ardent qu'il nous a témoigné en mourant sur la croix pour notre salut: «Non quod gaudeat de ejus vilitate et Passione, sed de ejus effectu affectuque, et amoris manifestatione.».

  A008003144 

 «Quel est le grand de la terre qui n'éprouverait pas la joie la plus vive, s'il était aimé du roi à un tel point que ce monarque fût prêt à donner sa vie pour lui! A combien plus forte raison, nous qui sommes des hommes si méprisables, de si infâmes esclaves, des pécheurs si abominables, devons-nous tressaillir de joie en voyant le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, notre Créateur et notre Dieu, Jésus, nous aimer jusqu'à s'immoler lui-même pour nous par la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle! Quis princeps in regno cernens se tantum a rege diligi ut paratus esset mori pro ipso, non gauderet et exsultaret! Quanto magis nos vilissimi homines, et nefandissimi peccatores et servi, gaudere debemus et exsultare, cum videmus Regem regum et [428] Dominum dominantium et Creatorem nostrum Jesum nos ita continue diligere, ut immolaverit seipsum pro nobis in tam turpi et vilissima morte!».

  A008003145 

 Ah! nous pouvons bien assurer qu'il nous aime infiniment plus que nous ne nous aimons nous-mêmes.

  A008003148 

 Qu'elle est donc grande, Messieurs, la joie dont un cœur chrétien est pénétré en puisant aux sources du Sauveur! Qui pourrait encore exprimer l'abondance des grâces qui sont renfermées pour nous dans ces fontaines de salut et de miséricorde! Faisons-en le sujet de notre méditation dans le second point.

  A008003153 

 Ces eaux sont les grâces que Jésus-Christ nous a méritées par son sang précieux.

  A008003153 

 Nous apprenons de l'Apôtre saint Paul que Jésus-Christ était figuré par la pierre salutaire, le rocher mystérieux d'où Moïse fit couler des eaux abondantes pour désaltérer le peuple d'Israël: Bibebant autem de spiritali consequente eos petra; petra autem erat Christus.

  A008003153 

 « Les trous de la pierre » par lesquels coulent ces eaux divines sont, dit saint Bernard, «les plaies sacrées du Sauveur: Foramina petrae, vulnera Christi.» Allons puiser avec confiance dans ces sources de bénédiction; nous y trouverons une eau vive que Jésus nous a préparée pour nous fortifier contre tous les dangers, et pour former au dedans de nous une fontaine dont l'eau rejaillisse jusqu'à la vie éternelle: Aqua quam ego dabo ei, fiet in eo fons aquae salientis in vitam aeternam..

  A008003160 

 Ah! puisque je trouve tant de biens dans les plaies de mon Jésus, je veux suivre le conseil de saint Bonaventure, et je prends pour résolution d'établir trois tentes, non sur le Thabor, car Pierre ne savait ce qu'il disait lorsqu'il faisait cette proposition à Jésus, mais sur le Calvaire où le Sauveur lui-même nous a préparé ces trois demeures dans ses divines plaies: « Bonum est cum Christo esse; et in ipso volo tria tabernacula facere, unum in manibus, unum in pedibus, sed aliud continuum in latere ubi volo quiescere.».

  A008003165 

 Nous prendrons pour bouquet spirituel les paroles de saint Pierre; Bonum est nos hic esse, faciamus tria tabernacula.


09-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IX-Vol.3-Sermons.html
  A009000067 

 La tres sainte Eglise a accoustumé de nous preparer dès la veille des grandes solemnités, à fin que nous venions à estre plus capables de reconnoistre les grans benefices que nous avons receus de Dieu en icelles.

  A009000068 

 De mesme l'Eglise nous disant: « Vous sçaurez aujourd'huy que le Seigneur viendra» demain, ne pretend autre chose sinon de faire que nous enfoncions nos entendemens en la consideration de la grandeur du mystere de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur.

  A009000068 

 Il parle ainsy comme si le Seigneur devoit venir en sa propre gloire, bien que nous sçachions tous que Dieu ne va et ne vient pas comme s'il avoit un corps, car il est immuable, ferme et solide, sans mouvement aucun; neanmoins Moyse use de ces termes pour monstrer que le benefice de la manne estoit si grand qu'il sembloit que Dieu deust venir luy mesme pour la porter et distribuer aux enfans d'Israël.

  A009000068 

 La tres sainte Eglise nous voulant donques faire preparer en la vigile du saint jour de Noël, et, comme une mere tres aymable, ne nous voulant laisser surprendre d'un si grand mystere, nous dit ces paroles: « Vous sçaurez aujourd'huy que Nostre Seigneur viendra» demain; qui est autant à dire: Il naistra demain, et vous le verrez tout petit enfant couché dans une creche.

  A009000069 

 Alexandre le Grand estant à l'article de la mort, ses courtisans, fols, insensés et flatteurs, luy vindrent dire: «Sire, quand te plaist-il que nous te fassions dieu?» Lors Alexandre monstra bien, en la response qu'il leur fit, qu'il n'estoit pas si fol comme eux: «Vous me ferez dieu quand vous serez bienheureux,» leur respondit-il.

  A009000069 

 Ce que pour mieux faire, nous humilierons premierement nos entendemens, reconnoissans qu'ils ne sont nullement capables de pouvoir penetrer dans le fond de la grandeur de ce mystere, qui est un mystere vrayement chrestien.

  A009000070 

 Et nostre entendement, qui est l'œil de nostre ame, ne le peut regarder longuement sans s'obscurcir, et confesser en s'humiliant qu'il ne peut penetrer dans le fond de ce mystere, pour comprendre comme Dieu s'est incarné dans le ventre virginal de la tres sainte Vierge, et s'est fait homme semblable à nous pour nous rendre semblables à Dieu..

  A009000070 

 Mais comme l'on voit que nos yeux ne sont pas capables de regarder la lumiere ou la clarté du soleil sans s'obscurcir (de sorte qu'apres s'estre voulu appliquer à regarder cette lumiere nous sommes contrains de les fermer, n'estant pas capables de rien voir pour quelque temps), de mesme, ce qui nous empesche de comprendre le mystere de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur n'est pas qu'il soit tenebreux en soy mesme, ains parce qu'il n'est que lumiere et clarté.

  A009000071 

 C'est donques en l'obscurité de la nuit que Nostre Seigneur naquit et se fit voir a nous comme un petit enfant couché dans une creche, ainsy que nous le verrons demain..

  A009000071 

 Ce benefice n'est autre que la grace qui nous sert pour acquerir la jouissance de la gloire et felicité, de laquelle [4] nous estions privés pour jamais sans ce don qu'il nous a fait de sa grace.

  A009000071 

 Dieu voulant de mesme faire un benefice signalé et incomparablement aymable aux hommes qui vivent sur la terre comme en un desert, où ils ne font que souspirer et aspirer pour la jouissance de la terre promise qui est nostre patrie celeste, vient luy mesme en personne nous l'apporter, et ce au plus fort de la nuit.

  A009000073 

 La tres sacrée Vierge est aussi cette estoille matiniere qui nous apporte les gracieuses nouvelles de la venue du vray Soleil.

  A009000074 

 Il est bon pourtant de s'en servir pour fondement des meditations que nous faisons sur le mystere de la Nativité de Nostre Seigneur.

  A009000075 

 Ce qui nous represente les trois substances qui se trouvent en ce tres beni Enfant que nous verrons demain couché dans une creche.

  A009000076 

 De mesme, la nature divine de Nostre Seigneur vint et descendit du Ciel à l'heure mesme de son Incarnation sur cette benite fleur de la tres sainte Vierge Nostre Dame, où la nature humaine l'ayant recueillie l'a conservée dans la ruche des entrailles de la glorieuse Vierge l'espace de neuf moys, apres lesquels il a esté transporté dans la creche où nous le verrons demain..

  A009000077 

 Le goust de l'huile qui se rencontroit en la manne nous represente la nature de la tres sainte ame de Nostre Seigneur.

  A009000077 

 Qu'est-ce autre chose sa tres benite ame qu'une huile, un baume, une odeur respandue qui console infiniment l'odorat de tous ceux qui s'en approchent par la consideration de son excellence? O quelle odeur respandit-elle en presence de la divine Majesté à laquelle elle se voyoit unie sans l'avoir merité ni peu meriter d'elle-mesme! O quels actes de parfaite charité, de profonde humilité ne produisit-elle pas en ce mesme instant de cette sacrée et incomparable union qu'elle eut avec le Verbe eternel à l'heure mesme de l'Incarnation! Et pour nous autres, quel parfum, quelle odeur, quelle senteur d'une suavité incomparable n'a-t-elle pas respandu pour nous inciter à la suite et à l'imitation de ses perfections!.

  A009000078 

 En fin le goust de la fleur de farine qui se rencontrait encores en la manne represente cette autre partie de la tres sainte humanité de Nostre Seigneur, son corps adorable, lequel ayant esté moulu sur l'arbre de la Croix, a esté fait un pain tres precieux qui nous nourrit pour la vie eternelle.

  A009000078 

 O que ce pain a un goust incomparablement delectable pour les [7] ames qui le mangent dignement! Quelle delectation, je vous prie, de se nourrir du pain descendu du ciel, du pain des Anges! Toutefois, ce qui le rend plus delectable est l'amour avec lequel il nous est donné par Celuy mesme qui est le don et le donateur tout ensemble.

  A009000080 

 Mais remarquez qu'il n'y eut que les bergers qui veilloyent sur leur troupeau qui eurent l'honneur et la grace d'ouïr cette gracieuse nouvelle de la naissance de Nostre Seigneur, pour nous monstrer que si nous ne veillons sur le troupeau que Dieu nous a donné en charge, qui est comme j'ay dit, nos passions, nos inclinations, les facultés de nostre ame, pour les faire repaistre dans quelque saint pasturage et les tenir rangées et en leur devoir, nous ne meriterons point d'ouïr cette nouvelle tant aymable de la naissance du Sauveur, et ne serons pas capables de l'aller visiter dans la creche où sa tres benite Mere le posera demain..

  A009000080 

 Or, si un chacun de nous est berger et pasteur, quel est, peut-on dire, nostre troupeau et quelles sont nos brebis? Ce sont nos passions, nos inclinations, nos affections, les facultés de nostre ame.

  A009000081 

 Helas, nous estions indignes de sçavoir comme quoy nous les devions bien conduire et ranger; mais Nostre Seigneur, comme bon Pasteur et berger tres aymable de nos ames, qui sont ses brebis pour lesquelles il a tant fait, vient nous enseigner luy mesme ce que nous devons faire.

  A009000081 

 O que nous serons heureux si nous l'imitons fidellement et si nous suivons l'exemple qu'il nous vient donner.

  A009000082 

 Et tout ainsy que nous le voyons emmaillotté et serré dans des bandelettes et maillots par sa tres benite Mere, il entend de nous inciter à bander et serrer toutes nos passions, affections, inclinations, et en fin toutes nos puissances tant interieures qu'exterieures, nos sens, nos humeurs et tout ce que nous sommes, dans les maillots de la sainte obeissance, pour ne vouloir jamais plus nous gouverner ni user de nous mesmes, de crainte d'en mesuser, sinon autant que l'obeissance nous le pourra permettre..

  A009000082 

 Je considere que, outre cette rayson pour laquelle Nostre Seigneur voulut estre bandé et emmaillotté et sujet à sa tres sainte Mere, de telle sorte qu'il se laisse manier, porter et emmaillotter tout ainsy qu'il luy plaist, sans tesmoigner nulle repugnance, il y a encores un autre sujet qui l'a meu à ce faire: c'est pour nous apprendre à gouverner et regir nostre troupeau spirituel, c'est à dire nos passions, nos affections et les facultés de nostre ame.

  A009000082 

 La concupiscible est celle qui nous fait aymer et desirer ce qui nous semble estre bon et profitable; c'est elle qui nous fait resjouir en la prosperité et qui nous fait attrister en l'adversité, en la mortification et en tout ce qui repugne à la propre volonté.

  A009000082 

 Or, tout cecy Nostre [10] Seigneur veut que nous apprenions de luy à le ranger sous la domination de la rayson.

  A009000083 

 Voyez de grace ce tres doux Enfant lequel se laisse tellement gouverner et conduire par sa tres benite Mere qu'il semble veritablement qu'il ne puisse en façon quelconque faire autrement; ce n'est pour autre sujet, mes cheres ames, sinon pour nous monstrer ce que nous devons faire, principalement les Religieuses qui ont voué leur obeissance.

  A009000084 

 Mais comme les bergers ne [11] l'allerent pas voir sans doute sans luy porter quelques petits agnelets, il ne faut pas que nous y allions les mains vides, ains il nous faut porter quelque chose.

  A009000084 

 O qu'il nous sçaura bon gré de ce present, mes cheres Sœurs, et que la tres sainte Vierge le recevra avec une grande consolation pour le desir qu'elle a de nostre bien; ce divin Enfant nous regardera sans doute de ses yeux benins et gracieux pour recompense de nostre present, et pour tesmoignage du plaisir qu'il en recevra.

  A009000084 

 O que nous serons heureux si nous visitons ce cher Sauveur de nos ames; nous en recevrons une consolation nompareille, et tout ainsy que la manne avoit le goust qu'un chacun eust peu desirer, de mesme chacun peut trouver de la consolation en visitant ce Poupon tres aymable..

  A009000084 

 Qu'avons nous de plus à dire sinon que le mystere de la Nativité de Nostre Seigneur est un mystere de la Visitation? Comme la tres sainte Vierge fut visiter sa cousine sainte Elizabeth, de mesme il nous faut aller fort souvent le long de cette octave visiter le divin Poupon couché dans la creche, et là nous apprendrons de ce souverain Pasteur des bergers à conduire, gouverner et ranger nos troupeaux, de sorte qu'ils soyent aggreables à sa Bonté.

  A009000084 

 Qu'est-ce, je vous prie, que nous pourrions porter à ce divin Berger qui luy fust plus aggreable que le petit agnelet de nostre amour, qui est la principale partie de nostre troupeau spirituel, car l'amour est la premiere passion de l'ame.

  A009000086 

 Nous avions quelques excuses [12] sans doute de nous chagriner et estre changeans en nos humeurs tandis que nous n'avions pas cet Enfant tant aymable qui nous vient de naistre ou qui naistra demain; mais desormais il ne nous sera plus loysible, puisque en luy consiste tout le sujet de nostre joye et de nostre bonheur..

  A009000087 

 Nos sens ne cessent de s'esgarer et d'attirer nos facultés interieures apres eux pour se dissiper tantost apres ce sujet qu'elles rencontrent, puis tantost sur un autre, et ainsy ce n'est qu'une continuelle perte de temps, travail d'esprit, inquietude, qui nous fait perdre la paix et tranquillité tant necessaire à nos ames.

  A009000088 

 C'est la grace que je vous desire, mes cheres ames, que de vous tenir bien proches de ce sacré Sauveur qui vient pour nous ramasser tout autour de luy, à fin de nous tenir tousjours sous l'estendart de sa tres sainte protection, soit comme le pasteur a soin de ses brebis et de son troupeau, soit comme le roy des abeilles, qui en a un tel soin que l'on dit qu'il ne sort jamais de sa ruche sans estre entouré de tout son petit peuple.

  A009000088 

 Sa Bonté nous veuille faire la grace que nous entendions sa voix, ainsy que les brebis celle du pasteur, à fin que le reconnoissant pour nostre souverain Pasteur, nous ne nous esgarions et n'escoutions celle de l'estranger qui se tient pres de nous comme un loup infernal, en intention de nous perdre et de nous devorer; et que de mesme nous puissions avoir la fidelité de nous tenir sousmis, obeissans et sujets à ses volontés et commandemens, ainsy que les avettes font avec leur roy, à fin que par ce moyen nous commencions à faire dès cette vie ce que moyennant la grace de Dieu nous ferons eternellement au Ciel, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000093 

 Nous celebrons aujourd'huy la feste du glorieux Martyr saint Blaise, et en cette maison l'on fait l'octave de la Purification de Nostre Dame.

  A009000093 

 Nous trouvons en celuy d'aujourd'huy que Nostre Seigneur dit ces trois mots auxquels sont comprises toute la doctrine et perfection chrestienne: Qui voudra venir apres moy, qu'il renonce à soy mesme, prenne sa croix et qu'il me suive.

  A009000093 

 [15] Nostre Dame nous en monstre un exemple admirable, car l'Evangeliste dit que les jours estans venus ou passés de sa purification, selon la Loy de Moyse, elle vint au Temple pour offrir son Fils avec deux colombes ou tourterelles.

  A009000094 

 Elle n'eut non plus besoin de purification dès cette heure là; mais nous autres, il est tres necessaire que nous sçachions cette verité, qui est que tant que nous serons en cette miserable vie nous aurons tousjours besoin de nous purifier et de renoncer à nous mesme, et cette vie ne nous est donnée pour autre fin.

  A009000094 

 Il se sert de nos sens, et il est si malicieux que dès que nous luy ostons le pouvoir de faire ses operations en celuy de la veüe, il se saisit de celuy de l'ouÿe, et ainsy des autres; bref, nous sommes au temps qu'il faut travailler..

  A009000095 

 Mais nous avons un autre nous mesme, et c'est celuy auquel il faut renoncer; ce sont nos passions, nos mauvaises inclinations, nos affections depravées, et pour dire en un mot, cet amour propre duquel nous avons desja parlé..

  A009000095 

 Nous avons deux nous mesmes, et avons desja veu que renoncer à soy mesme c'est se purifier soy mesme.

  A009000095 

 Or, quel est ce nous mesme qu'il faut purifier, puisque nous en avons deux, lesquels neanmoins ne font qu'une seule personne? Nous avons un nous mesme qui est tout celeste, lequel nous fait faire les bonnes œuvres; c'est cet instinct que Dieu nous [16] a donné pour l'aymer et pour aspirer à la jouissance de la Divinité en la gloire eternelle.

  A009000096 

 Il ne se faut point tromper, pensant pouvoir aller apres Nostre Seigneur sans renoncer tout à fait et sans reserve à ce nous mesme, car non seulement Nostre Dame nous a baillé exemple de le faire, mais le Sauveur mesme nous l'a enseigné en sa Mort et Passion, renonçant à l'inclination qu'il avoit de vivre, pour s'assujettir à la volonté de son Pere, en se rendant obeissant jusques à la mort et à la mort de la croix; et c'est ainsy qu'il faut que nous fassions.

  A009000096 

 Je veux dire qu'il faut renoncer à ce mauvais nous mesme pour l'assujettir à l'autre, qui est la rayson et partie superieure de l'ame, qui tend tousjours au vray bien par l'instinct que Dieu luy a donné; car il ne serviroit de rien de renoncer à soy mesme pour en demeurer là; les philosophes d'autrefois l'ont fait admirablement, mais cela ne leur a de rien servi.

  A009000097 

 C'est assez parler sur ce premier point, puisque nous sommes enseignés que renoncer à soy mesme n'est autre chose que se purifier et se purger de tout ce qui se fait par l'instinct de nostre amour propre, lequel, nous le sçavons, produira tousjours, tandis que nous serons en cette vie, des rejetons qu'il faudra couper et retrancher, tout ainsy qu'il faut faire à la vigne; car il ne se faut pas contenter d'y mettre une fois la main, mais il faut la couper en un temps, puis apres la despouiller de ses feuilles, et ainsy plusieurs fois l'année il faut avoir la main à la serpe pour retrancher les superfluités.

  A009000097 

 Il ne reste rien à adjouster sur ce sujet sinon qu'il faut avoir bon courage pour ne se laisser jamais abattre ni estonner de nos imperfections, puisque tout le temps de nostre vie nous est donné pour nous en desfaire et purger.

  A009000098 

 Au renoncement de nous mesme nous faisons encor quelque chose qui nous contente, parce que c'est nous mesmes qui agissons, mais icy il faut prendre la croix telle qu'on nous l'impose; et en cecy il y a desja moins de nostre choix, c'est pourquoy c'est un point de perfection de beaucoup plus grand que le precedent.

  A009000098 

 Lors qu'il voulut mourir pour nous racheter et pour satisfaire à la volonté de son Pere, il ne choisit point sa croix, ains receut humblement celle que les Juifs luy avoyent preparée..

  A009000098 

 Nostre Seigneur et tres cher Maistre nous a tres bien monstré comme il ne faut pas que nous choisissions la croix, ains qu'il faut que nous la prenions et portions telle qu'elle nous est presentée.

  A009000099 

 D'autre part, il estoit cruellement travaillé et tourmenté en son corps, car il nous asseure qu'il fut fouetté par trois fois, de sorte que les traces en paroissoyent sur ses espaules; apres, qu'il fut lapidé et que l'on remarquoit encores les coups; puis, qu'il fut submergé, et ainsy des autres tourmens qu'il endura.

  A009000099 

 Escoutons un peu son grand Apostre saint Paul, lequel nous asseure que rien ne le separera de son Maistre parce qu'il est marqué de sa marque, et qu'en quelle part qu'il aille il sera tousjours reconneu pour estre des siens.

  A009000100 

 Je veux dire qu'il peut y avoir plus de vertu à retenir une parolle qui nous a esté defendue par nos Superieurs, ou bien à ne pas lever la veùe pour regarder quelque chose que l'on a bien envie de voir, que non pas de porter la haire, parce que dès qu'on l'a sur le dos il n'est plus besoin d'y penser; mais en ces menues obeissances il faut avoir une grande attention pour n'y pas faillir..

  A009000101 

 Nous voyons donques assez que cette parolle de Nostre Seigneur qui ordonne qu'on prenne sa croix, se doit entendre de recevoir de bon cœur les contradictions et mortifications qui nous sont faites à tous rencontres, bien qu'elles soyent legeres et de peu d'importance.

  A009000102 

 Il dit la nostre, pour nous empescher de suivre l'extravagance de plusieurs lesquels quand on leur fait quelque mortification s'en faschent, disant: Si l'on m'eust fait celle-là que l'on a fait à un tel je la souffrirois volontiers.

  A009000102 

 Il faut que nous en fassions de mesme lors que ces sirenes de propre volonté, de repugnances et raysons de l'amour propre nous viendront chanter aux oreilles pour nous conjurer de leur obeir; il faut, dis je, nous attacher fortement à l'arbre du navire, qui n'est autre chose que la croix, nous resouvenant que Nostre Seigneur, pour le second point de la perfection, nous ordonne de prendre nostre croix.

  A009000103 

 Au premier, qui est de renoncer à nous mesme, doivent estre mises, comme nous l'avons dit, ces deux esgales et invariables resolutions, à sçavoir mon, de se resoudre à avoir tous-jours quelque chose à purger et mortifier pendant que nous serons en ce monde, puisque nostre purgation ne se doit finir qu'avec nostre vie; et l'autre, d'avoir bon courage pour ne point nous estonner d'avoir beaucoup à faire, ains de travailler tousjours le plus fidellement que nous pourrons.

  A009000103 

 Il faut que nous sçachions qu'il y a difference entre aller apres Nostre Seigneur et le suivre.

  A009000118 

 Nostre Seigneur a voulu estre tenté à fin de nous monstrer comme il nous faut comporter en toutes sortes de tentations et comme nous y devons resister.

  A009000118 

 Nous en verrons la prattique dans les tentations qui luy furent faittes par le diable estant au desert, où, apres avoir jeusné quarante jours, les Evangelistes rapportent qu' il eut faim.

  A009000119 

 Il faut que nous sçachions que le diable donne souvent cette tentation aux ames les plus pieuses, plus retirées et plus adonnées au service de Dieu; aussi est-ce celles-là particulierement qu'il cherche, car il sçait bien qu'il aura plus d'honneur, c'est à dire d'honneur infernal, pour l'acquisition d'une de ces ames, que non pas de beaucoup d'autres moins pieuses; et il fait cela aussi pour la haine perpetuelle qu'il porte à Dieu.

  A009000120 

 Et pourquoy, sinon pour nous gendarmer, fortifier et rendre vaillans et courageux en son service pour la conqueste des vrayes et solides vertus? C'est un abus de croire de les pouvoir acquerir et parvenir à la [24] perfection sans estre tenté des vices contraires.

  A009000120 

 Il faut regarder l'intention de la divine Majesté au temps de la tentation; non pas que nous puissions penser ni dire que c'est Dieu qui nous tente; oh non, car il ne le peut, ains il permet que nous soyons tentés et exercés.

  A009000121 

 Ils disent: Puisque les Saints ont fait cela, nous le voulons faire aussi.

  A009000121 

 Or, le diable estant rejetté par nostre Maistre ne perdit pas courage, ains le prit et le porta sur le pinacle du Temple, et luy dit: Si tu es Fils de Dieu, jette toy en bas, car il est escrit que les Anges te porteront entre leurs bras, de peur que tu ne heurtes de ton pied à la pierre. Et Nostre Seigneur ne le voulut pas pour plusieurs raysons, dont en voicy une: ce fut pour nous monstrer que si bien nous sommes portés par le diable en un lieu haut et sureminent comme est la Religion, par quelques intentions perverses, voire mesme de despit, que nous n'en devons pas descendre, ains y devons demeurer, car Dieu sçaura bien convertir nostre mauvaise intention en une bonne.

  A009000129 

 L'Eglise au premier Dimanche de Caresme nous fait voir la tentation de Jesus Christ, au second, sa Transfiguration et la gloire de la Hierusalem celeste, et au troisiesme, la providence de Dieu envers ceux qui, ayans appris de Nostre Seigneur à vaillamment combattre, l'ont fait si fidellement qu'ils ont merité la recompense qu'il leur monstre apres la bataille.

  A009000129 

 Nous ferons aujourd'huy quelques petites considerations par lesquelles nous monstrerons qu'il y a quatre degrés en l'oraison; mais avant tout cela, disons trois paroles..

  A009000130 

 Or cela estant, nous voyons clairement que le mystere de la Transfiguration ne fut point un miracle, ains une cessation de miracle, puisque les dots de gloire qui enrichissoyent la partie superieure de cette benite ame estoyent aussi deües à la partie inferieure qui n'en jouissoit toutefois aucunement, ains estoit abandonnée et delaissée à la merci de toutes nos misere et calamités; tout ainsy qu'une grande source [27] rejaillissant au sommet d'une haute montagne, retiendroit ses eaux sans s'escouler par les vallons.

  A009000131 

 Plusieurs ames devotes demanderont peut estre comment est-ce que nous connoistrons que nous nous avançons à l'oraison, et par le moyen de l'oraison, à la perfection.

  A009000132 

 Or, nous connoissons que nostre oraison est bonne et que nous nous avançons en icelle, si, lors que nous en sortons, nous avons, à l'imitation de Nostre Seigneur, la face reluisante comme le soleil et nos habits blancs comme la neige; je veux dire, si nostre face reluit de charité et nostre corps de chasteté.

  A009000133 

 L'amour ne se repaist point comme nous pensons.

  A009000133 

 Non certes, il ne faut pas dire comme saint Pierre: Il est bon que nous soyons icy, mais: Il est bon que nous passions par icy pour aller à la montagne de Calvaire..

  A009000133 

 Nostre divin Maistre faisoit ses exces bien d'autre façon que non pas nous autres; car nous, nous jettons de bas en haut.

  A009000135 

 Et voyci comme nous sommes enseignés que tous, de quelle condition qu'ils soyent, doivent prier et faire oraison, car c'est là où principalement ce divin Maistre nous parle.

  A009000135 

 Je dis bien neanmoins que si vous voulez bien faire vostre devoir, il faut que vous priiez Dieu, et c'est en l'oraison que nous apprenons à bien faire ce que nous faisons.

  A009000135 

 Je ne dis pas que nous devons faire autant d'oraison les uns que les autres, car il ne seroit pas à propos que ceux qui ont beaucoup d'affaires demeurassent aussi longuement en oraison que les Religieux.

  A009000136 

 L'une est neanmoins plus profitable que l'autre; comme de mesme il y a plus de profit à accomplir la volonté de Dieu, ou bien à l'aymer en quelque evenement qui nous contrarie, que non pas à [30] escouter parler Nostre Seigneur emmy la consolation que l'on reçoit aucunefois en l'oraison..

  A009000136 

 si nous ne faisions ce qu'il nous dit, observant fidellement ses commandemens et ses volontés.

  A009000137 

 Cecy est le souverain degré de la perfection, de ne voir plus que Nostre Seigneur en quoy que nous fassions.

  A009000137 

 Il ne faut cependant voir que Dieu, ne chercher plus que luy, ni avoir aucune affection que pour luy, et nous serons bienheureux.

  A009000145 

 Aussi voyons nous qu'il la recommande fort particulierement à ses Apostres quand il dit: Soyez prudens comme le serpent et simples comme la colombe. Disons quelque chose de cette vertu..

  A009000146 

 La verité n'est autre chose sinon nous monstrer tels en l'exterieur que nous sommes en l'interieur; car le mensonge gist à dire ou à faire quelque chose contraire à nostre sentiment interieur.

  A009000146 

 Pour entendre que c'est que simplicité, nous devons premierement sçavoir qu'il y a trois vertus qui ont un tel cousinage et ressemblance qu'il semble n'y avoir point de difference entre elles: la verité, la pureté et la simplicité.

  A009000147 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, nous le fait bien voir quand il asseure que son Espouse luy a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux; voulant dire: Ma mie, ma toute chere, ma colombe, tu m'as regardé de tes deux yeux, mais maintenant tu as fermé l'œil gauche avec lequel tu voyois les recompenses eternelles, parce que [33] tu en es toute asseurée en perseverant en mon amour; tu ne regardes donques plus que moy, ni ne penses plus qu'en moy, car tes cheveux, à sçavoir tes pensées, tu les as toutes reduites en une qui est pour moy, c'est pourquoy tu m'as ravi le cœur.

  A009000149 

 Les Religieux de ce temps cy eussent bien esté plus discrets, car ils eussent au moins respondu: [34] O Maistre, si nous faisons cela, qu'est ce qu'on dira? On le trouvera mauvais, cela nuira à vostre reputation.

  A009000150 

 C'est l'amour affectif qui nous cause tant de grans desirs de travailler pour la gloire de Dieu et de nous rendre parfaits; mais il veut principalement l'amour effectif, car il ne nous servira de gueres d'affectionner fort sa sainte volonté si nous n'aymons qu'elle soit accomplie en nous en l'affliction comme en la prosperité.

  A009000151 

 Il faut honnorer et estimer toutes les vertus parce qu'elles nous rendent fort aggreables à Dieu, et non pas les prattiquer et nous y affectionner parce que nostre esprit y a quelque correspondance..

  A009000151 

 Mais, o Dieu, il faut que cet amour soit pur, qu'il nous fasse entreprendre la prattique de toutes les vertus [35] egalement, et non pas selon nostre choix; car bien souvent nous nous faschons dequoy nous avons fait quelque legere faute en la vertu que nous affectionnons, et ne nous mettons point en peine d'avoir fait un defaut beaucoup plus grand en une autre vertu qui sera peut estre plus excellente.

  A009000153 

 Que representent, je vous supplie, ces habits jettés sous les pieds du Sauveur? En latin, habit et habitude c'est la mesme chose; or ces bonnes gens nous apprennent que si nous voulons bien honnorer nostre divin Maistre entant que nous le pouvons, il faut que nous jettions devant luy et sousmettions à ses pieds toutes nos habitudes, tant bonnes que mauvaises.

  A009000153 

 Qui, je vous prie, trouverons-nous qui jette ses vertus aux pieds de Nostre Seigneur, se sousmettant à ne les vouloir posseder que pour l'en honnorer, et ne les voulant avoir pour son contentement particulier ou bien pour en estre estimé?.

  A009000156 

 Cet exemple confirme ce que j'ay ja dit, et de plus nous sommes enseignés que si nous voulons crier veritablement vive le Roy, il faut que nous nous despouillions de tout, voire mesme que nous aneantissions toutes nos passions, humeurs et inclinations, les sousmettant avec tout nostre estre aux pieds de la divine Majesté pour estre parfaitement sujets à sa sainte volonté; car l'on ne peut dire vive le Roy, pendant qu'il y a des rebelles en son royaume.

  A009000161 

 A l'amour rien n'est impossible; il destruira tout ce qui est en nous qui est desaggreable à la divine Majesté..

  A009000161 

 Chose admirable que Dieu nous ayt tant aymés que de laisser mourir son Fils pour nous, qui avions merité la mort! Nostre Maistre ne s'est pas contenté de mourir pour nous d'une mort commune, mais a choisi la plus pleine d'abjection et d'ignominie qui se pouvoit jamais penser.

  A009000161 

 Nostre Seigneur a choisi la mort de la croix pour nous tesmoigner son amour, d'autant que l'amour qu'il avoit pour nous ne pouvoit se satisfaire en choisissant une mort plus douce.

  A009000161 

 O Dieu, [39] que vos secrets jugemens sont admirables et incomprehensibles! Admirables et tres grans sont ceux que nous sçavons et comprenons, mais bien plus, sans nulle comparaison, sont grans et aymables ceux que nous ne sçavons pas.

  A009000161 

 Oh! il ne faut pas penser que Nostre Seigneur ait voulu mourir seulement pour nous racheter, car un seul de ses souspirs, à cause de la dignité et merite du Souspirant, suffisoit pour nous sauver et delivrer des mains de nos ennemis; mais cet amour infini ne pouvoit pas estre content s'il ne mouroit de l'amour mesme.

  A009000161 

 Or, puisqu'il est certain qu'il est mort d'amour pour nous, le moins que nous devions faire pour luy c'est de vivre d'amour.

  A009000162 

 L'autre rayson pour laquelle Nostre Seigneur et nostre Maistre a choisi la mort de la croix est pour nous enseigner la prattique de l'humilité, estant bien convenable que nostre orgueil fust confondu par la vertu contraire.

  A009000162 

 Mais, o Dieu, il ne faut pas la choisir à nostre gré, ains l'accepter de bon cœur telle qu'elle nous arrivera selon le divin [40] bon playsir; je ne dis pas seulement la mort, mais toutes sortes de peines, d'afflictions, de contradictions et abjections.

  A009000162 

 O Dieu, que cecy est admirable, que le Verbe eternel s'aneantisse et se demette de sa propre gloire pour des creatures qui correspondent si peu à son amour! Il s'est rendu obeissant jusques à la mort, et jusques à la mort de la croix; il est bien raysonnable que nous luy soyons obeissans jusques à la mort, voire jusques à la mort de la croix, pour luy tesmoigner nostre amour.

  A009000162 

 Remarquez icy, je vous prie, l'infinie bonté du Sauveur qui voulut mourir de la mort des hommes, pour nous faire vivre, selon la pretention d'Adam, de la vie de Dieu.

  A009000163 

 C'est pourquoy, voulant mourir, il ne choisit pas d'estre estouffé ni estranglé, qui est une mort bien plus courte que celle de la croix; nous monstrant par ce choix que nous ne nous devons point ennuyer de la longueur ni de la quantité de nos souffrances, voire durassent-elles jusques à la fin de nostre vie, puisqu'elles ne sçauroyent jamais approcher ni entrer en comparaison avec celles qu'il a endurées pour nous.

  A009000163 

 Et si bien nous commettons des imperfections en combattant, il ne s'en faut point estonner ni perdre courage, tant que nous avons la volonté de nous amender..

  A009000163 

 Il faut aggrandir nos courages et imiter celuy de nostre Capitaine, ne nous rendre jamais, ains combattre vaillamment jusques à la mort, sans nous estonner de la quantité de nos ennemis.

  A009000163 

 La troisiesme rayson pour laquelle nostre Maistre choisit la mort de la croix fut pour nous affermir en la constance, voyant qu'il a souffert si longuement et tant d'ignominies.

  A009000163 

 Nous aurions voirement rayson d'en demeurer surpris si nous nous appuyions en nos forces, mais il faut se confier en la vertu de Dieu qui est pour nous si nous combattons pour son amour, et dire à l'imitation de son Apostre: Je suis plus fort lors que je me sens plus foible.

  A009000163 

 Un souspir eslancé devant son Pere suffisoit pour nous sauver, comme j'ay desja dit; mais sa Bonté voyoit bien qu'il failloit qu'il nous donnast exemple de tout ce que nous devions faire.

  A009000164 

 Et moy je vous asseure que rien n'est si propre pour nous conduire à une entiere resolution de nous despouiller, que la consideration de l'incomparable despouillement et nudité du Sauveur crucifié..

  A009000164 

 La premiere rayson fut pour ce que, par sa mort, il vouloit remettre l'homme en l'estat d'innocence, et les habits que nous portons sont la marque du peché.

  A009000164 

 Mais la principale rayson fut pour nous enseigner comment il faut, si nous voulons luy plaire, nous despouiller et reduire nostre cœur en la mesme nudité qu'estoit son sacré corps, le despouillant de toutes sortes d'affections et pretentions, à fin qu'il n'ayme ni desire autre que luy.

  A009000165 

 Mais nostre Maistre voulut qu'on luy laissast cette couronne pour nous monstrer qu'il faut que nous ayons nos testes couronnées d'espines par une entiere mortification de nostre propre jugement, opinions, passions, humeurs et propre volonté; car c'est en la teste que l'ame fait ses principales fonctions.

  A009000166 

 C'est l'amour effectif que Nostre Seigneur demande, et c'est celuy-là, avec l'amour affectif, qu'il nous a monstré sur la croix, joignant fort bien l'un de ces amours à l'autre..

  A009000166 

 Que me reste-t-il plus à adjouster, sinon à vous convier d'escouter ce que saint Paul nous recommande aujourd'huy, qui est que nous taschions de ressentir en nous ce que nostre Maistre a ressenti en ce jour pour nous? Qu'est-ce que ce grand Saint veut dire? Veut-il que nous ressentions un amour purement affectif pour Nostre Seigneur sur la croix? veut-il que nous pleurions de compassion? O non, ce n'est pas ce que le Sauveur demande de nous que l'amour affectif qui nous fait jetter des larmes ou nous cause tant de desirs sans effects; l'enfer est plein de ces desirs.

  A009000166 

 Vaines sont ces tendretés, que nous voudrions pourtant avoir comme si nostre bien dependoit d'elles; il ne les faut ni desirer ni rechercher.

  A009000167 

 De plus, il faut que nous gardions ce ressentiment le reste de nostre vie, sans vouloir jamais estre consolés de la mort de nostre divin Sauveur, ains que nos esprits gardent ce continuel regret, et soyent morts par la continuelle mortification de leurs superfluités, à l'imitation du grand saint Ignace qui disoit que l'on ne pensast pas qu'il vescust, puisqu'il avoit crucifié son amour, ou que son amour estoit crucifié.

  A009000167 

 Il s'est vuidé de luy mesme; il faut que nous le fassions aussi, nous aneantissant jusques à nostre rien, et nous vuidant tant qu'il nous sera possible de toutes nos passions, inclinations, aversions, repugnances au bien.

  A009000167 

 Mais voulez-vous sçavoir ce qu'il a ressenti et ce que saint Paul veut que nous ressentions avec luy? C'est cet aneantissement.

  A009000168 

 Allez donques, et aymez tellement Celuy qui est mort pour nous unir à luy et pour nous tesmoigner son amour, que rien ne puisse vivre en vous que luy, à fin que vous puissiez dire avec saint Paul: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy.

  A009000168 

 En fin, l'amour a fait mourir nostre Maistre, il ne reste plus sinon que nous vivions d'amour pour luy; mais non pas d'un amour tel quel, ains d'un amour semblable au sien (je ne dis pas esgal, car il ne se peut), d'un amour fort et courageux qui croisse emmi les contradictions, sans se lasser jamais de combattre pour ce divin Amant..

  A009000169 

 Si nous choisissons en cette vie la couronne d'espines, indubitablement nous aurons celle d'or apres nostre mort, en l'eternité des Bienheureux, où nous jouirons pleinement de l'amour de ce cher Sauveur, qui ne desire rien tant que de nous voir brusler de ce feu sacré duquel il a dit qu'il l'a apporté en terre et qu'il ne l'a fait sinon à fin qu'il brusle.

  A009000169 

 Soyons bien ayses de nous rendre semblables à luy en son abjection en cette vie, couronnant nos testes de la couronne d'espines, à l'imitation de ce grand roy de Hierusalem, Godefroy de Bouillon.

  A009000174 

 Et nous, addressant cecy à tous les Chrestiens, nous arresterons au troisiesme point qui est l'oraison..

  A009000175 

 Nous disons seulement qu'elle est tellement utile et necessaire que sans icelle nous ne sçaurions parvenir à aucun bien, d'autant qu'au moyen de l'oraison nous sommes enseignés à bien faire toutes nos actions..

  A009000175 

 Remarquons d'abord en passant que, si bien nous condamnons certains heretiques de nostre temps qui tiennent que l'oraison est inutile, nous ne pretendons pas neanmoins, avec d'autres heretiques, qu'elle est seule suffisante pour nostre justification.

  A009000176 

 Nous traitterons donques ces quatre Dimanches suivans de la cause finale de l'oraison, de la cause efficiente, de celle qui ne se peut pas proprement appeller materielle, ains de son objet, et de la cause effective ou de l'oraison en elle mesme.

  A009000177 

 La simple pensée est lors que nous allons courant sur une grande diversité de choses, sans aucune fin, comme font les mouches qui se vont posant sur les fleurs sans en pretendre tirer aucun suc, ains s'y posent seulement parce qu'elles s'y rencontrent.

  A009000178 

 Or, de ces deux actes de nostre entendement nous n'en dirons pas davantage, parce qu'ils ne font pas à nostre propos.

  A009000178 

 Une autre action de nostre entendement est l'estude, et celle cy se fait lors que nous considerons les choses seulement pour les sçavoir, pour les bien entendre et pour en pouvoir bien parler, sans avoir autre fin que de remplir nostre memoire; et en cela nous ressemblons aux hannetons qui se vont posant sur les roses, non pour autre fin que pour se saouler et se remplir le ventre.

  A009000179 

 De mesme, la meditation se fait lors que nous arrestons nostre entendement sur un mystere duquel nous pretendons tirer des bonnes affections, car si nous n'avions cette intention ce ne seroit plus meditation, ains estude.

  A009000180 

 Celle qui se fait par authorité ne se doit non plus appeller priere; aussi voit-on que si une personne qui a beaucoup d'authorité [48] dessus nous, comme sont peres, seigneurs ou maistres, use de ce mot de priere, nous luy disons incontinent: Vous pouvez commander, ou: Vos prieres me servent de commandement.

  A009000180 

 La demande qui se fait par justice ne se peut pas appeller priere, bien que nous usions de ce mot, parce que nous demandons une chose qui nous est deüe.

  A009000180 

 Mais entre la meditation et la contemplation il y a une petition qui se fait, lors que apres avoir medité la bonté de Nostre Seigneur, son amour infini, sa toute puissance, nous entrons en confiance de luy demander et le prier de nous donner ce que nous desirons.

  A009000180 

 Mais la vraye priere est celle qui se fait par grace, lors que nous demandons une chose qui ne nous est point deüe, et que nous la demandons à quelqu'un de fort sureminent par dessus nous, comme est Dieu..

  A009000181 

 La quatriesme action de nostre entendement est la contemplation, laquelle n'est autre chose que se complaire au bien de Celuy que nous avons conneu en la meditation et que nous avons aymé par le moyen de cette connoissance.

  A009000182 

 Ce que pour mieux entendre, nous dirons que quand nous voulons faire quelque chose, nous regardons tousjours à la fin premier qu'à l'œuvre.

  A009000182 

 Il nous faut donques parler de la cause finale de l'oraison.

  A009000182 

 Nous devons sçavoir premierement que toutes choses sont creées pour l'oraison, et que lors que Dieu crea l'Ange et l'homme il le fit à fin qu'ils le louassent eternellement là haut au Ciel, bien que ce soit la derniere chose que nous ferons, si derniere se peut appeller ce qui est eternel.

  A009000182 

 Par exemple, si nous faisons bastir une eglise et que l'on nous demande pourquoy nous la faisons faire, nous respondrons que c'est pour nous y retirer, et là dedans chanter les louanges de Dieu; neanmoins ce sera la derniere chose que nous ferons.

  A009000183 

 Les philosophes payens disoyent que l'homme est un arbre renversé, d'où nous pouvons conclure combien l'oraison est necessaire à l'homme, puisque l'arbre n'ayant suffisamment de terre pour couvrir ses racines, ne peut subsister; aussi l'homme qui n'a une particuliere attention aux choses celestes, ne sçauroit non plus subsister.

  A009000183 

 Or l'oraison, suivant la pluspart des Peres, n'est autre chose qu'une «eslevation d'esprit aux choses celestes;» d'autres disent que c'est une demande; mais les deux opinions ne se contrarient point, car en eslevant nostre esprit à Dieu, nous luy pouvons demander ce qui nous semble estre necessaire..

  A009000184 

 La principale demande que nous devons faire à Dieu c'est l'union de nos volontés à la sienne, et la cause finale de l'oraison consiste à ne vouloir que Dieu.

  A009000189 

 La question seroit bien tost resolue si nous disions que tous les hommes peuvent prier et que tous le doivent faire, mais à fin de mieux satisfaire les esprits nous traitterons cette matiere plus au long..

  A009000189 

 Nous avons maintenant à parler de la cause efficiente de l'oraison; il nous faut donques sçavoir qui peut et qui doit prier.

  A009000190 

 Premierement, il faut que nous sçachions que Dieu ne peut point prier, puisque la priere est une demande qui se fait par grace et qu'elle exige de nous une connoissance que nous avons besoin de quelque chose, car l'on n'a pas accoustumé de demander ce qu'on possede desja.

  A009000191 

 Ils fondent leur opinion sur ce que ce divin Sauveur dit à ses Disciples: Je m'en vay à mon Pere, mais je ne dis pas que je prieray; et ils adjoustent: S'il ne dit pas qu'il va prier, pourquoy le dirons-nous, nous autres? L'autre partie des Peres tiennent que Nostre Seigneur prie, parce que son bien-aymé a escrit, en parlant de son Maistre, que nous avons un Advocat aupres du Pere.

  A009000191 

 Plusieurs des anciens Peres, et mesme saint Gregoire Nazianzene, enseignent que Nostre Seigneur Jesus Christ ne peut non plus prier (entant que Dieu il est tout evident, puisqu'il est un mesme Dieu avec son Pere; nous en avons desja parlé).

  A009000192 

 Nous trouvons en quelques endroits de l'Escriture que le Saint Esprit a prié et qu'il a fait oraison.

  A009000193 

 Les Anges prient, et cela nous est monstré en plusieurs endroits de la Sainte Escriture.

  A009000193 

 Mais pour les hommes qui sont au Ciel nous n'en avons pas tant de tesmoignages, parce que devant que Nostre Seigneur fust mort, ressuscité et monté au Ciel il n'y avoit point d'hommes en Paradis; ils estoyent tous au sein d'Abraham.

  A009000195 

 Il nous reste maintenant à declarer quelles sont les conditions qu'il faut avoir pour bien faire l'oraison.

  A009000196 

 Il faut donques, pour bien faire oraison, que nous reconnoissions que nous sommes pauvres et que nous nous humiliions grandement; car ne voyez-vous pas qu'un tireur d'arbalete quand il veut descocher un grand trait, plus il veut tirer haut et plus il tire la corde de son arc en bas? Ainsy faut-il que nous fassions quand nous voulons que nostre priere aille jusqu'au Ciel; il faut que nous nous approfondissions par la connoissance de nostre rien.

  A009000196 

 [53] David nous advertit de le faire par ces paroles: Quand tu voudras faire oraison, dit-il, approfondis-toy tellement en l'abisme de ton neant, que tu puisses par apres sans difficulté descocher ta priere comme une sagette jusque dans les Cieux..

  A009000198 

 Cecy represente l'esperance, car si bien la myrrhe jette une odeur suave, elle est pourtant amere à gouster; aussi l'esperance est-elle suave entant qu'elle nous promet de jouir un jour de ce que nous desirons, mais elle est amere parce que nous ne sommes pas en la jouissance de ce que nous aymons.

  A009000198 

 L'esperance se guinde comme une sagette jusques à la porte du Ciel, mais elle n'y peut pas entrer parce qu'elle est une vertu toute de la terre; si nous voulons que nostre oraison penetre le Ciel il faut aiguiser la fleche avec la meule de l'amour..

  A009000199 

 Et ses fleurs? Ce sont les prieres qu'il faisoit pour nous à son Pere; les fruits sont les merites de sa Mort et Passion..

  A009000199 

 Les Anges disent que l'Espouse est appuyée sur son Bien-Aymé; aussi avons-nous veu que pour derniere condition, il faut estre enté sur Jesus Christ crucifié.

  A009000199 

 Mais cet arbre où est-il planté? en quel verger le trouverons-nous? Sans cloute il est planté sur le mont de Calvaire, et il se faut tenir à son ombre.

  A009000199 

 Mais quelles sont ses feuilles? Ce n'est autre chose que l'esperance que nous avons de nostre salut par le moyen de la Mort du Sauveur.

  A009000200 

 Aussi ne faut-il point aller à l'oraison que nous n'en soyons arrosés, au moins s'en faut-il arroser dès le matin en sa premiere priere.

  A009000200 

 Demeurons donques au pied de cette Croix, et n'en partons point que nous ne soyons tout detrempés du sang qui en descoule.

  A009000200 

 Et ainsy, encores que nous soyons revestus de laine, s'entend que nous fassions de bonnes oeuvres, entant qu'elles sont de nous elles n'ont aucun prix ni valeur si elles ne sont teintes dans le sang de nostre Maistre, le merite duquel les rend aggreables à la divine Majesté..

  A009000201 

 Ainsy, nous autres, ayant appresté cet Aigneau sans macule et l'ayant presenté au Pere eternel pour rassasier son goust, lors que nous luy demanderons sa benediction, il dira, si nous sommes revestus du sang de Jesus Christ: La voix que j'entens est de Jacob, mais les mains, qui sont nos mauvaises œuvres, sont d'Esaü; neanmoins, à cause de la suavité que j'ay à sentir l'odeur de sa robe, je luy donne ma benediction.

  A009000206 

 Nous avons monstré que la fin de l'oraison est nostre union avec Dieu et que tous les hommes qui sont en la voye de salut peuvent et doivent prier; mais il nous demeura un scrupule en nostre derniere exhortation, à sçavoir mon, si les pecheurs peuvent estre exaucés, car ne voyez-vous pas que l'aveugle-né duquel il est parlé en l'Evangile, et que Nostre Seigneur illumina, dit à ceux qui l'interrogeoyent que Dieu n'exauçoit point les pecheurs? Mais laissons-le dire, car il parloit encores comme aveugle..

  A009000207 

 Il nous faut donques sçavoir qu'il y a trois sortes de pecheurs: les pecheurs impenitens, les pecheurs penitens et les pecheurs justifiés.

  A009000207 

 Luy mesme le fait entendre à ceux qui luy disoyent: Nous avons jeusnè et affligé nos ames, et vous n'avez point regardé.

  A009000208 

 Nous avons des preuves en quantité que les prieres des pecheurs penitens sont aggreables à la divine Majesté, mais je me contenteray de vous apporter l'exemple du publicain, lequel monta au Temple pecheur et en sortit justifié par le merite de l'humble priere qu'il fit..

  A009000208 

 Qui est-ce à vostre advis qui luy donne ce repentir d'avoir offensé Dieu, sinon le Saint Esprit, puisque nous ne sçaurions avoir une bonne pensée pour nostre salut s'il ne nous la donne? Mais ce pauvre homme n'a-t-il rien fait de son costé? Si a, certes; escoutez les paroles de David: Seigneur, dit-il, vous m'avez regardé lors que j'estois en la fondriere de mon peché, vous m'avez ouvert le cœur et je ne l'ay pas refermé, vous m'avez tiré et je me suis laissé aller, vous m'avez poussé et je n'ay pas reculé.

  A009000209 

 La matiere de l'oraison est de demander à Dieu tout ce qui est bien; mais il faut que nous sçachions qu'il y a deux sortes de biens, les biens spirituels et les biens corporels ou temporels.

  A009000211 

 Entre les biens spirituels il y en a de deux sortes: les uns nous sont necessaires pour nostre salut, et ceux cy nous les devons demander à Dieu simplement et sans condition, car il nous les veut donner; les autres biens, quoy que spirituels, nous les devons demander sous les mesmes conditions que les biens corporels, sçavoir, si c'est la volonté de Dieu et si c'est pour sa plus grande gloire; et sous ces conditions nous pouvons tout demander.

  A009000211 

 Les autres biens spirituels sont les extases, les ravissemens, les douceurs et consolations, toutes lesquelles choses nous ne devons point requerir de Dieu que sous condition, parce qu'elles ne sont aucunement necessaires pour nostre salut..

  A009000211 

 Nous avons dit qu'il y a deux sortes de biens que nous pouvons demander en icelle, les biens spirituels et les biens corporels.

  A009000211 

 Or, ces biens spirituels necessaires pour nostre salut, signifiés par le miel que l'Espouse a dessous la langue, sont la foy, l'esperance, la charité et les autres vertus qui nous conduisent à celles là.

  A009000212 

 Vous vous resouviendrez bien qu'une fois le frere Gilles s'en alla trouver saint Bonaventure et luy dit: O que vous estes heureux, mon Pere, d'estre si sçavant, car vous pouvez bien plus aymer [59] Dieu que nous autres qui sommes ignorans.

  A009000213 

 C'est ce que nous pouvons et devons demander à la divine Majesté sans condition..

  A009000214 

 Ainsy faut-il que nous fassions quand nous voudrons demander au Pere eternel son Paradis, l'aggrandissement de nostre foy, son amour, toutes lesquelles choses il nous veut donner, pourveu que nous portions la police de la part de son Fils, c'est à dire que nous luy demandions tousjours au nom et par les merites de Nostre Seigneur..

  A009000215 

 Ce bon Maistre nous a bien monstré l'ordre qu'il failloit tenir en nos demandes, nous ordonnant de dire au Pater; Sanctificetur nomen tuum, adveniat Regnum tuum, fiat voluntas tua.

  A009000215 

 Et apres ces [60] trois demandes nous adjoustons: Donnez-nous aujourd'huy nostre pain quotidien.

  A009000215 

 Jesus Christ nous fait dire: Donnez-nous nostre pain quotidien, parce que dessous ce nom de pain tous les biens temporels sont compris.

  A009000215 

 Nous devons donc demander premierement que son nom soit sanctifié, c'est à dire qu'il soit reconneu et adoré par tous les hommes; en suite de quoy nous demandons ce qui nous est le plus necessaire, à sçavoir que son Royaume nous advienne, que nous puissions estre des habitans du Ciel; et puis, que sa volonté soit faite.

  A009000215 

 Nous devons estre grandement sobres à demander ces biens icy, et devrions beaucoup craindre en les demandant, parce que nous ne sçavons si Nostre Seigneur ne nous les donnera point en son courroux.

  A009000216 

 Nous ne parlerons pas maintenant de la mentale, ains seulement de la vitale et vocale.

  A009000219 

 Celles qui sont commandées sont le Pater et la Creance que nous devons reciter tous les jours, car Nostre Seigneur nous le fait bien entendre quand il dit: Donnez-nous aujourd'huy nostre pain quotidien; cela nous monstre qu'il le faut demander tous [62] les jours.

  A009000219 

 Celles qui sont seulement recommandées sont les Pater ou Rosaires qui sont ordonnés pour gagner les indulgences; laissant de les dire nous ne pechons pas, mais nostre bonne Mere l'Eglise, pour monstrer qu'elle desire que nous les disions, donne des indulgences à ceux qui les recitent.

  A009000219 

 Il faut que nous sçachions que les oraisons vocales sont de trois sortes: les unes sont commandées, les autres recommandées, les autres libres et de bonne volonté.

  A009000219 

 Les autres prieres commandées sont les Offices, pour nous autres qui sommes d'Eglise, et si nous en laissons quelque notable partie nous pechons.

  A009000219 

 Les prieres de bonne volonté sont toutes celles que l'on fait outre celles dont nous venons de parler..

  A009000220 

 C'est comme si nous disions: Vous desirez, ma bonne mere l'Eglise, que je fasse cela; et encores que vous ne me le commandiez pas, je suis bien ayse de le faire pour vous contenter.

  A009000221 

 Avec quelle attention n'y [63] devrions-nous donc pas assister, puisque les Anges sont presens et repetent là haut en l'Eglise triomphante ce que nous disons ça bas!.

  A009000221 

 Les communes sont les Messes, les Offices et celles que nous faisons en temps de calamités.

  A009000221 

 O Dieu, que nous devrions venir avec beaucoup de reverence à ces Offices, mais tout autrement preparés que non pas pour les prieres particulieres, parce qu'en celles cy nous ne traittons avec Dieu que de nos affaires, ou si nous prions pour l'Eglise nous le faisons par charité; mais aux prieres communes nous prions pour tous en general.

  A009000222 

 Ah non, pardonnez moy, certes il n'en seroit rien; car si nous avions esté ravis avec saint Paul jusqu'au troisiesme ciel, voire si nous avions demeuré trente ans en Paradis, si la foy ne nous establit, tout cela n'y feroit rien.

  A009000222 

 Mais peut estre dirons nous que si nous avions veu une fois les Anges à nos Offices nous y apporterions plus d'attention et de reverence.

  A009000223 

 Nous ne devrions jamais venir aux Offices, principalement nous autres qui les disons en chant, sans faire des actes de contrition, et sans demander l'assistance du Saint Esprit, premier que de les commencer.

  A009000223 

 O que nous sommes heureux de commencer à faire ça bas ce que nous ferons eternellement au Ciel, où nous conduisent le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A009000228 

 Nous allons à Dieu en deux façons pour le prier, lesquelles nous sont toutes deux recommandées de Nostre Seigneur et commandées de nostre sainte Mere l'Eglise: à sçavoir, nous prions aucunefois immediatement Dieu, et d'autres fois mediatement, comme quand nous disons les antiennes de Nostre Dame, le Salve Regina et autres.

  A009000228 

 Quand nous allons immediatement à Dieu nous protestons de sa bonté et de sa misericorde en laquelle nous mettons toute nostre confiance; mais quand nous prions mediatement et que nous implorons l'assistance de Nostre Dame, des Saints et Esprits bienheureux, c'est à fin d'estre mieux receus de la divine Majesté, et alors nous protestons de sa grandeur et toute puissance, et de la reverence que nous luy devons..

  A009000228 

 Quand nous prions immediatement nous exerçons la confiance filiale qui est fondée sur la foy, l'esperance et la charité; quand nous prions mediatement et par l'entremise de quelqu'autre, nous pratiquons la sainte humilité qui provient de la connoissance de nous mesme.

  A009000229 

 J'ay desir d'adjouster encores un mot au discours que je fis l'autre jour de la reverence exterieure que nous devons avoir en faisant oraison.

  A009000229 

 Nostre Mere l'Eglise marque toutes les postures qu'elle veut que nous tenions en recitant l'Office: ores elle nous veut debout, ores assis et puis à genoux, ores descouverts et ores couverts; [65] mais toutes ces façons et postures ne sont autres choses que prieres.

  A009000229 

 Que pensez-vous, je vous prie, que signifient les rameaux que nous portions aujourd'huy en nos mains? Non autre, sinon que nous demandons à Dieu qu'il nous rende victorieux par le merite de la victoire que Nostre Seigneur remporta sur l'arbre de la Croix..

  A009000230 

 Nous avons plusieurs exemples qui tesmoignent comme nous devons nous tenir en une grande reverence exterieure faisant l'oraison, bien qu'elle soit particuliere.

  A009000230 

 Quand nous sommes aux Offices il faut que nous observions de nous tenir en la posture qui nous est marquée dans nos messels; mais en nos oraisons particulieres, quelle reverence y devons-nous garder? Nous sommes devant Dieu comme aux communes, bien qu'aux communes nous devons avoir un soin particulier à cause de l'edification du prochain; la reverence exterieure ayde beaucoup à l'interieure.

  A009000231 

 Mais en tout cas, la posture qui nous apporte le plus d'attention est la meilleure.

  A009000233 

 En nos ames il y a le premier estage, lequel est une certaine connoissance que nous avons par le moyen des sens, comme par nos yeux nous connoissons que tel objet est vert, rouge ou jaune.

  A009000233 

 Le quatriesme et le Sancta Sanctorum, c'est la fine pointe de nostre ame, que nous appelions esprit; [67] et pourveu que cette fine pointe regarde tousjours à Dieu, nous ne nous devons point troubler..

  A009000233 

 Le troisiesme estage est la connoissance que nous avons par la foy.

  A009000233 

 Mais apres, il y a un degré ou estage qui est desja un peu plus haut, à sçavoir, une connoissance que nous avons par le moyen de la consideration; par exemple, un homme qui aura esté maltraitté en un lieu cherchera, par le moyen de la consideration, comme il pourra faire pour n'y pas retourner.

  A009000234 

 Les personnes les plus avancées ont aucunefois de si grandes tentations, mesme de la foy, qu'il leur semble que toute l'ame consent, tellement elle est troublée; elles n'ont que cette fine pointe qui resiste, et c'est cette partie de nous-mesme qui fait l'oraison mentale, car bien que toutes ses autres facultés et puissances soyent remplies de distractions, l'esprit, sa fine pointe, fait l'oraison..

  A009000235 

 Ayant ainsy consideré toutes ces choses, nous venons à avoir nostre affection esmeüe d'un ardent desir de l'imiter en ses vertus; puis, nous passons à prier le Pere eternel qu'il nous rende conformes à son Fils..

  A009000235 

 La premiere se fait par voye de meditation, en cette sorte: nous prenons un mystere, par exemple Nostre Seigneur crucifié, et puis nous l'estant ainsy representé, nous considerons ses vertus: l'amour qu'il a porté à son Pere, lequel luy a fait souffrir la mort, et la mort de la croix, plustost que de luy desplaire, ou pour mieux dire, à fin de luy complaire; la grande douceur, humilité et patience avec laquelle il souffrit tant d'injures; en fin sa grande charité à l'endroit de ceux qui le mirent à mort, priant pour eux emmy ses plus grandes douleurs.

  A009000236 

 Ainsy nous allons picorant les vertus de Nostre Seigneur l'une apres l'autre, pour en tirer l'affection d'imitation; [ensuite nous les considerons toutes ensemble d'un seul regard par la contemplation.] Dieu à la creation medita; car ne voyez-vous pas qu'apres qu'il eut creé le ciel il dit qu'il estoit bon? et tout de mesme fit-il apres qu'il eut creé la terre, les animaux, puis en fin l'homme.

  A009000237 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, apres avoir loué son Bien-Aymé pour la beauté de ses yeux, de ses levres, bref de tous ses membres l'un apres l'autre, elle conclut en cette sorte: O que mon Bien-Aymé est beau, o que je l'ayme, il est mon tres cher! C'est icy la contemplation, car à force de considerer mystere apres mystere combien Dieu est bon, nous venons à faire comme les cordons de nos bateaux.

  A009000238 

 Ces paroles nous représentent les mysteres qui se vont celebrer ces semaines suivantes.

  A009000238 

 L'Espoux conclut par apres: Enivrez-vous, mes tres chers; et qu'est-ce qu'il veut dire? Vous sçavez bien que l'on n'a pas accoustumé de mascher le vin, ains on ne fait que l'avaler; ce qui nous represente la contemplation en laquelle on ne masche plus, ains on ne fait qu'avaler.

  A009000238 

 Or, quand il dit: Mangez, mes bien-aymés, il veut dire meditez; car ne sçavez-vous pas que pour rendre la viande capable d'estre avalée il la faut premierement mascher et amenuiser, et la jetter tantost d'un costé de la bouche et tantost de l'autre? Ainsy faut il que nous fassions des mysteres de Nostre Seigneur: il faut que nous les maschions et roulions plusieurs fois dans nostre entendement, premier que d'eschauffer nostre volonté et passer à la contemplation.

  A009000240 

 Mais dire à Dieu: Je vous ayme, encores que nous n'ayons pas un grand sentiment d'amour, nous ne devons pas laisser de le dire, parce que nous voulons et avons un grand desir de l'aymer..

  A009000241 

 Un bon moyen pour nous accoustumer à faire ces eslancemens est de prendre le Pater de suite, choisissant une sentence pour chacun jour.

  A009000243 

 Nous ne parlerons pas pour maintenant de la quatriesme partie de l'oraison mentale.

  A009000243 

 O que nous serons heureux si nous parvenons jamais au Ciel; car nous y mediterons, regardant et considerant toutes les œuvres de Dieu par le menu, et nous les trouverons toutes bonnes; nous contemplerons, les voyant toutes ensemble tres bonnes, et nous nous eslancerons eternellement en luy.

  A009000249 

 Certes, cette bonne Mere ne veut pas que nous nous estonnions et mettions en peine de ce que nous avons esté, des grans pechés que nous avons commis autrefois, ni de nos miseres presentes; o non, pourveu que nous ayons maintenant une resolution ferme et inviolable d'estre tout à Dieu et d'embrasser à bon escient la perfection et tous les moyens qui nous peuvent faire avancer en l'amour sacré, faisant que cette resolution soit efficace et produise des œuvres.

  A009000249 

 Non certes, nos miseres et nos foiblesses, pour grandes qu'elles soyent et ayent esté, ne nous doivent pas descourager, mais nous doivent faire abaisser et nous jetter entre les bras de la misericorde divine, laquelle sera d'autant plus glorifiée en nous que nos miseres seront plus grandes, si nous venons à nous en relever; ce que nous devons esperer de faire moyennant sa sainte grace..

  A009000251 

 Ils trouvent donques un expedient entre eux, disant: Nostre mere est une bonne femme qui nous affectionne grandement, elle fera bien cela pour nous; et nostre Maistre nous ayme bien, il nous accordera sans doute cette faveur.

  A009000252 

 C'est une mauvaise beste qui nous porte beaucoup de dommage, nous empeschant d'aller simplement et rondement en toutes nos actions, nous faisant chercher nostre propre interest et satisfaction en toutes choses.

  A009000252 

 Or, c'est l'amour propre qui faisoit cela; [75] elle n'avoit garde de luy dire: Je veux une telle chose, octroyez-moy cette grace; o non, car l'amour propre est plus sage et discret que cela, il fait faire des preambules et harangues bien composées, avec une humilité feinte et fausse, à fin que l'on pense que nous sommes bien braves et prudens.

  A009000253 

 Et ses enfans qui estoyent avec elle adjousterent: Nous voulons, Seigneur, que tout ce que nous vous demanderons vous nous le donniez.

  A009000253 

 La pluspart de nous autres, si nous nous examinons bien, nous trouverons que nos demandes sont grandement impures et imparfaites: si nous sommes à l'oraison, nous voulons que Dieu nous parle, qu'il nous vienne visiter, consoler et recreer, nous luy disons qu'il fasse cecy, qu'il nous donne cela; et s'il ne le fait pas, quoy que pour nostre plus grand bien, nous nous en inquietons, troublons et affligeons..

  A009000253 

 Voyez-vous que nostre misere est grande! Nous voulons que Dieu fasse nostre volonté, et nous ne voulons pas faire la sienne sinon lors qu'elle se trouve conforme à la nostre.

  A009000255 

 Lors que nous trouvons quelque chose en nous qui n'est pas conforme à la volonté de nostre cher Sauveur, nous nous devons prosterner devant luy, et luy dire que nous detestons et desavouons cela et tout ce qui est en nous qui luy peut desplaire et qui est contraire à son amour, luy promettant de ne vouloir rien que ce qui sera conforme à son bon playsir et vouloir divin..

  A009000255 

 Rien ne nous porte tant de prejudice en la vie spirituelle, et nous empesche autant d'avancer en la voye de Dieu; car si sa sainte volonté regnoit en nous, nous ne commettrions jamais aucun peché, nous n'aurions garde de vivre selon nos inclinations et humeurs; non certes, car elle est la regle de toute bonté.

  A009000256 

 Nous ne sçavons ce que nous demandons lors que nous disons à Nostre Seigneur qu'il fasse nostre volonté et qu'il nous donne ce que nous desirons.

  A009000256 

 O non certes, car ne sçavez-vous pas, mes cheres ames, que tout nostre bien et bonheur depend d'estre entierement abandonné à la Providence divine, ne cherchant que son bon playsir, estant parfaitement sousmis à sa tres sainte volonté, [77] nous resjouissant de la voir accomplir en nous et en toutes creatures, quoy que ce soit avec des afflictions et des souffrances? Nous avons quelquefois affection et inclination à prattiquer les vertus qui sont selon nostre volonté.

  A009000256 

 Par exemple, une personne qui sera malade, si nous luy disons: Mon enfant, ne sçavez-vous pas bien que les peines et souffrances prises avec patience et sousmission au vouloir divin sont uniquement aggreables à sa Majesté? Ouy, vous respondra-t-elle, mais je voudrois estre au chœur pour prier Dieu comme les autres, je voudrois faire des penitences et mortifications et les actions de vertu comme eux, avec ferveur et sentiment.

  A009000259 

 Ils respondirent: Nous le pouvons.

  A009000260 

 N'est-ce pas un grand martyre de ne faire jamais sa propre volonté, sousmettre son jugement, escorcher son cœur, le vuider de toutes ses affections impures et de tout ce qui n'est point Dieu, ne point vivre selon ses inclinations et humeurs ains selon la volonté divine et la rayson? C'est un martyre qui est fort long et ennuyeux et qui doit durer toute nostre vie, mais nous obtiendrons à la fin d'icelle une grande couronne pour nostre recompense si nous sommes fidelles à cela..

  A009000260 

 Nous pouvons estre martyrs et le boire, non en deux et trois jours mais toute nostre vie, nous mortifiant continuellement, comme font et doivent faire les Religieux et Religieuses que Dieu a appellés en la Religion pour porter sa croix et estre crucifiés avec luy.

  A009000260 

 O que ces faveurs sont grandes! Que nous devons estimer à grand bonheur de porter la croix et estre crucifiés avec nostre doux Sauveur! Les Martyrs beuvoyent tout d'un coup ce calice, les uns en une heure, les autres en deux et trois jours, d'autres en un moys.

  A009000262 

 La premiere est à fin qu'on vist les pensées de son cœur, qui estoyent des pensées d'amour et de dilection pour nous, ses bien aymés enfans et cheres creatures, qu'il a creées a son image et semblance, à fin que nous vissions combien il desire de nous donner de graces et benedictions, et son cœur mesme, comme il fit à sainte Catherine de Sienne.

  A009000263 

 La seconde rayson est à fin que nous allions à luy avec toute confiance, pour nous retirer et cacher dedans son costé, pour nous reposer en luy, voyant qu'il l'a ouvert pour nous y recevoir avec une benignité et amour nom-pareil, si nous nous donnons à luy et que nous nous abandonnions entierement et sans reserve à sa bonté et providence..

  A009000264 

 Vous me demanderez peut estre les raysons pour lesquelles nos cœurs à nous autres sont si cachés qu'on ne les voit point.

  A009000265 

 Je considere la ferveur avec laquelle ces deux Saints respondirent à Nostre Seigneur lors qu'il leur parla de boire son calice: Nous le pouvons, dirent-ils.

  A009000265 

 Nous en sommes de mesme, car nous faisons en esprit de beaux exploits et de belles resolutions, nous imaginant que nous faisons choses et autres pour Dieu; mais quand ce vient aux occasions, nous tournons le clos et manquons de courage et de fidelité..

  A009000265 

 Nous faisons comme ces soldats d'Ephraïm, lesquels avoyent fait des grans exploits de guerre et avoyent tant de vaillance en imagination qu'ils pensoyent massacrer tous leurs ennemis; mais quand ce vint au fait et au prendre ils devïndrent pasles et sans courage, tournant le dos.

  A009000265 

 Si l'on nous touche le bout du doigt ou le bout du pied, nous nous retirons aussi tost; si on nous dit une petite parole qui ne soit pas selon nostre gré, nous nous offensons.

  A009000265 

 Voyez-vous, lors que nous avons des chaleurs, des bons sentimens et consolations il nous semble que nous ferons des merveilles; mais aux moindres petites occasions, nous choppons et donnons du nez en terre.

  A009000266 

 Certes, lors qu'il nous vient de ces [81] ardens desirs de faire de grandes choses pour Dieu, nous devons alors plus que jamais nous approfondir en l'humilité et defiance de nous mesmes et en la confiance en Dieu, nous jettant entre ses bras, reconnoissant que nous n'avons nul pouvoir pour effectuer nos resolutions et bons desirs, ni faire chose quelconque qui luy soit aggreable; mais en luy et avec sa grace toutes choses nous seront possibles.

  A009000266 

 Nous autres qui voulons acheter le Ciel, et faire ce grand bastiment et edifice de la perfection, nous sommes des fols lors que nous ne considerons pas si nous avons de quoy payer et ce qu'il faut donner pour l'avoir; faute de cette consideration, nous demeurons court en chemin..

  A009000267 

 En fin nous ne l'acquerrons jamais par une autre voye; il nous faut vendre tout pour avoir cette precieuse perle de l'amour sacré que Dieu se prepare à nous donner, si nous sommes fidelles à travailler pour l'acquerir.

  A009000267 

 Il faut renoncer à nous mesme et prendre la croix, il faut sousmettre nostre propre jugement, il nous faut desfaire de nos mauvaises inclinations et humeurs.

  A009000267 

 La monnoye avec laquelle il nous faut acheter cette perfection, c'est nostre propre volonté, laquelle il nous faut vendre et nous en desfaire, la quittant entierement.

  A009000268 

 Certes, c'est une tres grande impertinence, car nous ne devons en façon quelconque nous enquerir de cela.

  A009000268 

 En somme c'est un bon Maistre, il nous faut seulement estre serviteurs et servantes bien fideles, et asseurement il nous sera fidele Remunerateur..

  A009000268 

 Nous devons servir la divine Majesté le mieux et le plus fïdellement que nous pourrons, observant exactement ses commandemens, ses conseils et ses volontés, et avec le plus de perfection, de pureté et d'amour qu'il nous sera possible, et ne nous point enquerir de la recompense qu'il nous donnera, laissant cela à sa Bonté qui ne manquera pas de nous recompenser d'une gloire infinie et incomprehensible, se donnant soy mesme à nous pour recompense, tant il fait d'estat et a aggreable ce que nous faisons pour luy.

  A009000269 

 Pour conclusion, il nous faut courageusement boire le calice de Nostre Seigneur et estre crucifiés avec luy en cette vie, et si nous suivons ses exemples et vestiges, sa Bonté nous fera la grace d'estre avec luy glorifiés en l'autre, où nous conduisent le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A009000269 

 Voyez-vous cette grande sainte Catherine de Sienne, laquelle prefera la couronne d'espines à celle d'or? Nous en devons faire le mesme, car en fin le chemin de la croix, des souffrances et afflictions est un chemin asseuré qui nous conduit à Dieu et à la perfection de son amour, si nous sommes fideles.

  A009000275 

 C'est au Saint Esprit à qui nous en devons rendre la gloire, d'autant qu'il se plaist à choisir les choses les plus foibles et viles pour manifester sa grandeur et son incomprehensible bonté..

  A009000275 

 Mais à fin que les uns et les autres ayent occasion de s'humilier, il faut que nous reconnoissions que nostre force et nostre courage ne vient pas de nous, car le grand Apostre saint Paul dit que toute nostre suffisance vient du Ciel.

  A009000276 

 Mais que pensez-vous que soyent ces odeurs qui les attirent? O que cette divine amante, et nous aussi, avons bien rayson de nous estonner, car ces odeurs ne sont autre chose sinon les croix, les espines, les clous, la lance.

  A009000277 

 Voyez-vous, nous n'avons point accoustumé de tromper les filles qui se presentent pour estre receues dans les Religions; car nous leur disons qu'elles meurent en y entrant, et qu'il ne faudra plus qu'elles vivent à tout ce à quoy elles ont vescu au monde.

  A009000278 

 O Dieu, si nostre cher Sauveur, dont la volonté ne pouvoit estre que tousjours absolument parfaitte, et partant ne pouvoit choisir aucune chose qui ne fust tres aggreable à son Pere, n'a point voulu vivre selon icelle, comme est-ce donques que nous autres [86] aurons bien la hardiesse de laisser vivre la nostre, le choix de laquelle, pour l'ordinaire, gaste toutes nos œuvres?.

  A009000279 

 C'est orgueil de rechercher les charges, les preeminences, et au contraire ce serait temerité de les refuser lors qu'elles nous sont presentées par ceux qui ont du pouvoir sur nous..

  A009000279 

 Mieux vaudroit mesme estre eslevé en dignités contre nostre volonté (et il y aurait sans comparaison plus d'humilité à les accepter), que non pas de les refuser par nostre choix et eslection, nous en reconnoissant indignes.

  A009000279 

 Nous en voyons l'exemple aujourd'huy en ce grand saint Claude duquel nous celebrons la feste.

  A009000280 

 Bref, il faut que vous mouriez à vostre vie civile, leur repetons-nous, car, ainsy que nous avons desja dit, vous n'aurez plus de reputation, l'on ne parlera plus de vous que comme d'une personne morte; aussi vous revestira-t-on du sac noir qui vous en doit faire resouvenir..

  A009000280 

 En fin, point de vraye vertu sans la mort de la propre volonté, et saint Bernard nous dit tout court que rien ne brusle en enfer que la propre volonté.

  A009000280 

 Les habits que nous leur donnons font assez entendre tout cela, mais particulierement le voile que nous leur mettons dessus la teste, lequel leur monstre qu'elles ne se doivent plus servir de leurs sens ni de leurs puissances [87] pour aucune chose de la terre, ains que, comme des filles mortes, rien ne devra plus vivre en elles de tout ce qui y a vescu jusques à l'heure presente.

  A009000280 

 Mais ce n'est pas tout, car nous disons à ces filles qui veulent entrer en Religion qu'il faut mourir à tous leurs sens, à sçavoir, qu'il ne faut plus avoir d'yeux pour voir ni d'oreilles pour ouïr, et ainsy des autres; on leur devra donques retrancher leurs fonctions.

  A009000281 

 Et quoy, Jesus Christ glorifié? O non, pas encores, ce sera là haut au Ciel qu'il vivra en nous glorifié; mais pour l'heure presente ce doit estre Jesus crucifié, car nous sommes au temps de la souffrance, non de la jouissance.

  A009000282 

 C'est un grand talent que celuy de vivre chrestiennement et en l'observance des commandemens de Dieu; neanmoins celuy qui en a receu deux, c'est à dire qui avec celuy cy a receu celuy de vouloir pretendre à la perfection de la vie chrestienne, est desja beaucoup plus favorisé; mais, o Dieu, combien grand est le bonheur de celuy qui a receu en outre les trois talens auxquels sont encloses toutes les perfections chrestiennes! Ce sont ces trois principaux conseils de Nostre Seigneur: l'obeissance, [88] la chasteté et la pauvreté; ce sont ces trois vœux effectuels qui nous unissent à Dieu (je dis effectuels, et non pas seulement voués).

  A009000282 

 Par ces trois vœux nous luy consacrons et dedions tout ce que nous avons: par celuy de pauvreté nous donnons nos biens et toutes les pretentions que nous avions d'en posseder; par celuy de chasteté nous donnons nostre corps, et par celuy d'obeissance nous donnons nostre ame avec toutes ses puissances..

  A009000287 

 Il me semble mesme que l'histoire que l'Eglise nous presente en ce jour a une tres grande correspondance avec cet Evangile..

  A009000287 

 La sainte Eglise a accoustumé de nous faire lire cet Evangile aux festes de Nostre Dame, mais tout particulierement aujourd'huy que nous en celebrons une à son honneur.

  A009000290 

 Or, cela ne suffit pas, car il veut que nous l'escoutions avec le dessein d'en faire nostre proffit.

  A009000291 

 De mesme, si nous voulons avoir soin de garder nostre cœur des suggestions et distractions du malin esprit, il faut, au sortir de la predication, le garnir d'aspirations et oraisons jaculatoires sur le sujet d'icelle, invoquant la divine Misericorde pour nous fortifier à fin de mettre en effect ce que nous avons affectionné..

  A009000291 

 Et à fin que les distractions ne viennent se poser sur nostre cœur et troubler nostre repos, il nous faut faire ce que fit Salomon en son Temple: tout le couvert estoit d'or, mais redoutant que les oyseaux ne le salissent venant à se nicher et reposer dessus, il le fit garnir de pointes, moyennant lesquelles le toit ne pouvoit estre endommagé.

  A009000291 

 J'adjouste maintenant que, outre l'intention que nous y devons avoir apportée d'en vouloir faire nostre proffit et l'attention durant icelle, nous devons par apres demeurer quelque temps renfermés dans le fond de nostre ame, je veux dire recueillis, pour ruminer ce que nous avons entendu.

  A009000291 

 Sur ce propos, il me souvient d'avoir expliqué une fois en cette chaire comment nous devons faire pour entendre la parole de Dieu et la predication avec utilité.

  A009000292 

 O que ceux là sont heureux qui estans inspirés, comme ce bien heureux Jean et sa femme, de se dedier et consacrer à Dieu avec tout ce qu'ils possedent, ont recours à la priere pour connoistre en quel lieu ils le pourront faire pour sa plus grande gloire et pour l'honneur de [92] nostre tres digne Maistresse; car, ainsy que nous l'avons desja declaré, point de devotion pour Dieu sans affection de plaire à Nostre Dame..

  A009000292 

 Voyez-vous ce bon homme Jean dont nous faisons mention, il fut prompt à suivre l'attrait de Dieu; car estant inspiré de luy donner tous ses biens, et ne sçachant comme il le pourrait executer à sa gloire et à l'honneur de Nostre Dame à laquelle il avoit une si particuliere devotion, il se mit en priere et il entendit ce qu'il devoit faire.

  A009000293 

 Que veut-il signifier ce divin Amant, sinon que Nostre Dame a porté tous les Chrestiens en son sein? Et si bien elle ne produit que ce grain duquel il est escrit que s'il n'est jettè en la terre il demeurera seul, et s'il y est jetté et couvert il germera et en produira plusieurs, à qui est ce, je vous prie, doit-on attribuer la production de ces autres grains, sinon à celle qui a produit le premier, Nostre Seigneur estant Fils naturel de Nostre Dame? Bien qu'elle n'ait porté que luy en effect clans son sein, elle a pourtant porté tous les Chrestiens en la personne de son divin Fils, car ce beni grain nous a tous produits par sa mort; de mesme la datte estant plantée produit la palme de laquelle viennent par apres quantité d'autres dattes; et pourquoy ne dira-t-on pas que ces dattes appartiennent à la premiere dont la palme est sortie?.

  A009000294 

 Il a, nostre tres cher Maistre, des mammelles tres douces et tres delectables, comme nous le tesmoigne sa divine Espouse, disant: O mon Bien-Aymé, que tes mammelles sont douces! Elles sont meilleures que le vin de tous les contentemens de ce monde.

  A009000294 

 Nous avons tous esté nourris de ces sacrées mammelles, car Nostre Seigneur en ayant tiré sa nourriture et les ayant succées, nous a par apres nourris des siennes.

  A009000294 

 O Dieu, que nous devons d'honneur, d'amour et d'affection à Nostre Dame, tant parce qu'elle est Mere de nostre Sauveur que parce qu'elle est encores la nostre!.

  A009000295 

 Mais il est vray aussi qu'elles veulent se reserver la disposition de leurs biens, et quoy qu'elles soyent resolues de vivre en l'observance des commandemens de Dieu, elles veulent neanmoins retenir la volonté de faire tout plein de petites choses qui ne sont pas contre la charité, mais qui vont biaisant; ce sont des choses perilleuses, lesquelles si bien elles ne nous font pas perdre la charité, ne laissent pas de desplaire à la divine Majesté.

  A009000297 

 Elles disent à Nostre Seigneur, à l'imitation du grand saint Paul: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? Et ayant dit cela, elles se sousmettent à la conduite de leurs Superieurs, pour ne jamais plus estre maistresses d'elles mesmes ni de leur volonté, evitant par ce moyen la sentence du grand saint Bernard qui asseure que «celuy qui se gouverne soy mesme est gouverné par un grand sot.» Hé, pourquoy voudrions-nous estre maistres de nous mesme pour ce qui regarde l'esprit, puisque nous ne le sommes pour ce qui est du corps? Ne sçavons-nous pas que les medecins lors qu'ils sont malades appellent d'autres medecins pour juger des remedes qui leur sont propres? De mesme les advocats ne plaident pas leur cause, d'autant que l'amour propre a accoustumé de troubler la rayson..

  A009000298 

 Je sçay bien qu'il s'en est trouvé, comme [95] sainte Magdeleine, saint Matthieu et les autres; de mesme un saint Louys, une sainte Elizabeth; mais tous ceux-là sont rares, et partant nous pouvons bien dire que si cette bienheureuse inspiration y tombe, c'est tres rarement..

  A009000299 

 Nous faisons comparaison de la blancheur de la neige à la blancheur d'une ame pure parce qu'elle surpasse toute autre blancheur; et qu'il ne soit vray, vous le verrez demain en l'Evangile où il est dit que Nostre Seigneur estant transfiguré, ses vestemens devinrent blancs comme neige.

  A009000300 

 Bienheureuses donc sont telles ames [96] qui renoncent absolument à tous les delices et playsirs de la chair qui nous sont communs avec les bestes, pour jouir de ceux de l'esprit qui nous rendent semblables aux Anges..

  A009000301 

 O douce et amoureuse sujetion qui nous rend aggreables à Dieu!.

  A009000303 

 O que le bonheur de pouvoir obeir en tout ce que nous faisons est grand!.

  A009000304 

 Et il ne faut point douter que s'estans conformées en cette vie à l'obeissance de leur Maistre qui a mieux aymé mourir que de desobeir, elles ne soyent receües amoureusement de luy pour jouir avec luy eternellement de sa gloire, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000304 

 Mais dites nous, o saint Prophete, qu'en reussira-t-il de tout cecy? La suite de son discours le declare: Et le Roy convoitera ta beauté; c'est à sçavoir, il te fera son espouse bien aymée et prendra ses delices en toy.

  A009000311 

 C'est [100] ce qu'ils desirent, sçachant que nous avons esté creés pour cela.

  A009000311 

 En fin ils ne cessent de nous donner des inspirations pour le salut et perfection de nostre ame en la dilection de l'amour divin, jusques à ce que nous parvenions à la patrie celeste pour demeurer eternellement en leur compagnie.

  A009000311 

 Ils presentent nos oraisons à la divine Bonté pour les faire exaucer; si nous sommes lasches ils excitent nostre cœur à l'amour de la vertu pour nous la faire embrasser, ils nous fortifient et nous obtiennent la force et le courage à fin que nous la pratiquions; si nous sommes tristes et en adversité ils sont aupres de nous pour nous resjouir et exhorter à la patience.

  A009000311 

 Ils sont si jaloux de nostre bonheur, qu'ils se resjouissent quand ils voyent que nous sommes fidelles à Dieu et que nous correspondons à son amour; et quand nous ne le faisons pas, s'ils pouvoyent avoir du desplaysir ils en auroyent..

  A009000311 

 Nostre Seigneur veut et desire que nous honnorions les Anges, particulierement le glorieux saint Michel duquel nous celebrons aujourd'huy la feste; car il a donné ce Prince de la milice celeste pour special protecteur à son Eglise.

  A009000311 

 Nous avons tous beaucoup de devoir de cherir, servir et honnorer ces Esprits angeliques, veu qu'ils sont si desireux de nostre bien et ne desdaignent pas de nous assister, puisqu'il n'y a creature, pour petite, vile et abjecte, fidelle ou infidelle, qui n'aye son Ange pour la garder et solliciter continuellement au bien.

  A009000312 

 Nos bons Anges nous donnent à tous des inspirations conformes à nostre vocation et condition.

  A009000312 

 Or, puisque nous avons tant d'obligations à tous ces Esprits celestes pour les grans bienfaits que nous recevons d'eux et les bons offices qu'ils nous rendent en nous obtenant tant de graces de la divine Bonté, voyons maintenant que nous pourrions faire pour leur estre aggreables, pour les consoler et resjouir en reconnoissance de tant de faveurs..

  A009000313 

 Cette resolution doit estre cuite sous la cendre de l'humilité, parce que sans cette vertu nous ne pouvons estre aggreables à Dieu ni aux Esprits angeliques, nostre edifice tombera par terre et nos resolutions ne seront point efficaces; car nous ne pouvons rien sans Nostre Seigneur.

  A009000313 

 Le pain que nous devons donner à manger aux Anges, c'est une resolution forte, genereuse et invincible de vouloir servir, honnorer et aymer Dieu, non seulement toute nostre vie, mais jusques à l'eternité.

  A009000313 

 Or, il ne nous donnera point sa grace si nous ne la luy demandons par le moyen de l'oraison; mais celle cy n'est point aggreable à Dieu sans l'humilité, car sans icelle l'oraison n'est point oraison.

  A009000313 

 Sa Bonté desire que nous nous rendions parfaits et signalés en cette vertu à son imitation, nous l'ayant singulierement recommandée, disant que nous apprenions de luy «non à former la machine du monde, [101] à ressusciter les morts et à faire des miracles» (nous en pourrions faire sans luy estre aggreables, comme nous luy pouvons estre aggreables sans faire ces prodiges et grandes choses); «mais il a dit que nous apprinssions de luy à estre doux et humbles de cœur.» Donc, cette resolution forte doit estre le pain universel que nous devons manger avec toutes sortes de viandes, s'entend que nous devons avoir en toutes nos actions; et par le moyen d'icelle il nous faut demeurer fermes et stables en nos exercices et en tout ce que nous entreprenons pour la gloire de sa divine Majesté..

  A009000313 

 Si nous voulons faire un festin aux Anges et à Nostre Seigneur le Roy des Anges, nous leur devons donner, à l'imitation d'Abraham, du pain cuit sous la cendre de l'humilité.

  A009000314 

 Nous sommes tous des poissons regenerés par l'eau baptismale, car nous voguons tous dans la mer de ce monde; mais, mon Dieu, il y en a qui sont bien heureux! Ce sont ceux que la divine Bonté retire du monde, les faisant devenir de poissons, oyseaux, et les mettant en la Religion comme dans une cage.

  A009000315 

 Il ne faut point penser que nous soyons plus aggreables à Dieu par un autre exercice que par celuy-cy, car sa volonté est que nous fassions celuy-là; partant nous le devons faire de bon cœur, et non pas en desirer un autre, où nous ne trouverons peut estre pas sa volonté mais la nostre, et ce, à nostre confusion..

  A009000315 

 Lors que nous avons choisi par inspiration divine un estat ou condition, [102] si bien nous y avons esté portés par quelque mauvaise fin, intention et affection impure, Dieu sçaura sans doute convertir le mal en bien, si nous luy sommes fidelles.

  A009000315 

 Nous devons donques demeurer stables, sans permettre à nostre esprit de varier ou penser que nous servirions mieux Nostre Seigneur et ferions mieux nostre salut en une autre Religion.

  A009000315 

 Quand nous serions en une autre Religion nous voudrions encor estre en une autre, et ainsy nous ne ferions que changer.

  A009000316 

 Ha, je ne dis pas que nous puissions empescher cela et que nous n'ayons point de tentations, mais je dis qu'il faut, avec [103] la partie superieure de nostre ame, nous serrer aupres de Dieu et demeurer fermes en nos resolutions.

  A009000316 

 Nous avons tous grand sujet de nous humilier, car ce sont des effects de la foiblesse et niaiserie de l'esprit humain.

  A009000316 

 Nous devrions penser et regarder cent fois le jour comme nous pratiquons et conservons la sainte humilité; car si nous la conservons bien nous conserverons aussi nostre vocation et nos bons propos..

  A009000316 

 Quand nous voyons une robbe composée de rouge, de blanc, de vert, nous disons qu'elle est bigarrée; de mesme, quand nous voyons des personnes qui ont divers desseins et resolutions, ne s'arrestant à rien, nous disons qu'elles sont bigearres, parce qu'elles sont habillées de diverses couleurs: tantost de jaune, voulant une chose, tantost de rouge, en voulant une autre.

  A009000318 

 A l'imitation de nostre Sauveur et de ses Anges celestes, si nous sommes vrays enfans de Dieu, nous ne nous desprendrons jamais de nos resolutions, mais nous persevererons à nous humilier et à le servir jusques à la fin de nostre vie, voire jusques à toute eternité, car il n'a pas promis la couronne à ceux qui commencent, mais à ceux qui persevereront.

  A009000318 

 Estant sur icelle, plusieurs luy dirent: Si tu es Fils de Dieu, sauve-toy toy mesme et descens de la croix; mais il n'en voulut pas descendre parce qu'il estoit enfant de Dieu, ains demeura ferme en la determination qu'il avoit prise de nous racheter par sa mort et perseverer jusques à la fin.

  A009000318 

 Nostre Seigneur mesme nous a monstré par son exemple comme nous devons demeurer fermes en nos resolutions; car dès l'instant de sa conception il fit celle de nous racheter et s'humilier jusques à la mort de [104] la croix.

  A009000318 

 Si nous avons fait dessein de servir Nostre Seigneur et d'estre tout à luy, on aura beau nous contrarier, le monde au'ra beau nous dire que nous descendions de la croix et que nous serons aussi bien enfans de Dieu demeurant au monde qu'en nous mettant en Religion; si nous sommes ses vrays enfans, nous nous tiendrons en la fermeté de nos resolutions et persevererons jusques à la fin en l'humilité et au service de cette divine Majesté..

  A009000319 

 Cela nous monstre que nous devons faire nos resolutions en la ferveur du cœur, lors que le Soleil de justice nous esclaire et nous incite par son inspiration.

  A009000319 

 Mais quand il ne les donne pas il ne faut pas que nous manquions de fidelité à sa douce bonté, car nous devons vivre selon la rayson et la volonté divine, et faire nos resolutions avec la pointe de nostre esprit et partie superieure de nostre ame, ne laissant de les effectuer et mettre en prattique pour quelque secheresse et repugnance que nous ayons, ni pour aucune contradiction qui se presente.

  A009000319 

 Non, je ne dis pas qu'il faille avoir des grans sentimens et consolations; neanmoins quand Dieu les nous donne nous sommes bien obligés d'en faire nostre proffit et correspondre à son amour.

  A009000320 

 Ce veau rosti que nous devons donner aux Anges à l'imitation d'Abraham, c'est nostre cœur que nous devons rostir et escorcher par le moyen de la mortification, pour l'offrir à Dieu, pur, net et vuide de nostre propre volonté et amour propre.

  A009000320 

 Et combien que nous n'en venions pas à bout durant nostre vie, nous en viendrons à bout à nostre mort, et remporterons la victoire si nous perseverons à le mortifier, car nous ne le pouvons pas faire mourir tout à fait.

  A009000320 

 Mais nous ne les pouvons pas imiter en cela; ce qu'ils ont fait en un moment, il faut que nous taschions de le faire en toute nostre vie..

  A009000320 

 Si nous faisons ainsy, nous donnerons un mets delicieux à Nostre Seigneur et aux Anges, lesquels sont si purs et remplis de l'amour divin qu'ils n'ont point d'amour propre, puisqu'ils en furent delivrés en un moment.

  A009000322 

 Avec quelle benignité nous supportent-ils en nos defauts et imperfections, sans jamais se lasser de nos foiblesses et miseres! Dès l'instant de nostre naissance ils prennent soin de nous, la divine Bonté nous ayant tant aymés que de toute eternité elle a ordonné que nous eussions chacun un bon Ange pour nous garder en nostre peregrination.

  A009000322 

 Le beurre et le miel que nous devons donner aux Esprits bienheureux c'est une grande douceur, support du prochain et affabilité, en quoy nous les devons imiter; car il n'y a rien de si doux, de si gracieux et affable qu'un Ange.

  A009000325 

 Et nous autres miserables, qui ne sommes rien, ne nous voulons point humilier! Si l'on va dire à un monsieur qu'il est un homme, il s'offencera de cela et respondra: Quoy, moy qui suis un monsieur, relevé en une telle dignité et grandeur, je suis prince, je suis comte, et on m'appelle homme! Voyla jusques où nous porte nostre orgueil.

  A009000325 

 Nous voulons qu'on regarde en nous tout ce qui est excellent, les qualités, offices et charges auxquelles nous sommes eslevés, que l'on nous estime pour cela, quoy que vrayement nous n'en soyons pas plus à estimer ni plus grans devant Dieu; et nous voulons au contraire qu'on ignore nostre vileté et qu'on ne regarde jamais nostre misere, nos defauts et imperfections.

  A009000326 

 Ils ont aussi le pouvoir de remettre les pechés; ce sont les tresoriers de l'Eglise et dispensateurs des tresors que la divine Bonté y a laissés, à sçavoir des Sacremens qui nous conferent la grace..

  A009000328 

 Il en est comme de l'amour de Dieu et du prochain: ce sont deux amours qui ne vont point l'un sans l'autre, et à mesure que nous aymons plus Dieu, aussi aymons-nous plus le prochain..

  A009000328 

 Plus nous avons de charité, plus nous avons d'humilité.

  A009000329 

 C'est un mets tres aggreable et delicieux que nous donnerons à ces Esprits celestes qui seront fort resjouis de voir que nous les imitons en cette vertu de douceur et affabilité..

  A009000330 

 C'est l'Espoux de nos ames, suivons ses traces et vestiges; lors que nous demeurerons aupres de luy nous serons là comme en un rempart asseuré, ayant [110] nostre recours et refuge en ses sacrées playes, desquelles il fera distiller son sang pretieux pour le respandre sur nous et nous appliquer le merite d'iceluy à fin de nous rendre aggreables à la divine Majesté..

  A009000330 

 Cela nous represente que nous devons faire toutes nos actions, soit de boire, manger, travailler, marcher et parler, à l'abri de l'arbre de la Croix et en presence des Anges, ayant tousjours devant les yeux le divin Sauveur crucifié, pour nous mirer en luy et nous conformer à sa vie, nous moulant sur ce divin portrait, l'imitant au plus pres qu'il nous sera possible selon nostre petit pouvoir.

  A009000331 

 Et si nous nous rendons semblables à eux en cette vie par le moyen de l'imitation de leurs vertus, nous ferons chose fort aggreable à Dieu et à ses Anges, et nous nous rendrons dignes de parvenir à la gloire et felicité eternelle, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit, qu'à jamais nous louerons et benirons avec eux.

  A009000331 

 Imitons-les autant qu'il nous sera possible en leur resolution cuite sous la cendre de l'humilité et en leur stabilité au service de Dieu, en la pureté de l'amour divin et denuement de tout amour propre, en leur douceur, affabilité, charité et support du prochain.

  A009000348 

 De parler de la beauté du lieu où se fait le festin c'est impossible; mais pour les autres choses qui s'y retrouvent nous les expliquerons par le menu et dirons un mot sur chacune de ses circonstances et conditions, si Dieu nous fait la grace de nous en souvenir..

  A009000348 

 En ce festin de l'Aigneau sans macule, comme dit saint Jean, se rencontre tout ce que nous avons remarqué en celuy d'Assuerus; mais en une façon beaucoup plus excellente, parce qu'en iceluy sont jointes ensemblement toutes les conditions requises pour rendre un banquet magnifique et du tout admirable.

  A009000348 

 Je n'ay point trouvé d'histoire et de discours plus propre pour vous representer la gloire et felicité des Saints que ce banquet du roy Assuerus, puisque cette felicité n'est autre qu'un festin ou banquet auquel nous sommes invités et où ceux qui sont receus sont rassasiés et assouvis de toutes sortes de delices.

  A009000357 

 Que si estant encores en cette vallée de misere, l'Espouse prononçoit ces parolles d'amour avec tant de suavité, o Dieu, quelle joye et quelle jubilation pensons-nous que sera celle des Bienheureux en ce dialogue qu'ils feront en cette felicité?.

  A009000358 

 En cette gloire essentielle, l'entendement demeurera tout plein de clarté et de connoissance, tant de l'estre et grandeur de Dieu que de ce que le Sauveur a fait et souffert pour nous, des graces qu'il nous a communiquées, comme de tous les plus hauts et profonds mysteres de la tres sainte Trinité, de l'Incarnation et de tout ce qui concerne la divinité et humanité de Nostre Seigneur, ainsy que de ce qui regarde Nostre Dame..

  A009000360 

 Mais quel sera le nom qui sera gravé en cette pierre? Certes, il n'y a point de doute que nous sommes comme des caracteres gravés en l'humanité du Sauveur: il nous a escrits en ses mains, car ces clous qui les percent nous ont gravés en icelles; et de mesme la lance nous a escrits en son cœur en luy ouvrant le costé..

  A009000360 

 Reste maintenant la memoire, qui sera toute pleine de Dieu et des biens qu'il nous a faits en cette vie, et mesme du peu de service que nous luy avons rendu au prix de ces grans salaires et recompenses.

  A009000361 

 Mais cette pensée m'est venue ce soir considerant ce que je vous devois dire: la parolle escritte en cette pierre blanche, que personne ne sçait que celuy qui la reçoit, n'est autre qu'une parolle filiale, une parolle d'amour, telle que celles dont nous avons parlé: Je suis tout à toy et tu es toute à moy; tu ne te separeras [119] jamais de moy et je ne m'esloigneray jamais de toy.

  A009000363 

 Disons maintenant quelques mots de la gloire accidentelle, qui est, comme nous l'avons veu, celle qui leur arrive par accident.

  A009000369 

 C'est ce que nous fait entendre la Sainte Escriture quand elle nomme Nostre Seigneur le Dieu des dieux, c'est à dire le Dieu de tous ces petits dieux, des Saints qui sont en Paradis..

  A009000369 

 Outre cela, nos corps seront glorieux apres la resurrection (je dis les nostres, avec cette presupposition que je fais tousjours, sçavoir, si Dieu nous fait la misericorde d'estre du nombre de ses esleus); ils auront, comme nos ames, les quatre dons de la gloire: la subtilité, l'agilité, l'impassibilité et la clarté.

  A009000378 

 Chose admirable qu'estans si asseurés que nous ne sçaurions discourir beaucoup sans chopper [126] et faire des fautes, nous soyons neanmoins tousjours si avides et prompts à le faire, voire mesme de ce que nous ignorons! Et puis nous trouvons estrange qu'ès Religions il y ait des heures où le silence soit imposé et que l'on ne puisse point parler..

  A009000378 

 Et nous autres qui à peine avons l'usage de rayson à l'aage de quarante ans, tellement sommes-nous irraisonnables, pretendons faire les entendus et parler avant que sçavoir begayer; et à force de vouloir monstrer que nous sommes sçavans et sages, nous ne pouvons cacher nostre folie.

  A009000380 

 O mon Dieu, que j'eusse bien desiré de me pouvoir vivement representer la consolation et suavité de ce voyage despuis la mayson de Joachim jusques au Temple de Hierusalem! Quel contentement tesmoignoit cette petite Infante voyant l'heure venue qu'elle avoit tant desirée! Ceux qui alloyent au Temple pour y adorer et offrir leurs presens à la divine Majesté chantoyent tout le long de leur voyage; et pour cet effect, le royal Prophete David avoit composé tout expres un Psalme que la sainte Eglise nous fait dire tous les jours au divin Office.

  A009000381 

 Ils ne faisoyent point de remarque du jour de leur naissance, d'autant qu'en naissant nous ne sommes pas enfans de grace, ains adamistes ou enfans d'Adam; mais ils remarquoyent, pour le solemniser, le jour auquel ils avoyent esté faits enfans de Dieu par le Baptesme.

  A009000382 

 Elle nous tesmoigne par là qu'elle desire que tous les ans au moins une fois, nous nous recueillions et reconfirmions les vœux et promesses que nous avons faites à la divine Majesté; mais sur tout les Religieux et nous autres qui luy sommes particulierement dediés et consacrés sans que nous nous en puissions desdire..

  A009000382 

 La tres sainte Eglise celebre chaque année la commemoration des principales actions de nostre divin Sauveur, de Nostre Dame et Maistresse, comme aussi de tant de Saints qu'elle nous presente comme des patrons à imiter.

  A009000382 

 Mais d'autant qu'ils ne doivent rien avoir de particulier, nous avons trouvé expedient que les Sœurs de ceans solemnisent cette commemoration en un mesme jour.

  A009000383 

 Certes, il est tres veritable, et ce jour est d'autant plus plein de contentement que nous avons plus de connoissance du bonheur qu'il y a d'estre absolument dedié à Dieu..

  A009000385 

 Et ayant ainsy resserré les chevilles de nostre luth, qui sont nos resolutions, nous venons par apres, avec nostre glorieuse Dame et Maistresse et sous sa protection, apporter toutes nos affections sur l'autel du temple de la divine Bonté, pour estre bruslées et consommées sans aucune reserve par le feu de son ardente charité..

  A009000385 

 Et tout ainsy qu'un homme qui joue excellemment du luth a accoustumé d'en taster toutes les cordes de temps en temps pour voir si elles ont point besoin d'estre rebandées ou bien laschées, à fin de les rendre bien accordantes selon le ton qu'il leur veut donner, de mesme il est necessaire que tous les ans au moins une fois, nous tastions et considerions toutes les affections de nostre ame pour voir si elles sont bien accordées pour entonner le cantique de la gloire de Dieu et de nostre propre perfection.

  A009000386 

 C'est une chose tres necessaire que celle-cy, nostre misere estant si grande que nous faisons tousjours quelque perte spirituelle, et ne venons que trop ordinairement à descheoir de nos propos.

  A009000386 

 Mais d'autant que nous avons presché ces années passées en cette mesme journée sur le sujet du renouvellement de nos ames, ramassons maintenant nostre discours revenans à nous mesmes, et voyons que c'est qu'il faut faire pour nous bien renouveller.

  A009000386 

 Partant, il est expedient de nous reprendre, et considerer les moyens de pouvoir regaigner ce qui par nostre foiblesse, voire negligence, nous est eschappé..

  A009000387 

 Il est vray qu'il ne faut pas nous en estonner, d'autant [130] que tout ce qui est en ce monde est fait ainsy; voire mesme il semble que le soleil aye besoin de recommencer sa course tous les ans une fois, à fin de reparer le deschet que paraissent avoir receu le long de l'année les lieux qui n'ont pas l'aspect bon.

  A009000387 

 Ne vous est-il pas advis que la terre descheoit en hiver, et quand ce vient le printemps qu'elle veut regaigner les pertes qu'elle a faites le long des grandes froidures? Nous en devons faire de mesme nous autres, faisant nostre course comme le soleil sur toutes les affections et passions de nos ames, pour regaigner les pertes causées par leur immortification le long de l'année.

  A009000387 

 Puis, venant au printemps, qui est le temps de nos renouvellemens, nous devons prendre courage pour reparer le deschet que nous avons fait au temps des froidures de nos laschetés..

  A009000389 

 Quant au premier point, à sçavoir qu'elle vient se dedier à Dieu en son enfance, comme pourrions-nous faire cela, veu que nous ne sommes plus en cet aage là et que nous n'y sçaurions jamais plus retourner, car le temps perdu ne se peut recouvrer? Dites-vous qu'il n'y a plus de remede? O pardonnez-moy, il y a du remede en toutes choses.

  A009000389 

 Si la virginité est reparée par l'humilité et si la chaste vefve est rendue vierge glorieuse et triomphante, pourquoy voulez-vous que nous ne puissions regaigner le temps perdu, par la ferveur et diligence à bien employer celuy que nous avons presentement? Il est tres veritable que le bonheur de ceux qui se sont dediés et consacrés à la divine Majesté dès leur adolescence est tres grand, d'autant plus que Dieu le desire et s'y complaist grandement, se plaignant du contraire lors [131] qu'il dit par son Prophete que les hommes sont tellement pervertis que dès leur adolescence ils ont quitté sa voye et ont pris le chemin de perdition.

  A009000390 

 Il est tres certain que la divine Bonté desire le temps de nostre jeunesse comme estant le plus propre pour nous employer en son service.

  A009000390 

 Mais, me direz-vous, quel est le temps le plus propre pour nous dedier et consacrer tout à Dieu, apres que nous avons passé nostre adolescence? Oh, quel il est? c'est le temps present, tout à cette heure; c'est le vray temps, car celuy qui est passé n'est plus nostre, le futur n'est pas non plus en nostre pouvoir, c'est donques le moment present qui est le meilleur..

  A009000391 

 Et tout [132] ainsy que les cerfs qui courent si legerement, redoublent neanmoins le pas lors qu'ils sont pressés du veneur et vont d'une si grande vistesse qu'il semble quasi qu'ils volent, de mesme devons-nous tascher de courir en nostre voye; mais au temps de nostre renouvellement et de la reconfirmation de nos resolutions nous ne devons pas seulement courir ains aussi voler, et pour cela demander avec le saint Prophete des aisles de colombe, à fin qu'à tire d'aisles nous volions sans nous arrester jusques à ce que nous allions reposer dans les trous du mur de la sainte Hierusalem, je veux dire que nous soyons tout unis à Nostre Seigneur crucifié sur le mont de Calvaire par une parfaite conformité de vie..

  A009000391 

 Mais que faut-il que nous fassions pour regaigner le temps perdu? Je l'ay desja dit, il le faut regaigner par la ferveur et diligence à courir en nostre voye.

  A009000392 

 Et c'est icy la seconde remarque que je fais en cette sainte Presentation, et le second point auquel nous devons imiter nostre glorieuse Princesse, pour bien nous presenter de nouveau à fin de bien reoffrir à son divin Fils ce que nous luy avons une fois dedié et consacré, à sçavoir nous mesme, par le moyen des vœux que nous venons maintenant renouveller, c'est à dire renouer; car cette sainte coustume de renouveller nos vœux sert encores à reparer les manquemens que nous pourrions avoir commis en les faisant..

  A009000393 

 Et la sainte Eglise, esgalement tendre et soigneuse du bien de ses enfans, nous enseigne de dire tous les jours une oraison où elle demande à Dieu qu'il luy plaise nous accompaigner le long de nostre pelerinage et nous ayder de sa grace prevenante et concomitante, car sans l'une et sans l'autre nous ne pouvons rien..

  A009000393 

 Et ne voit-on pas ordinairement que ceux qui ont abandonné sa main paternelle ne font pas un seul pas qu'ils ne choppent et donnent du nez en terre? Sa Bonté nous veut bien conduire et tenir, mais elle veut aussi que nous formions nos petits pas, faisant, aydés de sa grace, ce que nous pouvons de nostre costé.

  A009000393 

 Je veux dire qu'il nous tient par la main et nous fait marcher en l'exercice des vertus, car s'il ne nous tenoit il ne seroit en nostre pouvoir de cheminer en cette voye de benediction.

  A009000393 

 Nostre Seigneur le long de nostre pelerinage en cette [133] miserable vie nous conduit en ces deux sortes: ou il nous mene par la main en nous faisant marcher avec luy, ou il nous porte entre les bras de sa Providence.

  A009000394 

 Ce sont les Sacremens, car dites-moy, je vous prie, que nous couste-t-il d'entendre ces parolles: «Je t'absous de tous tes pechés,» ou bien de recevoir le tres saint Sacrement dans lequel est comprise toute la suavité du Ciel et de la terre? Et bien qu'il faille prononcer les parolles de la consecration que Nostre Seigneur a commandées, qu'est-ce que cela pour faire venir nostre souverain Maistre à la voix d'un prestre, pour meschant et indigne qu'il soit, se renclore sous ces especes pour nostre bonheur? N'est-ce pas nous porter entre ses bras que de nous permettre de nous unir à luy en ces deux façons? Quand donques vous viendrez dire: «Je renouvelle et reconfirme de tout mon cœur les vœux que j'ay faits à mon Dieu,» le Sauveur vous conduira par la main, d'autant que vous prononcerez ces paroles et ferez quelque chose de vostre part; mais soudain que nous vous [134] communierons, il vous prendra entre ses bras, faisant en vous cette œuvre toute ouvrée..

  A009000394 

 Mais Nostre Seigneur nous ayant menés par la main, faisant avec nous des œuvres pour lesquelles il demande nostre cooperation, il nous porte par apres et fait en nous des œuvres toutes ouvrées, je veux dire auxquelles il semble que nous ne fassions rien.

  A009000395 

 Elle dit: Tirez-moy, pour monstrer qu'elle ne peut rien d'elle mesme si elle n'est tirée et aydée de sa faveur; et pour monstrer qu'elle veut correspondre à ses attraits volontairement et sans estre violentée, elle adjouste: nous courrons; pour peu que vous nous tendiez la main pour nous tirer, nous ne cesserons point de courir, jusques à ce que vous nous ayez pris entre vos bras et unis à vostre Bonté..

  A009000395 

 L'Espouse le tesmoigne fort clairement au Cantique lors qu'elle dit à son Bien-Aymé: Tirez-moy, et nous courrons apres vous à l'odeur de vos onguens.

  A009000395 

 O qu'heureuses sont les ames qui font ainsy leur voyage et qui ne partent des bras de la divine Majesté, sinon pour marcher et faire de leur costé ce qu'elles pourront en l'exercice des vertus et des bonnes œuvres, tenant tousjours neanmoins la main de Nostre Seigneur; car il ne faut pas que nous pensions estre suffisans pour rien faire de bien de nous-mesmes.

  A009000396 

 C'est ainsy qu'il faut que nous nous donnions nous autres, car le Sauveur ne veut pas que nous fassions ce que luy mesme ne peut faire, qui est de se donner à nous en partie.

  A009000396 

 Je sçay bien que les gens du monde se donnent à Dieu à leur façon, mais je ne parle pas pour eux maintenant, ains pour nous qui luy sommes dediés et consacrés.

  A009000396 

 O Dieu, tout bien consideré, qu'est-ce que nous quittons? Le tracas du mesnage où le plus souvent les choses vont de travers et contre nostre volonté.

  A009000396 

 Que [135] faut-il de plus quitter? Les conversations? Helas! je suis tres asseuré que l'on n'y a pour l'ordinaire que du mescontentement, car ou l'on ne nous a pas assez honnorés selon que nous le desirions, ou l'on ne nous a pas assez cheris, ou l'on a dit quelque chose qui nous a despieu; en un mot, les playsirs que l'on y a sont le plus souvent tres degoustans à nostre goust mesme..

  A009000396 

 Sa bonté est si grande qu'il se veut tout donner à nous; de mesme veut-il, et il est bien raysonnable, que nous nous donnions à luy sans restriction.

  A009000397 

 Comme s'il eust dit: Considere ton nom, et tu trouveras qu'il signifie uni, seul; or, par ce mot, seul, je n'entens pas d'estre retiré et sequestré dans un desert, mais c'est à sçavoir que pour estre bon moine il ne faut avoir que Dieu pour objet en tout ce que nous faisons; et cela c'est estre seul..

  A009000397 

 Je ne dis pas nostre amour propre, car nous ne le pouvons faire mourir qu'en mourant nous mesmes, il vivra tant que nous vivrons; mais il suffit qu'il ne regne pas en nous.

  A009000397 

 Mais, est-ce cela tout ce qu'il faut quitter? O non, il reste le plus difficile, qui est nous mesme, nostre propre volonté: il la faut aneantir tout à fait sans aucune reserve.

  A009000398 

 Voulez-vous devenir une bonne fille de la Visitation? Il faut tout quitter, non seulement ce qui est hors de soy mais soy mesme, et estre absolument sevrée de la [136] propre volonté que nous aymons tendrement comme si elle estoit nostre mere.

  A009000399 

 L'exemple de Caïn monstre assez la verité de ce que nous disons; car ayant fait son sacrifice, il ne fut pas aggreable à la Divinité comme celuy de son frere Abel, non seulement parce qu'il avoit mal partagé, offrant le moindre et le pire de ses troupeaux, mais aussi parce qu'il n'avoit pas donné son cœur; partant il n'avoit pas bien fait son sacrifice, d'autant que Dieu vouloit premierement son cœur.

  A009000400 

 Puis vous [137] adjousterez: Quoniam confirmata est super nos miser icordia ejus; Parce qu'il a confirmé sur nous ses misericordes, nous attirant par sa bonté à la jouissance de tant de graces et benedictions dès cette vie perissable, pour par apres, en la compaignie de nostre tres sainte Maistresse et des Bienheureux qui sont au Ciel, chanter eternellement Gloire soit au Pere, au Fils et au Saint Esprit.

  A009000400 

 Si vous faites cela aussi parfaitement que nous venons de dire en cette journée de vos renouvellemens, à l'imitation de Nostre Dame et glorieuse Maistresse, elle vous acheminera au Ciel, en excitant vos cœurs à chanter en cette vie le Laudate Dominum omnesgentes, invitant un chacun à glorifier la divine Majesté.

  A009000400 

 Voyla donques la façon avec laquelle nous devons faire nos sacrifices et nos offrandes à la divine Bonté: si nous voulons qu'elles luy soyent aggreables, il faut nous offrir pleinement et entierement nous mesmes.

  A009000406 

 Lors le pauvre Gedeon luy respondit, pressé de son affliction: S'il est vray ce que tu dis que le Seigneur est avec moy, pourquoy donques, avec luy, suis-je environné de tant de miseres? Nous en pouvons bien dire autant aujourd'huy.

  A009000406 

 S'il est vray, comme il est, que la tres sainte Vierge et saint Joseph ont Nostre Seigneur avec eux, pourquoy donques les voyons-nous si remplis de crainte qu'ils se rendent fuyars pour l'apprehension d'un homme terrien, quoy qu'ils ayent avec eux le Dieu de [139] la majesté infinie, par l'ordonnance duquel toutes choses se font et ont esté faites?.

  A009000409 

 Or, voyons comme Nostre Seigneur a prattiqué admirablement cette abnegation durant tout le temps de son enfance; mais pour le mieux comprendre, nous en ferons trois points que j'approprieray aux trois vertus desquelles tous les Religieux font les vœux, à sçavoir, la pauvreté, la chasteté et l'obeissance..

  A009000410 

 Il eust bien peu se faire appeller de Bethleem, ou bien de Hierusalem, mais il ne voulut pas, tant pour cette cause que pour d'autres que nous dirons tantost..

  A009000412 

 Herode estant mort, il faut qu'il s'en retourne d'Egypte; il auroit peu dire à sa Mere ou à saint Joseph qui l'aymoient si tendrement: Ma chere Mere, ou, mon Pere, retournons nous-en quand il vous plaira, car Herode que vous craignez est mort; mais non, il attend que l'Ange le revele à saint Joseph..

  A009000414 

 C'est pourquoy ces filles se [143] presentent aujourd'huy pour estre faittes Religieuses, car elles ont fait ces considerations: Si mon Seigneur et mon Dieu a bien voulu renoncer aux richesses, à sa patrie et à la maison de ses parens pour l'amour qu'il portoit à la pauvreté, pourquoy donc, à son imitation, n'en ferois-je pas de mesme? Et s'il a renoncé à tous les playsirs, voire à soy mesme, à fin de s'assujettir pour l'amour de moy et pour me monstrer combien la vie religieuse où tout cela se prattique luy est aggreable, pourquoy donc ne le ferois-je pas pour luy aggreer? Non, disent-elles, nous ne quittons pas le monde pour acquerir le Ciel, car les personnes qui y demeurent le peuvent gaigner en vivant en l'observance des commandemens de Dieu, ains pour accroistre tant soit peu nostre charité et nostre amour envers la divine Bonté..

  A009000415 

 Nostre Seigneur print le nom de Nazareen, outre la rayson que nous avons dite, parce que ce mot signifie fleur, fleuri; ces filles viennent donques à l'odeur de cette fleur.

  A009000417 

 Cecy nous doit faire comprendre que les afflictions, tenebres interieures et ennuys d'esprit, qui sont quelquefois si grans entre les personnes les plus spirituelles et qui font profession de la devotion, qu'il leur semble presque d'estre du tout abandonnées de Dieu, ne les reduisent jamais neanmoins à telles extremités, qu'elles ne [145] puissent tousjours respandre devant la divine Majesté des parfums d'une sainte sousmission à sa tres sacrée volonté et d'une continuelle promesse de ne le vouloir point offencer..

  A009000417 

 Il choisit en outre la rose entre toutes les autres fleurs pour l'amour qu'il portoit à la sainte pauvreté parce qu'il n'y a rien de plus pauvre que la rose: elle n'a que des espines et ne requiert point, comme nous avons dit, que l'on s'employe apres elle pour la cultiver.

  A009000417 

 Le lys peut croistre sans artifice aussi bien que la rose, comme on le voit en certains païs; et cecy nous monstre l'amour que Nostre Seigneur portoit à la simplicité, car il ne veut pas estre appellé du nom des fleurs des jardins qui sont cultivées avec tant de soin et d'artifice.

  A009000418 

 On leur asseure qu'elles seront eternellement unies avec la divine Majesté, mais apres avoir renoncé entierement à elles mesmes, à toutes leurs passions, affections et inclinations, faisant une absolue transmigration, car nous leur disons: Si vous avez aymé à vivre selon vostre propre volonté et à faire estime de vostre propre jugement, desormais il ne le faudra plus, ains rien plus estimer que l'obeissance et la sousmission; il faudra reduire tant qu'il vous sera possible vos passions à neant, pour ne vivre plus selon icelles ains selon la perfection qui vous sera enseignée..

  A009000419 

 Et pour conclusion, nous ne leur promettons pas qu'elles seront espouses de Nostre Seigneur glorifié sinon apres qu'elles l'auront esté de Nostre Seigneur crucifié, non plus que nous ne leur presentons pas la couronne d'or sinon apres qu'elles auront pris celle d'espines..

  A009000419 

 Nous leur changeons d'habit pour leur donner [146] à entendre qu'elles devront changer absolument d'habitudes.

  A009000419 

 Nous leur disons qu'elles sont voirement appellées pour jouir de la felicité du Sauveur sur le mont de Thabor, mais apres avoir esté crucifiées avec luy sur celuy de Calvaire, par une continuelle mortification d'elles mesmes et volontaire acceptation, sans choix, des mortifications qui leur seront faittes.

  A009000419 

 Nous leur mettons un voile sur la teste pour leur monstrer qu'elles seront cachées aux yeux du monde, et si par le passé elles ont affecté d'estre conneuës et estimées, desormais il ne se fera plus aucune mention d'elles; le voile empeschera que l'on sçache si elles sont belles, de bonne grace, ou aggreables, et partant il faut renoncer à l'affection qu'elles pourroyent avoir à tout cela.

  A009000420 

 En fin nous leur disons que la Religion est «un mont de Calvaire» où les amateurs de la Croix se tiennent et font leur demeure.

  A009000420 

 Nostre Seigneur en fait de mesme; mais sçavez-vous ce qu'il donne, au lieu des faisans et des perdrix? Des mortifications, des humiliations, des mespris, des douleurs et des peines interieures, lesquelles nous font presque douter que nous ne soyons tout à fait abandonnés de sa bonté..

  A009000421 

 Les gouverneurs des abeilles spirituelles font tout au contraire; car, comme celuy-là prend peine de les esloigner de crainte qu'elles ne meurent autour de leur roy, ceux cy ont un tres grand soin de faire que les ames demeurent autour du corps de leur Roy mort, c'est à dire proches de Nostre Seigneur mort et crucifié, aupres duquel nous devons nous tenir fidellement tout le temps de nostre vie pour considerer l'amour qu'il nous a porté, et qui l'a fait mourir pour nous à fin que nous vescussions pour son amour et en son amour.

  A009000428 

 La feste que nous celebrons en ces jours est tres solemnelle, tant pour son antiquité comme à cause des grans mysteres qu'elle comprend et qu'elle nous represente.

  A009000429 

 Ainsy sommes nous, nous autres, quand nous sommes baptizés, environnés de mille sortes d'inclinations tendantes au mal; mais beaucoup plus miserablement lors que, par nostre malheur, nous venons à suivre ces mauvais penchans et affections depravées.

  A009000429 

 Nous prenons l'habitude du mal et des vices, comme si c'estoit chose impossible de nous empescher de faire ce à quoy nostre nature et la tentation nous convient..

  A009000430 

 Cette fin donques n'est autre que pour nous bailler sujet de meriter davantage par ce moyen, travaillans courageusement pour l'amour de Dieu à nous surmonter nous mesme..

  A009000430 

 O Dieu, l'on ne regarde pas la fin pour laquelle la divine Bonté a permis qu'en punition du peché de nostre premier pere plusieurs mauvaises inclinations nous soyent demeurées apres le Baptesme, bien que la grace nous y soit donnée suffisamment pour nous surmonter.

  A009000430 

 Qui ne voit la tromperie de nostre amour propre? Comme si par la bonté de Dieu, il n'estoit pas en nostre pouvoir de nous surmonter et vivre contre nos inclinations, et selon la rayson qui nous enseigne qu'il ne les faut pas escouter! Une autre dira: Il est vray, je suis un peu vaine, mais c'est mon inclination de me parer et desirer d'estre louée et estimée; je ne sçaurois que faire à cela.

  A009000431 

 Pour cet effect, apres que nous avons l'usage de la rayson, nous recevons le Sacrement de Confirmation par [150] lequel nous nous enroollons sous l'estendart de la divine Majesté, à fin de combattre en valeureux soldats pour la gloire de son nom.

  A009000434 

 Les beliers qu'il failloit offrir representent nostre imagination, les petits aignelets nos affections, et le bouc nostre chasteté, par laquelle nous nous privons pour l'amour de Dieu de tous les playsirs sensuels, voire mesme des permis et licites..

  A009000435 

 Le monde a accoustumé de nous faire imaginer que les richesses, les honneurs et les commodités sont des biens desirables; ils y renoncerent pour jamais, faisant estime de la pauvreté comme d'une chose tres prisable.

  A009000436 

 Or, me voicy maintenant au point que j'avois à traitter, car tout ce que nous avons dit n'a esté que pour mieux entendre ce que je m'en vay deduire.

  A009000438 

 Ces ames donques estans preparées comme nous avons dit, ont desja receu les dons du Saint Esprit.

  A009000439 

 Si tous ces dons ont esté ainsy octroyés à ces ames, comme nous venons de le dire, elles sont aussi fort resolues de les prattiquer, rejettant toute autre delectation que celle de gouster combien le Seigneur est doux et suave, et combien les voyes par lesquelles on va à luy, c'est à sçavoir par lesquelles nous nous unissons à sa Majesté, sont delectables.

  A009000440 

 Elles seront fidelles à la prattique du don de pieté, regardant et honnorant Dieu comme leur Pere, d'autant qu'il veut que nous l'appellions de ce nom tant aymable; puis elles feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour luy plaire, tenant les prochains pour enfans de Dieu comme elles, et par consequent pour leurs freres, à fin d'exercer plus parfaittement toute sorte de pieté et d'offices de charité en leur endroit.

  A009000442 

 Ces premieres resolutions, jointes avec les vœux qu'elles viennent faire, par lesquels elles s'obligent pour le reste de leur vie à la prattique de tout ce que nous venons de dire, sont le pain sacré qui doit estre cuit, affermi, et rendu impliable et immuable par le feu sacré du Saint Esprit, qui est l'amour de nos ames.

  A009000442 

 Lors la divine Majesté en rassasiera son goust comme d'un mets delicieux, au festin de l'eternité, et en contreschange elle rassasiera les vostres de sa Divinité, qui est le mets unique de la felicité et consolation eternelle, où sa souveraine Bonté nous veuille tous conduire pour sa gloire.

  A009000463 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, apres avoir consideré par le menu son Espouse, jetta ses yeux sur sa chaussure et sur sa demarche, ce qui le contenta si fort qu'il confessa en estre tout espris: Oh, dit-il, ta chaussure m'est aggreable; que tu as de bienseance en ton marcher! Nous lisons aussi en la Sainte Escriture que quand Judith alla trouver Holophernes elle s'estoit extremement bien parée; son visage estoit doué de la plus rare beauté qui se puisse voir, ses yeux estincelans, ses levres pourprines, ses cheveux esparpillés et flottans sur ses espaules.

  A009000463 

 Neanmoins, Holophernes ne fut prins ni par les yeux, ni par les levres, ni par les cheveux de Judith, ni d'aucunes des choses que je vous ay dit estre en elle; mais quand il jetta ses yeux sur ses sandales et chaussures, qui, comme nous pouvons penser, estoyent recamées d'or avec une fort bonne grace, il en demeura tout espris et touché.

  A009000469 

 Saint Luc dit bien que Marie salua Elisabeth, mais quant à Zacharie il s'en taist, d'autant que la virginité de Nostre Dame ne luy permettoit de saluer les hommes, et elle nous vouloit enseigner que les vierges ne sçauroyent avoir trop de soin de conserver leur pureté.

  A009000471 

 En quoy nous voyons en quel degré elle receut le don de prophetie, car elle parle des choses passées, presentes et futures.

  A009000471 

 Et si tous les Prophetes desiroyent le Messie promis en la Loy et se resjouissoyent sçachant que tout s'accomplirait en son jour, combien plus devons-nous penser que saint Jean fut rempli d'allegresse voyant au travers le sein de sa mere le vray Messie promis, le Desiré des Patriarches, qui le venoit visiter pour commencer [167] par luy l'œuvre de nostre Redemption en le retirant du bourbier du peché originel!.

  A009000474 

 Que si vous le faites fidellement et humblement en ce monde, indubitablement vous chanterez au Ciel, avec la mesme Vierge, Magnificat; et benissans par ce sacré cantique la divine Majesté, vous serez benites d'elle à toute eternité, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000491 

 Il veut nous faire entendre par cette similitude que les negociateurs du Ciel sont semblables à ce marchand; car, si vous y prenez garde, ils font un mesme negoce, je veux dire, ils negocient de mesme façon.

  A009000493 

 Certes, non seulement les choses terrestres ne sont pas capables de satisfaire nos cœurs, mais non pas mesme les celestes; et cecy nous le voyons tres bien en la Magdeleine.

  A009000494 

 Les Anges luy demandent: Pourquoy pleures-tu? comme s'ils eussent voulu dire: N'as-tu pas bien sujet de te resjouir et d'essuyer tes larmes en nous voyant? Quoy, la splendeur et beauté de nos faces, l'esclat de nos vestemens, nostre magnificence plus grande que celle de Salomon, n'est-elle pas capable de t'apaiser? O certes non, mon cœur ne se peut contenter à moins que de Dieu.

  A009000496 

 Nous voyons que ces anciens Chrestiens qui ne se contentoyent pas d'observer les commandemens de Dieu, mais aussi se mettoyent à la prattique exacte de ses conseils, quittoyent tout sans reserve; si que l'on pouvoit veritablement bien asseurer qu'ils n'avoyent qu' un cœur et qu' une ame, car le mot de tien et de mien n'estoit jamais entendu parmi eux..

  A009000497 

 Mais escoutez, je vous prie, le maistre de tous et le Prince des Apostres: Voicy, dit-il à Nostre Seigneur, que nous avons tout quitté; quelle recompense en aurons-nous? Sur quoy le grand saint Bernard luy parle en ces termes: O pauvre saint Pierre, comme vous pouvez-vous ainsy vanter d'avoir tout quitté, et quelle rayson avez-vous d'exagerer l'abandonnement que vous avez fait, disant que vous avez quitté toutes choses, puisque vous n'estiez qu'un pauvre pescheur et n'aviez quitté qu'une petite barque et des rets? A quoy il respond luy mesme: C'est assez tout quitter et abandonner que de ne se reserver point de pretentions au monde, et qui plus est, de se quitter et abandonner soy mesme.

  A009000500 

 La pretention de tous les Religieux n'est point moindre que de se transformer tout en Dieu, pretention digne certes d'un cœur genereux, et pretention que nous devrions tous avoir.

  A009000500 

 Mais resouvenons-nous que ceux qui entreprennent de [174] transmuer et transformer le metal en or, il faut qu'ils ayent une grande peine et qu'ils y apportent un tres grand soin, encores ne sçay-je s'ils le peuvent faire ou non.

  A009000500 

 Nous avons ce nous mesme exterieur que saint Paul appelle viel homme; nous avons encor l'autre nous mesme, qui est nostre propre jugement et nostre propre volonté, et en ce nous mesme icy consiste le nœud de l'affaire.

  A009000500 

 Nous avons deux nous mesmes lesquels il faut renoncer et abandonner totalement et sans aucune reserve pour estre vrays Religieux.

  A009000501 

 De mesme, dit saint Paul, on ne voit l'heure que l'on nous oste de devant les yeux des hommes, tant ils nous ont en horreur.

  A009000501 

 Puys il adjouste: Nous sommes tenus comme la peleure d'une pomme, car si le monde est une pomme nous en sommes estimés la peleure que l'on jette là comme une chose de neant..

  A009000501 

 Quelles persecutions, quelles mortifications, quelles sortes d'abjections, de tourmens et de douleurs n'a-t-il pas souffert? Escoutez ce qu'il escrit: Jusques à cette heure nous avons esté blasphemés, persecutés à outrance, injuriés et mesprisés, jusques là que nous sommes tenus et estimés comme les balayeures de ce monde.

  A009000502 

 Pour parvenir donques à cette transformation à laquelle nous pretendons, il sera necessaire que nous soyons aussi reduits à neant, rejettés, mesprisés et mortifiés comme le rebut du monde.

  A009000503 

 Dites luy hardiment: «Commandez, Seigneur, à nos ames tout ce qu'il vous plaira, et nous donnez que nous le fassions.» Donnez-nous le desir de parvenir à vous, de faire tout ce qui sera aggreable à vostre Bonté, et accomplissez ce nostre desir.

  A009000503 

 Vous nous appeliez, faites par vostre grace que nous allions; vous avez commencé l'œuvre de nostre perfection, nous ne voulons jamais douter que vous ne la paracheviez..

  A009000504 

 C'est en quoy le nostre doit de mesme paroistre, non pas tant à faire, [176] comme à laisser faire en nous et de nous tout ce que l'on voudra; et non seulement à Nostre Seigneur, mais aussi à nos Superieurs, nous rendant maniables, souples et humbles comme des petits enfans, car nostre grandeur gist en nostre petitesse et nostre exaltation en nostre humiliation..

  A009000504 

 Il faut que nous soyons esgaux en courage aux petits enfans, c'est à dire humbles comme eux.

  A009000504 

 Mais remarquez, je vous supplie, comme le Sauveur prattiqua la grandeur de son courage au plus excellent acte de l'amour qu'il nous a monstré avoir pour nous en sa Mort et Passion.

  A009000511 

 L'Evangile que nous avons dit aujourd'huy à la sainte Messe nous fournit assez de matieres pour l'une et l'autre des propositions.

  A009000514 

 Or, nous autres sommes si miserables, que rarement avons-nous du soin sans empressement et sans trouble.

  A009000515 

 Et parce qu'elle aymoit grandement sa sœur, elle desiroit qu'elle s'embesoignast comme elle pour servir son tres cher Maistre, qui neanmoins prenoit plus de playsir à l'exercice de Marie, dans le cœur de laquelle il distilloit, par le moyen de ses paroles, des graces plus grandes que nous ne sçaurions penser..

  A009000518 

 Mais avant que de parler de sa reception au Ciel, il nous faut dire comme et de quelle mort elle mourut.

  A009000518 

 Vous sçavez tous l'histoire de son glorieux trespas; je suis pourtant tousjours poussé de faire le recit des [181] mysteres que nous celebrons, à cause des grossiers et simples auditeurs.

  A009000520 

 Sa tres sainte ame s'envola droit au Ciel; car qu'est-ce, je vous prie, qui l'en eust peu empescher, veu qu'elle estoit toute pure et n'avoit jamais contracté aucune souilleure de peché? Ce qui nous empesche nous autres quand nous mourons d'y aller tout droit comme Nostre Dame, c'est que nous avons presque tous en nos pieds de la poussiere ou des souilleures qu'il est necessaire que nous allions laver et purger en ce lieu que l'on nomme Purgatoire, devant que d'entrer au Ciel..

  A009000521 

 Nous trouvons en beaucoup de lieux de la Sainte Escriture que les lampes representent les Saints, lampes qui ont jetté des continuelles exhalaisons de bons exemples devant les hommes et qui ont esté tousjours ardentes du feu de l'amour de Dieu.

  A009000523 

 Il est escrit des Anges: Vous estes mes serviteurs et mes messagers; mais auquel de ceux cy a-t-il esté dit: Vous estes mon Fils, je vous ay engendré? De mesme en pouvons-nous dire de la tres sainte Vierge qui est le parangon de tout ce qui est de beau au Ciel et en la terre: A laquelle a-t-on dit: Vous estes Mere du Tout-Puissant et du Fils de Dieu, sinon à elle? Vous pouvez donques bien penser qu'elle fut eslevée au dessus de tout ce qui n'est point Dieu..

  A009000525 

 Les vers nous mangent et nous avons tous sujet de dire aux vers: V ous estes mon pere, vous estes ma mere..

  A009000525 

 Quant à nos corps, ils sont, le veuillons-nous ou non, reduits en poussiere, et c'est le tribut que nous devons et qu'il faut que nous payions tous à cause du peché que nous commismes tous en Adam.

  A009000528 

 Mais quant à son ame qui s'en alla unir et conjoindre inseparablement à la divine Majesté, voyons comme nous pourrions l'imiter en cela.

  A009000528 

 Que nous reste-t-il maintenant à dire sinon de voir si nous ne pourrons point en quelque façon imiter l'Assomption de nostre glorieuse et tres digne Maistresse? Quant au corps, nous ne le pouvons point faire jusques au jour du jugement dernier, où les corps des Bienheureux ressusciteront glorieux, et ceux des reprouvés pour estre eternellement damnés.

  A009000529 

 Quand on loue quelqu'un et qu'on reserve un peu de la louange que nous savons qui luy est deue, qu'est-ce qui fait cela sinon l'envie que nous avons de ses vertus? Mais Marthe fait son petit coup et jette son petit trait d'envie par forme de joyeuseté, et cette cy est la plus fine.

  A009000530 

 Et ainsy, entendant qu'on loue quelqu'un, nous avançons quelque petit mot en passant à fin que l'on revienne à nous mesme..

  A009000531 

 Certes, nous autres nous ne sçaurions rien faire sans empressement, ou pour mieux dire, sans avoir un grand soin quant à nostre homme exterieur.

  A009000531 

 Il faut que nous sçachions qu'il y a deux parties en nous qui ne font qu'un homme: il y a l'homme exterieur et l'homme interieur.

  A009000531 

 L'homme exterieur c'est celuy que nous voyons, qui regarde, qui parle, qui touche, qui gouste, qui escoute; c'est celuy cy qui s'empresse en l'exercice des vertus lesquelles concernent le commandement de l'amour du prochain, tandis que l'homme interieur prattique l'amour de Dieu.

  A009000531 

 Les anciens philosophes ont dit qu'il faut regarder à la fin premier qu'à l'œuvre; mais nous autres faisons tout au contraire, car nous nous empressons à l'exercice de l'œuvre que nous avons entreprise, plustost que de considerer quelle en doit estre la fin..

  A009000532 

 La fin de nostre vie c'est la mort; nous devrions donques penser soigneusement quelle doit estre nostre mort et que c'est qui en doit reussir, à fin de faire correspondre nostre vie à la mort que nous desirons; car c'est chose asseurée que telle est nostre vie telle sera nostre mort, telle est nostre mort telle a esté nostre vie..

  A009000533 

 Entrons donc en cette economie des vertus pour rechercher si nous en pourrions point prattiquer sans soin et attention.

  A009000535 

 Quelles brides ne faut-il pas mettre à la langue pour l'empescher de courir par les rues comme un cheval eschappé et d'entrer en la maison du prochain, voire mesme dans sa vie, ou pour la censurer et [189] contreroller, ou bien pour luy oster tousjours un peu de l'estime que nous sçavons luy estre deuë..

  A009000538 

 Ainsy l'exercice de Marthe a quantité d'actes, mais celuy de Marie, qui est l'amour, n'en a qu' un seul, qui est, comme nous avons dit, de conjonction et d'union..

  A009000539 

 C'est pourquoy les trouppes angeliques s'escrioyent comme tout estonnées: Qui est celle cy qui monte du desert appuyée sur son Bien-Aymé? Par où nous pouvons entendre que si bien Nostre Dame montoit au Ciel comme estant toute pure, nonobstant sa pureté, elle estoit neanmoins appuyée sur les merites de son Fils, en vertu desquels merites elle entra en la gloire.

  A009000557 

 Il faut considerer toutes ces paroles l'une apres l'autre parce qu'elles meritent d'estre pesées au poids du sanctuaire, pour la grande jalousie que Nostre Seigneur tesmoigne avoir que nous l'aymions uniquement et parfaitement, autant que nous le pouvons faire en cette vie, ainsy que je diray tantost.

  A009000557 

 Il ne se contente pas, certes, d'estre aymé d'un amour commun, ainsy que nous faisons nos semblables, mais d'un amour d'election, choisi et esleu entre tous les autres, en sorte que tous les amours que nous avons pour les creatures ne soyent que des images en comparaison de celuy qu'il veut que nous luy portions.

  A009000558 

 Mais dites-moy, de grace, se peut-il rencontrer un objet plus excellent que la Divinité mesme? Laissant à pari son incomparable beauté, considerons son indicible bonté qui nous a par tant et tant de façons tesmoigné [193] qu'elle nous ayme et desire infiniment que nous l'aymions.

  A009000558 

 Or, quand ce vient à nostre choix d'eslire un objet pour le principal but de nostre amour, certes nous aurions grand tort de ne le pas chercher entre tous les sujets qui sont aymables, à fin de choisir le plus excellent.

  A009000559 

 Il y a certains fols et insensés qui ont voulu soustenir qu'il estoit impossible de l'observer tant que nous serons en cette vie, en quoy ils ont grandement erré, d'autant que Nostre Seigneur n'eust jamais donné le commandement à l'homme s'il ne luy eust donné quant et quant le pouvoir de l'accomplir.

  A009000559 

 Mais quant à nous, combien de fois nous trouvons-nous en des distractions qui nous sont inevitables! Nous pouvons voirement aymer Dieu d'un amour ferme et [194] invariable, mais non pas estre en l'exercice continuel de nostre amour..

  A009000559 

 Mais, disent quelques autres, Dieu veut que nous l'aymions de tout nostre cœur, de tout nostre esprit, de toutes nos forces, de toute nostre pensée, et ainsy de tout nostre pouvoir: et comme donques le pourrons nous faire en cette vie, puisqu'il faut que nous aymions nos peres, nos meres, nos femmes et nos enfans? Comment, nostre amour estant partagé, pourrons-nous aymer Dieu de toutes nos forces? Cela ne se peut, dites-vous.

  A009000559 

 Si Nostre Seigneur nous eust commandé de l'aymer comme font les Bienheureux là haut au Ciel, vous auriez quelque rayson de dire que nous ne le pouvons pas, d'autant qu'ils l'ayment d'un amour ferme, stable et constant, sans interruption quelconque; ils le benissent perpetuellement, et par ainsy ils sont en un continuel exercice de leur amour; ce que nous ne pouvons pas faire nous autres, car il faut que nous dormions, et pendant ce temps là nostre amour cesse son exercice.

  A009000561 

 Et comment, me direz-vous, pourrons-nous faire pour satisfaire à ce divin commandement de l'amour de Dieu tandis que nous serons en cette vie, puisque vous asseurez que nous le pouvons accomplir selon le desir de la divine Bonté? Il est vray sans doute, nous le pouvons, mais pour le vous mieux faire entendre je me serviray d'une similitude..

  A009000562 

 L'amour est tout suave quand il s'applique à un objet digne d'estre choisi entre mille, comme nous avons dit; car l'amour bas et caduc qui s'attache à la creature au prejudice de l'honneur que nous devons à l'amour du Createur, au contraire qu'il soit [195] doux et suave, il est desaggreable à merveille et remplit le cœur de celuy qui le possede de trouble, d'empressement et d'inquietude..

  A009000563 

 L'amour que le vulgaire des hommes porte à Dieu, s'entend les Catholiques, est semblable à ce premier archer que nous nous sommes representé, car ils sont resolus de mourir plustost que d'offencer mortellement la divine Majesté en prevariquant ses commandemens.

  A009000564 

 Elles sont semblables à ce second archer que nous nous sommes imaginé, qui non seulement tient son carquoy plein de fleches et son arc tout prest pour tirer, mais il tire fort souvent, mettant le moins de distance qu'il peut entre chaque coup; il n'attend pas la necessité, ains il lance ses traits à toutes les apparences de necessité.

  A009000565 

 Cette seconde façon d'aymer Dieu est celle que nous pouvons exercer en cette vie et à laquelle nous devons tous pretendre; car quant à la troisiesme, qui est representée par cet archer qui tire sans cesser, elle appartient aux ames des Bienheureux qui jouissent de la claire veue de la Divinité en Paradis.

  A009000566 

 Il est vray, me direz-vous, mais est-ce assez aymer Dieu que se contenter de l'aymer comme ceux qui observent ses commandemens? O sans doute, qui se contenteroit de cela sans desirer de l'aymer davantage, je veux dire sans avoir la pretention d'accroistre son amour envers la divine Bonté, il ne l'aymeroit pas assez; car n'avons-nous pas veu que la suffisance n'est pas suffisante? En effect, ce n'est pas icy comme aux desirs que l'on a d'acquerir des honneurs et des richesses, parce que, en ces sortes de choses, rien ne sçauroit contenter ni assouvir la soif insatiable de celuy à qui la suffisance ne suffit pas.

  A009000566 

 Nous devons tousjours estre haletans et souspirans apres cet amour sacré, à fin qu'il plaise à Nostre Seigneur nous donner un amour correspondant à celuy qu'il nous porte..

  A009000567 

 En paroles, cela est tres clair, car jamais il ne s'estendit tant à parler sur aucun sujet comme sur celuy de son amour envers nous et du desir qu'il a que nous l'aymions.

  A009000567 

 Et en cent et cent autres façons il nous exprima l'ardeur de son amour durant tout le cours de sa vie, et principalement en sa Mort et Passion..

  A009000567 

 Mais, o Dieu, considerons un peu quel est cet amour que le Seigneur nous porte et duquel nous sommes si cherement aymés.

  A009000567 

 Remarquez, je vous supplie, combien le Sauveur a de grace à nous exprimer l'ardeur de sa passion amoureuse, tant en paroles et en affections qu'en œuvres.

  A009000568 

 L'aymer de tout ce que nous sommes, c'est luy abandonner tout nostre estre pour demeurer totalement sousmis à l'obeissance de son amour..

  A009000568 

 L'aymer de toute nostre pensée, c'est penser en luy le plus souvent que nous pouvons.

  A009000568 

 Ne vous semble-t-il pas, mes cheres ames, que nous ayons une tres grande obligation à contreschanger autant que nous le pouvons cet amour sacré et incomparable duquel nous avons esté et sommes aymés de Nostre Seigneur? C'est sans doute que nous le devons; au moins [198] devons-nous avoir affection de le faire.

  A009000569 

 L'amour, comme dit le grand Apostre de la France, tend à l'union; si que l'amour unit d'une union presque inseparable les cœurs de ceux qui s'ayment, quand l'amour est pur, car autrement nous n'en voulons pas parler.

  A009000569 

 Mais vous seriez bien ayses de sçavoir comment vous pourrez connoistre si vous aymez Dieu ainsy que nous venons de dire.

  A009000570 

 Nostre capacité d'aymer est petite tandis que nous sommes en cette vallée de miseres, et partant nous ne devons pas laisser dissiper nostre amour, ains le tenir ramassé tant qu'il nous sera possible pour l'employer à aymer un sujet tant aymable comme est celuy dont nous parlons.

  A009000571 

 Ainsy faisant, nous nous resjouirons davantage des dons que Dieu fera à leurs ames, de sa grace, des vertus et benedictions celestes, que non pas des honneurs, richesses et biens caducs et perissables qui leur pourroyent arriver.

  A009000571 

 Mais Dieu nous ayme pour le Ciel, partant il ayme plus l'ame que le corps; de mesme devons-nous faire nous autres.

  A009000571 

 Mais comme aymerez vous le prochain, de quel amour? Oh! de quel? de l'amour dont Dieu mesme nous ayme, car il faut aller puiser cet amour dans le sein du Pere eternel, à fin qu'il soit tel qu'il doit estre.

  A009000571 

 Mais encor, quel pensez vous qu'il soit? C'est un amour ferme, constant, invariable, qui, ne s'attachant point aux niaiseries, ni aux qualités ou conditions des personnes, n'est pas sujet au changement ni aux aversions comme celuy que nous nous portons les uns les autres, qui pour l'ordinaire se dissipe et s'alangourit sur une mine froide ou qui n'est pas si correspondante à nostre humeur comme nous desirerions.

  A009000571 

 Nostre Seigneur nous ayme sans discontinuation (je ne parle pas de ceux qui sont en estat de peché mortel, car le lieu où je suis ne le requiert pas); il nous supporte en nos defauts et en nos imperfections, sans neanmoins les aymer ni les favoriser: il faut donques que nous en [200] fassions de mesme à l'endroit de nos freres, ne nous lassant jamais de les supporter, prenant bien garde toutefois de ne favoriser ni aymer leurs imperfections, ains d'en rechercher l'extermination tant qu'il nous sera possible, ainsy que fait la divine Bonté.

  A009000578 

 C'est le souhait que l'Eglise fait aux benedictions, en mettant le voile aux vierges, comme nous vous dirons tantost en vous le donnant, ma tres chere fille: «Le Seigneur vous veuille despouiller du viel homme pour vous revestir du nouveau.» Et cecy est comme un avant propos de ce que je veux traitter..

  A009000578 

 Pensant à ce que je devois prendre pour la ceremonie que nous allons celebrer, qui est de recevoir nostre Sœur la Pretendante au Noviciat, j'ay trouvé que ces paroles des Epistres de saint Paul, escrivant aux Ephesiens et Colossiens, viennent fort à mon propos: Soyez renouvellés en justice et verité; despouillez-vous du viel homme pour vous revestir du nouveau en Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A009000580 

 Il n'y faut point venir pour avoir du bon temps, d'autant qu'il se faut mortifier en tout ce à quoy la nature pouvoit prendre du playsir au monde, renoncer à sa propre volonté pour suivre en tout celle des autres, renoncer à son propre jugement, surmonter ses inclinations, ses passions, pour se sousmettre parfaittement aux Superieurs, en somme se despouiller du viel homme, de nous mesme, de nostre chair, de nos habitudes que nous avons tant suivies au monde..

  A009000581 

 Les mauvaises habitudes nous sont demeurées apres le peché de nos premiers parens Adam et Eve, qui perdirent la grace originelle par la desobeissance.

  A009000582 

 Nous avons receu d'eux le peché et toutes les passions que nous avons: la colere, la convoitise qui nous fait desirer des biens, des honneurs; l'amour à la propre estime, la tendreté sur soy rnesme qui fait que l'on ayme tant la liberté et que l'on n'ayme pas la sujetion.

  A009000583 

 O ma chere fille, si vous voulez demeurer en Religion il n'y faut point apporter les moeurs du monde, mais vous despouiller du viel homme: de ces petites esmotions de colere que l'on ressent quand on nous reprend, car personne n'ayme la correction; de ces tendretés sur nous mesme quand on nous contrarie, de ces larmes de compassion et ces petits ressentimens d'impatience aux contradictions qu'on nous fait sur nos humeurs et inclinations, de la propre estime de nous mesme, du desir d'estre estimé de bonne mayson et quelque chose de plus que les autres.

  A009000583 

 Oh nous sommes tous esgaux, car nous sommes tous enfans de mesme pere et de mesme mere, d'Adam et d'Eve; c'est donc une grande folie de se glorifier de sa race..

  A009000584 

 Ce n'est rien de quitter ces habits exterieurs que nous voyons pour prendre ceux de la Religion, si nous ne prenons les habitudes et les mœurs d'icelle.

  A009000584 

 L'Eglise fait encores cette priere: Dieu «vous veuille despouiller du viel homme et vous reveste du nouveau,» pour nous monstrer que toute nostre force vient de [205] Dieu.

  A009000584 

 Oh! il nous faut bien humilier, car par cette vertu nous nous rendrons aggreables à la divine Majesté et nous transformerons en Nostre Seigneur..

  A009000584 

 Qu'est ce à dire cela: ma vertu se perfectionne en ton infirmité? C'est à dire en nostre foiblesse, lors que nous croyans plus infirmes pour entreprendre le bien, nous nous appuyons totalement en Dieu, reconnoissans nostre petitesse et que nous ne pouvons rien de nous mesmes sans la grace divine.

  A009000587 

 O que bienheureuses sont les ames qui entrent en Religion à cette supreme fin, pour cueillir les fleurs des graces de Dieu et jouir apres de leurs fruits au Ciel! Mais ceux qui sont venus pour d'autres motifs il ne faut pas qu'ils perdent courage, car on peut tousjours redresser son intention, la bonifier et la rendre meilleure, pourveu qu'on se despouille bien du viel homme, comme nous avons dit, et qu'on prenne les habitudes de la Religion..

  A009000588 

 Or sus, ma tres chere fille, demeurez en paix, et vous revestez de l'homme nouveau, ainsy que nous vous dirons en vous mettant le voile, et vous recevrez la benediction que l'Eglise donne à cette intention.

  A009000595 

 L'histoire que la sainte Eglise nous presente pour nous servir de consideration le long de cette semaine est une parabole que Nostre Seigneur proposa aux Juifs pour leur faire reproche de leur infidelité et de leur malice.

  A009000598 

 Et premierement, je considere que ce festin auquel nous sommes invités par le souverain Roy de gloire, c'est le festin de la Croix, qui est dressé sur la montagne de Calvaire où se celebre la solemnité des fiançailles de Jesus Christ avec nos ames.

  A009000598 

 Je dis des fiançailles, parce que la consommation de nostre mariage eternel ne se fera qu'en l'eternité et en la possession de la beatitude, où nous serons tellement unis avec la divine Bonté que jamais nous n'en pourrons estre separés.

  A009000598 

 Mais tandis que nous demeurons en cette vie miserable, nous ne sommes que fiancés, et pouvons tousjours estre rejettés si nous manquons de fidelité à nostre Espoux, ce que nous faisons toutes fois et quantes que nous venons à pecher mortellement.

  A009000598 

 Neanmoins, rien n'est si capable de nous rendre dignes de rejet que les defauts qui se commettent contre la charité..

  A009000600 

 De mesme, la tres sainte humanité estoit beaucoup moindre que la divinité du Sauveur, mais neanmoins sa divine Majesté s'est voulu servir de cette humanité sacrée pour nous faire connoistre la grandeur de sa sagesse, bonté et misericorde; et par ainsy elle a esté comme une couronne royale qui nous a fait comprendre en quelque façon, selon nostre capacité, la dignité du chef qu'elle a environné et orné..

  A009000603 

 Et comment celuy du Pere eternel, puisqu'il voyoit mourir son Fils de la mort naturelle? Ne vous semble-t-il pas que ce fut plustost le jour de sa douleur que non pas celuy de son allegresse? Hé, non certes, mes cheres ames, il ne nous doit pas sembler ainsy.

  A009000603 

 La rayson nous le monstre, puisque ce fut alors que Dieu rendit le fruit de sa justice, de sa charité et de sa misericorde envers les hommes.

  A009000604 

 Cela estant ainsy, qui peut douter que le jour de la Passion de Nostre Seigneur et Maistre ne soit un jour de joye et de delices pour les Anges et pour les hommes, puisque c'est en iceluy qu'il a fait paroistre le grand amour qu'il nous portait, comme il l'asseure luy mesme: Nul n'a plus grand amour que celuy qui met son ame, c'est à dire sa vie, pour celuy qu'il ayme..

  A009000604 

 Je sçay bien que quelques docteurs tiennent que c'est la veue de la Divinité qui fera cette felicite; mais pourtant l'un ne contrarie pas beaucoup à l'autre, d'autant que cette veue sacrée est ce qui nous excitera à des ardeurs incomparables pour l'aymer.

  A009000604 

 Partant, et la connoissance que nous aurons des grandeurs de Dieu, et l'amour que nous luy porterons et qu'il nous portera seront le sujet de nostre bonheur eternel.

  A009000605 

 Mais, me demanderez vous, pourquoy dites vous que la Croix est un festin auquel nous sommes tous invités, sans en excepter pas un? Hé, ne voyez-vous pas les mets delicieux qui nous y sont preparés? Voyez et considerez de grace la souveraine misericorde que Dieu y presente aux hommes; remarquez, je vous supplie, que c'est là où nous sont preparés et offerts tous les secours necessaires pour parvenir à la gloire..

  A009000606 

 Nous venons tous au festin de la Croix, car par la grace de Dieu nous esperons d'estre sauvés par [213] les merites de Nostre Seigneur crucifié; mais le malheur est que nous n'y venons pas tous avec la robe nuptiale, de sorte que plusieurs en sont bannis et jettés dans les flammes eternelles..

  A009000612 

 Que pensez-vous que je veuille [215] signifier par cela? Puisque cette robe represente la robe nuptiale que nous devons apporter au banquet et festin de la Croix, il faut que nostre charité soit longue et traisnante, qu'elle soit perseverante jusqu'à la fin de nos jours.

  A009000613 

 Or cet Espoux divin requiert de nous que nous connoissions et reconnoissions que tout ce que nous pourrions faire ou souffrir en cette vie mortelle ne sçauroit estre capable de nous meriter les delices eternelles qu'il a preparées pour ceux qui l'ayment, si ces mesmes œuvres ou souffrances ne sont unies et conjointes avec les siennes, lesquelles seules peuvent sanctifier les nostres et nous obtenir la jouissance de sa divine presence, jouissance qui fera nostre felicité en la gloire de la bienheureuse eternité.

  A009000618 

 Mes tres cheres Sœurs, ayant un mot à vous dire de la part de Nostre Seigneur, je ne puis vous entretenir plus utilement que de vous parler des medecins et des malades, puisqu'il est à mon propos à cause de la feste que nous celebrons aujourd'huy de deux grans Martyrs et medecins tant du corps que de l'esprit.

  A009000618 

 Nous sommes tous malades; la sainte Eglise est un hospital dans lequel il y a quantité de malades de diverses maladies, et le Sauveur est nostre souverain Medecin.

  A009000620 

 C'est la verité que plus nous croirons et confesserons que nous sommes infirmes, d'autant plus tost nous serons gueris et rendus sains.

  A009000620 

 Certes, il le faut confesser, et nous reconnoistre pour infirmes et malades à fin d'avoir recours aux medecins et aux remedes.

  A009000620 

 Comme au contraire, si nous croyons que nous sommes sains, robustes et gaillars, c'est alors que nous sommes plus mal et en plus grand danger; car ceux qui sont malades et ne croyent pas l'estre, ne veulent point suivre les ordonnances du medecin ni prendre aucun medicament, pensans qu'ils n'en ont pas besoin, et partant ils ne guerissent point, ains viennent à mourir.

  A009000620 

 Mais dès lors qu'Eve fut seduite, transgressant le commandement et mangeant du fruit defendu, et qu'elle en eut fait manger à son mari, toute leur posterité a esté entachée du peché; car en fin nous avons tous esté piqués et mordus du serpent.

  A009000622 

 La sainte Eglise est une boutique d'apothicaire, toute pleine de medicamens pretieux et salutaires, qui sont les saints Sacremens que nostre Sauveur et Maistre luy a laissés pour nous guerir de nos infirmités.

  A009000622 

 Par le Sacrement de Penitence nous recevons l'absolution de tous nos pechés tant mortels que veniels; car encor que la confession regarde seulement les pechés mortels, si est-ce que les veniels sont suffisante matiere d'absolution, et il est tres bon de s'en confesser.

  A009000622 

 Par le Sacrement de l'Eucharistie nous sommes unis et conjoins à la divine Bonté et recevons la vraye vie de nos ames; car ne sçavez-vous pas que le divin Sauveur a dit: Celuy qui me mange vivra eternellement? En fin il en est de mesme des autres Sacremens qui en une certaine façon nous lavent tous de nos iniquités..

  A009000622 

 Par le Sacrement du Baptesme nous sommes lavés et nettoyés du peché originel, nous rentrons en grace avec sa divine Majesté et sommes rendus ses enfans bien aymés.

  A009000623 

 Ce cher Sauveur et Amant de nos ames voyant le danger où nous estions reduits à cause du peché de nostre premier pere Adam, vint par son amour ineffable ça bas en terre pour s'unir à nostre nature, et souffrir la mort à fin de nous donner la vie, nous laissant ses divins Sacremens comme des medicamens efficaces et pleins d'energie pour nous guerir de toutes nos maladies et souilleures, si nous nous en approchons avec l'humilité, la reverence et l'amour requis.

  A009000624 

 Nous devrions avoir honte d'estre si lasches à ce qui est de nostre devoir.

  A009000624 

 Que veut dire, je vous prie, ce mot de Chrestien, sinon oint et embaumé, c'est à sçavoir que l'on se tient pour malade et infirme? de sorte qu'il faut advouer que veritablement nous le sommes.

  A009000624 

 Si ces anciens Peres, qui, à ce que rapporte Philon le Juif, estoyent si fervens et zelés au service de leur Createur et à travailler pour l'aggrandissement de sa gloire, s'ils venoyent maintenant parmi nous, ils seroyent honteux de voir que nous appellans Chrestiens nous le sommes si peu.

  A009000625 

 De mesme, encores qu'il semble que ce soit marque de bonne santé d'avoir quantité de sang, neanmoins s'il y en a trop grande abondance, cela nous pourrait causer quelque maladie.

  A009000625 

 La maladie corporelle arrive quelquefois lors qu'il y a quelque desordre en nous, que les humeurs s'espanchent par tout le corps et que quelque humeur froide tombe sur le foie; cela donne des douleurs d'estomach.

  A009000626 

 Nous voyons par ces paroles que ce grand Saint appelle toutes les ames des Chrestiens generalement, espouses de ce grand Dieu.

  A009000627 

 Vous sçavez que deux roys ne peuvent subsister ensemble en un mesme royaume; de sorte que nous devons renoncer et aneantir l'amour propre qui nous cause tant de mal, de troubles, d'inquietudes et chagrins, pour laisser posseder nostre cœur au saint amour qui nous comblera de contentement, d'une paix et tranquillité nompareille..

  A009000628 

 Lors qu'ils furent arrivés au sommet de la montagne il commença à les instruire, nous donnant à entendre qu'il faut que ceux qui veulent enseigner les autres montent premierement à la montagne de la perfection à fin que leurs enseignemens ayent plus d'efficace.

  A009000629 

 Les mondains se font gloire de ne point pardonner et faire misericorde; et Jesus Christ enseigne: Bienheureux les misericordieux, car ils obtiendront misericorde, nous monstrant par là que si nous ne faisons misericorde elle ne nous sera pas faite.

  A009000631 

 Certes, nous ne serons jamais parfaittement gueris que nous ne soyons en Paradis; car si nous corrigeons maintenant un defaut, tantost il en faudra corriger un second, et puis il en viendra d'autres.

  A009000631 

 Il nous faut donques avoir un grand courage pour ne nous point lasser en ce travail, et une grande patience avec nous mesme, parce que nous aurons tousjours quelque chose à faire et à retrancher en nous.

  A009000631 

 Ils disent qu'il y a la voye purgative, illuminative et unitive; mais moy, pour abreger, j'ay tousjours accoustumé de dire qu'il ne faut que nous purger de nos imperfections, d'autant que c'est une chose infaillible qu'en desracinant de nous le vice, [223] la vertu y entrera.

  A009000631 

 Nous devons donques reprendre nostre cœur tout doucement et luy faire embrasser amoureusement tous les moyens propres à nostre avancement, taschant de nous orner de belles habitudes pour paroistre devant nostre celeste Espoux et luy estre aggreables.

  A009000632 

 Helas! je considere la fidelité que nous avons tous jurée à la divine Majesté aux saints fonts du Baptesme et comme il s'en trouve peu qui la gardent! Voyez, je vous prie, ces deux Saints dont nous celebrons aujourd'huy la feste, saint Cosme et saint Damien, lesquels subirent tant de tourmens et aymerent mieux mourir que de fausser la foy et loyauté deuë à leur Createur, disant un petit ouy.

  A009000632 

 Nous en devrions tous faire de mesme si nous estions tels que nous devons estre..

  A009000633 

 L'humilité nous est tellement necessaire, que sans icelle nous ne pouvons estre aggreables à Dieu ni avoir aucune autre vertu, pas mesme la charité qui perfectionne tout, car elle est si conjointe à l'humilité que ces deux vertus ne peuvent estre separées; elles ont une si grande sympathie ensemble que l'une ne va point sans l'autre.

  A009000633 

 Que pensez-vous que ce soit, la pauvreté d'esprit? Ce n'est autre chose que la tres sainte humilité, parce que la richesse d'esprit c'est la vanité, l'orgueil et presomption qui font que nous nous enflons et estimons estre riches, quoy qu'à la verité nous soyons tres pauvres.

  A009000635 

 En fin, mes cheres Soeurs, vous voyez que sans l'humilité et la charité nous ne sommes rien.

  A009000635 

 Plusieurs diront à Nostre Seigneur au jour du jugement: S eigneur, nous avons fait des miracles en ton nom, nous avons gueri les malades en ton nom, nous avons ressuscité des morts en ton nom.

  A009000640 

 Et pourquoy pensez-vous que l'humilité n'y est pas? C'est parce que cette infortunée parolle tien et mien n'en est pas bannie; car dès que la communauté et pauvreté n'est pas observée, la presomption et superbe y entre aussi tost, d'autant qu'il n'y a rien qui nous enfle tant que les richesses, par lesquelles nous avons dequoy dire tien et mien.

  A009000640 

 La sainte pauvreté sert grandement pour nourrir et conserver l'humilité, parce qu'il n'y a rien qui nous humilie et abaisse tant que d'estre pauvre, de sorte que l'humilité est tenue fort à couvert par le moyen de la pauvreté et communauté..

  A009000644 

 En fin, si nous touchons Nostre Seigneur crucifié ça bas en terre, nous toucherons eternellement ce grand Dieu glorifié là haut au Ciel, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000644 

 En fin, touchant cet amour infini, comme se pourroit-il faire que nous ne l'aymassions reciproquement? Comment pourrions-nous toucher et voir son humilité extreme, sans nous humilier et nous aneantir nous mesme? Touchant sa patience, douceur et benignité, nous deviendrons patiens, doux et benins.

  A009000644 

 Or, pour abreger et reduire tout en un seul point, je desire de vous donner une methode par laquelle vous pourrez facilement mettre en prattique tout ce que nous avons dit cy dessus.

  A009000644 

 Si nous touchons ses mains sacrées, nous les trouverons percées de gros clous.

  A009000644 

 Si nous touchons son chef, nous trouverons sa teste couronnée d'espines poignantes, qui sont entrées dans icelle et en font sortir et ruisseler abondance de sang qui descoule au long de son divin visage.

  A009000644 

 Si nous touchons son cœur, nous le trouverons tout enflammé et embrasé d'un amour incomparable envers nous, sa divine poitrine toute consumée de l'ardeur de ce feu de nostre Sauveur et Maistre.

  A009000644 

 Si nous touchons son pretieux corps, nous le trouverons tout meurtri, noir et couvert de playes, par lesquelles de tous costés il verse son sang pour nous laver de nos iniquités.

  A009000644 

 Toucher une chose avec la main, qu'est-ce sinon appliquer la main à cette chose? De mesme, toucher une chose avec l'esprit [229] c'est y appliquer son esprit: je veux donques dire qu'il nous faut appliquer nostre esprit à voir et considerer Nostre Seigneur crucifié.

  A009000649 

 L'Evangile que la sainte Eglise nous propose en la feste d'aujourd'huy est composé de deux parties qui tendent toutes deux à la louange de la tres sainte Vierge, de laquelle nous celebrons la Presentation au Temple.

  A009000650 

 La felicité n'est pas attachée à la dignité ni donnée selon icelle, ains selon la mesure de l'union que nous avons avec la divine volonté; de façon que si l'on pouvoit separer la dignité de Mere de Dieu d'avec la parfaite sousmission qu'avoit la tres sacrée Vierge à sa sainte volonté, elle auroit eu le mesme degré de gloire et la mesme felicité qu'elle a maintenant au Ciel.

  A009000650 

 Nostre divin Maistre nous le donne à entendre par la replique qu'il fit à cette femme, car si bien la premiere louange estoit inspirée par le Saint Esprit mesme, elle estoit neanmoins prononcée par une creature.

  A009000651 

 Et quant aux hommes, qui peut estre homme et ignorer qu'il ne soit changeant et variable? L'experience s'en fait tous les jours en nous mesme.

  A009000651 

 Quel est celuy qui soit tousjours d'une mesme humeur? A cette heure nous voulons une chose, tantost nous ne la voudrons plus, mais nous en desirerons une autre; dans peu de temps nous sommes joyeux et puis tristes, en somme ce n'est qu'un perpetuel changement.

  A009000652 

 Pour cela elle voulut se retirer au Temple, non qu'elle en eust besoin pour elle mesme, ains pour nous enseigner que nous autres estans sujets au changement, nous nous devons servir de tous les moyens possibles pour bien affermir et conserver nos bonnes resolutions tant interieures qu'exterieures.

  A009000652 

 Quant à elle, il suffisoit, pour perseverer en son bon propos, qu'elle se fust donnée à Dieu dès le premier moment de sa vie, sans qu'elle eust besoin pour cela de sortir de la mayson de son pere; elle n'avoit rien à craindre que les objets exterieurs la peussent jamais divertir; mais, comme une bonne Mere, elle nous vouloit enseigner que nous ne devions rien negliger pour bien asseurer nostre vocation, ainsy que saint Pierre nous exhorte..

  A009000654 

 Nous voicy en la seconde partie de nostre discours.

  A009000656 

 Et qu'est-ce que Dieu demande de nous? Escoutez-le, de grace, ce sacré Sauveur de nos ames: Mon enfant, donne-moy ton cœur, va-t-il repetant à un chacun de nous..

  A009000656 

 Mais qu'est-ce, je vous prie, que nous donner tout à Dieu? C'est ne se reserver aucune chose qui ne soit pour Dieu, non pas mesme une seule de nos affections ou de nos desirs.

  A009000657 

 Car, helas! ne sçavons-nous pas que tout ce qui est remis entre ses mains divines est converti en bien? Ton cœur est-il de terre, de boue ou de fange, ne crains point de le remettre entre les mains de Dieu; quand il crea Adam il prit bien un peu de terre et puis il en fit une ame vivante.

  A009000657 

 Il ne veut sinon ce que nous sommes et ce que nous avons..

  A009000659 

 Mais nous autres, gardons bien de rien reserver, car Dieu ne veut point de reserve, il veut tout; et comme il se donne tout à nous en son divin Sacrement, de mesme il nous veut tout entiers.

  A009000659 

 Oh que bien heureux sommes-nous donques nous autres, qui, par le moyen des vœux que nous avons faits, luy avons tout dedié, et nos corps et nos cœurs et nos moyens, renonçant aux richesses par le vœu de pauvreté, aux playsirs de la chair par celuy de chasteté, et à nostre propre volonté par celuy d'obeissance.

  A009000659 

 Prenons garde qu'il ne peut pas estre trompé; si nous disons que nous voulons tout donner, faisons-le absolument, sous peine d'estre chastiés comme Ananie et sa femme Saphire qui mentirent au Saint Esprit..

  A009000660 

 Mais il n'est pas de nous comme de Nostre Dame, laquelle s'estant une fois donnée, n'avoit nul besoin de [236] reconfirmer son offrande; car jamais elle ne discontinua, non pas mesme un seul moment, d'estre toute à Dieu et d'estre appliquée, collée et conjointe avec la divine volonté.

  A009000660 

 Pour nous, au contraire, à cause de la continuelle vicissitude et varieté de nos affections et humeurs, il est necessaire qu'à toute heure, tous les jours, tous les moys et toutes les années nous reconfirmions et renouvellions les vœux et les paroles que nous avons prononcées d'estre tout à Dieu.

  A009000661 

 Car, je vous prie, qui est celuy qui au jour solemnel de Pasques ne se renouvelle tout entier par des saintes affections et resolutions de mieux faire, voyant Nostre Seigneur tout renouvellé en sa Resurrection? Qui est le Chrestien qui ne renouvelle point son cœur au jour de la Pentecoste, où il considere que Dieu envoye du Ciel un nouvel esprit sur ceux qui l'ayment, et au jour de la Toussaint où la sainte Eglise nous represente la gloire et felicité des Esprits bienheureux, apres laquelle nous souspirons et pour laquelle nous esperons? En fin, qui peut estre de si petit courage qu'il ne s'efforce de se renouveller au jour de Noël, où l'on voit le Sauveur de nos ames fait petit enfant tant aymable qui vient pour nous racheter?.

  A009000661 

 Et la sainte Eglise, comme une sage mere, nous va presentant de temps en temps, tout le long de l'année, des festes signalées, pour nous encourager à renouveller nos bons propos.

  A009000662 

 Et comme le pourrions-nous mieux faire que par des reconfirmations du dessein que nous avons et du choix que nous en avons fait? Vous avez donques, mes cheres ames, mis aujourd'huy un clou à vostre vocation par le renouvellement de vos vœux en presence de la divine Majesté, qui demande cela de vous en reconnoissance du don sacré qu'elle vous a fait à mesme temps d'elle mesme..

  A009000662 

 Mais outre toutes ces festes, ç'a esté la coustume de tous ceux qui se sont plus specialement dediés à Dieu, comme les Religieux et Religieuses, de prendre un jour particulier pour reconfirmer leurs vœux à fin de mieux [237] obeir au grand Apostre qui nous conseille de bien affermir nostre vocation.

  A009000663 

 Adjoustons neanmoins encores ce mot, qui est qu'elle fut obeissante à la divine Majesté, non seulement à ses commandemens, ains à ses volontés et à ses inspirations; et c'est en quoy il faut que nous prenions garde, mes cheres ames, de l'imiter au plus pres qu'il nous sera possible.

  A009000664 

 Il ne faut non plus d'exemption en cette obeissance qu'en l'offrande que Dieu veut que nous luy fassions de nous mesme, car si Nostre Dame n'eust pas esté aggreable à la divine Majesté sans cette absolue obeissance, comme Nostre Seigneur le monstre par la louange qu'il luy donna apres celle de cette benite femme mentionnée en nostre Evangile, beaucoup moins le serons-nous, nous autres.

  A009000664 

 Pourtant, mes cheres Soeurs, bien que nul autre que la Sainte Vierge puisse avoir cet honneur d'estre Mere de Nostre Seigneur en effect, nous devons neanmoins tascher d'en meriter le nom par l'obeissance à la volonté de Dieu.

  A009000672 

 Cecy ne se doit pas entendre materiellement ains spirituellement; et pour vous le mieux faire comprendre je considere trois qualités du sel, sur lesquelles nous nous arresterons principalement.

  A009000674 

 Or, ce sel qui assaisonne tout ce que nous faisons, c'est la sagesse et discretion.

  A009000675 

 Ces bigearreries, ces propres volontés qui ne se veulent point sousmettre, ces jugemens particuliers, ces intentions impures qui ruinent et gastent toutes nos meilleures actions, ces laschetés et cette negligence d'esprit qui n'a point de cœur pour la pretention de la perfection, [242] qu'est-ce autre chose que des maladies contractées par nostre ame en la communication que nous avons eue avec le peché?.

  A009000676 

 Or, les Religieux et Religieuses recherchent la guerison de ces maladies, car si bien ils ne sont pas tenus d'estre parfaits, ils sont neanmoins obligés de tendre à la perfection, puisque en faisant des vœux, nous autres tant ecclesiastiques que Religieux, nous nous obligeons quant et quant de tascher de tout nostre pouvoir d'acquerir la perfection et de vivre selon icelle.

  A009000680 

 Escoutez le Prophete, lequel introduisant les mondains dit qu'ils ont secoué leur joug, et ayans rompu les liens de charité se sont pris à dire: Qui est nostre maistre? se voulans ainsy gouverner eux mesmes, et protestans: Nous ne servirons pas; c'est à sçavoir, nous ne dependrons de personne sinon de nostre propre volonté, et par ainsy nous jouirons de nostre liberté.

  A009000680 

 Qu'est-ce, je vous prie, qui precipita nostre mere Eve, et apres elle nostre premier pere Adam, dans le gouffre du peché, sinon le desir de faire leur propre volonté et jouir de leur independance? Vous sçavez ce qui leur en arriva, et à nous apres eux.

  A009000683 

 C'est pourquoy il est fort à propos de nous lier et engager à la poursuite des biens eternels par le moyen du vœu que nous faisons de l'obeissance à la volonté de Dieu qui nous est signifiée par ses commandemens, ses conseils, nos Regles et les ordonnances des Superieurs..

  A009000683 

 O que c'est une grande sagesse de ne s'estimer pas assez sage pour se conduire soy mesme! Je sçay bien que si nous nous laissions gouverner par la rayson elle nous meneroit bien avant dans le Ciel; mais le peché a tellement gasté et tracassé nos puissances interieures, que la partie inferieure de nostre ame a pour l'ordinaire plus de pouvoir pour nous tirer au mal que non pas la partie superieure pour nous [246] faire tendre du costé du bien.

  A009000683 

 Pourquoy pensez-vous que le Seigneur en l'ancienne Loy eust commandé aux Israelites qu'ils se gardassent bien de luy offrir aucun sacrifice où ils ne missent du sel? Nostre divin Maistre reconfirma ce mesme commandement par sa sacrée bouche, pour nous monstrer qu'il vouloit que tous nos sacrifices fussent offerts avec une grande sagesse et consideration.

  A009000685 

 La droite intention est ce qui rend nos œuvres meritoires de la vie eternelle, et, comme nous avons desja dit, les œuvres indifferentes, voire mesme [247] les necessaires pour la conservation de nostre vie, sont meritoires et fort aggreables à Nostre Seigneur..

  A009000685 

 O Dieu, si nous autres qui sommes drdiés au service de la divine Bonté faisions la centiesme partie des choses que les courtisans des rois et des princes font pour eux, indubitablement nous serions tous saints.

  A009000686 

 Ces actions sont aussi infiniment aggreables à la divine Majesté et au Sauveur mesme qui s'est voulu rendre nostre Maistre, en nous enseignant cette prattique excellente du delaissement de nous mesmes pour nous sousmettre à autruy, et se rendant obeissant pour nous à son Pere celeste jusques à la mort de la croix.

  A009000686 

 Or, considerez combien le sont davantage les actions penibles et contraires à la nature: la mortification des passions, de la propre volonté, du propre jugement et en fin l'entier renoncement de nous mesmes pour nous laisser conduire et gouverner au gré d'autruy, nous rendre maniables, pliables et entierement sousmis en toutes occasions.

  A009000688 

 Les Religieux sont donques tres justement le sel de la terre, puisqu'ils ont, comme nous venons de le dire, les qualités et conditions du sel.

  A009000688 

 Vous allez devenir esclaves bien aymées de son Fils tres beni Nostre Seigneur, car que voulons-nous signifier quand nous jettons la croix au col de ces filles, ainsy que vous verrez tantost? Que nous les attachons à la Croix de Nostre Seigneur, pour passer le reste de leurs jours sur le mont de Calvaire à fin d'y considerer le renoncement parfait et les travaux qu'il a soufferts pour nous, nous excitant par ce moyen à cette continuelle attention de faire tout pour luy, et preserver ainsy nos actions de la corruption et putrefaction qu'elles contractent en la communication des intentions obliques et impures.

  A009000693 

 Dieu dit comme il fait et fait comme il dit; en quoy il nous monstre qu'il ne nous faut pas contenter de bien dire, mais qu'il faut que nous ajustions les effects à nos propositions et les œuvres à nos parolles si nous luy voulons estre aggreables; et tout ainsy que son dire est faire, il veut de mesme que nostre dire soit incontinent suivi du faire et de l'execution de nostre bon propos.

  A009000693 

 Pour le mesme sujet, les quatre-animaux n'avoyent pas seulement des aisles pour voler, mais aussi des mains au dessous d'icelles, à fin de nous donner à entendre que nous [250] ne nous devons pas contenter d'avoir des aisles pour voler au Ciel par des saints desirs et speculations, si avec cela nous n'avons des mains qui nous portent aux œuvres et à la prattique de nos desirs, estant chose asseurée que les seuls bons propos et saintes resolutions ne nous conduiront point en Paradis, s'ils ne sont accompagnés des effects conformes à iceux..

  A009000694 

 La premiere consideration est sur l'exemple d'une profonde et veritable humilité que nostre divin Sauveur et la glorieuse Vierge nous donnent; la seconde, sur l'obeissance qui est entée sur l'humilité; et en troisiesme lieu, sur la methode excellente qu'ils nous enseignent pour bien faire l'oraison..

  A009000694 

 Neanmoins, parce qu'il devoit estre mis devant nos yeux comme un souverain et incomparable patron auquel nous nous devions conformer en toutes choses, autant que la foiblesse de nostre nature le peut permettre, il voulut observer la Loy et s'y assujettir, et sa tres benite Mere à son exemple, ainsy que nous voyons en l'Evangile d'aujourd'huy, qui nous propose la purification de Nostre Dame et la presentation de Nostre Seigneur au Temple.

  A009000696 

 O Dieu, quelle grandeur de Nostre Seigneur et de Nostre Dame qui est sa Mere! Que c'est une consideration belle, et la plus utile et profitable que nous sceussions faire que celle cy, de l'humilité que le Sauveur a si cherement aymée! Il semble qu'elle ait esté sa bien aymée et qu'il ne soit descendu du Ciel pour venir en terre que pour l'amour d'elle.

  A009000697 

 L'Apostre saint Paul, pour nous faire concevoir en quelque façon l'amour que nostre Sauveur portoit à cette sainte vertu, dit qu' il s'est humilié jusques à la mort et à la mort de la croix, comme voulant dire: Mon Maistre ne s'est pas humilié seulement pour un temps ou pour quelques actions particulieres, ains jusques à la mort, c'est à sçavoir dès l'instant de sa conception et puis tout le temps de sa vie jusques à la mort; et non seulement jusques là, mais il l'a voulu mesme pratiquer en mourant.

  A009000698 

 Il ne se faut pas amuser à la prattique d'une certaine humilité de contenances et parolles, qui consiste à dire que nous ne sommes rien et à faire tant de reverences et d'humiliations exterieures que vous voudrez, et que sçay-je moy, choses semblables qui ne sont rien moins que l'humilité mesme.

  A009000698 

 Or, celle-cy pour estre bonne, doit non seulement nous faire connoistre, mais reconnoistre pour des vrays neants qui ne meritons pas de vivre; elle nous rend souples, maniables et sousmis à un chacun, observant par ce moyen ce precepte du Sauveur qui nous ordonne de renoncer à nous mesmes si nous le voulons suivre..

  A009000698 

 Par ce divin exemple nous sommes enseignés qu'il ne nous faut pas contenter de pratiquer l'humilité en quelques actions particulieres ou pour un temps seulement, ains tousjours et en toutes occasions; non pas seulement jusques à la mort, mais jusques à la mortification de nous mesmes, humiliant ainsy l'amour de nostre propre estime et l'estime de nostre propre amour.

  A009000699 

 Certes, s'estimans desja assez sages, ils se trouvent estre bien sots, car ne voyent-ils pas que Nostre Seigneur s'est humilié jusques à la mort, c'est à dire tout le temps de sa vie? O que ce divin Maistre de nos ames sçavoit bien que son exemple nous estoit necessaire, car il n'avoit nul besoin de s'abaisser, et neanmoins il a voulu perseverer à ce faire parce que la necessité estoit en nous.

  A009000700 

 Ce n'est point mal de se considerer soy mesme pour glorifier Dieu des dons qu'il nous a faits, pourveu que nous ne passions à la vanité et complaisance sur nous mesmes.

  A009000700 

 Cependant il faut tousjours demeurer dans les termes et limites d'une sainte et amoureuse reconnoissance envers Dieu de qui nous dependons et qui nous a faits ce que nous sommes..

  A009000701 

 Nous avons veu comme l'orgueil s'est trouvé entre les Anges et comme le defaut d'humilité les a fait perdre pour jamais; mais voyons comme entre les hommes, plusieurs, ayans bien commencé, se sont perdus miserablement faute de perseverance en cette vertu.

  A009000701 

 Superbe insupportable de ne vouloir s'abaisser devant la divine misericorde, de laquelle nous devons attendre tout nostre bien et tout nostre bonheur..

  A009000702 

 De mesme ce n'est pas grand chose de nous voir [255] abaisser et humilier nous autres qui ne sommes que des neants et qui ne meritons que l'abjection et l'aneantissement; mais nostre cher Sauveur et la sacrée Vierge qui sont comme des geants d'une grandeur et hauteur incomparable, leurs humiliations sont d'un prix inestimable.

  A009000702 

 Mais nous autres miserables qui, comme des rats, des chats et autres tels animaux, ne faisons que ramper et nous traisner sur la terre, dès que nous nous sommes abaissés ou humiliés en quelques legeres occurrences, nous nous relevons tout incontinent, faisons les hautains et recherchons d'estre estimés quelque chose de bon..

  A009000703 

 Aussi est-elle la base et le fondement de tout l'edifice de nostre perfection, lequel ne peut subsister ni s'eslever que par le moyen de la prattique d'une profonde, sincere et veritable reconnoissance de nostre petitesse et imbecillité, qui nous porte à un vray aneantissement et mespris de nous mesmes..

  A009000703 

 Donc, pour conclusion de ce premier point (car il faut estre court, d'autant que le sujet se presente fort souvent), nous sommes enseignés par nostre divin Maistre de l'estime que nous devons faire [256] de la tres sainte humilité qui a tousjours esté sa bien cherie.

  A009000703 

 Je sçay bien qu'elle entendoit ainsy, que Dieu avoit regardé sa petitesse et sa bassesse, mais c'est en cela mesme que nous reconnoissons davantage sa profonde et sincere humilité.

  A009000703 

 Nous sommes l'impureté mesme, et nous voulons qu'on nous croye purs et saints; folie grande à la verité plus qu'il ne se peut dire.

  A009000704 

 Nous pouvons, ainsy que nous l'avons fait pour l'humilité, dire les mesmes paroles de saint Paul: Nostre Seigneur s'est fait obeissant jusques à la mort, et à la mort de la croix; il ne fit jamais rien que par obeissance tout le temps de sa vie, ce qu'il nous manifeste luy mesme quand il dit: Je ne suis point venu pour faire ma volonté, ains celle de Celuy qui m'a envoyé.

  A009000705 

 Apres, elle persevera tousjours en obeissance, ainsy que nous voyons aujourd'huy, puisqu'elle vient au Temple pour obeir à la loy de la purification, bien qu'elle n'eust nulle necessité de l'observer ni son Fils non plus, comme nous l'avons desja touché au premier point; ains c'estoit une [257] obeissance purement volontaire, et pour estre volontaire et non necessaire elle n'en estoit pas moindre.

  A009000705 

 Cette vertu est compagne inseparable de l'humilité; elles ne se trouvent point l'une sans l'autre, car l'humilité fait que nous nous sousmettons à obeir..

  A009000706 

 Elle nous apprend aussi à ne nous pas tenir pour satisfaits du tesmoignage de nostre bonne conscience, mais à prendre soin de lever tout ombrage aux autres de se mal edifier de nous ou de nos deportemens.

  A009000706 

 Elle vient donques aujourd'huy au Temple pour lever tout ombrage aux hommes qui l'auroyent peu considerer, et pour nous monstrer encores que nous ne nous devons pas contenter d'eviter les pechés ains l'ombre des pechés, ne nous arrestans pas non plus à la resolution que nous avons faite de ne point commettre tel ou tel peché, mais fuir mesme les occasions qui nous pourroyent servir de tentation d'y tomber.

  A009000707 

 O combien cet exemple que Nostre Seigneur et Nostre Dame nous donnent de la tres sainte obeissance nous [258] devroit inciter à nous sousmettre absolument et sans aucune reserve à l'observance de tout ce qui nous est commandé, et ne nous pas contenter de cela, mais observer encores les choses qui nous sont conseillées pour nous rendre plus aggreables à la divine Bonté! Mon Dieu, est-ce si grand chose de nous voir obeir, nous autres qui ne sommes nés que pour servir, puisque le Roy supreme à qui toutes choses doivent estre sujettes s'est bien voulu assujettir à l'obeissance? Recueillons donques cet exemple sacré que nous donnent le Sauveur et la glorieuse Vierge, et apprenons à nous sousmettre, à nous rendre souples, maniables et faciles à tourner à toutes mains par la tres sainte obeissance, et non pas pour un temps ni pour certains actes particuliers, ains pour tousjours, tout le temps de nostre vie jusques à la mort..

  A009000708 

 Je ne dis pas qu'il ne faille se servir des methodes qui sont marquées; mais l'on ne s'y doit pas attacher et les affecter tellement que nous mettions toute nostre confiance en icelles, comme ceux qui pensent que pourveu qu'ils fassent tousjours leurs [259] considerations devant les affections, tout va bien.

  A009000708 

 Voyons en troisiesme lieu comme nous pouvons remarquer en l'Evangile d'aujourd'huy une excellente maniere de bien faire l'oraison.

  A009000709 

 Ce seroit une horrible meschanceté de vouloir exclure Nostre Seigneur Jesus Christ de nostre oraison et de la penser bien faire sans son assistance, puisque c'est une chose indubitable que nous ne pouvons estre aggreables au Pere eternel sinon entant qu'il nous regarde à travers son Fils nostre Sauveur; et non seulement les hommes, mais encor les Anges, car si bien il n'en est pas le Redempteur, il est neanmoins leur Sauveur et ils ont esté confirmés en grace par luy.

  A009000709 

 Et tout ainsy comme quand on regarde au travers d'un verre rouge ou violet, tout ce qu'on voit paroist à nos yeux de la mesme couleur, le Pere eternel nous regardant au travers de la beauté et bonté de son Fils tres beni nous trouve beaux et bons selon qu'il nous desire; mais sans cet artifice nous ne sommes que laideur et la difformité mesme..

  A009000709 

 Il n'y a qu'une seule chose necessaire pour bien faire l'oraison, qui est d'avoir Nostre Seigneur entre nos bras; cela estant, elle est tousjours bien faitte de quelle façon que nous nous y prenions.

  A009000709 

 L'oraison n'est autre chose qu'une «eslevation de nostre esprit en Dieu,» que nous ne pouvons nullement faire de nous mesmes.

  A009000709 

 Or, quand nous avons nostre Sauveur entre nos bras, tout nous est rendu facile.

  A009000710 

 J'ay dit que l'oraison est «une eslevation en Dieu.» Il est vray, car si bien en allant à Dieu nous rencontrons les Anges ou les Saints en nostre chemin, nous n'eslevons pas nostre esprit à eux ni ne leur addressons pas nos [260] oraisons, comme l'ont voulu dire meschamment les heretiques; ains seulement nous les prions de joindre leurs oraisons aux nostres et en faire une sainte confusion, à fin que par ce sacré meslange les nostres soyent mieux receues de la divine Bonté, qui les a tousjours aggreables si nous menons quant et nous son cher Benjamin, ainsy que firent les enfans de Jacob quand ils allerent voir leur frere Joseph en Egypte.

  A009000710 

 Si nous ne le conduisons avec nous, nous aurons la mesme punition dont Joseph menaça ses freres, à sçavoir qu'ils ne verroyent plus sa face et n'auroyent rien de luy s'ils ne luy menoyent leur petit frere..

  A009000711 

 O qu'heureux sont ceux qui vont au Temple disposés pour recevoir cette grace, d'obtenir de cette divine Mere ou de son cher Espoux Nostre Seigneur et Maistre, car l'ayant entre nos bras nous n'avons plus rien à desirer, et pouvons bien chanter ce divin cantique: Laissez maintenant aller vostre serviteur en paix, o mon Dieu, puisque mon ame est pleinement satisfaite, possedant tout ce qui est de plus desirable soit au Ciel soit en la terre..

  A009000712 

 Ces quatre conditions sont necessaires pour bien faire l'oraison, puisqu'il les faut avoir premier que nous puissions tenir Nostre Seigneur entre nos bras, en quoy consiste la vraye oraison..

  A009000712 

 En plusieurs endroits de l'Escriture Sainte ce mot de timoré nous fait entendre la reverence envers Dieu et les choses de son service.

  A009000712 

 L'Eglise nous fait chanter que saint Simeon estoit juste, qu'il estoit timoré.

  A009000713 

 Pourveu que nous ajustions nostre volonté avec celle de la divine Majesté [262] en toutes sortes d'evenemens, soit en l'oraison ou ès autres occurrences, nous ferons tousjours nos oraisons et toutes autres choses utilement et aggreablement aux yeux de sa Bonté..

  A009000713 

 Quant à nous autres, nous sommes d'autant moins capables de faire la tres sainte oraison, que nous avons nostre volonté moins unie et ajustée avec celle de Nostre Seigneur.

  A009000714 

 Ce seroit certes un grand bien si nous pouvions estre humbles tout aussi tost que nous avons desiré de l'estre, sans autre peine; ou bien si un Ange pouvoit un jour remplir une sacristie de vertus et de la perfection mesme, et que nous n'eussions à faire que d'entrer là dedans et nous revestir d'icelle comme nous ferions d'une robe; certes, ce seroit bien aggreable.

  A009000714 

 Et quand mesme ce ne seroit qu'à l'heure de nostre mort, cela nous doit suffire, pourveu que nous rendions nostre devoir en faisant tousjours ce qui est en nous et en nostre pouvoir.

  A009000714 

 La seconde condition que nous trouvons estre necessaire pour bien faire l'oraison est que nous attendions, comme le bon saint Simeon, la redemption d'Israël, c'est à dire que nous vivions en l'attente de nostre propre perfection.

  A009000714 

 Mais cela ne se pouvant, il faut que nous nous accoustumions à rechercher l'evenement de nostre perfection selon les voyes ordinaires, en tranquillité de cœur, faisant tout ce que nous pouvons pour acquerir les vertus par la fidelité que nous aurons à les pratiquer, un chacun selon nostre condition et vocation; et demeurons en attente pour ce qui regarde de parvenir tost ou tard au but de nostre pretention, laissant cela à la divine Providence, laquelle aura soin de nous consoler, comme saint Simeon, au temps qu'elle a destiné de le faire.

  A009000714 

 Nous aurons tousjours assez tost ce que nous desirons, quand nous l'aurons lors qu'il plaira à Dieu de nous le donner.

  A009000715 

 Car, en quel respect et en quelle reverence ne devons nous pas estre en parlant à la divine Majesté, puisque les Anges qui sont si purs tremblent en sa presence? Mais, mon Dieu, je ne puis point avoir ce sentiment de la presence de Dieu qui cause une si grande humiliation de toute l'ame, c'est à dire de toutes les facultés de nostre ame, en fin cette reverence sensible qui me feroit aneantir si doucement et aggreablement devant Dieu.

  A009000716 

 Grand cas que ce divin Esprit ne fasse nulle reserve pour n'habiter point en nous, que celle de la feintise et artifice! Il faut donc estre simples et naïfs, si nous voulons qu'il vienne en nous, et par apres Nostre Seigneur; car le Saint Esprit semble estre le fourrier de nostre Sauveur Jesus Christ, et comme il procede de luy de toute eternité entant que [264] Dieu, il semble qu'il luy rende son change, Nostre Seigneur procedant de luy entant qu'homme..

  A009000716 

 Il est donques necessaire que nous donnions place en nous au Saint Esprit, si nous voulons que Nostre Dame ou saint Joseph nous donne à tenir et porter entre nos bras ce divin Sauveur de nos ames auquel consiste tout nostre bonheur, puisque nous ne pouvons avoir acces vers son Pere celeste que par son entremise et par sa faveur.

  A009000716 

 Or, que faut-il faire pour donner place en nous au Saint Esprit? L'Esprit du Seigneur a esté respandu sur toute la terre; mais pourtant il est dit en un autre endroit qu'il n'habite point en un cœur feint et dissimulé.

  A009000717 

 Que nous reste-t-il donc plus à dire maintenant, sinon qu'ayant dès cette vie perissable et mortelle le Saint Esprit en nous, nous tenant en grand respect et reverence devant la divine Majesté en attendant avec sous-mission l'evenement de nostre perfection et ajustant, autant qu'il nous sera possible, nostre volonté à celle de Dieu, nous aurons le bonheur de porter le Sauveur entre nos bras, et au moyen de cette grace nous serons bienheureux eternellement.

  A009000722 

 O bien aymés et tres chers Atheniens, leur disoit ce grand predicateur de la Croix, ce Dieu que vous ne connoissez point encores et que tout maintenant je vous veux faire connoistre n'est autre que Dieu le Pere tout puissant, qui a envoyé son Fils ça bas en terre pour prendre nostre nature humaine; en icelle, bien qu'il fust Dieu comme son Pere, de mesme nature et essence que luy, ce divin Fils a neanmoins souffert la mort, et la mort de la croix, pour satisfaire à la justice de Dieu son Pere justement indigné contre les hommes en suite du peché de nos premiers parens, peché qui nous eust sans doute causé à tous la mort eternelle.

  A009000723 

 Et moy, mes tres cheres [266] Sœurs, ayant à vous entretenir icy quelque peu de temps, j'ay jetté les yeux de ma consideration sur le tiltre que j'ay veu non au dessus de l'autel des Atheniens, mais au dessus de cet autel incomparable sur lequel nostre Sauveur et Maistre s'est offert pour nous à Dieu son Pere en sacrifice tres aggreable et d'une suavité nompareille, autel qui n'est autre que la Croix, laquelle despuis a tousjours esté honnorée comme tres pretieuse et adorable.

  A009000723 

 Non pas que je vous veuille parler d'un Dieu inconneu, car grace à sa bonté nous le connoissons; mais certes, je pourrois bien parler d'un Dieu mesconneu.

  A009000723 

 Nous ne vous ferons donc pas connoistre, mais nous vous ferons reconnoistre ce Dieu tant aymable qui est mort pour nous..

  A009000724 

 Oh que c'est une chose utile que cette reconnoissance! Car veritablement, au dire de plusieurs, Abraham, Isaac et Jacob eussent eu quelque excuse s'ils n'eussent pas reconneu la divine Majesté, d'autant qu'ils ne l'avoyent pas conneue si clairement que nous, qui sommes hors d'excuse, ayans appris de Dieu mesme ce qu'il est, par la divine bouche de Nostre Seigneur qui est, comme nous avons dit, un mesme Dieu avec son Pere.

  A009000725 

 Si nous avons des larmes, pleurons tout simplement, car nous ne les sçaurions jetter pour un plus digne sujet; mais ne nous arrestons pas là, passons à des considerations plus utiles selon que le requiert le patir de nostre Sauveur..

  A009000725 

 [267] Luy mesme a semblé nous le vouloir inculquer lors qu'il dit aux femmes qui le suivoyent de ne point pleurer sur luy, ains sur elles mesmes.

  A009000726 

 Et les Juifs: Que son sang soit respandu sur nous et sur nos enfans.

  A009000726 

 Qui eust jamais pensé que des paroles si saintes eussent esté prononcées par la miserable bouche d'un si meschant homme qu'estoit Pilate? Pourtant elles furent tres veritables, et Nostre Seigneur les confirma pour telles en sa Passion, ainsy que nous verrons en la suite de nostre discours.

  A009000729 

 Ce n'est pas de la vie corporelle que nous entendons parler, car nul n'en peut douter, ains de la vie spirituelle.

  A009000729 

 Mais pour nous acquerir cette vie, Nostre [269] Seigneur nous l'a achetée au prix de son sang et a livré la sienne: donques nostre vie n'est pas nostre, ains sienne, nous ne sommes plus à nous, ains à luy.

  A009000729 

 O que cette rayson est puissante pour nous faire dedier totalement au service de cet amour celeste duquel nous avons esté si cherement favorisés, et si je l'ose dire, au dessus des Anges mesmes..

  A009000729 

 Puisqu'il nous a achetés, nous sommes ses esclaves; quel heureux esclavage! Il ne faut donques plus vivre pour nous ains pour luy.

  A009000730 

 Il souffre beaucoup plus qu'il ne se peut jamais imaginer, mais pourtant il ne pense point à luy ni à ce qu'il endure; il fait tout au contraire de nous autres qui ne pouvons penser qu'à nostre douleur quand nous en avons, et oublions presque toutes autres choses; ouy mesme un mal de dents nous oste le souvenir de ce qui est autour de nous, tant nous nous aymons nous mesmes et nous sommes attachés à cette miserable chair..

  A009000734 

 O Dieu, quelle misere est la nostre! A peine pouvons-nous pardonner à nos ennemis, et Nostre Seigneur les aymoit si cherement et prioit ardemment pour eux!.

  A009000734 

 O que nous sommes miserables nous autres, car à peine pouvons-nous oublier une injure dix ans apres qu'elle nous a esté faite; ouy mesme il s'en est trouvé qui à l'heure de la mort ne pouvoyent ouïr parler de ceux dont ils avoyent receu quelque outrage et ne leur vouloyent pardonner.

  A009000736 

 Chose estrange certes, en mesme temps que les hommes pervers et malheureux vomissoyent contre sa divine Majesté et contre celle de son Pere ces blasphemes insupportables: S'il est tout puissant comme il dit, et se confie en son Pere qui l'a envoyé, qu'il l'appelle maintenant et qu'il le sauve; s'il veut que nous croy ions en luy, qu'il se sauve maintenant soy mesme; il dit qu'il restablira le Temple en trois jours, et semblables paroles vrayement diaboliques, Nostre Seigneur, dis-je, à mesme temps eslançoit vers Dieu des souspirs de compassion et des parolles plus douces que le miel et le sucre à fin qu'il leur pardonnast leurs forfaits et leur donnast sa grace.

  A009000737 

 Mais outre la grace qu'il octroye aux pecheurs, il la demande pour eux à son Pere celeste avec une charité si artificieuse qu'il ne l'appelle point son Dieu ni Seigneur, comme nous verrons qu'il fera cy apres en parlant pour soy, ains il l'appelle mon Pere, sçachant bien que ce mot si tendre estant prononcé par l'amour cordial, est plus respectueux que celuy de mon Seigneur, et que partant il seroit plus tost exaucé.

  A009000738 

 Nous autres, dit le bon larron, sommes tres justement punis de nos mesfaits, car nous avons tousjours esté meschans et malheureux, ayans commis des grandes voleries: il confessa ainsy ses pechés.

  A009000738 

 Nous en pourrions bien faire autant toutes fois et quantes que nous recevons quelque affliction.

  A009000738 

 Nous sommes tres justement punis, devrions nous dire, faisant ainsy de necessité vertu, et confessant nos pechés; mais helas, nous nous comportons comme l'autre larron qui demeura en son endurcissement, et blasphemoit encores en mourant..

  A009000740 

 Le Paradis est tout tapissé de penitens, et, comme nous avons dit, l'on n'y voit presque autre chose.

  A009000740 

 Les Vierges ont esté penitentes, les Confesseurs aussi; bref, nul n'est entré au Ciel sans penitence et sans se reconnoistre pour pecheur, excepté ceux dont nous avons parlé.

  A009000743 

 Nostre divin Maistre nous enseignoit par là que si nous voulons avoir part en son testament et aux merites de sa Mort et Passion, il faut que nous nous aymions tous les uns les autres de cet amour tendre et grandement cordial du fils envers la mere et de la mere envers le fils, qui est en quelque façon plus grand que non pas celuy des peres..

  A009000744 

 Il nous faut remarquer que Nostre Dame estoit debout au pied de la croix.

  A009000746 

 Car si bien tout ce qu'il a fait durant le cours de sa vie mortelle a esté pour nous sauver et en intention de satisfaire pour nous vers son Pere celeste, neanmoins ce qu'il opera en sa Mort et Passion est appellé l'œuvre de nostre Redemption par excellence, comme en estant l'abbregé..

  A009000746 

 Il nous faut passer outre, car je n'ay pas le temps de m'arrester beaucoup sur ce sujet, bien que je prendrais playsir de finir sur cette sainte delicatesse spirituelle, c'est à dire cet amour cordial et tendre que nostre cher Maistre desire tant que nous ayons les uns pour les autres.

  A009000746 

 Nostre Seigneur fut donques appellé Sauveur, et à tres juste rayson, puisqu'il l'approuva luy mesme et en fit tout particulierement l'office sur la croix, comme nous avons dit.

  A009000747 

 Or, pour nous monstrer qu'il n'estoit pas seulement une fleur, ains qu'il estoit un bouquet composé de l'assemblage des plus belles et plus odoriferantes fleurs que l'on sceust rencontrer, il a voulu garder le nom de fleurissant sur l'arbre de la croix.

  A009000750 

 Or, les Evangelistes nous disent que soudain que nostre Sauveur eut prononcé les trois premieres paroles que nous avons remarquées, les tenebres se firent sur toute la face de la terre par l'espace de trois heures et le soleil s'ecclipsa, non que cette ecclipse fust naturelle, ains elle arriva extraordinairement.

  A009000751 

 Grande donc fut sa pauvreté interieure, et grand l'acte d'humilité qu'il fit en nous la donnant à connoistre..

  A009000751 

 Mais que pensez-vous qu'il faisoit, ce doux Sauveur de nos ames, durant ce silence? Il rentroit en soy mesme et consideroit le mystere de son abjection; car l'humilité, qu'est-ce autre chose sinon un rentrement en nous mesme pour nous considerer plus meurement? Et que cela ne soit ainsy il nous le fait entendre par ce qu'il dit par apres: Mon Dieu, mon Dieu, pour quoy m'avez vous delaissé? Ayant consideré sa pauvreté, non tant [279] exterieure que beaucoup plus interieure, il eslança cette parole de parfaite humilité, faisant connoistre sa disette, son abjection et son delaissement.

  A009000752 

 Il nous consideroit tous les uns apres les autres, meditant les moyens requis pour nous appliquer le merite de ses souffrances.

  A009000752 

 Mais encores, que pensons-nous que nostre doux Sauveur fist durant ce long silence? Pour moy je crois sans doute qu'il regardoit tous les enfans de la Croix, et tous les hommes voirement bien, mais plus specialement ceux qui tireroyent du fruit de sa Mort et Passion.

  A009000752 

 O Dieu, quelle douceur du cœur de nostre Maistre qui nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire! car il n'y a point de plus grand peché que de haïr Dieu qui n'est en façon quelconque capable d'estre haï en soy mesme.

  A009000753 

 Cecy appartient desja à la seconde fleur que nous avons pris à considerer, qui est la patience.

  A009000753 

 Cette patience fut grande plus qu'il ne se peut dire; car jamais l'on n'entendit nulle plainte sortir de la bouche du Sauveur, il ne rendit nul tesmoignage, comme nous faisons nous autres, de la grandeur de sa souffrance à fin d'esmouvoir ceux qui estoyent presens à compassion sur luy.

  A009000753 

 Or, cette parolle que nous disions nagueres ne fut nullement prononcée pour se plaindre, ains seulement pour nous enseigner comme au fort de nos peines interieures, delaissemens et abandonnemens spirituels nous nous devons addresser à Dieu et ne nous plaindre qu'à luy mesme qui seul doit voir nostre affliction, ne souffrant pas que les hommes s'en apperçoivent sinon le moins qu'il se peut..

  A009000755 

 Chose estrange! il n'ignoroit pas que c'estoit un breuvage qui augmenteroit ses peines, neanmoins il le prit tout simplement, sans rendre nul tesmoignage que cela luy faschoit ou qu'il ne l'eust pas trouvé bon, pour nous apprendre avec quelle sousmission nous devons prendre ce qui nous est ordonné quand nous sommes malades, voire quand nous serions en doute que cela pourroit accroistre nostre mal; et de mesme devons-nous faire des viandes qui nous sont presentées, sans rendre tant de tesmoignages que nous en sommes degoustés et ennuyés..

  A009000756 

 En fin c'est grande compassion de voir combien nous sommes peu observateurs de la patience de nostre Sauveur, lequel s'oublioit de ses souffrances et ne taschoit point de les faire remarquer [282] par les hommes, se contentant que son Pere celeste, par l'obeissance duquel il les enduroit, les considerast, et apaisast son courroux envers la nature humaine pour laquelle il patissoit..

  A009000756 

 Helas! si nous avons tant soit peu de mal nous faisons tout au contraire de ce que nostre tres doux Maistre nous a enseigné, car nous ne cessons de nous lamenter et de nous plaindre; nous ne trouvons pas assez de gens, ce semble, pour leur raconter toutes nos douleurs par le menu.

  A009000756 

 Nostre mal, pour petit qu'il soit, est incomparable, et ceux que les autres souffrent ne sont rien en comparaison; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter.

  A009000757 

 Je passe outre et remarque la troisiesme vertu que Nostre Seigneur nous presente sur la croix, comme une fleur tres aggreable: c'est la tres sainte perseverance, vertu sans laquelle nous ne sçaurions estre dignes du fruit de sa Mort et Passion; car ce n'est pas tout de bien commencer si l'on ne persevere jusques à la fin, puisque c'est chose asseurée que l'estat auquel nous nous trouverons à la fin de nos jours, lors que Dieu coupera le fil de nostre vie, sera celuy où nous demeurerons pour toute eternité.

  A009000758 

 Nous en devrions faire de mesme, mes cheres Sœurs, en toutes occasions, soit quand nous souffrons ou quand nous jouissons, et repeter: Mon Pere, je remets mon esprit entre vos mains, faites de moy tout ce qu'il vous plaira, nous laissant ainsy conduire à la volonté divine, sans jamais nous laisser preoccuper de nostre volonté particuliere..

  A009000759 

 Nostre Seigneur ayme donques d'un amour extremement tendre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner entierement en son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence comme il luy plaist, sans s'amuser à considerer si les effects de cette providence leur sont utiles, profitables ou dommageables; estant tout asseuré que rien ne nous sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres aymable, ni qu'il ne permettra que rien nous arrive de quoy il ne nous fasse tirer du bien et de l'utilité, pourveu que nous ayons mis toute nostre confiance en luy, et que de bon cœur nous disions: Je remets mon esprit entre vos mains; et non seulement mon esprit, mais mon ame, mon corps et tout ce que j'ay, à fin que vous en fassiez selon qu'il vous plaira..

  A009000760 

 Et en cecy il sera verifié que tres raysonnablement et veritablement Nostre Seigneur doit estre appellé Roy, troisiesme qualité que Pilate luy bailla, et que la bonté de nostre Maistre a bien voulu luy estre donnée jusques à present; car il veut que nous demeurions absolument et sans reserve sousmis à ses volontés.

  A009000760 

 Pour nous restablir en sa [284] grace et nous rendre dignes de sa misericorde, il a pris sur soy les coups de la justice divine, justice qui se devoit exercer sur nous qui estions les seuls contre qui elle fust irritée à bon droit.

  A009000761 

 Il veut que nous apprenions de luy ces vertus en la consideration de sa Mort et Passion, et desire que nous luy tesmoignions par icelles nostre amour et nostre fidelité, puisque ç'a esté en les pratiquant qu'il nous a monstré l'excellence et l'ardeur du sien envers nous qui en estions si indignes.

  A009000761 

 Mais quelles sont-elles ces lois de nostre Roy? O quelles elles sont, mes cheres Sœurs? C'est tout ce que je viens de dire, qu'il a observé le premier pour nous donner exemple: la tres sainte humilité, la generosité, la patience, la constance et invariable perseverance, et en fin la tres aymable et excellente vertu d'indifference.

  A009000761 

 Nous luy devons nos corps, nos cœurs et nos esprits à fin qu'il en fasse comme de choses siennes, et que jamais nous ne les employions pour contrevenir à ses lois divines.

  A009000761 

 Or, puisqu'il est nostre Roy, il faut sousmettre tout ce que nous avons à son service.

  A009000771 

 Hors de l'observance de l'Evangile et de l'obeissance à l'Eglise il ne se trouve que guerre et que trouble, ainsy que nous dirons tantost.

  A009000771 

 La seconde paix est celle que les saints Peres ont distinguée en trois parties: la paix avec Dieu, [286] la paix les uns avec les autres et la paix avec nous mesme.

  A009000771 

 La troisiesme est celle que nous possederons en la vie eternelle.

  A009000772 

 Grand certes est le chastiment que Dieu tire de nous lors qu'il nous laisse entre les mains de nos ennemis, qu'il retire son divin secours et ne nous tient plus en sa tres sainte protection.

  A009000772 

 Quand il nous laisse à l'abandon c'est un tres grand signe et indice certain de nostre perte, car indubitablement les Madianites, qui sont nos ennemis spirituels, auront prise sur nous et nous demeurerons vaincus..

  A009000773 

 Or cela n'est pas; au contraire, en l'affliction et en la tribulation Dieu se tient plus pres de nous, d'autant que nous avons plus besoin de sa protection et de son secours..

  A009000774 

 Mais, reprend Gedeon, helas, comment m'osez-vous appeller fort, puisque je suis si foible? C'est le propre de l'ennemy de nous faire trouver foibles, en sorte qu'il nous semble n'avoir aucune force.

  A009000775 

 En cette mort il fut fait peché pour nous, ainsy que dit saint Paul; c'est à sçavoir, luy qui estoit impeccable fut rendu comme un pecheur devant la face de Dieu son Pere, ayant par sa bonté non ouye pris sur luy toutes nos iniquités à fin de satisfaire pour nous à la justice divine..

  A009000776 

 Il fut donc ainsy fait peché pour nous..

  A009000781 

 En somme, le saint Evangile ne traitte presque par tout que de la paix; et comme il commence par la [291] paix, de mesme il finit par la paix pour nous enseigner que c'est l'heritage que le Seigneur Dieu nostre Maistre a laissé à ses enfans qui sont en la sujetion de la tres sainte Eglise, nostre bonne Mere et son Espouse tres chere..

  A009000781 

 Il a esté commencé par la paix, comme nous voyons en l'Evangile qui se lit en la Nativité de Nostre Seigneur, en laquelle les Anges chantoyent: Gloire à Dieu ès lieux hauts, et paix en terre aux hommes de bonne volonté.

  A009000782 

 Cependant, comme cette paix est un peu bien generale, il nous faut traitter de la seconde, qui est celle qui nous pacifie avec Dieu, avec le prochain et avec nous mesme.

  A009000782 

 Mais comme despuis nous nous sommes tant de fois rendus rebelles et desobeissans à ses divins commandemens et avons perdu, autant de fois que nous sommes tombés au peché, cette paix que Jesus Christ nous avoit acquise, nous avions besoin d'un nouveau moyen de reconciliation.

  A009000782 

 Quant au premier point, nous avons desja dit que c'est par le moyen de la Mort et Passion de Nostre Seigneur que nous avons esté reconciliés avec Dieu.

  A009000783 

 La paix n'appartient qu'aux enfans de l'Eglise, il est vray; car tous les autres n'ont point les moyens de reconciliation que nostre Sauveur nous a donnés pour nous remettre en la bonne grace de Dieu son Pere autant de fois que nous la perdons, bien que veritablement nous la perdions par nostre faute.

  A009000787 

 Que craindroyent-ils? de quoy auroyent-ils peur? Des lions? Nullement; car, comme nous disions tout à cette heure, ils auroyent suffisamment d'industrie en eux mesmes pour eviter leur rage et celle de tous les autres animaux, pour brutaux qu'ils puissent estre..

  A009000788 

 C'est ce qu'il a le plus inculqué à ses Apostres; si que le glorieux saint Paul dit ne vouloir sçavoir ni prescher autre chose que Jesus Christ crucifié, qui nous a pacifiés et donné cette paix par laquelle nous luy soyons rendus semblables en toutes choses, à luy, dis-je, qui est le Prince de paix, et qui a fait la paix tant en la terre qu'au Ciel.

  A009000788 

 Et si bien il apparut aux deux disciples allant en Emmaus, lesquels estoyent sortis de la ville de Hierusalem qui represente la paix, [294] estant appellée vision de paix, nous ne devons pourtant pas croire que ce qu'il a fait pour ces deux il le veuille faire pour tous.

  A009000788 

 Nostre Seigneur sçachant fort bien la grande necessité que les hommes en avoyent, n'a rien tant presché que cette paix qui procede de l'amour qu'il nous a tant recommandé d'avoir les uns pour les autres.

  A009000788 

 Si nous ne vivons en paix et en union les uns avec les autres nous ne devons pas attendre de recevoir la grace de voir Nostre Seigneur ressuscité..

  A009000789 

 La troisiesme condition de cette paix est que nous l'ayons avec nous mesme ou en nous mesme; ce que pour mieux entendre il faut sçavoir ce que nous asseure tres bien le grand Apostre, que nous avons deux parties en nous lesquelles se font une perpetuelle guerre: l'esprit et la chair.

  A009000790 

 Le monde, le diable et la chair ayans bandé toutes leurs forces contre luy ne peuvent aucunement l'espouvanter; ils brouilleront bien quelque chose, se servant des autres facultés de l'ame, mais pourtant, en vertu de la paix que Nostre Seigneur nous a acquise, ils ne sçauroyent nullement luy nuire.

  A009000791 

 Lors que l'entendement se tient ferme en la croyance des choses que la foy nous enseigne ou que Nostre Seigneur nous a apprises, il a une force incomparable au dessus de celle de la chair, laquelle n'est que foiblesse au prix de celle là.

  A009000792 

 Nous disons voirement tous [296] que nous avons la foy, mais nous ne la monstrons pas par les œuvres.

  A009000792 

 Si nous voulons garder en nous mesme la paix parmi la guerre il faut tenir l'entendement fermement attaché aux verités que Nostre Seigneur nous a enseignées, et l'empescher d'escouter ou recevoir les opinions et raysons humaines..

  A009000793 

 Il luy eust bien mieux valu, et à nous aussi, qu'elle eust respondu à l'ennemy: Miserable, laisse-nous demeurer en la bassesse et humilité en laquelle nous avons esté creés, plustost que de nous proposer un eslevement duquel tu as esté precipité.

  A009000794 

 Au lieu de l'arrester et attacher à se conduire en tout selon que Nostre Seigneur nous l'a enseigné, nous nous servons des considerations de la sagesse humaine laquelle nous represente qu'il faut bien estre discret, et moderer les choses selon la prudence pour que tout aille bien.

  A009000796 

 Donques le premier sujet qui cause en nous la guerre et qui en chasse la paix n'est autre chose que le manquement de [298] foy et d'asseurance ès parolles de Nostre Seigneur, et la facilité avec laquelle nous escoutons la multitude des raysons de la prudence humaine..

  A009000796 

 Grand cas de l'esprit humain! Nostre Seigneur a dit: Tout ce que vous demanderez en mon nom vous sera donné; neanmoins, parce que nous ne le recevons pas si promptement que nous voudrions, incontinent nous sommes chancelans en la foy de cette promesse.

  A009000796 

 Oh! pensoyent-ils en eux mesmes, que nous eussions esté heureux si nous eussions eu un Maistre immortel! et plusieurs telles raysons par lesquelles ils monstroyent qu'ils estoyent en doute de l'effect de la promesse du Sauveur; et partant il leur dit pour les accoiser: La paix soit avec vous.

  A009000797 

 La pluspart des troubles que nous avons en nostre ame viennent dequoy l'imagination de la chair presente des souvenirs à l'imagination de l'esprit, lesquels estans receus par nostre memoire, nous nous laissons aller à de vaines craintes de n'avoir pas assez de cecy et de cela, au lieu de nous occuper à nous resouvenir des promesses que Nostre Seigneur nous a faites, et ainsy demeurer fermes en cette confiance que tout perira plustost que ces promesses viennent à manquer, et partant les inquietudes arrivent.

  A009000798 

 C'est grand pitié du desgat que ce manquement de paix fait en l'ame; au lieu que nous jouirions d'un grand repos si la memoire demeuroit ferme au souvenir des promesses divines qui nous asseurent non seulement de la fidelité de Dieu, mais encor de son soin tendre et amoureux pour tous ceux qui se confient en luy et ont logé en sa bonté toutes leurs esperances.

  A009000798 

 Que nous serions heureux si nous nous occupions aussi des promesses que non seulement au Baptesme, mais, la pluspart d'entre nous, par le moyen des vœux, nous avons faites à Dieu de luy estre fidelles et de ne nous arrester jamais qu'à ce qui nous pourra rendre plus aggreables à ses yeux! Si les Religieux et Religieuses accomplissoyent les promesses qu'ils ont faites d'observer fidellement leurs Regles et Constitutions et de suivre les conseils qui leur seront donnés, ils possederoyent, dis-je, la paix en leurs ames, Nostre Seigneur viendrait en eux et leur dirait: Paix vous soit, comme il fit à ses Apostres..

  A009000799 

 La chair a des ruses nompareilles pour vaincre l'esprit et l'attirer à ses bestiales inclinations; mais le principal ennemy de la volonté et ce qui la fait estre si lasche que de quitter l'esprit qui est comme son tres cher espoux, c'est la multitude des desirs que nous avons de cecy et de cela.

  A009000801 

 Ainsy puissions-nous faire, mes cheres ames, car nous possederons comme luy la vraye paix; nos puissances et nos facultés estans toutes ramassées en nous mesme, nostre doux Sauveur, pour l'amour duquel nous les aurons accoisées, ne manquera pas, sans doute, d'estre en nous et de nous apporter cette paix qu'il donne aujourd'huy à ses Apotres bien aymés..

  A009000801 

 En fin finale, si nous voulons avoir la paix en nous mesme il ne faut avoir qu'une seule volonté, ainsy que nous avons dit, non plus que saint Paul qui ne pretendoit sçavoir et prescher qu'une seule chose, Nostre Seigneur Jesus Christ crucifié.

  A009000802 

 Pendant son sommeil les vents se lavent, la tourmente se fait grosse, les vagues si impetueuses qu'elles semblent à tous momens faire perir le navire; les Apostres bien esmeus du present danger courent de proue en poupe et de poupe en proue; en fin ils resveillent Nostre Seigneur, disant: Maistre, nous perissons, si tu ne nous secours.

  A009000804 

 Les enfans de la paix font une continuelle guerre à la chair qui leur cause des attaques tres violentes, laquelle n'a pourtant pas le pouvoir de troubler leur repos, non plus que le diable et le monde, ainsy que nous avons desja dit..

  A009000805 

 Elle a des ruses estranges pour dresser des embusches à nostre esprit; mais si nous nous tenons fermes dans le donjon, accompagnés des trois soldats dont nous avons parlé, nous serons tousjours les plus forts et possederons la vraye paix qui nous tient contens emmi les injures, les mespris, les afflictions, les contradictions et en fin emmi tout ce qui nous arrive de contraire à la nature..

  A009000805 

 La chair fait sa demeure dans nostre sein, c'est pourquoy elle nous inquieté quelquefois le cœur.

  A009000805 

 Mais il faut qu'un chacun de nous sçache qu'on ne doit pas demeurer en une paix accompagnée de faineantise, car il faut tousjours combattre.

  A009000805 

 Nous pouvons bien affoiblir la chair, nostre principal ennemy, qui nous poursuit de si pres que jamais il ne nous abandonne; mais pourtant nous ne le pouvons abattre ni terrasser tout à fait, parce que c'est l'un de ces goujats et coquins que Dieu a laissés en vie pour nous exercer, bien qu'ils ne nous puissent nuire.

  A009000806 

 Le bon Pere loua son dessein et luy respondit: Mon fils, quant [303] à vous enseigner la voye de vous perfectionner je le feray de bon cœur, mais que vous soyez parfait si tost que vous voudriez, je ne le puis pas promettre; car en cette mayson nous n'avons pas de perfection toute faite, ains il faut que chacun fasse la sienne..

  A009000807 

 Mais au bout de ces trois ans, seray-je pas parfait? De cela, respondit le Pere, je ne le puis sçavoir; nous verrons ce qui en sera..

  A009000810 

 Mais le Pere luy dit: Mon fils, il n'appartient qu'à Dieu de juger si vous l'estes ou non; mais si vous voulez, nous en ferons bien une petite espreuve.

  A009000812 

 C'est la vraye paix, mes cheres ames, que je vous desire, qui se conserve, ains qui s'accroist emmi la guerre et les tourbillons des vents des persecutions, [306] humiliations, mortifications et contradictions que nous rencontrons en cette vie mortelle, afflictions et peines qui seront en fin suivies des consolations et repos eternel, pourveu que nous les ayons souffertes avec paix interieure à l'imitation de ce bon Religieux.

  A009000812 

 Or, telle paix ne s'acquiert en cette vie que par l'union de l'entendement, de la memoire et de la volonté avec l'esprit, ainsy que nous avons monstré tantost; de plus, elle ne se peut trouver hors de la sainte Eglise, ainsy que l'experience nous l'enseigne tous les jours, et en fin finale elle ne se rencontrera jamais qu'en l'obeissance du saint Evangile lequel n'est que paix.

  A009000819 

 Jadis, en l'ancienne Loy, l'on n'avoit pas accoustumé de faire feste à la naissance des enfans, comme on fait en beaucoup de lieux, ains seulement quand on les sevroit, ainsy que nous apprenons en l'histoire d'Abraham, lequel ne fit pas de festin à la naissance d'Isaac son cher fils, ains au jour qu'on le retira de la mammelle et qu'on le sevra.

  A009000820 

 La grace que nous recevons au jour de nostre Baptesme est certes grande, car nous sommes rendus enfans de Dieu.

  A009000820 

 Mais grande est aussi la grace que Dieu nous fait au jour où il nous reçoit pour estre entierement dediés [308] à son service, car c'est une nouvelle renaissance spirituelle en laquelle, comme la pluspart des Peres tiennent, nous sommes remis en l'innocence premiere; c'est à dire, qu'au mesme instant où ceux qui se dedient tout à fait au service de Nostre Seigneur font cette offrande d'eux mesmes, ils sont rendus purs comme des enfans qui viennent d'estre baptizés..

  A009000822 

 Grande donques, pour toutes les raysons que nous venons de dire, doit estre la joye de ces ames qui se presentent aujourd'huy à fin d'estre dediées au service amoureux de la divine Bonté.

  A009000823 

 Il me semble que j'ay entendu vos cœurs, mes tres cheres Filles, dire telles ou semblables paroles à Nostre Seigneur, que vous venez maintenant choisir pour vostre Espoux et «l'unique objet de vostre dilection:» Il est vray, mon Seigneur et mon Dieu, qu'en la Religion on ne presche que la mortification tres entiere de nous mesme à fin d'obeir à cette semonce sacrée que vous avez faite: Quiconque veut estre parfait il est requis et necessaire qu'il renonce à soy mesme, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive.

  A009000823 

 Lors que nous venons en Religion l'on ne nous amorce point par les promesses des consolations, comme fait le monde quand il veut attirer quelqu'un à sa suite; l'on ne nous fait point d'offre de biens terrestres, ni des honneurs, grandeurs ou dignités, ains des humiliations, des abjections, et au lieu des consolations on nous presente des mortifications.

  A009000823 

 Nonobstant tout cela, nous ne laisserons pas de nous venir ranger sous l'estendart de vostre sainte protection, estans tres asseurées que puisque vostre Bonté nous a appellées à cette maniere de vie plus parfaite que la commune des mondains, voire de ceux qui font profession de vivre tres chrestiennement dans le monde, vostre mesme Bonté nous fortifiera et nous baillera la grace de bien faire ce que nous entreprenons aujourd'huy pour la gloire de vostre saint nom et pour le salut de nos ames; car nous croyons fermement que, selon la parolle de vostre saint Apostre, si nous mourons avec vous en cette vie, nous ressusciterons avec vous en la gloire..

  A009000824 

 C'est une chose des plus necessaires pour nostre salvation que de faire de saintes conversations en cette vie, car, à dire vray, nous sommes quasi pour l'ordinaire tels que ceux que nous aymons et pratiquons..

  A009000824 

 Oh! qu'à bon droit et joyeusement pourrez-vous chanter desormais, mes cheres Filles: Non fecit taliter; le Seigneur n'a pas usé d'une telle misericorde à l'endroit d'un chacun, l'appellant à la suite de ses parfums et au renoncement de toutes choses pour son amour; grace bien grande à la verité, puisqu'elle est un moyen tres efficace [310] et tres excellent pour nous sauver.

  A009000828 

 C'est le propre de l'orgueil d'entraisner nos ames à mille sortes de maux, mais principalement à celuy de nous faire [312] tellement attacher à nostre propre jugement, que nous soyons opiniastres à ne le point sousmettre à celuy d'autruy, pour authorité qu'il puisse avoir sur nous.

  A009000828 

 Cette vanité de faire estime de son propre jugement produit l'incredulité et la mesestime des jugemens des autres, et fait que l'on raysonne en cette sorte: Pourquoy m'assujettiray-je à croire que ce que l'on me dit est vray? Ne l'aurois-je pas aussi bien compris ou sceu comme les autres? O que les ames qui faisans estime d'elles mesmes se laissent ainsy gouverner par leur propre jugement sont en grand danger! Nous le voyons en l'exemple du pauvre saint Thomas qui faillit se perdre..

  A009000831 

 Peril tres grand, certes, auquel il avoit esté reduit par le defaut de la paix de l'entendement, de la memoire et de la volonté, paix de laquelle estans privés, l'ame et l'esprit courent grande risque de se perdre, ainsy que nous disions l'autre jour..

  A009000847 

 Mais en ce don sept autres sont enclos, lesquels nous nommons dons du Saint Esprit.

  A009000847 

 Nous celebrons aujourd'huy la feste des presens et du don des dons qui est le Saint Esprit, lequel fut envoyé du Pere et du Fils sur les Apostres, sous la forme et figure de langues de feu.

  A009000848 

 De mesme voyons-nous que le Pere eternel a fait en ce jour.

  A009000849 

 Ne sçavez-vous pas qu'il est dit que le Sauveur receut des graces infinies et que les dons du Saint Esprit reposerent sur son chef? Et pourquoy cela, puisque estant la grace mesme il n'en avoit ni pouvoit avoir nulle sorte de necessité? Ce ne fut donques sinon pour nous faire entendre que toutes les graces et benedictions celestes nous devoyent estre distribuées par luy, les laissant couler sur nous qui sommes membres de l'Eglise de laquelle il est le Chef.

  A009000851 

 Mais ce que nous disons que le Saint Esprit nous a esté donné par le Pere et par le Fils, ne se doit pas entendre qu'il soit separé ni de l'un ni de l'autre, parce qu'il ne se peut, n'estant qu'un seul et vray Dieu indivisible; ains nous voulons dire que Dieu nous a donné sa divinité, bien que ce soit en la personne de son Saint Esprit.

  A009000852 

 Certes, nous ne sçaurions assez remercier Dieu de ce qu'il a fait ce singulier present à son Eglise, à cause des biens qui en resultent.

  A009000852 

 Nous pouvons considerer la grandeur du don du Saint Esprit avec tous ses effects, entant qu'il est envoyé par le Pere eternel et par Nostre Seigneur à son Eglise, ou bien entant qu'il est envoyé à un chacun de nous en particulier.

  A009000853 

 Mais considerons, je vous prie, ce don si pretieux entant qu'il est fait à un chacun de nous en particulier.

  A009000853 

 Nous avons desja dit qu'il y a enclos en celuy ci sept autres dons, que nous appelions de crainte, science, pieté, force, conseil, entendement et sapience.

  A009000853 

 Par la suite que nous ferons de ces sept dons en remontant comme par une eschelle, nous connoistrons si nous avons receu le Saint Esprit ou non, puisqu'il a accoustumé de les communiquer aux ames dans lesquelles il descend et qu'il trouve preparées pour le recevoir..

  A009000854 

 Cette crainte ne leur a pourtant point fait eviter le peché ni l'iniquité pource qu'ils n'avoyent pas receu le Saint Esprit; car la crainte qui s'appelle don du Saint Esprit non seulement nous fait redouter les divins jugemens, la mort et l'enfer, mais elle nous fait craindre Dieu comme nostre Seigneur et nostre Juge, et partant nous porte à fuir le mal et tout ce que nous sçavons luy estre desaggreable.

  A009000854 

 Et comme nous voyons qu'une fiole est remplie de quelque eau sans qu'elle en aye aucune necessité, puisqu'elle est si dure que mesme elle n'en est pas penetrée, ainsy nostre beni Sauveur fut rempli de la crainte du Seigneur, non point pour luy, car il ne s'en pouvoit servir, ains seulement pour la respandre sur ses freres..

  A009000854 

 Le don de crainte est le plus universel, car nous voyons que les meschans mesme ont de la crainte et frayeur entendans parler de la mort, du jugement et des peines eternelles.

  A009000854 

 Nous devons donc sçavoir qu'il en fut rempli pour la respandre sur un chacun de nous, tant parfaits qu'imparfaits, parce que les parfaits doivent craindre de [318] descheoir de leur perfection, et les imparfaits de ne la pouvoir acquerir.

  A009000856 

 La pieté n'est autre chose qu'une crainte filiale, qui ne nous fait plus regarder Dieu comme nostre Juge, ains comme nostre Pere, auquel nous redoutons de desplaire et desirons d'aggreer..

  A009000857 

 Mais il ne nous serviroit de gueres d'avoir le desir de plaire à Dieu et la crainte de luy desplaire si le Saint Esprit ne nous octroyoit le troisiesme don, qui est celuy de science, par lequel nous apprenons que c'est que vertu et que c'est que vice, ce qui est aggreable à Dieu et ce qui luy est desaggreable.

  A009000857 

 Par le don de science, le Saint Esprit nous ayde à reconnoistre les vertus dont la prattique nous est necessaire et les vices qu'il faut eviter..

  A009000858 

 Il est aussi tres necessaire que le Saint Esprit nous baille le quatriesme don qui est celuy de la force, car autrement les precedens ne nous serviroyent de rien, puisqu'il ne suffit pas d'avoir la volonté d'eviter le mal et celle de faire le bien, encores moins de connoistre l'un et l'autre, si nous ne mettons la main à l'œuvre.

  A009000858 

 [319] Pour cela nous avons une grande necessité de la force; mais il faut que nous sçachions en quoy elle consiste.

  A009000859 

 C'est en quoy consiste le don de force et la grandeur de courage: à se surmonter soy mesme pour s'assujettir à Dieu, mortifiant et retranchant de nos esprits toutes leurs superfluités et imperfections pour petites qu'elles soyent, sans aucune reserve; et de plus, ce don nous fait entreprendre de parvenir à la plus haute perfection, sans craindre la difficulté qu'il y a pour l'acquerir..

  A009000860 

 Mais estans ainsy resolus et fortifiés pour embrasser la vraye prattique des vertus, il faut que nous ayons le don de conseil pour choisir celles qui nous sont le plus necessaires selon nostre vocation; car, bien qu'il soit [320] tousjours bon de prattiquer les vertus, si faut-il pourtant les sçavoir prattiquer par ordre.

  A009000860 

 Que sçay-je moy, si en telle occasion il ne sera point plus expedient que je ne prattique la patience sinon interieurement et non pas exterieurement, ou bien si je dois joindre l'une avec l'autre? Il faut donques avoir le don de conseil à fin de suivre l'exercice que le don de force et de courage nous a fait commencer, et pour que nous ne nous trompions point nous mesmes, choisissant les vertus selon nos inclinations et non selon nostre necessité, regardant seulement à l'escorce et non point à la vraye essence des vertus..

  A009000861 

 Apres le don de conseil vient celuy d' entendement, lequel nous fait penetrer les mysteres de nostre foy par le moyen des meditations, et choisir les maximes de la perfection interieure au fond de ces mysteres.

  A009000861 

 Vous voyez donques bien clairement les effects du don d'entendement, lequel, outre ce que nous avons dit, nous fait comprendre la verité des mysteres de nostre foy et combien il nous est necessaire de regarder à la vraye essence des vertus et non pas à l'apparence exterieure seulement, combien aussi il nous est utile de suivre les verités conneues, soit par le don de conseil ou par celuy d'entendement..

  A009000862 

 Or, le Saint Esprit n'a pas accoustumé de laisser l'ame à laquelle il a bien voulu octroyer ces six dons que nous venons d'expliquer, sans y adjouster celuy de sapience, c'est à dire de la «savoureuse science,» luy donnant un goust, une saveur, une estime, bref un [321] contentement en la prattique des maximes de la perfection chrestienne qu'elle a reconneues par le don d'entendement.

  A009000863 

 Je finis par cette consideration que tous ceux qui estoyent dans le cenacle receurent le Saint Esprit et parloyent tous selon que le mesme Saint Esprit leur donnoit; mais non pas tous d'une mesme façon, n'ayans pas tous esté commis pour prescher l'Evangile comme saint Pierre et les autres Apostres; car nous ne pouvons pas nier qu'il n'y eust des femmes, puisque l'Evangeliste escrit qu' ils estoyent six vingts avec Nostre Dame et les autres femmes.

  A009000863 

 Mais il faut que nous sçachions qu'il y a un parler qui se fait sans dire mot; c'est le bon exemple.

  A009000863 

 Qui ne sçait que lors que nous regardons le ciel en une nuit bien sereine, nous sommes excités à admirer et adorer la toute puissance et sapience de Celuy qui l'a parsemé de tant de belles estoiles? Il en est de mesme lors que nous voyons un beau jour esclairé de la lumiere du soleil, voire quand le mesme Seigneur nous envoye la pluye, puisqu'elle sert à produire les plantes..

  A009000864 

 Le bon exemple est une predication muette, et si bien nous n'avons receu le don des langues pour prescher, nous pouvons neanmoins le faire tousjours en cette sorte.

  A009000864 

 Que veux-je dire par tout cecy, sinon que nous, qui [322] sommes plus que les cieux et que tout ce qui est creé, puisque le tout a esté fait pour nous et non point nous pour eux, sommes beaucoup plus capables d'annoncer la gloire de Dieu que non pas les cieux ou les astres.

  A009000869 

 Ayant donques à m'entretenir avec vous, quel meilleur sujet pourrois-je prendre que ces paroles du Psalmiste: Dirupisti, et ce qui suit? Mais pour rendre mon discours plus familier, je le diviseray en trois points: au premier nous verrons quels sont les liens desquels saint Augustin estoit lié; au second, quel sacrifice de louange il a offert à Nostre Seigneur; et au troisiesme, quel est ce calice du salutaire..

  A009000871 

 Ces cadenes ne sont autre chose que le peché qui nous rend non seulement esclaves de nos passions, mais encores du demon; et nul ne nous en peut deslier que la main puissante de Dieu.

  A009000871 

 Ces liens, comme dit le mesme saint Augustin, nous sont merveilleusement bien representés par les chaisnes et manottes de fer dont saint Pierre fut lié en la prison; car, bien qu'il fust emprisonné pour la justice, ses liens neanmoins ne laissent pas de nous representer le peché qui, comme manottes et chaisnes de fer, tient le pecheur si estroittement enserré qu'autre que Dieu ne le peut desenchaisner..

  A009000873 

 Ceux de fer, comme dit nostre grand Pere saint Augustin, ne sont autres que la crainte des jugemens, de la mort et de l'enfer; ces menaces que nous lisons dans l'Evangile et celles par lesquelles l'Apostre saint Paul espouvantoit les roys et les princes, les laboureurs et artisans, les petits et les grans, leur disant: Je vous advertis qu'il y a un souverain Juge [325] des vivans et des morts, et c'est à luy à qui vous rendrez compte.

  A009000882 

 Et la doctrine chrestienne nous enseigne qu'il faut en tout temps louer Dieu: en beuvant, en mangeant, en veillant et dormant, de jour, de nuit, d'autant qu'en tout temps nous sentons les effects de sa misericorde.

  A009000885 

 Si le diable pouvoit louer la divine Majesté il ne seroit pas diable; et on voit en ce grand divorce et rebellion qui se fit au Ciel, duquel nous ne dirons point icy la cause ni comme il advint, que le diable ne devint diable que parce qu'il ne voulut pas louer son Createur.

  A009000886 

 Or, nous pouvons dire que l'ame de saint Augustin fut cette amante Sulamite parce que dès l'instant de sa conversion il ne cessa jamais de louer Dieu, de jour, de nuit, en beuvant, en mangeant, en parlant, en escrivant, chantant les cantiques de sa misericorde et de sa grace.

  A009000887 

 Qu'est-ce en effect que l'Eglise de Dieu sinon des chœurs et des armées, et qui sont ces chœurs sinon, comme j'ay desja dit, tous les Chrestiens qui [331] chantent continuellement les louanges divines en toutes sortes d'estats et de conditions? Saint Louys (duquel nous avons celebré la feste ces jours passés), le plus grand Saint entre les roys et le plus grand roy entre les Saints, estoit arrivé au plus haut point de la perfection chrestienne.

  A009000887 

 Toutefois, par ces chœurs et ces armées nous devons entendre particulierement les Religieux et ecclesiastiques, lesquels non seulement louent Dieu par psalmes, hymnes et cantiques, ains de plus, tant par les sermons que par les fonctions propres à leur estat, taschent d'attirer les autres à la connoissance de la verité, à fin de les exciter à louer Dieu..

  A009000892 

 Il ne s'est pas contenté de louer Dieu, comme nous avons dit, ains a tasché d'amener à luy plusieurs ames, preschant les uns et donnant aux autres une maniere vie tre parfaite.

  A009000895 

 O Dieu, que c'est une grande suavité! On sent des presseures de cœur, des sentimens d'amour que le Saint Esprit donne comme grains sucrés ainsy qu'à des petits enfans pour nous attirer.

  A009000896 

 Aussi est-ce la derniere chose que nous quittons, et qui nous fait plus de peine à renoncer.

  A009000896 

 Dieu mesme qui nous l'a donnée ne la veut point avoir par force, et quand il demande que nous la luy donnions il veut que ce soit franchement et de nostre bon gré.

  A009000896 

 Il va bien nous piquant, crochettant nos consciences, rodant à l'entour de nos cœurs, nous sollicitant à nous convertir et donner tout à luy, mais de nous prendre par force, jamais.

  A009000896 

 Voyez-vous, il ne parle que de sa liberté; si bien est-ce la plus riche piece de l'homme, car, comme j'ay dit, c'est la vie de nostre cœur; c'est donc le plus pretieux don que nous puissions faire.

  A009000900 

 Or, cela est bon pour prescher en public; revenons donques à cet amour qui nous fait mourir à nous mesme par une abnegation entiere et absolue.

  A009000900 

 Que nous serions heureux si nous observions cecy! Il s'en trouve prou qui cherissent leurs amis, mais ils ne les ayment pas en Dieu, car ils commettent de grandes injustices pour les favoriser, et les ayment aux despens de l'honneur et gloire de Dieu.

  A009000900 

 Saint Augustin disoit une parole que nous devrions tous graver sur le frontispice de nos chambres ou plustost de nos cœurs: O Dieu, dit-il, qu'il seroit à souhaiter que l'on n'aymast que vous, qu'on vous aymast en toutes choses et qu'on n'aymast aucune chose sans vous! Mais, o glorieux Saint, vous voulez que l'on n'ayme que Dieu; ne faut-il pas aussi aymer ses amis? Ouy, mais en Dieu.

  A009000900 

 Saint Augustin, dit au sujet de ces paroles addressées par Nostre Seigneur à Magdeleine, Va-t-en à mes freres: Pour marcher il faut faire deux pas: mourir et renoncer à toutes les choses qui sont hors de nous, et mourir et renoncer à soy mesme, qui est le plus difficile.

  A009000903 

 Avant que de finir, disons encores ce mot que saint Augustin escrit en un autre endroit: O Dieu, est-il possible que l'on sçache que vous estes Dieu et que l'on ne vous ayme pas! Certes, c'est chose pitoyable en cet aage que nous sçachions que Dieu est Dieu, que nous le croyions et que nous ne l'aymions pas.

  A009000904 

 Et moy, mes cheres Sœurs, vous ayant dit quelque chose de ce grand saint Augustin, et me trouvant à la fin de cette mienne exhortation sur sa mort et parfaite abnegation, je paracheveray, non point de peur que vous mouriez d'une semblable mort, mais bien de crainte de vous ennuyer par un trop long discours; car ayans esté une partie du jour attentives à chanter l'Office divin, vous voudrez apres cette predication que vous avez entendue avec attention, faire quelque chose de ce que nous avons dit de ce glorieux Pere, lequel vous admirerez et imiterez.

  A009000910 

 Lors que Dieu crea Adam il le fit pere de tout le genre humain, des hommes et des femmes esgalement; neanmoins il crea la femme, que nous appelions nostre mere Eve, qui est comme la capitainesse du sexe feminin.

  A009000912 

 C'est pourquoy il faut que nous regardions comment cette sainte Vierge a vaillamment triomphé de ces trois adversaires, dès sa premiere entrée en cette vie ou en sa sainte nativité.

  A009000915 

 O Dieu, que c'est une chose difficile que de se rendre bien quitte de ce monde! Nos affections sont tellement embrouillées en iceluy et nostre cœur en est tellement sali qu'il faut un grand soin pour le bien laver et nettoyer, si nous ne voulons qu'il en demeure tous-jours souillé et enlaidi.

  A009000917 

 Et ce glorieux saint Nicolas Tolentin, duquel nous faisons la feste aujourd'huy, se convertit oyant dans une eglise un Religieux de saint Augustin qui traittoit en une predication ces paroles de saint Jean l'Evangeliste: Le monde passe.

  A009000920 

 Quand il donne sa grace à une ame il la luy donne pour tousjours et ne la luy oste jamais si celuy à qui il l'octroye ne la veut perdre luy mesme; ainsy en est-il des autres dons, qui ne nous sont point ostés si ce n'est par nos demerites.

  A009000921 

 Et nous pouvons adjouster: Y a-t-il quelque creature à qui le Fils de Dieu ayt dit ma Mere? Non certes, cela estoit deu à cette seule Vierge qui l'avoit porté neuf mois dans son ventre sacré.

  A009000921 

 Le grand Apostre saint Paul, qui certes est admirable en tout ce qu'il dit, [346] fait un argument par lequel nous pouvons entendre quelle est la dignité de Mere de Dieu: Y a-t-il Ange ni Seraphin à qui le Pere eternel ayt dit: Celuy-cy est mon Fils? O non, cela estoit deu seulement à nostre cher Sauveur et Maistre qui estoit son Fils vray et naturel.

  A009000922 

 Nous autres sommes de pauvres gens, nous naissons en la plus grande misere qui se puisse voir, car nous sommes comme des bestes qui n'avons en nostre enfance ni discours ni rayson.

  A009000922 

 Nous sommes certes comme des mouches, nous naissons comme des petits vers foibles et impuissans; mais la sacrée Vierge naist comme nostre Reyne, avec l'usage de rayson, et en cette naissance elle fait desja les mesmes renoncemens qu'elle fit puis apres avec tant de perfection..

  A009000924 

 Il faut avoir bon courage pour entreprendre ce combat; mais pour nous y animer, jettons les yeux sur nostre Chef et souverain Capitaine et sur nostre capitainesse la sacrée Vierge..

  A009000924 

 Qui est cet ennemy dont parle saint Paul? C'est la chair que nous portons tousjours avec nous, et soit que nous beuvions, soit que nous mangions ou que nous dormions, tousjours cette chair nous accompagne et tasche de nous tromper.

  A009000925 

 Et quoy que sa chair sacrée fust tres sujette à l'esprit et ne fist jamais aucune rebellion, si est-ce qu'il n'a pas laissé de la mortifier, pour nous donner exemple et nous enseigner comme nous devons traitter la nostre qui repugne à l'esprit.

  A009000925 

 La leçon que nostre cher Maistre nous donne en cecy est que nous ne transformions point [348] nostre esprit en chair pour puis apres mener une vie brutale et non humaine, mais que nous transformions nostre chair en esprit pour mener une vie toute spirituelle et divine.

  A009000925 

 O Dieu, si Nostre Seigneur a traitté si rudement sa chair tres sainte, qui n'avoit aucune mauvaise inclination, nous qui en avons une tant desloyale, traistreuse et maligne, refuserons-nous et serons-nous lasches à la mortifier pour l'assujettir à l'esprit? Et, voyant ce que fait nostre Chef et Capitaine, serons-nous des soldats couards et foibles de courage?.

  A009000929 

 Des deux autres on en vient encores à bout, mais de celuy cy il s'agit de se quitter soy mesme, c'est à dire son propre esprit, sa propre ame, son propre jugement, voire en des choses bonnes et qui mesme semblent estre meilleures que celles qu'on nous ordonne, pour s'assujettir en tout à la conduite d'autruy, c'est icy où il y va du bon.

  A009000930 

 Or, ce grand Apostre n'est pas arrivé à cette parfaite abnegation de soy mesme sans avoir souffert beaucoup de peines et convulsions en son esprit; l'Escriture nous le tesmoigne.

  A009000931 

 Les devots qui sont dans le monde font en quelque maniere les deux premiers renoncemens dont nous avons parlé, mais pour celuy cy, o certes, il se fait seulement en Religion; car bien que les seculiers renoncent au monde et à la chair et qu'ils s'assujettissent en certaine façon, ils retiennent tousjours quelque chose, et tous se reservent au moins la liberté du choix des exercices spirituels.

  A009000932 

 O Dieu, quelle abnegation est celle cy! Il est vray que le cœur tendrement amoureux de cette dolente Vierge estoit transpercé de vehementes douleurs; et qui pourroit [352] exprimer les peines et convulsions qui se passoyent alors dans ce cœur sacré! Neanmoins nous voyons qu'il suffit à cette sainte Dame de sçavoir que c'estoit la volonté du Pere eternel que son Fils mourust et qu'elle le vist mourir, pour la faire tenir debout au pied de la croix comme aggreant et acceptant cette mort..

  A009000933 

 Et bien que la bonté de Nostre Seigneur soit si grande que de faire quelquefois gouster la douceur de sa Divinité, accordant quelque grace et faveur aux ames, si est-ce que pour cela nous ne nous devons point oublier des amertumes qu'il a souffert pour [353] nous en son humanité; car je l'a y dit et le diray et ne me lasseray jamais de le redire, la Religion «est un mont de Calvaire» où il se faut crucifier avec Nostre Seigneur et Maistre pour regner «avec luy.».

  A009000933 

 L'escorce nous represente le bois de la croix sur lequel Nostre Seigneur a esté attaché et tellement pressé qu'il a jetté l'huile de misericorde; il a aussi esclairé en telle sorte qu'il a delivré le monde de ses tenebres et ignorances.

  A009000933 

 Le noyau, qui non seulement est doux et bon à manger, mais qui estant broyé est encores propre à faire de l'huile pour esclairer et illuminer, nous signifie la Divinité.

  A009000933 

 Saint Augustin, parlant de la verge de Jessé, apres avoir fait un long et beau discours que je ne rapporteray pas à cause de sa longueur, car il nous faudroit du temps infiniment, dit que cette verge ressembloit à l'amande; ce qu'il applique à Nostre Seigneur.

  A009000934 

 Mais pour finir par le glorieux saint Nicolas Tolentin, je vous diray qu'ayant fait ces trois renoncemens dont nous avons parlé et s'estant bien crucifié en la Croix de nostre Sauveur, il voulut qu'à l'heure de sa mort on luy apportast ce bois sacré; puis, le voyant et l'embrassant il s'escria, comme un autre saint André: «O bonne Croix, o Croix tant desirée, o Croix, je te salue!» O Croix unique, o Croix pretieuse, sur laquelle demeurant et m'appuyant comme sur un baston tres asseuré, je passe à pieds secs la mer tempestueuse de ce monde.

  A009000935 

 Si vous avez fidellement gardé vos Regles, le Sauveur viendra asseurement vous recevoir à l'heure de vostre mort avec la sacrée Vierge, sinon visiblement, car il ne le faut pas desirer, du moins invisiblement pour vous introduire en la vie eternelle, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000942 

 L'honneur que la sainte Eglise a tousjours porté à la sacrée Vierge a esté cause qu'outre les festes qu'elle solemnise le long de l'année, elle en fait encores une particuliere qui est celle que nous celebrons aujourd'huy; je veux dire que l'Eglise, pour monstrer le grand honneur et amour qu'elle professe pour cette sainte Dame, luy dedie le samedi de chaque semaine quand en iceluy il n'escheoit point de feste double..

  A009000945 

 J'ay desja plusieurs fois, et mesme en ce lieu icy, parlé sur ce sujet, mais il me reste quelques choses à dire qui me semblent bien à propos touchant l'action que nous allons faire à present.

  A009000945 

 Laissant donques les premieres paroles prononcées par Nostre Seigneur pour considerer la derniere, je diviseray ce mien discours en trois points: au premier nous verrons que c'est qu'ouyr la parole de Dieu; au second, comme il la faut garder; au troisiesme, comment sont bienheureux ceux qui l'oyent et qui la gardent..

  A009000946 

 Ce n'est pas que l'on n'entende bien les semonces qui nous sont faites tant par les predicateurs que par les Superieurs; l'on en est mesme quelquefois touché, mais pour la pluspart des Chrestiens ces enseignemens ne font que passer par une oreille et sortir par l'autre..

  A009000946 

 Certes, nous les devons escouter avec beaucoup de reverence et attention, comme aussi nos Superieurs et toutes personnes inspirées et esclairées de l'Esprit de Dieu, par lesquelles il nous signifie ses volontés et son bon playsir.

  A009000946 

 La premiere c'est par le moyen des hommes qui ont [356] l'intelligence et connoissance de la Sainte Escriture, comme les docteurs et predicateurs qui journellement nous preschent et annoncent la divine parole, la laideur du vice et la beauté de la vertu.

  A009000946 

 Quant au premier, Dieu a coustume de nous enseigner sa volonté et faire entendre sa parole en trois façons.

  A009000947 

 Il est vray que nous sommes Chrestiens, mais helas, nous nous contentons d'en porter le nom sans ouyr comme tels cette parole sacrée, car nous y apportons si peu d'attention, de foy et de devotion qu'elle ne peut faire ses effects dans nos cœurs.

  A009000947 

 O Dieu, d'où vient qu'ils produisent si peu de fruits? car nous sommes Chrestiens, disons-nous, et comme tels nous escoutons de la voix des hommes la parole divine.

  A009000947 

 Pourtant nous croyons ce qu'on nous dit.

  A009000947 

 Sans doute, ce nom de Chrestien veut que nous y croyions; cependant cette croyance et cette foy est toute endormie; voyla pourquoy ce qu'on nous presche et enseigne ne nous profite point.

  A009000949 

 Il entretient Moyse cœur à cœur et luy enseigne ce qu'il doit faire touchant la conduite des Israelites, et en tant d'autres choses desquelles il l'instruisoit si clairement et confidemment, tantost par ses Anges, comme nous avons dit, et tantost par luy mesme.

  A009000951 

 Et quoy, dit-il, vous vous estonnez que l'Empereur qui n'est qu'un homme comme un autre m'ayt escrit et envoyé un de ses ambassadeurs, et vous ne vous estonnez point que Nostre Seigneur nous parle dans la Sainte Escriture? Voire, non content de cela, il nous envoye ses messagers, qui sont ses Anges, pour nous faire entendre ses volontés, et de plus il vient encores luy mesme s'incarner et demeurer sur cette terre pour nous enseigner en propre personne.

  A009000951 

 Helas! qui est-ce qui nous couvre les yeux de fange, pour n'admirer point ces merveilles et pour nous estonner si fort de ce que font les hommes à l'endroit de leurs semblables? Cet estonnement de saint Antoine ne procedoit d'autre cause sinon de la connoissance qu'il avoit du grand bien et honneur qui nous revient d'entendre la parole de Dieu.

  A009000952 

 Et comment? Dans la bouche de nostre ame qui n'est autre que les oreilles du corps par lesquelles elle vient jusqu'à nous; car tout ainsy que l'on ne sçauroit manger les viandes corporelles sans les avoir premierement receuës dans la bouche, aussi ne sçaurions-nous mascher, c'est à dire mediter la parole de Dieu, sans l'avoir bien ouye.

  A009000954 

 Voyez-vous, pour que les viandes nous profitent il faut faire une bonne digestion par le moyen de laquelle elles aillent en l'estomach et se convertissent en sang, qui passant par toutes les veines se change puis apres en nous mesme.

  A009000955 

 Il faut donques bien digerer ce que nous meditons, en tirant de bons desirs, de bonnes affections et resolutions, lesquelles nous cacherons ensuite en un coin de nostre cœur pour nous en servir aux occasions et les prattiquer en toutes sortes [361] de rencontres, en telle sorte que nous ne soyons plus nous mesme, mais que les affections et resolutions prises en l'oraison paroissent en toute nostre vie..

  A009000955 

 Saint Bernard veut dire qu'il ne suffit pas de bien escouter et mediter la parole de Dieu, mais qu'il faut encores la digerer et la changer ainsy en nous mesme.

  A009000956 

 O Dieu, que nous serions heureux si estans appellés à une vocation nous meditions et digerions tellement son excellence, que par la grande estime que nous en ferions et le grand amour avec lequel nous pratiquerions nos Regles et Constitutions, nous vinssions à la convertir en nostre propre substance, en sorte que, laissant d'estre ce que nous sommes, nous devinssions nostre vocation mesme! O que bienheureux sont ceux qui oyent la parole de Dieu et la gardent!.

  A009000957 

 L'experience journaliere nous en fait foy, car nous voyons tant de saints personnages qui vivent tres longuement parmi de grandes penitences et austerités.

  A009000957 

 Lors que Dieu punit les hommes par le fleau de la famine, nous voyons que quoy qu'ils mangent une grande quantité de pain ils ne sont point rassasiés, d'autant que la benediction de Dieu n'est pas sur iceluy; mais pour peu qu'il y ayt de pain beni par le Seigneur il rassasie l'homme.

  A009000959 

 Il est vray, c'est en cecy que consiste la beatitude tant en cette vie comme en l'autre, puisque nous ne serons bienheureux qu'autant que nous nous serons convertis en cette divine parole.

  A009000960 

 O non certes, les hommes ont beau nous exciter; qu'ils fassent tout ce qu'ils pourront, qu'ils employent toute leur rhetorique et philosophie pour persuader à une ame d'entrer en Religion, de faire choix d'une vocation, tout leur travail sera inutile; il faut que Dieu touche et parle à ce cœur.

  A009000961 

 En fin, si nous travaillons fidellement pendant cette vie en entendant et gardant la parole de Dieu, comme nous avons dit, nous serons bienheureux non seulement en icelle, mais beaucoup plus en l'autre, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000961 

 Nostre regle n'est autre que la volonté de Dieu, à laquelle nous devons ajuster la nostre en la renonçant et mortifiant.

  A009000961 

 On ne le fait pas sans peine, mais certes les roses ne se trouvent pas sans espines, et nous ne devons pas craindre de nous piquer pour cueillir ces belles roses parmi les difficultés, car puis apres, elles s'espanouiront et jetteront une odeur qui nous resjouira tout le cœur.

  A009000967 

 Cette communion se peut comprendre et expliquer en diverses façons, comme nous voyons en la Sainte Escriture; mais nous vous monstrerons qu'elle se doit sur tout entendre de deux sortes d'amours lesquels se declarent beaucoup mieux quand on parle de ce qui concerne Nostre Seigneur que non pas les creatures.

  A009000967 

 Comment donques ferons-nous pour l'aymer d'un amour de bienveuillance? Nous ne pouvons exercer ces actes que par imagination de chose impossible, comme en luy disant que si nous luy pouvions souhaitter plus de gloire et de perfection qu'il n'en a, nous le luy desirerions et procurerions s'il estoit en nostre pouvoir.

  A009000967 

 Et voyla comme par tels moyens nous exerçons l'amour de bienveuillance envers Nostre Seigneur..

  A009000967 

 La complaisance nous fait resjouir de ce qu'il est infini, immense, d'une perfection incomprehensible, en un mot de ce qu'il est Dieu, prononçant avec un vif ressentiment ces paroles de David: J'ay dit: Vous estes mon Dieu; et je m'en suis resjoui.

  A009000967 

 Par l'amour de complaisance nous nous complaisons au bien que possede celuy que nous aymons, et par l'amour de bienveuillance nous luy en desirons lus qu'il n'en a. On peut aymer Dieu de ces deux manieres.

  A009000968 

 Cette charité n'est autre que la communion des Saints, et quand nous mourrons nous serons plus unis avec eux que nous ne sommes pas avec les plus chers amis que nous ayons ça bas en terre..

  A009000968 

 Mais revenons à nous mesmes, et voyons comment la communion des Saints, en laquelle nous croyons, se peut entendre par cet amour de complaisance et de bienveuillance.

  A009000968 

 Ne pensez pas que quoy que les Bienheureux soyent au Ciel et que nous soyons miserables mortels en terre, que cela empesche cette communion.

  A009000968 

 Nous n'avons tous qu'un mesme chef qui est Jesus Christ; or, nostre amour et union sont fondés en luy, comme donques la mort aura-t-elle le pouvoir de les rompre? Saint Paul disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Ni les Anges, ni les Vertus, ni le ciel, ni la terre, ni l'enfer ne nous pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000968 

 Quand nous disons: «Je crois en la communion des Saints,» cela monstre que leurs biens [367] nous sont communs, c'est à dire que nous participons à tous les biens qu'ils ont au Ciel, et que les Saints participent aux petits biens que nous autres mortels avons icy bas.

  A009000969 

 C'est pourquoy aujourd'huy nous faisons la feste de tous en general, non seulement des Saints, mais encores des Seraphins, des Cherubins, et de tous les Anges, lesquels se resjouissent en cette solemnité, louant Dieu des graces qu'il a octroyées aux Bienheureux que nous festons.

  A009000969 

 L'Eglise participe à cette joye, et nous invite à nous resjouir en ce jour et à louer le Fils de Dieu à cause des Saints..

  A009000969 

 Les biens auxquels nous participons par ce moyen sont inexplicables, tant à cause de leur grandeur que de la multitude innombrable d'Anges et d'ames bienheureuses qu'il y a dans la gloire.

  A009000970 

 C'est cette complaisance qui fait la communion des Saints, car à mesure que nous nous complaisons aux biens qu'ils ont nous en sommes faits participans, la complaisance ayant cette vertu de tirer à soy la chose aymée pour se la rendre propre.

  A009000970 

 Considerant cette Hierusalem celeste et voyant en icelle ces ames bienheureuses jouissantes d'une si grande gloire et felicité, hors des perils et dangers de ce monde où nous sommes encores nous autres mortels, nous devons produire des actes de complaisance, nous resjouissant et complaisant en leur gloire et felicité comme si nous en jouissions nous mesmes.

  A009000970 

 Nous voyons en effect qu'une personne en aymant une autre de cet amour attire à soy le bien qui se trouve en elle, car il est impossible d'aymer en cette sorte sans avoir la participation et communion aux biens de ceux qu'on ayme..

  A009000970 

 Or, pour nous bien resjouir et entrer en l'intention de l'Eglise, il faut exercer l'amour de complaisance et de bienveuillance à l'endroit des Saints qui sont au Ciel, puisque nous le pouvons aysement faire.

  A009000972 

 L'amour de bienveuillance envers iceux se peut aussi pratiquer sans difficulté; car bien qu'ils soyent tous rassasiés et contens en la beatitude qu'ils possedent et que nous ne puissions accroistre leur gloire essentielle, laquelle consiste à voir Dieu face à face et à l'aymer souverainement, si est-ce que nous leur pouvons causer un accroissement de gloire accidentelle et partant pratiquer l'amour de bienveuillance.

  A009000972 

 Nous pouvons leur souhaitter et desirer les biens qu'ils n'ont pas encores, à sçavoir la resurrection de la chair, la reunion avec leurs corps, car en cette reunion consiste une partie de leur gloire; non pas de l'essentielle, qui appartient à l'ame, car celle cy ne sera point accreuë par la resurrection de la chair, mais de l'accidentelle, qui appartient au corps aussi bien qu'à l'ame..

  A009000973 

 Les Saints sont des hommes comme nous, composés d'ame et de corps.

  A009000973 

 Nous disons donc que l'homme est composé d'ame et de corps; et, bien que la mort, qui est entrée au monde par le peché, les separe, cependant nous esperons et croyons en «la resurrection de la chair,» par laquelle nos miserables corps seront reunis à nos ames, et par cette reunion ils participeront à leur gloire et felicité, ou à leur peine et condamnation eternelle.

  A009000974 

 (Dieu desire de sauver tout le monde. C'est à nous de nous servir de la liberté qu'il nous a donnée pour choisir le Paradis ou non, cela depend de nous; que si nous le choisissons, il nous octroye suffisamment de graces pour y parvenir.) Vostre royaume nous advienne.

  A009000974 

 C'est pourquoy nous vous demandons la resurrection generale, apres laquelle ceux qui sont au Ciel et nous autres mortels souspirons..

  A009000974 

 Car que signifient ces paroles: Vostre royaume nous advienne, sinon que nous representons le desir que nous avons de la reunion des ames avec leurs corps? Comme si nous disions: Seigneur, vostre royaume est desja venu, il est fait et preparé pour les Saints, il est preparé pour tous; et non seulement pour tous ceux qui sont saints, mais encores pour ceux qui ne le sont pas.

  A009000974 

 Elle fait aussi des actes de bienveuillance lors qu'elle leur souhaitte la resurrection de la chair, comme nous voyons qu'elle la demande par tant de Psalmes et Cantiques tirés de la Sainte Escriture.

  A009000974 

 Mais elle veut encor que tous ses enfans la desirent et demandent; ce que nous faisons tous les jours en l'Oraison Dominicale ou Pater noster, en laquelle nous souhaittons aux Saints cette resurrection.

  A009000974 

 Mais, vostre royaume nous advienne, c'est à sçavoir, ce royaume que vous avez fait pour les ames et pour les corps; que cette resurrection de la chair se fasse, car les Saints ont encores leurs corps en terre, et partant ils ne sont pas entierement glorifiés.

  A009000974 

 Quant à nous autres, qui sommes ça bas en terre, il nous est aussi desja advenu; car, Seigneur, vous nous en laissez le choix et disposition, et les justes le possedent par desir et esperance.

  A009000975 

 Outre ces actes de bienveuillance que nous exerçons a l'endroit des Saints, il y en a encores deux autres qui dependent immediatement de nostre cooperation, par [371] lesquels nous pouvons correspondre aux desirs qu'ils ont, et par cette correspondance leur causer une gloire accidentelle qu'ils n'auroyent point sans cela.

  A009000976 

 Et quoy que les louanges que nous donnons à Dieu doivent estre continuelles et invariables, neanmoins ce sera tousjours avec quelque pause; car il n'y a homme, pour saint qu'il soit, qui ose dire qu'il a sa volonté si collée et unie à celle de Dieu qu'il n'en peut point estre separé un seul moment ou distrait par aucun accident de cette vie, ni qui puisse tenir son cœur si attentif à louer Dieu, qu'il ne fasse quelque interruption en l'exercice de l'amour et benediction qu'il luy doit..

  A009000976 

 Mais quand nous disons qu'ils souhaittent que nous louions le Seigneur comme eux il ne faut pas entendre que ce soit en tout et par tout, parce qu'ils le benissent sans cesse, sans se reprendre ni discontinuer, et ils sçavent bien que, à cause de l'infirmité de nostre nature, nous ne le pouvons faire.

  A009000976 

 Or, les Saints nous ayment souverainement, et desirent que nous fassions ça bas en terre ce qu'ils font là haut au Ciel, c'est à dire que nous louions incessamment et perpetuellement Dieu.

  A009000977 

 Il y a un grand nombre de phrases et de passages en la [372] Sainte Escriture qui semblent exiger cela de nous.

  A009000977 

 L'Eglise, non plus que les Saints, ne pretend pas que nous louions tousjours le Seigneur sans intermission, ni moins encores que nous passions les nuits entieres ou tous les jours en prieres; ains tousjours signifie que nous le fassions le plus souvent que nous pourrons, que nous rejettions frequemment nos cœurs en luy, que nous le louions en quelque temps et heure de la nuit et du jour, comme il se fait en l'Eglise.

  A009000978 

 Les Saints desirent donques que nous le magnifiions en la terre comme ils font au Ciel, mais selon nostre condition et la portée de nos esprits; que nous chantions et souhaittions que tous chantent comme eux: Saint, Saint, Saint, et que tous correspondent à ses desirs.

  A009000978 

 Mais apres que nous avons correspondu à ce desir qu'ont les Bienheureux de nous voir louer le Seigneur, nous devons encores les congratuler eux mesmes de ce qu'ils sont Saints et benir Dieu en eux; et c'est icy un autre acte de bienveuillance en leur endroit.

  A009000978 

 Or, lors que nous faisons tels souhaits nous leur causons une gloire accidentelle, laquelle ils n'auroyent pas si nous ne magnifiions Dieu et si nous ne desirions qu'il le fust de tous.

  A009000979 

 Quand nous taschons de nous perfectionner de plus en plus, de procurer la sanctification [373] des autres, contribuant de nostre costé tout ce que nous pouvons, que nous desirons que tous louent et benissent Dieu, puisque tous le peuvent et doivent faire, que tous soyent saints, puisque tous le peuvent estre, nous causons une gloire accidentelle aux Bienheureux, laquelle ils n'auroyent pas sans cela.

  A009000979 

 Un autre acte de bienveuillance que nous pouvons exercer envers les Saints est de correspondre au desir qu'ils ont que nous devenions saints comme eux; et quand nous correspondons à ce desir nous leur donnons un surcroist de gloire.

  A009000980 

 La passion de l'amour est la premiere et la plus forte qui soit en l'ame; de là vient que l'amour nous rend tellement propre ce que nous aymons, que nous disons communement que les biens de la chose aymée sont plus à celuy qui ayme qu'à celuy qui les possede.

  A009000980 

 La sympathie est une certaine participation que nous avons aux passions de ceux que nous aymons; et cet amour d'imitation fait que nous attirons en nous les vertus ou les vices que nous voyons en eux.

  A009000982 

 Bien que nous ayons dit que cet amour d'imitation vient d'une certaine sympathie des uns avec les autres, il ne faut pas entendre neanmoins que les ambitieux de l'honneur et gloire humaine s'accordent mieux avec ceux qui sont coleres et fiers qu'avec ceux qui ne le sont pas.

  A009000983 

 Or, que l'amour nous rende semblables à ceux que nous aymons, cela se pourroit monstrer par mille exemples.

  A009000984 

 C'est ce que l'Eglise nous represente aujourd'huy quand en l'Evangile de la sainte Messe elle nous propose le sermon que Nostre Seigneur fit sur la montagne, où il parle des huit beatitudes.

  A009000984 

 Il s'addressa à ses Apostres pour nous faire voir que c'estoit pour eux et ceux qui les ensuivroyent qu'il prononçoit principalement la premiere et la derniere des beatitudes: Bienheureux les pauvres d'esprit, bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice; car ils devoyent pratiquer cette pauvreté d'une façon speciale, et souffrir plusieurs persecutions comme personnes dediées plus particulierement à Nostre Seigneur.

  A009000984 

 Or, ce n'est pas sans sujet que l'Evangeliste remarque qu' il ouvrit sa bouche sacrée, pour nous monstrer que sa divine Bonté nous vouloit dire quelque chose de grand, et nous enseigner une doctrine qui n'avoit point encores esté ouye.

  A009000984 

 Par l'amour d'imitation nous nous rendrons semblables à eux, imitant leur vie, aymant ce qu'ils ont aymé, faisant ce qu'ils ont fait, et taschant d'aller au Ciel par le chemin qu'ils ont suivi pour y [375] arriver.

  A009000988 

 Or, comme les Saints sont tous entrés au Ciel par la pauvreté d'esprit, par les larmes, par la misericorde, par la faim et la soif de la justice et autres beatitudes, l'Eglise nous propose ces beatitudes au jour de leur feste, nous invitant de les suivre et marcher apres leurs vestiges.

  A009000999 

 Je m'arresteray seulement à trois de leurs conceptions, à sçavoir: premierement, que signifie cette cuve et ce que nous devons entendre par icelle; deuxiesmement, pourquoy elle estoit entre les deux tabernacles; troisiesmement, que veulent representer les mirouers dont elle estoit environnée..

  A009001001 

 Je sçay bien qu'autre est la penitence à laquelle nous obligent les pechés mortels et autre est celle qu'il faut faire pour les veniels; toutefois elle est absolument necessaire pour les uns et pour les autres, et qui ne la fera en cette vie la fera indubitablement en l'autre.

  A009001001 

 Mais quant à nous autres, il est necessaire, comme j'ay dit, de faire penitence soit en ce monde ou en l'autre.

  A009001001 

 Quelques autres Peres tiennent que cette cuve represente la penitence, et ceux cy approchent de la verité encores de plus pres, ce me semble; car qu'est-ce autre chose la penitence sinon des eaux dans lesquelles il est du tout expedient que nous lavions nos pieds et nos mains, je veux dire nos œuvres et affections souillées et tachées de tant de pechés et imperfections? O mes cheres arnes, il est vray que la seule porte pour entrer au Ciel est la Redemption, sans laquelle nous n'y eussions jamais eu d'acces; mais à fin que cette Redemption nous soit appliquée il faut que nous fassions penitence.

  A009001002 

 Sans cela nous ne pouvons faire aucune oblation ni sacrifice; et moins encores pouvons-nous estre sauvés sinon en croyant cette doctrine chrestienne et nous formant selon icelle; c'est là que nous voyons ce que nous devons croire, demander et esperer.

  A009001003 

 Certes, un jour viendra où nous ressusciterons, et ces corps mortels que nous portons, maintenant sujets à la corruption, seront immortels, tout spirituels et reformés sur celuy de Nostre Seigneur.

  A009001003 

 Lors nous les verrons avec un contentement indicible, tout glorieux par leur reunion à l'ame avec laquelle ils n'auront plus aucun divorce ni rebellion, ains luy seront absolument sousmis et sujets.

  A009001003 

 Nous autres avons aussi deux tabernacles: l'un exterieur qui est ce corps que nous portons, et l'autre interieur, qui est l'ame par laquelle nous vivons.

  A009001004 

 Car bien que nous n'ayons pas besoin de miroüers comme ces dames hebreuses, pour mirer nos corps qui pourriront avec les chiens et autres animaux, neanmoins nous devons tous-jours avoir devant les yeux les mirouers des vertus et exemples des Saints pour former et dresser sur iceux toutes nos actions..

  A009001004 

 Ceux cy nous representent les exemples des Saints, qui ayans receu la doctrine chrestienne, l'ont pratiquée si parfaitement et au pied de la lettre, que nous pouvons dire que les histoires de leur vie sont autant de mirouers qui ornent et enrichissent cette cuve de la Loy evangelique.

  A009001004 

 Et tout ainsy que cette Loy les a ornés et enrichis, et que s'estans plongés dans icelle ils se sont purifiés et rendus capables d'offrir à la divine Bonté des sacrifices d'un prix et valeur inestimable, ils luy ont aussi, de leur costé, fait ce que faisoyent à cette cuve les mirouers des dames hebreuses et juifves; car ils l'ont embellie par la pratique des preceptes et conseils qu'ils ont puisés en icelle, nous laissant à imiter des admirables exemples, qui sont comme des mirouers dans lesquels nous [383] nous pouvons continuellement regarder.

  A009001005 

 Me voyci maintenant sur le sujet de la feste de nostre tres chere Mere et Maistresse que nous celebrons aujourd'huy; car, je vous prie, quel plus beau et pretieux mirouer vous sçauroit-on presenter que celuy-cy? N'est-ce pas le plus excellent qui soit en la doctrine evangelique? N'est-ce pas elle qui l'a le plus ornée et enrichie, tant par ce qu'elle mesme a prattiqué que par les exemples admirables qu'elle nous a laissés? Certes, il n'y a point de Saint ni de Sainte qui luy puisse estre parangonné, car cette glorieuse Vierge surpasse en dignité et excellence non seulement les Saints, mais aussi les plus hauts Seraphins et Cherubins.

  A009001006 

 Les theologiens nous asseurent que Nostre Seigneur jettant un rayon de sa lumiere et de sa grace dans l'ame de saint Jean Baptiste lors qu'il estoit encor aux entrailles de sainte Elizabeth, le sanctifia et luy [384] donna l'usage de rayson avec la foy, par laquelle ayant reconneu son Dieu dans le ventre de la tres sainte Vierge il l'adora et se consacra à son service.

  A009001012 

 La premiere est celle dont nous parlons à cette heure; l'autre est celle par laquelle on correspond promptement aux secrettes inspirations de Dieu lors que, se rendant tout à fait au premier mouvement et attrait d'icelles, en [387] quelque temps et aage que Nostre Seigneur nous appelle, l'on quitte tout pour le suivre..

  A009001013 

 C'est donques une grande feste que celle que nous celebrons aujourd'huy, en laquelle cette petite Pucelle s'est allée presenter au Temple en sa tendre jeunesse et à la premiere semonce de l'inspiration.

  A009001013 

 Nous lisons mesme qu'elle a tousjours esté celebrée des cathoques orientaux, bien qu'en Orient la solemnité s'en fust un peu refroidie; mais despuis que le Pape Sixte Quint l'a restablie, l'Eglise la solemnise et en fait l'office.

  A009001014 

 Mais vous me direz: Declarez-nous un peu comme et avec quelle perfection nostre divine Maistresse fit son offrande, à ce que nous l'imitions; car estans ses filles nous serons bien ayses de la suivre.

  A009001014 

 Voyez-vous, en cette feste nous n'avons point d'autre Evangile que celuy qui se lit toutes les fois qu'on fait l'office de Nostre Dame; or, vous trouverez en iceluy tout ce qu'il faut faire pour l'imiter.

  A009001015 

 Ce grand aumosnier Abraham fut estimé bien favorisé parce qu'en logeant les pelerins il eut un jour la grace d'avoir le Roy et Seigneur des pelerins en sa mayson, de manger avec luy et luy laver les pieds; comme n'estimerons-nous heureux ce ventre de la Vierge qui l'a logé non un jour ains neuf mois tout entiers, et ces mammelles qui l'ont nourri non de pain mais de lait, de la propre substance de cette glorieuse Vierge?.

  A009001025 

 Oh! quand on considere le cours de la tres sainte vie de cette Dame, je vous asseure qu'on a le cœur tout rempli de douceur et suavité; et quand on regarde les rares exemples qu'elle nous a laissés, l'on est tout [393] ravi en admiration.

  A009001026 

 Combien cette divine Mere nous a-t-elle laissé de merveilleux exemples de son obeissance à la volonté de Dieu! Voyez son mariage à saint Joseph, sa fuite en Egypte.

  A009001027 

 Tous les manquemens que nous faisons à l'obeissance procedent pour l'ordinaire du defaut de ces deux conditions.

  A009001029 

 Ce faisant, nous imiterons la glorieuse Vierge et nous rendrons totalement à Dieu..

  A009001029 

 D'où vient cela sinon de ce que nous ne regardons pas Dieu qui nous envoye le commandement, et que pour l'aggreer nous prenons garde si celuy qui nous l'apporte est vestu de vert ou de gris, et quelle est sa mine et contenance? Or, il ne faut pas faire cela, mais recevoir l'obeissance comme volonté divine, n'importe par qui elle nous soit signifiée, aymant Dieu qui ordonne, prenant ce commandement et le mettant sur nostre teste, c'est à dire dans le fond de nostre volonté, pour l'accepter et executer avec fidelité.

  A009001029 

 Quand nos Superieurs et ceux qui gouvernent sont à nostre goust, fantasie et inclination et selon nos humeurs, nous ne trouvons rien de difficile; mais s'ils ne sont pas selon nostre affection, les moindres choses ordonnées par eux nous sont rudes.

  A009001030 

 Ainsy, mes cheres Filles, vous venez faire vos renouvellemens comme Nostre Dame nous l'enseigne en cette Presentation; car bien qu'elle n'eust point besoin de se renouveller, d'autant que n'ayant point peché elle ne pouvoit descheoir, neanmoins la divine Providence permit pour nostre instruction qu'elle reconfirmast à ce jour le sacrifice qu'elle luy avoit fait en sa conception.

  A009001030 

 La terre mesme se lasse et ne veut pas faire ses productions, elle se repose en hiver; mais quand le printemps arrive elle se renouvelle, et nous nous resjouissons de voir qu'ayant repris sa vigueur elle nous fait amplement part de ses fleurs et de ses fruits.

  A009001030 

 Par vos renouvellemens, mes cheres Filles, vous allez reprendre de nouvelles forces et rebander tous vos arcs pour le service et dilection de Nostre Seigneur; car certes, tant que nous vivrons nous aurons besoin de nous renouveller et relever.

  A009001038 

 devons-nous en attendre un autre?.

  A009001041 

 L'Evangile que nous lisons à la Messe de ce jour est divisé en trois parties desquelles nous parlerons maintenant.

  A009001044 

 Pourquoy donques, disent nos anciens Peres, estant en prison et entendant parler des grans prodiges et miracles que faisoit nostre divin Maistre, envoye-t-il ses disciples pour sçavoir de luy quel il est, si c'est luy qui doit venir ou s'ils en attendroyent un autre? Certes, tous sont admirables à demesler cette difficulté, et si je vous voulois rapporter la multitude et varieté de leurs opinions sur ce sujet, il me faudroit employer beaucoup de temps qui nous desroberoit ce que nous avons à deduire pour nostre utilité.

  A009001046 

 Mais d'autant qu'il ne le fit pas, nous sommes tous demeurés tachés du peché de nos premiers parens, et par consequent sujets à la peine qu'il tire apres soy..

  A009001050 

 Mais lors qu'ils voulurent confirmer la merveille qu'ils leur faisoyent entendre ils leur dirent: Allez le voir, et alors vous croirez et tiendrez pour certain ce que nous vous annonçons; car il n'y a point de moyen ni de signe asseuré pour trouver Dieu que Dieu mesme.

  A009001051 

 Comme s'il vouloit dire: Je ne me contente pas de vous asseurer que c'est Celuy que nous attendons, mais je vous envoye à fin que vous soyez instruits par luy mesme.

  A009001051 

 Sçachez de luy s'il est le Messie promis ou si nous en devons attendre un autre.

  A009001053 

 La troisiesme raysort pour laquelle saint Jean envoya ses disciples à Nostre Seigneur fut à fin de les destacher de sa personne, de peur qu'ils ne vinssent à un si grand abus que de faire plus d'estat de luy que du Sauveur; car se plaignant à saint Jean comme ils se plaignoyent à Nostre Seigneur: Maistre, disoyent-ils, toy et nous tes disciples, avec les Pharisiens nous jeusnons, nous sommes mal vestus et faisons grande penitence; mais cet homme, ce grand Prophete qui opere tant de merveilles parmi nous n'en fait pas ainsy.

  A009001059 

 O admirable humilité de nostre cher Sauveur qui vient pour confondre nostre orgueil et destruire nostre superbe! On luy demande: Qui es-tu? Et il ne respond autre chose sinon: Dites ce que vous avez veu et entendu, pour nous apprendre que ce sont nos œuvres et non point nos paroles qui rendent tesmoignage de ce que nous sommes, et que nous sommes pleins d'orgueil..

  A009001060 

 En fin, ce sont nos œuvres ou bonnes ou mauvaises qui nous font ce que nous sommes, et c'est par icelles que nous devons estre reconneus..

  A009001061 

 C'est une grande misere qu'estans ce que nous sommes nous voulons neanmoins paroistre, et marchons sur la pointe des pieds à fin de nous faire voir à tout le monde.

  A009001061 

 Car en fin qui sommes-nous? Un peu de poudre et de cendre.

  A009001061 

 Ce n'est pas que je veuille entendre que quand on nous demande qui nous sommes il ne faille dire que l'on est Chrestien.

  A009001061 

 Disons donques librement que nous ne sommes rien, que nous ne pouvons ni ne sçavons rien.

  A009001061 

 Mais helas, que verra-t-on quand on nous verra? Un peu de poussiere et un corps qui sera bientost reduit en corruption..

  A009001061 

 O non certes, c'est le plus beau tiltre que nous nous puissions donner, et j'ay tousjours eu une particuliere devotion à cette grande sainte Blandine, qui fut martyrisée à Lyon et dont Eusebe rapporte la vie.

  A009001062 

 Certes, c'est une grande grace quand Dieu nous donne sa lumiere pour connoistre nostre misere, et c'est un signe de la conversion interieure.

  A009001062 

 O Dieu, quel plus grand aveuglement que le nostre! Estans si pleins d'abjection et misere, nous voulons cependant estre estimés quelque chose! Qui nous aveugle de la sorte sinon nostre amour propre lequel, outre qu'il est aveugle de soy mesme, aveugle encores celuy en qui il demeure? Ceux qui ont peint Cupidon luy ont bandé les yeux, disant que l'amour est aveugle.

  A009001063 

 Nous avons tous deux parties qui sont comme les deux jambes sur lesquelles nous marchons, à sçavoir, l'irascible et la concupiscible; et quand ces deux parties ne sont pas bien reglées ni mortifiées elles rendent l'homme boiteux.

  A009001064 

 Et la plus grande de toutes les miseres c'est qu'en cet estat l'on ne sçauroit nous toucher sans nous piquer jusques au cœur.

  A009001065 

 C'est je ne sçay quelle vaine complaisance en soy mesme et en ses actions laquelle fait qu'il nous semble n'avoir plus besoin de rien.

  A009001067 

 Aussi pouvons-nous dire avec verité que non seulement les pauvres sont evangelisés mais qu'ils ont evangelisé, Dieu se servant d'eux pour porter la verité par tout le monde..

  A009001068 

 Et nous voyons encores pour le jourd'huy combien ceux qui ont l'esprit grossier sont mesprisés des hommes de ce siecle, combien l'on se fasche et ennuye en leur conversation.

  A009001070 

 Il se faut attacher à la Croix de nostre Sauveur, la mediter, et porter en nous sa mortification.

  A009001072 

 La premiere, parce que ces bons disciples estoyent trop attachés à leur maistre; ils en estoyent tout en œuvre, et l'estime qu'ils en avoyent estoit si grande qu'ils l'avoyent preferé à Jesus Christ, lors qu'ils luy dirent: Toy et nous tes disciples nous jeusnons et faisons de grandes penitences, mais ce Prophete qui est parmi nous n'en fait pas.

  A009001075 

 En fin nous sommes variables et ne sçavons ce que nous voulons.

  A009001075 

 Il faut tant d'affaires pour nous bien faire prendre une parole qui n'est pas selon nostre gré, que par apres l'on ne peut remettre ce cœur; il y faut appliquer tant d'emplastres! [414] Mon Dieu, quelle pitié, et quelle bigearrerie est la nostre! O non certes, il n'y a point d'esgalité parmi nous, et toutefois c'est l'une des choses les plus necessaires qui soyent en la vie spirituelle.

  A009001075 

 Nous autres, au contraire, sommes variables, nous allons selon le temps et la saison.

  A009001075 

 Nous sommes des roseaux qui nous laissons emporter à toutes nos humeurs..

  A009001076 

 Mais je veux achever en disant du glorieux saint Ambroise, duquel nous commencerons cette nuit à celebrer la feste, ce que Nostre Seigneur dit de saint Jean Baptiste: Vous n'avez point veu un roseau dans le desert.

  A009001076 

 Si nous demandons à ce glorieux Saint: Tu quis es? Qui es-tu? Il nous sera sans doute respondu: Dites ce que vous avez veu et entendu.

  A009001078 

 Que si nous voulons sçavoir quels nous sommes, il nous faut regarder quelles sont nos œuvres, reformant ce qui n'est pas bien et perfectionnant ce qui est bon, à fin qu'imitant ces deux glorieux Saints en leurs vertus, nous jouissions avec eux de la gloire là haut au Ciel.

  A009001090 

 S'il faut en juger par toutes sortes d'arts, mestiers et professions, nous confesserons que la premiere et plus forte tentation c'est l'ambition, l'orgueil et l'outrecuidance.

  A009001092 

 Pourquoy? Hé, parce qu'elle nous est suggerée par nostre ennemy, et partant il ne s'y faut pas fier..

  A009001092 

 Quand l'ennemy est descouvert et qu'on voit que la tentation vient d'un adversaire, on doute que la chose qu'il nous dicte ou à quoy il nous [418] sollicite soit suspecte.

  A009001094 

 Voyla comme nous pouvons dire que l'ambition, l'orgueil et l'outrecuidance sont descendus du Ciel dans le paradis terrestre, et du paradis terrestre dans le monde, duquel ils ont fait un enfer terrestre.

  A009001098 

 Il estoit homme comme nous autres, il estoit [420] sujet à commettre des pechés veniels, et neanmoins il estoit arrivé à une telle humilité qu'il triomphe excellemment de l'orgueil et de l'ambition, repoussant et refusant d'accepter les dignités et honneurs qui luy estoyent presentés..

  A009001102 

 Combien fut grande cette tentation et combien grande aussi l'humilité avec laquelle il la repoussa! Mais remarquez, je vous prie, comme les envoyés des princes des prestres luy parlent: Nous sommes icy mandés de la part des Scribes et Pharisiens et de toute la republique pour vous dire que les propheties sont accomplies et que le temps est arrivé auquel nous doit venir le Messie.

  A009001102 

 En somme, nous croyons que vous estes le Messie promis.

  A009001102 

 Il est vray que nous voyons parmi nous beaucoup de personnes qui vivent bien et sont fort vertueuses, mais il nous faut confesser que nos yeux n'en ont point veu qui soyent semblables à vous ou desquelles nos cœurs goustent les œuvres comme nous goustons les vostres.

  A009001102 

 Que si cela est, nous vous supplions de ne point nous le dissimuler et cacher davantage, car nous sommes venus pour vous rendre l'honneur que vous meritez.

  A009001103 

 Je sçay bien que c'estoyent des erreurs; mais nous voyons ainsy le desir que Dieu avoit infus dans tous les cœurs de l'Incarnation de son Fils, de cette union de la nature divine avec l'humaine.

  A009001103 

 Les anciens Peres expliquans ces paroles disent qu'elles nous representent le desir que les Anges avoyent de l'Incarnation; d'autres tiennent que par icelles nous devons entendre le desir que Dieu avoit de toute eternité d'unir la nature humaine avec la divine, desir qu'il communiqua aux Anges et aux hommes, quoy qu'en differentes façons.

  A009001103 

 Salomon, au Cantique des Cantiques, nous foit entendre ce souhait par les paroles de l'Espouse: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche.

  A009001104 

 Or, ils demandent à saint Jean: Qui es-tu? n'es-tu point le Christ que nous attendons? Et il confessa et ne nia point qu'il ne l'estoit pas.

  A009001105 

 Nous autres nous sommes tant soigneux de bien recevoir les honneurs qui nous sont faits; cette nature humaine va tant retirant à soy tout ce qui est à son advantage, l'on est si amoureux des dignités et preeminences! O Dieu, disons-nous à ceux qui nous flattent, il est vray, j'ay receu telle grace, cela est bien en moy; [423] mais c'est une faveur de Dieu, c'est un effect de sa misericorde, et telles autres paroles.

  A009001105 

 Nous faisons tout au contraire de ce que fit le glorieux saint Jean qui ne se contenta pas de rejetter celle qui ne luy appartenoit pas, ains encores il refusa celle qu'il pouvoit justement recevoir..

  A009001106 

 Certes, il pouvoit respondre qu'il l'estoit, car bien qu'il ne fust Elie en propre personne il estoit neanmoins venu en l'esprit d'Elie; et cela se pouvoit dire de luy comme nous disons encores aujourd'huy parmi nous: Celuy là a l'esprit d'un tel; ou: Il fait telle chose poussé d'un tel esprit.

  A009001107 

 Les Juifs donques entendans cette seconde negation le rechargent d'une troisiesme demande: Si tu n'es ni le Christ ni Elie, tu es pour le moins quelque grand Prophete; tu ne nous sçaurois nier cette verité, car tes oeuvres en font foy et nous en donnent de suffisantes preuves et tesmoignages.

  A009001109 

 Neanmoins voyant qu'en ce sens que nous avons dit, il pouvoit asseurer qu'il ne l'estoit pas, pour eviter l'honneur qu'on luy vouloit rendre, honneur qui devoit estre deferé à Dieu seul, il respondit: Je ne le suis pas.

  A009001111 

 Or ces ambassadeurs tout estonnés repartirent: Si tu n'es pas le Christ, ni Elie, ni Prophete, pourquoy est-ce que tu baptises, pourquoy as-tu des disciples et fais-tu des œuvres si merveilleuses? En quel esprit les fais-tu? Certes, tu as beau te cacher et dissimuler, tes œuvres nous font bien voir que tu es quelque chose de grand, c'est pourquoy dis-le-nous, à fin que nous sçachions ce que nous rapporterons à ceux qui nous ont envoyés.

  A009001113 

 Et voyla comme nous nions estre coulpables de la faute que nous accusons..

  A009001114 

 Il n'en faut pas faire ainsy, ains il se faut confesser clairement et nettement, mettant la faute dessus nous, nous tenans pour vrayement coulpables, sans nous mettre en souci de ce que l'on dira ou pensera.

  A009001114 

 Voyla ce que je suis, devons-nous dire.

  A009001117 

 En quoy nous voyons combien l'humilité est requise pour resister aux tentations et eschapper aux filets du diable.

  A009001117 

 Nous vous en parlerons Dimanche prochain, car l'heure est passée..

  A009001120 

 Il ne doit pas seulement estre regardé des prelats et predicateurs, mais encores des Religieux et Religieuses qui doivent considerer son humilité et mortification pour estre, à son exemple, des voix les uns parmi les autres, criant que l'on prepare les voyes et que l'on applanisse le chemin du Seigneur, à ce que, le recevant en cette vie, nous jouissions de luy en l'autre, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009001138 

 Et c'est là où nous en demeurasmes..

  A009001141 

 Nous sommes enseignés par là que lors que Dieu depart quelque charge à ceux qu'il a choisis pour son service, comme sont les predicateurs, ils doivent soigneusement s'appliquer à leur devoir et communiquer aux autres ce qu'ils ont receu et ce que Dieu leur a donné pour ce sujet.

  A009001143 

 Donques, si cela est, comment osons-nous remettre l'execution et la prattique de ce que nous avons ouy qui doit servir à nostre conversion, puisque de ce moment auquel nous entendons ce qui est propre à nostre amendement depend toute nostre vie? Voyla la premiere rayson pour laquelle nous ne profitons pas des choses qui nous sont dites et enseignées..

  A009001143 

 Hé, pauvres gens que nous sommes, ne voyons-nous pas bien que ces remises sont la cause de nostre mort et de nostre ruine, et que nostre bien consiste en ce jourd'huy? La vie de l'homme est ce jourd'huy auquel il vit; car qui se peut promettre qu'il vivra jusques au lendemain? O certes, personne quel qu'il soit.

  A009001143 

 Nostre vie consiste en ce jourd'huy, en ce moment que nous vivons, et nous ne nous en pouvons promettre ni asseurer d'autre que celuy dont nous jouissons, pour brief qu'il puisse estre.

  A009001144 

 Hé, pauvres gens, que voulez-vous faire de tout cela? Oh, nous voulons user de prevoyance, nous le trouverons à nostre besoin; quand nous serons vieux nous nous en sçaurons bien servir.

  A009001145 

 Et quels sont ces vers sinon les vifs et puissans remords de conscience qui piqueront et rongeront l'ame au souvenir et à la veue de tant de moyens et d'occasions qu'on a eus de servir Dieu? Quels remords de conscience aura-t-on à l'heure de la mort, voyant le nombre de documens, advis et instructions qui nous ont esté donnés [436] pour nostre perfection! Ce seront les plus grandes douleurs que l'on ressentira que celles cy.

  A009001145 

 Voyla comme l'avarice spirituelle est la seconde rayson qui nous empesche de profiter de la parole de Dieu; cela soit dit seulement pour introduction à mon discours.

  A009001146 

 Nous prendrons pour l'explication de ces paroles celles qu'Isaïe dit aux Israelites au quarantiesme chapitre de ses propheties, lesquelles sont les plus douces et aggreables qui se puissent entendre.

  A009001150 

 C'est pour cela qu'en tant et tant d'endroits de la Sainte Escriture Dieu nous recommande la fidelité à suivre les bons mouvemens, lumieres et inspirations; en quoy certes reluit la grandeur de sa misericorde..

  A009001151 

 En somme, le monde estoit arrivé au plus haut point de sa malice; [439] et ce fut alors que Dieu vint pour le racheter et nous delivrer de la tyrannie du peché et servitude de nostre ennemy, sans estre esmeu à ce faire que par son immense bonté qui le porta à se communiquer en cette sorte..

  A009001153 

 Neanmoins nous en voyons tous les jours de semblables effects.

  A009001155 

 Voyla donc comme nous devons entendre les parolles d'Isaïe..

  A009001156 

 Certes, il est vray que la meilleure disposition pour l'avenement du Sauveur c'est de faire penitence; il faut tous passer par là, et comme nous sommes tous pecheurs, aussi avons-nous tous besoin de cette penitence.

  A009001156 

 Mais cela est trop general, il nous faut toucher quelques particularités d'icelle..

  A009001156 

 Puisque le Seigneur est proche que faut-il faire pour se preparer à cet avenement? Saint Jean le nous enseigne en ses predications, disant: Faites penitence, car le Seigneur est proche.

  A009001157 

 Saint Jean nous en marque en nostre Evangile.

  A009001158 

 Les vallées que le glorieux saint Jean veut que l'on remplisse ne sont autres que la crainte, laquelle, quand elle est trop grande, nous porte au descouragement par les regards sur les pechés commis.

  A009001161 

 Il faut redresser tant d'intentions sinistres et obliques, pour n'en avoir qu'une, celle de plaire à Dieu en faisant penitence; ce doit estre le but auquel nous devons viser.

  A009001161 

 Oh, disent elles, Dieu est si bon et misericordieux, nous nous arrangerons bien avec luy; donnons-nous seulement du bon temps, puis à l'heure de la mort nous dirons un bon peccavi et Dieu nous pardonnera.

  A009001161 

 Tout ainsy que le marinier, quand il conduit sa nacelle a tousjours l'œil sur l'aiguille marine, et que ceux qui conduisent ces petites barques tiennent tousjours le timon, de mesme devons-nous avoir sans cesse l'œil ouvert pour embrasser les actes de la penitence et pour nous y exercer.

  A009001163 

 En somme, qu'est-ce que l'on voit parmi nous? Rien autre chose que bigearrerie et inesgalité..

  A009001163 

 O Dieu, que ce seroit une chose amiable et suave de voir en un homme cette esgalité d'humeur! Nous en sommes tant esloignés, nous sommes si variables et inconstans! L'on trouvera des personnes qui estans de bonne humeur sont encores d'une conversation aggreable; mais tournez la main, vous les trouverez chagrines et inquietes.

  A009001164 

 Ce sont les chemins que nous devons redresser pour l'avenement de Nostre Seigneur; et pour le bien faire, il nous faut aller à l'escole du glorieux saint Jean Baptiste, et nous mettre, ou plustost le prier de nous recevoir, au nombre de ses disciples; car voyez-vous, ce grand Saint les envoya au Sauveur pour estre instruits de luy, il les remit entre ses mains et Nostre Seigneur les garda, car apres la mort de saint Jean ils furent ses disciples.

  A009001164 

 Si donques ce glorieux Precurseur nous reçoit, il nous remettra entre les mains de nostre Sauveur, qui à son tour nous remettra entre celles du Pere eternel, lequel nous louerons à toute eternité avec iceluy et le Saint Esprit.

  A009001169 

 De là vient que lors qu'on considere ces mysteres l'on fait souvent des erreurs; car, comme pouvons-nous mediter ce que nous ne connoissons pas? C'est pour cela qu'en ces maysons l'on enseigne le catechisme aux novices, à ce qu'elles sçachent ce qu'elles doivent croire et comme elles doivent entendre ce qu'elles meditent.

  A009001169 

 Nous faisons aujourd'huy la feste de l'attente de l'enfantement de la glorieuse Vierge, c'est à dire nous attendons la venue et naissance de nostre cher Sauveur et Maistre.

  A009001169 

 Pour ce faire, je diviseray mon discours en trois points: au premier nous verrons qui a fait le mystere de l'Incarnation; au second, [447] que c'est que l'Incarnation; au troisiesme, pourquoy l'Incarnation a esté faite..

  A009001170 

 Les anciens Docteurs, particulierement saint Bonaventure, rapportent plusieurs similitudes de cecy pour nous le faire entendre; mais pour vous le rendre plus intelligible je l'accommoderay à nostre façon.

  A009001170 

 Premierement, nous sçavons que c'est le Pere qui nous a donné son Fils, car nous lisons que Dieu a tant aymé le monde qu'il luy a donné son Fils unique.

  A009001171 

 C'est ainsy que nous pouvons entendre comment les trois Personnes de la tres sainte Trinité se sont aydées au mystere de l'Incarnation, quoy qu'il n'y ait eu que le Fils qui se soit revestu de nostre nature.

  A009001172 

 Je sçay bien que c'estoit aussi une figure de l'Eucharistie, ainsy que le disent nos anciens Peres; cependant, entre ce mystere et celuy de l'Incarnation il n'y a que cette difference, qu'en la Nativité l'on voit Dieu incarné en sa propre personne, et en l'Eucharistie nous le voyons en une forme plus couverte et en une façon plus obscure.

  A009001172 

 Or, nous voyons en luy trois substances: le corps, la nature divine et l'ame; mais nous ferons mieux entendre cecy par des similitudes.

  A009001175 

 Ce pain nous represente la troisiesme substance de Nostre Seigneur, qui est une substance partiale laquelle sans doute est venue de la terre, puisque sa chair tres sainte fut formée du sang de Nostre Dame..

  A009001175 

 Or le pain vient de la terre, cela est tout clair et manifeste; car le blé que nous nommons froment croist de la terre, et c'est d'iceluy que l'on fait le pain.

  A009001180 

 Or, comme le fer que l'on tire de la fournaise ne s'appelle plus fer seulement, ains fer embrasé, et le feu, un feu enferré, aussi disons-nous qu'en l'Incarnation Dieu est humanisé et l'homme divinisé.

  A009001181 

 C'est une chose admirable que de l'esprit humain! Il dit donques au Seigneur: Je prendray une toison, c'est à sçavoir une tonsure de mouton ou de brebis, et l'estendray sur la plate terre; si la rosée vient à tomber dessus et que le matin je trouve la toison toute trempée sans que la terre soit mouillée, je tiendray cela pour un signe tres certain que vous me serez favorable et que [454] nous aurons la victoire sur nos ennemis.

  A009001183 

 Cette similitude nous represente bien l'union de la nature humaine avec la divine.

  A009001184 

 Le troisiesme point est celuy-cy: Pourquoy l'Incarnation a-t-elle esté faite? Pour nous enseigner à vivre non plus brutalement comme l'homme avoit vescu despuis la cheute d'Adam, mais avec et selon la rayson.

  A009001184 

 Nostre Seigneur vient en effect nous enseigner l'abstinence et sobrieté des biens, honneurs et commodités de ce siecle, [456] à fouler aux pieds tout cela pour embrasser le contraire.

  A009001186 

 Or, le Sauveur s'est incarné pour nous enseigner aussi la sobrieté spirituelle, qui consiste en la soustraction et privation volontaire de toutes les choses delectables et aggreables qu'il pouvoit avoir et recevoir en cette vie; car il se chargea volontairement et de son plein gré de tous les travaux et tribulations, pauvreté et mespris qui se peuvent endurer en ce monde.

  A009001187 

 Il se priva dès lors, par une entiere soustraction, de toutes les consolations qu'il pouvoit recevoir en cette vie, ne se reservant que celles dont il ne se pouvoit priver, faisant que la partie inferieure de l'ame souffrist et fust sujette pour nostre salut et redemption aux tristesses, peines, craintes, apprehensions et frayeurs; et tout cela, non par force ni pour ne pouvoir faire autrement, mais volontiers et de son plein gré à fin de nous monstrer son amour..

  A009001187 

 O que nous serions heureux si nous lisions bien dans ce livre et que toute nostre preoccupation fust d'accomplir la volonté de Dieu par le renoncement et entiere abnegation de la nostre, n'ayant d'autre soin que de l'ajuster à la sienne! Ce seroit le moyen d'obtenir de sa Bonté tout ce que nous voudrions, car celuy qui n'a autre souci que de faire la volonté divine obtient d'elle tout ce qu'il requiert, et à mesure qu'il accomplit cette sainte volonté, Dieu fait la sienne ainsy qu'il est escrit: Le Seigneur fait la volonté de ceux qui le craignent, comme vous avez veu qu'il fit tout ce que voulut Gedeon quand il luy demanda un signe.

  A009001188 

 Certes, ce n'est pas que toutes ces souffrances fussent [458] necessaires pour nous sauver, car un seul acte d'amour, un seul souspir amoureux sortant de son sacré cœur estoit d'un prix, d'une valeur et d'un merite infinis.

  A009001188 

 Neanmoins nostre cher Maistre ne voulut pas nous racheter par un seul souspir, mais pour ce faire il a voulu souffrir mille peines et travaux, payant en toute rigueur de justice nos fautes et iniquités, nous enseignant par son exemple cette sobrieté spirituelle, cet esloignement de toutes consolations pour vivre selon la rayson et non selon nos appetits et affections..

  A009001190 

 Certes, c'est une grande pitié que l'on voye Nostre Seigneur tant souffrir, se soustraire à tous les playsirs et consolations qu'il pouvoit recevoir parmi ses souffrances, ne se servant que de ce dont il ne se pouvoit priver, et que nous autres nous soyons tant amateurs de ces gousts qu'il semble que l'on ne travaille que pour en avoir! Pour peu qu'on en ayt l'on s'amuse tant à les regarder et les sentir que l'on ne fait rien qui vaille.

  A009001191 

 Dieu nous en fasse la grace.

  A009001191 

 En fin nous le sçaurons un jour là haut, où nous celebrerons avec un contentement incomparable cette grande feste de Noël, c'est à dire de l'Incarnation; là nous verrons clairement tout ce qui s'est passé en ce mystere, et benirons sans fin Celuy qui estant si haut s'est tant abaissé pour nous exalter.

  A009001191 

 Nous nous pourrons bien servir de ces paroles considerant le mystere de l'Incarnation, et dire: Ce mystere est si haut et si profond que nous n'y entendons rien; tout ce que nous en sçavons et connoissons est extremement beau, mais nous croyons que ce que nous ne comprenons pas l'est encores davantage.

  A009001191 

 O que c'est une belle chose à considerer que le mystere tres haut et tres [460] profond de l'Incarnation de nostre Sauveur! Mais tout ce que nous en pouvons entendre et comprendre par le discours n'est rien, et pouvons bien dire à ce propos ce que disoit un sage qui lisoit un livre tres haut et obscur d'un ancien philosophe (je ne me souviens pas de son nom); il advoua franchement: Ce livre est si docte et difficile que je n'y entens presque rien; le peu que je comprens est extremement beau, mais je crois que ce que je n'entens pas l'est plus encores.

  A009001202 

 La longanimité nous signifie la patience avec laquelle il attend les pecheurs à penitence; et la debonnaireté, l'amour et la compassion avec laquelle il les reçoit lors que, pleins de contrition et de larmes, ils viennent, à l'imitation de sainte Magdeleine, luy bayser les pieds par la conversion de leur cœur et de leurs affections, c'est à dire par un veritable regret de leurs pechés..

  A009001203 

 O que cette longanimité et debonnaireté de Nostre Seigneur reduit et ramene bien mieux les ames à leur devoir, et a beaucoup plus d'efficace et de pouvoir pour les retirer du peché que n'ont pas les corrections des hommes lesquelles sont signifiées par le vin! Nous en avons plusieurs exemples, entre lesquels en voicy deux signalés.

  A009001204 

 Car encores que les mammelles de Nostre Seigneur soyent tres douces et meilleures mille fois que le vin des delices mondaines, neanmoins nous ne nous en approcherions jamais s'il ne nous attiroit par le moyen de ses divines odeurs..

  A009001205 

 Avons-nous esté consolés aupres de Nostre Seigneur, retournons-y si souvent que nous voudrons, nous y trouverons tousjours de nouvelles consolations; car cette source de sa poitrine sacrée est inepuisable et ne se tarit jamais, de sorte que c'est avec tres grand sujet que nous pouvons dire que ses mammelles sont infiniment meilleures que le vin de tous les contentemens du monde..

  A009001207 

 Mais si ce sont les compagnes de l'Espouse qui luy disent: Meliora sunt ubera tua vino; Tes mammelles sont meilleures que le vin, le mesme saint Bernard l'explique en cette sorte: O que vous estes heureuse, nostre chere compagne, de jouir ainsy des chastes et amoureux baysers de vostre celeste Espoux! Mais ce pendant que vous estes ainsy submergée dans cet ocean de delices, nous autres chetifves demeurons privées de l'ayde et du secours qui nous est necessaire, au defaut duquel nous sommes en danger de nous perdre; donques, vos mammelles sont meilleures que le vin..

  A009001209 

 Il arrive quelquefqis que nous nous trouvons le cœur tout aride; mais si nous celebrqns avec reverence et devotion le saint Sacrifice de la Messe, ou que nous assistions aux divins offices, ou fassions une bonne oraison, nous en sortons avec la poitrine si remplie de charité et de saintes affections, qu'il semble que nous ne pouvons durer que nous n'ayons trouvé quelqu'un pour luy faire part des consolations que nous ayons receuës de la main liberale de Nostre Seigneur..

  A009001209 

 Voulez-vous sçavoir si vous avez fait une bonne oraison, et si vous avez baysé Nostre Seigneur du bayser de la bouche? regardez si vous avez la poitrine pleine de douces et charitables affections envers le [466] prochain, et si vostre coeur est disposé de le secourir en tputes ses necessités et le supporter amoureusement en toutes sortes d'occasions; car l'oraison qui nous enfle et nous fait presumer d'estre quelque chose de plus que les autres, et qui nous porte à mespriser le prochain comme imparfait, nous le faisant corriger de ses defauts avec arrogance et sans compassion, n'est pas bonne et n'est point faite en charité, verité et sincerité.

  A009001210 

 Courage, luy devons-nous dire, nous avons desja quelque peu avancé au chemin de la vie spirituelle; allons un petit plus avant, nous ferons bien encores une lieue de chemin, puis nous en ferons davantage; et ainsy se passionner pour acheminer les ames à Dieu..

  A009001210 

 Trouvez-vous quelqu'un qui ayt commencé à servir Dieu fidellement et qui ayt fait quelque progres au chemin de la sainte devotion? il s'en faut resjouir avec luy, et luy donner courage non seulement de perseverer mais encores de s'avancer, et ne se point lasser ni descourager pour les difficultés qu'il rencontrera, luy representant l'excellence du bien auquel nous pretendons, l'exhortant à marcher diligemment et fidellement tandis qu'il est jour et qu'il y a de la lumiere.

  A009001211 

 Nous avons un rare et excellent exemple de cecy au glorieux saint Paul, quand il disoit avec un cœur plein d'une ardente charité: Je meurs tous les jours pour vous, o Corinthiens; Quotidie morior propter vestram [467] gloriam; c'est à dire: L'extreme soin et le grand desir que j'ay de vostre salut, me fait mourir tous les jours.

  A009001212 

 Ce grand serviteur de Dieu ayant saintement parachevé le pelerinage de sa vie et se voyant sur le point d'entrer en sa tant desirée patrie, pour recevoir la recompense de ses travaux et bayser Nostre Seigneur du bayser de la bouche par une parfaitte union avec sa divine Majesté, desja son ame battoit des aisles pour s'envoler sur ce bel arbre de l'immortalité, quand un grand nombre de Religieux et d'enfans spirituels qu'il avoit engendrés à Nostre Seigneur, s'affligeant autour de luy, commencerent à pleurer et luy dire: Helas, mon Pere, nous voulez-vous quitter? voulez-vous laisser vostre troupeau sans pasteur, à la merci des loups qui sans doute le raviront apres vostre despart? Ayez pitié de vos enfans, et ne leur ostez pas si tost la mammelle de vostre charité.

  A009001214 

 Certes, la crainte d'enfer est un motif des plus puissans que nous puissions avoir pour nous tenir en bride et nous empescher de transgresser la loy de Dieu, c'est pourquoy cette crainte est bonne; mais pour les espouses ce motif est trop grossier et trop bas, car elles ne veulent point d'autre mammelle que celle de l'amour..

  A009001214 

 Mais outre ce que nous avons dit pour l'explication de ce passage: Meliora sunt ubera tua vino, fragrantia unguentis optimis; Vos mammelles sont meilleures que le vin, et respandent des odeurs plus suaves que les onguens les plus exquis, plusieurs Docteurs qui ont escrit sur ce sujet disent que par ces mammelles nous sont representés les deux Testamens: à sçavoir, par la mammelle gauche l'Ancien Testament, qui contenoit une loy de crainte, et par la mammelle droite le Nouveau Testament, qui contient une loy toute d'amour; et disent qu'avec ces deux mammelles il faut eslever les enfans de l'Eglise, qui sont les Chrestiens, d'autant qu'il les faut soustenir par la crainte et les animer par l'amour, lequel sans la crainte vient aysement à se relascher, et la crainte sans l'amour abat et allanguit le cœur et l'esprit.

  A009001215 

 D'autres Docteurs ont dit que les mammelles de Nostre Seigneur nous representent la foy et les Sacremens.

  A009001215 

 La foy nous est donnée par la parole: Fides ex auditu, auditus autem per Mot Dei; car la parole de [469] Dieu est un lait qui nourrit les ames, et nous ne pouvons avoir la foy que par cette divine parole, ni participer aux saints Sacremens si nous ne sommes fideles à croire ce qu'elle nous enseigne..

  A009001216 

 Or, ces deux mammelles sont proprement celles des espouses; car encores que l'esperance des recompenses eternelles ne soit pas un motif si noble et si excellent que celuy de l'amour, il est pourtant quelquefois expedient de s'en servir pour nous animer à l'amour.

  A009001217 

 Il arrivera quelquefois que nous aurons de l'amour autant ou plus que jamais, et neanmoins nous croyons le contraire, d'autant que nous n'en avons pas le sentiment.

  A009001217 

 O certes, il y a bien de la difference entre l'amour qui nous fait operer le bien, et le sentiment de l'amour, je veux dire ce sentiment qui remplit nostre ame et nostre esprit d'une grande satisfaction et donne à nostre cœur une consolation si sensible, que quelquefois elle rejaillit jusques au dehors.

  A009001217 

 Or, quand Dieu nous soustrait ce sentiment, il ne faut pas se descourager ni penser que nous n'avons point d'amour, pourveu que nous ayons une forte resolution de ne luy vouloir jamais desplaire, qui est ce en quoy consiste le parfait et veritable amour.

  A009001218 

 Or, cette benediction que Jacob demandoit si instamment nous signifie l'esperance de jouir de Dieu en la vie future.

  A009001220 

 Mais comment ferons-nous pour ressembler à des petits enfans? Escoutez l'Apostre saint Pierre instruisant et donnant cette leçon aux premiers Chrestiens: Soyez, dit-il, sans dol et sans feintise, comme des petits enfans: Sicut modo geniti infantes, sine dolo; leçon qu'il avoit apprise en l'escole du Sauveur lors qu'il disoit à ses Apostres: Soyez simples comme des colombes.

  A009001220 

 Nous avons, ce me semble, bien monstré par ce que nous avons dit quelles sont les mammelles de Nostre Seigneur; il faut maintenant sçavoir comment et de quelle sorte on les peut tetter.

  A009001221 

 Certes, si nous n'avons un grand desir de l'amour divin nous ne l'obtiendrons jamais; car comment pourrions-nous l'obtenir et recevoir des consolations de Nostre Seigneur, venant à luy nostre entendement tout distrait, nostre memoire remplie et occupée de mille choses vaines et inutiles, et [472] nostre volonté attachée aux choses de la terre? Il faut donques avoir l'estomach de nos ames vuide, si nous voulons tetter les mammelles de Nostre Seigneur et recevoir ses saintes graces, ainsy que Nostre Dame nous l'apprend en son sacré Cantique, quand elle dit que Dieu a rempli de biens ceux qui avoyent faim, mais que pour les riches, c'est à dire ceux qui estoyent pleins et rassasiés des choses de la terre, il les a rejettés et ne leur a rien donné: Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes; paroles par lesquelles cette Sainte Vierge nous apprend que Dieu ne communique ses graces et ne remplit de biens sinon ceux qui ont cette faim spirituelle, et qui sont vuides d'eux mesmes et des choses terrestres et mondaines.

  A009001221 

 O Dieu, mes cheres Filles, ayons donques cette faim, je vous prie; ayons un grand desir de l'amour de Nostre Seigneur, et taschons de nous rendre semblables aux petits enfans, à fin qu'il nous donne ses divines mammelles à tetter, et qu'il nous prenne entre ses bras et nous mette sur sa sacrée poitrine..

  A009001222 

 Cela veut dire que si nous n'avons la simplicité, douceur et humilité d'un petit enfant, et si nous ne nous reposons par une entiere resignation et parfaite confiance entre les bras de Nostre Seigneur, comme l'enfant entre les bras de sa mere, nous n'entrerons point en son Royaume..

  A009001222 

 L'Escriture Sainte nous enseigne que quand ce divin Sauveur de nos ames estoit en ce monde conversant avec les hommes, il caressoit les petits enfans, les embrassoit et prenoit entre ses bras, comme il fit le petit saint Martial, ou saint Ignace martyr, suivant l'opinion de plusieurs Docteurs, qui disent que Nostre Seigneur le tenant un jour entre ses bras et le considerant, il se tourna vers ses disciples et leur dit: En verité, si vous n'estes faits comme ce petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume des cieux; Amen dico vobis, nisi efficiamini et conversi fueritis sicut parvulus [473] iste, non intrabitis in Regnum caelorum.

  A009001224 

 [474] O certes, il est vray que cette vertu a un pouvoir incomparable par dessus toutes les autres de nous eslever à Dieu et nous rendre capables de succer ses divines mammelles, lesquelles il ne donne qu'aux petits et humbles de cœur; c'est pourquoy je vous exhorte, mes cheres Filles, pour finir ce discours, de vous exercer fidelement en la prattique de cette vertu; car par icelle vous recevrez de tres grandes graces en cette vie, et parviendrez en fin en la gloire eternelle, où nous conduise le Pere, le Fils et le Saint Esprit.


10-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome X-Vol.4-Sermons.html
  A010000061 

 Je sçay bien neanmoins que plusieurs raysons et disputes s'eslevent de part et d'autre entre quelques Docteurs pour monstrer que ce miracle ne fut pas le premier que fit Nostre Seigneur; mais puisque non seulement saint Jean l'atteste, ains encores saint Ambroise, et que la pluspart des autres anciens Peres tiennent cette opinion, nous nous y arresterons et la suivrons.

  A010000061 

 Nous lisons en la Messe d'aujourd'huy deux Evangiles: l'un est celuy des Confesseurs; l'autre, celuy du premier miracle que fit Nostre Seigneur aux noces de Cana en Galilée.

  A010000061 

 Nous verrons d'abord la cause du miracle, c'est à dire comment il a esté fait, et en second lieu, par qui il a esté fait et quelles personnes sont intervenues en iceluy.

  A010000061 

 Or, à fin de mieux establir le sentiment de saint Ambroise et des autres Peres, nous escarterons avant tout deux difficultés qui rendroyent leur opinion moins recevable, et nous ferons par apres une consideration pour la consolation de nostre foy..

  A010000062 

 Nous le croyons bien en cette vie mortelle parce que la foy nous l'enseigné, mais là haut au Ciel [2] nous le verrons et ce sera une partie de nostre eternelle felicité.

  A010000064 

 Mais quelle consideration tirerons-nous de cecy pour la consolation do nostre foy? Voyez-vous, ce premier miracle se fit par la conversion et transmutation de l'eau en vin, tout ainsy que le dernier operé par Jesus Christ en ce sejour mortel fut le changement du vin en son sang au tres saint Sacrement de l'Eucharistie.

  A010000064 

 Or, puisque nous qui vous annonçons la parole de Dieu, sommes obligés de vous dire sur chaque mystere les choses qui peuvent servir à la consolation de nostre foy quand les occasions s'en presentent, comme à ce coup icy de celuy de l'Eucharistie, j'en toucheray ce qui fait à nostre propos.

  A010000065 

 En la creation de l'homme Dieu, comme nous l'avons desja touché, changea la terre en chair humaine et opera une admirable transmutation; car apres avoir dit: Faisons l'homme à nostre image et semblance, il prit de l'argile et en forma un corps qui n'estoit alors qu'une masse de terre.

  A010000066 

 Il a tousjours monstré ce rapport en toutes ses œuvres; car si nous le prenons dès sa premiere entrée au monde, [4] nous verrons qu'il naquit tout nud, du ventre de sa Mere, et, selon les revelations de sainte Brigide, la tres sainte Vierge le vit ainsy devant ses yeux, ayant produit ce fruit tres beni sans aucun travail ni prejudice de sa virginité.

  A010000068 

 Certes, nous devrions faire cent mille adorations chaque jour à ce divin Sacrement en reconnoissance de l'amour avec lequel Dieu demeure avec nous.

  A010000068 

 L'Apostre dit que le Chrestien est nourri de la chair vivante et du sang du Dieu vivant, ce qui est vray; et quoy que cette verité repugne à nos sens qui n'y peuvent rien voir, neanmoins nous le croyons et mesme avec d'autant plus de suavité que nos sens en connoissent moins.

  A010000068 

 La divine Providence voyant comme ce mystere sacré de l'Eucharistie estoit obscur, nous a fourni mille et mille preuves de cette verité en cent et cent lieux tant de l'Evangile que de l'Ancien Testament; Nostre Seigneur luy mesme en a donné des lumieres et intelligences si grandes que c'est chose admirable de voir ce que plusieurs ont escrit sur ce sujet, le traittant d'une façon si claire et intelligible que l'on est tout ravi en l'entendant et lisant.

  A010000068 

 Nous croyons cette verité et ce mystere, qui est le plus grand et le plus obscur de tous avec Celuy de l'Incarnation; toutefois, parce que la foy nous l'enseigne, nous croyons que Jesus Christ est en ce tres saint Sacrement en corps et en ame.

  A010000068 

 Voyla donques la consideration qu'il nous faut faire pour la consolation de nostre foy..

  A010000069 

 C'est chose admirable des diverses opinions qu'il y a sur cecy; mais laissons leurs raysons et nous tenons à ce que dit l'Evangeliste.

  A010000069 

 On dispute si ces noces furent celles de saint Jean ou d'un autre; mais laissons cela, il nous importe peu; tant y a que nostre cher Maistre et Nostre Dame furent conviés.

  A010000069 

 Saint Jean dit tout clairement: et [6] ses disciples; il nous en faut donques tenir là.

  A010000072 

 De plus, je ne doute point de vostre charité et misericorde; souvenez-vous de l'hospitalité qu'ils nous ont faite de nous convier à leur banquet, et fournissez, s'il vous plaist, ce qui leur manque..

  A010000073 

 Priere certes tres excellente, en laquelle cette sainte Dame parle à Nostre Seigneur avec la plus grande reverence et humilité qui se peut imaginer; car elle s'en va à son Fils non point avec asseurance ni avec des paroles pleines de presomption, comme font plusieurs personnes indiscretes et inconsiderées; mais, avec une humilité tres profonde, elle luy represente la necessité de ces noces, tenant pour tout asseuré qu'il y pourvoira, ainsy que nous le dirons bien tost..

  A010000074 

 C'est donques une bien bonne priere que celle cy de se contenter de representer ses necessités à Nostre Seigneur, les mettre devant les yeux de sa bonté et le laisser faire, avec asseurance qu'il nous exaucera selon nos besoins, luy disant à l'exemple de la Vierge, quand on se trouve aride, desolé et desconforté: Seigneur, me [9] voicy, pauvre fille que je suis, desolée, affligée, pleine de secheresses et aridités.

  A010000075 

 En l'Oraison Dominicale que nous disons tous les jours, nous demandons premierement que le Royaume de Dieu nous advienne, comme le but et la fin à laquelle nous visons, et puis, que sa volonté soit faite, comme l'unique moyen pour nous conduire à cette beatitude; mais outre cela, nous faisons une autre requeste, à sçavoir, qu'il nous donne nostre pain quotidien.

  A010000075 

 Je sçay bien toutefois que l'on peut prier Dieu non seulement pour le spirituel mais aussi pour le temporel; il n'y a nul doute que cela ne se puisse et doive faire, puisque Nostre Seigneur le nous a luy mesme enseigné.

  A010000075 

 Par quoy nous sommes enseignés qu'il n'y a point de doute ni de difficulté que l'on ne puisse et doive requerir de Dieu ses necessités spirituelles et temporelles..

  A010000076 

 Il y a deux manieres de les demander à Nostre Seigneur: l'une est en la façon que fit la Vierge; l'autre est de le prier qu'il nous donne telle ou telle chose ou qu'il nous delivre de quelque mal, avec cette condition toutefois, qu'il fasse en cela sa volonté et non la nostre.

  A010000076 

 Mais pour l'ordinaire nous ne l'implorons pas ainsy.

  A010000077 

 Ce n'est que du manque de sentimens dont nous nous plaignons, car nous voulons tout gouster et savourer.

  A010000077 

 Vous verrez alors comme vous aymez Dieu, et gousterez la douceur de son amour; mais en cette vie le Seigneur veut que nous vivions entre la crainte et l'esperance, que nous soyons humbles et que nous l'aymions sans le sçavoir..

  A010000079 

 Il y a parmi les Docteurs une grande varieté d'opinions sur ces paroles de Nostre Seigneur: Femme, qu'avez-vous à demesler avec moy? Aucuns disent qu'il vouloit signifier: Qu'avons-nous à faire, vous et moy, de nous mesler de cela? Nous ne sommes que des invités, nous ne devons donc point avoir soin de ce qui manque; et plusieurs semblables raysons.

  A010000082 

 C'est aussi de cette heure que depend nostre conversion et transmutation, et l'on doit avoir un grand soin de s'y bien disposer, a fin que Nostre Seigneur venant, nous puissions estre prests à bien correspondre à sa grace..

  A010000082 

 O que bienheureuse est l'heure de la divine Providence en laquelle Dieu a voulu nous departir tant de graces et de biens! O que bienheureuse est l'ame qui attendra avec patience et qui se preparera pour correspondre avec fidelité à icelle quand elle arrivera! Certes, ce fut l'heure de la Providence divine celle en laquelle la Samaritaine se convertit.

  A010000083 

 Ces officiers furent tres soigneux de faire ce que la sacrée Vierge leur avoit ordonné, car si tost que le commandement fut fait ils remplirent ces cruches si pleines, que, comme nous lisons dans le Texte sacré, l'eau alloit surnageant tout autour.

  A010000083 

 Vin tres excellent que celuy cy dont nous sommes nourris, car c'est par la reception du corps et du sang du Sauveur que nous sont appliqués les merites de sa Mort et Passion..

  A010000084 

 Ce Sacrement nous a esté figuré par les miracles qui se sont faits en l'ancienne Loy.

  A010000084 

 D'aller chercher les raysons de telles disputes cela n'est point propre pour nous; mais tenons-nous à cette heure du costé de ceux qui disent qu'il y a des licornes et que leur poudre a la proprieté de chasser le venin.

  A010000084 

 Le pretieux sang de Nostre Seigneur est comme la licorne, qui chasse le venin du peché lequel empoisonne nos ames; car par le Sacrement de l'Eucharistie nous est appliqué, comme nous l'avons dit, le fruit de nostre Redemption.

  A010000085 

 Il nous la faut inviter à nostre festin, d'autant que là où est le Fils et la Mere le vin n'y manque point; car elle dira infailliblement: Mon Seigneur, cette mienne fille n'a point de vin.

  A010000085 

 Mais avant de finir, disons que puisque Nostre Dame a tant de credit, il nous faut addresser à elle, à ce qu'elle represente nos necessités à son Fils.

  A010000085 

 Mais, mes cheres ames, quel vin demandez-vous? O certes, non autre que celuy des consolations, c'est celuy que nous voulons et pas un autre.

  A010000086 

 Benissez-le en cette vie et vous le glorifierez avec tous les Bienheureux au Ciel, où nous conduisent le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A010000086 

 Faisons bien ce que le Sauveur nous dira, remplissons bien nos cœurs de l'eau de penitence, et l'on nous changera cette eau tepide en vin de fervent amour; faites soigneusement ce que vous avez aujourd'huy entre les mains, et demain on vous ordonnera autre chose.

  A010000086 

 Si nous voulons que Nostre Dame demande à son Fils qu'il change l'eau de notre tepidité au vin de son amour il nous faut faire tout ce qu'il nous dira; c'est icy un bon point.

  A010000086 

 Voulons-nous avoir une longue et fervente oraison? Entretenons-nous parmi la journée en de bonnes pensées, faisant des frequentes oraisons jaculatoires.

  A010000093 

 Or, d'autant que cette similitude renferme et enclot une milliace d'advis et documens tres excellens pour parvenir à la perfection chrestienne, je m'en serviray pour ce petit discours auquel nous verrons qui est ce negociateur qui cherchoit des perles, quelle est cette perle et ce qu'il faut faire pour l'avoir..

  A010000095 

 En un autre endroit le mesme Psalmiste s'escrie: O Dieu, mon cœur s'est tout resjoui quand il a sceu que vous estiez sa felicité; et nostre grand Pere saint Augustin dispit: «O Dieu, mon cœur est creé pour vous, il n'aura jamais repos ni tranquillité qu'il ne jouisse de vous.» Nous voyons par ces paroles comme le cœur humain tend naturellement à Dieu qui est sa beatitude.

  A010000095 

 Voicy en cette parabole d'admirables documens pour la perfection chrestienne, que nous verrons clairement prattiqués en la vie de sainte Brigide dont nous celebrons aujourd'huy la feste en ce diocese.

  A010000097 

 C'est ce qui nous a esté monstré par les anciens Religieux, lesquels furent nommés moines, ce qui signifie reliés, c'est à dire unis et resserrés.

  A010000097 

 C'est un beau nom que celuy de moine, nom [20] tout mysterieux qui nous fait cette belle leçon de tendre à l'union, de nous relier et restreindre pour pouvoir justement aspirer à la felicité..

  A010000097 

 Cette union à laquelle nous tendons tous naturellement, comme j'ay desja dit, est et sera eternelle et inseparable.

  A010000097 

 La grace nous y dispose, et la charité est comme la racine qui engendre et cause l'union; à mesure que nous aurons plus de grace en cette vie, nous aurons aussi plus de gloire au Ciel, et par consequent plus d'union.

  A010000097 

 Mais pour y parvenir, il faut, pendant que nous sommes en cette vie, prendre, embrasser et rechercher les moyens qui nous y peuvent conduire.

  A010000099 

 Et non content de cela, il est venu ça bas en terre comme un divin negociateur pour chercher ces pierres pretieuses, s'exerçant à la prattique des vertus, leur baillant encores un plus [21] beau lustre par ce moyen, à dessein de nous en rendre amoureux, à ce que, les recherchant et nous adonnant à la conqueste d'icelles, nous puissions obtenir la vie eternelle qui leur est reservée; car c'est aux vertus et bonnes œuvres qu'elle se donne, voyla pourquoy tous les Chrestiens les cherchent..

  A010000101 

 Les Chrestiens sont donques ces chercheurs de perles et pierres pretieuses: ils en cherchent plusieurs, ils s'essayent de faire diverses bonnes œuvres; mais helas, miserables que nous sommes, apres beaucoup de peine et de travail pour trouver les vertus et faire des bonnes œuvres, nous n'en trouvons point et pour l'ordinaire n'en exerçons aucune, d'autant que nous ne les recherchons pas où elles sont et que nous ne faisons pas nos bonnes œuvres en la façon requise pour les rendre valables et meritoires.

  A010000103 

 Quoy que cette perle soit la perfection chrestienne, si est-ce que nous pouvons dire encores plus proprement que la perfection religieuse est la vraye perle evangelique, pour laquelle acheter il faut tout quitter, et en une façon bien plus speciale que pour la perfection chrestienne, car pour celle cy on la peut acquerir en gardant les commandemens de Dieu; mais pour la perfection religieuse il ne faut pas seulement garder les preceptes, ains aussi les conseils, les [23] secrettes inspirations et les mouvemens interieurs.

  A010000104 

 Nous en devrions dire autant à ceux qui entrent en Religion: Si vous voulez garder quelque proprieté, restez au monde; vous y pouvez bien vivre et vous y sauver en observant les commandemens, sans venir en Religion pour retenir quelque chose, voulant encores user de vostre liberté et volonté.

  A010000105 

 (Il est hors de doute qu'il y a des lieux où les hommes naissent plus beaux qu'ailleurs. Or, l'Escosse a cet advantage par dessus les autres païs du monde, mais d'en vouloir deduire les raysons il n'est pas à propos icy; tout cela importe peu, pourveu que nous allions en Paradis c'est assez.).

  A010000110 

 Et que dirons-nous des femmes de Venise qui, apres avoir lavé leurs cheveux, se vont percher sur les toits les heures entieres aux rayons du soleil pour faire devenir leurs cheveux blonds, et de celles qui portent des emplastres sur leur visage tout le long de la semaine pour les arracher le Dimanche, à fin de paroistre blanches et aggreables aux yeux de quelques fous? En somme, c'est une chose estrange de ce que ce sexe met en œuvre pour conserver sa beauté; c'est pourquoy, d'autant plus qu'il est curieux de cecy, d'autant plus le renoncement que l'on en fait est excellent..

  A010000110 

 Puisque nous ne sommes icy que des gens de connoissance, je vous parleray tout franchement.

  A010000114 

 C'est ce que nous a voulu faire entendre le grand Apostre lors qu'il disoit: Je sens en moy deux lois, la loy de la chair et celle de l'esprit, lesquelles sont toutes contraires l'une à l'autre; ce qui me fait souvent gemir et m'escrier: O moy miserable, qui me delivrera de ce corps de mort? car je sens un appetit en ma chair qui appete le mal que mon esprit abhorre.

  A010000114 

 Nous pouvons juger par ces parolles du violent combat que ce saint Apostre tant favorisé de Dieu souffroit en sa chair, qui repugnoit à l'esprit..

  A010000115 

 Quand est-ce que nous vendons tout ce que nous possedons pour acquerir cette perle sinon quand nous nous dedions au service de Dieu? Quand on prend l'habit de Religion on commence [29] à tout rejetter, on quitte les biens, les honneurs, les parens, renoncemens fort difficiles à faire pour quelques uns; et neanmoins l'amour et amitié des proches est bien foible et fade parce que, s'il n'a point d'autre fondement que la nature, il se perd pour le moindre accident qui arrive.

  A010000116 

 Pour nous autres mondains personne ne nous reprend; nous marchons par les grandes rues de ce monde avec des robes toutes boueuses, et pas un ne nous dit mot ni s'essaye de nous nettoyer; on nous laisse aller nostre chemin sans nous rien dire, ce qui fait que nous demeurons tousjours tout crotteux.

  A010000117 

 Au reste, quand mesme nous quitterions de grans biens [30] pour aller souffrir en Religion toutes les disettes et les incommodités que la pauvreté traisne apres soy, o Dieu, que ce seroit bien peu au prix de ce que Nostre Seigneur a quitté pour nous! car ne pouvant estre pauvre au Ciel, où il n'y a ni peut avoir aucune disette, il s'est humanisé et il est venu en ce monde endurer la plus grande pauvreté des choses necessaires à l'usage de sa vie, et ce, pour nous enrichir et donner des preuves de son amour..

  A010000119 

 Vous le priez que sa volonté soit faite, car c'est en icelle que consiste tout nostre bien; puis encores, que son Royaume nous advienne pour jouir de cette eternelle felicité apres laquelle nos cœurs aspirent et parpillent continuellement.

  A010000121 

 En quoy elle nous fait une belle leçon de la charité et dilection mutuelle qui doit regner parmi les Chrestiens, et qui doit estre tout particulierement gravée dans le cœur des Religieux et Religieuses; car ils se doivent nettoyer reciproquement de la lepre spirituelle par le moyen de la reprehension et correction fraternelle qui s'exerce en tout Ordre bien reformé..

  A010000122 

 Or, quand pour quelque respect humain et estans meus non point de la charité ains de nostre fantasie et caprice, nous refusons de laver celuy qui en a besoin, c'est un grand mal.

  A010000123 

 La Superieure du monastere envoya la Sainte pour la guerir; elle y alla, mais voyant tant de beauté et [33] sçachant comme cet advantage est un grand obstacle à la beauté spirituelle, et combien les sens, principalement la veuë, sont dangereux et propres à nous faire perdre la pureté de l'ame quand ils sont mal gouvernés, Brigide se mit en priere.

  A010000125 

 Dieu nous en fasse la grace.

  A010000125 

 Vous quitterez le rien pour avoir le tout sans fin; vous arriverez là haut au Ciel pour jouir de cette felicité apres laquelle nos cœurs tendent continuellement, et où nous serons unis de cette union indissoluble et eternelle par tous les siecles des siecles.

  A010000132 

 La sainte Eglise a certains temps pour resjouir ses enfans, et entre autres ce jourd'huy auquel elle nous fait lire l'Evangile de la refection de cinq mille hommes avec cinq pains d'orge et deux poissons.

  A010000134 

 Il faut que vous sçachiez que nous naissons tous enfans d'ire et de perdition, mais par le Baptesme nous sommes transportés en l'estat de grace.

  A010000134 

 Neanmoins ils ne se soucient point des conseils que Nostre Seigneur donne, lesquels sont: Qui veut venir apres moy, qu'il renonce à soy mesme, prenne sa croix et me suive, et tant d'autres beaux enseignemens qui nous peuvent faire arriver à la perfection.

  A010000135 

 Si nous voulons que Nostre Seigneur ayt soin de nous il le faut suivre emmi les croix et les espines.

  A010000137 

 Examinez bien si vous avez le courage d'entreprendre ce que nous venons de dire.

  A010000138 

 De mesme, il y a plusieurs Sacremens en la sainte Eglise pour acheminer un chacun à la perfection: le Sacrement du Baptesme, pour nous laver et purger de tous nos pechés, celuy de Confirmation pour nous fortifier, et ainsy des autres; celuy de l'Ordre pour nous enseigner et celuy du Mariage pour multiplier les fideles..

  A010000153 

 Et poursuivant: Tire moy, adjouste-t-elle, et nous courrons à la suite de tes onguens..

  A010000154 

 Il luy fut donné par son celeste Espoux au jour de l'Annonciation que nous celebrons aujourd'huy, au mesme moment qu'elle eslança ce souspir tres amoureux: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! Ce fut alors que cette divine union du Verbe eternel avec la nature humaine, representée par ce bayser, se fit dans les entrailles sacrées de la glorieuse Vierge..

  A010000155 

 Cela estant donc ainsy presupposé par maniere de preface à ce que nous avons a deduire, nous ferons une petite meditation sur la suite des paroles que la divine amante dit à son Bien-Aymé, par lesquelles elle luy donne des louanges admirables..

  A010000159 

 N'estimeroit-on pas bien fol et de [43] peu de jugement un marchand qui travailleroit beaucoup à faire quelque commerce dont il ne luy reviendroit que de la peine? Donques, je vous prie, ceux dont l'entendement estant esclairé de la lumiere celeste sçavent asseurement qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse donner un vray contentement à leurs cœurs, ne font-ils pas un trafic inutile logeant leurs affections aux creatures inanimées ou bien à des hommes comme eux? Les biens terriens, les maysons, l'or et l'argent, les richesses, voire les honneurs, les dignités que nostre ambition nous fait rechercher si esperduement, ne sont-ce pas des trafics vains? Tout cela estant perissable, n'avons-nous pas grand tort d'y loger nostre cœur, puisque, au lieu de luy donner un vray repos et quietude, il luy fournit des sujets d'empressement et d'inquietude tres grande, soit pour les conserver si on les a, soit pour les accroistre ou acquerir si on ne les a pas?.

  A010000160 

 Je passe plus avant et veux que nous aymions les Anges; parlant communement, quel gain en tirerons-nous? car ce sont comme nous des creatures, esgalement sujettes à Dieu, nostre commun Createur.

  A010000160 

 Je veux que nous logions nos affections et nostre amour aux hommes, qui sont creatures animées, capables de rayson; qu'est-ce qui nous en reviendra? Nostre trafic ne sera-t-il pas vain, puisqu'estans hommes comme nous, esgaux en la nature, ils ne peuvent que nous rendre un contreschange en nous aymant parce que nous les aymons? Mais ce sera tout, car n'estans pas plus que nous, nous ne ferons nul profit, et ne recevrons pas plus que nous ne leur donnons: nous leur donnerons nostre amour et ils nous donneront le leur, et l'un pour l'autre.

  A010000160 

 Les Cherubins et les Seraphins n'ont aucun pouvoir de nous aggrandir ni de nous donner un contentement parfait, d'autant que Dieu s'est reservé cela, ne voulant pas que nous trouvions a loger nostre amour hors de luy, tant il en est jaloux..

  A010000160 

 Nous peuvent-ils eslever de deux doigts, comme l'on dit? Nullement.

  A010000163 

 Dieu a mis en nostre pouvoir l'acquisition de son pur amour qui nous peut infiniment relever au dessus de nous mesme, il le donne à qui luy donne le sien; pourquoy donques nous amusons-nous autour des creatures, esperant quelque chose au trafic que nous ferons en la recherche de leurs affections?.

  A010000163 

 O que la bonté de nostre Dieu est grande! C'est pourquoy l'Espouse à juste rayson s'escrie: O mon Bien-Aymé, que meilleures sans comparaison sont tes mammelles, que tes amours et tes delices sont mille fois plus aggreables que celles de la terre! car les creatures, fussent-elles des plus hautes et relevées et des Anges mesme, fussent-elles des freres ou des sœurs, elles ne nous sçauroyent satisfaire ni contenter.

  A010000164 

 O que cette sainte Amante, nostre Dame et Maistresse, avoit bien gousté la douceur de ces divines mammelles lors qu'en l'abondance des consolations qu'elle recevoit en la contemplation, toute transportée d'ayse et d'un contentement indicible, elle se prit à les louer! Elle nous incite par son exemple à quitter toute autre pretention des satisfactions de la terre, à fin d'avoir l'honneur et la grace de les succer, et recevoir le lait de la misericorde qui en distille goutte à goutte sur ceux qui s'en approchent pour le recevoir..

  A010000165 

 O Dieu, quelle grace de reserver tout nostre amour pour Celuy qui nous recompense si bien en nous donnant le sien! En donnant nostre amour aux creatures nous ne recevons nul gain, d'autant qu'elles ne nous rendent pas plus que nous ne leur donnons; mais nostre divin Sauveur nous donne le sien, qui est comme un baume pretieux lequel respand des odeurs souveraines en toutes les facultés de nostre ame..

  A010000165 

 Qu'est-ce que la divine amante desire que nous entendions par ces jeunes filles? Les jeunes filles representent en ce sujet certaines jeunes ames qui n'ayans encores logé leur amour nulle part, sont merveilleusement propres à aymer le celeste Amant de nos cœurs, Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A010000166 

 Or, je sçay bien que nul ne peut jamais parvenir à un si haut degré de perfection que de dedier aussi absolument son amour à Dieu et à la suite de sa divine volonté comme lit Nostre Dame; mais pourtant nous ne devons pas laisser de le desirer, et commencer le plus tost et le plus parfaittement possible selon nostre capacité, qui est incomparablement moindre que celle de cette sainte Vierge.

  A010000167 

 L'Espouse sacrée passant plus outre en l'entretien qu'elle fait avec son divin Espoux: Tirez-moy, dit-elle, [47] et nous courrons.

  A010000167 

 Les saints Peres s'arrestent à considerer ce que cette Espouse veut signifier par ces paroles: Tirez-moy et nous courrons, d'autant que c'est comme si elle disoit: Bien que vous ne tiriez que moy, nous serons toutefois plusieurs qui courrons.

  A010000167 

 Quelques-uns pensent que quand elle prie son Bien-Aymé de la tirer, elle proteste par là qu'elle a besoin d'estre prevenue de sa grace sans laquelle nous ne pouvons rien faire; mais quand elle adjouste nous courrons, c'est à sçavoir, vous et moy, mon Bien-Aymé, nous courrons par ensemble.

  A010000168 

 Nous voicy maintenant à l'autre partie de nostre exhortation, qui est la Profession et dedicace que ces filles viennent faire de leur cœur à la divine Majesté, dedicace et offrande qu'elles n'eussent pourtant jamais eu volonté de faire si le souverain Espoux de nos ames ne les eust attirées et prevenues de sa grace.

  A010000169 

 Nous ferons nostre troisiesme consideration sur ce que Nostre Dame fut trouvée toute seule dans sa chambre quand l'Ange la vint saluer et luy apporter cette [48] heureuse et tant gracieuse nouvelle de l'Incarnation du Verbe de Dieu dans ses saintes et chastes entrailles.

  A010000170 

 Nous en voyons la preuve en ce que Nostre Dame le prattiquant et demeurant retirée merita au mesme temps d'estre choisie pour Mere de Dieu..

  A010000171 

 Cette sacrée Vierge lut donques une tres parfaite Religieuse, ainsy que nous avons dit; aussi est-elle la particuliere protectrice des ames qui se dedient à Nostre Seigneur.

  A010000173 

 C'est à son imitation, comme nous l'avons dit, que les vierges ont voué leur chasteté; mais la virginité de cette divine Mere a encores cette proprieté de restablir et reparer celle mesme qui auroit esté souillée et tachée en quelque temps de leur vie.

  A010000173 

 Celle des Anges est sterile et ne peut avoir de fecondité; celle de nostre glorieuse Maistresse, au contraire, a esté non seulement feconde en ce qu'elle nous a produit ce doux fruit de vie, Nostre Seigneur et Maistre, mais en second lieu, en ce qu'elle a engendré plusieurs vierges.

  A010000174 

 Et non seulement elle produit elle mesme, mais elle fait encores que la virginité qu'elle engendre en produise des autres; car une ame qui se dedie parfaittement au divin service ne sera jamais seule, ains en attirera plusieurs à son exemple, à la suite des parfums qui l'ont attirée elle-mesme; c'est pourquoy l'amante sacrée dit à son Bien-Aymé: Tirez-moy et nous courrons..

  A010000176 

 A Dieu ja ne plaise que nous pensions que cette espreuve ressemble aux nostres, car estant toute pure et la pureté mesme, elle ne pouvoit [51] recevoir les attaques que nous recevons et qui nous tourmentent nous autres qui portons la tentation en nous.

  A010000177 

 Hé, ne le remarquons-nous pas en ce qu'elle commença à craindre et se troubler, si que saint Gabriel le connoissant luy dit: Marie, ne crains point; car si bien, vouloit-il signifier, vous me voyez en forme d'homme, je ne le suis pourtant pas, ni moins vous veux-je parler de leur part.

  A010000180 

 L'humilité semble nous esloigner de Dieu qui est appuyé sur le haut de l'eschelle, parce qu'elle nous fait tousjours descendre pour nous avilir, mespriser et ravaler; mais neanmoins c'est tout au contraire, car à mesure que nous nous abaissons, nous nous rendons plus capables de monter au sommet de cette eschelle où nous rencontrons le Pere eternel..

  A010000182 

 Lors, en la jouissance d'icelles, nous chanterons, apres Nostre Dame et tres sainte Maistresse, le cantique des louanges de ce Dieu qui nous aura fait tant de grace de la suivre en ce monde et de batailler sous son estendart.

  A010000182 

 Si nous faisons ainsy, mes cheres Filles, et que nous unissions la virginité avec l'humilité, l'accompagnant soudain de la tres sainte charité qui nous eslevera au haut de l'eschelle mystique de Jacob, nous serons indubitablement receus dans la poitrine du Pere eternel, qui nous comblera de mille sortes de consolations celestes.

  A010000185 

 ... Sans [la grâce] nous ne pouvons rien faire, ainsy que nous l'asseure la divine amante, quand elle dit: Trahe me, tirez-moy, à quoy elle adjouste: Curremus, nous courrons.

  A010000186 

 Ames tres cheres, lesquelles la glorieuse Vierge regardoit quand elle disoit: Nous courrons, asseurant son Bien-Aymé que plusieurs suivroyent son estendart pour batailler sous son authorité contre toutes sortes d'ennemis pour la gloire de son nom..

  A010000187 

 O quel honneur pour nous autres de pouvoir batailler sous cette vaillante Capitainesse! Mais le sexe feminin semble avoir une obligation particuliere à suivre cette vaillante guerriere qui l'a infiniment rehaussé et honnoré.

  A010000189 

 Où les filles qui se viennent dedier à Dieu, rejettent et abandonnent tout cela, renonçant à cette derniere piece que la nature veuille quitter, qui est la liberté; si que nous pouvons bien dire que ces filles font une chose au dessus de la nature, estant besoin que Dieu leur donne une force surnaturelle pour faire cet acte si parfait de se dedier à son divin service par un renoncement si grand comme est celuy qu'elles font.

  A010000192 

 Ceux qui sont passagers font la transmigration, d'autant qu'ils passent d'un lieu à l'autre, comme font les arondelles et les rossignols qui ne demeurent pas ordinairement en ces quartiers, ains ils n'y sont qu'au temps des chaleurs et du printemps, et l'hiver venant ils font la transmigration, se retirans aux autres pais où le printemps et les chaleurs sont en mesme temps que nous avons icy les froidures de l'hiver; mais nostre printemps revenant, ils reviennent et font derechef la transmigration, c'est à dire le passage d'une contrée à l'autre, nous venant recreer par leur petit gazouillement..

  A010000193 

 Mais pour parler selon que nous voyons estre le plus ordinaire, l'on ne rencontre presque au monde que des cœurs de glace, tant ils sont froids et peu eschauffés de ce feu supresme dont tous les autres feux prennent leur origine et leur chaleur.

  A010000209 

 Ce qu'elle nous fait entendre elle mesme par ces paroles de son sacré Cantique: Parce que le Seigneur a regardé ma vileté, ma bassesse et ma misere, toutes les nations m'appelleront bienheureuse.

  A010000209 

 Saint Jean nous enseigne cecy lors qu'il escrit: Comme est-il possible que tu aymes Dieu que tu ne vois point, si tu n'aymes pas ton prochain que tu vois?.

  A010000210 

 Donc, si nous voulons monstrer que nous aymons bien Dieu, et si nous voulons qu'on nous croye quand nous l'asseurons, il nous faut bien aymer nos freres, les servir et ayder en leurs besoins.

  A010000211 

 Nostre Dame est Reyne du Ciel et de la terre, des Anges et des hommes; et encores ces tiltres que nous luy donnons ne servent qu'à ayder nos pauvres entendemens à se la representer en quelque façon qui nous fasse un peu comprendre sa grandeur, d'autant qu'elle est souverainement plus grande que tout ce que l'on en peut dire.

  A010000211 

 Que si nous luy voulons donner un nom digne de son excellence il nous la faut nommer Mere de Dieu; car ce mot est si sureslevé que tous les tiltres, les louanges et eloges que nous luy sçaurions donner sont compris dans iceluy.

  A010000213 

 Nous autres nous sommes bien vivans dans le sein maternel, mais pourtant nous n'avons pas l'usage de nos facultés; nous y sommes comme des masses de chair, et quoy que nous ayons nos sens, nous ne pouvons pourtant pas nous en servir.

  A010000215 

 Nous en avons un exemple en cette folle, sotte et impudente Cleopatra.

  A010000219 

 Certes, en telles choses on peut dire: J'en ay raysonnablement, je me contente, j'en ay à suffisance; mais en ce qui est des biens spirituels, oh! il ne faut jamais penser, tandis que nous sommes en cet exil, que nous en ayons assez, ains il se faut disposer continuellement à recevoir une augmentation de grace..

  A010000220 

 Anciennement il se faisoit aussi plusieurs visites et salutations en priant, d'autres avec des complimens, comme il se prattique encores par les bonnes gens qui se rencontrent, lesquelles disent: Dieu soit avec nous, Dieu vous donne un bon jour, un bon an, Dieu nous ayde.

  A010000220 

 Les Grecs se saluoyent en cette sorte: Dieu soit avec nous, Dieu nous benisse; les Hebreux: Pax Christi, la paix de Nostre Seigneur soit avec vous; et parmi les Latins: Laus Deo, Deo gratias; gloire soit à Dieu, loué soit Dieu.

  A010000222 

 En quoy vous voyez que le second effect du Saint Esprit est de nous faire demeurer fermes en la foy et d'y confirmer les autres; puis de retourner à Dieu, reconnoissant qu'il est la source de imites les graces.

  A010000222 

 Or donques, quand le Saint Esprit vient en nous il nous porte à aymer et louer Dieu, et ensuite sa tres sainte Mere..

  A010000224 

 C'est pour cela qu'il a tellement uni l'Eglise militante avec la triomphante, que les deux n'en font qu'une, n'ayans qu'un Seigneur qui les regit, conduit, gouverne et nourrit, quoy qu'en [72] differentes manieres; aussi nous addressons-nous à luy pour luy demander nostre pain quotidien, tant celuy qui est necessaire au corps que celuy qui est requis à la nourriture de l'ame.

  A010000224 

 Certes, nous nous devons servir d'elle comme d'une mediatrice aupres de son Fils pour obtenir ce divin Esprit; et bien que nous puissions aller à Dieu directement et luy demander ses graces sans employer à cette fin l'entremise des Saints, neanmoins la divine Providence n'a pas voulu qu'il en passast ainsy; mais elle a fait encores une autre union, car Dieu est un, comme je vous ay dit au commencement, aussi ayme-t-il ce qui est uni.

  A010000224 

 Considerez cependant que le Sauveur voulant faire cette union, a voulu et ordonné que nous nous servissions de l'invocation des Saints.

  A010000224 

 Mais pourquoy employe-t-il l'entremise des Anges pour nous garder et nous conferer ses graces? ne pourroit-il pas bien le faire luy mesme sans se servir d'eux? Il le pourroit, sans doute, mais pour operer cette union dont je vous parle il a resolu d'unir les Anges avec les hommes et de les assujettir les uns aux autres.

  A010000225 

 C'est pourquoy l'Eglise voulant, comme bonne mere, nous mieux apprendre à nous servir de l'entremise de la Sainte Vierge et des Saints, elle a joint l' Ave Maria au Pater pour le reciter consecutivement apres l'Oraison Dominicale..

  A010000226 

 Certes, quand nous parlons d'eux nos cœurs doivent estre prosternés par terre, car il y a une si grande distance entre nous et ces Esprits celestes qu'il ne se peut imaginer; et neanmoins un si grand rapport, que tout ainsy que la terre ne peut rien produire sans les influences du ciel, aussi ne pouvons-nous rien de nous mesmes si nous ne sommes assistés des Saints.

  A010000226 

 Il n'y a point de doute que nous ne puissions demander à Dieu, par l'intercession de Nostre Dame, non [73] seulement les biens spirituels, tels que les vertus, ains aussi les temporels.

  A010000226 

 Mais il faut nous prevaloir de leur assistance en des choses qui nous servent pour l'eternité, les priant de nous impetrer la grace de Dieu, les vertus, employant pour ces sujets et autres semblables le credit qu'ils ont aupres de nostre cher Sauveur et Maistre, et non point à fin d'obtenir par leur intercession la beauté, les richesses et telles bagatelles.

  A010000226 

 Voyla donc comment nous recevons le Saint Esprit par l'entremise des Saints et de la Vierge..

  A010000227 

 O que c'est une chose aymable et proffitable que d'estre visité par cette sainte Dame, car sa visite nous apporte tousjours beaucoup de benedictions.

  A010000227 

 Ouy; et la recevriez-vous comme la receut sainte Elizabeth? Nostre Dame nous vient visiter fort souvent, mais nous ne la voulons pas recevoir.

  A010000231 

 Il nous faut maintenant tirer ce qui nous revient de cette histoire.

  A010000231 

 Il nous semblera quelquefois d'estre abandonnés de Dieu; vous devez endurer tout cela si vous voulez estre participantes de ces visites, car de penser pouvoir estre devotes sans souffrir, c'est une tromperie.

  A010000231 

 Nous voudrions bien avoir des revelations, mais que ce fust par forme de recreation, pour passer le temps, parce que c'est une chose bien douce et aggreable; or, Dieu ne les donne pas ainsy, il faut tousjours qu'il nous en couste quelque chose.

  A010000232 

 De plus, si vous voulez que la Vierge vous visite comme la petite Muse, il faut faire une transformation interieure, laquelle ne se peut operer sans endurer quelque chose, ce qui nous est representé par la chaleur de la fievre que supporta cette enfant.

  A010000232 

 En somme, il se faut humilier comme sainte Elizabeth, mourir à soy mesme et suivre nostre divine Maistresse en cette vie, à ce qu'avec elle nous puissions chanter là haut en sa compagnie: Magnificat anima mea Dominum.

  A010000237 

 De là naissent les inquietudes que nous experimentons sans cesse en cette vie mortelle et qui nous sont comme naturelles.

  A010000238 

 Hé, disent-ils, les autres peuples sont sous la juridiction des roys et princes, ils ont des sceptres et des couronnes imperiales; pour nous, nous sommes sans roy et sans loy..

  A010000242 

 Et il agit ainsy envers tous les Chrestiens; mais pour ne parler à cette heure que des femmes, nous dirons que Nostre Seigneur en appelle plusieurs à son service.

  A010000242 

 On le voit en l'admirable sainte Magdeleine de laquelle nous celebrons aujourd'huy la feste; car elle fut comme la reyne et maistresse de toutes les parfumeuses de Nostre Seigneur, qui la choisit et appella à luy pour exercer cet office..

  A010000242 

 Or, ce que ce roy faisoit à l'endroit des enfans d'Israël nous represente les diverses [80] vocations par lesquelles nostre divin Maistre appelle ses creatures à son service, non point en usant de tyrannie comme ce prince terrien, mais doucement et avec des entrailles pleines de misericorde.

  A010000244 

 Grande Sainte que celle cy! Elle apprestoit son manger, et vous entendrez d'icy à huit jours le glorieux saint Luc qui voulant hautement la louer dit qu'elle preparoit le pain du Seigneur, qu'elle le traittoit en samayson et avoit un soin tres grand que rien ne luy manquast; si qu'il l'en reprit un jour comme nous verrons cy apres.

  A010000245 

 Nous ne remarquons point en la Sainte Escriture qu'elle l'allast trouver avec un amour tant soit peu interessé, ni pour [81] l'interieur, ni pour l'exterieur; ce qui ne se rencontre en aucune autre de celles qui sont allées à la suite du divin Sauveur.

  A010000246 

 Mais quant à cette admirable Magdeleine, nous ne lisons nulle part en l'Evangile aucun trait d'amour propre ni de recherche quelconque; ains elle alla trouver le Sauveur avec une pure et droite intention, non point pour l'aymer, mais pour le mieux aymer.

  A010000247 

 On auroit tort d'user de ces termes, puisque nous ne les trouvons en aucun lieu de la Sainte Escriture, ouy bien qu'elle estoit pecheresse: les Evangelistes le disent, et il les faut croire.

  A010000248 

 L'experience nous le monstre journellement: au commencement du printemps on remplit la terre de [83] fumier, et les plantes qui y croissent en tirent une substance qui les rend plus aggreables et excellentes.

  A010000248 

 Nous voyons tous les jours cette merveille en la nature: les fleurs prennent leur accroissement et beauté d'une matiere puante et pourrie, et plus la terre en est remplie, plus aussi les lys et les fleurs qui y sont plantées croissent et sont belles.

  A010000249 

 De ceux cy il ne nous en faut pas parler, car telles sortes de gens n'ont plus de pretention pour le Ciel: l'enfer leur est preparé et sera leur heritage.

  A010000249 

 Nous la pouvons donques justement nommer la reyne de tous les Chrestiens et enfans de l'Eglise, lesquels sont divisés en trois bandes: les premiers sont les justes, les seconds les penitens, et les troisiesmes les pecheurs.

  A010000250 

 Ce n'est pas de ces pecheurs que sainte Magdeleine est la reyne, ains de ceux qui veulent sortir de leur iniquité; car ayant esté pecheresse, comme nous avons dit et comme l'Evangile nous l'enseigne, elle sortit de son peché et en demanda pardon à Dieu avec une vraye contrition et ferme resolution de le quitter, provoquant ainsy tous les pecheurs à imiter son exemple.

  A010000251 

 La Sainte Escriture ne parle et ne nous remet rien tant devant les yeux que la penitence des Ninivites, laquelle fut si grande que c'est chose admirable de voir ce qu'ils firent et les effects operés par les paroles de Jonas.

  A010000254 

 Sainte Magdeleine se peut donc nommer à bon droit la reyne de tous les Chrestiens en la façon que nous avons monstrée.

  A010000258 

 Nous voyons que les hommes estans offencés exigent qu'on leur satisfasse selon l'offence; par exemple, si on leur a desrobé un escu, ils veulent qu'on leur rende un escu; si on a apporté dommage à autruy, il requiert satisfaction à l'esgal de la perte qu'on a causée..

  A010000259 

 Ce n'est point trop exiger de nous que cela, car si nous avons tant fait pour le monde, nous laissant attirer par ses vains attraits, que ne devons-nous faire pour les attraits de la grace qui sont si doux et si suaves? Certes, ce n'est pas nous faire tort que de demander cela de nous; c'est pourquoy, comme on a employé son cœur, son ame, ses affections, ses yeux, ses paroles, ses cheveux pour le monde, il les faut aussi employer et sacrifier au service de la dilection sacrée..

  A010000259 

 Il leur fait les mesmes demandes, à sçavoir, qu'on luy rende, autant qu'on peut, à l'esgal de la faute commise; c'est à dire, il veut que nous fassions autant pour luy que nous avons fait pour le monde.

  A010000260 

 Or, que nous representent-ils, sinon les pensees non seulement mauvaises, mais aussi [89] inutiles, lesquelles il faut couper et retrancher? C'est ce que doivent entendre ces filles quand on les leur coupe; car pourquoy pensez-vous qu'on tonde les Religieuses? On dit que cela est sain; je le crois, mais cette cy n'est pas la principale cause, ains pour leur apprendre que comme elles sont retirées des objets qui leur pourroyent donner des mauvaises pensées, elles ne doivent non plus courir apres les choses vaines et mondaines qu'elles ont laissées, mais oublier tout pour s'appliquér totalement à Dieu.

  A010000262 

 On s'offence quelquefois par la croyance qu'on nous regarde de travers; en quoy l'on se trompe bien souvent, car cela peut arriver parce qu'on a les yeux bouffis, n'ayant assez dormi, ou pour avoir quelque chose en teste, ce qui est cause qu'on n'a pas les yeux doux.

  A010000264 

 Voyez vous comme elle nous apprend à ne chercher que Dieu, à ne pleurer sinon pour son absence causée par nos pechés, ou bien de quoy il est si peu conneu et glorifié du prochain.

  A010000265 

 Or sus, le parfum qu'il faut offrir à Nostre Seigneur c'est l'estime de nous mesme, parfum si commun qu'il n'y a personne qui s'en puisse dire exempt.

  A010000268 

 Et qui n'aymeroit sainte Dorothée? Comme on la menoit au martyre, un advocat nommé Theophile, qui estoit present, luy ayant ouy asseurer que là où estoit Jesus Christ et où elle alloit il y avoit des pommes en toute saison et des roses qui ne flestrissoyent jamais, il luy dit, comme en se moquant d'elle: Dorothée, faites-moy tant de faveur que de m'envoyer du jardin de vostre Espoux de ces roses et de ces pommes dont vous nous faites si grand cas.

  A010000276 

 Et, comme Magdeleine, vous respondrez: Rabboni, mon Maistre! Maistre que nous avons suivi, Maistre auquel nous avons obei, Maistre auquel nous nous sommes conformées, et pour et avec lequel nous nous sommes «crucifiées, pour apres cette vie estre glorifiées avec luy» en l'eternité de la vie bienheureuse, et là chanter avec nostre reyne sainte Magdeleine les cantiques eternels par tous les siecles des siecles.

  A010000289 

 Je feray donc sur ces paroles trois petites considerations esquelles nous verrons, mais courtement et fort briefvement, toute la vie de saint Augustin divisée en trois parties.

  A010000291 

 Combien de Saints et de Saintes se sont dès leur enfance dediés et consacrés au service de Dieu, lesquels ont perseveré constamment jusqu'à la fin, portant des fruits tres delicieux; entre autres, le glorieux saint Jean Baptiste duquel nous celebrerons demain la Decollation.

  A010000292 

 Nous voyons plusieurs plantes desquelles tout sert à quelque chose, les feuilles, les fleurs et les fruits.

  A010000292 

 Ses fleurs sont non seulement belles à la veue, ains propres à resister au venin du serpent; et son fruit, qui n'estant encores meur ne laisse de servir à l'usage de l'homme (car c'est d'iceluy que l'on fait le verjus tres utile à sa santé), va tousjours faisant des accroissemens jusques à ce qu'il soit arrivé à sa maturité, en laquelle il nous rend alors du vin tres proffitable [101] et aggreable.

  A010000294 

 Or, quoy que son esprit fust non seulement beau ains encores bon et accompagné d'un excellent naturel, si est-ce qu'il avoit enté sur iceluy une tres mauvaise plante, à sçavoir la vanité et appetit de sa propre gloire, qui le rendoit hautain, querelleur, envieux, contentieux et tellement amateur de son excellence qu'il surpassoit en cecy les Philippe et les Alexandre desquels les humanistes parlent tant, nous les representant esgaux en la vaine gloire.

  A010000297 

 C'est pourquoy nous lisons en la Sainte Escriture que tous ceux qui ont esté chastiés pour le premier ont esté aussi taxés du second.

  A010000297 

 Cependant les paroles de saint Paul qu'il trouva à l'ouverture de son livre, et qui luy estoyent envoyées par le Saint Esprit, nous font conjecturer qu'il estoit encores entaché de ce vice.

  A010000297 

 Il y a aussi deux autres raysons qui nous pourroyent faire supposer qu'il en estoit atteint et qu'il s'en glorifioit.

  A010000297 

 Or, il est bien croyable que son fils participoit à cette inclination et affection de sa mere; tout ainsy que nous autres ne participons que trop à cette nature qui nous est si voysine.

  A010000298 

 Nous dirons un mot sur chacune, bien que courtement et briefvement, car je ne feray que les toucher, vous les laissant ruminer et digerer à part vous, chacune à vostre loysir..

  A010000298 

 Par les vertus opposées à nos vices nous connoistrons les habitudes de l'homme et celles de Nostre Seigneur, celles desquelles il nous faut despouiller d'avec celles que nous devons revestir et dont il faut nous couvrir.

  A010000304 

 Aussi saint Augustin s'en servoit-il pour conserver cette chasteté par laquelle il surpassoit la virginité des vierges; et, poussé de l'Esprit divin, de l'amour et connoissance qu'il avoit de la beauté et grandeur d'icelle, il en composa des livres, comme nous avons dit, addressés aux vierges et aux vefves, lesquels ravissent en admiration et portent à l'amour de cette vertu tous ceux qui les lisent.

  A010000309 

 plus que toy qui n'es que simple prestre; cependant cela regarde seulement la dignité que nous tenons en l'Eglise de Dieu, car pour le reste je sçay, o Hierosme, que tu m'es superieur.

  A010000310 

 Nous voulons bien avouer: Je suis cecy et cela, mais de souffrir qu'on nous le die, cela ne se peut.

  A010000310 

 O Dieu, en ce temps cy nous ne voulons point de correction; c'est beaucoup quand nous la souffrons de nos Superieurs, mais des esgaux on ne le peut supporter, le cœur s'enfle et bondit, car celuy cy m'estant esgal n'a nulle authorité de me reprendre.

  A010000310 

 On le souffriroit peut estre encores de quelqu'un qui nous seroit superieur mais des autres, o non certes!.

  A010000311 

 Certes, nous serions bien heureux nous autres si nous empoignions le test de la correction pour nettoyer les ordures de nos consciences; mais vous estes bien plus heureuses, mes cheres Sœurs, d'habiter en une mayson où l'on fait la correction avec tant d'exactitude que par le moyen d'icelle on vous corrige des moindres petites imperfections.

  A010000313 

 Il refutoit ainsy l'heresie des Pelagiens, tant par ses disputes que par son livre De la Grace, où il monstre que nous ne pouvons rien sans icelle..

  A010000313 

 Nous parlons en ceste façon de ceux qui sont habillés et disons: Voyla un homme qui est vestu de soye; celuy-là est vestu de peau de buffle, celuy-cy de chameau.

  A010000314 

 Il semble que le Ciel nous soit deu seulement pour ce que nous meritons en prattiquant ce que nous devons prattiquer ou en omettant ce qu'il ne convient pas de faire.

  A010000314 

 Nous le devrions tous avoir gravé en nostre esprit, d'autant que parmi les hommes l'on n'entend autre chose sinon: Vous aurez bien du merite à faire cecy ou à laisser cela; ou encores: Je meriteray ou ne meriteray rien en cecy ou en cela.

  A010000324 

 Je feray donques ce petit discours sur ce sujet, lequel je diviseray en deux points: au premier nous verrons comme vous devez estre desormais des guerisseuses, et au second, des peintresses..

  A010000325 

 Il ne faut donques point perdre courage de se traitter, car c'est là nostre mestler et exercice pour tout le temps que nous serons en cette vallée de miseres.

  A010000325 

 Je dis qu'ils se guerissent continuellement parce qu'ils sont continuellement malades; car tandis que nous sommes en cette vie mortelle, tant plus nous guerissons tant plus nous deseouvrons d'infirmités en nous.

  A010000327 

 Il en prend tout de mesme de la santé de nos cœurs et de nos esprits; car certes, ils sont remplis d'un grand nombre de meschantes et malignes humeurs, à sçavoir des passions et inclinations vicieuses, qui nous causent plusieurs graves et dangereuses maladies, pour la guerison desquelles il nous faut continuellement veiller et combattre.

  A010000331 

 C'est pour cela qu'il n'y a point parmi eux cette varieté d'exercices ni de façon de proceder que nous voyons entre les mondains: ceux cy jeusneront aujourd'huy et feront demain festin; ils se leveront aujourd'huy à la pointe du jour, et demain ils demeureront fort tard au lit avec [120] une grande poltronnerie; en somme, tout ce qu'ils font n'est qu'inconstance, inesgalité et changement de mœurs et de conduite.

  A010000334 

 Mais il faut que je vous dise ce qui s'observe pour faire un beau portrait et pour tirer au vif la face de ceux que l'on veut peindre; c'est ce que saint Luc a prattiqué et ce que nous devons prattiquer nous mesmes pour l'imiter..

  A010000334 

 Mais nous parlerons de cecy une autre fois.

  A010000335 

 O qu'on seroit heureux si on entroit en Religion comme une toile ou autre matiere bien nette et bien disposée à recevoir tous les traits que l'on nous voudroit donner, si on y entroit sans aucune affection aux biens et commodités, contre la pauvreté; aux playsirs et delicatesses, contre la chasteté; aux volontés et desirs particuliers, contre l'obeissance, sans aucun attachement au monde, à ses vanités et sensualités.

  A010000336 

 Mais voicy, ce semble, qui est un peu plus gracieux: on quitte bien les affections de ce siecle, mais on se reserve un certain amour pour soy qui nous fait tant chercher ce qui nous est propre et fuir ce qui nous incommode! On ayme tant sa vie et son propre interest, on a si grand peur de mourir! O la grande mollesse et tendreté que celle cy! Il faut certes se bien purger et laver de semblables choses à fin d'estre disposé à recevoir les traits de la face de Nostre Dame.

  A010000338 

 Combien de mariages verrions nous se dissoudre s'ils n'estoyent affermis par le Sacrement qui empesche de varier en cette sorte de vie! Combien d'ecclesiastiques verrions nous quitter le sacerdoce et s'oublier de la promesse qu'ils ont faite à Dieu en recevant l'ordre de prestrise! O Dieu, quel bonheur d'avoir eu necessité d'estre attachés par ces vœux pour vous garder fidelité! car sans cette necessité nous n'eussions jamais esté disposés à recevoir les traits de la peinture spirituelle, d'autant que nous eussions tousjours esté mobiles et sans aucune fermeté en nos resolutions..

  A010000338 

 O Dieu, quel bonheur et quelle grace d'avoir necessité d'estre attachés et cloués comme des tableaux d'attente, pour jouir et posseder en cette vie le bien qui nous est offert et donné, et duquel nous jouirons en l'eternité! Helas! combien y a-t-il d'ames qui, s'il n'estoit point requis de se lier aux vocations esquelles elles ont esté appellées, vacilleroyent et les quitteroyent à la moindre difficulté, fantasie et bigearrerie dont leurs esprits se trouveroyent assaillis et preoccupés.

  A010000341 

 Ce Saint avoit à la verité un grand esprit, et je ne doute point qu'il n'eust peu la peindre en cette façon; neanmoins nous n'en sçavons rien d'asseuré, et certes, c'est une chose bien rare de voir un peintre tirer au vif la face d'une personne ne l'ayant veuë qu'une fois en passant.

  A010000343 

 Comme nous avons dit, il receut aussi cette esgalité et fermeté d'esprit qui reluisoit singulierement en la Sainte Vierge; c'est pourquoy on a veu toutes ses entreprises accompagnées d'une admirable constance et perseverance au bien une fois commencé.

  A010000344 

 Mais il rapporte dans le sien des [128] mysteres plus simples, qui peuvent estre entendus par les Anges et par les hommes, pour nous apprendre que nous devons mediter et considerer ces mysteres simples et humbles, et non ceux qui sont au delà de nostre capacité.

  A010000345 

 Mais voyez encores mieux ce que je vous veux dire touchant les escrits de saint Luc. Ce glorieux Saint estoit souvent envoyé en mission par saint Paul pour le bien de l'Eglise; or, quand il raconte ses voyages, il le fait avec une simplicité et humilité admirables, sans parler des merveilles qu'il operoit ni des peines qu'il souffroit, ains il dit simplement: Nous allasmes, nous vinsmes, nous retournasmes.

  A010000349 

 Or, mes cheres Filles, puisque vous avez fait la sainte Profession en ce jour que l'Eglise celebre la feste de ce Saint, vous luy devez estre grandement devotes et fort soigneuses de l'imiter en tout ce qui vous sera possible, apprenant de luy à vous bien medeciner et guerir, et à peindre en vos cœurs la douce et desirable face de la tres sainte Vierge en la façon que nous avons deduit, le regardant en cecy comme vostre maistre.

  A010000350 

 Et maintenant, que vous reste-t-il plus, sinon que vous vous prosterniez devant la tres sainte Vierge, que vous la preniez pour vostre Mere et Maistresse, la suppliant de vous presenter devant le throsne de la majesté de vostre Espoux crucifié, et de vous donner sa tres grande benediction en cette vie, pour puis apres la recevoir en sa plenitude en l'autre, où nous conduisent le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A010000355 

 Lors qu'elle les considere et les honnore en particulier, voyant la ferveur des Martyrs, l'amour des Apostres, la pureté des Vierges, elle dit à l'imitation du Createur que cela est bien; mais quand elle vient à tout ramasser et faire à tous ensemble [133] une feste, contemplant les couronnes, les palmes, les victoires et triomphes de tous les Saints, elle en ressent une complaisance nompareille et s'escrie: O que cela est bon, ains plus que tres bon! C'est cette feste que nous celebrons aujourd'huy..

  A010000358 

 Ce qu'elle nous veut faire entendre au commencement de la sainte Messe du jour lors qu'elle dit: «Resjouissons-nous pour la feste des Saints,» chantons leur triomphe et victoire, et autres paroles de joye et d'exultation.

  A010000358 

 Comme chante-t-elle la ferveur et constance de saint Laurent, comme admire-t-elle un saint Barthelemy, et ainsy des autres! Mais outre cela, voyant qu'il se fait en Paradis une resjouissance pour tous en general, elle a aussi establi une solemnité à cette fin; c'est celle que nous celebrons aujourd'huy.

  A010000360 

 A la verité, nous recevons la grace de sa misericorde et la gloire de sa justice; cependant sa misericorde est si grande qu'elle surnage par dessus tout, partant nous obtenons la gloire de l'une et de l'autre.

  A010000360 

 C'est le propre de sa justice de recompenser ceux qui travaillent pour acquerir le Royaume de Dieu, cette divine Majesté nous ayant mis en cette terre où nous pouvons meriter et demeriter; neanmoins le loyer qu'il nous donne pour les travaux et labeurs que nous prenons est infiniment au dessus de nos merites, et voyla où reluit sa grande misericorde..

  A010000360 

 Dieu, de toute eternité, a desiré de nous donner sa grace et de nous faire ressentir les effects de sa misericorde, et par consequent de sa justice, par laquelle il nous veut donner sa gloire.

  A010000360 

 Il veut pour cela que nous nous servions de l'invocation des Saints et Saintes, qu'ils soyent nos mediateurs et «que nous recevions par leur entremise ce que nous ne meritons pas d'obtenir» sans [135] icelle.

  A010000360 

 Or est-il que ces Esprits bienheureux, les Cherubins, les Seraphins et tous les autres Anges nous aymans souverainement, non seulement nous desirent, ains aussi nous procurent les celestes faveurs, poussés par le motif de la charité; car l'amour du prochain procedant et naissant de l'amour de Dieu comme de sa source et origine, il s'ensuit que du grand amour des Bienheureux envers nostre Sauveur et Maistre procede un desir tres ardent qu'il nous donne et departe sa grace en ce monde et sa gloire en l'autre.

  A010000361 

 C'est icy leur principal et plus excellent motif; car sçachans que nous avons esté creés pour la gloire eternelle, que Nostre Seigneur nous a rachetés pour cela et qu'il ne desire rien plus sinon que nous jouissions du fruit de nostre Redemption, ils conforment leur desir et amour à sa divine Majesté en ce qui concerne nostre salut comme en toute autre chose.

  A010000361 

 Mais les Saints ont encores un autre motif qui leur fait demander et desirer que Dieu nous donne sa grace: c'est qu'ils voyent en luy ce vehement desir qu'il a de la nous departir; cela fait qu'ils nous la souhaittent et procurent avec un amour d'autant plus grand qu'ils le voyent grand en Dieu.

  A010000362 

 Aussi l'Eglise conjure-t-elle Nostre Seigneur de provoquer les Saints à prier pour nous.

  A010000362 

 Il faut donques prier et invoquer les Saints, et c'est en cette sorte que l'on doit celebrer leurs festes, implorant leur secours et l'employant pour obtenir les graces et faveurs dont nous avons besoin.

  A010000362 

 Luy mesme les provoque à prier eu leur tesmoignant le desir qu'ils implorent les graces dont nous avons besoin.

  A010000362 

 Nostre Seigneur a si [136] aggreable que l'on se serve de l'invocation des Saints, que voulant nous departir quelque faveur il nous inspire souvent de recourir à leur entremise à fin de nous accorder ce que nous demandons.

  A010000362 

 Voyla donc comme nous devons nous addresser à eux avec toute confiance, specialement le jour de leur feste, car il n'y a point de doute qu'ils ne nous escoutent et fassent volontiers ce dequoy nous les supplions..

  A010000363 

 Mais d'autant que nous parlons de la priere, disons qu'il y a trois personnes qui interviennent en icelle: la premiere, celle que l'on prie; la seconde, celle par qui l'on demande; la troisiesme, celle qui prie.

  A010000363 

 Pour cela, lors que nous prions les Saints nous ne leur demandons pas qu'ils nous accordent ou qu'ils nous departent quelque vertu ou faveur, mais bien qu'ils la nous impetrent, parce qu'il n'appartient qu'à Dieu seul de donner ses graces comme il luy plaist et à qui il luy plaist..

  A010000364 

 Immediatement c'est parler directement à Dieu sans l'entremise d'aucune creature, comme firent le centenier, le publicain, la Samaritaine la Chananée, et plusieurs autres que nous lisons en la Sainte Escriture, lesquels prierent directement Nostre Seigneur et en receurent de grandes graces à cause de l'humilité dont ils accompagnoyent leurs demandes.

  A010000365 

 Cette façon de prier est bonne et bien meritoire, car elle est humble; elle procede de la connoissance de nostre indignité et bassesse, qui fait que n'osant approcher de Dieu pour luy demander ce de quoy nous avons besoin, nous nous addressons aux Saints; ainsy nos prieres, qui d'elles mesmes sont foibles et de peu de valeur, estans meslées avec celles de ces Bienheureux auront une grande force et efficace..

  A010000366 

 Nostre Seigneur nous a luy mesme enseigné cette methode en l'Oraison Dominicale, qu'il commence par cette parole: Nostre Pere.

  A010000367 

 C'est une question qui est debattue en la theologie scholastique, à sçavoir mon, si Nostre Seigneur entant qu'homme prie maintenant pour nous, car il est nostre Advocat et Mediateur; aussi faut-il que les advocats prient de mesme que les mediateurs.

  A010000367 

 Cecy est fort discuté entre les theologiens; mais il me semble que l'on s'en doit rapporter à ce que nostre divin Maistre a declaré: Je ne dis pas que je prieray pour vous; car il y a difference entre prier et demander, comme nous venons de le voir.

  A010000367 

 Il n'y a point de doute que Nostre Seigneur Jesus Christ ne demande pour nous le Royaume des Cieux, qui luy appartient et qu'il nous a gaigné au prix de son sang et de sa vie, et pour ce il le demande comme chose qui luy est deuë par justice; de mesme pour toutes les autres demandes qu'il addresse à son Pere.

  A010000367 

 Or, soit que l'on objecte qu'il fait ces requestes par forme de supplication et priere, se rendant nostre Mediateur, je ne suis pas homme de conteste; tant y a que ce qu'il demande pour nous luy appartient par droit de justice..

  A010000368 

 Mais laissant à part tout ce qui se pourroit dire sur ce sujet, nous ne parlerons que de nous qui sommes cette troisiesme personne.

  A010000368 

 Nous autres Chrestiens, qui vivons en cette vallée de miseres, prions et envoyons nos requestes et nos souspirs au Ciel, implorant le secours de Dieu et luy demandant sa grace; pour cela nous nous servons de l'invocation des Saints, les suppliant d'interceder pour ce qui nous regarde, nous qui sommes advenaires et pelerins sur cette terre, et qu'ils nous aydent à parvenir à cette felicité de laquelle ils jouissent..

  A010000369 

 Mais helas! nous sommes de pauvres gens; nos prieres sont si froides, si foibles, lasches et tiedes! Certes, il y a bien de la difference et disproportion entre celles des Bienheureux et les nostres.

  A010000369 

 Par ce divin meslange elles se rendent encores pretieuses devant Dieu et meritoires pour nous et pour nos prochains, car la charité et l'amour divin ne veulent pas que l'on travaille seulement pour soy, ains aussi pour autruy..

  A010000370 

 Cecy estoit mon second point, que les Bienheureux prient d'autant plus ardemment et fortement pour nous qu'ils voyent davantage dans l'Essence divine combien sa Bonté desire nostre salut et beatitude.

  A010000370 

 Les Saints au Ciel ne cessent, comme nous avons dit, de desirer et demander que nous jouissions du fruit de nostre Redemption, et que par ce moyen nous arrivions à la felicité qu'ils possedent; ils sont poussés à ce faire par cette charité vraye et non envieuse qui n'a d'autre objet que la gloire de Dieu; de là vient qu'ils souhaittent que nous la possedions.

  A010000370 

 Nous en devons faire de mesme à l'endroit de nostre prochain, nous employant à son service et l'aydant à se sauver avec une charité non point envieuse ni jalouse, mais qui regarde Dieu seul, n'ayant point d'autre pretention que de le glorifier..

  A010000371 

 Oh si nous pouvions un peu comprendre quelle est cette charité des Saints et de quelle ferveur et humilité ils accompagnent leurs prieres! Certes, nous aurions bien sujet de nous confondre si nous venions à faire comparaison du peu d'humilité qui se trouve en nos oraisons avec celle qu'ils joignent aux leurs, car nous verrions que pour grande que fust l'humilité qui accompagne nos prieres, elle ne seroit rien au prix de celle qu'ils [140] prattiquent au Ciel.

  A010000372 

 Cette connoissance de la Majesté divine, de ses grandeurs et perfections est le plus excellent et le plus fort motif pour nous humilier et abaisser en nostre propre neant.

  A010000372 

 Voyla comme l'humilité se prattique dans la gloire; il n'y a donques point de doute que les prieres des Saints, estans faites et accompagnées d'une telle humilité, ne soyent bien meritoires et ne nous puissent beaucoup ayder..

  A010000373 

 C'est une plaisante chose de demander aux Saints qu'ils intercedent pour nous et nous [141] obtiennent quelque grace, si de nostre costé nous ne nous voulons disposer à la recevoir.

  A010000373 

 Car voyez-vous, nostre cher Sauveur et Maistre nous a creés sans nous, c'est à dire il nous a donné l'estre lors que nous n'estions rien; mais il ne nous veut pas sauver sans nous, il ne veut point violenter nostre liberté ni sauver personne par force, il luy faut nostre consentement et cooperation à sa grace..

  A010000373 

 Mais avant d'en ressentir les effects il faut que nous scachions nous en prevaloir; car si de nostre costé nous ne cooperons, asseurement nous nous rendrons incapables de leurs suffrages.

  A010000373 

 Nous les prions de nous obtenir des vertus et nous ne voulons pas nous mettre en l'exercice d'icelles ni en faire aucun acte; neanmoins nous pretendons que les Saints les nous obtiennent, nonobstant que nous fassions les actes contraires aux vertus que nous demandons.

  A010000373 

 O quel abus est celuy cy! Certes, la misericorde de nostre Dieu veut que nous cooperions à sa grace et à ses dons; aussi, quand nous luy requerons quelques vertus par l'entremise des Saints, il nous les accorde si nous commençons d'abord à les pratiquer.

  A010000374 

 Alors seulement s'accomplira nostre redemption, sans laquelle nous ne sçaurions arriver au Ciel.

  A010000374 

 Aussi les Bienheureux supplient avec ferveur sa Bonté de se respandre sur nous, estans incités à ce faire, comme nous l'avons dit, par le desir et le playsir qu'ils voyent que Dieu prend à se respandre et communiquer..

  A010000374 

 Il n'y a point d'autre porte pour entrer en Paradis que celle de la redemption du Sauveur; c'est pourquoy l'Eglise termine toutes ses prieres par le nom de Nostre Seigneur Jesus Christ, pour nous monstrer que les prieres des Anges ni celles des hommes ne peuvent estre ouyes du Pere eternel si ce n'est au nom de son Fils.

  A010000374 

 Les Saints donques prient à fin que le merite de cette Passion nous soit appliqué.

  A010000374 

 Or, à mesure que nous correspondons aux dons de Dieu il nous en depart de nouveaux, et par suite nous augmentons le playsir qu'il prend de tousjours nous en donner.

  A010000374 

 Par consequent aucune creature, non pas mesme la sacrée Vierge, quelles que soyent les prieres qu'elle fasse, ne peut parvenir à la gloire sinon par la Mort et Passion de Nostre Seigneur qui nous l'a achetée et meritée par icelle.

  A010000375 

 Et pour ce faire nous devons agir comme eux, à scavoir, embrasser les preceptes que nostre Sauveur a prononcés sur la montagne où il se retira, se voyant suivi d'une grande multitude de peuple.

  A010000375 

 Voyez-vous, si nous voulons nous rendre bien capables [142] des suffrages des Saints et les esmouvoir à prier pour nous, il nous faut fidellement prattiquer les vertus que nous demandons par leur intercession, et nous bien disposer à recevoir les dons du Seigneur: c'est icy mon troisiesme point.

  A010000379 

 Et le monde ne dit-il pas tout au rebours? Ne va-t-il pas constituant son bonheur en tout ce qui est contraire aux preceptes de l'Evangile? C'est pourquoy Nostre Seigneur considerant cette statue, non point en songe comme Nabuchodonosor, ains en verité, et voyant qu'elle n'avoit que des pieds de terre, c'est à sçavoir que tout ce que ce siecle prise n'est fondé que sur des choses perissables et transitoires, il jetta, comme nous avons dit, cette pierre des huit beatitudes auxquelles est enclose toute la perfection chrestienne..

  A010000380 

 Hé, dit-il, ce n'est pas tout de se faire Religieux: quitter tout pour avoir toutes choses à souhait, se faire pauvre en entrant en Religion et vouloir que rien ne nous manque, vouer la pauvreté et ne vouloir en ressentir aucune incommodité, et qui pis est, rechercher en Religion ce que nous n'avons pas peu trouver au monde, pretendre nonobstant ce vœu, d'avoir mieux nos ayses et commodités qu'avant de nous estre rendus pauvres, o Dieu, quelle pauvreté molle, fade et blasmable! Il est vray pourtant, et c'est un malheur, que les plus difficiles [145] à contenter dans les monasteres ce sont ceux qui avoyent le moins de biens avant que d'y entrer..

  A010000381 

 Voyla comme la pauvreté nous porte à embrasser les incommodités qui la suivent..

  A010000382 

 Si nous voulons faire profession d'embrasser la pauvreté, embrassons de bon cœur les miseres et incommodités qu'elle mene quant et soy; soyons doux, cordials envers tous; pleurons si nous voulons estre consolés, je veux dire, versons des larmes spirituelles.

  A010000396 

 Je suivray donques ce qui est de l'Evangile et diviseray ce discours en deux points: au premier nous dirons ce que c'est que circoncision et comme il se faut circoncire spirituellement; au second, comme il faut bien prononcer ce sacré nom de Jesus..

  A010000396 

 L'histoire de la circoncision est tres belle et admirable; elle est comme une image ou representation de la circoncision spirituelle que nous devons tous faire.

  A010000396 

 Or, en ce jour nous faisons la feste de la Circoncision de nostre divin Sauveur, en laquelle, apres avoir esté circoncis, il receut le sacré nom de Jesus.

  A010000398 

 Il y a un nombre infini d'interpretations et de raysons pour monstrer que le Sauveur n'estoit point sujet à cette loy, mais il faudroit bien du temps pour les rapporter; il suffira donc de dire qu'il n'y estoit aucunement obligé, et que s'il s'y est voulu assujettir ç'a esté pour nous donner un rare exemple de la circoncision spirituelle que nous devons faire..

  A010000399 

 C'est la premiere remarque que font nos anciens Peres, et, si je ne me trompe, saint Jean Chrysostome, pour nous monstrer que quand nous voulons faire la circoncision spirituelle nous devons la faire en la partie la plus malade de toutes.

  A010000403 

 Voyla donques en quoy consiste la circoncision spirituelle, à sçavoir, à rechercher les passions, affections, humeurs et inclinations à fin d'en retrancher et couper les superfluités; et pour cela il est besoin d'un soigneux et serieux examen pour bien reconnoistre quelle est la partie la plus atteinte, quelle forte passion, inclination [150] et humeur est en nous, à fin de commencer par la cette circoncision interieure..

  A010000405 

 Oh! disent-elles, nous n'avons point tué, nous n'avons point desrobé; je ne suis ni larron ni homicide.

  A010000407 

 Nous la devons prattiquer non seulement en la façon que font les seculiers, mais encor en une autre maniere à laquelle ils ne sont pas tenus parce qu'ils n'ont pas comme nous les moyens propres à [153] cela, et aussi parce qu'ils ne sont pas si particulierement dediés à Nostre Seigneur.

  A010000407 

 Quant aux personnes dediées et consacrées au service divin, nous autres ecclesiastiques, Religieux ou Religieuses, nous sommes plus obligés que les autres à cette circoncision spirituelle.

  A010000408 

 Celuy qui seroit icy bas sans passions ne patiroit pas, ains il jouiroit desja; or, cela ne se peut ni ne se doit, car tant que nous vivrons nous aurons des passions et nous n'en serons point quittes jusqu'à la mort, puisqu'au combat de telles passions et esmotions gist nostre victoire et nostre triomphe.

  A010000408 

 Hé, hé, mes cheres ames, leur respond-on, nous ne sommes pas venus icy pour jouir, ains pour patir; attendez un peu, et vous serez un jour dans le Ciel où il n'y a que paix et joye; vous n'y sentirez aucune passion, mouvement d'envie, aversion ni repugnance, ains vous possederez une tranquillité et repos perdurables.

  A010000409 

 Mais leur opinion a esté condamnée comme fausse et rejettée de l'Eglise, laquelle a declaré, ce qui est vray, que tant que l'homme vivra, rampera et traisnera sur cette terre il aura des passions, sentira des tremoussemens de colere, des soulevemens de cœur, des affections, inclinations, repugnances, aversions et telles autres choses auxquelles nous sommes tous sujets..

  A010000410 

 Il ne se faut donc pas estonner si quand on nous dit nos fautes ou qu'on nous reprend, nous sentons promptement ou mesme assez long temps ces tremoussemens, si nous avons du degoust sur ce qui nous arrive ou qui nous est fait contre nos inclinations, ni moins si nous avons plus d'affection à une chose qu'à une autre.

  A010000410 

 O nullement, car cela est independant de nous; ces divers mouvemens ne sont point coulpables, ce n'est pas là sur quoy il faut poser le couteau de la circoncision.

  A010000412 

 Je sçay bien qu'il y a diverses opinions des Docteurs et anciens Peres sur cecy, mais je ne les rapporteray pas maintenant; j'en diray seulement une, qui est que Nostre Seigneur a voulu estre [155] circoncis par la main d'autruy pour nostre exemple, à fin de nous monstrer qu'encores que ce soit une bonne chose de se circoncire soy mesme il est encores meilleur d'estre circoncis par les autres.

  A010000412 

 Mais aussi sçay-je bien que la circoncision que nous autres souffrons des mains d'autruy va au dessus de la leur, parce qu'elle est plus douloureuse et partant plus meritoire..

  A010000413 

 Ils sont en l'oraison, et là leur cœur s'enflamme du desir de cette circoncision; en effect, se tournant sur eux mesmes, ils commenceront à la faire, voire avec une telle ferveur qu'elle ne leur coustera rien, et avec tant de douceur et consolation qu'ils en jetteront une grande abondance de larmes qui descouleront de leurs yeux avec une suavité nompareille; en un mot, ce qui vient de nostre invention ou que nous faisons par nostre propre choix et election ne nous couste quasi rien, tant les subtilités de nostre amour propre sont grandes.

  A010000413 

 Vous voyez donques combien il est necessaire qu'un autre prenne en main le couteau pour nous circoncire, car il scait beaucoup mieux que nous mesmes où il le faut appliquer..

  A010000418 

 O Dieu, [159] serons-nous si couards et si lasches de cœur, nous autres, que de fuir nostre circoncision spirituelle, voyant aujourd'huy nostre cher Sauveur s'assujettir à la loy de la mesme circoncision pour nous en donner l'exemple? En respandant son sang il nous semond non point à verser le nostre, mais seulement à respandre nos cœurs et nos esprits devant luy.

  A010000418 

 Quoy, souffrirons-nous qu'il nous invite à cette circoncision interieure, non pour son proffit et playsir mais pour nostre bien, salut et utilité, et refuserons-nous apres cela de faire ce qu'il nous demande? Aurons-nous bien le courage de voir ce peuple de Sichem se sousmettre à une si rude loy uniquement pour donner de la satisfaction au fils du Roy, et nous, d'estre si poltrons et couards que de ne vouloir assujettir nos esprits à des choses si faciles et aysées?.

  A010000419 

 Il pouvoit à la verité sauver le monde sans verser son sang, mais cela n'eust pas suffi à l'affection qu'il nous portoit.

  A010000419 

 Mais achevons en disant un mot du nom qui fut imposé à Nostre Seigneur, et nous fermerons tout cecy par une autre histoire.

  A010000420 

 Nous portons à cette heure le nom de Christ, à sçavoir Chrestien, et nous sommes tous oints par les Sacremens que nous recevons; quand nous serons au Ciel nous porterons celuy du Sauveur, d'autant que là nous jouirons tous du salut et nous serons tous des sauvés.

  A010000420 

 Or voyez-vous, nous autres Chrestiens participons à ces deux derniers noms.

  A010000420 

 Voyla comme nous serons nommés de l'autre nom de Nostre Seigneur, car là haut nous serons appellés les sauvés..

  A010000421 

 Mais comment faut-il prononcer ce nom sacré de Jesus à fin qu'il nous soit utile et profitable? C'est ce que je vous vay dire et monstrer par une histoire avec laquelle je finis.

  A010000421 

 Nostre Seigneur nous monstre comme il le faut repeter lors qu'en le prenant il donne son sang, car il tesmoigne par là qu'il est prest à faire ce que ce saint nom signifie, à sçavoir sauver les hommes.

  A010000421 

 O que nous serions heureux si nous avions en nous tout ce que nous signifient nos noms! Ce n'est pas le tout de [161] se nommer Prestre, Evesque, Religieux ou Religieuse, mais il faut considerer si la vie que l'on mene est conforme au nom que l'on porte, prendre garde à la charge qu'on exerce, à la vocation en laquelle on vit, quelle est nostre profession, en somme regarder comme sont reglées nos passions et affections, comme nostre jugement est sousmis, si nos œuvres s'accordent avec nostre estat..

  A010000423 

 A nostre derniere heure, si Dieu nous fait tant de grace que de ne point mourir de mort soudaine, nous aurons un prestre aupres de nous qui tiendra un cierge beni entre ses mains et qui nous criera: Souvenez-vous de nostre Redempteur; dites Jesus, dites Jesus.

  A010000423 

 Bienheureux seront ceux qui le prononceront devotement et avec un tres profond ressentiment de ce que le Sauveur nous a rachetés par son sang et par sa Passion, car ceux qui le nommeront bien en ce temps là seront sauvés; comme au contraire ceux qui ne le diront pas bien et qui le prononceront laschement et delicatement seront damnés et massacrés.

  A010000423 

 C'est pourquoy il nous le faut graver profondement dans nos cœurs et nos esprits, à ce que le benissant et honnorant en cette vie, nous soyons dignes de chanter avec les Bienheureux: Vive Jesus! Vive Jesus! [163].

  A010000423 

 Nous devons donques avoir un grand soin de le repeter souvent pendant nostre vie, car il a esté donné du Pere eternel à son Fils.

  A010000423 

 O que nous serons heureux si à l'heure de la mort et encor pendant nostre vie nous prononçons bien le sacré nom du Sauveur, car il sera comme le mot du guet par lequel nous aurons l'entrée libre au Ciel, parce que c'est le nom de nostre redemption.

  A010000427 

 Nous celebrons aujourd'huy la feste de la Purification de Nostre Dame; or cette feste a esté nommée de trois noms.

  A010000428 

 Cette feste est la fin de toutes celles qui se celebrent en l'honneur de l'Incarnation, car celles que nous solemniserons desormais ne regarderont plus ce mystere ni l'enfance du Sauveur, mais ouy bien sa Mort, sa Resurrection et Ascension; en somme, ce seront les festes de nostre Redemption.

  A010000428 

 Cette offrande nous est merveilleusement bien representée par les ceremonies que l'on fait aujourd'hy en l'Eglise; car la procession avec les cierges allumés nous rappelle cette divine procession de Vierge, quand elle alla au Temple portant entre ses bras son Fils, qui est la lumiere du monde.

  A010000429 

 Ce mystere nous est bien representé par les cierges que nous portons à ce jour, auxquels se trouvent trois natures fort differentes l'une de l'autre, qui neanmoins sont tellement jointes et unies par ensemble qu'elles ne [165] font qu'un cierge: à sçavoir, la nature du feu, la nature de la meche ou luminon, et celle de la cire.

  A010000429 

 Cependant Dieu a esté fait semblable à nous autres hommes en esgalité de substance et de nature, mais non pas en esgalité de perfection, car en cela il nous surpasse infiniment..

  A010000429 

 Il existe mesme une telle liaison entre ces deux natures que les attributs, louanges et eloges que l'on donne à l'une sont aussi donnés à l'autre; en sorte que nous disons que par cette jonction Dieu s'est fait homme et l'homme a esté fait Dieu.

  A010000430 

 En cent endroits de la Sainte Escriture il est pris pour nous representer la nature divine, car il y a mille rapports entre iceluy et la Divinité; mais je me contenteray de vous en dire seulement quelques uns.

  A010000430 

 Le feu fait sa demeure en la troisiesme region de l'air, il parpille tousjours en haut et jette ses estincelles contremont, et si l'on ne l'attachoit à quelque matiere on ne le pourroit retenir en terre; nous ne le voyons pas tel qu'il est en la region qui luy est propre, car il est au dessus de l'air, et bien qu'il soit chaud il ne nous brusle pas parce que sa chaleur est mitigée par l'air.

  A010000430 

 Voyla comme la nature du feu nous represente la Divinité; je laisse à part une infinité d'autres rapports..

  A010000431 

 Or, quoy que, [167] comme nous l'avons dit, la nature de la cire et celle du luminon soyent bien differentes l'une de l'autre, l'une venant de la terre et estant façonnée par les avettes, l'autre croissant sur de grans arbres sans avoir besoin de l'industrie d'aucune creature pour le façonner, ayant esté fait tel qu'il est par le Createur mesme, neanmoins ces deux natures sont tellement unies et meslangées l'une dans l'autre ès cierges que nous portons, qu'elles ne font qu'un seul cierge, ce qui certes est admirable..

  A010000432 

 L'ame, ainsy que nous l'avons touché, est toute spirituelle, elle ne croist point ça bas, elle est creée de Dieu seul, sans le concours d'aucune creature; mais le corps vient de la terre, car nous sçavons que celuy du premier homme fut petri du limon de la terre, et despuis ce temps là le corps a esté formé de la substance de l'homme et de la femme, en sorte que, pour cette cause, il est leur œuvre.

  A010000432 

 Or, bien que l'ame et le corps soyent si differens l'un de l'autre, ils ne font neanmoins qu'une personne que nous appelions homme; voire mesme ils viennent à faire un tel meslange par cette union et jonction, que nous parlons des deux comme s'il n'y en avoit qu'un; tout ainsy que quand on parle de la bonté, beauté, ou telle autre qualité du cierge on ne distingue pas la cire ni le luminon, ains on dit seulement et en un mot: Ce cierge est beau ou bon, parlant des deux natures qui se trouvent en luy comme s'il n'y en avoit qu'une seule.

  A010000433 

 Cecy nous est grandement bien representé par la subtilité avec laquelle le feu se prend au luminon et à la cire, car bien qu'il s'attache en premier lieu au luminon, il se trouve cependant au mesme instant uni à la cire..

  A010000433 

 Mais quand je dis qu'il commença premierement à se joindre à son ame, representée par le luminon, il ne le faudroit pas entendre en telle sorte que nous voulant esclaircir sur ce mystere de l'Incarnation, nous nous trompassions nous mesmes.

  A010000435 

 Helas! quoy que ce ne soit pas nous qui ayons peché, neanmoins nous avons tous esté entachés de la coulpe de nostre premier pere Adam, et avons fait nostre entrée au monde comme enfans d'ire, chargés du pesant faix de nos iniquités.

  A010000436 

 Comme est-ce donques que cette tres sainte Dame, estant toute pure et sans macule, a voulu aller au Temple pour se purifier comme les autres femmes, veu que, outre [170] tout cela, cette loy n'estoit pas une loy generale, ains seulement legale, instituée par Moyse? Il y a mille et mille raysons de cecy chez les anciens Peres, c'est à dire chez les anciens Docteurs; mais nous en trouvons en la Genese desquelles je me serviray pour vous monstrer pourquoy la sacrée Vierge, n'estant point obligée à la loy de la purification, s'y est neanmoins voulu assujettir..

  A010000438 

 Le voyla donques qu'il prend à cet effect un corps de serpent; il s'entortille à un arbre, et s'addressant à Eve comme à la partie la plus foible, il commence à l'arraisonner en cette sorte: Pourquoy Dieu qui vous a mis dans ce lieu vous a-t-il defendu de manger de tous les fruits qui y sont? Elle luy respondit ainsy, mais certes tout effrayée et tremblottante: Il ne nous a pas defendu de manger de tous les fruits, mais seulement de ne point toucher ni manger de celuy cy.

  A010000439 

 C'est à quoy tendoit en premier lieu sa tentation, que de faire faire cette responce à Eve, car par icelle, elle tesmoignoit du degoust [172] et de la haine, comme si elle disoit: Il ne nous a pas seulement defendu d'en manger, ains encor de le toucher, et par consequent de le regarder, ce qui est une chose bien estrange et severe.

  A010000439 

 Remarquez, je vous en prie, combien cette tentation s'accroist par la responce d'Eve: Nous mangeons bien, dit-elle, de tous les fruits, mais pour celuy de science, il nous a defendu d'en manger et de le toucher; et vous me demandez pourquoy? C'est, adjouste-t-elle, de peur que nous ne mourions.

  A010000439 

 Voyla donques le degoust et la haine de l'obeissance qui est, comme nous l'avons monstre, le premier degré de la desobeissance..

  A010000440 

 Or, nous voyons aussi que tous ces miserables qui se perdent en se retirans de l'Eglise passent par ce degoust et cette haine des commandemens; car Dieu a ordonné que les prestres et les ecclesiastiques garderoyent inviolablement la chasteté et virginité, et le diable est venu demander: Pourquoy a-t-on fait ce commandement? Et, voyla qu'il parvient à le faire haïr et persuader à plusieurs de se retirer de l'Eglise pour avoir la liberté de ne le pas observer.

  A010000441 

 On doit demeurer à table en silence jusques à la fin du repas pour entendre la lecture qui s'y fait: Hé Dieu, à quel propos tout cecy? ne vaudroit-il pas mieux sortir quand on a achevé? En somme, c'est le degoust des commandemens qui fait raysonner ainsy et qui nous fait manquer à l'obeissance..

  A010000441 

 Un pere ou une mere aura defendu à une fille de ne pas aller au bal à ce carnaval, ou de ne pas aller en telle compagnie, et voyla que cette fille vient à haïr cette defense et dit: On n'oseroit regarder les bals ni les mascarades, ni on n'oseroit lever les yeux pour regarder un homme; il vaudroit autant les avoir cousus, ou bien il nous les faudroit arracher, ou nous les boucher comme à des esperviers.

  A010000444 

 Celle-cy vient à son tour à mespriser Celuy qui leur avoit fait la defense, respondant au tentateur: Nous ne mangeons pas de ce fruit, de peur que, selon la parole du Seigneur, nous ne mourions.

  A010000444 

 Il nous a, vouloit-elle donner à entendre, menacés de la mort si nous en mangions; mais quelle rayson a-t-il eue de nous faire une telle menace? et neanmoins il a dit ainsy: De peur que vous ne mouriez.

  A010000445 

 Mais nostre nouvelle Eve, à sçavoir la sacrée Vierge, aymoit, comme nous avons desja dit, non seulement le commandement, ains aussi Celuy qui l'avoit fait, c'est pourquoy elle s'en alla en Hierusalem pour se purifier, combien qu'elle ne fust point sujette à la loy de la purification.

  A010000445 

 Vous en verrez qui aymans le jeusne voudront jeusner le jour de Pasques; et telles autres superstitions qui n'existent plus à cette heure, mais que nous avons veuës en un autre aage.

  A010000447 

 Les uns tiennent que cet enfant fut saint Martial, qui fut despuis Evesque de Limoges, mais la plus commune opinion est que ce fut saint Ignace martyr, duquel nous celebrasmes hier la feste et dont on fera demain l'Office, car il est transferé.

  A010000449 

 Ce sont icy toutes les affections de Dieu, sur lesquelles nous devons marcher, suivant non seulement ses preceptes, mais encores ses intentions au plus pres que nous pourons.

  A010000449 

 Mais pour cheminer asseurement en celles-cy selon les affections divines, il faut estre simple et veritable à les descouvrir, et suivre la direction que l'on nous donne là dessus; par ce moyen nous serons portés par Nostre Seigneur et ne marcherons plus sur nos propres affections ains sur celles de Dieu..

  A010000449 

 Nous n'avons donques pas besoin de nous mettre en peine pour sçavoir quelles sont les affections de Dieu, parce qu'elles nous sont toutes marquées dans ses commandemens et dans les conseils que Nostre Seigneur nous a luy mesme donnés sur la montagne quand il a dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, bienheureux lex debonnaires, et les autres beatitudes.

  A010000450 

 Combien que son joug soit doux, si ne faut-il pas pourtant que nous croyions devoir estre exempts de souffrir; o non, mais il faut, comme saint Christophe, porter Nostre Seigneur sur nos espaules, endurant tout ce qu'il luy plaist, comme il luy plaist et autant de temps qu'il luy plaist, nous abandonnant totalement à sa Providence eternelle, pour nous laisser conduire et gouverner selon sa tres sainte volonté.

  A010000450 

 Nous faisons cela quand nous endurons les travaux et les peines avec amour, c'est à dire, que l'amour que nous avons à la loy de Dieu nous rend son joug suave et plaisant, nous faisant aymer ces peines et travaux, et cueillir la douceur parmi les amertumes: cela n'est autre que porter Nostre Seigneur entre nos bras.

  A010000450 

 Or, le porter en cette façon n'est autre chose que de vouloir endurer et souffrir de [179] bon cœur tout ce qu'il luy plaist que nous souffrions, pour dure et pesante que soit la charge et le fardeau que Dieu nous met sur les espaules.

  A010000450 

 Or, si nous le portons de cette sorte, il nous portera sans doute luy mesme..

  A010000451 

 O que nous serons heureux si nous nous laissons bien porter par ce cher Seigneur, et si nous le portons sur nos espaules comme saint Christophe, et entre nos bras comme saint Simeon, nous abandonnant tout à luy pour nous laisser conduire comme il luy plaira! Remettez-vous donc entierement entre les bras de sa divine Providence, sousmettez-vous à ce qui est de sa loy et vous disposez à endurer toutes les peines qui vous pourront arriver en cette vie; ce faisant, les choses les plus dures et penibles vous seront rendues douces et suaves, et vous participerez au bonheur de saint Simeon et de saint Ignace.

  A010000456 

 Ces quatre premiers jours de la sainte Quarantaine sont comme la teste et le chef, la preface ou preparation que nous devons faire pour bien passer le Caresme et nous disposer à bien jeusner.

  A010000457 

 Nous voyons cecy ès gens du monde, lesquels pensent que pour bien jeusner le saint Caresme il ne faille sinon se garder de manger des viandes prohibées.

  A010000460 

 Mais, adjouste ce glorieux Saint, comme ce n'est pas nostre bouche seule qui a peché, ains encor tous nos autres sens, il est requis que nostre jeusne soit general et entier, c'est à dire que nous fassions jeusner tous les membres de nostre corps; car si nous avons offensé Dieu par les yeux, par les oreilles, par la langue et par nos autres sens, pourquoy ne les ferons-nous pas jeusner? Et non seulement il faut faire jeusner les sens du corps, ains aussi les puissances et passions de l'ame, ouy mesme l'entendement, la memoire et la volonté, d'autant que l'homme a peché par le corps et par l'esprit.

  A010000460 

 On doit aussi retrancher les discours inutiles de l'entendement, ainsy que les vaines representations de nostre memoire, les appetits et desirs superflus de nostre volonté, en somme luy tenir la bride à ce qu'elle n'ayme ni ne tende qu'au souverain Bien; et par ce moyen nous accompagnerons le jeusne exterieur de l'interieur..

  A010000461 

 C'est ce que nous veut signifier l'Eglise en ce saint temps de Caresme, nous enseignant à faire jeusner nos [183] yeux, nos oreilles et nostre langue: pour cela elle quitte tous ses chants harmonieux à fin de mortifier l'ouÿe; elle ne dit plus d' alleluia et se revest toute de couleur sombre et obscure.

  A010000461 

 Et en ce premier jour elle nous addresse ces paroles: «Souviens-toy, o homme, que tu es cendre et que tu retourneras en cendre;» comme si elle nous vouloit dire: O homme, quitte à cette heure toutes les joyes et liesses, toutes les considerations joyeuses et plaisantes, et remplis ta memoire de pensées ameres, aspres et douloureuses, faisant par telles cogitations jeusner l'esprit avec le corps..

  A010000462 

 C'est aussi ce que nous signifioyent les Chrestiens de la primitive Eglise, lesquels se privoyent en ce temps des conversations ordinaires avec leurs amis et se retiroyent en de grandes solitudes et lieux escartés du commerce du peuple pour mieux faire le Caresme.

  A010000463 

 Ouand vous vous disciplineriez, quand vous feriez de fraudes prieres et oraisons, si vous n'avez la charité cela n'est rien; quand mesme vous opereriez des miracles, si vous n'avez la charité ils ne vous profiteront point; voire si vous souffriez le martyre sans la charité, vostre martyre ne vaudroit rien et ne seroit point meritoire aux yeux de la divine Majesté; car toutes les œuvres, petites ou grandes, pour bonnes qu'elles soyent en elles mesmes, ne valent et ne nous profitent point si elles ne sont faites en la charité et par la charité.

  A010000463 

 Saint Paul en l'Epistre qu'il escrit aux Corinthiens, laquelle nous lisions Dimanche passé, declare les conditions requises pour se bien disposer au jeusne de la Quarantaine.

  A010000464 

 Cela nous est naturel et naist du grand amour que nous nous portons..

  A010000464 

 Et qu'est-ce que jeusner par sa propre volonté? C'est jeusner comme on veut, et non point comme les autres veulent; jeusner en la façon qui nous plaist, et non point comme on nous l'ordonne et conseille.

  A010000464 

 Or, comme est-ce que l'on jeusne pour la vanité? En cent et cent façons qui nous sont marquées en la Sainte Escriture; mais je me contenteray de vous en dire une, car il ne faut pas charger vostre memoire de beaucoup de choses.

  A010000464 

 Qui fait cela sinon la vanité et la propre volonté? car tout ce qui vient de nous nous semble estre meilleur, et nous est beaucoup plus aysé et facile que ce qui nous est enjoint par autruy, quoy que plus utile et propre pour nostre perfection.

  A010000465 

 Mettons un chacun la main à nostre conscience et nous trouverons que tout ce qui vient de nous, de nostre propre sens, choix et election nous l'estimons et aymons bien mieux que ce qui vient d'autruy.

  A010000465 

 Nous y avons une certaine complaisance qui nous facilite les choses les plus ardues et difficiles, et cette complaisance est presque tousjours vanité.

  A010000466 

 C'est avec ceux cy que nous avons le plus à faire: nous monstrons clairement aux premiers qu'ils contreviennent à la loy de Dieu, et qu'en ne jeusnant pas autant qu'il faut, tout en le pouvant faire, ils enfreignent les commandemens du Seigneur.

  A010000466 

 C'est ce qui faisoit que le grand Apostre se plaignoit, disant: Nous nous trouvons bien empeschés avec deux sortes de gens pour ce qui regarde le jeusne; car les uns ne veulent pas jeusner autant qu'ils doivent et ne se peuvent contenter des viandes permises (ce que l'ont encores aujourd'huy plusieurs mondains lesquels pour ce sujet alleguent mille raysons; mais je ne suis pas icy pour parler de telles choses, car c'est à des Religieuses à qui je m'addresse).

  A010000466 

 Mais nous avons plus de peine avec les foibles et infirmes qui n'ont pas la force de jeusner; car ils ne veulent point ouyr de raysons ni se persuader qu'ils n'y sont pas tenus, et malgré que nous en ayons ils s'opiniastrent à jeusner plus qu'il n'est requis, ne voulans point user des viandes que nous leur ordonnons.

  A010000467 

 Ceux qui jeusnent la sainte Quarantaine ne s'en doivent point cacher, d'autant que l'Eglise ordonne ce jeusne et veut qu'un chacun sçache que nous l'observons; il ne le faut donques pas nier à ceux qui nous le demanderont pour leur edification, puisque nous sommes obligés d'oster tout sujet de scandale à nos freres.

  A010000467 

 Nostre divin Maistre n'entend pas par cecy que nous ne nous devons point soucier de l'edification du prochain; o non, car saint Paul dit: Que vostre modestie soit manifeste à tous.

  A010000470 

 Mais les avettes sont plus sages et prudentes, car elles mesnagent leur miel dans la ruche où personne ne les peut voir, et outre cela elles se bastissent des petites cellules où elles continuent leur travail en secret; ce qui nous represente fort bien l'ame humble, laquelle est tousjours retirée en soy mesme, sans chercher aucune gloire ni louange de ses actions, ains elle tient son intention cachée, se contentant que Dieu la voye et sçache ce qu'elle fait..

  A010000472 

 Or, leur occupation plus ordinaire estoit de tresser des nattes et chacun en devoit faire une par jour; le Frere dont nous parlons en ayant fait deux pensoit pour cela estre plus vaillant que les autres, c'est pourquoy il les vint estendre au soleil devant tous à ce qu'on le conneust.

  A010000474 

 C'est icy la troisiesme condition requise pour bien jeusner, à sçavoir, de regarder Dieu et de faire tout pour luy plaire, nous enfonçant en nous mesmes à l'imitation d'un grand Saint, lequel se retira en un lieu secret et escarté où il demeura quelque temps sans qu'on sceust où il estoit, se contentant que le Seigneur et ses Anges le conneussent.

  A010000476 

 Et discourant sur la defense qui leur estoit faite: Hé quoy, dirent-ils, dirent-ils, encores que Dieu nous ayt menacés de la mort, si est-ce que pour cela nous ne mourrons pas, car il ne nous a pas creés, pour nous faire mourir.

  A010000479 

 En fin un petit Religieux luy vint dire: O mon Pere, qu'il me tardoit que vous revinssiez, car nous n'avons point mangé d'herbes cuites despuis vostre despart! Ce qu'entendant, il fut fort touché, et ayant fait appeller le cuisinier il luy demanda pourquoy il n'avoit point fait cuire d'herbes.

  A010000491 

 Ainsy que les Evangelistes nous racontent, il fut conduit par l'Esprit au desert pour estre tenté; sur lequel mystere je tireray des documens pour nostre instruction particuliere, le plus familierement qu'il me sera possible..

  A010000491 

 Cela estant, Nostre Seigneur a voulu luy mesme y estre sujet pour nous monstrer comme nous devons resister à la tentation.

  A010000493 

 C'est assez pour estre tenté, car la tentation a une merveilleuse force sur nous quand elle trouve oysifs.

  A010000493 

 Je trouve dans la Sainte Escriture deux jeunes princes [196] qui nous fournissent d'exemples sur ce sujet, dont l'un rechercha la tentation et perit en icelle, et l'autre au contraire ne la recherchant point la rencontra neanmoins ci demeura victorieux dans le combat.

  A010000494 

 Nostre ennemy est comme un chien attaché; si nous ne l'approchons pas il ne nous fera nul mal, bien qu'il tasche de nous espouvanter en abbayant contre nous..

  A010000494 

 Si nous sommes conduits par l'Esprit de Dieu au lieu de la tentation ne craignons point, ains [197] tenons-nous asseurés qu'il nous rendra victorieux; mais ne la recherchons pas, ni ne l'allons point agacer, pour saints et genereux que nous pensions estre, car nous ne sommes pas plus vaillans que David ou que nostre divin Maistre mesme qui ne la voulut point chercher.

  A010000495 

 Ils n'ont pas si tost fait leur dessein que la tentation les attaque, ainsy que dit saint Pierre: Qui vous a tentés de mentir au Saint Esprit? Et le grand Apostre saint Paul, dès qu'il se fut donné au service divin et rangé du parti du Christianisme, le voyla tout incontinent tenté pour le reste de sa vie, luy qui tandis qu'il estoit ennemy de Dieu et qu'il persecutoit les Chrestiens n'avoit jamais senti les atteintes d'aucune tentation; au moins ne nous en tesmoigne-t-il rien par ses escrits, ains seulement dès qu'il fut converti par Nostre Seigneur..

  A010000495 

 Nous en pourrions donner beaucoup d'exemples, mais un ou deux me suffiront.

  A010000496 

 C'est donques un document fort necessaire de preparer nostre ame à la tentation; c'est à dire que, où que nous soyons et pour parfaits que nous puissions estre, il se faut tenir asseurés qu'elle nous attaquera; partant l'on s'y doit disposer et se pourvoir des armes necessaires pour combattre vaillamment à fin de remporter la victoire, puisque la couronne n'est que pour les combattans et vainqueurs.

  A010000496 

 Nous ne nous devons jamais confier en nos forces ni en nostre vaillance et aller rechercher la tentation pensant la terrasser, mais si nous la rencontrons où l'Esprit de Dieu nous a portés, il nous faut tenir fermes en la confiance que nous devons avoir qu'il nous fortifiera contre les attaques de nostre ennemy, pour furieuses qu'elles puissent estre.

  A010000497 

 Non autres, mes cheres ames, sinon celles dont parle le Psalmiste dans le Psalme que nous recitons tous les jours à Complies: Qui habitat in adjutorio Altissimi, dans lequel nous apprendrons une doctrine admirable.

  A010000498 

 Non, n' allons point de nous mesmes au devant de la tentation par aucune presomption d'esprit, ains seulement repoussons-la quand Dieu permet qu'elle nous attaque et qu'elle nous vienne chercher où.

  A010000498 

 Quiconque est armé de la foy ne doit rien craindre, et c'est l'unique arme necessaire pour rembarrer et confondre nostre ennemy; car qu'est-ce, je vous prie, qui pourra nuire à celuy qui dira: Credo, «Je crois en Dieu» qui est nostre Pere, et nostre «Pere tout puissant?» En disant ces paroles nous monstrons que nous ne nous confions point en nos forces, et que ce n'est qu'en la vertu de Dieu, «Pere tout puissant,» que nous entreprenons le combat et que nous esperons la victoire.

  A010000498 

 nous sommes, comme elle fit Nostre Seigneur au desert.

  A010000499 

 Mais je desire que nous sçachions que le Sauveur n'estoit pas tenté comme nous autres et que la tentation [199] ne pouvoit pas estre en luy comme en nous, car il estoit un fort inexpugnable où elle n'avoit aucun acces.

  A010000499 

 Nostre divin Maistre ne pouvoit avoir la foy, d'autant qu'il possedoit en la partie superieure de son ame, dès l'instant qu'elle commença d'estre, une connoissance parfaite des choses que la foy nous enseigne; cependant il voulut se servir de cette vertu pour rembarrer l'ennemy, non pour autre rayson, mes cheres ames, sinon pour nous enseigner tout ce que nous avions à faire.

  A010000499 

 Nous autres, au contraire, si bien par la grace de Dieu nous ne consentons pas aux tentations et evitons la coulpe et le peché en icelles, nous demeurons neanmoins pour l'ordinaire un peu blessés de quelque importunité, trouble ou esmotion qu'elles produisent en nostre cœur.

  A010000500 

 La crainte est la premiere tentation que l'ennemy presente à ceux qui sont resolus de servir Dieu, car dès aussi tost qu'on leur enseigne ce que la perfection requiert de nous: Helas! pensent-ils, jamais je ne pourray faire cela.

  A010000500 

 Saint Bernard, sur ces parolles du Psalme que nous avons allegué, dit que les craintes nocturnes dont parle le Psalmiste sont de trois sortes; d'où je tire le troisiesme document.

  A010000503 

 Mais Nostre Seigneur ne veut point de ces guerriers en son armée, il veut des combattans et des vainqueurs, et non pas des faineans et des couards; il a voulu estre tenté et attaqué luy mesme pour nous donner exemple..

  A010000504 

 Confions-nous en Dieu, qui est nostre «Pere tout puissant,» en la vertu duquel toutes choses nous seront rendues faciles, quoy que d'abord elles nous espouvantent un peu..

  A010000504 

 Puisque la tentation a une merveilleuse force sur nous quand elle nous trouve oyseux, travaillons donques et ne nous lassons point, si nous ne voulons perdre le repos eternel qui nous est preparé pour nous recompenser de nos travaux.

  A010000505 

 Faisons-en de mesme, mes cheres ames; si nous sentons que le courage nous manque et que nous enfonçons dans nos tentations, crions à haute voix pleins de confiance: Seigneur, sauvez-moy, et ne doutons pas que Dieu ne nous fortifie et nous empesche de perir..

  A010000510 

 Nous eussions bien eu de l'espouvante, car le diable y vint tout à descouvert; il ne fit pas avec Nostre Seigneur comme avec saint Pacome ou avec saint Antoine, lesquels il effraya par des bruits et tintamarres qu'il fit autour d'eux, faisant fendre le ciel et la terre devant leurs yeux pour les faire craindre et fremir comme des enfans.

  A010000511 

 Helas, disent ces jeunes apprentifs de la perfection, que ferons-nous? Mes passions, que je pensois avoir mortifiées par la fervente resolution que j'avois faite de ne les plus suivre, me tourmentent grandement.

  A010000511 

 Mon Dieu, la grande pitié que le seul desir de la perfection ne suffise pas pour l'avoir, mais qu'il la faille acquerir à la sueur de nostre visage et à force de travail! Hé, ne sçavez-vous pas que Nostre Seigneur voulut estre tenté durant les quarante jours qu'il fut au desert, pour nous apprendre que nous le serions tout le temps que nous demeurerions au desert de cette vie mortelle, qui est le lieu de nostre penitence? car la vie du parfait Chrestien est une continuelle penitence.

  A010000515 

 Bienheureux serons-nous si nous avons cette tranquillité de l'ame en mourant, voire seulement apres nostre mort.

  A010000515 

 C'est bien dit, certes; hé, croyez-vous qu'en cette vie vous puissiez avoir une quietude si permanente qu'elle ne doive point recevoir de divertissement? Il ne faut pas desirer les graces que Dieu ne fait pas communement; ce qu'il a fait pour une Magdeleine ne doit pas estre souhaitté de nous autres.

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus vous rendre dignes de recevoir ces divines suavités et consolations, ni d'estre eslevées par les Anges comme elle l'estoit plusieurs fois le jour, si vous ne voulez premierement souffrir avec elle les confusions, les mespris et censures que meritent tres bien nos imperfections, lesquelles nous exerceront de temps à autre, veuillons-nous ou non; car cette regle est generale, que nul ne sera si saint en cette vie qu'il ne soit sujet à en commettre tousjours quelqu'une..

  A010000516 

 Et comme nous devons avoir une ferme et invariable resolution de ne pas nous rendre si lasches que d'en faire volontairement, aussi devons-nous estre inebranlables en cette autre resolution de ne nous pas estonner ni troubler voyant que nous sommes sujets à tomber en icelles, voire encores que ce fust souvent, nous confiant en la bonté de Dieu qui pourtant ne nous en ayme pas moins.

  A010000516 

 Il se faut donques tenir ferme et tranquille en la connoissance de cette verité, si nous voulons que nos [208] imperfections ne nous troublent point par la vaine pretention que nous pourrions avoir de n'en point commettre.

  A010000516 

 Que Dieu nous face part ou non de ses consolations, il faut nous tenir sousmis à sa tres sainte volonté qui doit estre la maistresse et conductrice de nostre vie; apres quoy nous n'avons rien à desirer..

  A010000516 

 Quelle correspondance, je vous prie, y peut-il avoir de nostre perfection à la sienne, de nostre pureté à la sienne, veu qu'il est la pureté mesme? En fin, faisons de nostre costé ce que nous pouvons, et demeurons en repos pour le reste.

  A010000517 

 Le Psalmiste donques nous asseure, ainsy que l'interprete saint Bernard, que celuy qui a la foy et s'est armé de la verité ne craindra point ces craintes nocturnes ni des paresseux, ni des enfans, ni moins des delicats.

  A010000518 

 Mes cheres ames, il y a encores d'autres sortes de vaines esperances, dont l'une est de vouloir tousjours des consolations, des suavités et des tendretés à l'oraison durant le cours de cette vie mortelle et passagere; esperance frivole et niaise à merveille, comme si nostre perfection et bonheur dependoit de cela! Ne voyons-nous pas que Nostre Seigneur pour l'ordinaire ne donne ces tendretés que pour nous amorcer et amadouer, comme on fait les petits enfans auxquels on baille du sucre? Mais passons outre, car il faut finir..

  A010000519 

 Pour moy il m'est advis (et cecy est le cinquiesme document que je vous presente) que ces negociations qui se font dans les tenebres nous representent l'avarice et l'ambition, vices qui font leur trafic en la nuit, c'est à sçavoir par dessous main et en cachette.

  A010000520 

 Ou que nous soyons, pourveu que nous y soyons conduits par le Saint Esprit, comme Nostre Seigneur au desert, nous n'aurons rien à redouter..

  A010000521 

 Je l'ay desja dit fort souvent, mais il faut encores le redire: Dieu n'a pas mis la perfection en la multiplicité des actes que nous ferons pour luy plaire, ains seulement en la methode que nous sentirons en iceux, qui n'est autre que de faire le peu que nous ferons selon nostre vocation, en l'amour, par l'amour et pour l'amour.

  A010000521 

 Les avares spirituels sont ceux qui ne sont jamais rassasies d'embrasser et rechercher beaucoup d'exercices de piete pour parvenir tant plus tost à la perfection, disent ils; comme si la perfection consistoit en la multitude des choses que nous faisons, et non pas en la perfection avec laquelle nous les faisons.

  A010000522 

 L'on ne peut assez dire combien cette avarice spirituelle apporte de retardement à nostre perfection, d'autant qu'elle oste la douce et tranquille attention que nous devons avoir de bien faire ce que nous faisons pour Dieu, ainsy que j'ay desja dit..

  A010000523 

 Cet esprit qui marche en plein jour est celuy qui nous attaque au beau midy des consolations interieures, lors que le divin Soleil de justice darde si amoureusement ses rayons sur nous et nous remplit d'une chaleur et d'une lumiere tant aggreable, chaleur qui nous embrase d'un amour si delectable et si tendre que nous mourons presque à toutes autres choses pour mieux jouir de nostre Bien-Aymé.

  A010000523 

 Le sixiesme document est tiré du mesme Psalme, où le Prophete asseure que ceux qui se seront armés comme nous l'avons veu, ne craindront point l'esprit du midy, c'est à dire cet esprit qui nous vient tenter en plein jour.

  A010000525 

 Ces quarante jours, ainsy que nous disions tantost, representent la vie du Chrestien et d'un chacun de nous: ne desirons donques point ces consolations qu'au bout de nostre vie, mais [213] amusons-nous à nous tenir fermes pour resister aux rudes attaques de nos ennemis, car, veuillons-nous ou non, nous serons tentés.

  A010000525 

 O Dieu, quel playsir de se trouver avec le Sauveur en ce festin delicieux! Mes cheres ames, nous ne serons jamais capables de luy tenir compagnie en ses consolations d'estre appellés à son banquet celeste si nous ne sommes compagnons de ses peines et souffrances.

  A010000525 

 Si nous ne combattons nous ne serons pas vainqueurs, et partant nous ne meriterons pas la couronne de l'immortelle gloire que Dieu nous prepare si nous demeurons victorieux et triomphans..

  A010000526 

 Ne craignons point la tentation ni le tentateur, car si nous nous servons du bouclier de la foy et de l'armeure de verité il n'aura point de pouvoir sur nous.

  A010000526 

 Nous eviterons aussi l'avarice spirituelle et l'ambition qui nous apportent tant de detraquement au cœur et tant de retardement en nostre perfection; l'esprit du midy n'aura nul pouvoir de nous faire descheoir de la ferme et invariable resolution que nous avons prise de servir Dieu genereusement et le plus parfaitement qu'il se peut en cette vie, apres laquelle nous irons jouir de luy, qui soit beni.

  A010000526 

 Nous n'apprehenderons pas non plus les craintes nocturnes qui sont de trois sortes, ni moins les vaines esperances d'estre ou vouloir estre des saints dans trois moys.

  A010000537 

 Si j'y puis rencontrer, nous marierons ce que je vous en diray à ce qui se passa en l'Evangile entre Nostre Seigneur Chananée; et par ce moyen vous connoistrez les qualités que doit avoir la foy..

  A010000540 

 Lors donques que Nostre Seigneur dit: O femme, que ta foy est grande, ce n'estoit pas [216] que la Chananée creust plus que ce que nous croyons; mais plustost parce que plusieurs choses rendirent sa foy plus excellente.

  A010000540 

 Mais pour bien comprendre cecy il nous le faut devuider petit à petit..

  A010000540 

 Mais quant à l'objet, cette foy ne peut pas estre plus grande aux uns qu'aux autres, ni moins aussi quant à la quantité des choses qu'on doit croire, car il faut que nous croyions tous une mesme chose quant à l'objet et quant à la quantité.

  A010000544 

 On connoist par les operations que fait la charité si la foy est morte ou mourante; quand elle ne produit point de bonnes œuvres nous disons qu'elle est morte, et quand elles sont petites et lentes, qu'elle est mourante.

  A010000548 

 Les hommes ont bien cette force, ils ont puissance et seigneurie sur tous les animaux; mais parce que nous ne connoissons pas qu'elle est en nous, il s'ensuit que nous craignons comme foibles et couards, et fuyons comme des lourdeaux devant les bestes.

  A010000550 

 Neanmoins il y a tant de prudence humaine! L'on en prend en mille et mille façons, et certes nous voyons que le plus grande partie de nos maux ne viennent que de cette fausse prudence.

  A010000554 

 Il n'y a point de doute que l'attention que nous apportons pour comprendre les mysteres de nostre Religion et celle avec laquelle nous les meditons et contemplons ne rendent nostre foy plus grande..

  A010000554 

 Nous voyons communement cecy parmi le vulgaire des hommes du monde.

  A010000554 

 Pourquoy voyons-nous que l'on fait si peu de profit des predications ou des mysteres que l'on nous explique ou enseigne, ou de ceux que l'on medite? C'est parce que la foy avec laquelle nous les entendons ou meditons n'est pas attentive; de là vient que nous les croyons bien, mais ce n'est pas avec une aussi grande asseurance.

  A010000556 

 (Cecy est une phrase françoise laquelle nous represente le latin male vexatur.) C'est comme si elle eust voulu dire: Cet esprit malin la travaille cruellement et excessivement, et pour ce ayez pitié de moy.

  A010000557 

 Certes, le plus grand defaut que nous ayons en nos prieres et en tout ce qui nous arrive, specialement en ce qui regarde les tribulations, c'est nostre peu de confiance; de là vient que nous ne meritons pas de recevoir le secours tel que nous le desirons ou demandons.

  A010000557 

 Mais lors qu'ils virent la mer s'enfler tousjours plus et leur bon Maistre qui dormoit, ils s'esmeurent grandement et s'escrierent: Seigneur, sauvez-nous, nous perissons.

  A010000557 

 Saint Pierres et les autres Apostres estans dans la nacelle avec leur Seigneur, et voyant la tempeste s'eslever, commencement à craindre et invoquer l'assistance d'iceluy; et en cela ils faisoyent bien, car c'est à luy à qui nous devons recourir et de qui nous devons attendre tout nostre secours.

  A010000559 

 Cependant quand je parle de la perseverance je n'entens pas traitter de cette perseverance finale que nous devons avoir pour estre sauvés, ains de celle qui doit accompagner nostre priere.

  A010000559 

 Helas! si l'on a quelques degousts à l'oraison, si Dieu nous retire ou soustrait la suavité ou facilité ordinaire que nous y avions, on se plaint, on s'afflige et on dit: C'est que je ne suis point humble, Dieu n'a que faire de m'entendre, il ne me regardera point, car il ne regarde que les saints, et que sçay-je? telles autres niaiseries et mille pensées que l'on entretient pour se laisser aller à l'ennuy et au descouragement.

  A010000559 

 Si Dieu ne donne promptement ce qu'on luy demande, ou qu'il ne nous monstre qu'il nous escoute, on perd courage, on ne peut perseverer en l'oraison, on quitte tout là..

  A010000560 

 Mais je ne veux pas m'arrester icy; pour moy je tiens cette derniere opinion, et que quand les Apostres dirent: Seigneur, congediez-la, ou bien, renvoyez cette fermme, car elle ne fait que crier apres nous, ils vouloyent signifier apres vous, car c'estoit bien crier apres eux que de crier apres leur Maistre..

  A010000560 

 Sur ce, les uns pensent que, voyant que le Sauveur ne luy respondoit rien, elle s'addressa aux Apostres pour leur demander d'interceder pour elle; voyla pourquoy ils dirent: Elle ne fait que crier apres nous. D'autres croyent qu'elle ne les pria point, ains qu'elle cria tousjours apres Nostre Seigneur.

  A010000561 

 Et la ferons-nous chaque jour, n'en ferons-nous point d'autre? Non, je ne dis pas cela; mais Dieu ne vous en enjoint point d'autre.

  A010000561 

 Et quelle priere ferons-nous tousjours? Nostre Seigneur la dictée de sa propre bouche: Dites: Nostre Pere qui estes ès cieux.

  A010000561 

 Je sçay bien que ce mal l'ait de diversifier ses oraisons et meditations, car l'Eglise mesme nous l'enseigne en la varieté de ces Offices; mais outre ces prieres là, vous en ferez une quotidienne, laquelle il faut reciter non seulement apres Laudes, Prime et Vespres, ains souventefois le jour.

  A010000561 

 O que l'on seroit heureux si l'on accompagnoit la priere de cette perseverance; si lors qu'on a des degousts, des secheresses en icelle, lors que la suavité de l'oraison nous est soustraite, l'on perseveroit à prier sans se lasser ni se plaindre ni rechercher d'en estre delivré, se contentant parmi cela de crier sans cesse: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moy.

  A010000564 

 Perseverons en la priere en tous temps; car si Nostre Seigneur semble ne pas nous entendre, ce n'est pas pour cela qu'il nous veuille esconduire, mais c'est à fin de nous obliger à jetter nos clameurs plus haut et nous faire davantage sentir la grandeur de sa misericorde.

  A010000564 

 Tout de mesme, quand Nostre Seigneur nous soustrait les douceurs et les consolations ce n'est point pour nous esconduire ou nous faire perdre courage, mais il nous jette du vinaigre dans la bouche à fin de nous exciter à nous approcher tant plus pres de sa divine Bonté, et nous exercer à la perseverance..

  A010000565 

 C'est encor pour tirer des preuves de nostre patience, la troisiesme vertu qui accompagna la priere de la Chananée; car le Sauveur voyant sa perseverance aussi esprouver sa patience, vertu par laquelle nous conservons, autant qu'il se peut, l'esgalité parmi les inesgalités des accidens de cette vie.

  A010000568 

 Imitons cette femme, à ce que perseverant tousjours à crier apres nostre Sauveur et Maistre: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moy, il nous die à la fin de nos jours: Soit fait comme tu le veux, et à cause de ce que tu as fait, viens jouir de l'eternité.

  A010000568 

 Veillons soigneusement à la conserver et aggrandir tant par la consideration attentive des mysteres qu'elle nous enseigne que par l'exercice des vertus dont nous avons parlé, particulierement de l'humilité, par laquelle la Chananée a obtenu tout ce qu'elle desiroit.

  A010000587 

 Or, si celuy qui les a veuës n'en peut parler, si ayant esté ravi jusqu'au troisiesme Ciel il n'en ose dire mot, beaucoup moins donques nous autres qui n'avons esté eslevés ni au premier ni au second ni au troisiesme..

  A010000588 

 Le discours que nous devons faire aujourd'huy, selon nostre Evangile, estant de la felicité eternelle, il faut avant toute autre chose que je vous represente une similitude.

  A010000590 

 De mesme en est-il, mes cheres ames, de ce que nous pouvons dire sur la grandeur de la felicité eternelle et des beautés et amenités dont le Ciel est rempli; car il y a encores plus de proportion entre la lumiere d'une lampe avec la clarté de ces grans luminaires qui nous esclairent, entre la beauté de la feuille ou du fruit d'un arbre et l'arbre mesme chargé de fleurs et de fruits tout ensemble, entre tout ce que cet enfant comprend de ce que sa mere luy dit et la verité mesme des choses dont elle parle, que non pas entre la lumiere du soleil et la [234] clarté dont jouissent les Bienheureux en la gloire; entre la beauté d'une prairiediaprée au printemps et la beauté de ces campagnes celestes, entre l'amenité de nos colines chargées de fruits et l'amenité de la felicité eternelle.

  A010000590 

 Mais bien que cela soit ainsy, et que nous soyons asseurés que ce que nous en pouvons dire n'est rien au prix de ce qui est en verité, nous ne devons pas laisser d'en toucher quelque chose..

  A010000592 

 Dieu favorise grandement ceux qui prattiquent la charité envers leurs freres; il n'y a rien qui attire tant sa misericorde sur nous que cela, d'autant que Nostre Seigneur a declaré que c'est son commandement, c'est à sçavoir le sien plus cheri et plus aymé; apres celuy de l'amour de Dieu il n'y on a point de plus grand.

  A010000594 

 Ainsy le rapporte saint Augustin, lequel ayant dit que le medecin luy raconta qu'il avoit ouy cette divine musique qui se chantoit à son costé droit, dans la campagne dont nous avons parlé, mais certes, adjouste-t-il, je ne me souviens pas de ce qu'il avoit veu du costé gauche.

  A010000594 

 Apres icelle nous ne devons plus admettre cette difficulté en nos esprits, que nos ames estans separées de leur corps n'ayent une pleine et absolue liberté de faire leurs fonctions et leurs [236] actions.

  A010000594 

 En quoy nous remarquons combien ce glorieux Saint estoit exact à ne dire que simplement ce qu'il sçavoit bien estre de la verité de cette histoire.

  A010000594 

 Icy nous ne pouvons pas faire cela, car quiconque veut penser à plus d'une chose en mesme temps il a tousjours moins d'attention à chacune, et son attention en est moins parfaite.

  A010000594 

 Par exemple, nostre entendement verra, considerera et entendra non seulement une chose à la fois, ains plusieurs ensemble; nous aurons plusieurs attentions, sans que l'une nuise à l'autre.

  A010000594 

 Tout de mesme en est-il de la memoire: elle nous fournira plusieurs souvenirs sans que l'un empesche l'autre.

  A010000595 

 Ils pensent que c'en est de mesme que des consolations que l'on reçoit quelquefois en la terre, lesquelles font entrer l'ame en un certain endormissement spirituel, en sorte que pour un temps il n'est pas possible de se mouvoir et comprendre mesme où l'on est, ainsy que le tesmoigne le Psalmiste royal en son Psalme In convertendo: Nous avons esté faits, dit-il, comme consolés; ou bien, selon le texte hebreu et la version des Septante, co mme endormis, lors que le Seigneur nous a retirés de la captivité.

  A010000596 

 Et si bien il est escrit que Nostre Seigneur enivrera ses bien-aymés, disant: Beuvez, mes amis, et vous enivre mes tres chers, cet enivrement ne rendra pas l'ame moins capable de voir, considerer, entendre et faire ses divers mouvemens, ainsy que nous l'avons declaré, selon que l'amour de son Bien-Aymé luy suggerera; ains cela l'excitera tousjours davantage à redoubler ses mouvemens et eslans amoureux, comme estant tousjours plus enflammée de nouvelles ardeurs..

  A010000597 

 C'est pourquoy la multiplicité des sujets que nous aurons en nostre entendement, des souvenirs de nostre memoire, ni moins les desirs de nostre volonté ne feront nullement que l'un empesche l'autre ni que l'un soit mieux compris que l'autre.

  A010000597 

 La rayson de cecy est que nous pourrons bien avoir, ainsy que nous venons de le dire, plusieurs diverses attentions en mesme temps, sans que l'une nuise à l'autre, ains elles se perfectionneront reciproquement.

  A010000597 

 La troisiesme difficulté que je veux arracher de vos esprits est qu'il ne faut pas penser qu'en la gloire eternelle nous soyons sujets aux distractions comme nous le sommes tandis que nous vivons en cette vie mortelle.

  A010000598 

 Cela estant donques ainsy, que dirons-nous maintenant, mais que dirons-nous de cette beatitude? Le mot de beatitude et de felicité fait assez entendre ce que c'est; car il nous signifie que c'est un lieu de toutes consolations, où tous bonheurs et benedictions sont compris et [238] retenus.

  A010000598 

 Si en ce monde l'on estime bien heureux un esprit qui peut avoir plusieurs attentions à la fois, ainsy que le tesmoignent les louanges que l'on donne à celuy qui pouvoit estre attentif à sept choses en mesme temps, ou bien à ce valeureux capitaine de ce qu'il connoissoit cent ou cinquante mille soldats qu'il avoit sous sa charge, un chacun par leur nom, combien nos esprits seront-ils estimés bien heureux en cette beatitude où ils pourront avoir tant de diverses attentions! Mais, mon Dieu, que pourrions-nous dire de cette indicible felicité qui est eternelle, invariable, constante, permanente, et pour parler comme les anciens François, sempiternelle?.

  A010000600 

 Mais, mes cheres Sœurs, il faut que vous sçachiez que tous les Bienheureux se connoistront les uns les autres, un chacun par leur nom, ainsy que nous l'entendrons mieux par le recit de l'Evangile, lequel nous fait voir nostre divin Maistre sur le mont de Thabor, accompagné de saint Pierre, saint Jacques et saint Jean.

  A010000601 

 Il nous fit voir un petit eschantillon du bonheur eternel et une goutte de cet ocean et de cette mer d'incomparable felicité pour nous faire desirer la piece tout entiere; si que le bon saint Pierre, qui parloit pour tous comme devant estre le chef des autres: O qu'il est bon d'estre icy, s'escria-t-il tout esmeu de joye et de consolation.

  A010000601 

 Les Apostres virent donques alors sa face plus reluisante et esclattante que le soleil, voire cette clarté et cette gloire s'espancha jusques sur ses vestemens pour nous monstrer qu'il n'en estoit pas si chiche qu'il n'en fist part à ses habits mesme et à ce qui estoit autour de luy.

  A010000602 

 Je remarque premierement qu'en la felicité eternelle nous nous connoistrons tous les uns les autres, puisque en ce petit eschantillon que le Sauveur en donna à ses Apostres il voulut qu'ils reconneussent Moyse et Elie qu'ils n'avoyent jamais veus.

  A010000602 

 Nous aymerons des personnes particulierement, mais ces amitiés particulieres n'engendreront point de [240] partialités, car toutes nos affections prendront leur force de la charité de Dieu qui, les conduisant toutes, fera que nous aymerons un chacun des Bienheureux de cet amour eternel dont nous aurons esté aymés de la divine Majesté..

  A010000602 

 Si cela est ainsy, o mon Dieu, quel contentement recevrons-nous en voyant ceux que nous avons si cherement aymés en cette vie! Ouy mesme nous connoistrons les nouveaux Chrestiens qui se convertissent maintenant à nostre sainte foy aux Indes, au Japon et aux antipodes.

  A010000603 

 O Dieu, quelle consolation recevrons-nous en cette conversation celeste que nous aurons les uns avec les autres! Là nos bons Anges nous apporteront une joye plus grande qu'il ne se peut dire quand ils se feront reconnoistre à nous, et qu'ils nous representeront si amoureusement le soin qu'ils ont eu de nostre salut durant le cours de nostre vie mortelle; ils nous resouviendront des saintes inspirations qu'ils nous ont apportées, comme un lait sacré qu'ils alloyent puiser dans les mammelles de la divine Bonté, pour nous attirer à la recherche de ces incomparables suavités dont nous serons lors jouissans.

  A010000604 

 O mes cheres ames, quel bonheur à ce Saint de contempler la Hierusalem celeste en son triomphe, le grand Apostre (je ne dis pas grand de corps, car il estoit petit, rnais grand en eloquence et en sainteté) preschant et entonnant ces louanges qu'il donnera eternellement à la [241] divine Majesté en la gloire! Mais quel exces de consolation pour saint Augustin de voir Nostre Seigneur operer le miracle perpetuel de la felicité des Bienheureux que sa mort nous a acquise! Imaginez-vous, de grace, le divin entretien que ces deux Saints auront l'un avec l'autre, saint Paul disant à saint Augustin: Mon cher frere, ne vous resouvenez-vous point qu'en lisant mon Epistre vous fustes touché d'une inspiration qui vous sollicitoit de vous convertir, inspiration que j'avois obtenue de la divine misericorde de nostre bon Dieu par la priere que je faisois pour vous à mesme temps que vous lisiez ce que j'avois escrit? Cela, mes cheres Sœurs, ne causera-t-il pas une douceur admirable au cœur de nostre saint Pere?.

  A010000605 

 Si cela est ainsy, mes cheres ames, quelles consolations recevrons-nous entrant au Ciel, où nous verrons cette benite face de Nostre Dame toute flamboyante de l'amour de Dieu! Et si sainte Elizabeth demeura si transportée d'ayse et de contentement quand, au jour qu'elle la visita, elle luy ouyt entonner ce divin Cantique du Magnificat, combien nos cœurs et nos esprits tressailliront-ils d'une joye indicible lors qu'ils entendront entonner par cette chantre sacrée le cantique de l'amour eternel! O quelle douce melodie! Sans doute nous pasmerons et entrerons en des ravissemens fort aymables, lesquels ne nous osteront pourtant pas l'usage ni les fonctions de nos puissances qui, par ce divin rencontre que nous ferons de la Sainte Vierge, s'habiliteront [242] merveilleusement pour mieux et plus parfaittement louer et glorifier Dieu, qui luy a fait tant de graces et à nous aussi, nous donnant celle de converser familierement avec elle..

  A010000605 

 Supposez que Nostre Dame, sainte Magdeleine, sainte Marthe, saint Estienne et les Apostres fussent veus l'espace d'un an, comme pour un grand jubilé, en Hierusalem: quel d'entre nous autres, je vous supplie, voudroit demeurer icy? Pour moy je pense que nous nous embarquerions tous et nous mettrions au peril de tous les hazards qu'encourent ceux qui vont d'icy là, pour avoir cette grace de voir nostre glorieuse Mere et Maistresse, Magdeleine, Marie Salomé et les autres qui s'y trouveroyent, puisque nos pelerins s'exposent bien à tant de dangers pour aller seulement reverer les lieux où ces saintes personnes ont posé leurs pieds.

  A010000606 

 Hé, ne l'apprenons-nous pas en la Transfiguration, où il ne se parle de rien tant que de l'exces qu'il devoit souffrir en Hierusalem? exces qui n'estoit autre, comme nous l'avons ja veu, que sa douloureuse mort.

  A010000606 

 Mais de quoy traitterons-nous encores en nostre conversation? De la Mort et Passion de Nostre Seigneur et Maistre.

  A010000606 

 Mais, me pourriez-vous demander, s'il est ainsy que vous dites que nous nous entretiendrons avec tous ceux qui sont en la Hierusalem celeste, qu'est-ce que nous dirons? De quoy parlerons-nous? Quel sera le sujet de nostre entretien? O Dieu, mes cheres Soeurs, quel sujet! Celuy des misericordes que le Seigneur nous a faites icy bas, par lesquelles il nous a rendus capables d'entrer en la jouissance d'un bonheur tel que seul il nous suffit.

  A010000606 

 O si nous pouvions comprendre quelque chose de la consolation que les Bienheureux ont en parlant de cette amoureuse mort, combien nos ames se delecteroyent d'y penser!.

  A010000607 

 Le Prophete, parlant en la personne de Nostre Seigneur, nous dit: Quand il arriveroit que la mere oublieroit l'enfant qu'elle porte en ses entrailles, si ne t'oublieray-je point, car j'ay gravé ton nom en mes mains.

  A010000607 

 Passons plus outre, je vous prie, et disons un peu quelques mots de l'honneur et de la grace que nous aurons de converser mesme avec Nostre Seigneur humanisé.

  A010000607 

 Que ferons-nous, cheres ames, que deviendrons-nous, je vous prie, quand à travers la playe sacrée de son costé nous appercevrons ce [243] cœur tres adorable et tres aymable de nostre Maistre, tout ardent de l'amour qu'il nous porte, cœur auquel nous verrons tous nos noms escrits en lettres d'amour? Est-il possible, dirons-nous, o mon cher Sauveur, que vous m'ayez tant aymé que d'avoir gravé mon nom en vostre cœur! Cela est pourtant veritable.

  A010000608 

 Certes, ce sera un sujet de tres grande consolation que celuy cy, que nous soyons si cherement aymés de Nostre Seigneur qu'il nous porte tousjours en son cœur.

  A010000608 

 Ces veuës, ces regards, ces considerations particulieres que nous irons faisant sur cet amour sacré, duquel nous aurons esté si cherement et si ardemment aymés par nostre souverain Maistre, enflammeront nos cœurs d'une dilection et d'une ardeur nompareilles.

  A010000608 

 Que ne devrions-nous donques pas faire ou souffrir pour jouir de ces suavités indiciblement aggreables! Cette verité nous est monstrée en l'Evangile d'aujourd'huy; car ne voyez-vous pas que Nostre Seigneur estant transfiguré, Moyse et Elie luy parlent et s'entretiennent tout familierement avec luy?.

  A010000608 

 Quelle delectation admirable pour un chacun des Bienheureux quand ils verront dans ce cœur tres sacré et tres adorable les pensées de paix qu'il faisoit pour eux et pour nous à l'heure mesme de sa Passion! pensées qui nous preparoyent non seulement les moyens principaux de nostre salut, mais aussi tous les divins attraits, inspirations et bons mouvemens desquels ce tres doux Sauveur se vouloit servir pour nous attirer à la suite de son tres pur amour.

  A010000609 

 Là nous entendrons et participerons à ces tres adorables conversations et à ces divins colloques qui se font entre le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A010000609 

 Nostre felicité ne s'arrestera pas là, mes cheres ames, mais elle passera plus avant, car nous verrons face à face et tres clairement la divine Majesté, l'essence de [244] Dieu et le mystere de la tres sainte Trinité, en laquelle vision et claire connoissance consiste nostre felicité essentielle.

  A010000609 

 Nous entendrons, dis-je, comme le Fils entonnera melodieusement les louanges deuës à son Pere celeste et comme il luy representera, en faveur de tous les hommes, l'obeissance qu'il luy a rendue tout le temps de sa vie.

  A010000609 

 Nous ouyrons aussi, en contreschange, le Pere eternel prononcer d'une voix esclattante et avec une harmonie incomparable ces divines paroles que les Apostres entendirent au jour de la Transfiguration: Celuy cy est mon Fils bien aymè auquel je me suis compleu, et le Pere et le Fils parlant ensemble du Saint Esprit: C'est icy nostre Esprit, procedant de l'un et de l'autre, dans lequel nous avons mis tout nostre amour..

  A010000610 

 Il nous donnera un nom, il nous dira un mot.

  A010000611 

 Ce sera alhors que Dieu donnera à la divine amante ce bayser qu'elle a si ardemment demandé et souhaitté, ainsy que nous disions tantost.

  A010000611 

 Quelles divines extases, quels embrassemens amoureux entre la souveraine Majesté et cette chere amante quand Dieu luy donnera ce bayser de paix! Cela sera pourtant ainsy, et non pas avec une amante seule, ains avec un chacun des citoyens celestes, entre lesquels se fera un entretien admirablement aggreable des souffrances, des peines et des tourmens que Nostre Seigneur a endurés pour un chacun de nous durant le cours de sa vie mortelle, entretien qui leur causera une consolation telle que les Anges, au dire de saint Bernard, n'en sont pas capables; car si bien Nostre Seigneur est leur Sauveur et qu'ils ayent esté sauvés par sa mort, il n'est pourtant pas leur Redempteur, d'autant qu'il ne les a pas rachetés, ains seulement les hommes.

  A010000612 

 En la Hierusalem celeste nous jouirons donques d'une conversation tres aggreable avec les Esprits bienheureux, les Anges, les Cherubins et Seraphins, les Saints et les Saintes, avec Nostre Dame et glorieuse Maistresse, avec Nostre Seigneur et en fin avec la tres sainte et tres adorable Trinité, conversation qui durera eternellement et qui sera perpetuellement gaye et joyeuse.

  A010000612 

 O que cette asseurance augmentera nostre consolation! Marchons donques gayement et joyeusement, cheres ames, parmi les difficultés de cette vie passagere; embrassons à bras ouverts toutes les mortifications et afflictions que nous rencontrerons en nostre chemin, puisque nous sommes asseurés que ces peines prendront fin et qu'elles se termineront avec nostre vie, apres laquelle il n'y aura que joyes, que contentemens et consolations eternelles.

  A010000612 

 Or, si nous avons en cette vie tant de suavité à ouyr parler de ce que nous aymons que nous ne pouvons nous en taire, quelle joye, quelle jubilation recevrons-nous d'entendre eternellement chanter les louanges de la divine Majesté que nous devons aymer et que nous aymerons plus qu'il ne se peut comprendre en cette vie! Si nous prenons [246] tant de playsir en la seule imagination de la perdurable felicité, combien en aurons-nous davantage en la jouissance de cette mesme felicité! felicité et gloire qui n'aura jamais de fin, ains qui durera eternellement sans que jamais nous en puissions estre rejettés.

  A010000618 

 Dieu la donne tousjours suffisante à quiconque la veut recevoir; cecy est une chose toute claire, tous les theologiens en sont d'accord, et le Concile de Trente a declaré que jamais la grace ne nous manque, mais que c'est nous qui manquons à la grace, ne la voulant recevoir ou luy donner nostre consentement.

  A010000618 

 Nous trouverons en icelle un grand sujet de craindre à cause de ces paroles de l'Evangile: Plusieurs sont appelles, mais peu sont esleus.

  A010000618 

 Nous y trouverons aussi dequoy condamner ceux qui censurent et parlent injustement contre la Providence divine, et ne veulent adorer ni approuver les effects et evenemens d'icelle touchant l'election des bons et la reprobation des mauvais; car lors qu'on voit l'ejection de ceux cy, la prudence humaine se met à la recherche des motifs et raysons de leurs cheutes, et au lieu de regarder la douce Providence de Dieu, elle se jette sur le defaut de la grace et dit: Si ce [248] pecheur en eust receu autant que le juste il ne fust pas tombé en tel defaut.

  A010000619 

 Or, si c'est tousjours l'homme qui manque à la grace et que jamais la grace ne nous manque, si l'on voit en toutes sortes d'estats, de conditions et de vocations un si grand nombre de reprouvés et peu d'esleus, qui s'asseurera et vivra sans apprehension de perdre cette grace ou de luy refuser son consentement? qui ne craindra de descheoir en ne rendant pas à Dieu le service qui luy est deu, chacun selon son devoir et obligation, puisque si bien nous voyons un Lazare et un saint Mathias au nombre des esleus, nous trouvons ce riche de l'Evangile et Judas parmi les reprouvés? Mais quoy, le mauvais riche n'estoit-il pas appellé à une mesme vocation que le Lazare, et Judas à la mesme que saint Mathias? Ouy, sans doute, cecy est tout clair en l'Evangile; car le mauvais riche estoit Juif, puisqu'il appelle Abraham pere: Pere Abraham, luy dit-il, le priant de luy envoyer le Lazare.

  A010000620 

 Neanmoins nous voyons en l'Evangile du jour que de ces deux hommes esgalement appellés de Dieu, celuy qui a le plus receu et qui est le plus obligé de le servir ne le sert point, ains vit et meurt miserablement, tandis que le pauvre Lazare le sert avec fidelité et meurt heureusement.

  A010000620 

 Nous voyons donques que ce riche estoit appellé de Dieu aussi bien que le Lazare, et qu'il avoit encores plus d'obligation que luy d'observer les divins commandemens.

  A010000624 

 Luy, le plus sage de tous les hommes, à qui Dieu avoit si amplement donné son Esprit, sa sapience et la connoissance de toutes choses, luy qui penetroit jusques au centre de la terre, traittant si hautement de tout ce qui s'y trouve, et qui montoit jusques au cedre du Liban, luy qui parloit avec tant de sagesse non seulement des choses corporelles et materielles mais encores des spirituelles! Ce qui se voit en cet admirable Livre de l'Ecclesiaste et en celuy de ses Proverbes qui sont tout remplis de sentences pleines d'une sapience telle que nous voyons clairement que personne n'en a jamais esté doué comme Salomon.

  A010000624 

 Neanmoins il est descheu, comme nous dirons tantost, et il est tombé dans l'iniquité, nonobstant toute la plenitude de l'Esprit divin qu'il avoit receu..

  A010000628 

 Hé quoy, dit la prudence humaine, le ciel, la terre et par consequent tout ce qui se trouve en icelle, n'est-il pas fait pour l'homme, et Dieu ne veut-il pas que nous en usions? Il est vray que Dieu a creé le monde pour l'homme avec intention qu'il usast des biens qu'il trouveroit en iceluy, mais non point à fin qu'il en jouist comme si c'estoit sa fin derniere.

  A010000632 

 Judas et le mauvais riche estoyent avaricieux de ces deux sortes d'avarice dont nous venons de traitter.

  A010000638 

 Advertissemens qui nous doivent faire vivre en grande crainte et humilité en quel lieu et estat que nous soyons, et dresser souvent nos cœurs vers la divine Bonté pour invoquer son secours, faisant le plus d'eslans de nos esprits en Dieu que nous pourrons, souspirant apres luy par frequentes prieres et oraisons..

  A010000638 

 Quelques anciens Peres disent que cela peut arriver pour avoir rejetté un advertissement, une inspiration; car quoy que ce rejet ne soit qu'un peché veniel qui ne nous oste pas la grace, neanmoins il en empesche le cours, la ferveur s'amoindrit, on s'affoiblit contre les vices; si qu'aujourd'huy que vous manquez à la grace luy refusant vostre consentement et commettant ce peché veniel, vous vous disposez à en commettre bien tost un autre, et par la multitude des veniels à tomber petit à petit dans les mortels, et par iceux à perdre la grace.

  A010000639 

 En somme, ni le naturel ni les inclinations ne nous peuvent point empescher d'arriver à la perfection de la [260] vie chrestienne, quand on veut se prevaloir de la grace pour les mortifier et les assujettir à la rayson; mais quand nous vivons selon ces inclinations mauvaises nous nous perdons.

  A010000639 

 Il est vray que nous avons tous des inclinations au mal: les uns sont portés à la colere, les autres à la tristesse, d'autres à l'envie, d'autres à la vanité et vaine gloire, d'autres à l'avarice; et si nous vivons selon telles ou semblables inclinations nous sommes perdus.

  A010000639 

 Mais j'ay tant de mauvaises inclinations! Et quel est celuy qui n'en a pas? N'avez-vous pas la grace divine pour les combattre? Il y en a d'autres qui s'excusent sur leur naturel: Hé, disent-ils, nous ne sçaurions jamais rien faire qui vaille, nous avons un si mauvais naturel.

  A010000639 

 Mais la grace ne va-t-elle pas au dessus de la nature? Saint Paul avoit un naturel aspre, rude et revesche; neanmoins la grace de Dieu le renversa, et se saisissant de ce naturel revesche, elle le rendit d'autant plus ferme au bien qu'il entreprit, et si courageux et invincible en toutes sortes de peines et de travaux que rien ne peut esbranler son courage, de maniere qu'il devint un grand Apostre, tel que nous l'honnorons à present.

  A010000640 

 De là nous pouvons conclure que la mort entra par ses yeux et que cecy fut la cause de sa cheute, car par les yeux entre la convoitise, et avec icelle toutes sortes de maux.

  A010000641 

 Lors saint Pierre dit, parlant aux disciples: Il nous faut choisir un d'entre vous pour mettre en l'apostolat à la place de Judas qui l'a quitté et s'est fait apostat..

  A010000642 

 Cecy est fort propre à confondre les huguenots qui disent que l'apostolat a manqué quand les Apostres sont morts; ce qui est tres faux, car encores qu'ils soyent morts, l'apostolat ne l'est pas, puisque de mesme que saint Pierre et tous les autres Apostres et disciples estans assemblés en choisirent un pour succeder à Judas, celuy là pouvoit aussi en choisir un autre, et cet autre un autre, et ainsy consecutivement; de sorte que l'apostolat a passé jusqu'à nous et durera jusques à la fin du monde.

  A010000642 

 D'où nous devons tirer cet advertissement, de travailler soigneusement à bien garder nos vocations, de peur que venant à descheoir, un autre ne soit mis en nostre place.

  A010000642 

 Nous sommes donques enseignés que bien que Judas quittast l'apostolat, neanmoins l'apostolat ne perit pas pour cela, il demeura tousjours en estre; car le college des Apostres dura non seulement pendant la vie de Nostre Seigneur qui les appella et les receut, mais apres sa mort [261] ils en esleurent un autre pour remplacer le traistre.

  A010000644 

 Or, Joseph, qui estoit juste, ne perdit point sa justice encores qu'il ne fust pas retenu pour Apostre, ains sa sainteté luy demeura, pour nous apprendre que Dieu ne choisit pas tousjours les plus saints pour gouverner et avoir des charges en son Eglise.

  A010000645 

 Mais ces prestres sinagogiques et mosaïques le rejetterent, disant qu'ils ne s'en soucioyent point, que s'il avoit mal fait c'estoit son dam et que pour eux ils n'en avoyent que faire; car en la Loy de Moyse il n'en prenoit pas comme en celle de grace sous laquelle nous sommes; les prestres de ce temps icy ne rejettent pas ainsy les pecheurs quand ils viennent à eux, d'autant qu'il n'y a peché, pour grand et grief qu'il soit, qui ne puisse estre pardonné en cette [263] vie, si on le confesse: cecy est un article de foy.

  A010000656 

 La seconde est l'union qu'il nous faut avoir en nous mesme, au royaume que nous avons en nostre interieur, dont la rayson doit estre la reyne, à laquelle toutes les facultés de nostre esprit, tous nos sens et nostre corps mesme doivent demeurer absolument assujettis; car sans cette obeissance et sousmission nous ne pouvons nous empescher de la desolation et du trouble, [265] non plus que le royaume où les sujets ne sont pas obeissans aux lois du roy..

  A010000657 

 Cette union et concorde nous a esté preschée, recommandée et enseignée tant d'exemple que de parolle, par Nostre Seigneur, mais avec une exageration nompareille et avec des termes admirables; de sorte qu'il semble qu'il se soit oublié de nous recommander l'amour que nous luy devons porter, et à son Pere celeste, pour mieux nous inculquer l'amour et l'union qu'il vouloit que nous eussions les uns avec les autres; il a mesme appellé le commandement de l'amour du prochain son commandement, comme estant le sien le plus cheri.

  A010000657 

 Il estoit venu en ce monde pour nous enseigner en Maistre tout divin, et cependant il n'inculque rien tant ni avec des paroles si pregnantes que l'observance de ce commandement de l'amour du prochain.

  A010000657 

 Mais d'autant qu'il faudroit trop de temps pour parler de toutes ces unions, je m'arresteray seulement à la troisiesme, qui est celle que nous devons avoir les uns avec les autres.

  A010000658 

 Et pour monstrer qu'il ne parloit pas seulement pour les Apostres ains pour tous nous autres: Je ne te prie pas seulement pour ceux [266] cy, avoit-il dit auparavant, mais pour tous ceux qui croiront en moy par leur parolle.

  A010000658 

 Mais quelle doit estre cette union et concorde que nous devons avoir par ensemble? Oh, quelle elle doit estre! Telle que si Nostre Seigneur luy mesme ne l'eust expliquée, nul n'eust eu la hardiesse de le faire en mesmes termes qu'il l'a fait.

  A010000658 

 Qui eust osé, dis-je derechef, faire une telle comparaison, et demander que nous fussions unis comme le Pere, le Fils et le Saint Esprit le sont par ensemble?.

  A010000659 

 Aussi, nous ne devons pas entendre de pouvoir parvenir à l'esgalité de cette union, car il ne se peut, comme le remarquent les anciens Peres; il nous faut contenter d'en approcher au plus pres qu'il nous sera possible, selon la capacité que nous avons.

  A010000659 

 Nostre Seigneur ne nous appelle pas à l'esgalité, ains seulement à la qualité de cette union, c'est à sçavoir, que nous nous devons aymer et estre unis par ensemble le plus purement et le plus parfaitement qu'il se peut..

  A010000660 

 Comme s'il disoit: De mesme que Dieu, nostre Pere tout bon, nous a aymés si cherement qu'il nous a tous adoptés pour ses enfans, ainsy monstrez que vous estes vrayement ses enfans en vous aymant cherement les uns les autres en toute bonté de cœur..

  A010000660 

 Il semble qu'il vouloit nous declarer ce que le Sauveur entendoit quand il prioit son Pere celeste que nous fussions tous un, c'est à dire unis, comme luy et son Pere estoyent un.

  A010000660 

 J'ay pris d'autant plus de playsir à traitter de ce sujet aujourd'huy, que j'ay trouvé que saint Paul nous recommande cet amour du prochain avec des termes admirables dans l'Epistre que nous avons leuë à la sainte Messe, en laquelle il dit escrivant aux Ephesiens: Bien aymés, marchez en la voye de la dilection des uns envers les autres comme enfans tres chers de Dieu; marchez en icelle comme Jesus Christ y a marché, lequel a donné sa propre vie pour nous, s'offrant à Dieu son Pere en holocauste et en hostie d'odeur et de suavité.

  A010000660 

 Nostre Seigneur avoit esté, un peu court en nous enseignant par paroles comme quoy il desiroit que nous pratiquassions [267] cette sainte et tres sacrée union; c'est pourquoy son glorieux Apostre s'estend davantage à nous l'exprimer, nous exhortant à marcher en la voye de la dilection comme enfans tres chers de Dieu.

  A010000660 

 Oh que ces paroles sont aymables et dignes d'estre considerées! Ce sont paroles toutes dorées, par lesquelles ce grand Saint nous fait entendre quelle doit estre nostre concorde et nostre dilection les uns envers les autres.

  A010000661 

 Aymez-vous les uns les autres comme Jesus Christ nous a aymés, non pour aucun merite qui fust en nous, ains seulement parce qu'il nous a creés à son image et semblance.

  A010000661 

 C'est cette image et semblance que nous devons honnorer et aymer en tous les hommes, et non pas autre chose qui soit en eux; car rien n'est aymable en nous de ce qui est de nous, puisque non seulement cela n'embellit pas cette divine ressemblance, ains l'enlaidit, souille et barbouille, en sorte que nous ne sommes presque plus reconnoissables.

  A010000661 

 En quoy il nous monstre qu'il veut que nous marchions d'un pas de geant et non de petit enfant.

  A010000661 

 Mais à fin que nous ne cheminions point d'un pas d'enfant en cette voye de la dilection que Dieu nostre Pere nous a tant recommandée, saint Paul adjouste: Marchez-y comme Nostre Seigneur y a marché, donnant sa vie pour nous, et le reste qui s'ensuit.

  A010000662 

 Pourquoy donc Nostre Seigneur a-t-il voulu que nous nous aymassions tant les uns les autres, et pourquoy, demandent la pluspart des saints Peres, a-t-il pris tant de soin de nous inculquer ce precepte comme estant semblable au commandement de l'amour de Dieu? Cecy fait grandement estonner, que l'on dise que ces deux commandemens sont semblables, veu que l'un tend à aymer Dieu, et l'autre la creature: Dieu qui est infini, et la creature qui est finie; Dieu qui est la bonté mesme et duquel tous biens nous arrivent, et l'homme qui est rempli de malice et duquel nous viennent tant de maux; car le commandement de l'amour du prochain contient [268] aussi l'amour des ennemis.

  A010000664 

 C'est pourquoy nous devons faire comme Marc Antoine: nous devons acheter ces deux amours, comme jumeaux sortis tous deux des entrailles de la misericorde de nostre bon Dieu, et ce en mesme temps; car dès que Dieu crea l'homme à son image et semblance il ordonna à cet instant mesme qu'il aymeroit Dieu et son prochain aussi..

  A010000665 

 Nous voyons cecy en ce que le Seigneur trouva extremement mauvaise la responce du miserable Caïn, qui eut bien la hardiesse, quand il luy demanda ce qu'il avoit fait de son frere Abel, de dire qu'il n'estoit pas obligé de le garder.

  A010000665 

 Nul ne se peut excuser de ne pas sçavoir qu'il faut aymer nostre prochain comme nous mesme, Dieu ayant gravé cette verité au fond de nos cœurs en nous creant tous à la ressemblance les uns des autres; car portant tous en nous l'image du Createur, nous sommes par consequent l'image les uns des autres, ne representant tous qu'un mesme portrait qui est Dieu..

  A010000666 

 Cela estant donques ainsy, voyons un peu, je vous prie, en quels termes Nostre Seigneur nous a recommandé l'amour du prochain, sur lequel point j'establis ces considerations.

  A010000666 

 Et premierement, pourquoy appelle-t-il ce commandement nouveau, puisqu'il avoit desja esté donné en la Loy de Moyse, et que mesme, comme nous l'avons ja veu, il n'avoit pas esté ignoré en la loy de nature, ains reconneu, voire observé par quelques uns dès la creation de l'homme? Nostre divin Maistre appelle ce commandement nouveau d'autant qu'il [270] le vouloit renouveller; et comme quand on met du vin nouveau en quantité dans un tonneau où il y en a encor un peu de vieux, l'on ne dit pas que tel tonneau contient du vin viel ains du nouveau, parce que la quantité de celuy cy surpasse sans comparaison celle de l'autre, de mesme Nostre Seigneur appelle ce commandement nouveau, d'autant que, si bien il avoit esté donné auparavant, il n'avoit pourtant esté observé que par un fort petit nombre de personnes; si qu'il pouvoit le nommer tout nouveau, parce qu'il vouloit qu'il fust tellement renouvellé que tous s'aymassent les uns les autres..

  A010000668 

 Et comme nous voyons encores que de plusieurs raisins pressurés les uns avec les autres se fait un seul vin, et qu'il n'est plus possible de remarquer quel est le vin sorti d'une telle graine ou d'une telle grappe, ains tout estant pesle meslé ne forme qu'un vin tiré de plusieurs graines de raisins, de mesme ces cœurs des premiers Chrestiens, esquels regnoit la sainte charité et dilection, n'estoyent qu'un vin composé de plusieurs cœurs comme de plusieurs raisins.

  A010000669 

 Le commandement de l'amour du prochain est donques nouveau pour la rayson que nous venons de dire, à sçavoir parce que Nostre Seigneur l'est venu renouveller, tesmoignant qu'il vouloit qu'il fust mieux observé qu'auparavant.

  A010000670 

 Aussi, avant de renouveller ce commandement de l'amour du prochain, il nous a aymés et monstré par son exemple comment nous le devions prattiquer à fin que nous ne nous en excusassions point comme si c'estoit une chose impossible; il s'est donné au tres saint Sacrement, puis il nous a dit: Aymez-vous les uns les autres comme je vous ay aymés.

  A010000670 

 Il est nouveau aussi à cause des nouvelles obligations que nous avons de l'observer.

  A010000670 

 Les hommes de l'ancienne Loy sont damnés s'ils n'ont pas aymé le prochain, car ou la loy de nature les y obligeoit ou bien celle de Moyse; mais les Chrestiens qui, apres l'exemple que Nostre Seigneur nous en a laissé, [272] ne s'ayment pas les uns les autres et n'observent ce divin precepte de la charité mutuelle seront damnés d'une damnation incomparablement plus grande..

  A010000670 

 Or, quelles sont ces nouvelles obligations que Jesus Christ a apportées au monde, de nous rendre souples en l'observance de ce divin precepte? Elles sont grandes certes, puisque luy mesme est venu nous l'enseigner non seulement de paroles mais beaucoup plus d'exemple; car ce Maistre divin et tres aymable ne nous a point voulu apprendre à peindre qu'il n'ayt premierement peint devant nous; il ne nous a donné nul precepte qu'il ne l'ayt premierement observé devant que nous le donner.

  A010000671 

 Les hommes d'autrefois, je veux dire ceux qui vivoyent avant la glorieuse Incarnation de nostre cher Sauveur et Maistre, peuvent avoir quelques excuses, car si bien l'on sçavoit desja en ce temps là que Nostre Seigneur, unissant nostre nature humaine à la nature divine, viendroit reparer par sa Mort et Passion l' image et semblance de Dieu imprimée en nous, ce n'estoyent que quelques uns des plus grans, comme les Patriarches et les Prophetes qui avoyent cette connoissance, les autres hommes l'ignoroyent quasi tous.

  A010000671 

 Mais maintenant que nous sçavons non pas qu'il viendra, ains qu'il est venu, et qu'il nous a recommandé tout de nouveau cette sainte dilection les uns envers les autres, combien serons-nous dignes de punition si nous n'ajnrions nostre prochain!.

  A010000672 

 Mais Nostre Seigneur estant venu au monde a tellement relevé nostre nature au dessus de tous les Anges, des Cherubins et de tout ce qui n'est point Dieu, il nous a tellement faits semblables à luy, que nous pouvons dire asseurement que nous ressemblons parfaitement à Dieu, lequel s'estant fait homme a pris nostre [273] semblance et nous a donné la sienne.

  A010000672 

 O combien donques devons-nous relever nos courages pour vivre selon ce que nous sommes, et imiter le plus parfaittement qu'il se peut Celuy qui est venu pour nous enseigner ce que nous devions faire, à fin de conserver en nous cette beauté et divine ressemblance qu'il a si entierement reparée et embellie en nous!.

  A010000672 

 Se faut-il donques estonner si ce Bien-Aymé de nos ames veut que nous nous aymions comme il nous a aymés, puisqu'il nous a tellement restablis en cette parfaitte ressemblance que nous avions avec luy qu'il semble qu'il n'y ayt plus aucune difference? Certes, nul ne peut douter que l'image de Dieu qui estoit en nous avant l'Incarnation du Sauveur ne fust grandement distante de la vraye ressemblance de Celuy que nous representions et duquel nous estions les portraits; car quelle proportion y a-t-il, je vous prie, entre Dieu et la creature? Les couleurs de ce portrait estoyent infiniment blasfardes et decolorées; il n'y avoit simplement que quelques traits, quelques petits lineamens, ainsy que l'on voit en un portrait ou en un tableau qui est seulement esbauché, et où les couleurs n'estans encores posées, on n'y remarque qu'un air bien petit et bien mince de celuy qu'il represente.

  A010000673 

 Or dites-moy donques, l'amour cordial que nous nous devons porter les uns aux autres quel doit-il estre, puisque Nostre Seigneur nous a tous esgalement reparés et faits semblables à luy sans en exclure aucun? On doit neanmoins tousjours se resouvenir qu'il ne faut pas aymer au prochain ce qui est contraire à cette divine ressemblance ou qui peut ternir ce portrait sacré; mais hors de là, ne devrions-nous pas, mes cheres ames, aymer cherement celuy qui nous represente si au vif la personne sacrée de nostre Maistre? N'est-ce pas un des plus pregnans motifs que nous sçaurions avoir pour nous aymer d'un amour extremement ardent? Hé, quand nous voyons nostre prochain ne devrions-nous pas faire comme le bon Raguel quand il vit le jeune Tobie? Celuy-cy, estant allé en Rages par le commandement de son pere, fit rencontre de ce bon homme Raguel, lequel le regardant: Hé, dit-il à sa femme, mon Dieu, que ce jeune homme me represente bien nostre cousin Tobie! Sur quoy il luy demanda d'où il estoit et s'il ne connoissoit point Tobie; à quoy l'Ange qui le conduisoit respondit: Celuy cy à qui vous parlez est son fils; je vous laisse à penser si nous le connoissons! Lors le bon Raguel, tout transporté d'ayse, l'embrassa, et le caressant et baysant fort tendrement: O mon enfant, s'escria-t-il, que tu es fils d'un bon pere et que tu ressembles à un grand homme de bien! Puis il le receut en sa mayson et le traitta merveilleusement bien selon l'affection qu'il portoit à son cousin Tobie..

  A010000674 

 Hé donques, n'en devrions-nous pas faire de mesme quand nous nous rencontrons les uns les autres? Oh, devrions-nous dire à nostre frere, que vous ressemblez à un grand homme de bien, car vous me representez mon [274] Sauveur et mon Maistre! Et sur l'asseurance qu'il nous donne ou que nous nous donnerions les uns aux autres que nous reconnoissons tres bien la ressemblance du Createur et que nous sommes ses enfans, quelles tendres caresses ne devrions-nous pas nous faire! Mais pour mieux dire, combien devrions-nous recevoir amoureusement le prochain, honnorant en luy cette divine ressemblance, renouant tousjours de nouveau ces doux liens de charité qui nous tiennent liés, serrés et conjoints les uns aux autres.

  A010000674 

 Marchons donques en la voye de la dilection comme enfans tres chers de Dieu, ainsy que nous admoneste le saint Apostre en l'Epistre d'aujourd'huy..

  A010000675 

 De ces paroles nous tirons la connoissance du degré auquel doit parvenir nostre amour mutuel et à quelle perfection il doit monter, qui est de donner les uns pour les autres ame pour ame, vie pour vie, bref tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons hors le salut; car Dieu veut que cela seul soit excepté.

  A010000675 

 Mais marchez-y, dit-il en poursuivant, comme Jesus Christ y a marché, lequel a donné sa vie pour nous, et s'est offert pour nous à son Pere comme holocauste et hostie en odeur de suavité.

  A010000675 

 Nostre Seigneur a donné sa vie pour un chacun de nous, il a donné son ame, il a donné son corps, en fin il n'a rien reservé; partant il ne veut pas que nous reservions rien du tout, hormis le salut eternel..

  A010000676 

 Il faut que nous en fassions de mesme, dit le saint Apostre, c'est à dire que nous fabriquions nostre croix, que nous souffrions les uns des autres comme le Sauveur nous l'a enseigné, que nous donnions nostre vie pour ceux mesmes qui nous la voudroyent oster, comme il fit si amoureusement; que nous l'employions pour le prochain non seulement ès choses aggreables, mais ès [275] plus penibles et desaggreables, telles que de supporter amoureusement ces persecutions qui pourroyent en quelque façon attiedir nostre amour envers nos freres..

  A010000676 

 Nostre divin Maistre nous a donné sa vie non seulement l'employant à guerir les malades, faire des miracles et nous enseigner ce que nous devions faire pour nous sauver ou pour luy estre aggreables; mais il l'a donnée aussi en fabriquant sa croix tout le temps d'icelle, souffrant mille et mille persecutions de ceux mesmes auxquels il faisoit tant de bien et pour lesquels il livroit sa vie.

  A010000677 

 En quoy il nous enseigne que de s'employer, voire jusqu'à donner sa vie pour le prochain, n'est pas tant que de se laisser employer au gré des autres, ou.

  A010000677 

 Voicy certes un tres bon signe de vostre amour; mais encores faut-il passer plus avant, car il y a un plus haut degré en cet amour, ainsy que nous l'apprend saint Paul lequel disoit: Soyez mes imitateurs comme je le suis de Jesus Christ.

  A010000678 

 C'est ce qu'il avoit appris de nostre doux Sauveur, lequel s'estant employé soy mesme pour nostre salut et pour nostre redemption, se laissa par apres employer pour parfaire cette redemption et nous acquerir la vie eternelle, se laissant attacher à la croix par ceux-là mesmes pour lesquels il mouroit.

  A010000679 

 C'est à ce souverain degré de perfection que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, c'est à ce degré de l'amour du prochain, dis-je, que nous sommes appellés et auquel nous devons pretendre de toutes nos forces.

  A010000679 

 Il faut non seulement nous employer pour son bien et sa consolation, ains nous laisser employer pour luy par la tres sainte obeissance tout ainsy que l'on voudra, sans que jamais nous resistions.

  A010000679 

 Mieux vaut tousjours sans comparaison ce que l'on nous fait faire (j'entens ce qui n'est point contraire à Dieu et qui ne l'offense point), que ce que nous faisons ou choisissons de nous mesmes..

  A010000679 

 Nous voudrions prescher, et l'on nous envoye servir les malades; nous voudrions prier pour le prochain, et l'on nous envoye servir le prochain.

  A010000679 

 Quand nous nous employons nous mesmes, ce que nous faisons par le choix de nostre volonté ou par nostre election apporte tousjours beaucoup de satisfaction à nostre amour propre; mais à nous laisser employer ès choses que l'on veut et que nous ne voulons pas, c'est à dire que nous ne choisissons pas, c'est là où gist le souverain degré de l'abnegation que nostre Seigneur et Maistre nous a enseigné en mourant.

  A010000680 

 Aymez-vous donques les uns les autres, dit saint Paul, comme Nostre Seigneur nous a aymés.

  A010000680 

 O combien ce motif est pregnant pour nous inciter à [277] l'amour de ce commandement et à son exacte observance: nous avons esté esgalement arrousés de ce sang pretieux, comme d'un ciment sacré, pour serrer et unir nos cœurs les uns aux autres! O que la bonté de nostre Dieu est grande!.

  A010000681 

 Nostre Seigneur a encores esté offert ou s'est offert pour nous à Dieu son Pere comme hostie en odeur de suavité.

  A010000681 

 Quelle divine odeur ne respandit-il pas devant la divine Majesté lors qu'il institua le tres saint Sacrement de l'autel, auquel il nous tesmoigna si admirablement la grandeur de son amour! Ce fut un parfum incomparable que cet acte de perfection incomprehensible par lequel il se donna à nous qui estions ses ennemis et qui luy causions la mort, et ce fut alors qu'il nous octroya le moyen de parvenir où il nous desiroit, à sçavoir d'estre faits un avec luy, comme luy et son Pere ne sont qu' un, c'est à dire une mesme chose.

  A010000682 

 Jusqu'où s'est abaissée la grandeur de Dieu pour un chacun de nous et jusqu'où nous veut-il eslever? Nous unir si parfaittement à soy qu'il nous rende une mesme chose avec luy! C'est ce que Nostre Seigneur a voulu, pour nous enseigner que comme nous avons tous esté aymés d'un mesme amour par lequel il nous embrasse tous en ce tres saint Sacrement, aussi veut-il que nous nous aymions de ce mesme amour qui tend à l'union, mais à une union des plus grandes et plus parfaites qu'il se peut dire.

  A010000682 

 Nous sommes tous nourris d'un mesme pain, qui est ce pain celeste de la divine Eucharistie, la manducation duquel s'appellant Communion, nous represente, comme nous avons dit, la commune union que nous devons avoir ensemble, union sans laquelle nous ne meriterons pas de porter le nom d' enfans de Dieu, puisque nous ne luy sommes pas obeissans..

  A010000683 

 Mais entre tous ses preceptes il n'en est point qu'il ayt tant inculqué ni dont il ayt tesmoigné desirer une si exacte observance que celuy de l'amour du prochain; non pas que celuy de l'amour de Dieu ne le precede, mais d'autant que pour la prattique de celuy de l'amour du prochain la nature ayde moins que pour l'autre, il estoit besoin que nous y fussions excités en une façon plus particuliere..

  A010000683 

 Or, nous [278] avons un Pere meilleur que tout autre et duquel toute bonté derive; ses commandemens ne peuvent estre que tres parfaits et salutaires, c'est pourquoy nous le devons imiter le plus parfaittement qu'il se peut, et obeir de mesme à ses divines ordonnances.

  A010000684 

 Aymons-nous donques de toute l'estendue de nos cœurs pour plaire à nostre Pere celeste, mais aymons-nous raysonnablement: c'est à dire, que nostre amour soit conduit par la rayson qui veut que nous aymions plus l'ame du prochain que son corps; puis que nous aymions encores le corps, et ensuite par ordre tout ce qui appartient au prochain, chaque chose selon qu'elle le merite, pour la conservation de cet amour..

  A010000685 

 Aussi son saint Apostre nous l'a-t-il plus particulierement exprimé, ne voulant pas que nous nous amusions à imiter ni les Anges ni les Cherubins en cette prattique tant necessaire, ains Nostre Seigneur mesme qui nous l'a enseignée beaucoup plus par œuvres que par paroles, principalement estant attaché à la croix..

  A010000685 

 Nostre divin Maistre est le grand Prestre sur lequel a esté incomparablement respandu cet onguent pretieux et odoriferant de la tres sainte dilection, soit envers Dieu soit envers le prochain; nous autres, nous sommes comme ses cheveux et comme autant de poils de sa barbe.

  A010000685 

 Ou bien nous pouvons considerer les Apostres comme estant la barbe de Nostre Seigneur, qui est nostre Chef et dont nous sommes les membres, d'autant qu'ils furent comme attachés à sa face, puisqu'ils virent ses exemples, ses œuvres, et receurent ses enseignemens immediatement de sa bouche [279] sacrée.

  A010000685 

 Quant à nous autres, nous n'avons pas eu cet honneur, ains ce que nous sçavons nous l'avons appris des Apostres; nous sommes donques comme les vestemens de nostre grand Prestre, nostre Sauveur, sur lesquels neanmoins descoule encores cet onguent pretieux de la tres sainte dilection qu'il nous a tant commandée et recommandée.

  A010000685 

 Que si nous faisons cela, o qu'à bon droit nous pourrons bien chanter, et non certes sans beaucoup de consolation, ce Psalme dont la consideration estoit si suave au grand saint Augustin: Ecce quam bonum! O qu'il fait bon voir les freres habiter ensemble en une sainte union, concorde et paix, car ils sont comme l'onguent pretieux que l'on respandit sur le chef du grand Prestre Aaron, lequel par apres couloit le long de sa barbe et sur ses vestemens.

  A010000686 

 C'est au pied de cette Croix que nous devrions nous tenir continuellement, comme au lieu auquel les imitateurs de nostre souverain Maistre et Sauveur font leur plus ordinaire demeure; car c'est de là qu'ils reçoivent cette liqueur celeste de la sainte dilection qui sort à grans randons, comme une divine source, des entrailles de la divine misericorde de nostre bon Dieu qui nous a aymés d'un amour si fort, si solide, si ardent et si perseverant que la mort mesme ne l'a pas peu attiedir, ains au contraire l'a infiniment rehaussé et aggrandi.

  A010000686 

 Les eaux des plus ameres afflictions n'ont peu esteindre le feu de cette dilection qu'il nous portoit, tant il estoit ardent, et les persecutions envenimées de ses ennemis n'ont pas eu assez de force pour vaincre la solidité et fermeté incomparable de l'amour dont il nous a aymés.

  A010000691 

 Je parleray d'abord de trois ou quatre points qui regardent la lettre, puis nous dirons le reste..

  A010000692 

 Saint Matthieu le tesmoigne clairement en son chapitre huitiesme, et saint Marc indirectement en son chapitre premier, bien qu'en l'Evangile que nous lisons aujourd'huy, saint Luc ne le dise pas, ains seulement que Jesus entrant en la mayson de Simon il guerit sa belle mere qui estoit travaillée des fievres.

  A010000693 

 Aussi verroit-on par là que, bien qu'il n'eust pas tous-jours gardé le celibat, neanmoins il y estoit lors qu'il se mit à la suite du Sauveur, ce qu'il monstra par ces parolles qu'il luy addressa: Nous avons tout quitté pour vous suivre; quelle recompense nous donnerez-vous? Nous avons tout quitté: il ne dit pas en partie, mais tout, sans reserve d'aucune chose; et puisque nous avons tout quitté, quelle sera la recompense que nous recevrons de vous? Or, il n'eust peu parler de la sorte s'il eust eu une femme..

  A010000696 

 Certes, telles gens ne croyent point à cet article du Symbole, puisque c'est une chose tres certaine que, comme nous participons icy bas aux prieres les uns des autres, ces mesmes prieres et bonnes œuvres profitent aux ames du Purgatoire qui en peuvent estre aydées.

  A010000696 

 De plus, elles et nous avons part aux oraisons des Bienheureux qui sont en Paradis; et c'est en cela que consiste cette communion des Saints qui nous est representée en la guerison de nostre malade, [283] qui ne fut point delivrée par ses prieres, mais par celles des Apostres qui prierent pour elle..

  A010000696 

 Pour ce qui est escrit que les Apostres, à sçavoir Pierre, André, Jean et Jacques, s'assemblerent pour demander la guerison de la belle mere de Simon, c'est une chose bien considerable; car cette demande nous represente la communion des Saints par laquelle le corps de l'Eglise est tellement uni que tous ses membres participent au bien de chacun: de là vient que tous les Chrestiens ont part à toutes les prieres et bonnes œuvres qui se font en la sainte Eglise.

  A010000698 

 Nous le verrons en nostre febricitante, laquelle prattiqua tant et de si admirables vertus en sa maladie que je pense que l'histoire en devroit estre escritte par toutes les infirmeries des monasteres, à fin de servir d'exemple à tous ceux qui y souffriroyent quelque maladie et leur apprendre à en faire leur proffit.

  A010000699 

 Or, plusieurs esprits bigearres et niais ont fait des heresies sur ces paroles, croyant, voire disant que Melchisedech n'estoit point un homme, qu'il n'avoit pas un vray corps comme nous, et luy ont quant et quant voulu attribuer la divinité, comme s'il eust esté Dieu, ce qui est faux; car, d'apres saint Paul, c'estoit un homme juste et paisible, et n'y a point de difficulté qu'il ne fust semblable aux autres.

  A010000700 

 Il y en a encores beaucoup en ce temps icy qui conduisent les ames, et d'autres à qui le Saint Esprit depart aussi de saintes et devotes pensées, lesquelles ils nous dressent pour nostre usage; car le mesme Dieu qui estoit hier est encores aujourd'huy pour faire tout autant de graces et faveurs aux hommes de cet aage comme à nos peres anciens..

  A010000702 

 Mais l'on ne s'est pas contenté de ce qu'ils ont laissé, ains on a fait plusieurs autres imaginations; c'est icy où il faut prendre garde pour n'en pas user dans la meditation à tort et à travers, selon nostre fantasie, ains sobrement, selon l'advis de [286] nos directeurs et de ceux qui nous conduisent, ou selon qu'il est marqué dans les livres bien approuvés qui nous mettent hors de doute et danger.

  A010000702 

 Or, je ne dis pas qu'il ne se faille servir de l'imagination pour mediter, ni des considerations pieuses qui nous ont esté laissées par les saints Peres et par tant de bonnes ames.

  A010000704 

 Certes, cette femme est admirable en la façon qu'elle porta sa maladie corporelle, et je trouve en l'Evangile que nous lisons aujourd'huy à la Messe qu'elle prattiqua un grand [287] nombre de vertus; mais celle que j'ay plus admirée c'est cette grande remise qu'elle fait d'elle mesme à la providence de Dieu et aux soins de ses superieurs.

  A010000704 

 Chacun sçait toutefois combien grand est le mal de l'inquietude, et nos delicats en rendent tesmoignage; quand ils n'ont pas dormi leurs neuf heures ils ne font que se plaindre: Hé, disent-ils, nous avons esté tout inquietés.

  A010000706 

 Que si un pere ayant malade un fils qu'il n'ayme point ne laisse de le faire traitter selon son besoin, poussé d'une compassion naturelle, que n'attendrons-nous des Superieurs qui nous servent par une vraye charité?.

  A010000707 

 Elle ne luy demande pas d'approcher du lit où elle estoit gisante et de mettre la main sur elle; elle ne s'empresse aucunement pour toucher ses vestemens ni la frange de sa robe, comme ont fait plusieurs autres, ainsy que nous le voyons en l'Evangile.

  A010000711 

 Ailleurs il respond à l'objection de ceux qui luy pouvoyent repliquer que l'Apostre saint Paul, qui avoit pourtant l'Esprit de Dieu, commandoit à son disciple Timothée de boire du vin quand il luy escrivoit en cette sorte: Mon cher fils et tres aymé frere, nous vous ordonnons de laisser de boire de l'eau et de vous servir d'un peu de vin pour fortifier vostre estomach qui est affoibli par l'eau que vous avez beu.

  A010000711 

 Nous voyons par cecy que ce [291] grand Saint ne beuvoit que de l'eau avant ce temps là, comme saint Bernard le depose aussi de ses Religieux, desquels il asseure qu'ils ne prenoyent point de vin sinon en cas de necessité, et alors ils en usoyent par forme de remede, tout ainsy que saint Paul l'ordonnoit à son cher disciple.

  A010000711 

 Si vous m'objectez, dit saint Bernard, que l'Apostre enjoignit l'usage du vin à Timothée, je vous respondray qu'il sçavoit bien que Timothée estoit Timothée; «donnez-moy donc un Timothée en ce temps cy, et nous luy permettrons» le vin, voire nous luy en ordonnerons l'usage, et non seulement du vin, mais encores «de l'or potable» s'il en est besoin.

  A010000712 

 Mais comme il permet le peché, il envoye les infirmités pour nous chastier et purifier d'iceluy; alors il se faut sousmettre à sa justice et à sa misericorde, et nous tenir dans un humble silence qui nous fasse tranquillement embrasser les evenemens de sa providence, comme faisoit David, lequel disoit dans ses afflictions: J'ay souffert et me suis teu, parce que je sçay que c'est vous qui me les avez envoyées pour me chastier et me purger de mon iniquité..

  A010000712 

 Mais l'on ne se contente pas de cela, ains on veut se gouverner selon sa fantasie: on a tant de soin de soy! On s'inquiete et s'empresse à rechercher des moyens pour sa guerison, on voudroit volontiers sçavoir tout ce qui nous est propre ou non, connoistre tous les remedes du monde pour s'en servir, et pretendroit-on que chacun s'y employast.

  A010000715 

 C'est assez qu'il le sçache et qu'il nous voye en nostre infirmité; il le faut laisser faire, et, sans nous mettre en devoir de pourvoir à ce qui est requis pour nostre guerison, nous abandonner à nos Superieurs et leur en laisser le soin, ne nous meslant d'autre chose que de bien porter nostre mal tant qu'il plaira à Dieu.

  A010000715 

 Il ne suffit pas d'estre malade parce que telle est la volonté de Dieu, mais il le faut estre comme il le veut, quand il le veut et autant et comme il luy plaist, nous remettant, pour la santé, à ce qu'il en ordonnera, sans luy rien demander.

  A010000717 

 Neanmoins il est beaucoup mieux de ne luy rien demander, et de nous contenter qu'il sçache nostre mal et combien de temps il y a qu'il nous travaille..

  A010000717 

 Quoy qu'il soit bon, quand c'est pour mieux servir Nostre Seigneur, de luy demander la santé comme à Celuy qui la nous peut donner, toutefois il le faut faire avec cette condition, si telle est sa volonté, car nous devons tousjours dire: Fiat voluntas tua; Ta volonté soit faite.

  A010000722 

 Le premier degré de cette pauvreté, dit saint Bonaventure, c'est de n'avoir point de demeure et de mayson qui nous soit propre et selon nostre goust; le second, de ne point avoir de vestement et de nourriture asseurée au temps de la santé; le troisiesme, c'est, estant malade, de ne sçavoir où se retirer, de n'avoir point de giste pour se loger, point de viandes pour subvenir à la necessité, ni aucunes qui soyent à nostre gré, en un mot, d'estre delaissé et abandonné de tout secours à la fin de nostre vie, et parmi cela, de ne rien demander pour nostre soulagement ni rien refuser, lors mesme que ce qui nous seroit donné ne nous aggreeroit pas..

  A010000722 

 Ne rien refuser ni des viandes, ni des medecines, ni d'aucun [296] traittement que l'on nous fasse, car c'est en cela que consiste la pauvreté evangelique.

  A010000739 

 L'histoire que la tres sainte Eglise nous represente en l'Evangile d'aujourd'huy est un tableau dans lequel sont depeints mille beaux sujets propres à nous faire admirer et louer la divine Majesté; mais ce tableau nous represente sur tout la providence admirable, tant generale que particuliere, que Dieu a pour les hommes, et nommement pour ceux qui l'ayment et qui vivent selon ses volontés dans le Christianisme..

  A010000740 

 Or, entre ceux cy il se trouve encores quelques troupes, comme nous voyons en nostre Evangile, qui meritent que Nostre Seigneur ayt d'eux un soin plus special: ce sont ceux qui pretendent parvenir à la perfection et lesquels, pour ce faire, ne se contentent pas de le suivre en la plaine [298] des consolations, ains ont le courage de le suivre encores parmi les deserts jusques sur la cime de cette haute montagne.

  A010000741 

 Ce que nous deduirons sera aussi plus utile pour le lieu où nous sommes..

  A010000741 

 Je le dresse donc sur la confiance que ceux qui pretendent à la perfection doivent avoir en la Providence pour ce qui regarde les necessités spirituelles, d'autant que j'ay parlé d'autres fois, je pense en ce mesme lieu, de cette providence generale que Dieu a pour tous les hommes, et de la confiance que nous devons avoir en luy pour les choses temporelles.

  A010000741 

 O que ces troupes estoyent aymables en cette prattique si parfaite du delaissement total d'elles mesmes entre les bras de la divine Providence! N'ayons pas peur que Dieu leur manque, car il en prendra soin et en aura compassion, ainsy que nous verrons tantost en la suite de nostre discours.

  A010000742 

 Tandis que nous avons soin de nous mesmes, je dis un soin plein d'inquietude, Nostre Seigneur nous laisse faire; mais quand nous le luy laissons il le prend tout à fait, et à mesure que nostre despouillement est grand ou petit sa providence l'est de mesme envers nous..

  A010000743 

 Je ne dis pas tant cecy pour ce qui est des choses temporelles comme pour les spirituelles; luy mesme l'enseigna à sa bien aymée sainte Catherine de Sienne: «Pense en moy,» luy dit-il, «et je penseray en toy.» O qu'heureuses sont les ames qui sont si amoureuses de Nostre Seigneur que de bien suivre cette regle de penser en luy, se tenant fidellement en sa presence, escoutant ce qu'il nous dit continuellement au fond du cœur, obeissant à ses divins traits et attraits, mouvemens et inspirations, respirant et aspirant sans cesse au desir de luy plaire et d'estre sousmises à sa tres sainte volonté; pourveu toutefois que cela ne soit point sans cette divine confiance en sa toute bonté et en sa providence, car il nous faut tousjours demeurer tranquilles, et non point troublés ni pleins d'anxieté apres la recherche de la perfection que nous entreprenons..

  A010000746 

 C'est pourquoy il a ordonné que nous fussions sustentés et nourris par le moyen des dismes qui se recueillent sans sollicitude; je veux dire nous autres qui, estans consacrés à son service, sommes les oyseaux propres à recreer sa divine Bonté par le [301] moyen de nostre chant et des continuelles louanges que nous luy donnons.

  A010000746 

 Les Religieux et les Religieuses que sont-ils autre chose sinon des oyseaux en cage pour repeter sans cesse les louanges de Dieu? Nous pouvons dire que tous les exercices de la Religion sont autant de cantiques nouveaux qui nous annoncent les divines misericordes, et qui nous provoquent continuellement à magnifier la divine Majesté en reconnoissance de la speciale et toute particuliere providence qu'elle a eue pour nous, nous ayant retirés d'entre le reste des hommes pour plus aysement et tranquillement suivre le Sauveur sur la montagne de la perfection..

  A010000747 

 Il faut avoir une grande fidelité, mais sans anxieté ni empressement; nous servir des moyens qui nous sont donnés selon nostre vocation, et puis nous tenir en repos pour tout le reste; car Dieu, sous la conduite duquel nous nous sommes embarqués, sera tousjours attentif à nous pourvoir de ce qui nous sera necessaire.

  A010000747 

 Mais en verité nous pouvons bien dire ce qui est dans le saint Evangile: Plusieurs sont appelles, mais peu sont esleus; plusieurs aspirent à la perfection, mais peu y parviennent, d'autant qu'ils ne marchent pas comme il faudroit, ardemment mais tranquillement, soigneusement mais confidemment, c'est à dire, plus appuyés sur la divine Bonté et sur sa providence que non pas sur eux mesmes et sur leurs œuvres.

  A010000747 

 Quand tout nous manquera, lors Dieu prendra soin de nous, et tout ne nous manquera pas, puisque nous aurons Dieu qui doit estre nostre tout..

  A010000748 

 Dieu fera plustost des miracles que de laisser sans secours, tant spirituel que temporel, ceux qui se confient pleinement en sa divine providence; mais neanmoins il veut que nous fassions de nostre costé ce qui est en nous, c'est à dire il veut que nous nous servions des moyens ordinaires pour nous perfectionner, [302] au defaut desquels il ne manquera jamais de nous secourir.

  A010000748 

 Tandis que nous avons nos Regles, nos Constitutions, des personnes qui nous disent ce que nous devons faire, n'attendons pas que Dieu fasse des miracles pour nous conduire à la perfection, car il ne le fera pas.

  A010000749 

 Partant, appellant à soy saint Philippe, il luy dit: Ces pauvres gens s'en vont defaillir si on ne les secourt de quelques vivres: où pourrions-nous trouver de quoy les sustenter? Ce qu'il ne demandoit pas par ignorance, ains pour le tenter..

  A010000749 

 Quand donc les appuis humains nous manquent, tout ne nous manque pas, car Dieu succede et prend soin de nous par sa speciale providence.

  A010000750 

 Nous ne devons pas entendre que Dieu nous tente pour nous porter au mal, car cela ne se peut, ains il tente les hommes et ses serviteurs les mieux aymés pour esprouver leur fidelité et l'amour qu'ils luy portent, à fin de leur faire accomplir quelques œuvres grandes et [303] esclattantes, comme il fit à Abraham quand il luy commanda de luy sacrifier son fils tant aymable Isaac.

  A010000751 

 Cecy nous represente merveilleusement bien certaines ames qui n'attendent pas que Nostre Seigneur les plaigne, ains le font soigneusement elles mesmes.

  A010000752 

 Nous avons bien de bons livres spirituels, nous avons des predication nous avons du temps pour vaquer à l'oraison, voire mesme il me vient bien de bonnes affections; mais il n'est-ce que cela? Ce n'est rien.

  A010000753 

 Grand cas, que Dieu ayme tant l'humilité qu'il nous tente quelquefois non pour nous faire faire le mal, ains pour nous apprendre par nostre propre experience quels nous sommes, permettant que nous disions ou fassions quelque grande folie ou aucune chose qui nous donne matiere de nous abaisser.

  A010000753 

 Or, ces plaintes et ces tendretés que nous avons sur nous mesme, ces doleances, ces difficultés à la poursuite du bien commencé, qu'est-ce autre chose qu'un sujet vrayement digne de nous humilier et reconnoistre pour foibles et encores enfans en ce qui est de la vertu et de la perfection? Oh! il ne faut pas tant se regarder soy mesme, ains il faut penser en Dieu et le laisser penser en nous..

  A010000754 

 L'humilité sans generosité n'est qu'une tromperie et lascheté de cœur qui nous fait penser que nous ne sommes bons à rien et que l'on ne [305] doit jamais penser à nous employer à quelque grande chose; au contraire, la generosité sans humilité n'est que presomption.

  A010000754 

 Nous devons bien nous tenir en humilité à cause de nos imperfections, mais il faut que cette humilité soit le fondement d'une grande generosité, car l'une sans l'autre degenere en imperfection.

  A010000754 

 Nous pouvons bien dire: Il est vray que je n'ay nulle vertu, ni moins les conditions propres pour estre employé à telle ou telle charge; mais apres il nous faut tellement mettre nostre confiance en Dieu que nous devons croire que quand il sera necessaire que nous les ayons et qu'il se voudra servir de nous, il ne manquera pas de nous les donner, pourveu que nous nous laissions nous mesme pour nous occuper fidellement à louer et procurer que nostre prochain loue sa divine Majesté, et que sa gloire soit augmentée le plus que nous pourrons..

  A010000758 

 Tandis que nous avons du pain Dieu ne fait pas des prodiges pour nous nourrir..

  A010000759 

 Cela nous signifie que les mondains, qui sont figurés par les Israelites, lesquels pretendoyent voirement bien d'acquerir et parvenir en la terre de promission terrestre, les mondains, dis-je, et [307] ceux qui vivent dans le monde mais qui desirent le Ciel, ne laissent pas pourtant de s'aggrandir en la terre, et de rechercher encores au delà de la necessité leurs commodités et leurs ayses icy bas.

  A010000759 

 Mon Dieu, qu'est-ce que cecy nous represente? Les Israëlites murmurateurs sont sustentés du pain des Anges, c'est à dire de cette manne qui estoit petrie par leurs mains; et ceux qui suivoyent Nostre Seigneur avec une affection nompareille et un cœur tout benin et despouillé du soin d'eux mesmes ne sont nourris avec luy que de pain d'orge.

  A010000761 

 Dieu, comme nous avons dit, ne commanda pas à Elie dans le desert de retourner entre les Prophetes pour estre sustenté, ains il luy envoya un Ange parce qu'il estoit allé là par l'ordre de la divine Providence.

  A010000762 

 Je veux dire ainsy: Nostre Seigneur veut que ces ames choisies pour le service de sa divine Majesté se nourrissent aucunefois d'une resolution ferme et invariable de perseverer à le suivre parmi les degousts, les secheresses, les repugnances et les aspretés de la vie spirituelle, sans consolations, sans saveurs, sans tendretés, mais en une tres profonde humilité, croyant de n'estre pas dignes d'autre chose, prenant ainsy amoureusement ce pain non de la main d'un Ange ains de celle du Sauveur, qui nous le donne conformement à nostre necessité; car c'est une chose certaine que, si bien il n'est pas grandement savoureux au goust, il est neanmoins grandement proffitable à nostre santé spirituelle..

  A010000763 

 Il ne le voulut donques point changer, ains se servit de cette [309] provision pour faire son miracle à fin de nous apprendre que tandis que nous avons quelque chose il veut que nous le luy presentions, et que, s'il a à faire quelque miracle pour nous, ce soit en cela mesme que nous avons.

  A010000763 

 Par exemple, si nous avons des bons desirs ou des bons documens, et que nous n'ayons pourtant pas assez de force pour les prattiquer et mettre en effect, presentons-les-luy et il les rendra capables d'estre digerés; si nous mettons nostre confiance en sa Bonté il reproduira ces desirs autant de fois qu'il sera necessaire pour nous faire perseverer en son service..

  A010000764 

 Apres icelle il n'y aura plus sujet de craindre ni d'avoir telles apprehensions, car Dieu aydant, nous serons en lieu de sureté.

  A010000764 

 Helas, il est vray, car il n'y a rien de si foible et changeant que nous sommes.

  A010000764 

 Là nous ne pourrons jamais manquer de glorifier cette divine Majesté que nous aurons si cherement aymée et suivie, selon qu'il nous aura esté possible, par les deserts de ce monde miserable jusques au plus haut de la montagne de la perfection, où nous parviendrons tous par sa grace, pour l'honneur et gloire de Nostre Seigneur qui est nostre divin Maistre.

  A010000764 

 Ne nous troublons pas pourtant, mais exposons souventefois cette bonne volonté devant Nostre Seigneur, remettons-la entre ses mains et il la reproduira autant de fois qu'il sera requis à fin que nous en ayons assez pour toute nostre vie mortelle.

  A010000764 

 Nous ne sçavons si la volonté que nous avons maintenant de luy plaire nous demeurera tout le temps de nostre vie, disons-nous.

  A010000770 

 Nostre divin Maistre entrant au faubourg de cette ville, ainsy que nous le lisons en l'Evangile d'aujourd'huy, trouva que l'on portoit en terre un jeune homme mort, et sa mere avec une grande multitude de gens le suivoyent.

  A010000771 

 Celle cy seule fut operée par le propre mouvement de nostre cher Maistre, et par icelle il nous monstre comme toutes ses œuvres se font par sa seule bonté..

  A010000772 

 C'est le propre de la bonté de se communiquer [312] car de soy mesme elle est communicative, et pour cet effect elle se sert de la misericorde et de la justice: de la premiere pour faire du bien, et de la seconde pour punir et arracher ce qui nous empesche de ressentir les effects de cette bonté de nostre Dieu dont la misericorde est sa justice, et la justice sa misericorde.

  A010000772 

 Ce fut donc poussé de cette seule bonté par laquelle il fait toutes choses qu'il ressuscita ce jeune adolescent, sans y estre meu ni excité d'aucun autre motif, comme nous l'avons dit, car personne ne le pria de ce faire..

  A010000772 

 La misericorde nous fait embrasser le bien, la justice nous fait fuir le mal, et la bonté de Nostre Seigneur se communique par ces deux attributs, d'autant qu'il demeure esgalement bon en se servant de l'un comme de l'autre.

  A010000773 

 C'est ce que veut dire saint Jean en son chapitre premier: Le Verbe s'est fait chair et il a habité avec nous.

  A010000773 

 Mais despuis que le Verbe s'est incarné, il a conversé avec nous visiblement, il a habité parmi nous en sa chair; et pour nous monstrer cela, il s'est voulu servir d'icelle, c'est à sçavoir de son humanité, comme d'un outil ou instrument pour accomplir les œuvres qui appartenoyent à sa divinité..

  A010000774 

 Aussi, comme saint Hierosme l'escrit en ses epistres, la coustume de sepulturer les Chrestiens dans les eglises n'est venue qu'apres l'Incarnation du Fils de Dieu et ne s'est prattiquée que despuis la mort de Nostre Seigneur, d'autant que par cette mort nous a esté ouverte la porte du Ciel.

  A010000777 

 Le Sauveur voulut aussi parler à ce mort comme s'il eust esté en vie, nous faisant encores entendre par là la façon avec laquelle nous ressusciterons.

  A010000778 

 Alors nous verrons cet admirable miracle de la transsubstantiation qui s'opere tous les jours au Sacrement de l'Eucharistie; car en cette resurrection generale se fera la transsubstantiation des cendres qui estoyent dans les tombeaux ou ailleurs, en vrays corps vivans, lesquels en un instant se trouveront au lieu destiné [315] pour le dernier jugement.

  A010000778 

 Donques, si la parole non de plusieurs Anges, ains d'un seul Archange, proferée par le commandement de Dieu est si operatrice qu'elle donne l'estre à ce qui n'est point, pourquoy ne croirons-nous pas à toutes les paroles de Dieu? Pourquoy aurons-nous de la difficulté à croire que par icelles, qu'elles soyent dites par luy mesme ou par ceux à qui il en a donné la charge et le pouvoir, il ne puisse faire ce qui est de ce qui n'est pas, encores que nous ne le comprenions point? Et quelle difficulté y a-t-il en cet article de la resurrection des morts, puisqu'elle se fait par la toute puissance de Dieu?.

  A010000783 

 Helas! qui peut sçavoir s'il est digne d'amour ou de haine, s'il sera du nombre des esleus? Donques celuy qui ne craint point la mort est en tres mauvais estat et en grand peril, puisque nous sçavons que le lieu où nous irons apres icelle est eternel et que nous serons sauvés ou damnés eternellement.

  A010000794 

 C'est ce que voulut signifier Eve quand le serpent la tentant de rompre le commandement, elle luy respondit: Mais Dieu nous a dit que si nous mangions de ce fruit nous mourrions; en quoy elle monstre la crainte qu'ils avoyent de la mort.

  A010000794 

 Et que l'on ne me vienne pas alleguer ce que disent plusieurs, qu'il faut en chasser le souvenir pour vivre joyeusement, d'autant que ce souvenir là est plein de frayeur; car puisque une telle crainte n'est point mauvaise, ains bonne et utile, nous en devons quelquefois espouvanter nos ames et les y porter à cause de nos pechés, pourveu que cela se fasse de guet à pens..

  A010000794 

 Outre ce que nous avons deduit, nous voyons ès paroles que le Seigneur addressa à nos premiers parens au paradis terrestre que la mort est naturellement redoutée de l'homme; car quand Dieu defendit à Adam de manger du fruit de l'arbre de science, il luy dit: Je suis ton Seigneur, et pour ce il faut que tu m'obeisses; or, comme ton Seigneur, je te fais un commandement qui est que tu ne manges point du fruit de cet arbre, car si tu en manges tu mourras.

  A010000795 

 Mais nos anciens Peres enseignent que nous devons craindre la mort sans la craindre: que veut dire cecy? C'est que, quoy qu'il faille la redouter ce ne doit pas estre d'une crainte excessive qui ne soit pas accompagnée de tranquillité; car les Chrestiens doivent marcher sous l'estendart de la providence de Dieu et estre prests à embrasser tous les effects et evenemens de cette douce providence qui sçaura bien prendre soin de nous.

  A010000795 

 Ne nous laissons donc point aller à des frayeurs inquietes et chagrines, comme il arrive à quelque bonne femme [323] qui pour avoir pensé une matinée à la mort brouillera tout ce jour-là son mesnage, si que personne ne pourra avoir paix avec elle.

  A010000796 

 Ce n'est pas en cette façon qu'il faut y penser, ni moins avoir tant de soucy pour sçavoir quand nous mourrons et en quel lieu: si ce sera aux champs ou à la ville, sur mon cheval ou au pied d'une montagne, ou par quelque pierre qui m'assommera; si je mourray dans mon lit, assisté de quelqu'un ou sans avoir personne.

  A010000796 

 De tout cela que nous importe? Laissons ce soin à la divine Providence qui s'occupe bien des oyseaux du ciel, desquels une seule plume ne tombe sans sa permission.

  A010000796 

 Dieu a compté tous les cheveux de nostre teste, il prendra donques soin de nous.

  A010000798 

 Cela estant ainsy, que reste-t-il sinon que nous demeurions abandonnés aux evenemens de la Providence divine, ne luy demandant rien ni ne refusant rien? car je le repete, toute la perfection chrestienne consiste en ce point: ne rien demander à Dieu et ne rien refuser de Dieu; ne luy demander point la mort, mais aussi ne la point refuser quand elle viendra.

  A010000798 

 Il faut donques craindre la mort sans la craindre, c'est à dire la craindre d'une crainte tranquille et pleine d'esperance, puisque Dieu nous a laissé tant de moyens pour bien mourir, et entr'autres celuy de la contrition qui est si general qu'il peut effacer la coulpe de toute sorte de pechés.

  A010000798 

 Outre cela, nous avons encores les Sacremens de la sainte Eglise pour nous laver de nos iniquités, car ils sont comme des canaux par lesquels les merites de la Passion du Sauveur descoulent en nous, si que par iceux l'on recouvre la grace quand on l'a perdue.

  A010000799 

 C'est aussi une cogitation bien utile toutes les fois que l'on se va mettre au lit de penser, comme font quelques uns, que cela nous represente comment on nous mettra dans le tombeau, parce que de là on vient à tirer cette consequence: Donques, puisque le sommeil me represente la mort, il s'ensuit que je mourray, que je seray estendu dans le tombeau, et là couvert de terre et reduit en poudre et cendre.

  A010000799 

 Il faut ainsy s'entretenir quelque heure de la journée en de semblables pensées, à ce que l'on soit tous les jours prest à mourir, employant celuy où nous vivons comme nous ferions si nous sçavions devoir en iceluy sortir de ce monde..

  A010000800 

 O que nous serions heureux si tous les jours de nostre vie nous pensions tellement au compte qu'il nous faudra rendre, que nous nous tinssions continuellement au mesme estat auquel nous voudrions estre à l'heure de la mort! Ce seroit un bon moyen de bien vivre et de n'estre point trouvés reprehensibles à ce dernier jour..

  A010000802 

 C'est pourquoy il faut estre sur ses gardes, à ce que, quand elle viendra elle nous trouve prests.

  A010000802 

 Ce faisant, nous arriverons à l'eternité, et quittant ces jours de mort nous arriverons à ceux de la vie.

  A010000802 

 Dieu nous en fasse la grace.

  A010000802 

 Penser en elle sans peur ni crainte demesurée, mais nous resoudre à mourir puisque c'est une chose qu'il faut faire, et avec un cœur paisible et tranquille nous tenir tousjours au mesme estat auquel nous voudrions estre trouvés à l'heure de la mort: c'est le vray moyen de se preparer à bien mourir.

  A010000802 

 Que nous serions heureux si nous pensions ainsy au compte qu'il nous faudra rendre, et que, desoccupés de toute autre affaire, nous le tinssions tousjours prest pour le jour qui nous seroit assigné pour cela! Il le faut faire, car la mort a des pieds de coton avec lesquels elle vient si doucement qu'on ne s'en apperçoit point, et comme cela elle nous surprend.

  A010000817 

 C'est ce que Nostre Seigneur nous apprend en l'Evangile que la sainte Eglise nous propose aujourd'huy, où il est fait mention d'un reproche qu'il addressoit aux scribes et pharisiens dequoy ils ne recevoyent pas ses paroles, reproche par lequel il jette toute la faute sur eux, disant: Pourquoy ne croyez-vous pas à la verité que je vous enseigne? Il s'estonne grandement de cela, comme s'il eust voulu dire: Vous n'avez nulle excuse, [328] car qui d'entre vous m'arguera de peché? Pourquoy donques ne me croyez-vous pas, puisque ce que je vous dis est la verité mesme? Moy ne pouvant errer, il faut indubitablement que vostre meschanceté en soit la cause, car le defaut n'est point en moy ni en la parole que je vous enseigne..

  A010000819 

 Saint Augustin nous l'apprend tout clairement lors qu'il escrit que cette demande du Pater noster que nous recitons tous les jours: Pardonnez-nous nos offenses, n'est pas seulement une parole d'humilité, ains de verité, car nous en commettons à tout propos à cause de la fragilité de nostre nature!.

  A010000820 

 Que si neanmoins il arrive qu'elle nous soit presentée par les meschans, [329] nous ne la devons pas rejetter, ains la recueillir, et faire comme les abeilles, lesquelles cueillent le miel sur toutes les fleurs des prairies, excepté sur une ou deux; et bien que quelques unes de ces fleurs soyent veneneuses et ayent du poison en leur propre substance, elles en tirent dextrement le miel qui, estant une liqueur toute celeste, n'est point meslé avec le venin..

  A010000823 

 Le Seigneur voulut bien qu'un Prophete fust instruit par une asnesse; il permit bien que Pilate, qui estoit si meschant, nous prononçast cette grande verité que nostre divin Maistre estoit Jesus, c'est à dire Sauveur, tiltre qu'il fit poser dessus la croix, repetant: Cela est ainsy, c'est moy qui l'ay dit.

  A010000823 

 Nous sommes donques enseignés par cette histoire comme nous ne devons pas mesestimer la parole de Dieu ni les bons enseignemens, quoy qu'ils nous soyent presentés par des personnes de mauvaise vie.

  A010000824 

 Nous ne devons nous soucier, dit un grand Docteur, que celuy qui nous [331] monstre le chemin de la vertu soit bon ou mauvais; pourveu que ce soit bien le vray chemin, nous le devons enfiler et y marcher fidellement.

  A010000824 

 Par ainsy nous voyons que combien qu'il ne faille pas estimer ni approuver la mauvaise vie des hommes meschans et pecheurs, neanmoins nous ne devons pas mespriser la parole de Dieu qu'ils nous proposent, ains en faire nostre profit comme saint Ephrem.

  A010000824 

 Que nous doit-il importer que l'on nous donne du baume dans un pot de terre ou dans un vase plus pretieux? pourveu qu'il guerisse nos playes cela nous doit suffire..

  A010000825 

 Et Nostre Seigneur mesme ne nous dit-il pas d'imiter la prudence et la finesse du serpent et la simplicité de la colombe? Il en est ainsy en cent autres endroits de l'Escriture..

  A010000825 

 L'Escriture toute sage nous tesmoigne encores cecy lors qu'elle nous renvoye aux bestes les plus infirmes, mesme les plus brutes, pour estre instruits de ce que nous devons faire, disant que nous allions aux fourmis à fin d'apprendre d'elles le soin et la prevoyance que nous devons avoir, d'autant qu'elles amassent tandis que le temps est beau pour se nourrir par apres au temps qui n'est point propre à la cueillette.

  A010000825 

 Nous ne devons point regarder la personne qui nous presche ou nous enseigne, ains seulement si ce qu'elle nous dit est bon ou mauvais; car il faut demeurer asseuré que la parole de Dieu n'est ni bonne ni mauvaise à cause de celuy qui nous l'expose ou explique, ains qu'elle porte sa bonté quant et elle, sans recevoir nulle tare pour la mauvaisetie de celuy qui la prononce.

  A010000826 

 Nous devons tirer du fruit de la parole de Dieu n'importe par qui elle nous soit presentée; mais pourtant les pecheurs qui ne veulent pas s'amender, ains qui perseverent en leur meschanceté, offencent grandement en l'exposant et en proferant les louanges de la souveraine Majesté, puisqu'ils mettent cette divine parole en danger d'estre mesprisée à cause de leur mauvaise conduite.

  A010000829 

 Quand il est escrit que Nostre Seigneur estoit plein de grace et de verité, cela se doit entendre qu'il estoit plein de foy et de charité; non pas qu'il eust la foy pour luy mesme, car il n'en avoit pas besoin, ayant la claire vision des choses que cette foy nous apprend, mais il estoit plein de foy pour la distribuer à ses enfans qui sont les Chrestiens.

  A010000829 

 Si nous voulons que la parole annoncée soit receuë il faut qu'elle soit une verité.

  A010000830 

 C'est donques pour nous autres qu'il a esté rempli de ces dons; c'est pourquoy il se peinoit tant pour les faire recevoir aux scribes et aux pharisiens, et se courrouçant, Pourquoy, disoit-il, ne voulez-vous pas croire en mes paroles? elles ne sont point vaines, ains tres veritables..

  A010000831 

 C'est une regle g'enerale que nous en faisons de mesme: dès que nous quittons la verité nous choisissons quant et quant la vanité, car la vanité est un defaut de verité qui nous fait tresbucher ès enfers.

  A010000831 

 L'homme et l'Ange, ainsy que nous disions tantost, faute de demeurer en la verité, sont tombés en la vanité.

  A010000833 

 Helas! ne voyons-nous pas que ceux qui sont fort affectionnés à ces choses si vaines et frivoles ne pensent point, ou du moins il le semble par leur mauvaise conduite, à cette verité qu'il y a un Paradis rempli de toutes sortes de consolations et de bonheur pour ceux qui vivront selon les commandemens de Dieu et qui marcheront apres luy à la suite de ses volontés? Or, ces commandemens et volontés sont tout à fait contraires à la vie qu'ils menent, car ils ne laissent point pour cela de s'adonner aux playsirs bas et caducs, quoy qu'ils voyent bien qu'ils les priveront eternellement, s'ils ne s'amendent, de la jouissance de cette felicité sans fin.

  A010000833 

 Hé, ne voit-on pas aussi combien la vanité les possede, puisqu'ils ne se tiennent point attentifs à cette verité, qu'il y a un enfer où tous les tourmens et malheurs qui se peuvent imaginer, voire qui ne se peuvent imaginer, sont assemblés pour punir ceux qui ne craindront pas Dieu en cette vie et qui ne vivront pas en l'observance de ses commandemens? Neanmoins cette consideration est grandement necessaire pour nous maintenir en nostre devoir..

  A010000833 

 L'experience nous l'apprend tous les jours.

  A010000834 

 Dites-moy, si nous demeurions attentifs à la verité des mysteres que Nostre Seigneur nous apprend en l'oraison, que nous serions heureux! Quand nous le voyons mourant sur la croix pour nous, que ne nous enseigne-t-il pas? Je suis mort pour toy, dit-il, ce souverain Amant; qu'est-ce que requiert ma mort sinon que, comme je suis mort pour toy, tu meures aussi pour moy, ou que du moins tu ne vives que pour moy? O combien cette verité apporte d'ardeur en nostre volonté pour luy faire aymer cherement Celuy qui est tant aymable et si digne d'estre aymé! La verité est l'objet de l'entendement comme Famour est celuy de la volonté: soudain donques que nostre entendement apprehende cette verité que Nostre Seigneur est mort d'amour pour nous, ha, nostre volonté [336] s'enflamme tout incontinent et conçoit de grandes affections de contreschanger autant qu'elle pourra cet amour.

  A010000834 

 Mais nous ne le faisons pas, car de cette verité que nous avons apprise en l'oraison nous passons à la vanité en l'action; de là vient que nous sommes anges en l'oraison et bien souvent diables en la conversation et en l'action, offençant ce mesme Dieu que nous avons reconneu estre si aymable et si digne d'estre obei..

  A010000835 

 Alors il nous semble que jamais nous ne pourrons avoir aucune repugnance à estre humiliés; mais quand ce vient à l'occasion, nous ne pensons plus à nos resolutions, ains nous sommes si vains que la moindre ombre d'abjection nous fait fremir et nous nous armons à la defense de peur de la recevoir..

  A010000835 

 De mesme nous considerons que Nostre Seigneur s'est aneanti et abaissé d'un abaissement tel que nul ne le peut comprendre; sur quoy Dieu prononce cette verité en nostre cœur, que si nostre doux Sauveur s'est tant humilié pour nous donner exemple, c'est une chose toute certaine que nous devons nous humilier si profondement que nous demeurions tout abismés en la connoissance de nostre neant.

  A010000836 

 Nostre Seigneur nous a enseigné que bienheureux sont les pauvres, et un chacun rejette cette verité pour embrasser la vanité; tous desirent et pourchassent d'estre riches et que rien ne leur manque.

  A010000836 

 Pourquoy donc, nous pourroit-il demander [337] comme il faisoit aux Juifs, pourquoy ne me croyez-vous pas, puisque je vous enseigne la verité?.

  A010000837 

 Nous la croyons bien, pourrions-nous respondre, mais nous ne l'ensuivons pas; en quoy nous ne serons nullement excusables, non plus que les payens, lesquels ayans reconneu qu'il y avoit un Dieu ne l'ont pourtant pas honnoré comme tel.

  A010000837 

 Nous serons dignes d'une tres grande punition, si ayant sceu que nous avons esté si cherement aymés de nostre doux Sauveur, nous sommes si miserables que de ne pas l'aymer de tout nostre cœur et pouvoir, et de ne pas suivre de toutes nos forces et avec tout nostre soin les exemples qu'il nous a donnés en sa vie, en sa passion et en sa mort, car il nous addressera le mesme reproche qu'il fait en l'Evangile d'aujourd'huy: Si je vous ay enseignés, moy qui ne puis estre accusé de peché, moy dont la vie est irreprochable, moy qui vous ay presché la verité que j'ay apprise de mon Pere celeste, pourquoy donques ne me croyez-vous pas? Ou si vous croyez que je dis la verité, pourquoy ne la recevez-vous pas et ne demeurez-vous pas en icelle, ains vivez tout au contraire de ce qu'elle requiert de vous? Nous serons alors convaincus par sa divine Majesté, et il faudra qu'à nostre confusion nous confessions que le defaut vient de nostre costé et que c'est nostre malice qui en est la cause.

  A010000837 

 Pour obvier à cela, mes cheres ames, il nous faut sçavoir comme quoy nous devons nous disposer à ouyr et recevoir la parole de Dieu; et cecy est le troisiesme point..

  A010000838 

 Pour nous bien disposer et nous rendre capables de l'entendre comme nous sommes obligés, nous devons respandre nos cœurs en presence de la divine Majesté à fin de recevoir cette rosée celeste, tout de mesme que Gedeon espandit sa toison dans la prairie pour qu'elle fust arrousée des pluyes et des eaux du ciel..

  A010000838 

 Premierement, nous devons nous y preparer, et non pas l'entendre avec un esprit de negligence, comme nous ferions quelque vain discours.

  A010000839 

 Faisons-en de mesme, mes cheres ames; quand nous entendons la parole de Dieu en la predication, ou que nous la lisons dans quelque livre, mettons-la sur nos testes; je ne veux pas dire visiblement et reellement, ains spirituellement.

  A010000839 

 Ne regardons jamais à la qualité de celuy qui nous annonce la sacrée parole; peu importe qu'il soit bon ou mauvais, pourveu que ce qu'il dit soit utile et conforme à nostre foy; car Dieu ne nous demandera pas si ceux qui nous ont enseignés ont esté saints ou pecheurs, ains si nous avons profité de ce qu'ils nous ont dit de sa part et si nous l'avons receu avec esprit d'humilité et de reverence..

  A010000839 

 Nos cœurs estans ainsy respandus devant Dieu par de bonnes propositions de tirer proffit des choses qui nous seront dites de sa part, tenons-nous attentifs et pensons que c'est sa Majesté qui nous parle et nous fait sçavoir sa volonté.

  A010000839 

 Oyons avec esprit de devotion et d'attention les verités que le predicateur nous propose; mettons cette parole sur nos testes, à l'imitation des Espagnols, lesquels quand ils reçoivent une lettre de quelque grand, ils la posent aussi tost sur leur teste pour monstrer l'honneur qu'ils portent à celuy qui leur a escrit, comme aussi pour tesmoigner qu'ils se sousmettent aux commandemens qui leur sont faits par cette lettre.

  A010000839 

 Sousmettons-nous à l'obeissance des choses qui nous sont enseignées, par lesquelles nous apprenons quelles sont les volontés de Dieu pour ce qui regarde nostre perfection et nostre avancement spirituel; escoutons-les et les lisons avec resolution d'en faire nostre proffit.

  A010000840 

 C'est ainsy qu'il faut faire pour bien lire et entendre la divine parole si nous voulons qu'elle nous profite; autrement nous aurons part au reproche addressé aux scribes, et Nostre Seigneur jettera toute la faute sur nous..

  A010000842 

 Il suffit qu'en la partie superieure nous nous tenions en reverence et que nous ayons l'intention de profiter; cela estant, nous ne devons pas nous troubler comme si nous n'estions pas bien disposés pour recevoir cette sainte parole, car la preparation estant faite en la volonté et en la partie supreme de nostre esprit, nous aurons assez satisfait la divine Bonté [340] qui se contente de peu, et qui n'a point d'esgard à tout ce qui se passe à la partie inferieure..

  A010000842 

 Nous ne voulons pas dire qu'il faille avoir ces sentimens de devotion ou de reverence en la partie inferieure de nostre ame, qui est celle là pour l'ordinaire en laquelle resident ces degousts et ces difficultés.

  A010000842 

 Or, quand on nous enseigne qu'il faut escouter la parole de Dieu avec attention, reverence et devotion, cela se doit entendre comme quand on parle de l'oraison et de tout ce qui est de la prattique spirituelle.

  A010000843 

 En fin il faut conclure en disant que nous ne devons point rejet ter la parole de Dieu ni les documens que Nostre Seigneur nous a laissés, à cause des defauts des predicateurs qui nous les proposent, d'autant que nostre divin Maistre les ayant proferés le premier par sa divine bouche, nous sommes inexcusables de ne les pas recevoir, parce que si bien ce baume pretieux nous est presenté dans des vases de terre, tels que sont les predicateurs, il ne laisse pas pourtant d'estre infiniment propre à guerir nos playes, et ne perd point ses proprietés et sa force.

  A010000843 

 Il ne faut pas non plus nous mettre en danger de nous perdre en ne demeurant pas en la verité, c'est à dire en ne vivant pas selon icelle, ou en ne nous rendant pas capables de bien l'entendre quand elle nous est proposée ou expliquée de la part de Dieu.

  A010000843 

 Nous ne serons pas non plus excusables si nous doutons que ce qui nous est enseigné soit la verité, d'autant que Jesus Christ, qui est la verité par essence, nous a enseignés luy mesme et s'est rendu nostre tres cher Maistre.

  A010000843 

 Nous nous devons au contraire bien preparer, ainsy que nous avons dit, pour l'ouyr avantageusement, car c'est un tres bon moyen pour la bien comprendre.

  A010000850 

 Comme toutes les creatures ont en soy de la perfection et de l'imperfection la Sainte Escriture s'en sert pour nous representer tantost le bien tantost le mal; il n'y en a point desquelles elle ne tire des similitudes à fin de nous signifier l'un et l'autre: aussi toutes peuvent estre accomodées à figurer et le bien et le mal.

  A010000850 

 La colombe en mille endroits des saints Livres est prise pour nous representer la vertu; Nostre Seigneur s'en est servi luy mesme, disant: Soyez simples comme la colombe, lions monstrant par là comme il vouloit que nous fussions simples pour l'attirer en nos cœurs.

  A010000850 

 Mais quoy que la colombe soit employée ordinairement pour nous signifier la perfection, si est-ce que je trouve en la mesme l'ecriture que l'on s'en sert pour nous faire entendre la laideur du vice et du peché; car Dieu parlant au peuple d'Ephraïm luy dit: Vous avez erré et vous vous estes fourvoyé comme la colombe qui n'a point de cœur.

  A010000850 

 Nous voyons par cette similitude que le Texte sacré nous represente la colombe sans cœur et courage, lasche et sans generosité..

  A010000851 

 Quoy que le serpent soit un animal meschant et qu'il semble n'estre propre à rien qu'à faire du mal, si n'est-il point tellement meschant que la Sainte Escriture ne s'en serve pour nous representer le bien, car Nostre Seigneur a dit luy mesme: Soyez prudens comme le serpent.

  A010000852 

 Les voluptueux, lisons-nous en la Sainte Escriture, disent: Donnons-nous du bon [343] temps, environnons-nous de roses.

  A010000857 

 Nous y voyons aussi leurs vertus pour les imiter; et en effect, les vrays Chrestiens, les vrayes Religieuses doivent estre comme des avettes qui vont voltigeant sur toutes les fleurs pour y ramasser le miel et s'en nourrir.

  A010000859 

 Par exemple, entendant comme saint Hierosme rapporte que sainte Paule avoit cette imperfection de pleurer et ressentir si vivement la mort de ses enfans et de son mary qu'elle en tomboit malade et failloit presque en mourir: Hé, disent-ils, si sainte Paule, qui estoit une si grande Sainte, avoit tant et de si vifs ressentimens à se separer de ceux qu'elle aymoit, se faut-il estonner si j'en ay, moy qui ne suis ni saint ni sainte, et si je ne me puis resigner en tous les evenemens, quoy qu'ils soyent ordonnés de la divine Providence pour mon bien? De là vient que quand on nous reprend de quelque manquement ou imperfection, l'on n'a point envie de se corriger; l'on objecte promptement: Un tel Saint faisoit bien cela, je ne suis pas meilleur ni plus parfait que luy; ou: Si une telle fait cela, ne le puis-je pas bien faire? Belle rayson que celle-cy! Pauvres gens que nous sommes, comme si nous n'avions pas assez à travailler chez nous pour nous desfaire et detortiller de nos imperfections et mauvaises habitudes, sans nous aller encor revestir de celles que nous remarquons aux autres..

  A010000860 

 Nous considerons la vie du grand Apostre saint Paul, et voyant ce qui s'est passé entre luy et saint Barnabé, nous disons qu'il nous est loysible [347] d'estre contentieux et querelleurs.

  A010000860 

 Nous sommes si miserables, qu'au lieu d'eviter les manquemens que nous voyons dans le prochain, nous nous en servons pour nous en surcharger ou pour nous confirmer ès nostres.

  A010000862 

 Que la sagesse [348] du siecle constitue s'il luy plaist son excellence en la gloire mondaine; le vray Chrestien, et, pour parler nostre langage, c'est à dire le langage du lieu où nous sommes, les vrays Religieux et Religieuses qui tendent à la perfection chrestienne, doivent, contre toutes les raysons de la prudence humaine, constituer toute leur perfection en la folie de la croix; car c'est en cette folie de la croix que Nostre Seigneur a esté parfait.

  A010000865 

 (De cartes ou de dés il n'y failloit pas seulement penser, car ce grand Preat estoit trop pieux.) Quel jeu donques? Oh, dit-il, il nous faut jouer à ce jeu icy de nous dire clairement et nettement nos veités les uns aux autres, mais sans nous flatter ni espargner en rien.

  A010000865 

 (Ç'a tous-jours esté chose louable et recommandable parmi les Saints de bien la faire; aussi est-elle ordonnée dans toutes les familles religieuses pour un peu relascher [350] l'esprit, car quand il est tousjours bandé il ne va pas si bien.) Or, demanderent-ils, que ferons-nous pour bien nous recreer? car ils ne vouloyent pas le faire en sorte que cette recreation fust demesurée.

  A010000865 

 Apres avoir fait leurs prieres accoustumées, il dit: Or sus, il nous faut un peu faire la recreation.

  A010000865 

 Il nous faut, dit saint Charles, jouer à quelque jeu.

  A010000866 

 L'on dit aux uns: Nous avons remarqué en vous que vous usez souvent de duplicité, vos paroles ne sont pas simples, vous ne faites pas vos actions avec sincerité.

  A010000870 

 Les anciens Peres disputent si Nostre Seigneur monta sur l'asnon ou sur l'asnesse, et à ce sujet il y a une grande varieté d'opinions entre les Docteurs; mais cela n'est point propre pour le lieu où nous sommes.

  A010000874 

 Or, l'humilité a une si grande convenance et rapport avec la patience qu'elles ne peuvent guere aller l'une sans l'autre: celuy qui veut estre humble il faut [355] qu'il soit patient pour supporter les mespris, les censures et reprehensions que les humbles souffrent; de mesme, pour estre patient il faut estre humble, car on ne sçauroit supporter longuement les travaux et les adversités de cette vie sans avoir l'humilité, laquelle nous rend doux et patiens.

  A010000875 

 Certes, nostre divin Maistre est tellement amoureux de l'obeissance et souplesse qu'il a voulu luy mesme nous en donner l'exemple: il a porté le pesant fardeau de nos iniquités et a souffert pour icelles tout ce que nous avions merité.

  A010000875 

 O que bienheureuses sont les ames qui sont souples et sousmises, qui se laissent charger comme on veut, s'assujettissant à toutes sortes d'obeissances sans repliques ni excuses, supportant de bon cœur le faix qu'on leur impose! Il faut, pour se rendre digne de porter Nostre Seigneur, estre revestu de ces trois qualités, d'humilité, de patience et sousmission; alors le Sauveur montera sur nos cœurs, et, comme un divin escuyer, il nous conduira sous son obeissance..

  A010000877 

 Hé, ne pouvoyent-ils pas dire: Vous nous ordonnez de vous amener ces deux bestes; mais comment connoistrons-nous que ce sont celles que vous voulez? N'y a-t-il que celles-là? Nous les laissera-t-on bien prendre? et plusieurs autres semblables raysons que la prudence humaine leur pouvoit fournir.

  A010000878 

 Oh, dit-elle au serpent, Dieu nous a defendu de regarder et toucher ce fruit; voulant donner à entendre par là que ce commandement estoit hors de rayson, rude et difficile à garder.

  A010000880 

 En somme, l'on se doit servir de cette parole pour rembarrer tous ceux qui nous veulent empescher de faire la volonté de Dieu..

  A010000881 

 Il faut aussi remarquer qu'il leur commanda de les deslier pour les luy amener, et non sans cause; car si nous voulons aller au Sauveur il faut souffrir qu'on nous deslie de nos passions, habitudes, affections et des liens des pechés qui nous empeschent de le servir.

  A010000882 

 Dieu nous en fasse la grace.

  A010000891 

 D'autant qu'il y a peu d'heures pour parler de la Passion par laquelle nous avons tous esté rachetés, je ne prendray pour sujet de ce que j'ay à vous dire que les paroles du tiltre que Pilate fit escrire sur la croix: Jesus Nazarenus, Rex Judœorum; Jesus de Nazareth, Roy des Juifs.

  A010000892 

 Jesus veut dire Sauveur: or, il est mort parce qu'il estoit Sauveur, d'autant que pour nous sauver il failloit mourir.

  A010000895 

 C'est ce qui nous a esté representé dans l'Ancien Testament par tant de figures et de similitudes, particulierement par le serpent d'airain que Moyse dressa sur la colonne pour garantir les Israëlites des morseures des serpens.

  A010000897 

 Ces enfans d'Israël, tirés de la servitude d'Egypte, representent bien tout le genre humain que Dieu avoit preservé du peché et placé dans cette terre de promission du paradis terrestre où il [361] nous avoit mis avec la justice originelle.

  A010000897 

 Mais voyci un estrange accident: il s'esleva de petits serpenteaux qui nous piquerent en la personne de nos premiers pere et mere, Adam et Eve, et les compagnons et complices de celuy qui avoit piqué nos premiers parens s'espancherent tellement par toute la terre du desert de ce monde que nous en avons tous esté mordus.

  A010000897 

 Remarquez, je vous prie, comme cecy nous figure bien la cause de la mort de Nostre Seigneur.

  A010000899 

 Mais cette exception ne nous empesche pas d'asseurer que tous generalement ont esté mordus du serpent.

  A010000899 

 Or, cette piqueure estoit si venimeuse que nous en serions tous morts, et d'une mort eternelle, si Dieu, par son infinie bonté, n'eust pourveu à un si grand inconvenient, ce qu'il a fait, mais en une façon admirable, sans y estre esmeu d'autre cause que de sa pure et immense misericorde.

  A010000900 

 Il n'estoit point serpent, ni en verité ni en figure, mais pour nous guerir des morseures du vray serpent, à cause de l'amour extreme qu'il nous portoit, il se chargea de nos iniquités, c'est à dire de nos miseres et foiblesses; il se revestit de nostre plumage et escaille, et en fin il fut fait ce serpent posé sur le bois de la croix pour preserver de la mort et donner la vie à tous ceux qui le regarderoyent.

  A010000900 

 Il nous a apporté du Ciel la redemption, et non seulement cela, mais il a esté fait luy mesme nostre Redemption.

  A010000900 

 O que le Dieu d'Israël est bon d'avoir fourni et pourveu la nature humaine d'une telle et si pretieuse Redemption! Nous estions tous perdus sans icelle, et si Dieu ne nous eust donné ce remede nous serions tous morts, sans excepter aucune ame quelle qu'elle fust, puisque toutes avoyent peché..

  A010000901 

 Ou encores, s'il se vouloit servir pour [363] cette redemption de l'entremise de quelque creature, n'en pouvoit-il pas creer une d'une telle excellence et dignité que, par ce qu'elle eust fait ou souffert, elle eust suffisamment satisfait pour les pechés de tous les hommes? Asseurement, et il pouvoit nous racheter par mille autres moyens que celuy de la mort de son Fils; mais il ne l'a pas voulu, car ce qui estoit suffisant à nostre salut ne l'estoit pas à assouvir son amour; et pour nous monstrer combien il nous aymoit, ce divin Fils est mort de la mort la plus rude et ignominieuse qui est celle de la croix..

  A010000902 

 Que reste-t-il donques, et quelle consequence pourrons nous tirer de cela, sinon que, puisqu'il est mort d'amour pour nous, nous mourions aussi d'amour pour luy, ou, si nous ne pouvons mourir d'amour, que du moins nous ne vivions pour autre que pour luy? Que si nous ne l'aymons et ne vivons pour luy, nous serons les plus desloyales, infideles et perfides creatures qui se puissent trouver.

  A010000905 

 Mais Nostre Seigneur ne s'est point voulu servir de ce privilege, ains il a pris un corps passible et mortel; il s'est incarné pour estre [365] Sauveur, il nous a voulu sauver en souffrant et mourant, et prendre sur soy et en sa sacrée humanité, en toute rigueur de justice, ce que nous avions merité par nos iniquités.

  A010000906 

 Je diray bien davantage: quand elles viendroyent à souffrir toutes les peines qui se pourroyent trouver dans cent mille millions d'enfers, s'il y en avoit autant, et ce avec la plus grande perfection possible à une creature humaine, tout cela ne seroit rien en parangon d'un petit souspir de Nostre Seigneur, d'une petite goutte du sang qu'il a respandu pour l'amour de nous, d'autant que c'est sa personne, qui est d'une excellence et dignité infinie, qui donne le prix et la valeur à telles actions et souffrances; car la Divinité est tellement meslée avec l'humanité que nous disons avec verité que Dieu a souffert la mort, et la mort de la croix, pour nous racheter et nous donner la vie..

  A010000907 

 C'est celle que nous avons receuë en la personne de nostre premier pere Adam, en laquelle nous pouvions mourir ou ne mourir pas; car estant au paradis terrestre où se trouvoit l'arbre de vie, nous pouvions, en mangeant de son fruit, nous empescher de mourir, sous la condition neanmoins de nous abstenir du fruit [366] defendu, comme Dieu l'avoit ordonné.

  A010000907 

 Cependant, nous pouvions aussi mourir en mangeant du fruit defendu comme fit nostre premiere mere Eve..

  A010000907 

 En gardant ce commandement nous ne serions point morts, quoy que nous n'eussions pas tousjours demeuré en cette vie, mais nous aurions passé d'icelle à une autre meilleure.

  A010000907 

 Mais il est vray que nous ne serions point morts de cette mort corporelle dont nous mourons à cette heure, ains nous nous serions tousjours acheminés à l'autre vie; et quand il eust pleu à la divine Majesté de nous retirer elle l'eust fait, ou dans un chariot de feu comme Elie, ou en telle autre façon qu'il luy eust pleu.

  A010000907 

 Or, nous autres, tant que nous sommes, avons trois natures ou trois sortes de vie, s'il faut ainsy dire, dont l'une est negative.

  A010000908 

 Comme nous avons tous esté souillés du peché originel et actuel, aussi mourrons-nous tous; c'est pourquoy Nostre Seigneur, qui estoit sans peché, s'estant toutefois chargé de nos iniquités, il est mort comme nous ferons tous, nous qui sommes pecheurs..

  A010000908 

 En la seconde nature, qui est celle que nous avons despuis la faute d'Adam et en laquelle nous vivons à present, nous pouvons mourir, mais nous ne pouvons pas ne point mourir, car c'est une loy generale que nous mourrons tous.

  A010000909 

 La troisiesme nature est celle que nous aurons au Ciel si Dieu nous fait la misericorde d'y arriver.

  A010000909 

 Là nous vivrons et ne pourrons pas mourir, car nous jouirons de la gloire de l'eternité, de la vie qui nous a esté achetée par la mort de nostre Sauveur, et la possederons avec tant d'asseurance que nous n'aurons nulle crainte de la perdre.

  A010000909 

 Nostre Seigneur est donques venu comme Sauveur pour nous sauver tous en mourant, car sa mort nous a acquis cette vie en laquelle nous ne pourrons jamais mourir, c'est à dire la vie glorieuse.

  A010000910 

 Ç'a esté sa vocation que d'estre Sauveur; c'est pourquoy le Pere eternel a tant contesté pour la prouver aux hommes, non seulement par les Patriarches et Prophetes, mais par luy mesme; voire, chose estrange, il s'est mesme servi pour cet effect de la bouche des impies et des plus scelerats qui se puissent trouver, comme nous dirons tantost.

  A010000911 

 Par laquelle parole il monstre qu'il l'a envoyé pour nous enseigner à nous sauver.

  A010000912 

 Mais que nous dira-t-il sur cette montagne? O certes, il ne vous dira rien icy, d'autant qu'il parle à son Pere celeste avec Moyse et Elie de l'exces qui devoit s'accomplir en Hierusalem.

  A010000913 

 De plus Dieu, par le plus miserable, infidelle, traistre et desloyal homme qui fut jamais au monde, à sçavoir par la bouche de Caïphe, pour lors souverain Prestre, ne prononça-t-il pas cette parole de verité si grande qu'il estoit expedient qu'un seul homme mourust pour sauver tout le peuple? Admirable conteste que celuy de Dieu pour monstrer que veritablement son Fils estoit Sauveur et qu'il failloit qu'il mourust pour nous sauver, puisque mesme il tira cette sentence du plus detestable grand Prestre qui ayt onques esté sur terre.

  A010000914 

 Et voyci ce que nous avions à dire sur la seconde cause, d'autant qu'en rendant à Nostre Seigneur amour pour amour et les louanges et benedictions que nous luy devons pour sa Mort et Passion, nous le confesserons nostre Liberateur et Sauveur..

  A010000914 

 Or, que reste-t-il à cette heure, sinon que puisque le Fils de Dieu a esté crucifié pour nous, nous crucifiions quant et luy nostre chair avec ses concupiscences? car l'amour ne se paye que par l'amour.

  A010000917 

 Certes, Nostre Seigneur est ce divin oyseau de paradis, divin loriot qui fut attaché sur l'arbre de la croix pour nous sauver et delivrer de la haute jaunisse du peché; toutefois, pour en estre rendu quitte, il faut que l'homme le regarde sur cette croix à fin de l'exciter à commiseration par ce regard; lors il tirera à soy toutes les iniquités de l'homme et mourra librement pour luy.

  A010000917 

 Mais tout ainsy que si l'homme atteint de la haute jaunisse ne regarde cet oyseau il demeurera tousjours malade, de mesme si le pecheur ne regarde Nostre Seigneur crucifié il ne sera jamais quitte de ses pechés; que s'il le fait, le Sauveur s'en chargera, et, quoy qu'il soit innocent, il mourra à cause de nos iniquités et pour nous en delivrer, voire il mourra avec une sainte complaisance de nostre guerison, bien que ce soit aux despens de sa propre vie..

  A010000919 

 C'est le sacrifice de nos levres et de nostre cœur que nous presentons à Dieu tant pour nous que pour le prochain; aussi Nostre Seigneur s'en servit-il disant à son Pere: Mon Pere, pardonnez-leur parce qu'ils ne sçavent ce qu'ils font.

  A010000919 

 Il vouloit par là nous faire comprendre l'amour qu'il nous portoit, lequel ne pouvoit estre diminué par aucune sorte de souffrance, et nous apprendre aussi quel doit estre nostre cœur à l'endroit de nostre prochain..

  A010000919 

 Nous connoissons cela par les paroles que nostre divin Maistre dit sur la croix, par les larmes et souspirs amoureux qu'il y jetta.

  A010000922 

 Que si tous ceux qui le crucifierent ne receurent pas le pardon que le Sauveur avoit demandé pour eux ce ne fut pas sa faute, comme nous le monstrerons..

  A010000926 

 Tel fut le malheur de Salomon, dont le salut nous laisse bien en doute, de mesme que plusieurs autres qui ont abandonné le bon chemin en leurs dernieres années.

  A010000928 

 Je sçay bien que ce furent les regards sacrés de nostre Sauveur qui luy penetrerent le cœur et luy ouvrirent les yeux pour luy faire reconnoistre son peché; neanmoins l'Evangeliste nous dit qu'il sortit pour le pleurer quand le coq chanta, et non point aussi tost que Nostre Seigneur le regarda..

  A010000931 

 En la seconde nous voyons deux larrons qui estoyent crucifiés avec Nostre Seigneur, hommes meschans au possible, qui n'avoyent jamais fait de bie; c'estoyent les plus scelerats, les plus perfides et insignes voleurs qui se puissent voir; aussi les avoit-on choisis comme tels pour mettre aux costés de nostre cher Sauveur à fin de le declarer par ce moyen maistre de tous les voleurs.

  A010000933 

 Voyla, mes cheres Sœurs, deux sortes de pecheurs qui nous doivent faire vivre en grande crainte et tremeur, mais aussi en grande esperance et confiance, puisque des deux sortes il y en a eu un de sauvé et un de damné.

  A010000933 

 «Nous avons veu,» dit un grand Saint, «tomber les estoilles du Ciel,» lesquelles par apres s'obstinent et meurent sans penitence.

  A010000934 

 O Dieu, que grande est l'humilité et le rabaissement avec lequel nous devons vivre sur cette terre! Mais aussi, quel sujet de bien ancrer nostre esperance et confiance en Nostre Seigneur; car si apres avoir commis des pechés tels que de le renier, de perseverer et user sa vie en des horribles forfaits et iniquités l'on trouve la remission quand on se retourne du costé de la Croix où est attachée nostre Redemption, que doit craindre le pecheur de l'une et l'autre sorte de revenir à son Dieu en la vie et en la mort? Escoutera-t-il encores cet esprit malin qui luy fait voir ses fautes telles qu'il n'en puisse recevoir le pardon? Hé, qu'il responde hardiment que son Dieu est mort pour tous, et que ceux qui regarderont la Croix, pour grans pecheurs qu'ils soyent, trouveront le salut et la redemption..

  A010000935 

 Mais que ne doit-on esperer de cette redemption si abondante qu'elle regorge de toutes parts, comme nous dirons tantost.

  A010000947 

 On luy fit aussi les plus belles offres, les plus desirables semonces qui se peuvent imaginer, d'autant que les uns luy crioyent: Toy qui te vantes d'estre Fils de Dieu, descens de la croix, et nous t'adorerons et te reconnoistrons pour tel.

  A010000947 

 Ouy, si de ta propre puissance tu descens de cette croix nous croirons tous en toy; autrement nous te tiendrons pour un meschant homme, nous ne croirons pas en toy ni ne nous convertirons point.

  A010000947 

 Tu as dit que tu destruirois le Temple; or sus, fais maintenant quelque miracle pour ta delivrance et nous te reconnoistrons pour nostre Dieu.

  A010000949 

 Il voyoit encores que plusieurs demanderoyent un autre moyen que celuy de sa Passion pour se sauver, comme faisoit ce peuple qui luy crioit de descendre de la croix et qu'il croiroit en luy; car, sembloit-il dire à nostre beni Sauveur, si tu as si soif de nostre salut, descens de cette croix et nous croirons en toy, et par ce moyen tu auras aussi le pouvoir de te desalterer.

  A010000949 

 Mais quoy que Nostre Seigneur fust si infiniment desireux du salut des ames que pour leur acquerir ce salut il avoit exposé sa vie en mourant pour nous, il ne voulut pas neanmoins descendre de la croix parce que la volonté de son Pere n'estoit pas telle, ains au contraire c'estoit cette volonté qui le tenoit attaché à ce bois..

  A010000951 

 O miserables gens, qui demandez une autre redemption que celle de la Croix, celle-cy n'est-elle donc pas suffisante? Elle est mesme plus que suffisante, puisqu'il est vray qu'une seule larme, un seul souspir amoureux sortant de ce cœur sacré pouvoit racheter des millions de milliers de natures humaines et angeliques, s'il y en eust eu autant qui eussent peché; et toutefois il ne nous a pas rachetés avec un seul souspir ni une seule larme, ains avec tant et tant de travaux et de peines, ayant espuisé tout le sang de ses veines.

  A010000951 

 Oyez ce cher Sauveur qui crie qu'il a soif de nostre salut, qui nous y attend et invite: Venez, nous dit-il, si vous voulez, car si vous ne venez vous ne trouverez point ailleurs de salut.

  A010000952 

 Or, Nostre Seigneur n'ayme point cette obeissance: il faut obeir pareillement aux grandes et petites choses, aux faciles et aux difficiles, et demeurer fermes, c'est à dire attachés à la croix où l'obeissance nous a mis, sans recevoir ni admettre aucune condition pour nous en faire descendre, quelque bonne apparence qu'elle ayt.

  A010000957 

 Nous y voyons ce parfait abandonnement de Nostre Seigneur entre les mains de son Pere celeste, sans reserve quelconque.

  A010000958 

 Ah! mes cheres Sœurs, si quand nous nous consacrons au service de Dieu nous commencions par remettre absolument et sans reserve nostre esprit entre ses mains, que nous serions heureux! Tout le retardement de nostre perfection ne provient que de ce defaut d'abandon; et il est vray qu'il faut par là commencer, poursuivre et finir la vie spirituelle, à l'imitation du Sauveur qui l'a fait avec une admirable perfection au commencement, au progres et à la fin de sa vie..

  A010000960 

 Helas, ne voyez-vous pas que ce n'est pas là remettre son esprit entre les mains de Dieu comme fit Nostre Seigneur? Certes, c'est d'icy que naissent tous nos maux, nos troubles, nos inquietudes et autres telles niaiseries; car si tost que les choses n'arrivent pas selon que nous attendions ou comme nous nous promettions, voyla que soudain la desolation saisit nos pauvres esprits qui ne sont pas en cette parfaitte indifference et remise entre les mains divines.

  A010000960 

 O que nous serions heureux si nous prattiquions bien ce point icy qui est l'abbregé et la quintessence de la vie spirituelle! Nous arriverions à la haute perfection d'une sainte Catherine de Sienne, de sainte Françoise, de la bienheureuse Angele de Foligny et de plusieurs autres qui estoyent comme des boules de cire entre les mains de Nostre Seigneur et de leurs Superieurs, recevant toutes les impressions qu'on leur vouloit donner..

  A010000962 

 Ainsy il le recevra comme il fit celuy de son cher et unique Fils, pour le faire jouir au Ciel, où nous le benirons eternellement de la gloire qu'il nous a acquise par sa Mort et Passion.

  A010000962 

 Demeurons sur la croix où Dieu nous a mis, prions sur icelle, voire plaignons-nous à luy de nos afflictions et aridités et disons, quand il est requis, des paroles de consolation au prochain.

  A010000962 

 Dieu nous en fasse la grace.

  A010000962 

 En somme, consommons-nous sur cette croix et accomplissons tout ce qui est des divines volontés, et en fin nous recevrons de ce grand Dieu, comme je l'en prie de tout mon cœur, et pour moy particulierement, la grace de remettre nostre esprit entre ses mains.

  A010000962 

 Si nous faisons cela nous pourrons bien dire à l'heure de nostre mort comme nostre cher Maistre: Tout est consommé; o Dieu, j'ay accompli tout ce qui estoit de vos divines volontés en tous les evenemens.

  A010000981 

 Cecy estant posé, le Fils de Dieu est venu en ce monde pour nous donner des maximes, comme fondemens generaux et tres asseurés par le moyen desquels nous puissions parvenir à la connoissance de la vraye perfection et à l'exercice d'icelle.

  A010000981 

 Hors de ces maximes et fondemens nous ne pouvons acquerir cette celeste doctrine, science et discipline, et nous perdons ainsy le tiltre glorieux d'escoliers et disciples de Jesus Christ..

  A010000982 

 Mais celles de Dieu nous enseignent tout au contraire que [393] bienheureux sont les pauvres d'esprit, carie Royaume des cieux est à eux.

  A010000982 

 Par où nous voyons clairement que celles que Dieu est venu donner au monde sont directement opposées à celles de ce siecle et qu'elles les destruisent totalement..

  A010000983 

 Ces paroles devroyent estre gravées et empreintes en nos cœurs d'une impression telle que la mort seule les peust effacer, puisque sans Jesus Christ nostre vie est plustost une mort qu'une vie, sans la verité qu'il a apportée au monde, tout eust esté plein de confusion, et si nous ne suivons ses traces, [394] vestiges et voyes nous ne pourrons trouver le chemin qui conduit au Ciel..

  A010000983 

 La premiere est comment nous sommes tenus de renoncer à toutes choses.

  A010000983 

 Pour revenir à nostre texte, qui est fort utile et advantageux si les paroles en sont deuement pesées et digerées, nous pouvons en tirer quatre considerations qui seront le sujet et la division de la presente exhortation.

  A010000984 

 Ce n'est pas toutefois que la prattique de la premiere consideration ne soit suffisante pour acquerir le Ciel: ainsy voyons-nous un saint Louys ne s'estre demis de la couronne royale qu'en esprit d'abnegation, et non reellement, et avoir cependant conquis l'heritage celeste.

  A010000985 

 Il semble de prime abord qu'il y a de la superfluité en ces paroles: Quiconque ne renoncera à tout ce qu'il possede; car pouvons-nous renoncer à ce que nous ne possedons pas? Ouy, nous le pouvons en quelque façon, parce que nous pouvons quitter les choses futures que nous esperons avoir, comme seroit quelque succession, honneur ou chose semblable.

  A010000985 

 La troisiesme consideration, qui n'est pas de peu d'utilité si elle est bien goustée, consiste à reconnoistre les choses que nous possedons, à fin que par adventure nous ne soyons point trompés en l'abnegation de celles qui ne sont pas en nostre puissance.

  A010000985 

 Mais la providence de Dieu est admirable en cecy, ayant voulu, par une prescience tres utile, exprimer ces mots, ce qu'il possede, pour nous enseigner que principalement et en premier lieu nous devons faire banqueroute aux choses possedées avant que de venir à l'abnegation des futures..

  A010000986 

 Miserable que tu es, tu veux donc faire present à Dieu de ce que par adventure tu n'auras jamais! Et s'il dispose de toy en tes tendres années, lesquelles tu pretens passer servant au monde, en quelle voye de salut te verras-tu reduit? O deplorable ignorance de la doctrine celeste! Lors qu'il s'agit du service de Dieu nous voulons renoncer aux choses futures pour laisser l'exercice des presentes..

  A010000987 

 La quatriesme et derniere consideration est de prendre garde que le ferme propos que nous avons de tout quitter ne soit vain, dissimulé et par flatterie; car si celuy qui fait edifier une tour est si imprudent qu'il ne considere point avant de la commencer s'il a des biens et des commodités suffisantes pour mettre à chef son edifice, et que par cette imprudence il ne puisse faire reussir son dessein, ne jugerez-vous pas qu'il est un sot et un mal advisé? De mesme, un roy ne seroit-il pas bien despourveu de jugement, si sçachant qu' un autre roy a mis vingt mille hommes sur pied pour luy donner la bataille, il ne consultoit pour sçavoir s'il pourra avec dix mille hommes aller au devant de celuy qui vient avec vingt mille? Autrement, s'il ne le fait, il sera contraint, et avec grande confusion et detriment de son honneur, d'envoyer au devant de l'ennemy demander les moyens de paix.

  A010000988 

 Ainsy nous en arrivera-t-il si nous ne prenons garde que le ferme propos que nous avons de renoncer à toutes choses soit assez solide et suffisant pour nous conduire à chef de nostre dessein, car nous avons un ennemy qui est grandement madré et puissant.

  A010000988 

 Jesus Christ et ne pouvons estre ses disciples: or, n'estans pas ses escoliers, nous sommes quant et quant hors de sa grace et du salut..

  A010000988 

 Que si une fois nous manquons de prevoyance, et qu'à nostre grande honte il nous faille demander la paix, nous voyla perdus, d'autant qu'il n'y a point de doute que faisant paix avec nostre ennemy nous perdons le tiltre glorieux de soldats de.

  A010000989 

 Esperons-nous recueillir force commodités sur la terre, il arrivera un accident de gresle et autres injures du temps qui nous en osteront la jouissance..

  A010000989 

 Mais, ce qui est bien davantage, ils estoyent esgalement riches, car, à proprement parler, nous ne possedons pas les biens de ce monde: cecy est fort clair.

  A010000989 

 Pensons-nous posseder une grosse somme d'argent, les voleurs et les larrons s'en rendent souvent les maistres et proprietaires.

  A010000990 

 Bref, à la verité, nous ne possedons qu'une bien petite partie de nous mesme: ainsy, nous ne sommes pas maistres de nostre fantasie, puisque nous ne pouvons nous garantir d'un nombre presque infini d'illusions et imaginations qui nous surviennent; il en faut dire autant de nostre memoire, car combien de fois voudrions-nous nous souvenir de plusieurs choses, et nous ne le pouvons faire, ou au contraire ne pas nous souvenir de beaucoup d'autres que nous ne pouvons oublier.

  A010000990 

 En fin, parcourez [397] tant qu'il vous plaira tout ce qui est en nous, vous ne trouverez qu'une seule petite partie dont nous soyons maistres: c'est la volonté, laquelle nous possedons tellement que Dieu mesme n'a pas voulu s'en reserver le dessus, donnant à l'homme libre juridiction ou d'embrasser le mal ou de suivre le bien, si mieux il luy aggrée..

  A010000994 

 de loysir que le tracas du monde nous laisse sera cause que je vous entretiendray fort simplement et familierement (car il me semble que les choses en sont meilleures) des deux points que je ne vous peus expliquer jeudy dernier, c'est à dire comme il faut celebrer les festes et quelles sont les festes et mysteres que nous celebrons.

  A010000995 

 Celle de la Conception de la Vierge ne nous est pas commandée, mais bien recommandée; et pour nous inviter à la devotion et solemnité de cette feste l'Eglise, comme une charitable mere, nous [399] donne des indulgences, et il se fait mesme des confreries à cette intention.

  A010000995 

 En premier lieu il faut sçavoir qu'il y a trois sortes de festes: celles que l'Eglise nous commande, celles qu'elle nous recommande, et les festes politiques, comme est celle qui se celebre aujourd'huy pour l'entrée du Roy en cette ville, laquelle estant ordonnée par les Messieurs de ville est ainsy rendue politique.

  A010000995 

 Les festes nous sont recommandées à fin de rendre à Dieu l'honneur, le culte et l'adoration que nous luy devons comme à nostre souverain Maistre et Seigneur.

  A010000995 

 Saint Hierosme et saint Bernard nous la recommandent dans le breviaire et les homelies de ce jour..

  A010000996 

 Il faut sçavoir d'abord qu'il y a en icelle quatre parties: la premiere est ce que nous devons croire, la seconde ce que nous devons esperer, la troisiesme ce que nous devons aymer, la quatriesme ce que nous devons faire et prattiquer..

  A010000997 

 Par exemple, il n'est pas dit dans le Credo qu'il y a des Anges; neanmoins c'est une verité que nous croyons et trouvons dans la Sainte Escriture, et que mesme ils sont employés en des ministeres icy bas en ce monde.

  A010000997 

 Tout ce que nous devons croire est compris dans iceluy; et, bien qu'il n'y soit pas tout par le menu, si est-ce que tout y est en gros.

  A010000998 

 Tout ce que nous devons esperer et demander à Dieu est contenu dans les sept demandes du Pater, que nous appelions communement Oraison dominicale, laquelle Nostre Seigneur nous a laissée..

  A010000999 

 Pour la troisiesme nous avons les divins commandemens, par lesquels nous sommes instruits à aymer Dieu et le prochain; car de ces deux commandemens dependent toute la Loy et les Prophetes.

  A010001000 

 De plus, il y a en icelle sept Sacremens, lesquels pourtant nous ne sommes pas obligés de prattiquer tous, ains seulement chacun selon sa vocation, comme celuy des Ordres pour les prestres et celuy du Mariage pour ceux que Dieu y a appellés.

  A010001000 

 Quant aux autres il nous en faut servir en temps et lieux, et les recevoir selon que l'Eglise nous le commande, car nous y sommes tenus..

  A010001001 

 Venons à nostre second point, à sçavoir quelles sont les festes que nous celebrons.

  A010001002 

 C'est à dire: Nous sommes tous conceus en peché, et toutes les conceptions despuis le commencement du monde jusques à la fin se feront en peché..

  A010001002 

 Elle, ouvrant les oreilles à ce propos (car si tost qu'on parle de nous eslever il nous semble que tout nostre bien depend de cela), donna son consentement et mangea du fruit defendu, voire passa plus outre, en faisant manger à son mary, si que tous deux succomberent et desobeirent à Dieu.

  A010001002 

 Mais helas! ils n'y demeurerent que fort peu, ce ne fut qu'un moment, et pour ce que nous sommes tous d'une mesme tige et semence qu'Adam, nous sommes tous atteints du peché originel; ce qui fait que le grand Prophete royal s'escrie: Ecce enim in iniquitatibus, et le reste qui suit.

  A010001002 

 S'ils estoyent demeurés en grace nous aurions participé à ce bien incomparable, car c'est de leur cheute que le peché originel a pris sa source; c'est là l'heritage qu'ils nous ont laissé, comme nous eussions de mesme herité de cette grace et justice premiere en laquelle ils avoyent esté creés, s'ils eussent perseveré.

  A010001004 

 Il n'est pas de la semence d'Adam, c'est à dire par voye de geneation, car il fut conceu de sa Mere sans pere, comme nous avons dit; il fut bien de la masse d'Adam, mais non pas de la semence..

  A010001007 

 Disons maintenant quelque chose de la devotion que nous devons avoir à cette sainte Vierge.

  A010001008 

 Nous avons des exemples de cecy; je me contenteray [404] d'en dire un ou deux.

  A010001008 

 Nous avons un autre exemple au troisiesme Livre des Rois, chapitre premier, où il est dit que la reyne Bethsabée vint trouver David en luy faisant plusieurs genuflexions et humiliations.

  A010001009 

 Dieu nous en fasse la grace, et de l'entendre en cette vie et en l'autre.

  A010001009 

 Vous, mes tres cheres Sœurs, qui avez quitté le monde pour vous mettre sous les auspices de la tres sainte Vierge, si vous l'interrogez et luy dites: Madame, que vous plaist-il que nous fassions pour vous? Elle vous respondra sans doute qu'elle desire et veut que vous fassiez ce qu'elle enjoignit de faire en ce celebre banquet de Cana en Galilée où le vin estoit failli; elle dit à ceux qui en avoyent le soin: Faites tout ce que mon Fils vous dira.

  A010001014 

 En ce siecle où nous sommes, les historiens en font de mesme pour ce qui regarde les faits des grans de la terre, car ils cachent et seellent la verité en tout ce qui a apparence de mal, de sorte que l'on ne peut rien apprendre d'eux.

  A010001014 

 Nous voyons d'ordinaire que l'Escriture sacrée nous descouvre apertement les cheutes les plus enormes de plusieurs grans Saints; comme quand elle nous veut monstrer la penitence d'une Magdeleine, les larmes d'un saint Pierre, la conversion d'un saint Paul, elle nous fait lire premierement leurs fautes avant que de parler de leur repentir.

  A010001015 

 Et de vray, il tomba en une tres grande faute, laquelle est presque indicible; nous pouvons faire cette remarque apres tous les saints Peres.

  A010001015 

 Mais, je vous prie, [406] pourquoy la font-ils sinon pour nous faire voir l'infinie misericorde de Dieu en comparaison de la misere des pecheurs? Nous trouvons qu'il est dit en la Sainte Escriture que Dieu fait son throsne de nostre misere.

  A010001015 

 Voyons donques premierement comme l'Evangeliste nous raconte que saint Thomas ne se trouva pas avec les autres le jour de la Resurrection; secondement, comme il ne voulut pas croire, en quoy il fit une tres grande impudence; et en troisiesme lieu, comme il exagera ces paroles: Je ne croiray point si je ne le touche et si je ne le voy..

  A010001016 

 Ne croyons pas que ce soit petite chose de demeurer huit jours en infidelité et de retarder nostre perfection pour peu que ce soit; au contraire c'est un grand mal, d'autant que les momens nous sont bien pretieux et nous doivent estre tres chers..

  A010001017 

 Le second degré de la cheute de saint Thomas fut que oyant à son retour ses confreres et condisciples luy dire: Nous avons veu le Seigneur, il respondit: Je ne le crois pas, et se laissa ainsy emporter à l'opiniastreté et au despit, se voyant privé de la grace que les autres avoyent receuë en cette visite.

  A010001017 

 Nous avons tous cela, qu'encor que nous ayons failli nous ne le voulons pas [407] confesser.

  A010001017 

 Qui s'excuse s'accuse; il ne faut donques jamais s'excuser, puisque nous avons grande rayson de croire que nous avons tousjours le tort..

  A010001019 

 C'est un grand mal de se laisser entraisner de la sorte, car les theologiens enseignent que lors que nous cedons à nos passions elles nous portent jusques au peché mortel.

  A010001019 

 Le grand saint Paul, ou plustost Nostre Seigneur en saint Paul, apres le Prophete, nous dit: Courroucez-vous, mais ne pechez point, parce que ce n'est pas pecher d'avoir ses passions esmeuës; mais c'est bien autre chose d'entrer en colere et de suivre les sentimens d'icelle, comme de se despiter et opiniastrer en suite: c'est cela qui fait le peché.

  A010001020 

 Il nous donne en cecy des preuves de la douceur avec laquelle il traitte les pecheurs, car il a deux bras: l'un de sa justice toute puissante et equitable, et l'autre de sa misericorde qu'il exalte par dessus celuy de sa justice..

  A010001023 

 C'est un grand don de Dieu que la foy; c'est elle qui nous separe d'avec ces miserables heretiques lesquels ne veulent pas croire le Saint Sacrement de l'autel parce, disent-ils, qu'on ne voit rien, qu'on n'y touche rien.

  A010001023 

 Nostre bon Sauveur luy respondit: Thomas, Thomas, tu as creu parce que tu as veu, mais bienheureux seront ceux qui croiront et ne verront pas, parce que sa divine Bonté nous avoit tous presens, nous autres qui sommes en son Eglise, car elle a pris son commencement du petit college des Apostres.

  A010001023 

 Nous ne sçavons rien des mysteres de nostre foy que ce qu'ils nous ont appris, bien que leur foy fust pour lors imparfaite parce qu'ils n'estoyent pas confirmés en grace, à ce que disent les theologiens.

  A010001023 

 Ça bas en terre nous avons la foy sans jouissance, mais au Ciel nous aurons la jouissance sans la foy, d'autant que l'on n'en a pas besoin au Ciel.

  A010001024 

 Ainsy en est-il des ames qui estans parmi la meslée du monde y engagent toutes leurs affections, car à grand peine de deux cens s'en sauve-t-il une ou deux au plus, parce qu'elles ne pensent point aux choses eternelles et sont tousjours attentives aux honneurs, playsirs et richesses; pour cela nous sommes obligés de prier pour elles à fin que Dieu leur donne une parfaite foy qui les fasse desprendre de toutes les choses de la terre..

  A010001025 

 Dieu nous fasse la grace de ne passer jamais à ce troisiesme degré, et si nous y passons, de nous en vouloir retirer par sa bonté et misericorde.

  A010001025 

 Esperons tousjours en luy, jusques à ce qu'il luy plaise nous conduire à la vie eternelle, où nous benirons à jamais le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A010001025 

 Il semble que la feste d'aujourd'huy nous invite à prier pour les infidelles et mescroyans, notamment pour ceux qui sont en ce Royaume, à fin que tous s'assujettissent à l'obeissance du Roy.

  A010001025 

 Supplions aussi de toute nostre affection Nostre Seigneur de nous donner ce bien de perseverer en la fidelité que nous luy avons vouée; et nous resouvenons que ce qui causa la cheute de saint Thomas fut qu'il se tint absent des autres, qu'il fut dur à croire et qu'il s'opiniastra en son mal.

  A010001032 

 Entre toutes les festes que nous solemnisons en la sainte Eglise il y en a trois qui ont esté celebrées de tout temps, lesquelles prennent leur source et origine de cette grande feste de Pasques qui se faisoit en l'ancienne Loy.

  A010001032 

 Le second passage est celuy de sa Mort et Passion à sa Resurection; c'est le passage de la mortalité à l'immortalité, lequel nous celebrons toute la Semaine Sainte et à Pasques.

  A010001032 

 Le troisiesme nous le festons à la Pentecoste, jour auquel Dieu adoptant les Gentils, les fit passer de l'infidelité au bonheur d'estre ses enfans bien aymés, bonheur le plus grand que l'Eglise peust recevoir.

  A010001033 

 Et moy je responds que c'estoit bien celle des anciens en la primitive Eglise, lors qu'elle estoit en sa fleur et en sa vigueur; saint Gregoire nous [413] tenons par tradition certaine qu'il y a mil six cent vingt et deux ans que Nostre Seigneur est venu en ce monde et qu'en prenant nostre nature il s'est fait homme..

  A010001034 

 Nous celebrons donques la naissance du Sauveur en terre; mais avant que d'en parler, disons quelque chose de la naissance divine et eternelle du Verbe.

  A010001034 

 Nous dirons un mot de ces deux naissances desquelles nous avons des preuves certaines, comme nous declarerons tantost..

  A010001034 

 Nous sommes contraints d'user de ces parolles et de nous en servir parce que nous n'en avons pas d'autres.

  A010001034 

 Pourtant le Fils nous est né du Pere, comme qui diroit de son sein, de sa propre substance; c'est ainsy, par exemple, que nous disons que les rayons du soleil sortent de son sein parce que le soleil et ses rayons ne sont qu'une mesme chose.

  A010001034 

 Si nous estions des Anges nous parlerions de Dieu bien autrement et d'une maniere bien plus excellente; mais helas, nous ne sommes qu'un peu de poussiere et des enfans qui ne sçavons ce que nous disons.

  A010001035 

 Ainsy, en Nostre Seigneur et Maistre, la Divinité a comme joint nostre nature en la sienne et Dieu nous a faits participans en quelque façon de sa Divinité, car il s'est fait homme comme nous..

  A010001035 

 L'Evangile nous asseure que le Verbe divin s'est incarné ès entrailles de la tres sainte Vierge, par ces paroles de l'Ange: Spiritus Sanctus, etc., luy annonçant que le Saint Esprit viendroit en elle et que la vertu d'en haut l'obombreroit.

  A010001035 

 Les naturalistes remarquent que le miel se fait d'une certaine gomme que nous appelions manne, laquelle descoule du ciel et se vient joindre ou mesler avec la fleur [414] qui de l'autre costé tire sa substance de la terre; or, ces deux substances se meslant ensemble ne forment qu'un seul miel.

  A010001037 

 En la naissance de Nostre Seigneur nous avons des preuves de sa Divinité et des preuves tres evidentes: l'on voit les Anges descendre du Ciel pour annoncer aux pasteurs qu' un Sauveur leur est né, et les Rois Mages le venir adorer.

  A010001037 

 Tout cela nous monstre qu'il est plus qu'homme, comme au contraire, par les gemissemens qu'il fait en la creche, tremblottant de froid, nous le voyons vrayement homme..

  A010001038 

 Mais sa bonté l'a porté jusques là, que de se faire nostre frere à fin de nous donner exemple et nous rendre par ce moyen participans de sa gloire; c'est pour cela qu'il a voulu estre de la graine d'Abraham, car la tres sacrée Vierge estoit de sa race, et pour cette cause il est dit d'elle: Abraham et semini ejus..

  A010001038 

 [415] Or, s'il en eust esté ainsy, Nostre Seigneur n'eust pas esté de nostre nature, nous n'eussions donques point eu d'alliance avec luy.

  A010001039 

 Je vous laisse aux pieds de cette bienheureuse accouchée, à fin que, comme des sages avettes, vous ramassiez le miel et le lait qui distillent de ces saints mysteres et de ses chastes mammelles, en attendant que je vous explique le reste, si Dieu nous en fait la grace et nous en donne le temps, lequel je supplie nous benir de sa benediction.

  A010001042 

 Neanmoins, parce que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils on luy attribue les œuvres qui procedent de la bonté de Dieu, comme est la justification et sanctification des ames, ainsy que les œuvres qui procedent immediatement de la toute puissance, comme celles de la creation, sont attribuées au Pere; c'est pourquoy nous disons: «Je crois en Dieu, le Pere tout puissant, createur du ciel et de la terre.» Mais les œuvres de la sagesse sont attribuées au Fils parce qu'il est la Parole du Pere, [417] Mot Patris; c'est pourquoy l'œuvre de la redemption luy est attribuée, d'autant que, comme un tres sage medecin, il a sceu guerir la nature humaine de tous ses maux..

  A010001045 

 De sorte que l'humanité sacrée de nostre Sauveur a esté comme une divine fleur sur laquelle le Saint Esprit s'est reposé pour luy communiquer ses sept dons; ce qui nous est tres bien representé par ce chandelier d'or avec ses sept lampes, qui estoit devant le tabernacle en l'ancienne Loy, et lequel pouvoit estre appellé une fleur parce que ses vases estoyent disposés en guise de fleurs de lys..

  A010001046 

 Mais nous, qui en devons parler pour nous instruire, commençons par le bas bout pour monter au plus haut, et puisque nous sommes en terre, commençons par le premier degré; quand nous serons parvenus en haut, je veux dire au Ciel, nous pourrons puiser les tresors dans le sein du Pere eternel..

  A010001048 

 Mais qu'appellez-vous crainte inferieure ou superieure? dira quelqu'un; expliquez-nous en quoy elle consiste.

  A010001049 

 Ces menottes et chaisnes de fer, dit saint Augustin, c'est la crainte d'estre damné, et cette crainte est bonne pour commencer son salut, parce que les hommes reconnoissans qu'il est impossible que Dieu ne se venge des pecheurs qui l'ont offensé, ils craignent et redoutent ses chastimens, et cette apprehension est naturelle; car comme la nature nous enseigne qu'il y a un Dieu, aussi, dit saint Chrysostome, il est impossible de penser qu'il y a un monde regi et gouverné par sa providence, [sans] que sa justice ne soit exercée sur les hommes pour punir les pechés.

  A010001050 

 Et ne lisons-nous pas ès Actes des Apostres que Felix, president de Judée, trembla et fut saisi d'une grande crainte, nonobstant qu'il fust payen, entendant parler saint Paul du jugement dernier, et toutefois il ne se convertit pas? Ainsy plusieurs craignent les divins jugemens, mais leur cœur n'est [pas] transpercé de cette crainte.

  A010001051 

 Et saint Hierosme disoit que la crainte des jugemens de Dieu transperçoit si fort son ame qu'il luy sembloit tousjours entendre retentir à ses oreilles cette voix espouvantable des Anges: «Levez-vous, morts, et venez au jugement; Surgite, mortui, venite ad judicium.» Mon Dieu, que de personnes ont quitté le peché par cette crainte du jugement! C'est donc à tres juste rayson qu'elle est dite le commencement de la sapience, et l'amour la consommation, qui nous fait monter au Ciel pour nous joindre à Dieu; mais pour arriver à ce bonheur il faut quitter le peché, et pour le quitter il faut craindre.

  A010001052 

 Ces parolles sont remarquables; elles ne veulent dire autre chose sinon que la crainte nous fait cesser de mal faire, d'autant que voyla le Paradis qui doit estre la recompense du travail de l'ouvrier.

  A010001052 

 La generosité relevant donques nostre cœur apres ces biens eternels, nous l'ait dire avec le Psalmiste: Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem; Ah, Seigneur, j'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des grandes recompenses que vous donnez à ceux qui les observent.

  A010001053 

 Ce qui nous fait voir que cette crainte est bonne, et que c'est Dieu qui en est l'autheur et la met dans le cœur pour commencer par icelle nostre salut..

  A010001053 

 Or, cette crainte qui nous fait quitter le peché est un don du Saint Esprit, luy seul la peut donner; c'est pourquoi elle est appellée le commencement de la sapience, parce qu'elle est d'ordinaire le commencement de nostre salut.

  A010001054 

 Le don de pieté est une vertu particuliere laquelle depend de la justice, qui n'est autre que l'honneur, le respect et l'amour que nous rendons non seulement à Dieu comme à nostre souverain Createur et nostre Pere tres aymable, mais encores à ceux que nous tenons pour superieurs, soit spirituels ou temporels, comme les peres, meres, prelats et magistrats.

  A010001055 

 Et c'est à cela que Dieu nous veut faire tendre, quand il veut que nous le nommions nostre Pere qui est ès cieux, en l'Oraison dominicale, nom de respect, d'amour et de crainte..

  A010001055 

 Et ne voyons-nous pas que sa divine Majesté se [422] plaint de ce defaut de crainte, d'amour, d'honneur et de respect par son Prophete Malachie, disant: Si je suis vostre Pere, où est l'honneur que vous me rendez? si je suis vostre Seigneur, où est la crainte que vous devez avoir de m'offenser? Si ergo Pater ego sum, ubi est honor meus? et si Dominus ego sum, ubi est timor meus? Le fils sert comme fils, et non point comme serviteur crainte d'estre battu, ni pour la recompense comme mercenaire, mais par amour, d'autant que cet amour est imprimé au cœur filial.

  A010001056 

 Ainsy devons nous faire, mes cheres Sœurs, envers Dieu, le reverant comme nostre Pere, le servant avec amour, sans apprehension des supplices ni pretention des recompenses, nous laissant porter entre les bras de sa sainte providence tout ainsy qu'il luy plaira.

  A010001056 

 Et pour vous monstrer que ce don de pieté, c'est à dire cette crainte filiale, nous est donnée du Saint Esprit, l'Apostre saint Paul escrivant aux Romains leur dit: Non accepistis spiritum servitutis iterum in timoré, sed accepistis spiritum adoptionis flliorum Dei, in quo clamamus: Abba, Pater; c'est à dire que nous devenons comme des petits enfans aupres de Nostre Seigneur.

  A010001057 

 Declina a malo et fac bonum; Destournez-vous du mal et faites le bien, dit le Prophete, car c'est la science des sciences et celle qui nous est donnée du Saint Esprit, laquelle les enfans du monde n'ont point euë; car bien qu'ils fussent grans philosophes, si n'ont-ils point appris à glorifier Dieu ni à suivre la justice, parce qu' ils ont tenu la verité captive et prisonniere en l'injustice, dit l'Apostre: Veritatem Dei in injustitia detinent.

  A010001057 

 Ils avoyent bien la verité dedans l'intellect, mais non en la prattique, d'autant qu'ils n'avoyent pas l'humilité chrestienne laquelle nous fait prosterner devant le Saint Esprit pour recevoir ce don si necessaire pour operer nostre salut..

  A010001057 

 Or la science don du Saint Esprit est necessaire pour bien exercer les deux premiers dons, pour sçavoir comme nous nous comporterons envers Celuy que nous voulons craindre et aymer, et pour descouvrir et sçavoir discerner le mal qu'il faut fuir et le bien qu'il faut suivre.

  A010001058 

 N'avons-nous pas aussi veu plusieurs grans theologiens qui ont dit merveille des vertus, non pour les exercer, comme au contraire il y a eu tant de saintes femmes qui ne sçavoyent pas parler des vertus, lesquelles neanmoins en sçavoyent tres bien l'exercice? car on a veu les unes [424] avec un soin extreme de conserver leur virginité, les autres avec un cœur pur et net en leur viduité, les autres en la chasteté conjugale.

  A010001060 

 Apres le don de science s'ensuit le quatriesme, qui est celuy de force, lequel nous est absolument necessaire, parce qu'il ne suffit pas de sçavoir discerner le bien et le mal, si nous n'avons la force pour eviter l'un et prattiquer l'autre.

  A010001060 

 Combien a-t-on veu de personnes qui ont sceu le bien et n'ont pas eu le courage de le prattiquer, ainsy que nous voyons encores aujourd'huy en la plus-part des Chrestiens!.

  A010001061 

 Mais, me direz-vous, puisque nous recevons le Saint Esprit et avec luy tous ses dons, lors que nous recevons les Sacremens avec les dispositions requises, d'où vient que nous retombons si souvent au peché? C'est par lascheté, d'autant que nous n'osons pas entreprendre la guerre contre le vice avec la fermeté et le courage necessaires pour surmonter nos ennemis.

  A010001062 

 Car il n'est pas du cœur spirituel comme du cœur charnel, lequel, combien que nous dormions, ne cesse jamais d'agir, de veiller et d'envoyer ses esprits vitaux au cerveau; où, au cœur spirituel, la volonté, le courage et la generosité est absolument necessaire pour luy faire faire ses operations.

  A010001062 

 Et c'est pourquoy le Saint Esprit nous communique le don de force par lequel tant de Martyrs ont vaincu les tyrans et surmonté les tourmens avec tant de constance que rien ne les a espouvantés, ainsy qu'on peut voir en lisant les histoires d'une sainte Agnes, d'une sainte Agathe et d'une infinité d'autres..

  A010001062 

 Mais il faut remarquer qu'encores que nous ayons receu les dons du Saint Esprit, si nous ne sommes grandement sur nos gardes nous les pouvons perdre à toute heure, quoy que nous nous puissions servir de l'un sans l'autre, parce qu'ils ne sont en nous que par maniere d'habitude, ce qui fait que nous ne nous en servons que quand nous voulons.

  A010001063 

 Il reste donques la methode pour executer ce que le Saint Esprit nous enseigne.

  A010001063 

 La crainte nous fait desprendre du peché, la science nous le fait discerner; mais encores nous faut-il du conseil pour venir à l'execution de ce que la science nous fait connoistre.

  A010001063 

 Par exemple, vous verrez une personne qui voudra suivre la devotion, qui dira en elle mesme: Quel conseil suivray-je pour prattiquer le bien que Dieu m'a inspiré et pour eviter le mal qu'il m'a fait reconnoistre? quel chemin tiendray-je? quel conseil observeray-je? Sera-ce celuy de la chasteté ou de la pauvreté? sera-ce l'obeissance simple et aveugle? Suivray-je la [426] viduité ou le mariage? Feray-je l'aumosne ou donneray-je tout mon bien aux pauvres? Le Saint Esprit, residant dans nostre cœur, nous conseille et nous pousse par son inspiration à faire ce qui est plus pour la gloire de Dieu et nostre salut.

  A010001064 

 Il nous conseille donques ainsy immediatement par ses inspirations, ou bien il nous conseille de nous conseiller à ceux qui ont la lumiere qu'il leur a communiquée..

  A010001065 

 Le don suivant est le don d' entendement, entendement spirituel que le Saint Esprit enchasse dans nostre entendement humain, lequel n'est autre qu'une certaine clarté par laquelle nous voyons et penetrons la beauté et bonté des mysteres de la foy.

  A010001066 

 Ah, pauvres abusés que nous sommes! Nous sçavons bien que le monde avec toutes ses richesses et ses vaines grandeurs ne vaut rien, et neanmoins nous y mettons nostre affection et suivons ses maximes..

  A010001066 

 Lors que nous voyons les beaux palais dorés, les perles et joyaux: Ah, disons-nous, que ces choses sont belles! Mais à qui? Aux yeux des mondains.

  A010001066 

 Mais faute d'avoir fortement establi ces maximes dans nostre cœur, nous nous perdons miserablement, et le monde triomphe de nous et nous seduit malheureusement par ses fausses maximes.

  A010001067 

 Ah, si nous les penetrions bien et si nous voyions leur beauté, certes, nous quitterions et renoncerions pour jamais aux malheureuses maximes du monde, qui ne valent rien, pour suivre celles de nostre divin Maistre.

  A010001067 

 Et d'où vient cela? C'est que nous n'avons pas le don d'entendement pourvoir et penetrer la beauté et bonté des maximes de Nostre Seigneur.

  A010001068 

 Or, apres que le Saint Esprit nous a donné le don d'entendement s'ensuit le don de sapience, lequel comble lame de tout bien.

  A010001069 

 Il faut quitter ces dons, car ils sont incompatibles avec ceux du Saint Esprit; puis il luy faut abandonner nostre cœur, et le prier de nous departir ses pretieux dons et les conserver [429] en nos ames au peril de toutes nos affections, de nous donner le don de crainte pour operer nostre salut et d'oster de nos cœurs les autres craintes que le diable nous suggere.

  A010001069 

 Il reste maintenant à dire comment nous pourrons savourer ces dons.

  A010001069 

 Nous avons la langue, c'est à dire l'ame, chargée de catarrhe; il faut quitter les dons du monde pour recevoir ceux du Saint Esprit.

  A010001069 

 Que peut faire le monde? nous oster deux ou trois jours de vie temporelle? Hé, que nous doit-il importer, pourveu que nous ne perdions pas la vie eternelle?.

  A010001069 

 Que tout le reste se perde, pourveu que nous ne perdions point Dieu.

  A010001070 

 O que nous serons heureux, si nous recevons ces pretieux dons! car sans doute ils nous conduiront au sommet de cette eschelle mystique, où nous serons receus de nostre divin Sauveur qui nous y attend les bras ouverts pour nous rendre participans de sa gloire et felicité.

  A010001070 

 Plaise donques à la divine Majesté de nous donner le don de crainte à fin que nous le servions finalement; le don de pieté pour le reverer comme nostre Pere tres aymable; le don de science pour connoistre le bien que nous devons faire et le mal que nous devons fuir; le don de force pour surmonter courageusement toutes les difficultés que nous rencontrerons en la prattique de la vertu; le don de conseil pour discerner et choisir les moyens propres à nous perfectionner; le don d' entendement pour penetrer la beauté et l'utilité des mysteres de la foy et des maximes evangeliques, et en fin le don de sapience pour gouster combien Dieu est aymable et pour savourer et experimenter les douceurs de son incomprehensible bonté.

  A010001078 

 Si le ciel, l'air et la terre et tout ce qui est en iceux semble de rajeunir et resusciter quasi de mort a vie en ceste douce sayson printaniere, auditoyre devot, ame chrestienne treschere et trescherie, recompense des travaux du Sauveur et Seigneur; puysque le ciel, lequel a demeuré si long tems sombre et obscur, semble s'estre revestu de la plus belle roubbe de ses clartés; l'air, ci devant tout plein de froides humidités, de brouillards et [431] melancolique nuage, se descouvre si pur, si calme et si bien [attrempé] assaysonné maintenant; la terre, toute ridëe, crottee et ternie par les rigueurs de l'hiver, comparoist maintenant toute diapree de son verdissant et fleurissant esmail; si l'Eglise nostre Mere, laquelle est demeurëe toute mortifiëe ce Caresme, ne portant que des habitz lugubres, ne chantant que des chans lamentables, ne faysant autre contenance que triste et faschee, comme celebrant le dueil de son cher Espoux, maintenant, comme pour fayre nouvelles nopces avec son mesme resuscité Seigneur et Espoux, faict tapisser et parer le mieux qu'elle peut toutes ses maisons, tient un maintien de cæremonies joyeuses et allegres, ne chante que des chans de liesse et de consolations; si l'enfer tenebreux a esté mesme changé en clarité par le lumineux aspect de Nostre Seigneur qui est descendu, si les Anges comparoyssent avec leurs roubbes plus blanches que l'ordinayre, demeurerons nous, o Chrestiens, entre toutes les creatures, morts et immuables en nostre laydeur et tristesse? Pour quoy ne prendrons nous nos beaux vestemens?.

  A010001079 

 Mays je voudrois que si la saison change nous changeassions aussy, mays non pas d'une mesme façon; car ceste serenité du ciel et de l'air, cest'amsenité de la terre n'est pas perdurable, elle [est] sujette a l'inconstance.

  A010001079 

 [Embellissons donques nos consciences, puysque...] Il nous faut parer a l'exemplayre d'un autre patron et modelle, au patron de la resurrection de Nostre Seigneur ( Ut quomodo Christus surrexit a mortuis, ita et nos ambulemus in novitate spiritus ); car Nostre Seigneur, comm'autre aigle, a changé maintenant ses plumes et s'est revestu de force et de gloire: Dominus regnavit, [432] d ecorem indutus est; indutus est Dominus fortitudinem et prœcinxit se.

  A010001080 

 Je sçay que ceste imitation est difficile, car Deus quis similis tibi? Aussy ne voulons nous pas sinon l'imiter de loin a loin, avec quelque proportion, principalement en l'immortalité aeternelle, non temporelle..

  A010001083 

 Nos pelerins nous en donnent instruction.

  A010001096 

 Nous ouysmes ce celeste roussignol: Ave, mays nous ne goustasmes poinct du fruict beni.

  A010001098 

 Comme nos peres moururent pour avoir mangé le defendu, nous mourrons ne mangeant le commandé..

  A010001106 

 Le pain est changé en nous, mais ce pain nous change en luy, non quand a la substance, mais quand a la qualité: Vivo ego, jam non ego..

  A010001110 

 [1.] Le pain jamais ne nous renforce que par reaction; mays cestuicy, comme humide et chaud, renforce absolument..

  A010001111 

 Dont saint Chrysostome, au rapport de saint Thomas, dict que «nous sommes terribles aux diables.».

  A010001111 

 Le pain corrobore par dedans et nous garde du corrompant interieur, non de l'exterieur; l'Eucharistie, utroque modo.


11-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XI-Vol.1-Lettres.html
  A011000227 

 Je vous remercie donc d'avoir quelque souvenir de nous, et tant de sollicitude pour notre bien, que vous trouvant au milieu d'une ville où, si je ne me trompe, on se réjouit beaucoup de la nouvelle Navarraise qui s'y est répandue, par affection pour nous vous n'en éprouvez aucun contentement.

  A011000228 

 A la première occasion j'en ferai part à M. Benoît Pracho, car nous ne nous voyons jamais sans parler de Votre Seigneurie, dont je baise les mains, en mon nom et au nom de M. Jean Déage; pareillement je me recommande à sa bienveillance et m'offre à son service..

  A011000228 

 Il y a ici jusqu'à quarante-deux de nos Français atteints de la fièvre; et, d'après ce que l'on dit, vous avez encore chez vous grand nombre de maladies; c'est pourquoi nous avons tous reçu beaucoup de contentement de votre lettre qui nous assure de votre bonne santé.

  A011000239 

 Et de vos nouvelles nous en avons tousjours eu nostre part quand vous escrivies a monsieur Coppier, car de vostre grace vous faysies tousjours mention et de moy et de tous ces autres messieurs ausquels je ne cede poinct en ce faict, et sans ceremonie je me nomme....

  A011000239 

 Les lettres que je vous ay envoyëes se sont peut estre perduës, pour autant que nous payons le port avant qu'elles partent, et partant besogne païee, malfaicte.

  A011000300 

 Ceci entre nous.

  A011000301 

 Nous parlâmes beaucoup de vous, ce qui le fit soupirer après vous tout autant qu'après la santé..

  A011000302 

 Pendant que son âge le tient en dépendance de nous, il suit comme un accessoire son frère aîné.

  A011000318 

 Sans doute, nous sommes compatriotes et nous avons commencé ensemble nos études littéraires; mais vous m'avez [13] tellement dépassé, votre génie et votre savoir ont établi une si grande distance entre nous, que je m'étonne de l'intime amitié que vous voulez contracter avec moi..

  A011000319 

 Quoi qu'il en soit, le procureur principal du Patrimoine ducal, votre parent, qui a si bien mérité de l'Etat et de moi en particulier, nous fait justement espérer votre retour parmi nous.

  A011000363 

 Je le fais non seulement parce qu'il est impossible de rencontrer ailleurs des talents supérieurs aux vôtres, et difficile d'en rencontrer de semblables, mais surtout parce que les exemples que nous trouvons dans nos provinces, dans nos villes, et pour ainsi dire à notre foyer, ont plus de force, d'énergie et d'efficace..

  A011000366 

 Maintenant que par votre lettre, comme par un cartel signé, vous avez provoqué un combattant qui par nature est très ardent dans ces sortes de luttes, prenez garde d'avoir bientôt à considérer moins lequel de nous deux est le premier descendu dans l'arène que celui qui y demeurera le dernier..

  A011000415 

 Afin qu'il en soit ainsi, puissé-je vous ressembler non seulement dans la manière d'exprimer mes sentiments (comme a coutume de faire le Prévôt François, et en cela, ainsi qu'en plusieurs autres choses, il existe entre nous un certain air de famille), mais encore en réalité et par le mérite, comme vous vous persuadez que je le fais.

  A011000439 

 Mais nous parlerons de cela une autre fois... [36].

  A011000439 

 Si nous trouvons quelque difficulté dans cette négociation, nous aurons recours à un juge tout désigné pour cela, François Girard, qui est versé dans le droit aussi bien que dans la théologie et nous aime tous deux également, quoique à des titres divers.

  A011000455 

 Et certes, si je ne me trompe, il ne saurait rien arriver de plus difficile et de plus périlleux à l'homme que d'être appelé à tenir entre ses mains et à produire par sa parole, selon l'expression de saint Jérôme, Celui que les Anges, ces intelligences que nous sommes incapables de concevoir ou de louer dignement, ne peuvent pas même embrasser par la pensée ni célébrer par de justes louanges.

  A011000457 

 Et pourtant, comment se fait-il (ici je m'éloigne insensiblement des considérations qu'il me suffit de vous avoir indiquées), comment se fait-il que si un ami s'efforce par la compassion qu'il porte à son ami malheureux d'éloigner de lui les maux qui le menacent, celui-ci se sente réconforté par cette compassion même, bien qu'en s'apitoyant sur lui, le premier n'ait pu s'empêcher de ressentir les mêmes maux? Sans doute cela vient de ce que la commisération est la marque incontestable de l'amitié, ce sentiment le plus exquis de tous, lequel, dans nos amis, nous est bien plus précieux étant mêlé de compassion que s'il se terminait à une froide bienveillance qui ne participerait en rien à nos douleurs..

  A011000485 

 Même, comme par l'effet d'une souveraine affection vous ressentiez ma fièvre, je dirais presque notre fièvre, si entre nous les maux étaient communs comme les biens (et de ceux-là je pourrais vous enrichir sans m'appauvrir, car j'en suis de beaucoup le mieux pourvu), j'en aurais été pour ma part tout glorieux; mais alors j'aurais souffert à mon tour de vos douleurs, à moins qu'il n'eût été préférable de mettre un terme à cette communication de peines..

  A011000487 

 Alors renaîtra pour nous cette antique forme de l'urbanité chrétienne selon laquelle les amis avaient coutume, aux approches du jeûne de la sainte Quarantaine, de s'accorder quelque honnête récréation en s'invitant à de gracieux festins, et de diminuer aussi quelque chose du travail ordinaire.

  A011000487 

 Puisque vous me donnez espoir que nous passerons ensemble et en bonne santé le carnaval prochain, mon cœur est rempli d'une si douce joie qu'aucun de ceux qui sont dégoûtés du maigre quadragésimal ne désire plus vivement les fêtes de Pâques que je ne soupire après le carnaval.

  A011000488 

 Quant à ce qui fait à vos yeux le principal charme du séjour habité par ma famille, le plaisir de nous y voir tous réunis, je crains que nous en soyons privés; car vers ce même temps de carnaval, [43] M. le sénateur Roget, un ami qui nous est si cher, devant célébrer le mariage de sa fille aînée avec le juge-mage du Faucigny, mes parents, qui ont déjà reçu des lettres d'invitation, ne pourront se dispenser d'assister à ce mariage sans manquer aux égards qu'ils doivent à la famille du Sénateur..

  A011000504 

 Ainsi, comme nous l'avions espéré, mon bien aimé Frère, nous passerons ensemble ces jours de liberté si les Favergiens ont le bonheur de voir Favre à Faverges.

  A011000504 

 Nous dirons le surplus quand nous nous verrons..

  A011000504 

 Quant à moi, dès que j'aurai connaissance de votre arrivée dans cette ville, je prendrai mes mesures pour que vous puissiez voir parmi les Favergiens votre inhabile mais diligent apprenti; nous irons ensuite à la maison Tulliane, qui ne saurait être plus illustrée que de recevoir son nom de vous.

  A011000505 

 Ce qui m'a le plus réjoui, [47] c'est qu'à son départ d'Annecy, j'ai pu, dans les derniers mots que nous avons échangés, jeter, en lui parlant de vous, comme le parfum d'un baume odorant dans son esprit....

  A011000569 

 Adieu, mon excellent Frère; faites en sorte que nous vous ayons en ces fêtes de Pâques; votre présence augmentera pour nous les charmes du printemps..

  A011000587 

 L'un et l'autre nous vous attendons avec une vive impatience; mais avec cet inconvénient pour moi, que les jours solennels consacrés au divin Crucifié, lesquels m'auraient paru bien courts à [58] raison des cérémonies si graves et si belles qui les remplissent, me paraîtront d'autant plus longs que je vous attends avec plus d'impatience..

  A011000587 

 Nous avons passé hier une bonne partie de la nuit à nous entretenir de vous.

  A011000606 

 Le silence entre frères est toujours pénible, inopportun (voyez que je suis loin du sentiment que parfois je craignais un peu vous voir adopter); mais [59] ce silence serait bien plus amer, plus dur, aujourd'hui que les lois de la saison printanière semblent nous permettre non seulement une conversation sérieuse, mais un babillage amical..

  A011000607 

 D'ailleurs, la saison si favorable aux voyages nous fournira plus d'une occasion de nous rapprocher, alors que les plaideurs, même par simple divertissement, se rendront bien souvent auprès de vous.

  A011000607 

 Pour ma part, je veillerai avec grand soin à ce que des amis comme nous ne le cèdent pas à cette malheureuse sorte de gens.

  A011000626 

 Que ferais-je, mon Frère, et de quel côté me tourner, moi qui n'ai pas encore satisfait à votre désir, et qui ne puis maintenant y répondre, faute de temps? Car nous voici à l'époque très solennelle du synode, auquel tous les membres de notre clergé sont tenus d'assister; et m'en dispenser, ce serait attirer sur moi l'excommunication.

  A011000647 

 Comme il sera nécessaire de réparer nos forces en prenant un peu de nourriture, nous avons résolu de nous retirer tous sous un même toit, où nous dînerons ensemble modestement et frugalement, écoutant la lecture de quelque livre de dévotion, afin que nul discours profane ne se mêle aux conversations pendant ce saint voyage.

  A011000647 

 Je ne puis guère vous dire l'heure précise, puisque, contre notre gré, une foule nombreuse s'est jointe à nous pour ce pèlerinage, principalement quelques dames que tous nos arguments n'ont jamais pu faire changer de résolution, notre Confrérie les ayant, dès le commencement, admises à la [66] Communion et autres pieux exercices.

  A011000647 

 Le cérémonial ne sera pas différent de celui que vous avez vu dernièrement quand vous étiez ici, et nous dirons les mêmes Litanies de Jésus crucifié.

  A011000647 

 Le mardi de la Pentecôte, Dieu aidant, nous ferons à Aix, [65] ainsi que vous l'écrivez, le pèlerinage convenu.

  A011000647 

 Nous entendrons la Messe en l'église de la Sainte-Croix d'Aix sûrement avant midi, et même nous croyons pouvoir arriver à dix ou onze heures du matin, peut-être plus tôt.

  A011000647 

 Nous ôterons les souliers de nos pieds, car nous regardons comme saint le lieu où nous nous rendons, ce lieu orné du bois très précieux sur lequel Dieu s'est montré à nos pères avec une charité bien plus ardente que dans le buisson de Moïse.

  A011000647 

 Puisque vous venez le même jour, vous aurez à nous attendre là, parce que vous êtes plus rapprochés et que vous n'êtes point embarrassés d'un si grand nombre de personnes étrangères au pèlerinage..

  A011000647 

 Toutefois nous ne ferons pas tout le chemin pieds nus, mais seulement quelques milles, car ce n'est pas sans raison que nous l'avons ainsi réglé.

  A011000648 

 Et il ne faut pas que j'oublie une chose merveilleuse: vous avez su que notre pèlerinage était décidé au moment où nous venions à peine de prendre cette détermination, car c'est mercredi soir seulement que nous avons délibéré à ce sujet; de sorte qu'on peut attribuer à une inspiration divine ce fait que, portant les regards sur la même Croix, nous [67] avons eu les uns et les autres le même sentiment.

  A011000649 

 Il faut seulement que vous et nous ayons à jamais cette unique loi, d'être non seulement appelés, mais d'être en effet tous frères et enfants de Dieu..

  A011000650 

 Mais il est temps de nous mettre en chemin.

  A011000650 

 Nous vous saluons encore une fois, tous tant que nous sommes, et nous saluons aussi tous les autres enfants de la très sainte Croix, espérant de vous voir au plus tôt et de vous parler bouche à bouche, afin que notre joie soit pleine dans le Seigneur.

  A011000668 

 Bon nombre de nos amis vous attendront le 17 juin au soir; mais notre parent, M. de Charmoisy, et moi nous vous attendrons de meilleure heure.

  A011000669 

 Nous en avons non seulement deux toutes prêtes, mais trois, puisque je ne dois pas vouloir que la mienne porte ce nom, et je vois que vous n'avez [69] pas voulu celle de M. de Charmoisy.

  A011000687 

 Comme vous aviez écrit à notre parent, M. de Charmoysi, que vous viendriez vendredi ou samedi soir, M. de Chissé, grand-vicaire de notre Révérendissime Evêque, M. de Montrottier, M. de Novery et moi nous sommes tenus chaque jour en embuscade entre les deux chemins jusqu'au coucher du soleil, afin de vous attendre, ainsi que je vous l'avais écrit précédemment, un peu plus tôt qu'un grand nombre d'autres.

  A011000687 

 Notre déconvenue ne nous a pas empêchés de vous envoyer force compliments en soupant chez M. de Charmoisy, où [71] nous avons discuté jusque bien avant dans la nuit sur les raisons qui vous avaient arrêté, mon Frère.

  A011000690 

 Je n'ai aucune inquiétude au sujet de votre santé, car nous avons entendu dire à un voyageur qu'il vous a vu vendredi vous promener en grande tenue..

  A011000708 

 C'est aujourd'hui le dix-neuvième jour que je passe la vie la plus douce avec mon frère notre cher Favre; il ne manquait, ce semble, à notre bonheur que de vous avoir avec nous.

  A011000708 

 Nous sommes venus hier dans cette sainte et auguste solitude d'Hautecombe pour voir l'Evêque d'Albi, prélat aussi savant que très affectionné à ce cher Favre.

  A011000723 

 Vous nous êtes tellement supérieur sous tous rapports que nous ne pouvons en aucune façon nous mesurer avec vous, à moins toutefois que nous n'entamions la correspondance ou que nous n'en choisissions le sujet..

  A011000778 

 Nous avons entendu dire que notre confrère, votre fils dans la Croix, l'excellent Saldoz, possède une centaine de formules [83] de prières à Notre-Seigneur crucifié.

  A011000778 

 Nous ne voyons pas le moyen de nous en procurer, à moins qu'il ne nous en cède dix ou douze exemplaires, dont le prix....

  A011000795 

 Il faut maintenant vous féliciter du fond du cœur, excellent Girard, puisque nous vous voyons combattre de toutes vos forces sous [84] l'étendard du très saint Crucifié; car n'est-ce pas combattre pour le Christ que de haïr ceux que Dieu hait, et de sécher de douleur à cause des ennemis de la Croix? Vous ne pourrez jamais rencontrer une occasion plus glorieuse pour bien mériter de Dieu et de l'Eglise que celle qui vous est présentement offerte par la souveraine providence divine.

  A011000795 

 O bienheureux combat dans lequel à la fois nous mourons et nous vivons pour le Christ! Qu'est-ce qui a, je vous le demande, environné de tant de gloire et [85] d'une si religieuse vénération la mémoire des anciens Pères de l'Eglise? C'est que jamais aucune menace n'a pu les empêcher de patronner (permettez-moi cette expression) la cause de Jésus crucifié.

  A011000796 

 En conséquence nous participons aux avantages les uns des autres: nous, à la gloire de vos combats, vous, au mérite de nos prières et de nos sacrifices..

  A011000796 

 Nous pouvons avec vérité vous appliquer la parole de saint Jérôme: « Le bœuf fatigué enfonce plus fortement le pied.

  A011000796 

 » Votre gloire me [86] devient d'autant plus douce que l'excellent Jean Tissot, déjà vénérable par ses cheveux blancs, très digne prieur de notre Confrérie, vous a dernièrement inscrit avec plus de bonheur au nombre des confrères de la Croix; car maintenant il y a entre nous une certaine communauté de biens à divers titres, et principalement parce que nous sommes frères dans la Croix.

  A011000808 

 [88] Ils vous supplient donques, Monsieur, tres humblement, tous en general et moy en particulier, comm'ayant cest honneur d'estre Prevost en leur compaignie, de prendre ce leur affere en main; se promettans que si la bonne intention de Son Altesse, dressëe sur la pieté de la cause, est aydëe de vostre faveur et authorité, elle sortira en son effect avec grand merite de sa dicte Altesse, qui nous aura remis nostre pain en la main, et de vous, Monsieur, qui nous aures procuré ce bien, duquel je puys bien vous asseurer avec verité que nous avons bon besoin, pour s'estre la pauvreté de cest'eglise cathedrale de trente chanoynes, quasi tous gentilhommes ou gradués, fort rengregëe par ces guerres, sans avoir voulu jamais diminuer aucune chose de ce qui s'observoit pour la decoration du service divin..

  A011000809 

 Vous suppliant donques nous avoir pour recommandés, nous recommanderons de toute nostre devotion vostre santé et prosperité a Nostre Seigneur, et demeurerons obligés a jamais de prier plus particulierement sa divine [Majesté] qu'elle vous comble de ses benedictions.

  A011000830 

 Ils ne veulent pas nous écouter parce qu' ils ne veulent pas écouter Dieu.

  A011000830 

 Ils voudraient assurément nous faire perdre l'espérance de mener nos affaires à bonne fin, et partant nous contraindre à nous retirer.

  A011000830 

 Mais il n'en sera pas ainsi; car aussi longtemps qu'il nous sera permis par les trèves et par la volonté du prince tant ecclésiastique que séculier, nous sommes absolument résolus de travailler sans relâche à cette œuvre, de ne pas laisser une pierre à remuer, de supplier, de reprendre avec toute la patience et la science que Dieu nous donnera.

  A011000830 

 Que feriez-vous, mon Frère? Leur cœur est endurci; ils ont dit à Dieu: Nous ne servirons pas; retirez-vous de nous, nous ne voulons point marcher dans la voie des commandements de Dieu.

  A011000831 

 Je soutiens à quiconque voudra discuter avec moi sur cette affaire, que non seulement les prédications sont nécessaires, mais encore qu'il faut rétablir la célébration du saint Sacrifice le plus tôt qu'il se pourra, afin que l'homme ennemi voie que par ses artifices il nous donne du courage au lieu de nous l'enlever.

  A011000831 

 Mais en cela, il faut user d'une grande prudence dans l'attente de cette condition, à savoir: si la paix temporaire dont nous jouissons sera durable..

  A011000851 

 Et apportent pour excuse le mauvais traittement qu'ilz recevroyent des Bernois et Genevois, qui les traitteroyent comme des deserteurs de leur creance, s'ilz les [94] voyoyent seulement venir a nous d'autre façon qu'avec des injures a la bouche ou des pierres a la main.

  A011000851 

 Et non seulement il faut que nous ostions l'heresie, mais tout premierement l'amour du siecle..

  A011000851 

 Je diray donq simplement a Vostre Seigneurie Illustrissime que l'opiniastreté de ce peuple est si grande, qu'ilz ont derechef confirmé l'ordonnance publique que personne n'ayt a revenir a nos predications catholiques; et lhors que nous croyions que plusieurs viendroyent a nous, soit par curiosité, soit par quelque reste du goust de l'ancienne religion, nous avons experimenté leur endurcissement commun par leurs mutuelles exhortations.

  A011000852 

 Dans les discours familiers, les ministres mesmes ont confessé que nous tirions de tres bonnes conclusions des Saintes Escritures touchant nostre foy, mesme sur le tres auguste Mistere de l'autel; les autres confessent la mesme chose, et plusieurs viendroyent a nous s'ilz n'estoyent empeschés par ceste trop grande crainte du monde.

  A011000852 

 Mais, Monseigneur, nous esperons avec patience que ce fort armé qui garde sa mayson sera chassé par un plus fort que luy, qui est Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A011000884 

 Cet homme est vraiment notre père en Jésus-Christ; sa charité envers Dieu et envers ceux qui sont à Dieu lui donne droit à la vénération de tous, et il ne peut être aimé dignement que par des hommes qui [98] aiment comme nous.

  A011000886 

 En attendant, portez-vous bien, et que le Christ nous soit de plus en plus propice à vous et à moi.

  A011000903 

 Ils retireront ainsi de votre présence autant de bien et de plaisir que votre absence nous causera de douleur..

  A011000903 

 Pour nous, unissant nos prières à celles de tous vos Albigeois et [101] de ceux qui cultivent les lettres, nous demanderons au Seigneur de vous conserver longues années et de rendre vos diocésains parfaitement soumis au joug de la religion.

  A011000912 

 L'orayson, l'aumosne et le jeusne sont les trois parties qui composent le cordon difficilement rompu par l'ennemi; nous allons, avec la divine grace, essayer d'en lier cest adversaire....

  A011000970 

 C'est ce qu'enseigne saint Augustin: « Nous devons vouloir la paix toujours, et la guerre seulement quand elle est nécessaire.

  A011001014 

 Je craignais en effet que, selon notre habitude de ne regarder comme étranger à nous-mêmes rien de ce qui touche [112] l'humanité, votre cœur si tendre eût un peu plus de peine à supporter la vue des misères de notre chère patrie qu'à en entendre le récit..

  A011001021 

 Ceux-ci se confient dans des chariots et ceux-là dans des chevaux; mais nous, c'est dans le nom du Seigneur que nous espèrerons, si toutefois les paroles de David peuvent être citées au milieu de ces rodomontades.

  A011001021 

 Il l'emporte par le nombre, nous l'emportons par la cause.

  A011001023 

 Il m'écrit qu'il a un très ardent désir de donner à l'œuvre commencée ici une plus grande impulsion par son industrie et son action personnelles, et voici ce qu'il nous recommande: Si ceux qui sont conviés à la noce refusent l'invitation d'un premier, d'un deuxième, d'un troisième serviteur, il faut en appeler un quatrième qui les force à entrer.

  A011001035 

 Par la grace de Dieu, nous sçavons que celuy qui perseverera sera sauvé, et que l' on ne donnera la couronne qu'a celuy qui aura legitimement combattu, et que les momens de nos combatz et de nos tribulations operent le prix d'une gloire eternelle..

  A011001050 

 Nous marchons, mais a la façon d'un malade qui, apres avoir quitté le lict, se trouve avoir perdu l'usage de ses piedz et, dans son infirme santé, ne sçait s'il est plus sain que malade..

  A011001050 

 Si vous desires de sçavoir, comme il est convenable que vous le sçachies, ce que nous avons faict et ce que nous faisons maintenant, vous le trouveres tout en la lecture des Epistres de saint Paul.

  A011001063 

 Au reste, tous les benefices de ce pais sont es mains des seculiers, ou bien peu s'en faut; on attendoit que leurs Altesses en fissent lascher quelques uns pour l'entretenement de quelques prædicateurs, mays nous en sommes encor là, sans autre ordre que celuy que le Gouverneur y a mis par provision..

  A011001123 

 Cet ecclésiastique veut être chanoine, mais nous nous y opposons; car, en vertu de nos Constitutions, confirmées par un décret apostolique, nous devons exclure tout candidat qui ne serait pas noble dans les deux souches ou n'aurait pas le grade de docteur.

  A011001123 

 Le Souverain Pontife seul peut nous délier de cette obligation de conscience; mais la Bulle par laquelle Sa Sainteté admet ce prêtre au canonicat, stipule expressément qu'il sera reçu docteur dans l'espace d'une année.

  A011001123 

 Le candidat ne se trouve donc dans aucune des conditions voulues, [130] et nous savons qu'ayant sollicité une dispense en Cour de Rome, il a subi un refus.

  A011001124 

 Ainsi donc la Bulle étant pour lui comme pour nous la base du jugement, qu'il la produise.

  A011001124 

 En conséquence, nous ne voudrions pas voir la question tranchée par un autre que par vous, en qui nous honorons non seulement un très habile artisan, mais un très religieux confrère..

  A011001124 

 Mais nous sommes dans l'odieux, eu égard au respect dû à nos Constitutions, et dans le dangereux si vous considérez le grand malheur d'une excommunication.

  A011001124 

 Si la chose peut se faire en sûreté de conscience, je n'y mets pas d'obstacle, les autres non plus; au contraire, nous désirons tous qu'il soit chanoine dans les meilleures conditions, car c'est un homme docte et pieux.

  A011001125 

 Pour moi, j'attends de vous des [131] nouvelles de notre Possevin, car j'en ai eu du Chantre, notre frère, et de Girard par un certain chanoine de Bresse qui est auprès de nous.

  A011001182 

 Eh bien! qu'on n'entende plus entre nous ces mots mien et vôtre, ou qu'ils ne se profèrent en toute vérité que lorsque vous voudrez me dire vôtre, ou vous dire mien..

  A011001187 

 On croit communément que nous travaillons dans cette province en dehors du prince; bon nombre même disent, non sans raison, contre sa volonté.

  A011001217 

 Ayant donc su que je n'étais pas à une grande distance de vous, et que nous n'étions séparés, pour ainsi dire, que par le seul lac Léman, j'ai pensé ne point vous être désagréable et m'être extrêmement utile [141] à moi-même, si, ne pouvant m'entretenir avec vous, je vous adressais par lettres, à l'occasion, des questions sur les matières théologiques et sur les difficultés qu'elles présentent, afin de recevoir aussi par lettres vos instructions.

  A011001218 

 Enfin il s'est rendu, ce dont nous vous sommes l'un et l'autre très, redevables..

  A011001262 

 Quant à l'illustrissime duc de Nemours, il n'y mettra aucun empêchement; au contraire, il nous aidera de toute manière, car il est fort timoré et doué d'une grande délicatesse de conscience; il m'a même dit que si le privilège du Saint-Siège Apostolique ne se trouve pas très clair et très positif, il n'en veut point jouir ni s'en prévaloir..

  A011001263 

 Je présume que M gr l'Evêque de Genève étant averti de ce que nous avons fait ici auprès du Sénat, écrira très amplement sur cela à Votre Seigneurie.

  A011001274 

 Je voudrois bien vous salluer avec autre occasion que cellecy, mays les occasions ne sont pas en nostre pouvoir; elles viennent, nous ne les allons pas querir..

  A011001300 

 Je n'ignore pas, mon très doux Frère, que le silence entre nous vous est aussi pénible qu'à moi; aussi je ne viens nullement m'excuser.

  A011001301 

 [153] J'ai été tourmenté et je le suis encore, mon Frère, en voyant que parmi tant de catastrophes qui menacent nos têtes, il nous reste à peine un moment pour cultiver la dévotion dont nous aurions un si pressant besoin.

  A011001303 

 Cependant, mon Frère, parmi ces [155] désordres (dirai-je plutôt cette ruine de la patrie?), alors que nos yeux ne rencontrent que des sujets de tristesse, fixons plus attentivement nos regards sur notre patrie céleste, et souvenons-nous toujours qu'Hélie le Thesbite n'est monté au ciel que dans un tourbillon..

  A011001303 

 Je retourne demain à ma Sparte (si ce n'est pour l'embellir, plaise au Ciel que ce soit du moins pour la conserver à de meilleurs ouvriers), et je ferai en sorte qu'il ne soit plus question entre nous de ces silences d'un mois entier.

  A011001318 

 N'avais-je pas raison de vous dire, mon Frère, que je ferais en sorte désormais qu'il ne fût plus question de silence entre nous? Comme au milieu de nos gens de Thonon, je puis à peine vous écrire une fois par mois, je vous écris maintenant de ma maison paternelle [156] de Sales, par Coquin, avec d'autant plus de plaisir que je viens de recevoir des nouvelles un peu meilleures de nos affaires.

  A011001334 

 Voici enfin, mon Frère, qu'une porte plus large et plus belle s'ouvre à nous pour entrer dans cette moisson de Chrétiens, car il s'en fallut peu hier que M. d'Avully et les syndics de la ville, comme on les appelle, ne vinssent ouvertement à la prédication, parce qu'ils avaient ouï dire que je devais parler du très auguste Sacrement de l'autel.

  A011001336 

 En effet, ainsi que nous l'a appris l'avocat du Crest, les Thononais ont résolu d'un commun accord de nous présenter par écrit leur confession de foi dans les points où elle diffère de la nôtre, afin que nous puissions les discuter en particulier ou dans des entretiens familiers ou par écrit.

  A011001336 

 Quelques-uns voulaient charger le ministre de cette négociation, mais d'autres plus prudents furent d'avis contraire, [159] craignant qu'il n'engageât la lutte avec nous et ne fût vaincu par les subtilités scholastiques, car il ne sait rien de la philosophie..

  A011001337 

 Assurément nous sommes en bonne voie puisqu'ils acceptent le combat par leur lieutenant, que nos si petites forces les effraient et qu'ils pensent à nous proposer des conditions.

  A011001337 

 Pour nous, ayant grand courage par la grâce de Dieu, nous attendons avec empressement et avec joie cette lutte qui donne bon espoir..

  A011001356 

 Seul, un pauvre ministre insensé ayant lu que vous nommez « heureuse la faute qui nous a valu un tel et si grand Rédempteur, » s'est écrié comme un homme tout à fait stupide et extravagant: « O blasphème! ô athéisme! ô Papisme! » Mais avec toute la modération possible, j'ai, par un tiers, remis à la raison cet effronté, car lui-même n'a pas encore osé en venir aux mains avec moi..

  A011001393 

 Mays il seroit requis pour la gloire de Dieu et le salut des ames que, selon la malice du tems et la distance des lieux, Sa Sainteté nous ouvrist par deça un peu liberalement la main de sa clemence in foro conscientiæ..

  A011001410 

 A faute dequoy voyci la second'annëe qui se passe des qu'on a commencé de precher icy a Thonon, sans jamais interrompre, avec fort peu de fruict, tant par ce que les habitans n'ont voulu croire qu'on prechast par commandement de Vostr'Altesse, ne nous voyans entretenir que du jour a [168] la journee, qu'aussy par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni dequoy les nourrir, puysque les frais mesmes qui s'y sont faitz jusqu'a present ne sont encor paÿés.

  A011001430 

 A faute dequoy voicy la second'annëe que l'on preche icy a Thonon sans beaucoup de fruict, tant par ce que les habitans ne peuvent croire que ce soit par l'aveu ou bon playsir de V. A., ne nous voyans entretenir que du jour a la journee, que par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste sainte besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni moyen de les y nourrir, mesme que la despence qui s'y est faite jusqu'a present n'a encor esté payëe.

  A011001460 

 Au matin, comme nous longions les remparts de Genève, j'appris que vous en étiez parti à l'aube de ce même jour.

  A011001460 

 J'en ai ressenti un regret d'autant plus vif que moindre était l'espace qui nous séparait, et pour atteindre celui qui semblait, ainsi qu'il arrive souvent, courir devant moi, j'ai voyagé une bonne partie de la nuit, mais en vain.

  A011001461 

 Je l'ai vu lire et relire attentivement cette lettre où il était question de moi, et grâce à elle, vous auriez semblé partager notre causerie, si, en nous entretenant de vous, nous n'eussions dit des choses que votre modestie n'eût pas souffert être dites en votre présence..

  A011001464 

 C'est le livre douzième, nombre parfait qui prouvera qu'entre nous existe la somme parfaite de toute amitié.

  A011001506 

 Nous devons tous, tant que nous sommes de Savoisiens, et moi particulièrement, louer Dieu et nous réjouir de l'heureux choix que Sa Sainteté fit de Votre Seigneurie pour l'accréditer en qualité de [183] Nonce apostolique auprès de Son Altesse Sérénissime; car ces pauvres églises de Savoie si affligées ne pouvaient désirer un protecteur, un médecin plus zélé, plus prudent et plus compatissant.

  A011001507 

 Loué soit le Dieu béni qui nous a donné Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime laquelle, dans la lettre qu'elle m'adressa il y a longtemps et que j'ai reçue depuis peu, montra quel est son zèle pour secourir cette province désolée en m'écrivant, et traitant si cordialement avec moi qui, mettant à part ma qualité de prédicateur, suis une personne privée et peu digne de considération.

  A011001508 

 Cependant, inspiré par l'occasion et invité par le petit nombre de Catholiques qui se trouvaient là, je commençai à faire plusieurs prédications, non sans quelque espérance de leur voir produire d'heureux fruits; dès lors, soit par moi-même le plus souvent, soit par d'autres prêtres, en partie chanoines et en partie curés de ce diocèse, l'exercice de la prédication s'est continué sans interruption tous les jours de fête, si ce n'est deux fois que nous avons été contraints de l'omettre.

  A011001509 

 Ce serait un grand secours pour nous si Son Altesse commandait au gouverneur de la province de favoriser les convertis, d'inviter les obstinés, et de les priver [en cas de refus] de toute charge et de tout honneur public, et surtout s'il ordonnait à l'un des membres du souverain Sénat de Savoie de venir ici à Thonon exhorter les habitants..

  A011001509 

 Nous sommes maintenant, grâce à cette nouvelle d'une prochaine paix, à la veille de récolter ce que nous avons semé jusqu'ici.

  A011001560 

 Je prie donc Votre Paternité Illustrissime de vouloir bien nous obtenir promptement un ordre de la part de Leurs Altesses..

  A011001560 

 Mais Son Altesse se souviendra que la religion catholique est le fondement de tous les Ordres religieux, et que jamais les intérêts du prince ne seront aussi bien servis par aucune autre croix que par celle que nous tâchons de graver dans les cœurs de ses sujets.

  A011001588 

 Je n'avais d'ailleurs ni loisir ni courrier, et, je l'avouerai naïvement, pas même de courage, étant pour ainsi dire préoccupé à chaque instant de mon départ, tant nous croyons ce que nous souhaitons..

  A011001621 

 J'espère vous annoncer bientôt des nouvelles qui seront pour Votre Seigneurie Illustrissime le sujet d'une joie parfaite, si on nous procure le moyen d'envoyer un nombre convenable de [196] prédicateurs en cette province.

  A011001621 

 Nous attendons ce résultat de la venue de Son Altesse et de la conclusion de cette bénite paix..

  A011001640 

 Je prie Dieu nostre Createur quil nous face vivr'et mourir pour son service, et vous supplie croire que je suys,.

  A011001677 

 J'espérais qu'il aurait rendu compte au Sérénissime Prince du peu qu'il nous a été possible de faire jusqu'ici dans ce pays, et de ce qui est nécessaire pour voir en peu de mois cette bénite œuvre achevée et affermie.

  A011001711 

 Veuillez donc nous obtenir qu'on commence l'exercice du culte catholique au moins dans trois ou quatre localités, si à cause du froid on ne peut faire davantage..

  A011001712 

 C'est beaucoup de commencer: si le Christ vient à nous comme petit enfant en ces fêtes de Noël, il grandira ensuite peu à peu jusqu'à la parfaite plénitude de la maturité.

  A011001713 

 Je suis sur le point de me rendre à Thonon, bien que je sois certain d'être la fable de nos ennemis jusqu'à ce que nous arrive l'ordre de Son Altesse.

  A011001714 

 Je termine en priant le Seigneur de nous conserver Votre Seigneurie Illustrissime, de laquelle je suis pour jamais.

  A011001738 

 [208] Si vous permettez que l'on vous considère comme Président (c'est ainsi que je parle à la façon des hommes de cour), nous aurons un Président non seulement très désiré ici, mais tel qu'il nous le faut dans les circonstances où nous nous trouvons.

  A011001739 

 Cependant c'est à peine si je puis dire l'avoir vu, car notre rencontre eut lieu en plein crépuscule, de telle sorte que nous nous sommes entendus plutôt que nous ne nous sommes vus, bien que nous ayons passé deux heures ensemble..

  A011001740 

 De notre affaire de Thonon, que vous dirai-je, mon Frère? M. de Jacob nous a fait les plus belles promesses.

  A011001740 

 Nous saisissons toutes les occasions d'intéresser le prince à notre cause, soit par l'entremise du Nonce apostolique, soit par celle des Jésuites et des Capucins.

  A011001822 

 Dans le cas où vous échangeriez difficilement la [217] compagnie des pasteurs de la ville contre la société de ceux de la campagne, nous comptons du moins que vous viendrez avec les Rois de l'Orient.

  A011001822 

 Elle m'a fait d'autant plus de plaisir qu'elle me permet de conjecturer votre arrivée auprès de nous; car, ainsi qu'il advient ordinairement dans les grands désirs, le moindre indice de leur réalisation produit une espérance qui tient de la certitude.

  A011001822 

 Si donc ce que nous attendons s'effectue par la grâce de Dieu: qu'en ces lieux, durant les jours consacrés aux fêtes de sa Nativité, le Christ, redevenant pour ainsi dire petit enfant, naisse enfin de nouveau parmi ce peu de fidèles qu'il a ici, je vous préviendrai très certainement de tout, puis je vous appellerai pour être témoin oculaire.

  A011001854 

 J'en remercie très humblement votre bonté, ainsi que de l'autorisation d'absoudre les relaps: j'userai avec toute la discrétion qu'il plaira au Seigneur m'accorder de cette permission dont nous avions vraiment grand besoin..

  A011001856 

 Votre Seigneurie m'a rendu la vie en m'assurant que, nonobstant les plaintes des Chevaliers, nous aurons bientôt le moyen de commencer à donner un peu d'extension au culte catholique parmi ces populations; car je me suis convaincu plus que jamais qu'il est extrêmement nécessaire de leur ouvrir de saints pâturages.

  A011001857 

 Cette huile, qui leur paraît peu de chose, suffira pour produire une lumière de saints exercices qui projettera ses rayons jusqu'au milieu des Bernois et des Genevois, pourvu qu'ils nous laissent ce revenu sans contestation..

  A011001911 

 Je vois toujours un plus grand nombre de personnes disposées à embrasser notre sainte foi, bien que d'autres nous suscitent des orages par les propos de leur mauvaise langue, des calomnies et semblables autres artifices diaboliques..

  A011001911 

 Mais ce ne sera rien si Votre Seigneurie nous secourt de ses faveurs accoutumées, et si elle intercède pour qu'au plus tôt on établisse ici d'une manière honorable et convenable [228] l'exercice du culte catholique.

  A011001967 

 Il m'a [233] donc semblé devoir proposer une fois pour toutes à Vos Seigneuries Illustrissimes un expédient qui nous mettrait à l'abri du besoin dans l'accomplissement de cette œuvre, et préviendrait l'importunité que leur occasionneraient les demandes de secours que nous serions obligés de faire de temps en temps.

  A011001967 

 Néanmoins, puisque je me vois destiné à être le fourrier et le procureur d'un grand nombre de prédicateurs et d'autres honorables ecclésiastiques qui viendront ici combattre les combats du Seigneur des armées, je ne saurai manquer de me rendre peut-être importun à Sa Sainteté, à Leurs Altesses et à Vos Seigneuries pour leur demander de nous alléger les dépenses qui croîtront de jour en jour, selon le nombre des ouvriers nécessaires au progrès de cette œuvre.

  A011001993 

 Il nous faudrait encore d'autres missionnaires en aussi grand nombre que possible, soit de l'Ordre des Capucins, soit de la Compagnie de Jésus, afin qu'unis aux prêtres séculiers qui viendront, nous puissions livrer un vigoureux assaut à l'hérésie en ces petits pays; ainsi, peu à peu, l'odeur s'en répandra dans tout le voisinage, tant à Berne qu'à Genève.

  A011001993 

 Quoi qu'il advienne, soit que cette conférence se fasse ou qu'elle ne se fasse pas, je supplie Votre Seigneurie d'employer son autorité afin que cette année nous ayons ici [236] en Chablais le P. Chérubin et le P. Esprit, du même Ordre.

  A011001994 

 Il est vrai que M. le chevalier Bergera, porteur de ces lettres, m'a promis, moyennant l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime, de faire tous ses efforts auprès du Conseil de l'Ordre des Chevaliers, afin que toutes les cures de ce bailliage nous soient complètement abandonnées pour que le service divin puisse s'y faire entièrement; mais cela, à la condition qu'on ne leur demanderait plus rien.

  A011001994 

 Il m'a pressé de vous communiquer cette proposition, ce que je fais très volontiers, la jugeant juste et très utile à cette entreprise; car il ne faut pas que nous ayons à devenir courtisans et pensionnaires des Chevaliers, ce qui, s'il m'est permis de le dire, serait inconvenant et préjudiciable au fruit qu'on peut espérer.

  A011001994 

 Toutefois, ce bienfait et tous les autres qui nous sont venus de Son Altesse, je reconnais les devoir à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime....

  A011002020 

 Pour la seconde, j'ai à vous remercier le plus humblement que je le puis d'avoir, avec tant de bienveillance, pris sous votre protection les intérêts de ce diocèse, surtout en procurant que le legs de Rome nous soit réservé, nonobstant les prétentions de la fabrique de Saint-Pierre.

  A011002024 

 Afin d'aider à nous pourvoir de ce qui est encore requis, soit à Thonon soit dans les autres paroisses, il a bien voulu affecter à cette dépense le montant [243] des six pensions à partir du 15 janvier jusqu'au 1 er mars, époque à laquelle on a commencé le paiement.

  A011002024 

 Au reste, il n'y a ni église restaurée ni autel dressé; nous n'avons pas même des calices, missels et tels autres objets indispensables aux six paroisses.

  A011002024 

 Depuis le 1 er mars jusqu'à ce que les six curés soient installés, ces pensions courant toujours, nous pourrons peut-être réaliser une avance de soixante à soixante et dix écus pour acheter les choses les plus nécessaires et faire le moins mal possible.

  A011002024 

 J'en ai parlé au chevalier Bergera; mais n'étant pas chargé de nous délivrer de l'argent à cet effet, il s'est borné à dépenser huit ou dix ducatons pour l'église de Thonon où tout était sens dessus dessous, sans autre ameublement qu'un simple autel de bois, mal fait, qui a été construit pour Noël.

  A011002027 

 Nous ne laissâmes pas pour autant d'ériger l'autel, malgré cette opposition, car elle ne se faisait pas du consentement public de la ville, mais seulement par la passion de quelques particuliers....

  A011002056 

 Je n'espère donc pas un grand résultat de ces pensions avant la fin du Carême, soit parce que je manque d'argent, soit parce que nous ne pourrions retirer les prêtres des églises où ils sont occupés à entendre les confessions et à exercer d'autres ministères.

  A011002057 

 Outre les six pensions assignées par l'Ordre de Saint-Lazare, nous en aurons après Pâques une septième des Religieux d'Ainay, de Lyon, qui, ayant ici un bon prieuré, m'ont promis d'en donner une telle que je la demanderai, sans se régler sur les pensions des Chevaliers.

  A011002106 

 En somme, si l'on en excepte Thonon, les âmes nous sont partout offertes comme une proie; il ne manque que des chasseurs.

  A011002139 

 Je supplie très humblement pour l'amour de Dieu Votre Seigneurie Illustrissime de daigner me pardonner si elle n'a pas reçu de mes lettres aussi souvent qu'Elle le souhaitait; le peu de facilité que nous avons ici, moi surtout, d'en envoyer à Chambéry ou à Aoste en a été la cause principale.

  A011002141 

 Il faut faire comme nous faisons pendant la Semaine Sainte: découvrir un bras de la Croix, puis l'autre, et ainsi peu à peu, la Croix tout entière, en chantant doucement: Ecce lignum Crucis, venite adoremus..

  A011002143 

 Hier les paroissiens me firent inviter à y retourner parce qu'ils désirent se faire catholiques; mais mon insuffisance d'une part, et de l'autre les affaires spirituelles et les confessions pascales de Thonon et des Allinges m'ont contraint de différer ce bien jusqu'après Pâques, où nous serons aidés par d'autres prédicateurs..

  A011002144 

 Partant, on pourrait procéder ainsi: Votre Seigneurie Illustrissime donnerait ordre aux Provinciaux d'envoyer des Religieux selon les occasions; nous ferons ensuite venir autant de prêtres séculiers que nous pourrons..

  A011002145 

 Je dis en vérité que cent écus par tête sont nécessaires, parce qu'il faudra à chacun un compagnon, et [261] à ceux qui ne sont pas Capucins il faut encore un cheval pour aller d'un lieu à un autre; mais les cures fourniront à cette dépense, pourvu qu'elles nous soient cédées, jusqu'à l'établissement des curés.

  A011002193 

 M. de Blonay, porteur de cette lettre, est un gentilhomme de grand mérite, qui peut nous rendre bien des services.

  A011002193 

 Par conséquent, s'il avait besoin de la protection de Votre Seigneurie Illustrissime, [266] en quelqu'une de ses affaires, je vous prierais de nous en accorder la grâce à lui et à moi.

  A011002228 

 Comme ce Religieux devait se rendre à ce qu'ils appellent le Chapitre général de leur Ordre, lequel se tenait à Rome, nous avions convenu que, pour lui, il traiterait de toute cette affaire en présence de Votre clémente Béatitude, et qu'il vous prierait de ne pas refuser (si toutefois ce bruit de conversion se réalisait) votre bienveillance apostolique à cet hérésiarque rentrant au bercail.

  A011002228 

 Pour contribuer [268] à un évènement si désirable, nous ne pouvions épargner notre industrie ni négliger aucun autre moyen.

  A011002286 

 Ce que je regrette incroyablement, c'est que cette affaire ait été divulguée à grand bruit par notre cour, qui est si discrète qu'elle suffirait à révéler les mystérieux secrets de l'Apocalypse; et nous avons à traiter avec des animaux auxquels le moindre bruit est suspect..

  A011002286 

 Ceux de Genève poursuivaient fort pendant ce Carême pour qu'elle se fît; mais ne pouvant tirer des nôtres une réponse précise, que nous n'étions pas à même de donner, il me semble qu'ils se sont un peu refroidis.

  A011002286 

 Nous étant retrouvés ensemble ces jours passés, le P. Chérubin, le P. Esprit et moi, et conférant des incidents particuliers qui sont arrivés dans les localités où nous avons prêché le Carême, nous avons jugé que la conférence pour laquelle on attend l'autorisation de Rome sera, moyennant la grâce de Dieu, une chose très fructueuse.

  A011002289 

 J'espère y conduire, au commencement du mois de mai, les PP. Capucins et les autres prêtres nécessaires en plus grand nombre possible; et si on nous procure la paix et le moyen de continuer, je crois que le Seigneur en sera bien servi.

  A011002305 

 Sur quoy les bourgeois dirent que Son Altesse ne vouloit pas quilz traittassent avec nous.

  A011002349 

 J'écris [285] à ce sujet un mot à Son Altesse, suppliant Votre Seigneurie de daigner, par charité, nous obtenir une courte mais efficace réponse..

  A011002351 

 Mais un des plus obstinés de la ville, s'apercevant que l'issue de la dispute ne pouvait être à l'honneur du ministre, l'entraîna de force hors de la place, disant que Son Altesse n'entendait pas qu'ils traitassent avec nous des choses de la religion.

  A011002351 

 Or, comme nous répliquions que néanmoins nous n'étions pas venus en ces pays dans un autre but, plusieurs entre autres repartirent que je ne saurais le prouver, et qu'au reste ils refusaient de me croire là-dessus, mais que si Son Altesse leur signifiait son intention, ce serait autre chose..

  A011002352 

 Voilà l'excuse d'un petit nombre d'obstinés de la ville (dans la campagne nous n'avons pas ces difficultés), lesquels ensuite, par divers moyens et sous divers prétextes, empêchent les autres de se [287] convertir.

  A011002353 

 Nous manquons de logements pour les curés, nous manquons de tout ameublement pour les églises et il faut tout acheter: je vous laisse à penser en quel état nous nous trouvons.

  A011002400 

 Nous ne nous endormirons point en cette négociation, et vous en serez averti immédiatement, dans le plus grand détail.

  A011002400 

 Nous vous demanderons plus ou moins de théologiens selon [295] le nombre de conférenciers voulu par ceux de Genève, et nous tâcherons de toute façon qu'il y ait deux ou trois Jésuites.

  A011002402 

 Plusieurs de mes amis, même spirituels, m'engagent à me prévaloir de cette occasion, car nous n'en avons pas de meilleure dans ce pays.

  A011002439 

 Je crains que les mouvements des troupes en Maurienne ne nous causent de grands embarras, surtout pour la venue du P. Jésuite que Votre Seigneurie Illustrissime veut nous envoyer.

  A011002439 

 Le P. Chérubin vous écrit où nous en sommes touchant la conférence.

  A011002439 

 Les Genevois, il est vrai, font grande difficulté d'admettre des Jésuites à cette conférence, disant qu'ils sont hommes d'Etat et explorateurs d'Espagne; cependant nous emploierons de notre côté toutes sortes d'instances.

  A011002439 

 Nous avons à Chambéry deux Pères Jésuites de grand mérite: le P. Saunier et le P. Alexandre, écossais; si les passages et les routes [d'Italie] étaient fermés, il me semble que ces Religieux suffiraient.

  A011002439 

 Puisque vous me demandez lequel serait le plus utile, du Recteur de [303] Turin ou du français, lecteur de théologie à Milan, je crois que le français nous conviendra mieux, soit à cause de la langue, soit aussi pour qu'il y ait moins d'affectation de notre côté; car cette conférence ne doit se faire que sous le nom de M gr notre Evêque.

  A011002492 

 Cet exercice des Quarante-Heures se fit à Annemasse le premier Dimanche de septembre et le jour de la Nativité de Notre-Dame, avec un fruit beaucoup plus grand que celui que nous en espérions; il tient même un peu du miracle.

  A011002572 

 Certes, ilz ont gasté desja une autre plus grosse cloche, en haine de nous autres Catholiques qui la sonnions.

  A011002572 

 Ilz sont sur le point de demander a Son Altesse qu'il leur soit permis de s'en servir autant qu'a nous, et sont si outrecuydés qu'ilz pensent de l'obtenir.

  A011002600 

 Nous en avons déjà fait l'expérience l'année dernière à celles d'Annemasse.

  A011002601 

 Quant aux disputes, j'ai la ferme confiance qu'elles apporteront une très grande édification, malgré toutes les raisons qui sembleraient contraires; car, ou les hérétiques ne viendront pas, et alors la victoire nous demeurera, ou bien ils viendront, et dans ce cas, nous [323] prouverons que la raison et la vérité sont de notre côté; nous aurons de plus le grand avantage de nous tenir sur la défensive et de pouvoir, en répondant, faire de petites exhortations.

  A011002648 

 J'espérais pouvoir aller bientôt moi-même traiter ces affaires sur les lieux; mais la peste ayant éclaté à Annecy après mon départ, [329] M gr notre Révérendissime Evêque n'a pas voulu en sortir; ainsi je crains beaucoup que nous ne puissions partir de sitôt, faute d'obtenir de la part de Monseigneur les papiers nécessaires.

  A011002650 

 Le R. P. Chérubin est ici avec nous depuis deux jours, attendant des nouvelles du couvent d'Annecy; ce qui, à mon grand contentement, m'a donné lieu d'être renseigné sur la marche de sa conférence avec Herman Lignarius, fameux lecteur de théologie parmi les huguenots.

  A011002651 

 La nouvelle s'en étant répandue dans les environs, on se dispose de tous côtés à venir assister à cette dévotion, non seulement des régions catholiques, comme de Fribourg, de Schwitz et du Valais; mais aussi des territoires hérétiques, comme de ceux de Berne et de Genève, ce qui nous donne une très grande espérance de recueillir beaucoup de fruits, à la grande confusion des ministres.

  A011002652 

 J'y dresserai la liste des personnes rentrées dans le sein de l'Eglise durant ces trois dernières années, pour en informer Votre Seigneurie, afin que par ce moyen Sa Sainteté soit encouragée à nous accorder les grâces qui sont nécessaires à cette entreprise..

  A011002653 

 Il a déjà commandé plusieurs fois de les saisir, cette mesure étant justifiée par la promesse que nous avons reçue des Chevaliers; mais les subordonnés font tant de considérations pour ne pas offenser celui-ci et celui-là, qu'ils finissent par offenser grièvement le Seigneur..

  A011002653 

 Nous n'avons presque pas d'autre ami à la cour que Son Altesse Sérénissime, ce qui ne nous sert pas beaucoup puisque ses ordres ne s'exécutent pas.

  A011002653 

 Si on lui obéissait comme on le devrait, nous serions bien plus avancés que nous ne le sommes et, de plus, nous n'aurions pas [332] à causer tant d'ennui à Votre Seigneurie au sujet des pensions.

  A011002654 

 Le R. P. Chérubin m'a donné parole de vous écrire touchant plusieurs choses très dignes d'attention dont nous avons traité en semble.

  A011002654 

 Votre Seigneurie est notre seul protecteur et consolateur en ces occasions; aussi prions-nous continuellement la divine Majesté pour votre santé et conservation.

  A011002690 

 Je désirais extrêmement entreprendre ce voyage avec lui, parce qu'étant le seul laïque bien au courant de ce qui s'est fait et de ce qui reste encore à faire pour la sainte foi dans ces pays, il nous aurait certainement été d'un grand secours dans les affaires que nous devrons traiter à ce sujet auprès de Sa Sainteté.

  A011002691 

 Mais maintenant je vois que ces lettres vieillissent; en outre, si le décret de Sa Sainteté touchant la restitution des bénéfices ne nous parvient pas avant la récolte, cette [335] affaire sera retardée jusqu'à l'année prochaine, et Dieu seul sait si nous serons en vie! Pour toutes ces raisons, j'ai donné lesdites lettres à M. le Président afin qu'il les remette à Votre Seigneurie, protectrice de l'entreprise.

  A011002692 

 Si à la faveur de la paix qui nous est annoncée, l'exercice du culte catholique est rétabli définitivement dans ces bailliages, on obtiendra bientôt un résultat que tout retard pourrait compromettre.

  A011002694 

 Ces pouvoirs [337] sont pour nous de première nécessité, car à toute heure on a besoin d'en user dans ces pays.

  A011002769 

 Encor aurons nous besoin d'un logis pour sept ou huit personnes ecclesiastiques qui iront la, en payant comme dessus; sinon que celuy qui fournira pour les musiciens fournit encor a cela, comm'il se pourroit bien faire..

  A011002783 

 Mais aussi je voudrois que personne ne perdit courage de venir pour ceste retardation, puisque la tardiveté sera recompensee d'une bien grande consolation si Dieu nous fait les graces que nous esperons..

  A011002789 

 Le R. P. Cherubin et toute la brigade des serviteurs de Dieu que nous avons icy vous salue tres affectionnement..

  A011002815 

 Nous sommes sur le point de célébrer Dimanche, 23 de ce mois, les prières des Quarante-Heures en cette ville, avec l'agrément de Sa Sainteté et de Son Altesse.

  A011002816 

 Or, nous apprenons que Votre Excellence se dispose à prendre ce chemin pour s'en retourner avec ses troupes.

  A011002817 

 C'est pourquoi, nous supplions avec toute l'humilité possible Votre Excellence, et nous la conjurons par les entrailles de Jésus-Christ, par tout le sang qu'il a répandu pour ces âmes dont nous tâchons de procurer le salut au moyen de ces exercices, de daigner prendre un autre chemin pour son voyage et de laisser celui-ci libre au Sauveur.

  A011002818 

 Nous dirons de plus que nous ne savons qui a pu lui indiquer cette route; car il y a près du lac, entre Evian et Saint-Maurice, un passage le plus horrible et le plus dangereux qu'on puisse imaginer, en cette saison de la crue des eaux.

  A011002819 

 En attendant, nous nous tiendrons assurés que, pour l'honneur de Dieu et de la Cour céleste, Votre Excellence nous accordera ce que nous lui demandons avec une ardeur et une humilité qui n'ont point d'égales.

  A011002819 

 Nous confiant donc dans la piété, la bonté et le zèle de Son Excellence, nous lui envoyons ce prêtre, notre compagnon et frère, qui pourra aussi lui exposer verbalement de quelle conséquence serait le scandale qui résulterait de la suppression de la solennité préparée.

  A011002819 

 Nous demeurerons à jamais, soit en considération de son mérite, soit pour ce bienfait et cet acte si éclatant de zèle,.

  A011002847 

 C'est agir assurément de la façon la plus généreuse et la plus chrétienne, et nous vous en rendons les plus vives actions de grâces..

  A011002848 

 C'est certainement fâcheux; mais nous devons obéir et croire, comme il convient, que ce retard apportera des fruits plus abondants..

  A011002848 

 Du reste, telle est l'inconstance des choses humaines, qu'à l'heure même où je vous écris, survient un ordre de nos supérieurs qui, pour les motifs les plus graves, nous enjoignent de remettre à la fête de [351] la Nativité de la Sainte Vierge, les supplications solennelles que nous préparions.

  A011002866 

 Nous solliciterons vivement l'exacteur pour la partie quil vous doit, comme pour celuy auquel nous avons de si grosses obligations..

  A011002867 

 Sil nous baille moyen de loger honnestement des curés par tout ce balliage apres les 40 heures, tout est emporté pour la foy catholique.

  A011002888 

 Puysque nous avons observé jusques a præsent de mettre nos dires de part et d'autre par escrit, je vous prie d'escrire le vostre encores sur le particulier de l'intention des messieurs vos superieurs touchant vostre venue, ce pendant qu'en responce (sachans que ce ne sera autre que ce que vous aves proposé a bouche) nous dressons les articles demandés..

  A011002927 

 L'heureuse moisson de plusieurs milliers d'âmes qui s'est faite ces jours passés dans ce bailliage de Thonon, nous a donné une consolation incroyable; consolation qui eût été vraiment à son comble, si la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, reçue aujourd'hui par le P. Chérubin, nous fût arrivée en ce même temps.

  A011002927 

 Mais je suis contraint de dire que Nosseigneurs de Genève et de Saint-Paul et [356] nous tous qui vous sommes dévoués ici, avions été fort étonnés et non moins affligés de ne recevoir aucune nouvelle de votre santé.

  A011002927 

 Or, si ce bien ne nous arrive par l'intermédiaire de Votre Seigneurie, je ne sais par quelle voie il peut nous venir..

  A011002927 

 Si toujours elle nous fut chère, elle doit maintenant nous être très chère, puisque nos affaires sont dans un tel état que nous avons besoin plus que jamais d'un protecteur et promoteur tel que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime l'a toujours été à notre égard; car du côté de Son Altesse on ne peut, on ne doit même espérer ni désirer que la continuation des œuvres très chrétiennes qu'elle a déjà accomplies.

  A011002928 

 De même encore, nous avons besoin de quelques pouvoirs qui puissent être communiqués, selon les occurrences particulières, à une ou plusieurs personnes; et si nous n'étions pas aussi proches de l'année du Jubilé, je dirais qu'il serait nécessaire pour nous d'obtenir une année de parfait et grand Jubilé..

  A011002928 

 Nous avons besoin de grâces spirituelles relativement aux absolutions, afin qu'elles puissent être accordées en toute liberté à ces peuples grossiers et nouvellement convertis, non seulement par M gr notre Révérendissime Evêque et par moi, mais aussi par tous [357] ceux qu'il sera nécessaire de déléguer à cet effet; car pour recueillir une telle moisson un grand nombre de moissonneurs peut à peine suffire.

  A011002929 

 C'est non seulement pour les grâces spirituelles, mais encore pour les temporelles que nous avons besoin d'un Jubilé, et ceci ne se peut différer qu'au grand détriment des consciences.

  A011002929 

 Les intérêts de Jésus-Christ sont maintenant en tel état dans ces provinces, que [358] si nous pouvons donner au culte la splendeur convenable, la tête du serpent sera brisée.

  A011002930 

 Malheur à l'homme seul, surtout dans le voisinage des léopards, des ours et des loups! Il faut même, au besoin, vendre les calices et objets précieux non nécessaires aux autres églises, pour faire ces dépenses et nourrir ces âmes affamées, qui autrement sont exposées d'heure en heure à périr, afin qu'on ne puisse pas nous appliquer ces paroles: « Vous avez tué ceux que vous n'avez pas nourris.

  A011002930 

 Où en prendrons-nous? Les curés que l'on aura à placer ici ne doivent pas être des personnes à cinquante ducats; ils doivent avoir un autre ecclésiastique avec eux.

  A011002932 

 Dieu nous donnera de plus réjouissantes nouvelles.

  A011002932 

 Mais, [361] de grâce, que le P. de Lorini vienne de Milan nous apporter sa coopération chaque fois qu'il sera appelé; ce que Votre Seigneurie peut obtenir par son autorité, ainsi que Son Altesse se propose de faire de son côté..

  A011002932 

 Quoi qu'il en soit, nous lui ferons la guerre par la prédication, et puisqu'on nous appelle à une conférence nous nous préparons à faire tous nos efforts.

  A011002954 

 Celui que nous députons aux pieds de Votre Sainteté, ayant été témoin de tout ce qui s'est passé, lui en fera un exposé plus complet et plus fidèle..

  A011002954 

 Votre Sainteté aura appris, je l'espère, par le rapport de l'Illustrissime Père et Seigneur en Jésus-Christ, le Cardinal de Médicis, son Légat a latere, quelle belle et abondante récolte d'âmes nous venons de faire ces jours passés dans la vigne de ce diocèse.

  A011002955 

 Cette nouvelle inspire une incroyable audace à tous les hérétiques et leur ferme l'entrée à la foi catholique; si elle n'abat pas entièrement le courage des nouveaux convertis, du moins les trouble-t-elle grandement, et nous ôte, aussi bien à moi qu'à mes chanoines, tout espoir de recouvrer les biens ecclésiastiques que les Genevois retiennent par une souveraine injustice..

  A011002955 

 Mais pendant que nous nous réjouissons heureusement devant le Seigneur comme ceux qui se réjouissent au temps de la moisson, comme se réjouissent les victorieux lorsqu'ils se partagent les dépouilles de l'ennemi, voici que nous arrive une nouvelle fort inopportune et affligeante: le roi très chrétien prévient sérieusement par lettres le duc de Savoie qu'il entend que Genève, mère et source de l'hérésie calviniste, soit comprise dans le traité de paix que Votre Sainteté a fait conclure à la grande satisfaction de l'univers catholique, bien [364] que, comme il était raisonnable, nulle mention n'ait été faite de cette ville dans les articles du traité.

  A011002956 

 C'est pourquoi, tant que nous sommes ici d'ecclésiastiques, nous vous avons député le plus promptement qu'il a été possible, le Prévôt de mon Eglise cathédrale qui, en notre nom à tous, se prosternera aux pieds de Votre clémente Béatitude, et lui exposera combien grand serait le dommage qu'une telle paix, si elle vient à se conclure, causerait à la république chrétienne et la tache honteuse qu'elle imprimerait à un si grand et si heureux succès.

  A011002956 

 Que, selon la clémence [365] paternelle qu'Elle témoigne à toute la Catholicité et surtout à cette province agitée par tant de maux, Votre Sainteté daigne intervenir sérieusement auprès du roi très chrétien et du sérénissime duc, afin qu'une telle paix ne soit pas accordée aux impies, et qu'ils n'en goûtent point les avantages ceux qui s'efforcent de bouleverser par tant de divisions la paix de l'Eglise; mais que plutôt ils soient contraints de rendre l'honneur à qui ils doivent l'honneur, le tribut à qui ils doivent le tribut, et que, par ce moyen, la paix vienne sur eux en la vertu du Seigneur et par l'autorité du Siège Apostolique que Votre Sainteté occupe si heureusement et avec tant de clémence, et sur lequel nous supplions le Dieu très grand et très bon de vous conserver de longues années pour le bien de son Eglise.

  A011002970 

 Il y a longtemps que Révérend François de Sales, Prévôt de ma Cathédrale, aurait visité en mon nom les tombeaux des Apôtres, s'il n'en avait été empêché par une très dangereuse maladie qui l'a tenu alité plusieurs mois, et si les voies d'Italie ne nous eussent été fermées par la peste qui a affligé et afflige encore presque toute cette province.

  A011002971 

 C'est autant pour ne pas employer plusieurs moyens là où un seul suffit dans les temps si difficiles où nous vivons, que pour donner occasion à mon procureur, qui n'a pas travaillé inutilement dans le champ du Seigneur, de se délasser par divers pèlerinages des fatigues qu'il a soutenues..

  A011003484 

 Si ainsy estoit nous aurions tout gaigné, puis qu'elle sera toute en l'honneur du Sainct Sacrement; et non moins sil fait estat de la troisieme, laquelle je pretens faire, Dieu aydant, en l'honneur de Nostre Dame..

  A011003486 

 Ilz le font sans doubte par art et par finesse, affin quilz ne soyent tenus de rien preuver et quilz nous chargent tant plus de preuve, dautant quil est beaucoup plus aisé de nier la verité que de preuver le mensonge.

  A011003488 

 Je me suis fort appuyé autrefois sur ceste derniere consideration pour conclurre que noz heretiques, pour nieurs quilz soyent, sont tenus de preuver toutes leurs negatives; car ilz ne peuvent nier quilz ne soyent demandeurs, puis qu'ilz viennent a nous troubler en nostre possession de sezecentz ans qui nous rend deffendeurs; et vous sçavez que c'est la principale commodité de la possession, qu'elle decharge le possesseur de toute necessité de preuve jusques a ce que le demandeur aye fondé et preuvé son action: de là vient que adversus extraneos, id est, nihil juris habentes actores, etiam viciosa possessio prodest. Mais c'est trop faire le docteur avec vous; aussy me faites vous dottor in volgar.

  A011003489 

 J'ay esté presque botté pour vous aller voir affin de vous conduire au Baptesme de nostre neveu, lequel nous esperions [409] devoir estre fait le jour de la Toussainctz; mais j'ay esté retenu par une infinité d'incommodités, et pour avoir sceu aussy que monsieur le Commandeur doit partir aujourdhuy pour Lyon, et qu'a ceste occasion la solemnité du Baptesme sera remise en autre tems..

  A011003490 

 Aussy font ma belle mere et ma maistresse, avec noz escoliers, qui prient tous Dieu avec moy quil vous conserve, Monsieur mon Frere, a longues annees en sa grace, et nous, en la vostre..

  A011003490 

 Je ne peux attendre davantage pour le desir que j'ay de faire sçavoir en Allemagne et en l'Italie, aussy bien qu'en France, que nous sommes freres; et comme tel je vous baise les mains.

  A011003590 

 Je me doubte fort que la lettre que je vous escrivis la semaine derniere par la voye de monsieur de Crans ne vous aye pas esté rendue, par les dangers de contagion continués et accreus, comme l'on nous dit, du costé de Necy.

  A011003610 

 Nous sommes de par deça assez asseurés, mais non pas entierement, parce quil y a deux villages ausquelz le mal va encores s'entretenant..

  A011003656 

 Ma maistresse et voz neveus vous en presentent autant, et du mesme cœur duquel nous prions Dieu, tous tant que nous sommes, monsieur mon Frere, pour vostre santé et prosperité..

  A011003675 

 Nous sommes attendans monsieur de Jacob dans deux ou trois jours.

  A011003696 

 Nous avons resolu d'en conferer avec monsieur de Lambert, par lequel en apres je vous en escriray plus a plein, car je suis maintenant merveilleusement pressé.

  A011003720 

 Il m'a dit de plus que s'y estant une fois treuvé et convié par Son Altesse d'en dire son advis, il le dit tel qu'il devoit pour la cause de la religion, et se promet qu'a son retour, s'il reste a faire quelque chose, il s'y employera si chaudement que nous en verrons les effects.

  A011003720 

 Monsieur de Jacob m'a dit que monsieur de Lullin fait merveilles contre les Chevaliers de Sainct Lazare, et que Son Altesse la combat pour nous a spada tratta.

  A011003741 

 Vous m'avez osté d'une extreme peine me faisant sçavoir de voz nouvelles et m'envoyant la requeste de ce bon gentilhomme qui languit des si long tems; car ayant eu je ne sçay combien de fois la main a la plume pour vous escrire, j'ay tousjours esté retenu et empeché par honte que j'ay du tort que nous avons, monsieur Chaven et moy, de l'avoir abusé si longuement.

  A011003759 

 Dieu soit loué que nous voilà tous deux a l'egal contens et en beau chemin de jouir, sil plait a Dieu, a longues annees de ceste mutuelle et incomparable amitié, laquelle se fait desja paroistre es lieux mesmes ou nous n'avons jamais esté veus ny congnus..

  A011003759 

 J'avoy differé quelques jours de vous escrire tout expressement pour donner loisir a mes depeches de venir, affin de vous entretenir desormais de quelque subjet plus aggreable que ne sont ces esperances languissantes qui nous ont morfondus despuis tant de mois.

  A011004061 

 A quoy vous continuerez avec la dexterité et prudence que vous sçavez convenir, ayant escript au sieur de Lambert qu'il a tres bien faict de secourir le ministre qui se veult catholiser, ainsy que vous et luy Nous escripvez..

  A011004061 

 En responce de celle que avez escript, vous disons que treuvons bon qu'ayez faict dresser un autel en l'esglise de Sainct Hipolite, comme aussy les aultres bonnes œuvres qu'a la louange de Dieu et extirpation des heresies vous y allez exercitant; et Nous desplaict des oppositions que l'on vous y a faictes, que neantmoings avez surmonté ainsy que vous Nous escrivez.

  A011004079 

 A ceste cause, ayant remarqué la doctrine, vie exemplaire et autres rares qualitez qui reluisent en nostre tres cher et bien aymé Orateur Messire François de Sales, Prevost de Sainct Pierre de Geneve, heu d'allieurs esgard aux travaux que cy devant il a supportez et a present supporte a la conversion des devoyés de nostre religion riesre nostre Duché du Chablais, de quoy nous sçavons aussy Sa Saincteté estre bien informee, avons par ces presentes, en vertu des concessions et indultz que Nous avons du Sainct Siege Apostolique, icelluy nommé et presenté, nommons et presentons audict Evesché de Geneve, suppliant Tres Sainct Pere le Pape et le Sacré College des Cardinaulx quilz veuillent a nostre nomination prouvoir ledict Messire François de Sales dudict Evesché, soit par coadjutorie ou autrement, luy octroyant les despeches sur ce necessaires..

  A011004099 

 Nous avons receu un singullier contentement de l'asseurance que me donnez par vostre lettre du unziesme du present, de differer les Quarente Heures pour le vingtiesme du present mois, auquel jour je ne faudray de me treuver a poinct nommé, sans aulcune aultre sorte de dilation; ayant esté tres aise de l'expedient qu'a treuvé le sieur de Lambert pour arrester le Pere Cherubin, qu'indubitablement seroit tumbé mallade s'il heust voullu suivre sa deliberation d'aller a Saluces pour rendre son obeissance, que je m'asseure sera excusable aupres de son General, auquel j'en escris la cy enclose pour le prier de le nous laisser pour achever l'œuvre qu'a esté si bien encommencee par luy.

  A011004113 

 De quoy je reçois un tres grand contentement, attendu que nostre attente nous a appourté ce bon heur que d'y avoir un tant principal Prelat, lequel Nous attendrons audict lieu, ou Nous nous acheminerons a l'advantaige; vous en ayant bien voullu donner [advis] a celle fin, que ce pendant vous vous disposiez a une bonne patience qui se terminera a ladicte venue, sans aultre dilation..

  A011004113 

 Sur l'advis que Nous avons heu du passage du Legat par nostre Estat et par le pays de Valley, nous depeschames hier un courrier au Pere Cherubin pour le prier de differer les Quarente Heures jusques [449] au [28] du present, qui sera justement le jour de son arrivee a Thonon.

  A011004129 

 Il sera mardy prochain a Bourg, et de la, il sera dans six jours a Thonon ou Nous nous treuverons un peu advantaige pour l'y reçoipvre.

  A011004129 

 Je vous prie qu'un peu de temps ne nous soit vendu si cher, comme il seroit si icelle (sic) se faisoit sans Nous, qui Nous causeroit un regret inevitable.

  A011004143 

 A quoy Nous sommes tout disposé pour les y assister de nostre presence et y appourter tout ce que Nous pourrons, soit en luminaires que pour fournir a la despense, ainsy qu'escripvons au sieur de Lambert de faire.

  A011004143 

 Peu appres la lettre que vous avons escript du jourd'huy est arrivee la vostre du dix huictiesme, qui Nous appourte un tres grand contentement et ensemble remplit de toutte consolation, voyant tant d'ames bien disposees pour se remettre au vray chemin.

  A011004143 

 Si aultre ne retarde le Legat, il s'y treuvera des mardy prochain en six jours, non compris le mardy, et Nous un peu auparavant, ne le desirant pas moingtz que vous..

  A011004161 

 Nous ayant, appres vostre despart, le Reverend Monsieur Louys Perrucard faict apparoir de la nomination faicte en sa personne, des l'annee 1589, lhors que nous estions a Gex, du prieuré de Sainct Jean soubz le vocable de Sainct Jean hors les murs de Geneve, riesre ledict pays, et supplié de ne luy prejudicier en son anterieurité par l'aultre nomination qu'en avons faict au Baron de Viry: ce que [451] Nous semblant raysonnable, et estant d'ailleurs bien memoratif des causes que Nous meurent de le faire, Nous a semblé par ce de vous dire qu'ayez a vous desporter de la charge et sollicitation qu'en pourriez faire pour l'union dudict prieuré a la Collegiale de Viry, ains faire instance pour en obtenir les provisions necessaires en faveur dudict Perrucard, docteur es droictz et esleu de Seseri, en escripvant en ceste conformité a monsieur l'Ambassadeur Arconat et au Cardinal Aldobrandin.


12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres.html
  A012000140 

 — « Dequoy les Anges nous portent envie.

  A012000193 

 Nous allions attendant la commodité de quelques plus asseurees addresses que ne sont les ordinaires en ce tems si troublé, pour envoyer nos lettres de dela, et quelque resolution du chemin que nos affaires prendroyent pour vous en donner quelque advis; et l'un et l'autre nous est seulement arrivé maintenant.

  A012000193 

 Nous avions proposé dix articles a Sa Sainteté de vostre part, et il nous a prouveu sur quelques uns; sur les autres il nous a renvoyés au Nonce, et les autres il a presque refusés (sic).

  A012000197 

 Neanmoins le Cardinal Borghesio, nostre commissaire, nous bailla par advis de faire traitter ce point par Monseigneur le Nonce, et que peut estre reussiroit-il; il faudra donq l'en supplier a nostre retour, et je crois quil s'y employera volontiers..

  A012000198 

 Mays je crois en un mot que tout ce quil ne nous a pas accordé sera renvoyé a Monseigneur le Nonce..

  A012000198 

 Neanmoins, ni Sa Sainteté ne les Cardinaux ne le goustent pas trop, estimant que ceux d'Annessi desirent nostre sejour en leur ville, et quilz nous tiennent en tel pris que toutes villes font semblables pieces comm'est la personne de l'Evesque et son Chapitre, et disent qu'on peut suppleer le fruit de ceste mutation autrement.

  A012000199 

 Mays au reste il y reluit presque par tout une courtoisie et maintien angelique, sur tout en nos trois commissaires, les Cardinaux Burghesio, Arigo ne et Bianchetto, et par excellence au Cardinal Baronius, qui nous a portés de toute sa faveur tant vers Sa Sainteté que vers les Cardinaux..

  A012000200 

 Le seul Cardinal Mathæi estant malade, nous retient encor sans autre [3] response, sinon quil reçoit vostre Visitation et si quid erroris admissum esset in mora, absolvit ad cautelam, et fera droit touchant la prætention que vous aves d'estre mis au nombre des ultramontains pour les termes de vostre Visitation; mais il ni a pas moyen de tirer aucun'escriture de luy, dautant quil ne peut signer..

  A012000201 

 Voyla, ce crois-je, une partie de ce que nous estions venu faire en chemin, nonobstant la peyne que l'on a eu de les pousser pour les ennuys que le Tybre nous a fait..

  A012000202 

 Le Cardinal Sainte Severine me dit que Monseigneur le Nonce sollicitoit de me faire depescher pour aller vers vous en l'absence du bon P. Cherubin, lequel, a ce qu'on nous advise de deça, est tumbé en une tres lamentable [4] infirmité; et Sa Sainteté et ces messieurs du Saint Office, bref tous les bons, regrettent infiniment cest accident, et pour la valeur de la personne, qu'il rend inutile, et pour le bruit qu'en feront les adversaires, qui, n'ayant aucune rayson pour leur opiniastreté, font bouclier de tous les sinistres evenemens qui nous arrivent, pour naturelz et ordinaires quilz soyent.

  A012000202 

 Or bien, je fais tant plus de courage; et monsieur le Vicaire et moy et nos amis ne l'oublions point en nos petites oraysons, comme nous sommes obligés..

  A012000203 

 Je serois ingrat si je ne vous donnois advis que nous avons icy le seigneur chevallier Buccio, prieur de Contamine, qui s'employe pour nous a bon escient, et le seigneur Bartholommeo Bonesio, cameriero secreto di Sa Sainteté..

  A012000204 

 Or, nous esperons entre cy et Pasques vous bayser les mains et rendre conte en presence du tems et loysir que nous avons fait des nostre despart; ce ne sera jamais si tost que je le desire.

  A012000221 

 Ce fidele amy ne s'empressera que trop pour escrire en Savoye les signes de bonté paternelle dont le Pape m'a honnoré, qui m'obligent d'estre plus que jamais bon enfant et bon serviteur de la sainte Eglise Romaine; mays quoy que nos amis escrivent, souvenes vous que nos amis exagerent aussi souvent nostre bien que nos ennemis exagerent nos maux, et qu'en fin nous ne sommes que ce que nous sommes devant Dieu.

  A012000221 

 Je vous confesse ingenuement que Dieu n'a pas permis que nous ayons esté confus dans l'examen, quoy qu'en ne regardant que moy mesme je n'attendis que cela.

  A012000255 

 Ils nous firent célébrer dans la Sainte Maison, toucher la sainte image et voir tous les objets précieux.

  A012000368 

 Parmi les nombreuses raisons pour lesquelles la difficulté des passages nous est préjudiciable, il me semble que la plus importante est que nous sommes privés de la consolation de recevoir des lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime et que, de notre coté, nous ne pouvons lui en expédier aussi facilement que nous le devrions et désirerions..

  A012000370 

 Il est évident que Dieu demande de nous une très grande diligence et un grand zèle à nous employer à cette entreprise, car il accorde dans ces pays certaines grâces que l'on pourrait appeler de petits, ou plutôt de grands miracles, comme j'en donnerai connaissance à Votre Seigneurie Illustrissime lorsque j'en serai plus sûrement informé..

  A012000371 

 Vraiment, si dans la conclusion de la paix on fait un effort pour faire resplendir l'exercice du culte et la doctrine catholique en ce pays, je suis sûr que nous verrons la gloire de Dieu et que peut-être, selon la Loi, les possessions seront, pendant ce Jubilé, restituées à leurs anciens maîtres; car on voit clairement que toute la résistance faite par les ministres Genevois provient moins du courage ou de l'ardeur qui leur reste que de rage et de désespoir; en sorte que si nous les pressons un peu énergiquement, c'en est fait d'eux, et leur peuple, déjà fatigué des sornettes qu'ils débitent, prêtera facilement l'oreille à la vérité.

  A012000417 

 Il vous envoie donc son rapport, après lequel il ne me reste plus rien à dire, sinon que les choses vont assez bien ici, et que l'on espère de plus grands progrès à l'avenir, surtout en voyant que Sa Sainteté les prend à cœur et veut nous aider, ce dont nous avons un très grand besoin.

  A012000419 

 J'écris au P. Provincial des Jésuites pour hâter la venue des six Pères que Sa Sainteté veut entretenir à ses frais; je suis sûr que nous les aurons au commencement du mois prochain, ce qui sera une grande consolation pour les pasteurs et pour le peuple.

  A012000500 

 Bien que nous soyons ici à la cour, nous ne savons aucune nouvelle sinon que Son Altesse partira pour la France le 25 de ce mois; toutefois, cette date pourra être changée si les circonstances l'exigent.

  A012000500 

 Son Altesse m'a promis toutes sortes de provisions pour le Chablais, ayant commandé les lettres d'expédition et autres papiers nécessaires, et ses ministres montrent plus d'empressement qu'à l'ordinaire; c'est pourquoi j'espère que nous aurons cette année et le Jubilé et une jubilation très grande, mais nous avons besoin d'un secours puissant, efficace et persévérant..

  A012000534 

 J'ai écrit à Votre Seigneurie qu'un Père Jésuite prédicateur s'était rendu à Thonon; maintenant ils sont deux, car un de ses confrères l'a rejoint le jour [38] de saint André, et bientôt arriveront les autres qui nous sont envoyés d'Avignon..

  A012000535 

 Le P. Recteur des Jésuites m'a soulevé une difficulté touchant les pouvoirs qui nous ont été concédés pour absoudre les hérétiques; à savoir, que la veille de Noël de l'année jubilaire Sa Sainteté a coutume de déroger généralement à tous les privilèges précédemment accordés.

  A012000535 

 Les termes dans lesquels ils nous sont accordés ne souffrent pas de dérogation générale, de sorte que je m'en servirai sans crainte au nom du Seigneur; mais pour trancher toute difficulté, Votre Seigneurie Illustrissime voudra bien en juger Elle-même..

  A012000565 

 On ne pouvait, en effet, désirer un plus ardent et vigoureux défenseur et promoteur parmi ces forts et vaillants qui entourent le lit sacré de Salomon; de sorte qu'il est désormais évident que le Christ veut, par l'entremise du Saint-Siège, nous être un Dieu protecteur et une maison de refuge.

  A012000592 

 Outre ceux-ci, nous en avons plusieurs qui, sans être docteurs, sont cependant très instruits, et d'autres en assez grand nombre qui prendront leurs grades cette année à Avignon.

  A012000593 

 Mais ce qui nous arrête c'est que nous n'avons nul moyen de procurer à ces hommes de mérite un logement convenable à leur [46] condition et à leur office.

  A012000595 

 Quant à ces bonnes populations, nous avons déjà célébré solennellement la fête de la conception avec toutes les octaves; plaise à Dieu que nous puissions célébrer la fête de l'enfantement et de la naissance, au moins en cette année du Jubilé! ... [48].

  A012000659 

 Mais voyant que le sujet ne portoit point ceste presse, je vous envoye les deux lettres et demeure icy au devoir que j'ay au service de mon pere, lequel de jour a autre avance a grans pas a l'autre vie, s'affoiblissant tellement en cellecy que, si Dieu ne nous preste sa main miraculeuse, je me vois dans peu de jours privé de la [53] consolation que, avec toute ceste mayson, j'ay tous-jours eu en la presence de ce bon pere.

  A012000698 

 L'espoir d'une prochaine paix nous réjouit tous; mais si à cause de nos péchés elle ne se concluait pas, nous aurions grand besoin de l'appui du Saint-Siège auprès du roi, afin de n'être pas maltraités par les Genevois.

  A012000736 

 Je vous en supplie aussi moi-même, baisant très humblement vos mains sacrées, et priant Dieu de nous faire jouir longues années des fruits de votre protection..

  A012000801 

 De plus, nous avons en ce diocèse une demoiselle laquelle, étant fort jeune, fit vœu de chasteté; quoiqu'elle soit très pieuse, elle ne veut pas néanmoins entrer en Religion, et dans le monde elle rencontre de grandes difficultés pour l'observation de ce vœu.

  A012000801 

 Je supplie donc Votre Seigneurie de vouloir bien nous donner le pouvoir de lui accorder la dispense requise, et de me pardonner si j'ose recourir à Elle avec tant de liberté, car son infinie bonté seule en est cause..

  A012000938 

 Pour toutes ces choses nous n'avons, après Dieu, rien à espérer sinon de la Sainteté et bonté de notre Saint-Père et du zèle de Votre Seigneurie, à qui je baise très humblement les mains..

  A012000947 

 Et au progres des discours que j'ay eu avec luy, j'ay treuvé que le Roy et ses gens sont fort disposés a nous rendre nos biens, c'est a dire les biens de nostre Chapitre qui sont riere Gex, mais il desireroit d'en estre recherché et pressé par Sa Sainteté.

  A012000947 

 Nous voici a Lion pour apprendre de monsieur le baron de Lux, lieutenant au gouvernement de Bourgoigne [84] et de Bresse, Verromey et Gex, ce que nous avons a faire pour le restablissement de la religion catholique au balliage de Gex, suivant la lettre que le Roy de France en a escritte a Monseigneur le R me Evesque, de laquelle je vous envoye copie.

  A012000948 

 Je vous prieray donq de l'accompagner ou monsieur Reydet, en la donnant, d'une declaration un peu ample de la necessité que nous avons de l'assistence du Saint Siege, du dommage que cela fera a l'heresie et du grand honneur qui en reussira a la sainte Eglise..

  A012000950 

 De vostre part nous nous promettons toute faveur, et de nostre monsieur Reydet..

  A012000950 

 Saches au reste que nous sommes fort en affaires pour ce respect, monsieur Rogex et moy, et des fondemens que nous voyons ne pouvons conclure sinon que si nous sommes aydés de ceux qui peuvent et doivent le faire, non seulement cela se fera, mais de plus grandes choses.

  A012001008 

 Je me propose toutefois de revenir au plus tôt pour le saint Jubilé de Thonon, surtout s'il est vrai, comme on nous le dit, que nous jouirons alors du bienfait de la présence de Votre Seigneurie Illustrissime qui sera, de toute façon, très utile et très fructueuse..

  A012001025 

 Nous avons deux proces, ou mediatement ou immediatement, avec le procureur Chappaz: l'un est en estre, celuy des Miucet; l'autre n'est qu'au projet dudit Procureur, qui est celuy quil prætendoit mouvoir pour la [95] mayson de monsieur Jan de la Thuille.

  A012001026 

 Au bout de la, n'ayant autre a faire avec luy, il ni aura aucune rayson pour laquelle nous ne puissions le recevoir a la commune amitié que le voysinage requiert.

  A012001026 

 Et ce pendant, au progres de ses deportemens en nostre endroit, nous reconnoistrons si nous devrons avancer en familiarité et confiance, ou si nous devrons nous tenir en posture de defiance.

  A012001026 

 Je vous prie de bien pratiquer le saint mot de l'Apostre: Tu autem, vince in bono malum et de procurer que ma mere en face de mesme; nostre nature nous y porte et en devons faire gloire, car chi l' aspetta la vince.

  A012001026 

 Ou ce bon homme veut a bon escient nostre amitié, et nous ne la luy devons pas refuser; ou il la veut seulement apparemment, et telle il la luy faudra donner, et, en peu de tems, au soleil la neige se fondra et l'ordure sera descouverte.

  A012001046 

 Nous ne sommes pas contens de si peu, car nous demandons tout, tant pour l'exercice, qui va premier, que pour les biens; non seulement par ce que cela nous accommodera, mais encor plus par ce que cela incommodera la religion huguenotte, laquelle devant estre entretenue aux despens du peuple, manquera bien tost et indubitablement.

  A012001046 

 Sur quoy monsieur de Lux nous renvoye au Roy et a son Conseil ou je vay pour cest effect, appuÿé de tant de rayson que, pour peu qu'elle soit aydee, nous serons victorieux..

  A012001047 

 Monseigneur le Nonce de France escrit a Monsieur le R me quil a charge de nous ayder, quil a commencé a le faire, quil trouve le Roy disposé, quil ne faut que bien solliciter et instruire.

  A012001047 

 Or, Dieu merci et vous, le Pape nous veut ayder; cela y est extremement requis.

  A012001049 

 Nous verrons que ce fut; de quel costé qu'aille la barque, le port m'en sera aggreable.

  A012001054 

 Monsieur Desdiguieres se treuv'a Gex le jour que nous y fusmes; [100] les ministres recoururent a luy, ausquelz il dit quil ni avoit remede, que le Roy le vouloit, mais quilz gardassent tant quilz pourroyent les biens d'Eglise, car cela maintiendroit leur religion non obstant nostr'exercice..

  A012001054 

 Nous avons laissé a Gex messieurs les chanoynes de Sales, Grandis, Bochuti.

  A012001054 

 Nous sommes incroyablement redevables a la pieté et religion de monsieur de Lux, quil a fait paroistre en toute sa negociation.

  A012001069 

 Apres que la court a esté de retour en ceste ville, Monseigneur le Nonce a pris la peyne d'aller chez monsieur de Villeroy, auquel Sa Majesté nous avoit addressé pour traitter, et la j'ay bien eu a desbattre pour nos pretentions.

  A012001069 

 Je suis marry que la despence soit si grande que des-ja nous soyons en faute d'argent; toutefois, ce n'est ni faute d'espargne ni faute de soin, mays parce que tout nous a esté fort cher.

  A012001069 

 Neanmoins, a la fin, j'ay donné ma requeste fondamentale, sur laquelle il me dit que le Conseil nous feroit droit et justice, et que nous n'en doutassions point.

  A012001070 

 Nous avons un Nonce plein de tres bonne volonté et qui s'employe de courage.

  A012001071 

 Nous n'avons aucunes nouvelles qui vaillent l'escrire, qui me fera finir par la tres humble reverence que je vous fay, vous baysant les sacrees mains, et priant Dieu qu'il vous donne, Monseigneur, ce que vous doit desirer et souhaitter.

  A012001089 

 Mays pour le second, la resolution ne s'en est encor pas peu prendre; ce sera neantmoins dans peu de jours, si mon credit ne manque en ceste ville, si non pour le tems que nous desirerions, au moins sera ce quelque chose autour.

  A012001093 

 Il s'est icy parlé de guerre, mais vaynement et sans occasion; je croy que Dieu nous continuera la paix.

  A012001095 

 J'escriray a Monseigneur le R me mon Evesque touchant le saint desir de nostre bon P. Juvenal, affin que nous puissions avoir tant de consolation que de le voir en nostre diocæse, et pour un si bon sujet; ce seroit bien!le vray accomplissement de mes contentemens.

  A012001115 

 L'affaire pour la sollicitation duquel je suis icy est de si delicate conduitte et bigearre poursuitte que je n'ose encor vous en rien promettre, si ce n'est que je continueray d'y mettre tout le soin et affection que vous desires pour le faire resoudre; ce que j'espere pouvoir bien tost obtenir, sinon avec toutes les bonnes conditions que tous les bons desirent, au moins avec quelque advantage qui nous puisse servir de sujet pour une meilleure esperance.

  A012001134 

 J'apprehende infiniment de m'en retourner sans autre expedition que d'esperances; neantmoins ma conscience me tesmoigne que j'ay fait tout ce que je pouvois, et estime que si la moisson ne suit pas de si pres le travail et la semence que j'ay fait en ce voyage, elle s'en recueillira neantmoins une fois et dans quelques moys; en fin, qu'en faysant nostre devoir et ce qui est en nous, il faut subir les effectz que la providence de Dieu a establis..

  A012001152 

 Ce ne sera pas, a l'adventure, avec tout le contentement que nous desirions: il faut tirer du feu ce que l'on en peut sauver.

  A012001189 

 J'ay receu vostre lettre du 17 avril, et, pour response, je vous diray que nous allons avançant le plus que nous pouvons aupres de Madame, affin que vous puissies recevoir la consolation de vostre retour que vous desires; non que j'y puisse guiere, mais j'y contribue et contribueray le soin que je pourray, et voy Madame asses disposee; niais les executions des desseins sont un petit lentes et tardifves, non seulement en cela, mais en tout le reste.

  A012001189 

 Je suis seulement marri que monsieur de Saint Evroul, qui peut plus quo tous, s'en va de ceste ville pour plusieurs jours; [113] neanmoins je le presseray qu'avant son despart nous puissions ensemblement donner une secousse a l'esprit de Madame, pour faire esclorre une bonne et entiere resolution..

  A012001190 

 Touchant monsieur le President, il n'a esté fasché sinon par ce qu'on luy a exaggeré que vous escrivies a Madame que luy seul estoit cause du proces, et seul d'opinion quii fut soustenable, et que les voix quii se promettoit pour nous n'estoyent que vanité; et così discorrendo.

  A012001216 

 Je m'attendois avec beaucoup de desir de vous aller voir a Pontoise au jour que nous avions choysi; mais il faut que je me mortifie et que je perde du tout l'esperance en ce grand contentement, ou que je differe a un autre tems, car mes affaires me tiennent assiegé et a la gorge, en sorte que je ne puis m'eschapper.

  A012001295 

 Mais je vous escris pour vous supplier de vouloir favoriser toute ceste maison, et moy particulierement, en un'occasion que nous pensons estre a nostre propos..

  A012001296 

 C'est ce qui nous a fait penser a un autre remede, qui est d'emprunter sil se peut, quelque bonne somme de deniers, pour, par apres, vendre et mesnager a l'aise nos desseins; et nous sommes advisés de monsieur de Prangin, lequel on estime en semblables occasions asses bon medecin, pour autant quil a les drogues necessaires, pourveu que son urgent soit bien asseuré.

  A012001296 

 Et pour le reste, si on en pouvoit treuver d'avantage, nous nous essayerions de treuver caution bonne et raysonnable, et payerions les interestz comme il seroit traitté, fort bien et sans peyne..

  A012001296 

 Je pense que vous aures sceu que ma mere et mes freres, avec le reste de casa, ont achepté la terre de Thorens de madame la Duchesse de Mercœur, pour le prix de 6000 escus d'or, et pense aussi que vous sçavés que ce n'a peu estre sur la confiance d'aucun tresor que nous eussions en main.

  A012001296 

 Or, en cas quil le voulut, nous [125] nous essayerions de le luy bien asseurer, et, au moins pour mille escus, estimons-nous que monsieur Muneri nous fera le bien de nous cautionner, d'autant que c'est la somme laquelle, ou environ, l'hoire du Baron d'Hermence, de laquelle il est curateur, nous doit encores.

  A012001296 

 Reste quatre mille escus, lesquelz nous ne pouvions assembler que par l'exaction de l'argent qui nous est deu et par des ventes d'autres biens, et des engagemens; mais tout cela ne se peut bien faire qu'avec du loisir, comme vous pouves penser.

  A012001297 

 Et pour ce regard, la vielle amitié quil vous a pleu de nous porter, et a toute ceste mayson, nous a donné confiance de vous supplier de nous faire ce bon office en quelque façon que ce soit, ou par l'entremise d'amis ou par vous-mesme, comme vous jugerés plus a propos.

  A012001297 

 Nous vous en supplions donques humblement, et de nous en donner les advis le plus tost que vostre commodité le permettra..

  A012001297 

 Reste maintenant que quelcun nous face ce bien que de prendre la peyne de sonder si monsieur de Prangin y voudroit entendre, ou bien, a faute de luy, sil se pourroit trouver quelqu'un autre, ou en Valey ou ailleurs de ce costé la qui le voulut faire.

  A012001298 

 Je remetz en fin toute ceste conduitte a vostre prudence et a la bonne et entiere amitié que vous nous portes, sans vous en dire plus de paroles, sinon que la somme que nous desirerions seroit de trois mille, deux mille ou au moins mille escus..

  A012001328 

 Mais, ô misère de notre temps! après avoir fait tant de démarches pour cette sainte négociation, à peine avons-nous gagné l'autorisation de célébrer les saints mystères en trois localités, avec la concession à cet effet, d'un revenu annuel pour nos prêtres.

  A012001328 

 Quant au reste, le roi lui-même nous représenta la dureté des temps: « Je désirerais plus que nul autre, » dit-il, « l'entier rétablissement de la religion catholique, mais mon pouvoir n'égale pas mon bon plaisir; » et semblables propos.

  A012001351 

 Nous nous assemblâmes pour cet effet pendant quelques jours; et ce dessein ayant été mûrement examiné, nous trouvâmes qu'il était inspiré de Dieu et qu'il contribuerait à sa plus grande gloire et au salut d'un grand nombre d'âmes..

  A012001352 

 Une chose toutefois nous préoccupait: il semblait impossible d'introduire maintenant en France des Frères du même Ordre pour gouverner ce monastère.

  A012001354 

 [133] Cette grâce, la vertueuse princesse, un grand nombre d'autres chrétiennes, et moi avec elles, nous la sollicitons par de très humbles instances..

  A012001392 

 Mays si ces defautz sont petitz, comme il peut sembler a quelques unes, n'estes vous pas beaucoup moins excusables de ne les pas corriger? Quelle misere, disoit aujourd'huy saint Chrisostome en l'homelie de l'Evangile de sainte Cecile, de laquelle nous faisons la feste; quelle misere, disoit il, de voir une trouppe de filles avoir [140] combattu, battu et vaincu le plus fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair, et neanmoins se laisser vaincre a ce chetif ennemy, mammon, dieu des richesses.

  A012001398 

 Il nous faut manger le beurre et le miel avec Nostre Seigneur, adoucir nos espritz et nous humilier, choisissant le bien et rejettant le mal.

  A012001398 

 Le vray amour de nos maysons nous rend jaloux de leur perfection reelle, et non de leur reputation seulement.

  A012001398 

 Mais prenes garde, je vous supplie; car l'amour propre est rusé, il se fourre et glisse par tout, et nous fait accroire que ce n'est pas luy.

  A012001401 

 Il n'est pas requis en un homme laïc et mondain de s'appuyer en la providence de Dieu en la sorte que nous [146] autres ecclesiastiques devons faire; car il nous est defendu de thesaurizer et faire marchandises, mais il n'est pas defendu aux mondains; ni les ecclesiastiques seculiers ne sont pas obligés d'esperer en ceste mesme Providence comme les Religieux; car les Religieux y doivent esperer si fort qu'ilz n'ayent aucun soin de leur particulier pour avoir des moyens.

  A012001402 

 Faysons ce que nous devons, chacun selon sa condition et profession, et Dieu ne nous manquera point.

  A012001403 

 Ainsy celuy nous doit aggreer qui procure nostre bien, quoy qu'il soit de tout point desaggreable et fascheux.

  A012001403 

 J'ay accoustumé de dire que nous devons recevoir le pain de correction avec beaucoup d'estime, encor que celuy qui le porte soit desaggreable et fascheux, puisque Helie mangeoit le pain [148] porté par les corbeaux.

  A012001405 

 Lhors vostre Espoux vous regardera avec ses Anges, comme nous faysons les abeilles quand elles sont doucement empressees a la confection de leur miel, et je ne doute point que ce saint Espoux ne parle a vostre cœur pour vous dire ce qu'il dit a [149] son serviteur Abraham: Chemines devant moy et soyes parfait; entrés plus avant au desert de la perfection.

  A012001425 

 Vous verres, Dieu aydant, le reste dans peu de jours que nous nous promettons l'honneur de vostre presence et de celle de madame ma tante, ma seur, ma commere, a laquelle, pour son arrivee, je garde le baiser solemnel, si elle m'en juge encor digne.

  A012001459 

 Il ni a remede: nous aurons tous-jours besoin du lavement des piedz, puisque nous cheminons sur la poussiere.

  A012001459 

 Nostre bon Dieu nous face la grace de vivre et mourir en son service..

  A012001517 

 Je désirais informer Votre Seigneurie Révérendissime de toutes ces choses, et la supplier, puisque le Seigneur notre Dieu nous a unis par une même vocation (car, à ce qu'on me dit, nous avons été préconisés le même jour), de daigner aussi, bien que j'en sois indigne, me tenir étroitement uni à Elle dans son cœur.

  A012001519 

 En attendant je baise humblement les mains de Votre Révérendissime Seigneurie, et je prie Dieu de nous guider dans ces voies difficiles du gouvernement des églises, et que son bon [161] Esprit nous conduise dans la terre droite, moi surtout qui suis maintenant dans ce pays montueux et tortueux, appartenant à des provinces diverses, et où règne l'abomination de la désolation.

  A012001519 

 J'espère cette année faire un voyage en Piémont pour visiter l'église de Notre-Dame de Mondovì; à cette occasion je ne manquerai pas de me rendre là où se trouvera Votre Révérendissime Seigneurie, affin que, la main dans la main et bouche à bouche, nous renouvelions cette amitié qui ne peut vieillir, mais dont le sentiment toutefois s'accroit par la présence.

  A012001536 

 Il condescend a nostre infirmité: il voit nostre goust spirituel affadi, il nous donne un petit de saulce, non affin que nous ne mangions que la saulce, mais affin qu'elle nous provoque a manger la viande solide.

  A012001536 

 Quand nous ne nous arrestons pas en iceux, mays que nous nous en servons comme de recreation, pour par apres faire plus constamment nostre besoigne et l'œuvre que Dieu nous a donné en charge, c'est bon signe; car Dieu nous en donne quelquefois pour cest effect.

  A012001537 

 Secondement, les bons sentimens ne nous suggerent point de pensee d'orgueil, mays au contraire, si le malin prend occasion d'iceux de nous en donner, ilz nous fortifient a les rejetter; si que la partie superieure demeure toute humble et sousmise, reconnoissant que Caleb et Josué n'eussent jamais rapporté le raysin de la terre [164] de promission pour amorcer les Israëlites a la conqueste d'icelle, s'ilz n'eussent pensé que leurs courages estoyent foibles et avoyent besoin d'estre piqués.

  A012001537 

 Si qu'en lieu de s'estimer quelque chose par le sentiment, la partie superieure juge et reconnoist sa foiblesse, et s'humilie amoureusement devant son Espoux, qui respand son bausme et son parfum affin que les jeunes fillettes et tendres aines comme elle, le reconnoissent, l'ayment et le suivent; la ou le mauvais sentiment nous arrestant, en lieu de nous faire penser a nostre foiblesse, nous fait penser qu'il nous est donné pour recompense et guerdon..

  A012001538 

 Bref, le bon ne desire point d'estre aymé, mais seulement que l'on ayme Celuy qui le donne, non qu'il ne nous donne sujet de l'aymer, mais ce n'est pas cela qu'il cherche; la ou le mauvais veut que l'on l'ayme sur tout.

  A012001538 

 Et partant, le bon ne nous empresse pas a le rechercher ni a le caresser, mais la vertu [qu'il] nous procure; le mauvais nous empresse et inquiete a le rechercher incessamment..

  A012001538 

 Le bon sentiment passé ne nous laisse pas affoiblis, mais fortifiés, ni affligés, ains consolés; le mauvais, au contraire, arrivant nous donne quelque allegresse, et partant, nous laisse pleins d'angoisses.

  A012001538 

 Le bon sentiment, a son despart, nous recommande qu'en son absence nous caressions, servions et suivions la vertu pour l'advancement de laquelle il nous avoit esté donné; le mauvais nous fait croire qu'avec luy la vertu s'en va et que nous ne la sçaurions bien servir.

  A012001542 

 Vous sçaves que Dieu veut en general qu'on le serve, en l'aymant sur tout, et nostre prochain comme nous mesmes; en particulier, il veut que vous gardies une Regle: cela suffit, il le faut faire a la bonne foy, sans finesse et subtilité, le tout a la façon de ce monde, ou la perfection ne reside pas; a l'humaine et selon le tems, en attendant un jour de le faire a la divine et angelique et selon l'eternité.

  A012001543 

 De la s'ensuit que nous ne devons pas nous estonner de nous voir imparfaitz, puisque nous ne nous devons jamais voir autrement en ceste vie; ni nous en contrister, car il n'y a remede; ouy bien nous en humilier, car par la nous reparerons nos defautz, et nous amender doucement; car c'est l'exercice pour lequel nos imperfections nous sont laissees, n'estans pas excusables de n'en rechercher pas l'amendement, ni inexcusables de [167] ne le faire pas entierement, car il n'en prend pas des imperfections comme des pechés..

  A012001543 

 En voyci deux raysons: l'une, que pour neant examinons-nous cela, puisque, quand nous serions les plus parfaitz du monde, nous ne le devons jamais sçavoir ni connoistre, mais nous estimer tous-jours imparfaitz.

  A012001543 

 Nostre examen ne doit jamais tendre a connoistre si nous sommes imparfaitz, car nous n'en devons jamais douter.

  A012001563 

 Et croyés moy, Madame, le soin le plus parfait c'est celuy qui approche du plus pres au soin que Dieu a de nous, qui est un soin plein de tranquillité et de quietude, et qui, en sa plus grande activité, n'a pourtant nulle esmotion et, n'estant qu'un seul, condescend neanmoins et se fait tout a toutes choses..

  A012001624 

 Aussi bien faut il que tous, les uns apres les autres, nous en sortions selon l'ordre qui est establi; et les premiers ne s'en trouvent que mieux, quand ilz ont vescu avec soin de leur salut et de leur ame, comme a fait monsieur mon oncle et mon aisné, duquel la conversation a esté si douce et si utile a tous ses amis, que nous, qui avons esté de ses plus familiers et intimes, ne sçaurions nous empeseher d'avoir beaucoup de regret de la separation qui s'en est faitte.

  A012001624 

 C'est la principale pensee que nos amis decedés requierent de nous, en laquelle je vous supplie de vous entretenir, laissant les desmesurees tristesses pour les espritz qui n'ont point de telles esperances..

  A012001624 

 Ce sera la ou nous accomplirons et parfairons sans fin les bonnes et chrestiennes amitiés que nous n'avons fait que commencer en ce monde.

  A012001624 

 Et ce desplaysir ne nous est pas defendu, pourveu que nous le moderions par l'esperance que nous avons de ne demeurer gueres separés, mays que dans peu de tems nous le suivrons au Ciel, lieu de nostre [177] repos, Dieu nous en faysant la grace.

  A012001624 

 Mais j'estime que vous aves tant de charité et de crainte de Dieu, que, voyant son bon playsir et sainte volonté, vous vous y accommoderes, et adoucirés vostre desplaysir par la consideration du mal de ce monde, qui est si miserable que, si ce n'estoit nostre fragilité, nous devrions plustost louer Dieu quand il en oste nos amis que non pas nous en fascher.

  A012001660 

 Il ne suffit pas de croire que Dieu nous peut secourir par toutes sortes d'instrumens; mais il faut croire qu'il ne veut pas y employer ceux qu'il esloigne de nous, et qu'il veut employer ceux qui sont pres de nous.

  A012001660 

 Premierement, croyés fermement, je vous supplie, que l'opinion que vous aves de ne devoir recevoir allegement de Dieu que par moy est une pure tentation de celuy qui a accoustumé de nous mettre des objetz esloignés en consideration, pour nous oster l'usage de ceux qui nous sont presens.

  A012001663 

 Il est bon d'empescher cette multiplication de desirs, de peur que nostre ame ne s'y amuse, laissant ce pendant le soin des effectz, desquelz, pour l'ordinaire, la moindre execution est plus utile que les grans desirs des choses esloignees de nostre pouvoir, Dieu desirant plus de nous la fidelité aux petites choses qu'il met en nostre pouvoir que l'ardeur aux grandes qui ne dependent pas de nous..

  A012001680 

 Et quant a celles de ce pais, elles sont si desagreables que je ne pense pas vous en devoir entretenir, puis qu'elles ne consistent qu'en volleries et pilleries que font ceux de Geneve sur nous, et particulierement sur les gens d'Eglise qui seulz ne sont receuz a aucune contribution [185] ni composition, dont s'en est ensuivi l'abandonnement d'une grande quantité d'eglises.

  A012001680 

 Nostre Seigneur y veuille mettre sa bonne main pour nous donner sa sainte paix..

  A012001710 

 Mais il n'en est pas ainsy; car bien souvent nous nous embarquons et mettons la voile au vent estans tres cacochymes, et plus nous voguons et avançons en la haute mer, plus nous acquerons de mauvaises humeurs.

  A012001735 

 Reste que je parle de moy, qui suis tres marri de ne pouvoir si tost chevir du payement de Thorens; mais [195] j'espere que Madame aura quelque consideration au malheur qui nous accable de deça et auquel Thorens mesme a une grande part.

  A012001754 

 C'est pourquoy j'envoye le porteur aupres de vous, Monsieur, pour vous les representer, estimant de ne treuver pas moins de faveur pour nostre droit que nous y en avons tous-jours treuvé, et que je me prometz d'en treuver ci apres..

  A012001755 

 Cependant, et moy et tous les ecclesiastiques qui sont icy, nous prierons Dieu pour vostre santé, et je demeureray,.

  A012001769 

 Dieu neanmoins nous fait des consolations en ce que jamais nos ennemis ne sont rencontrés quilz ne soyent battus.

  A012001789 

 Cependant, je me recommande a vos oraysons, et prie reciproquement Nostre Seigneur quil vous accompagne de ses graces et nous donne a tous l'esprit et zele de son service, qui est ce que doit desirer,.

  A012001822 

 Les fievres spirituelles, aussi bien que les corporelles, sont ordinairement suivies de plusieurs ressentimens, qui sont utiles a celuy qui guerit pour plusieurs raysons, mais particulierement parce qu'ilz consument les restes des humeurs peccantes qui avoyent causé la maladie, affin qu'il n'en demeure pas un brin; et parce que cela nous remet en memoire le mal passé, pour faire craindre de la recheute, a laquelle bien souvent nous nous porterions par trop de licence et de liberté, si les ressentimens, comme menaces, ne nous retenoyent en bride pour nous faire prendre garde a nous jusques a ce que nostre santé soit bien confirmee..

  A012001824 

 Sçachés que la vertu de patience est celle qui nous asseure le plus de la perfection, et s'il la faut avoir avec les autres, il faut aussi l'avoir avec soy mesme.

  A012001825 

 Il faut confesser la verité, nous sommes des pauvres gens qui ne pouvons gueres bien faire; mais Dieu, qui est infiniment bon, se contente de nos petites besoignes, et a aggreable la preparation de nostre cœur.

  A012001826 

 Mays au bout de la, il faut chercher qui le face; car quand ce vient a la prattique, nous demeurons courtz, et voyons que ces perfections ne peuvent estre si grandes en nous ni si absolues.

  A012001827 

 Il faut, pour bien cheminer, nous appliquer a bien faire le chemin que nous avons plus pres de nous, et la premiere journee, et non pas s'amuser a desirer de faire la derniere pendant qu'il faut faire et devuider la premiere..

  A012001827 

 Je ne veux pas dire qu'il ne faille se mettre en chemin de ce costé la; mais il ne faut pas desirer d'y arriver en un jour, c'est a dire en un jour de cette mortalité, car ce desir nous tourmenteroit, et pour neant.

  A012001828 

 Cheres imperfections, qui nous font reconnoistre nostre misere, nous exercent en l'humilité, mespris de nous mesmes, en la patience et diligence, et nonobstant lesquelles Dieu considere la preparation de nostre cœur, qui est parfaitte..

  A012001828 

 Je vous diray ce mot, mais retenes le bien: nous nous amusons quelquefois tant a estre bons Anges, que nous en layssons d'estre bons hommes et bonnes femmes.

  A012001828 

 Nostre imperfection nous doit accompaigner jusques au [204] cercueil.

  A012001828 

 Nous mourons petit a petit; il faut aussi faire mourir nos imperfections avec nous de jour en jour.

  A012001828 

 Nous ne pouvons aller sans toucher terre; il ne faut pas s'y coucher ni vautrer, mais aussi ne faut il pas penser voler; car nous sommes des petitz poussins qui n'avons pas encores nos aisles.

  A012001830 

 Allons terre a terre, puisque la haute mer nous fait tourner la teste et nous donne des convulsions.

  A012001830 

 Tenons nous aux piedz de Nostre Seigneur avec la sainte Magdeleine de laquelle nous celebrons la feste; pratiquons certaines petites vertuz propres pour nostre petitesse.

  A012001831 

 Pensons seulement a bien faire aujourd'huy; et quand le jour de demain sera arrivé il s'appellera aussy aujourd'huy, et lhors nous y penserons.

  A012001832 

 Ce sera vostre bonheur si vous n'aves nul autre que le doux Jesus, lequel, comme il ne veut pas que l'on mesprise la conduitte de ses serviteurs quand on la peut avoir, aussi quand elle nous defaut, il supplee pour tout; mais ce n'est qu'a cette extremité, a laquelle si vous estes reduitte, vous l'experimenteres..

  A012001857 

 Je vous supplie, Monsieur, de le faire et de moderer l'affection de monsieur de la Bastie, puis [209] que mesme le sieur lieutenant civil et criminel de Gex nous a renvoyé tous deux devers vous pour estre reglés sur l'intelligence de vostre ordonnance, laquelle, bien qu'elle soit tres claire, on veut neanmoins obscurcir..

  A012001953 

 Madame pourra treuver estrange le retardement de son payement de Thorens; mais il n'est pas croyable combien nous avons eu de difficultés jusques a present pour ces troubles des guerres, qui ne font que de finir.

  A012002106 

 De leur part, c'était une pure perfidie, mais, le croirait-on? elle nous fut propice et singulièrement profitable, car le duc s'autorisant de leur foi violée, rendit ces peuples à la foi chrétienne, celle-là inviolable.

  A012002108 

 Nous avions devant nous soixante-quatre paroisses; or, si l'on excepte les officiers catholiques du duc, qui n'en voulut jamais avoir que de tels, on n'eût pas trouvé une centaine de fidèles sur une population de plusieurs milliers d'âmes.

  A012002108 

 « La trêve, » disaient-ils, « n'est qu'une trêve, la paix n'est point conclue; bientôt nous chasserons par les armes duc et prêtres, et notre parti, défiant toute insulte, restera seul triomphant.

  A012002139 

 Far exemple, nous avons près d'ici le prieuré de Talloires, maison de fondation très illustre, et, près de Genève, le prieuré de Contamine et l'abbaye d'Entremont; le premier dépend de l'Abbé de Savigny en France, [241] le second de l'Abbé de Cluny, la troisième de l'Abbé de Saint-Ruph de Valence.

  A012002147 

 Ce billet n'est point cacheté, et je n'en ay aucune inquietude; car, par la grace de nostre Dieu, nous ne sommes plus en ce fascheux tems ou il nous failloit cacher necessairement pour nous escrire en termes d'amitié, et pour nous dire quelque parole de consolation.

  A012002190 

 Ce sentiment, le mobile à peu près unique de nos Pères, a suffi pour me décider à vous écrire, surtout quand une dignité ecclésiastique toute semblable, et un sujet d'affliction tout pareil, quoique en sens inverse, établissent entre nous un singulier rapprochement.

  A012002192 

 Cet homme, qui rend un tel hommage à vos mérites, me fit savoir, étant sur son départ, que s'il pouvait vous présenter une attestation de la vie honorable qu'il a menée parmi nous, cela lui serait, en toutes circonstances, d'une précieuse utilité.

  A012002192 

 Je lui ai témoigné trop d'amitié pendant qu'il était ici pour lui refuser, maintenant qu'il nous quitte, cette marque d'affection.

  A012002219 

 M. de la Porte est en ces quartiers, qui prendra quelque argent de nous, ainsy qu'il m'escrit, et que Madame de Mercœur m'a commandé de luy donner en deduction de nostre dette envers elle.

  A012002284 

 Je puis dire que ce fut sans ma faute que nous laissasmes retourner vostre laquais sans response a la lettre que vous aves pris la peyne de m'escrire.

  A012002286 

 Je n'attendis pas, croyés le bien je vous supplie, de recommander son ame a Nostre Seigneur que vous m'en eussies adverti, mais luy rendis ce devoir sur le champ a la premiere nouvelle; et n'eusse pas retardé non plus a vous escrire pour vous faire la ceremonieuse offrande du service de nostre mayson et du mien en particulier, si je n'eusse sceu que vous nous croyes tout vostres pour une bonne fois, sans qu'il soit necessaire d'en renouveller si souvent [261] les reconnoissances.

  A012002302 

 Saint Paul nous commande d'honnorer les vefves qui sont vrayement vefves; mays celles qui n'ayment pas leur viduité ne sont vefves qu'en apparence, leur cœur est marié.

  A012002303 

 Gardés vous des empressemens et inquietudes, car il n'y a rien qui nous empesche plus de cheminer en la perfection.

  A012002323 

 Il faut considerer le prochain en Dieu, qui veut que nous l'aymions et caressions.

  A012002324 

 Mais en tout ceci prenes garde soigneusement que monsieur vostre mari, vos domestiques et messieurs vos parens ne soyent point offencés par des trop longs sejours aux eglises, des trop grans retiremens et abandonnement du soin de vostre mesnage, ou, comm'il arrive quelquefois, vous rendant contrerolleuse des actions d'autruy ou trop desdaigneuse des conversations ou les regles de devotion ne sont pas si exactement observees; car en tout cela il faut que la charité domine et nous esclaire, pour nous faire condescendre aux volontés du prochain en ce qui ne sera point contraire aux commandemens de Dieu..

  A012002364 

 Il est vray que nous disons et affermons, et que vous niés et rejettés.

  A012002364 

 L'Eglise a tous-jours esté combattue par cette mesme façon; mais vos negatives doivent estre preuvees par une mesme sorte de preuve qu'est celle que vous exigés de nous, car c'est a celuy qui nie de preuver, quand il nie contre la possession et que sa negative sert de fondement a son intention.

  A012002365 

 Nous marchons sur leurs pas et suivons leurs traces.

  A012002367 

 Il ne seroit pas possible de faire avec proffit des conferences par escrit entre nous, nous sommes trop esloignés de sejour; et que pourrions nous escrire qui n'ait esté repeté cent fois? Si la commodité le permettoit, croyes que je ne la refuserois pas, non plus que je ne la refuseray pas aux sieurs ministres de Geneve, mes voysins, quand il la desireront en bons termes..

  A012002402 

 Dieu nous face la grace de vivre et mourir en son amour et sil luy plait, pour son amour.

  A012002440 

 Encor faut il que je vous die, pour coupper chemin a toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre cœur, que je n'ay jamais entendu quii y eut nulle liayson entre nous qui portast aucune obligation, sinon celle de la charité et vraÿe amitié chrestienne, delaquelle le lien est appellé par saint Paul le lien de perfection, et vrayement il l'est aussi, car il est indissoluble et ne reçoit jamais aucun relaschement.

  A012002440 

 Voyla, ma bonne Seur (et permettes moy que je vous appelle de ce nom, qui est celuy par lequel les Apostres et premiers Chrestiens exprimoyent l'intim'amour qu'ilz s'entreportoyent), voyla nostre lien, voyla nos chaysnes, lesquelles plus elles nous serreront et presseront, plus elles nous donneront de l'ayse et de la liberté.

  A012002443 

 C'est le bon Jesus qu'il nous faut enfanter et produire en nous mesmes; vous en estes grosse, ma chere Seur, et beni soit Dieu qui en est le Pere.

  A012002444 

 C'est trop vous entretenir; je m'arreste, priant ce celeste [287] Enfant qu'il vous rende digne de ses graces et faveurs, et nous face mourir pour luy, ou au moins en luy.

  A012002522 

 Mais les anciens Evesques n'en faysoyent pas moins, et la communication que vous me permettes d'avoir avec vous m'est d'autant plus douce que nous sommes plus esloignés l'un de l'autre; car je pense que c'est de la largeur ou longueur du royaume de France.

  A012002523 

 Dieu, par sa bonté, nous rende dignes de l'office auquel il nous appelle.

  A012002560 

 » Cette consideration nous doit donner courage, car Dieu en cet exercice nous assiste specialement; et c'est merveille combien la predication des Evesques a un grand pouvoir au prix de celle des autres predicateurs.

  A012002561 

 Ne sommes nous pas asses versés pour expliquer l' In principio de saint Jan? laissons-le la; il ne manque pas d'autres matieres plus utiles.

  A012002561 

 Ne sçaurions-nous bien parler du mystere de la Trinité? n'en disons rien.

  A012002562 

 Quant a la bonne vie, elle est requise en la façon que dit saint Paul de l'Evesque, et non plus; de façon qu'il n'est pas besoin que nous soyons meilleurs pour estre predicateurs que pour estre Evesques.

  A012002564 

 Saint Bernard nous instruit disant: Clamant pauperes post nos: « Nostrum est quod » expenditis, « nobis crudeliter eripitur quidquid inaniter expenditur.

  A012002564 

 » Comme reprendrons nous les superfluités du monde si nous faysons paroistre les nostres?.

  A012002566 

 Chose certaine, que Nostre Seigneur estant en nous reellement, il nous donne claireté, car il est la lumiere.

  A012002575 

 Saint François, duquel aujourd'huy nous faysons la feste, explique cela, commandant a ses Freres de prescher les vertuz et les vices, l'enfer et le Paradis.

  A012002576 

 Au contraire donq il faut s'en servir, car ilz ont esté les instrumens par lesquelz Dieu nous a communiqué le vray sens de sa Parole..

  A012002583 

 La premiere partie de cette matiere ce sont les passages de l'Escriture, lesquelz a la verité tiennent le premier [307] rang et font le fondement de l'edifice; car en fin nous preschons la parole, et nostre doctrine gist en l'authorité.

  A012002590 

 Secondement, ou il n'y a pas une tres grande apparence que l'une des choses ayt esté la figure de l'autre, il ne faut pas traitter les passages l'un comme figure de [309] l'autre, mais simplement par maniere de comparayson; comme, par exemple, le genevrier sous lequel Helie s'endormit de detresse est interpreté allegoriquement par plusieurs de la Croix; mais moy j'aymerois mieux dire ainsy: Comme Helie s'endormit sous le genevrier, ainsy nous devons reposer sous la Croix de Nostre Seigneur par le sommeil de la sainte meditation; et non pas: Ainsy qu'Helie signifie le Chrestien, le genevrier signifie la Croix.

  A012002597 

 Analogiquement, Esaü represente le cors, qui est l'aisné; car avant que l'ame fust creée, le cors fut fait et en Adam et en nous.

  A012002598 

 L'amour propre est l'aisné, car il est né avec nous; l'amour de Dieu est puisné, car il s'acquiert par les Sacremens et penitence; et neanmoins il faut que l'amour de Dieu soit le maistre, et quand il est en une ame, l'amour propre sert et est inferieur..

  A012002598 

 Tropologiquement, Esaü c'est l'amour propre de nous mesmes; Jacob, l'amour de Dieu en nostre ame.

  A012002602 

 Il faut choisir des histoires belles et esclattantes, les proposer clairement et distinctement, et les appliquer vivement, comme font les Peres proposans l'exemple d'Abraham qui immole son filz, pour monstrer que nous ne devons rien espargner pour faire la volonté de Dieu; car ilz remarquent tout ce qui peut rendre recommandable l'obeissance d'Abraham.

  A012002616 

 Pourquoy? pour nous sauver.

  A012002617 

 Combien est ce que nous devons estre fermes a croire qu'au Saint Sacrement ce mesme cors n'occupe point de place, ne peut estre offencé par la fraction des especes, et qu'il y est en une façon spirituelle, quoy que reelle.

  A012002617 

 En l'exemple de la Resurrection: Pour la foy, nous voyons la toute puissance de Dieu, un cors passer au travers de la pierre, estre devenu immortel, impassible et tout spiritualisé.

  A012002617 

 O quel amour! Pour l'imitation: Il est resuscité le troisiesme jour; o Dieu, que ne resuscitons-nous par la contrition, confession et satisfaction? Il force la pierre; vainquons toutes difficultés..

  A012002617 

 Pour l'esperance: Si Jesus Christ est resuscité, nous resusciterons, dit saint Paul; il nous a frayé le chemin.

  A012002642 

 Nous ne devons pas chercher nostre honneur, mais celuy de Dieu; et laissés faire, Dieu cherchera le nostre.

  A012002642 

 Saint Jan mourant ne sçavoit que repeter cent fois en un quart d'heure: « Mes enfans, aymés vous les uns les autres, » et avec cette provision il montoit en chaire: et nous faysons scrupule d'y monter si nous n'avons des myrobolans d'eloquence! Laissés dire a qui alleguera la suffisance de Monsieur vostre predecesseur: il commença une fois comme vous..

  A012002657 

 Nous nous sommes bien couppé de la besoigne l'un a l'autre; nos desirs de servir Dieu et son Eglise (car je confesse que j'en ay, et luy ne sçauroit dissimuler qu'il n'en soit plein) se sont, ce me semble, aiguisés et animés par le rencontre..

  A012002660 

 Il n'est pas possible que vivans au monde, quoy que nous ne le touchions que des piedz, nous ne soyons embroüillés de sa puossiere.

  A012002662 

 Et puisque de cette terre miserable nous devons estre transplantés en celle des vivans, il faut retirer et desengager nos affections l'une apres l'autre de ce monde.

  A012002662 

 Je ne dis pas qu'il faille rudement rompre toutes les alliances que nous y avons contractees (il faudroit a l'adventure des effortz pour cela); mais il les faut descoudre et desnouer.

  A012002667 

 Nous nous devons a Dieu, a la patrie, aux parens, aux amis.

  A012002668 

 C'est bien assés, Monsieur, si ce n'est trop pour cette annee, laquelle s'enfuit et s'escoule de devant nous, et dans ces deux moys prochains nous fera voir la vanité de sa duree, comme ont fait toutes les precedentes qui ne durent plus.

  A012002689 

 Au repas, j'appreuverois que vous observassies de faire [334] dire le Benedicite et les Graces ecclesiastiques qui sont a la fin du Breviaire; et cela vous le pourres introduire au meste tems que vous introduires le Breviaire de Trente, ou devant, s'il vous semble, et, petit a petit, faire que chaque Dame le die a son tour; car l'Eglise ne l'a pas fait mettre sinon a fin que nous l'observions.

  A012002704 

 Courage donq, ma bonne Fille, Dieu sera avec nous..

  A012002708 

 Mais nous sommes asses pres, puisque Dieu nous joint au desir de le servir; demeurons en Dieu, et nous serons ensemble.

  A012002722 

 C'est tout ce qu'il nous faut pour le present, car vous seres assaillie sans [341] doute; mais avec l'esprit d'une douce vaillance nous chevirons de ce bon dessein, Dieu aydant.

  A012002722 

 Et pour le present, il faut bien establir l'interieur de vos Seurs et le vostre sur tout, car c'est la vraye et solide methode; et dans quelque tems nous establirons l'exterieur, a l'edification de plusieurs ames.

  A012002724 

 Il faut avoir patience en ce qu'il veut ses opinions estre suivies, car il fait tout par exces d'amitié, et j'espere qu'ainsy comme je luy escris nous gaignerons beaucoup sur luy.

  A012002733 

 Voyés, Madame ma chere Seur, si nous voulons nous obliger bien estroittement a vostre service; cela dit sans ceremonie..

  A012002748 

 Helas, tous les jours nous luy demandons que sa volonté soit faitte, et quand ce vient a la faire nous avons tant de peyne! Nous nous offrons a Dieu si souvent, nous luy disons a tous coupz: Seigneur, je suis vostre, voyla mon cœur; et quand il nous veut employer nous sommes si lasches! Comme pouvons-nous dire que nous sommes siens si nous ne voulons accommoder nostre volonté a la sienne? [347].

  A012002748 

 La premiere, c'est que Dieu le veut ainsy, et est bien la rayson que nous fassions sa volonté, car nous ne sommes en ce monde que pour cela.

  A012002749 

 C'est, en un mot, que nous voulons servir Dieu, mais a nostre volonté et non pas a la sienne.

  A012002749 

 Ce n'est pas a nous de choysir a nostre volonté; il faut voir ce que Dieu veut, et si Dieu veut que je le serve en une chose, je ne doy pas vouloir le servir en une autre.

  A012002750 

 Or, a mesure que nous aurons moins de propre volonté, celle de Dieu sera plus aysement observee..

  A012002751 

 D'ou vient cette generale inquietude des espritz, sinon d'un certain desplaysir que nous avons a la contrainte, et une malignité d'esprit qui nous fait penser que chascun est mieux que nous? Mais c'est tout un: quicomque n'est pleinement resigné, qu'il tourne deça et dela, il n'aura jamais repos.

  A012002752 

 Nostre Seigneur sçait bien ce qu'il fait; faysons ce qu'il veut, demeurons ou il nous a mis..

  A012002754 

 Et qu'est ce que nous faysons qui approche en difficulté a cela?.

  A012002755 

 Pensés souventesfois que tout ce que nous faysons a sa vraye valeur de la conformité que nous avons avec la volonté de Dieu: si qu'en mangeant et beuvant, si je le fay parce que c'est la volonté de Dieu que je le face, je suis plus aggreable a Dieu que si je souffrois la mort sans cette intention la..

  A012002758 

 Il faut aymer ce que Dieu ayme: or, il ayme nostre vocation; aymons-la bien aussi, et ne nous amusons pas a penser sur celle des autres.

  A012002760 

 Pour la Communion, si ce n'est au gré de Monsieur vostre mari, n'excedes point pour le present les limites de ce que nous en dismes a Saint Claude: demeurés ferme, et communiés spirituellement; Dieu recevra en conte la preparation de nostre cœur..

  A012002775 

 Ce grand mouvement d'esprit qui vous y a porté presque par force et avec consolation; la consideration que j'y ay apporté avant que d'y consentir; ce que ni vous ni moy ne nous en sommes pas fiés a nous mesmes, mais y avons appliqué le jugement de vostre confesseur, bon, docte et prudent; ce que nous avons donné du loysir aux premieres agitations de vostre conscience pour se refroidir si elles eussent esté mal fondees; ce que les prieres non d'un jour ni de deux, mais de plusieurs mois ont precedé, sont indubitablement des marques infallibles que c'estoit la volonté de Dieu..

  A012002779 

 Grand cas ce me semble, ma Fille: la sainte Eglise de Dieu, a l'imitation de son Espoux, ne nous enseigne point de prier pour nous en particulier, mais tous-jours pour nous et nos freres Chrestiens: « Donnés nous, » dit elle, « accordés nous, » et en semblables termes qui en comprennent plusieurs.

  A012002779 

 Il ne m'estoit jamais arrivé, sous cette forme de parler generale, de porter mon esprit a aucune personne particuliere: despuis que je suis sorty de Dijon, sous cette parole de nous, plusieurs particulieres personnes qui se sont recommandees a moy me viennent [354] en memoire; mais vous, presque ordinairement la premiere, et quand ce n'est pas la premiere, qui est rarement, c'est la derniere pour m'y arrester davantage.

  A012002787 

 Salués tous les Saintz avec cette oraison vocale: « Sainte Marie et tous les Saintz, veuilles interceder pour nous vers Nostre Seigneur, affin que nous obtenions d'estre aydés et sauvés par Celuy qui vit et regne es siecles des siecles.

  A012002797 

 J'ay cette consolation particuliere les festes de sçavoir que nous communions ensemble..

  A012002799 

 A mesure qu'il croistra, nous penserons aux particularités requises, Dieu aydant.

  A012002800 

 Il nous faut le plus qu'il est possible agir dans les espritz comme les Anges font, par des mouvemens gracieux et sans violence.

  A012002807 

 Nous demandons a Dieu, avant toutes choses, que son nom soit sanctifié, que son royaume advienne, que sa volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A012002807 

 Tout cela n'est autre chose sinon l'esprit de liberté; car, pourveu que le nom de Dieu soit sanctifié, que sa Majesté regne en nous, que sa volonté soit faite, l'esprit ne se soucie d'autre chose..

  A012002823 

 Monsieur l'Evesque de Saluces, l'un de mes plus intimes amis et des plus grans serviteurs de Dieu et de l'Eglise qui fut au monde, est decedé despuis peu, avec un regret incroyable de son peuple, qui n'avoit joüy de ses travaux qu'un an et demi; car nous avions esté faitz Evesques ensemble et tout d'un jour.

  A012002824 

 Je suis icy lié pieds et mains; et pour vous, ma bonne Seur, l'incommodité du voyage passé ne vous estonne-elle point? Mais nous verrons entre cy et Pasques ce que Dieu voudra de nous; sa sainte volonté soit tousjours la nostre.

  A012002824 

 Vous m'escrives en un endroit de vostre lettre en façon qu'il semble que vous tenes pour resolu que nous nous reverrons un jour.

  A012002853 

 Ici, Très Saint Père, placés au front même de la bataille, nous subissons les premiers chocs de l'ennemi, dont c'est précisément la tactique de profiter de la dépravation des nôtres pour s'en prendre à la pure doctrine de l'Eglise et pour démoraliser les esprits faibles, [371] Certes, il est très affligeant qu'entre plusieurs monastères de divers Ordres établis dans ce diocèse, on n'en puisse à peine trouver un seul où la discipline ne soit ébranlée, et même tout à fait foulée aux pieds, en sorte qu'on ne voit plus même un vestige de l'antique et céleste ferveur, tant l'or s'est obscurci, tant son vif éclat s'est altéré..

  A012002856 

 Que le Christ souverain nous conserve le plus longtemps possible Votre Sainteté dans une santé parfaite..

  A012002887 

 Il a des-ja esté condamné devant les officiers de Vostre Altesse; il a neanmoins recouru a Sa Sainteté, laquelle a deputé Monsieur de Tharantayse, devant lequel il me fait appeller, et ou, j'espere, son tort sera reconnu sil ne cesse de nous travailler..

  A012002940 

 Nostre glorieuse et tressainte Maistresse et Reyne, la Vierge Marie, de laquelle nous celebrons aujourdhuy la Presentation, veuille presenter nos cœurs a son Filz et nous donner le sien.

  A012002941 

 Je vous remercie de la peyne que vous aves prise a me desduire l'histoire de vostre porte de saint Claude, et prie ce beni Saint, tesmoin de la sincerité et integrité de cœur avec laquelle je vous cheris en Nostre Seigneur et commun Maistre, quil impetre de sa sainte bonté l'assistence du Saint Esprit qui nous est necessaire pour bien entrer au repos du tabernacle de l'Eglise.

  A012002942 

 Pour vostre proces, je vous diray qu'en ayant conferé avec un des excellens hommes qui vivent, affin quil m'aydast a m'en bien esclarcir, j'ay rencontré, ce me semble, le nœud de l'affaire pour vous bien et solidement conseiller pour nostre ame, qui est a Dieu et delaquelle, pour l'amour d'icelluy, il nous faut estre fort jaloux.

  A012002946 

 L'amour propre ne meurt jamais que quand nous mourons, il a mille moyens de se retrancher dans nostre ame, on ne l'en sçauroit desloger; c'est l'aisné de nostr'ame, car il est naturel, ou au moins connaturel; il a une legion de carabins avec luy, de mouvemens, d'actions, de passions; il est adroit et sçait mille tours de souplesse.

  A012002948 

 Courage, ma chere Seur; puisque nostre volonté est a Dieu, sans doute nous sommes a luy.

  A012002948 

 Sçavés vous ce quil faut faire? Il faut prendr'en gré de ne point voler, puisque nous n'avons pas encor nos aisles..

  A012002950 

 Plus une croix est de Dieu, plus nous la devons aymer..

  A012002951 

 Tant de secheresses qu'on voudra, tant de sterilités, pourveu que nous aymions Dieu..

  A012002952 

 J'appreuve neanmoins que vous remonstriés a [386] nostre doux Sauveur, mais amoureusement et sans empressement, vostre affliction, et, comme vous dites, qu'au moins il se laisse treuver a vostre esprit; car il se plait que nous luy racontions le mal qu'il nous fait et que nous nous plaignions de luy, pourveu que ce soit amoureusement et humblement, et a luy mesme, comme font les petitz enfans quand leur chere mere les a fouettés.

  A012002953 

 Hé, serons nous pas un jour tous ensemble au Ciel a benir Dieu eternellement? Je l'espere et m'en res-jouïs..

  A012002982 

 Et puisque nous parlons confidemment, j'adjousteray que je l'ay ainsy essayé et m'en suis bien treuvé.

  A012002984 

 Ce ne sera pas sans des douleurs extremes; mais mon Dieu, quel sujet est-ce que sa bonté vous donne de probation en ses commandemens! O courage, ma chere Seur; [391] nous sommes a Jesus Christ, voyla qu'il vous envoye ses livrees.

  A012002990 

 Certes, de nulle autre chose que de ce que nous pouvons souffrir pour Nostre Seigneur, et ilz n'ont jamais rien souffert pour luy.

  A012002990 

 Vous ne sçaves pas dequoy les Anges nous portent envie.

  A012003021 

 Mais aussi, d'aller changeant sans propos c'est un'espece de dissolution, delaquelle il arrive que jamais la complexion de nostr'esprit n'est reconnëue par nostre medecin spirituel; et comment donques nous sçaura-il gouverner? Or bien, cela suffit.

  A012003023 

 Dieu donques nous face bien mourir sur sa sainte Croix, affin que nous soyons entierement siens.

  A012003025 

 Et courage, nous ne nous sçaurions confier a des mains plus amies et favorables.

  A012003025 

 Ses sacrees mains nous ont basti et formés; qu'elles facent de nous ce quil leur plaira.

  A012003085 

 Le vous puisse je rendre en quelque façon reciproque, et je l'espere de la bonté de Dieu, lequel je supplie de tout mon cœur vous donner bon commencement, meilleur progres et tres bonne fin de cette nouvelle annee qui nous arrive.

  A012003114 

 Ce n'est pas certes qu'il ne fust desiderale que nos maysons episcopales fussent dans ce [402] reglement, nous sçavons ce que saint Paul en dit; mais je sçay par mon experience qu'il faut s'accommoder a la necessité du tems, du lieu, de l'occasion et de nos occupations.

  A012003114 

 En somme, Monseigneur, nous devons dire avec le grand Evesque d'Hippone: « Amor meus pondus meum.

  A012003114 

 Je vous confesse que je n'ay point de scrupule de me desregler de mon reglement quand c'est le service de mes brebis qui m'occupe, car alhors il faut que la charité soit plus forte que nos propres inclinations, pour bonnes que nostre amour propre nous les face voir; et, en faysant cet escrit que je vous envoye, mon dessein a esté, non de me gesner, mais ouÿ bien de me regler, sans m'obliger a aucun scrupule de conscience, car Dieu me fait la grace d'aymer autant la tressainte liberté d'esprit que haïr la dissolution et le libertinage.

  A012003122 

 Nous n'aurons pas besoin d'aller a Romme pour aller en Hierusalem, c'est a dire en la paix de nos consciences; Dieu a estendu sa main jusques icy pour nous embrasser..

  A012003123 

 Je me resoudray encor plus avant de ce que nous aurons a faire et, l'ayant bien dressé par ordre, je vous tesmoigneray que les offres que je vous fis partoyent [d'une] volonté bien asseuree a vostre service.

  A012003160 

 C'est par les lettres de nos dévoués amis de Rome, c'est surtout de la bouche de l'Archevêque de Vienne, arrivé parmi [406] nous, que nous en avons reçu l'assurance.

  A012003160 

 Nous donc, jadis brebis égarées, revenues maintenant à la bergerie du Christ, nous voici l'objet de la sollicitude et de l'affection de Votre Sainteté.

  A012003160 

 Nous voyons là, justifié sans aucun doute, l'enseignement recueilli à l'origine, des lèvres de ceux qui nous ont engendrés à Jésus-Christ par l'Evangile: c'est qu'il n'y a sur la terre qu'un Pasteur suprême, auquel le Christ a confié ses brebis, mais si absolument et si indistinctement qu'il est de toute évidence qu'il « ne lui en a pas désigné quelques-unes en particulier, mais qu'il les lui a remises toutes; » et c'est pourquoi celui-ci, en portant le poids de ses préoccupations quotidiennes, doit veiller avec un soin attentif sur toutes les Eglises..

  A012003161 

 Aussi reconnaissons-nous dans Votre Béatitude la primauté du sacerdoce catholique, avec le zèle qui convient à une dignité si auguste.

  A012003161 

 C'est pourquoi, prosternés aux pieds de Votre Béatitude, nous lui rendons les plus vives actions de grâces.

  A012003161 

 De Pierre, Elle occupe le siège, mais Elle imite aussi et de très près la conduite, car il est consolant de voir qu'Elle ne veut pas seulement commander aux brebis, mais qu'Elle tient surtout à les assister, toutes sans doute, mais nous autres en particulier, avec un absolu dévouement.

  A012003161 

 Qu'Elle daigne continuer, nous l'en supplions, à nous et à toute cette province, les bienfaits dont votre âme apostolique s'est plu déjà à nous [407] enrichir.

  A012003161 

 Qu'Elle ne souffre pas que sa bienveillance vienne jamais à nous manquer.

  A012003163 

 Nous sommes, de Votre Sainteté,.

  A012003195 

 Je loue donq Dieu qui nous a establi pardeça ceste pierre de refuge; et, pour employer ceste faveur, je vous supplie, Monseigneur, d'avoir aggreable que je luy represente une des plus importantes necessités de ceste Eglise..

  A012003249 

 Il reste, Monsieur, qu'estant maintenant sur les lieux, vous facies prendre une finale resolution ausditz huguenotz et ministres de ne plus nous troubler ni attaquer l'Eglise, soit en ses personnes ou en ses choses.

  A012003269 

 La cause chrétienne faisait dans cette province de consolants progrès, lorsque les guerres récentes lui occasionnèrent par leur [420] violence de sérieuses entraves; soudain Votre Béatitude Apostolique nous ménagea son intervention, et aussitôt, comme par enchantement, l'hiver et les pluies, cause de tant de désastres, s'enfuirent et prirent fin; cette vigne répandit son parfum, mais il était bien plus doux; le figuier poussa ses premières figues, mais elles étaient beaucoup plus belles.

  A012003270 

 Ce n'est pas seulement à votre bienveillance, laquelle a toujours été insigne envers ce diocèse, c'est encore à votre libéralité, à votre charité apostolique, c'est à vos largesses personnelles que nous devons de posséder parmi nous cette poignée de braves de la Compagnie de Jésus, qu'on appelle « la Mission.

  A012003270 

 Nous aurions ainsi une puissante citadelle, d'où prenant l'offensive contre les communautés de Genève et de Lausanne, nous pourrions soutenir leurs furieuses attaques.

  A012003270 

 » C'est grâce à votre médiation que, depuis deux années entières, nous avons le bonheur de jouir de leurs travaux.

  A012003271 

 En reconnaissant ce précieux concours, j'ose aussi prier très humblement Votre Béatitude de ne pas nous priver de ses libéralités et de son assistance; je l'en conjure dans le Christ Notre-Seigneur, à qui je demande, du fond de mon âme, d'être propice à votre vieillesse et à vos très saints désirs..

  A012003271 

 Non seulement, en effet, nous devons en ce moment garder les positions acquises, mais chercher à regagner pied à pied le terrain perdu; non seulement défendre les citadelles conquises, mais tâcher d'en enlever de nouvelles.

  A012003355 

 Je ne doute point, cependant, que ce qui a été une fois trouvé bon par Sa Sainteté ne lui soit toujours agréable; c'est pourquoi, me voyant accablé sous le poids des années, et les occasions [431] de travailler en cette vigne se multipliant de plus en plus, je recours de nouveau à la bonté de Votre Seigneurie, afin qu'Elle daigne employer son saint zèle pour m'aider à triompher de la difficulté que crée la situation gênée dudit Prévôt; c'est la seule qui nous reste à surmonter.

  A012003457 

 Dequoy je supplie Dieu luy faire la grace, et de la nous conserver longuement en tres heureuse santé et prosperité, comm'ayant ce bien d'estre, Monseigneur,.

  A012003587 

 Ceux de la Religion de Sainct Maurice et Lazare nous ont faict entendre le prejudice que leur appourteroit l'union du prieuré de Sainct Jean hors les murs de Geneve a la Collegiale de Viry, si elle s'en ensuivoit, ainsy qu'au Baron de Viry en avons accordé le placet; ce qu'avons faict, ne Nous resouvenant que ledict prieuré fust approprié a ladicte Religion.

  A012003587 

 Qui Nous faict a present vous dire que n'avez a en faire plus aulcune poursuitte, ains vous en despartir, n'estant nostre intention de en rien prejudicier a ladicte Religion.

  A012003603 

 Et pour ne faillir en rien d'y appourter de nostre cousté tout ce qui sera en nostre pouvoir, Nous avons ordonné au President Rochette que tout aussy tost que Nous serons partis, il s'achemine en ces quartiers la pour establir ce qui est necessaire pour l'entretenement des curez, a celle fin que chascun d'eux y puisse faire sa residence pour y exercer religieusement ce qui est de leur charge; a quoy vous tiendrez main et l'y assisterez de tout vostre pouvoir, ainsy que de mesme escripvons a l'Evesque de Geneve..

  A012003603 

 Nous avons veu par vostre lettre du septiesme du present, la devotion que ce peuple a monstré en ce qui est de sa nouvelle conversion; ce qui Nous a appourté un singulier contentement, comme aussy l'esperance que vous avez que le reste en fera de mesme, en quoy Nous nous asseurons que vous vous employerez avec la mesme affection et pieté qu'avez faict par cy devant, avec tant de louange et satisfaction nostre.

  A012003604 

 Quant a l'establissement de la Maison de vertu ou Refuge de Thonon, mise en avant par le Pere Cherubin a Romme, vous en traicterez avec ledict President, et par ensemble avec ledict Evesque, vous adviserez de ce qui est necessaire que faisions pour icelle; et Nous en envoyerez les memoires pour, sur icelles, y faire les dheues considerations et y prendre la resolution que verrons estre convenable..

  A012003605 

 Et touchant le sieur d'Avully, de Vallon et Dame du Four, Nous treuvons tres raisonnable ce que vous en escripvez, et ne leur sera rien innové qu'au preallable ilz n'ayent leur recompense..

  A012003619 

 Cecy je dis a l'occasion de quelques mauvaises relations qu'ont esté faictes a Sa Sainteté, qu'ont besoin de vostre soustien par le moyen d'une bien ample attestation qu'il faut que vous Nous envoyez de l'estat auquel vous avez veu vostre diocese auparavant les guerres en ce que concerne le spirituel; mais particullierement en combien d'endroictz l'on y frequentoit l'exercice de la religion pretendue reformee, et par combien de ministres elle y estoit divulguee et maintenue, et si des le commencement des guerres, l'on y a remis les cures et planté heureusement la religion Catholique et Apostolique, Romaine, et abolly ledict exercice de pretendue religion jusques sur les portes de Geneve ou, par tous les lieux, l'on celebre la sainte Messe.

  A012003619 

 Et d'aultant qu'il faut faire le boclier de ladit'attestation contre ce que l'on a donné a entendre a Sa Sainteté, il est necessaire que non seullement elle soit signee de vous, mais de vos chanoines qui en peuvent avoir eu notice, et de quelques autres notables ecclesiastiques qui pourront servir a la foy indubitable de ladicte attestation, comme aussi pour son ampliation, a laquelle Nous nous asseurons que n'oblierez rien; non plus que du bon ordre que l'on tint, moy present, pour appeller ceux qui estoyent esgarez a la vraye foy, et combien d'ames l'on y gagna pour lhors et jusques a present, et si l'on y continue l'œuvre et quel fruit s'en ensuit, et plus amplement, comme trop mieux vous sçavez convenir, pour me l'envoyer au plus tost a l'effait que dessus..

  A012003635 

 Ce que desirant de reprouver, il est necessaire que vous Nous en envoyez une bien autentique attestation comme il ny a en point de lieu que la sainte Messe n'aye esté retablie, et qu'elle se celebre jusques sur les portes de Geneve, et les cures pourveues de bons curez, la plus part desquelz y annoncent la parolle de Dieu, et que ceulx qui se sont reunis a la sainte foy y continuent avec un grand zele.

  A012003635 

 Ce quil est necessaire qu'attestiez bien amplement et comme celluy qui en est mieux informé que les aultres, et Nous l'envoyez au plus tost, sans touttesfoys en icelle faire aulcune mention que Nous vous en ayons escript, mais requis du peuple pour desabuser Sa Sainteté de ce que l'on a dict d'eulx.

  A012003635 

 Il y a quelques sepmaines que Nous vous escripvismes sur quelque mauvays rapport qu'a esté faict a Sa Sainteté de la conversion des heretiques des baillages, luy ayant este donné a entendre que tout estoit en son premier estat, et que les curez n'ont point esté retablis en leurs eglises.

  A012003869 

 De faict, ma partie m'a promis et juré de se contenter de ce quy luy sera legitimement permis, et de reparer avec moy ce que nous aurons mal faict.

  A012003869 

 Du reste, je praticquerey voz bonnes instructions au plus pres de la lettre qu'il me sera possible, et premierement pour ce quy est de l'eslection de Monsieur du Val, tant pour prendre de la conduitte de luy en la vie que vous m'avez proposee, que pour me servir de la Lettre Apostolique que vous m'avez envoiée, de laquelle j'ay differé d'user attendant que j'eusse asseurance de l'expedition de mes Bulles, pour laquelle ces jours passez nous avons fourny a la composition qu'on nous a faict de deux mil escus pour tout.

  A012003903 

 Nous jugeons des intentions d'autruy par les nostres; ainsi, cherissant voz merites d'une si particuliere inclination, je dois croire que si le sujet manque de mon costé pour vous convier a ce mesme desir, ne pouvant m'aymer pour l'amour de moy, du moins vous m'aymerez par ce que je vous honore et que je vous ayme.

  A012003919 

 C'est quil vous plaise, Monsieur, nous faire cest honneur qu'en l'Advent et Caresme prochain nous soyons instruictz par vos sainctes et doctes predications.

  A012003919 

 Ce vous sera beaucoup d'incommodité, voires aultant qu'a nous de bon heur de vous avoir; touteffois, tascherons par tous les moiens a nous possibles de vous en reverer..

  A012003919 

 La reputation qu'aves acquise par tout, et mesme en ces quartiers, du zele et affection qu'aves a l'honneur et service de Dieu et a procurer de tout vostre pouvoir l'advancement de son Eglise Catholicque, Nous a faict prandre la hardiesse de vous faire une priere aultant pleine d'affection que d'assurance que l'on nous a donné de la pouvoir obtenir et de n'en estre esconduictz.

  A012003920 

 Nous n'heussions manqué a ce debvoir de vous envoyer l'ung des nostres pour vous en supplier de nostre part; mais le peril et danger des chemins nous en ont retenu, avec la faveur que nous a faict Monsieur Brunet de prandre a sa charge de vous donner cestes, avec nostre supplication, et mesme vous la presenter sil est possible, avec la semblable affection de laquelle, recepvant ung sy grand bien de vous, nous desirons demeurer a jamais,.


13-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIII-Vol.3-Lettres.html
  A013000018 

 — Avoir « les yeux fichés sur Celuy qui nous conduit.

  A013000020 

 — La volonté de Dieu doit nous servir d'étoile « en ceste navigation.

  A013000025 

 — La paix de l'âme; ses deux ennemis: l'amour-propre et l'estime de nous-mêmes.

  A013000025 

 — La tribulation, « l'eschole de l'humilité, » nous fait voir le fond de « nostre neantise.

  A013000034 

 — Soyons ce que Dieu veut et non ce que nous voulons, contre son gré.

  A013000053 

 » — Ne pas craindre si Dieu nous abandonne, nous laisse et lutte avec nous.

  A013000084 

 » — Prendre modèle sur les abeilles: faire le miel « dedans sa ruche et des fleurs qui luy sont autour, » et ne pas désirer une perfection qui nous dépasse.

  A013000105 

 — Ce que nous pouvons désirer de meilleur.

  A013000107 

 — Comment nous devons juger les actions et ce qui leur donne du prix.

  A013000141 

 Il faut supporter avec courage les mauvaises opinions qu'on a de nous.

  A013000145 

 — Hors de Dieu et sans lui, nous ne sommes que « des vrais riens.

  A013000178 

 Pour la sainte Communion, deux sortes de faim; comment, grâce à une bonne digestion spirituelle, la Communion fait vivre en nous Jésus-Christ.

  A013000187 

 — Comment faut-il pleurer nos amis quand nous les voyons mourir 223.

  A013000187 

 — Ne nous étonnons point de la mort.

  A013000188 

 — Les parfums dont nous serons « confortés et ravigorés.

  A013000214 

 Nous la donnons avec un bonheur d'autant plus grand, qu'en encourageant la diffusion des écrits du saint Docteur, nous faisons œuvre d'actualité et de bonne propagande.

  A013000250 

 Bien des figures ne font que passer dans cette correspondance, qu'on voudrait revoir; d'autres reviennent souvent et finissent par nous devenir familières.

  A013000253 

 Sans l'humeur changeante et les infirmités de la rétive Abbesse, aurions-nous les admirables lettres qui lui furent écrites en vue de l'en guérir? Si l'on veut consoler ou relever l'âme découragée des malades ou des infirmes, qu'on lise les lettres à Rose Bourgeois; il n'est pas, croyons-nous, dans notre langue, d'exhortations plus lénitives et plus énergiques.

  A013000256 

 La dernière lettre qui figure dans ce volume nous la fait voir appliquée à l'oraison et à la lecture des écrits de sainte Thérèse et de sainte Catherine de Sienne..

  A013000283 

 » Cette [XX] exclamation passionnée nous livre le secret de toute sa vie.

  A013000287 

 Les passages des Confessions où saint Augustin nous fait des confidences sur sa mère ne sont pas plus touchants.

  A013000289 

 Cette lettre, en outre des peintures d'âmes variées qu'elle nous offre ramassées dans un même cadre, défend victorieusement la piété catholique contre un reproche odieusement rebattu de nos jours: celui d'altérer et de refroidir les affections de famille.

  A013000291 

 Pourquoi n'oserions-nous pas dire qu'elles conviennent surtout à celles de notre temps?.

  A013000305 

 Quand les Autographes ont subi quelque mutilation, nous l'indiquons chaque fois..

  A013000349 

 Pleust a Dieu que nous regardassions peu a la condition du chemin que nous frayons et que nous eussions les yeux fichés sur Celuy qui nous conduit et sur le bien heureux pays auquel il nous mene.

  A013000349 

 Que nous doyt il chaloir si c'est par le desert ou par les champs que nous allons, pourveu que Dieu soyt avecq nous et que nous allions en Paradis? Croyez moy, je vous prie, trompez le plus que vous pourrez vostre mal, et si vous le sentez, au moings ne le regardez pas; car la veüe vous en donnera plus d'apprehension que le sentiment ne vous donnera de douleur.

  A013000351 

 C'est assez pour ce point, jusques a ce que Dieu me donne la commodité de vous le declairer a souhait, lors que, sur iceluy, nous establirons l'asseurance de nostre vie.

  A013000351 

 Ce sera quand Dieu nous fera revoir en presence..

  A013000357 

 Sçaves vous comment Dieu fait en cela? Il permet que le malin forgeron de semblables besoignes les nous vienne presenter a vendre, affin que, par le mespris que nous en ferons, nous puissions tesmoigner nostre affection aux choses divines.

  A013000358 

 Pendant que nous pouvons dire avec resolution, quoy que sans sentiment: VIVE JESUS, il ne faut point craindre.

  A013000360 

 Au demeurant, ces tentations si importunes viennent de la malice du diable; mais la peyne et souffrance que nous en ressentons vient de la misericorde de Dieu, qui, [10] contre la volonté de son ennemy, tire de la malice d'iceluy la sainte tribulation par laquelle il affine l'or qu'il veut mettre en ses thresors.

  A013000397 

 Mais si la providence de Dieu l'exigeoit pour sa gloire et vostre salut, elle sçaura bien faire naistre les occasions encor que nous ne les voyons pas, et les fera sortir de quelque lieu auquel nous ne pensons pas.

  A013000400 

 Faysons bien, adherons a la volonté de Dieu; que ce soit l'estoille sur laquelle nos yeux s'arrestent en ceste navigation, et nous ne sçaurions que bien arriver.

  A013000411 

 Dieu donques nous en veuille donner des plus grandes, mais qu'il luy playse nous donner des grandes forces pour les porter.

  A013000427 

 Il faut donq avoir patience, et ne penser pas de nous pouvoir guerir en un jour de tant de mauvaises habitudes que nous avons contractees par le peu de soin que nous avons eu de nostre santé spirituelle.

  A013000427 

 Je vous respons qu'il n'est pas possible de nous abandonner du tout nous mesmes.

  A013000427 

 Pendant que nous sommes icy bas, il faut que nous nous portions tous-jours nous mesmes jusques a ce que Dieu nous porte au Ciel, et pendant que nous nous porterons, nous ne porterons rien qui vaille.

  A013000428 

 Il faut que, petit a petit et pied a pied, nous nous acquerions cette domination pour la conqueste de laquelle les Saintz et les Saintes ont employé plusieurs dizaines d'annees.

  A013000429 

 Mais qu'est ce que vous y voudries faire sinon ce que vous y faites, qui est de presenter et representer a Dieu [19] vostre neant et vostre misere? C'est la plus belle harangue que nous facent les mendians que d'exposer a nostre veuë leurs ulceres et necessités.

  A013000430 

 Nous sommes bien heureux de pouvoir demeurer en la presence de Dieu, et contentons nous qu'elle nous fera porter nostre fruit ou tost ou tard, ou tous les jours ou par fois, selon son bon playsir auquel nous devons pleynement nous resigner..

  A013000431 

 La Mere Therese que vous aymes tant, dont je me res-jouys, dit en quelque endroit que bien souvent nous disons de telles paroles par habitude et certaine legere apprehension, et nous est advis que nous les disons du fond de l'ame, bien qu'il n'en soit rien, comme nous descouvrons par apres en la prattique.

  A013000432 

 C'est la le blanc de la perfection auquel nous devons tous viser, et qui plus en approche, c'est celuy qui emporte le prix..

  A013000432 

 Il faut regarder ce que Dieu veut, [20] et, le reconnoissant, il faut s'essayer de le faire gayement, ou au moins courageusement; et non seulement cela, mais il faut aymer cette volonté de Dieu et l'obligation qui s'en ensuit en nous, fust ce de garder les pourceaux toute nostre vie et de faire les choses les plus abjectes du monde; car, en quelle saulse que Dieu nous mette, ce nous doit estre tout un.

  A013000434 

 Mais, Madame, il faut que je confesse la verité: je crains perpetuellement, en ces desirs qui ne sont pas de l'essence de nostre salut et perfection, qu'il ne s'y mesle quelque suggestion de l'amour propre et de nostre propre volonté; comme, par exemple, que nous nous amusions tant a ces desirs qui ne nous sont pas necessaires, que nous ne laissions pas asses de place en nostre esprit pour les desirs, qui nous sont plus requis et plus utiles, de nostre propre humilité, resignation, douceur de cœur et semblables; ou bien, que [21] nous ayons tant d'ardeur en ces desirs, qu'ilz nous apportent de l'inquietude et de l'empressement, et en fin, que nous ne les sousmettions pas si parfaittement au vouloir de Dieu qu'il seroit expedient..

  A013000474 

 C'est un des grans proffitz de l'affliction que de nous faire voir le fond de nostre neantise et faire sortir [27] au dessus la crasse de nos mauvaises inclinations.

  A013000474 

 Que penses-vous que soit le lict de la tribulation? Ce n'est autre chose que l'eschole de l'humilité: nous y apprenons nos miseres et foiblesses, et combien nous sommes vains, sensibles et infirmes.

  A013000475 

 Se faut il laisser emporter au courant et a la tourmente? Laissés enrager l'ennemy a la porte: qu'il heurte, qu'il bucque, qu'il crie, qu'il hurle et face du pis qu'il pourra; nous sommes asseurés qu'il ne sçauroit entrer en nostre ame que par la porte de nostre consentement.

  A013000475 

 Tenons la bien fermee et voyons souvent si elle n'est pas bien close, et de tout le reste ne nous en soucions point, car il n'y a rien a craindre..

  A013000477 

 Nous voudrions prier dans l'eau de naffe et estre vertueux a manger du sucre, et nous ne regardons point au doux Jesus qui, prosterné en terre, sue sang et eau de destresse pour l'extreme combat qu'il sent en son interieur, entre les [28] affections de la partie inferieure de son ame et les resolutions de la superieure..

  A013000477 

 Pourquoy tout cela? Parce, sans doute, que nous aymons nos consolations, nos ayses, nos commodités.

  A013000477 

 Rien ne nous trouble que l'amour propre et l'estime que nous faysons de nous mesmes.

  A013000477 

 Si nous n'avons pas les tendretés ou attendrissemens de cœur, les goustz et sentimens en l'orayson, les suavités interieures en la meditation, nous voyla en tristesse; si nous avons quelque difficulté a bien faire, si quelque difficulté s'oppose a nos justes desseins, nous voyla empressés a vaincre tout cela et nous en desfaire avec de l'inquietude.

  A013000478 

 C'est la l'autre source de nostre inquietude: nous ne voulons que des consolations, et nous estonnons de reconnoistre et toucher au doigt nostre misere, nostre neant et nostre imbecillité..

  A013000478 

 L'amour propre est donques l'une des sources de nos inquietudes; l'autre c'est l'estime que nous faysons de nous mesme.

  A013000478 

 Que si nous sçavions bien qui nous sommes, en lieu d'estre esbahis de nous voir a terre, nous nous estonnerions comment nous pouvons demeurer debout.

  A013000478 

 Que veut dire que s'il nous arrive quelque imperfection ou peché nous sommes estonnés, troublés et impatiens? Sans doute, c'est que nous pensions estre quelque chose de bon, resolu et solide; et partant, quand nous voyons par effect qu'il n'en est rien et nous avons donné du nez en terre, nous sommes trompés, et par consequent troublés, offensés et inquietés.

  A013000479 

 Faysons troys choses, ma tres chere Fille, et nous aurons la paix: ayons une intention bien pure de vouloir en toutes choses l'honneur de Dieu et sa gloire, faysons le peu que nous pourrons pour cette fin la, selon l'advis de nostre pere spirituel, et laissons a Dieu tout le soin du reste.

  A013000479 

 Qui a Dieu pour object de ses intentions et qui fait ce qu'il peut, pourquoy se tourmente il? pourquoy se trouble il? qu'a il a craindre? Non, non, Dieu n'est pas si terrible a ceux qu'il ayme; il se contente de peu, car il sçait bien que nous n'avons pas beaucoup.

  A013000480 

 Dequoy Nostre Seigneur nous donna l'exemple au Jardin; car, tout accablé d'amertume interieure et exterieure, tout son cœur se resigna doucement en son Pere et en sa divine volonté, disant: Mais vostre volonté soit faite et non la mienne, et ne laissa pour toutes ses angoisses de venir troys fois voir ses disciples et les admonester.

  A013000480 

 Mais tout ce desbattement d'esprit n'est pourtant pas sans paix, lhors qu'en fin, accablés de cette detresse, nous ne laissons pas pour cela de tenir nostre volonté resignee en celle de Nostre Seigneur et la tenons la, clouee sur ce divin bon playsir, ni ne laissons nullement nos charges et l'exercice d'icelles, mays les executons courageusement.

  A013000480 

 Or, quand Nostre Seigneur nous separe de ces passions si mignonnes et cheries, il semble qu'il escorche le cœur tout vif et l'on en a des sentimens tres aigres; on ne [29] peut presque qu'on ne desbatte de toute l'ame, parce que cette separation est sensible.

  A013000481 

 La premiere, c'est que bien souvent nous estimons avoir perdu la paix par ce que nous sommes en amertume, et neanmoins nous ne l'avons pas perdue pourtant; ce que nous connoissons, si pour l'amertume nous ne laissons pas de renoncer a nous mesme et vouloir du tout dependre du bon playsir de Dieu, et nous ne laissons pas pour cela d'executer la charge en laquelle nous sommes.

  A013000481 

 La seconde, c'est qu'il est force que nous souffrions de l'ennuy interieur quand Dieu arrache la derniere peau du viel homme pour le renouveller en l'homme nouveau qui est creé selon Dieu; et partant nous ne devons nullement nous troubler de cela, ni estimer que nous soyons en la disgrace de Nostre Seigneur.

  A013000481 

 La troysiesme, c'est que toutes les pensees qui nous rendent de l'inquietude et agitation d'esprit ne sont nullement de Dieu, qui est Prince de paix; ce sont donq des tentations de l'ennemy, et partant il les faut rejetter et n'en tenir conte..

  A013000482 

 Faut-il faire du bien, il le faut faire paysiblement; autrement nous ferions beaucoup de fautes en nous empressant.

  A013000482 

 Faut-il fuir le mal, il faut que ce soit paysiblement, sans [30] nous troubler; car autrement, en fuyant nous pourrions tomber et donner loysir a l'ennemy de nous tuer.

  A013000482 

 Nous arrive il de la joye, il la faut recevoir paysiblement, sans pour cela tressaillir.

  A013000482 

 Nous arrive il de la peyne ou interieure ou exterieure, il la faut recevoir paysiblement.

  A013000484 

 L'humilité fait que nous ne nous troublons de nos imperfections, nous resouvenans de celles d'autruy; car pourquoy serions nous plus parfaitz que les autres? et, tout de mesme, que nous ne nous troublons point de celles d'autruy, nous resouvenans des nostres; car pourquoy treuverons nous estrange que les autres ayent des imperfections, puisque nous en avons bien? L'humilité rend nostre cœur doux a l'endroit des parfaitz et imparfaitz: a l'endroit de ceux la par reverence, a l'endroit de ceux ci par compassion.

  A013000484 

 L'humilité nous fait recevoir les peynes doucement, sçachant que nous les meritons, et les biens avec reverence, sçachant que nous ne les meritons pas.

  A013000485 

 Quand vous seres guerie et bien fortifiee reprenes tout bellement vostre chemin et vous verres que nous irons bien loin, Dieu aydant; car nous irons ou le monde ne peut atteindre, hors ses limites et confins..

  A013000488 

 Hé courage, ma chere et bienaymee Fille; Dieu nous en fera la grace..

  A013000489 

 Quant a cet autre bon Pere, j'appreuve que vous l'oyes et l'escouties, et qu'encores vous vous prevalies de ses conseilz en les executant; mais non en ce qu'ilz se treuveront contraires aux projetz que nous avons faitz de suivre en tout et par tout l'esprit de suavité et de douceur, et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur.

  A013000522 

 Vous feres bien aussi de luy obeir en tout le reste de vostre conduitte interieure et spirituelle, sans que pourtant je me veuille exempter de contribuer tout ce que Dieu me donnera de lumiere et de force, car il ne me seroit pas possible de desfaire la sainte liayson que Dieu a mis entre nous..

  A013000524 

 Ilz sont invariables, incorruptibles et eternelz, puisque nous nous aymerons au Ciel pour le mesme amour de Jesus Christ qui nous joint de cœur et d'ame icy bas, et qui me rend.

  A013000524 

 Non, plus de ceremonies entre nous; nos liens ne sont pas faitz de ces cordes-la.

  A013000539 

 Je ne vous puis dire, si nous aurons besoin de beaucoup de jours pour la reveue de tout vostre estat interieur; peu plus, peu moins, en fera la rayson..

  A013000559 

 L'esperance qu'on me donnoit d'avoir bien tost lhonneur de vous voir de deça, me faysoit attendre de vous supplier humblement pour beaucoup de grandes necessités ecclesiastiques qui sont en ce diocæse; mais puisque nous sommes encor incertain de la jouissance du bien de vostre præsence, j'ay prié le sieur Gottri, present porteur, d'aller apprendre de vous, Monsieur, quelle issue ces bonnes affaires pourront avoir.

  A013000606 

 Dimanche nous faisons la solemnelle action de graces pour l'eslection du Pape Paul V, qui fut cy devant Cardinal Borghese, aagé de 52 ans, plain de suavité, de meurs, de doctrine et de sainteté..

  A013000607 

 Il nous est arrivé une fascheuse nouvelle de la revolte et reddition de la ville d'Anvers entre les mains du comte Maurice.

  A013000625 

 Je veux que nous les appellions jours de nostre dedicace, puisqu'en iceux vous aves si entierement dedié vostre esprit a Dieu..

  A013000625 

 Je veux, ma Fille, que nous celebrions toutes les annees les jours anniversaires de ceux ci, par l'addition de quelques particuliers exercices a ceux qui nous sont ordinaires.

  A013000625 

 O que mon ame est satisfaitte de l'exercice de penitence que nous avons fait ces jours passés, jours heureux, et acceptables, et memorables! Jobdesire que le jour de sa naissance perisse et que jamais il n'en soit memoire; mais moy, ma Fille, je souhaitte, au contraire, que ces jours esquelz Dieu vous a faitte toute sienne, vivent a jamais en vostre esprit et que la souvenance en soit perpetuelle.

  A013000625 

 Ouy da, ma Fille, ce sont des jours desquelz le souvenir nous sera eternellement aggreable et doux sans doute, pourveu que nos resolutions, prises avec tant de force et de courage, demeurent closes et a couvert sous le precieux sceau que j'y ay mis de ma main.

  A013000640 

 Soyons ce que Dieu veut, pourveu que nous soyons siens, et ne soyons pas ce que nous voulons contre son intention; car, quand nous serions les plus excellentes creatures du Ciel, dequoy nous serviroit cela, si nous ne sommes pas au gré de la volonté de Dieu? Je redis a l'adventure trop cela, mais je ne le diray plus si souvent, puisque mesme Nostre Seigneur vous a des-ja beaucoup fortifiee en cet endroit..

  A013000640 

 Soyons ce que nous sommes, et soyons le bien, pour faire honneur au Maistre ouvrier duquel [53] nous sommes la besoigne.

  A013000654 

 Il ne faut plus que nos inclinations naturelles maistrisent nostr'ame; il faut que ce soit la lumiere superieure, et que, partant, encor que naturellement nous ayons de la peyne a nous communiquer, la rayson neanmoins et la connoissance du devoir nous emporte a toutes les executions des choses aggreables a Dieu, entre lesquelles, celleci de descouvrir sa conscience quand et a qui il est requis, est une des plus principales.

  A013000657 

 Vous aves maintenant ma jeune seur, laquelle sans doute vous fera bien de l'incommodité; mais il ni a remede, je ne sçaurois vous en faire ni des excuses ni des ceremonies, j'ay trop de confiance en cett'estroitte alliance qui est entre nous.

  A013000678 

 Non sans doute, il n'est pas possible d'arriver en un jour ou vous aspires: il faut ores gaigner ce point, demain un autre, et pied a pied nous nous [58] rendrons maistres de nous mesmes, qui ne sera pas une petite conqueste..

  A013000680 

 Souvenes vous de la leçon principale, laquelle il nous a laissee en trois motz, affin que nous ne l'oubliions jamais et que, cent fois le jour, nous la puissions repeter: Apprenes de moy, dit-il, que je suis doux et humble de cœur.

  A013000702 

 Dieu, qui a fait le reste, fera bien encor quil s'accommodera un jour du tout a nous..

  A013000702 

 Nous sommes a la veille de l'entiere reformation de ce Monastere-la, et nous quitterons la besoigne! Faut-il perdre cœur sur le milieu de la victoire? Ce n'est pas [61] peu que nostre bon pere se soit accommodé a desirer la reformation; il m'en escrit, mais avec certaines reserves quil desire, dit il, pour la consolation de sa viellesse.

  A013000702 

 Seigneur Dieu, je croyois que vous n'oseries pas seulement y penser sans mon advis, et vous me parles d'en sortir! O ma Fille, qu'est ce qui a esbranlé nos resolutions? Quelle nouvelle difficulté nous peut faire retirer de nos desseins, si proffitables a nos ames, si pleins de la gloire de Dieu? Ouy vrayment, il m'en faudra bien parler, et faudra bien que nous en parlions a Dieu avant que de le faire.

  A013000709 

 J'ay marqué en l'advis que je donne, les Heures canoniques selon que nous les disons en nostre cathedrale, hormis Matines, qui sont tous-jours dites a 9 heures du [62] soir; et toutes les mesmes Heures se sont treuvees marquees en mesme sorte es Constitutions de la Mere Therese.

  A013000722 

 Dieu nous veuille rendre telz quil nous souhaitte pour sa gloire, et je suis sans fin,.

  A013000765 

 Vous termineres par ce moyen les importunités que vous recevés de nostre sollicitation et les incommodités que nous recevons de la retardation du payement, et vous nous obligeres encor de plus fort a vostre service, sur tout moy qui, priant Nostre Seigneur pour vous, me prometz un'entiere asseurance de vostre amitié et suis, Monsieur,.

  A013000781 

 C'est cela, ma Fille: Dieu nous fait voir [67] ces esmotions, combien nous sommes de chair, d'os et d'esprit.

  A013000803 

 Aussi, nous n'en pouvons douter, outre la sollicitude que vous avez de l'universalité des Eglises, vous voudrez aider d'une particulière assistance au relèvement de ce diocèse, qui, plus que les autres, a subi de la part des hérétiques les pires des vexations; et cette assistance sera d'autant plus féconde que vous exercez de plus haut sur nous votre prééminence.

  A013000821 

 Dequoy pleures-vous, o femme? Non, il ne faut plus estre femme, il faut avoir un cœur d'homme; et, pourveu que nous ayons l'ame ferme en la volonté de vivre et mourir au service de Dieu, ne nous estonnons ni des tenebres, ni des impuissances, ni des barrieres.

  A013000821 

 Nous suffise que Dieu est nostre Dieu et que nostre cœur est sa mayson..

  A013000821 

 Or sus, courage, ne nous empressons point; nous avons nostre doux Jesus avec nous, nous n'en sommes pas separés, au moins je l'espere fermement.

  A013000826 

 Je suis plein d'esperance en la bonté de Dieu que nous serons tout siens; je suis joyeux et plein de courage: Dieu n'est il pas tout nostre? Amen.

  A013000882 

 Tant de tenebres que vous voudres, mais cependant nous sommes pres de la lumiere; tant d'impuissances qu'il vous plaira, mais nous sommes aux pieds du Tout Puissant.

  A013000882 

 Vive Jesus! Que jamais nous ne nous separions de luy, soit en tenebres, soit en lumiere!.

  A013000883 

 Vous ne sçaves pas que je pense sur ce que vous me demandés des remedes? C'est que je n'ay point souvenance que Nostre Seigneur nous ayt commandé de guerir la teste de la fille de Sion, mais seulement son cœur.

  A013000894 

 A Dieu, ma tres chere Fille; a ce grand Dieu, dis je, auquel nous nous sommes voués et consacrés, et qui m'a rendu pour jamais et sans reserve tout dedié a vostre ame, que je cheris comme la mienne, ains que je tiens pour toute mienne en ce Sauveur qui, nous donnant la sienne, nous joint inseparablement en luy.

  A013000904 

 Allons, ma chere Seur, ne nous arrestons nulle part qu'en Dieu, hors duquel aussi bien ne pouvons nous avoir aucun repos.

  A013000926 

 Vivés joyeuse et soyés genereuse; Dieu que nous aymons et a qui nous sommes voués, nous veut en cette sorte la.

  A013000929 

 Il ne laissera pas pour cela d'estre nostre Dieu, car l'affection que nous luy devons est d'une nature immortelle et imperissable..

  A013000929 

 Je l'espere ainsy; et, s'il ne le fait pas, encor ne laisserons nous pas de le servir.

  A013000960 

 Aussi, ma Fille, jamais nostre bon Dieu ne nous abandonne que [91] pour nous mieux retenir; jamais il ne nous laisse que pour nous mieux garder; jamais il ne luicte avec nous que pour se rendre a nous et nous benir..

  A013000960 

 Non: que Nostre Seigneur nous tourne et vire a gauche ou a droitte; que, comme avec des autres Jacobs, il nous serre, il nous donne cent entorses; qu'il nous presse tantost d'un costé, tantost de l'autre; bref, qu'il nous face mille maux, nous ne le quitterons point pourtant qu'il ne nous ayt donné son eternelle benediction.

  A013000961 

 Non, nous n'avons pas encor les bras asses larges pour atteindre aux cedres du Liban, contentons nous de l'hyssope des.

  A013000961 

 Nous y verrons des roses entre les espines, la charité qui esclatte parmi les afflictions interieures et exterieures; les lys de pureté, les violettes de mortification, que sçai-je moy? Sur tout j'ayme ces trois petites vertus: la douceur de cœur, la pauvreté d'esprit et la simplicité de vie; et ces exercices grossiers: visiter les malades, servir aux pauvres, consoler les affligés et semblables; mais le tout sans empressement, avec une vraye liberté.

  A013000973 

 Pour moy, ma Fille, tant que je vivray et que mes forces se pourront estendre au travers de cette distance de lieux en laquelle il nous faut vivre, je n'abandonneray jamais l'entreprise de servir vostre chere ame et tout vostre Monastere.

  A013000974 

 Mais laissons nous aller a la providence de Dieu, qui sçait ce qui est mieux..

  A013000974 

 Nous parlons de la closture; mais j'y suis bien a bon escient, et nos montaignes sont les murailles de mon monastere, et la malice de nostre aage sert de portier qui m'empesche de sortir.

  A013000977 

 Ce bon succes du commencement de nostre reformation, ces bons desirs, ces bonnes affections a la poursuite de la vertu, ces feux, ces fers, ces litz de douleur, cette jambe boiteuse, ces contradictions, que penses vous que soit tout cela? Marques de l'amour de Dieu, signes de son bon playsir en nous.

  A013000977 

 Courage, ma Fille, courage; a quoy sert il de desguiser nostre bonheur? Non, sans doute, Dieu nous donne des grandes conjectures qu'il est nostre et que nous serons un jour du tout a luy.

  A013000977 

 Il niche sur l'aubespine de nos affections; nous voyla revestus de ses saintes livrees.

  A013000977 

 Soyons fidelles jusques a la mort, il nous couronnera sans doute..

  A013000978 

 Ouy, ma Fille, je prieray incessamment sa Bonté qu'elle soit aupres de vous et vous tienne de sa main, affin que rien ne vous esbranle: j'ay confiance en sa misericorde qu'il nous l'accordera.

  A013001014 

 Mon esprit, sans [98] doute, vit parmi vos tenebres et tentations, car il accompaigne fort le vostre; le recit de vos maux me touche de compassion, mais je voy bien que la fin en sera heureuse, puisque nostre bon Dieu nous fait prouffiter en son eschole, en laquelle vous estes plus esveillee a la sentinelle qu'en autre tems.

  A013001015 

 Que nous importe-il que Dieu nous parle parmi les espines ou parmi les fleurs? Mais je ne me resouviens pas qu'il ayt jamais parlé parmi les fleurs, ouy bien parmi les desertz et halliers plusieurs fois.

  A013001016 

 O Dieu, courage! Les lumieres ne sont pas a nostre pouvoir, ni aucune autre consolation que celle qui depend de nostre volonté, laquelle estant a l'abry des saintes resolutions que nous avons faittes et pendant que le grand sceau de la chancellerie celeste sera sur vostre cœur, il n'y a rien a craindre..

  A013001016 

 Soyés courageuse, ma chere Fille; nous ferons prou, Dieu aydant; et croyés moy que le tems est plus propre au voyage, que si le soleil fondoit sur nos testes ses ardentes chaleurs.

  A013001018 

 Courage, ma Fille, Dieu est pour nous.

  A013001018 

 Que puisse-elle bien estre exaltee parmi nous, et plantee sur nostre teste comme elle le fut sur celle du premier Adam.

  A013001030 

 Nous eusmes le bien de voir icy madamoyselle vostre bonne fille a ces grans Pardons.

  A013001032 

 Et vous sçaves que nous ne devons pas nous arrester au bien, quand nous pouvons attaindre au mieux et que nous y sommes attirés comm'est cette benite fille, laquelle, pour le plus grand bienfait qu'elle prætend de vostre paternelle charité, vous demande congé de voüer [102] son cors, son ame, ses pensees, ses forces, ses annees et sa liberté a Celuy qui luy a donné tout ce qu'ell'a..

  A013001044 

 Or sus donq, ma bonne Fille, vous verres que nous ferons prou; car ce cher et doux Sauveur de nos ames ne nous a pas donné ces desirs enflammés de le servir, qu'il ne nous en donne les commodités.

  A013001111 

 Et laissons gronder et fremir l'ennemy a la porte et tout autour de nous; car Dieu est au milieu de nous, en nostre cœur, d'ou il ne [113] bougera point, s'il luy plaist.

  A013001111 

 Hé, demeurés avec nous, Seigneur, car il se fait nuit..

  A013001112 

 Non, je n'en veux point parler; Dieu nous veuille bien esclairer et faire voir son bon playsir, car, au peril de tout ce qui est en nous, nous le suivrons ou qu'il nous conduise.

  A013001113 

 Les nuitz nous sont des jours, quand Dieu est en nostre cœur, et les jours sont des nuitz, quand il n'y est point..

  A013001113 

 Que nous mourions, que tout renverse, il ne m'importe, pourveu que cela subsiste.

  A013001115 

 Je prie cette sainte Abbesse, nostre chere Dame et Reyne, qu'elle nous soit a jamais propice, et nous face mourir et vivre en son Filz..

  A013001182 

 Ah! qu'il aura bien agreable que nous en facions de mesme.

  A013001182 

 Ce vous est (et a moy par consequent) un extreme contentement de sçavoir que ce chevalier estoit bon, doux et gracieux a ceux qui l'avoyent blecé ou offencé; maintenant il en aura bien a voir que nous en voulons faire de mesme.

  A013001185 

 Il faut user des frications et bains chauds pour, petit a petit, dissiper l'humeur qui nous alentit et engage nos jambes.

  A013001193 

 Demandés pour moy une benediction [125] de vostre sainte Abbesse, aux pieds de laquelle son Filz nous fasse vivre et mourir..

  A013001204 

 C'est pourquoy, en ce repos corporel, j'ay pensé au repos spirituel que nos cœurs doivent avoir en la volonté de Dieu ou qu'elle nous porte; mais il ne m'est pas possible d'estendre les [126] considerations qui se doivent faire pour cela, qu'avec un peu de loysir bien franc et net..

  A013001205 

 Ah! que nous sommes redevables a sa Bonté qui nous a fait desirer avec tant de resolutions de vivre et mourir en sa dilection! Sans doute, ma Fille, nous le desirons, nous y sommes resolus; esperons encor que ce grand Sauveur, qui nous donne le vouloir, nous donnera aussi la grace de le parfaire..

  A013001207 

 O Dieu, ma Fille, et donq cette souveraine Bonté asseurera le nid de nos cœurs pour son saint amour contre tous les assautz du monde, ou il nous garentira d'estre assaillis.

  A013001207 

 O ma Seur ma Fille, le doux Jesus nous veuille rendre telz, qu'environnés du monde et de la chair nous vivions de l'esprit; que, parmi les vanités de la terre, nous visions tous-jours au Ciel; que, vivant avec les hommes, nous le loüyons avec les Anges, et que l'affermissement de nos esperances soit tous-jours en haut et au Paradis..

  A013001208 

 Helas, mais quand sera-ce qu'il nous consumera? et quand consumera-il nostre vie pour nous faire mourir a nous mesmes et nous faire revivre a nostre Sauveur? A luy seul soit a jamais honneur, gloire et benediction..

  A013001209 

 Mon Dieu, ma chere Fille, qu'est ce que je vous escris? je veux dire, a quel propos cela? O ma Fille, puisque nostre invariable propos et finale et invariable resolution tend incessamment a l'amour de Dieu, jamais les paroles de l'amour de Dieu ne sont hors de propos pour nous..

  A013001234 

 Je pense que ces bonnes festes qui nous arrivent vous auront r'appellé au pres de madame nostre bonne mere, apres ce long voyage de Languedoc.

  A013001234 

 Je prie ce cher Sauveur, duquel nous celebrons l'advenement, quil assiste en ses (sic) jours d'une speciale consolation et joye [130] toute cette famille de mere et de freres, que je doy tant honnorer et respecter, et a laquelle je desire tant de pouvoir rendre service bien humble..

  A013001254 

 Dieu veüille vous combler des benedictions qu'il respandit sur terre, quand il y envoya son Filz pour naistre petit enfant parmi nous; de quoy nous celebrons la memoire en ces jours, que je vous souhaite pleins de joye et contentement, estant,.

  A013001269 

 O Dieu, pourquoy vivrons-nous l'annee suivante, si ce n'est pour mieux aymer cette Bonté souveraine? Oh! qu'elle nous oste de ce monde, ou qu'elle oste le monde de nous; ou qu'elle nous fasse mourir, ou qu'elle nous fasse mieux aymer sa mort que nostre propre vie..

  A013001269 

 Vive Dieu! ma Fille, nostre cœur (voyes vous, je dis nostre cœur) est fait pour cela: ah! que n'en sommes nous bien pleins.

  A013001319 

 Mais dites moy, ma Fille, ne m'est ce pas de l'affliction de ne vous pouvoir escrire qu'ainsy a la desrobbee? O voyla pourquoy il nous faut acquerir le plus que nous pourrons l'esprit de la sainte liberté et indifference; il est bon a tout, et mesme pour demeurer six semaines, voire sept, sans qu'un pere, et un pere de telle affection comme je suis, et une fille telle que vous estes, reçoivent aucunes nouvelles l'un de l'autre..

  A013001324 

 Mais bien, dit le Sage, celuy qui n'a esté tenté que sçait-il? Tout va bien, tout ira bien, Dieu aydant, et, comme je dis ordinairement, si Dieu nous ayde nous ferons prou..

  A013001325 

 Croyes moy, j'ayme tout cela d'un amour tout entier, et ne m'est pas possible d'apprehender « le mien et le tien » en ce qui nous regarde.

  A013001326 

 C'est toute la ceremonie delaquelle j'use avec vous; autrement je reviendrois au mien et tien, duquel Dieu nous veuille garder et defendre..

  A013001327 

 C'est bien dit, ma Fille, il faut coupper court et trancher net en ces occasions, il ne faut point amuser les chalans; puisque nous n'avons pas la marchandise quilz demandent, il le leur faut dire destroussement affin quilz aillent ailleurs.

  A013001327 

 Et vrayment ce sont des braves gens: ne voyent-ilz pas que nous avons osté l'enseigne et que nous avons rompu le traffiq que nous pouvions avoir avec le monde? Il est vray, nostre cors n'est plus nostre, nomplus que l'ivoire du trosne de Salomon n'estoit plus aux elephans qui l'avoyent porté en leur gueule.

  A013001327 

 Vrayement, ce n'est pas mal parlé: sainte Agathe, sainte Thecle, sainte Agnes ont souffert la mort pour ne point perdre le lis de leur chasteté, et on nous voudroit faire peur avec des fantosmes!.

  A013001331 

 Alhors vous me dires s'il est requis que nous nous voyons cette annee; et s'il l'est, je vous diray quand, et je le puis dire des maintenant.

  A013001332 

 Ouy da, aux Carmelites! Nous ne pouvons pas nous accommoder a une petite obedience, et nous en ferons des extremes!.

  A013001338 

 Faysons donq celuy ci comme le dernier et nous le ferons bien..

  A013001338 

 Souvenes vous de ce que j'ay accoustumé de dire: Nous ne ferons jamais bien un Caresme pendant que nous en penserons faire deux.

  A013001339 

 Les paroles saintes sont des perles, et de celles que le vray Ocean d'orient, l'Abysme de misericorde, nous fournit.

  A013001342 

 Je m'en vay au pressoir de l'Eglise, au saint autel, ou distille perpetuellement le vin sacré du sang de ce raysin delicieux et unique que vostre sainte Abbesse, comme vigne celeste, nous a heureusement produit.

  A013001355 

 O mon Dieu, que nous serons heureux si nous vivons et mourons en ce saint tabernacle! Non, rien, rien du monde n'est digne de nostre amour; il le faut tout a ce Sauveur qui nous a tout donné le sien..

  A013001369 

 Il est vray, ma bonne Seur; mais ne taschés-vous pas d'heure a autre de les faire mourir en vous? C'est chose certaine que, tandis que nous sommes icy environnés de ce cors si pesant et corruptible, il y a tous-jours en nous je ne sçai quoy qui manque.

  A013001369 

 Je ne sçai si je vous l'ay jamais dit: il nous faut avoir patience avec tout le monde, et premierement avec nous mesmes, qui nous sommes plus importuns a nous mesmes que nul autre, despuis que nous sçavons discerner entre le viel et le nouvel Adam, l'homme interieur et exterieur..

  A013001373 

 Tout ce que la veuë nous apporte, c'est le danger, car qui le void est en quelque perii de l'aymer; mais a qui est bien resolu et determiné, la veuë ne nuit point.

  A013001374 

 La voyci, ma chere Fille, telle que les Saintz me l'ont apprise: Si le monde nous rnesprise, res-jouissons nous, car il a rayson, puisque nous reconnoissons bien que nous sommes mesprisables; s'il nous estime, mesprisons son estime et son jugement, car il est aveugle.

  A013001374 

 Ma chere Seur, je ne voudrois nulle feintise en nous; pas des vrayes feintises.

  A013001375 

 Au contraire, je voudrois que, tenant les yeux sur Nostre Seigneur, nous fissions nos œuvres sans regarder que c'est que le monde en pense, ni quelle mine il en fait.

  A013001377 

 Et quant a nostre seur du [Puits-d'Orbe], ne voyes vous pas qu'elle est seule, n'ayant point d'inclination a se ranger a la confiance de ceux que monsieur nostre pere luy propose, et monsieur nostre pere ne gouste point ceux que nous proposons? car, a ce qu'elle m'escrit, monsieur nostre pere ne peut appreuver le choix de monsieur Viardot.

  A013001388 

 J'ay neanmoins bien esté en consideration, pour penser que c'est qui pouvoit permettre au monde l'audace et l'imprudence de penser a les esbranler; car il me semble que nous luy faysons asses mauvais visage pour luy oster le courage de nous vouloir chatouiller.

  A013001489 

 C'est le grand chemin, ma chere Fille, duquel il ne nous faut pas encores departir jusques a ce que le jour soit un petit plus grand et que nous puissions bien discerner les sentiers.

  A013001489 

 Demeurons, ma chere Fille, encor un peu icy en ces basses vallees, baysons encor un peu les pieds du Sauveur: il nous appellera, quand il luy plaira, a sa sainte bouche.

  A013001489 

 Ne vous departés encor point de nostre methode jusques a ce que nous nous revoyons..

  A013001489 

 Non pas, peut estre, a ceux qui sont des-ja fort advancés en la montaigne de la perfection; mais pour nous autres qui sommes encor es vallees, quoy que desireux de monter, je pense qu'il est expedient de se servir de toutes nos pieces, et de l'imagination encores.

  A013001492 

 Dieu soit a jamais avec nous, et veuille vivre en nos cœurs eternellement.

  A013001525 

 Vous aymeries mieux vous voir sans faillir que de vous voir parmi les imperfections; aussi ferois je bien moy, car nous serions en Paradis.

  A013001595 

 J'espere que dans peu de tems, j'auray sentence en la faveur de mon bon droit, et, moyennant cela, nous pourrons prendre l'affaire de tant de biays, que monsieur l'Abbé sera en fin contraint de joindre a la rayson.

  A013001648 

 J'ay fait toucher au doit (sic) au seigneur chevalier Bergeraz que nous avions besoin de la dotation de plusieurs eglises, qui ne se peut prendre que dessus le revenu de l'Ordre; [176] et nous demeurasmes d'arrest, apres plusieurs contestes, qu'il procureroit une briefve resolution du Conseil dudit Ordre sur ce sujet.

  A013001703 

 Ce sera donques pour cette prochaine annee, s'il plait a Dieu, que nous nous reverrons, ma tres chere Fille; mais cela infalliblement, et tous-jours ou aux festes de Pentecoste ou a celle du Saint Sacrement, sans qu'il soit besoin d'attendre aucune autre assignation, affin qu'on s'y dispose de bonne heure.

  A013001703 

 Et ce pendant, qu'est-ce [181] que nous ferons? Nous nous resignerons entierement et sans reserve a la bonne volonté de Nostre Seigneur, et renoncerons en ses mains toutes nos consolations, tant spirituelles que temporelles.

  A013001703 

 Nous remettrons purement et simplement a sa Providence la mort et la vie de tous les nostres, pour faire survivre les uns aux autres, et a nous, selon son bon playsir, asseurés que nous sommes que, pourveu que sa souveraine Bonté soit avec nous et en nous et pour nous, il nous suffit tres abondamment..

  A013001708 

 Si vostre volonté, sans violence, court avec ses affections, il n'est pas besoin de s'amuser aux considerations; mais parce que cela n'arrive pas ordinairement a nous autres imparfaitz, il est force de recourir aux considerations encor pour un peu..

  A013001710 

 Aussi, a quoy qu'il nous convie, ou pour le pauvre ou pour le riche, il fait tout bien et est esgalement aggreable a Nostre Seigneur.

  A013001710 

 J'appreuve encor plus que vous facies ces ouvrages de vos mains, comme le filer et semblables, aux heures que rien de plus grand ne vous occupe, et que vos besoignes soyent destinees ou aux autelz ou pour les pauvres; mais non pas que ce soit avec si grande rigueur que, s'il vous advenoit de faire quelque chose pour vous ou les vostres, vous voulussies pour cela vous contraindre a donner aux pauvres la valeur; car il faut par tout que la sainte liberté et franchise regne, et que nous n'ayons point d'autre loy ni contrainte que celle de l'amour, lequel, quand il nous dictera de faire quelque besoigne pour les nostres, il ne doit point estre [184] corrigé comme s'il avoit mal fait, ni luy faire payer l'amende comme vous voudries faire.

  A013001712 

 Or sus donques, soit pour une fois; car sachés que je ne fay pas toutes les annees des habitz, mais seulement selon la necessité; et, pour les autres annees, nous treuverons moyen de bien loger vos travaux selon vostre desir..

  A013001714 

 Car, qui sont ces choses hardies qui se rapportent au fuseau, sinon les mysteres de la Passion filés par nostre imitation? La dessus, je vous souhaittay mille et mille benedictions, et qu'a ce grand jour du jugement nous nous treuvassions tous revestus, qui en Evesque, qui en vefve, qui en mariee, qui en Capucin, qui en Jesuite, qui en vigneron, mais tous d'une mesme laine blanche et rouge, qui sont les couleurs de l'Espoux.

  A013001716 

 Ce pendant, vous fileres vostre quenouille, non point avec ces grans et gros fuseaux, car vos doigtz ne les sçauroyent manier, mais seulement selon vostre petite portee: l'humilité, la patience, l'abjection, la douceur de cœur, la resignation, la simplicité, la charité des pauvres malades, le support des fascheux et semblables imitations pourront bien entrer en vostre petit fuseau, et vos doigtz le manieront bien en la conversation de sainte Monique, de sainte Paule, de sainte Elizabeth, de sainte Liduvine et plusieurs autres qui sont aux piedz de vostre glorieuse Abbesse, laquelle, pouvant manier toute sorte de fuseau, manie plus volontier ces petitz, a mon advis, pour nous donner exemple..

  A013001716 

 Mais ayés patience, nous en parlerons l'annee suivante, si Dieu nous conserve icy bas.

  A013001717 

 Et bien, c'est asses, pour ce coup, parlé de la laine de nostre Aigneau immaculé; mais de sa divine chair, n'en mangerons-nous pas un peu plus souvent? O qu'elle est souëfve et nourrissante! Je dis que, se pouvant commodement faire, il sera bon de la recevoir un jour de la semaine, le jeudy, outre le Dimanche, sinon que quelque feste se presentast a quelque autre jour emmi la semaine.

  A013001723 

 Il me semble que nous nous rencontrions fort bien presque en toutes choses; mais, au bout de la, nostre chere liberté d'esprit remedie a tout.

  A013001727 

 A Dieu, ma chere Fille, a Dieu soyons nous a jamais, sans reserve, sans intermission.

  A013001742 

 Je m'imagine, pour moy, que si nous avions l'odorat un peu bien affiné, nous sentirions les afflictions toutes musquees et parfumees de mille bonnes odeurs; car encor que d'elles mesmes elles soyent d'odeur desplaysante, neanmoins sortant de la main, mais plustost du sein et du cœur de l'Espoux, qui n'est autre chose que parfum et que bausme luy mesme, elles arrivent a nous de mesme, pleynes de toute suavité..

  A013001743 

 Il nous ayme, il nous cherit, il est tout nostre, ce doux Jesus; soyons tous siens seulement, aymons le, cherissons le, et que les tenebres, que les tempestes nous environnent, que nous ayons des eaux d'amertume jusques au col: pendant qu'il nous sousleve le manteau, il n'y a rien a craindre..

  A013001755 

 Si nostre bon Dieu vous fait courir, il dilatera vostre cœur; mais de nostre costé, arrestons nous a cette unique leçon: Apprenes de moy qui suis debonnaire et humble de cœur ... [194].

  A013001781 

 J'espere que Dieu nous y aidera, que je supplie vous vouloir abondamment combler de ses graces; et vous remerciant bien humblement du soin que vous aves eu de nos affaires, je demeure.

  A013001829 

 En fin nous sommes tout a Dieu, sans reserve, sans division, sans exception quelconque, et sans autre pretention que de l'honneur d'estre siens.

  A013001829 

 Ouy, ma tres chere Fille, si nous sçavions un seul brin de nostre cœur qui ne fust pas marqué au coin du Crucifix, nous ne le voudrions pas garder un seul moment.

  A013001829 

 Si nous avions un seul filet d'affection en nostre cœur qui ne fust pas a luy et de luy, o Dieu, nous l'arracherions tout soudainement.

  A013001838 

 Allons tous-jours; pour lentement que nous avancions, nous ferons beaucoup de chemin..

  A013001840 

 Nous voulons tous-jours ceci et cela, et quoy que nous ayons nostre doux Jesus sur nostre poitrine, nous ne sommes point contens; et neanmoins, c'est tout ce que [202] nous pouvons desirer.

  A013001840 

 Une chose nous est necessaire, qui est d'estre aupres de luy.

  A013001841 

 C'est assés dit, ma Fille, et plus que je ne voulois, sur ce sujet des-ja tant discouru entre nous: non plus, je vous prie.

  A013001841 

 Ouy da, dit saint Pierre, il nous est bon d'estre ici a voir la Transfiguration (et c'est aujourd'huy le jour qu'elle se celebre en l'Eglise, 6 d'aoust); mais vostre Abbesse n'y est point, ains seulement sur le mont de Calvaire, ou elle ne voit que des mortz, des cloux, des espines, des impuissances, des tenebres extraordinaires, des abandonnemens et derelictions.

  A013001844 

 Affin que je me fasse mieux entendre, sachés qu'entre les maux que nous souffrons, il y en a des abjectz et des honnorables.

  A013001847 

 Nous allons, mes seurs et moy, visiter les malades.

  A013001849 

 Encor faut-il avoir esgard a la charité, laquelle requiert quelquefois que nous ostions l'abjection pour l'edification du prochain; mais en ce cas, il la faut oster des yeux du prochain qui s'en scandalizeroit, mais non pas de nostre cœur qui s'en edifie.

  A013001849 

 Encor que nous aymions l'abjection qui s'ensuit du mal, il ne faut pourtant pas laisser de remedier au mal.

  A013001850 

 Je dis qu'a chacun son abjection propre est la meilleure, et nostre choix nous oste une grande partie de nos vertus.

  A013001850 

 Je vous dis que ce sont celles que nous n'avons pas choysies et qui nous sont moins aggreables, ou, pour mieux dire, celles esquelles nous n'avons pas beaucoup d'inclination; mais, pour parler net, celles de nostre vocation et profession.

  A013001850 

 Qui me fera la grace que nous aymions bien nostre abjection, ma chere Fille? Nul ne le peut, que Celuy qui ayma tant la sienne, que, pour la conserver, il voulut mourir.

  A013001851 

 Et tout cela est une perte de tems, et est impossible que, tenant nos pensees et esperances d'un autre costé, nous puissions bien bander nostre cœur a la conqueste des vertus requises au lieu ou nous sommes.

  A013001851 

 Mais non, je ne vous avois pas dit que vous n'en eussies nulle esperance ni nulle pensee, ouy bien que vous ne vous y amusassies pas; parce que c'est chose certaine qu'il n'y a rien qui nous empesche tant de nous [206] perfectionner en nostre vocation que d'aspirer a une autre, car, en lieu de travailler au champ ou nous sommes, nous envoyons nos bœufz avec la charruë ailleurs, au champ de nostre voysin, ou neanmoins nous ne pouvons pas moissonner cette annee.

  A013001852 

 Croyés-moy, jamais les Israëlites ne peurent chanter en Babylone parce qu'ilz pensoyent a leur païs; et moy je voudrois que nous chantassions par tout..

  A013001852 

 Il est permis de regarder le lieu ou nous desirons d'aller, mays a la charge qu'on regarde tous-jours devant soy.

  A013001854 

 Je vous la diray bien au long, le tems en estant venu; et si elle ne vous donne pas du repos interieur, nous employerons l'advis de quelque autre a qui, peut estre, Dieu communiquera plus clairement son bon playsir.

  A013001854 

 Mais parce que ce point est de tres grande importance, et qu'il n'y a rien qui nous presse, donnés-moy encores du loysir et du tems pour prier davantage et faire prier a cette intention; et encor faudra-il, avant que je me resolve, que je vous parle a souhait, qui sera l'annee prochaine, Dieu aydant.

  A013001855 

 Ne preoccupés point vostre esprit par des vaines promesses de tranquillité, de goust, de merites; mays [208] presentés vostre cœur a vostre Espoux, tout vuide d'autres affections que de son chaste amour, et le suppliés qu'il le remplisse purement et simplement des mouvemens, desirs et volontés qui sont dedans le sien, affin que vostre cœur, comme une mere perle, ne conçoive que de la rosee du ciel et non des eaux du monde; et vous verres que Dieu nous aydera, et que nous ferons prou et au choix et a l'execution..

  A013001856 

 Nous voyons combien les filles receuës contre leur gré ont peyne de se ranger et resoudre.

  A013001862 

 Mais si Dieu habite es tenebres et en la montaigne de Sinaï, toute fumante et couverte de tonnerres, d'esclairs et de fracas, ne serons nous pas bien aupres de luy? [211].

  A013001862 

 Que le monde renverse, que tout soit en tenebres, en fumee, en tintamarre; mais Dieu est avec nous.

  A013001863 

 Nostre tres honnoree Dame nostre Abbesse le nous a donné; gardons-le bien, et courage, ma Fille.

  A013001872 

 Ah, ma Fille, a qui tient-il que nous ne soyons saintz parmi tant d'exemples domestiques et estrangers, en la ville et aux chams? Tout nous presche en faveur de la sainteté, et nous n'y allons que fort lentement.

  A013001872 

 Helas, ma chere Fille, disons avec saint Augustin: Que faysons-nous? Les ignorans et les grossiers se levent, et, se levant devant nous, ilz ravissent les cieux; et nous croupissons dans nostre negligence! Au moins, parmy cette misere, soyons humbles, et Dieu nous benira, et relevera nostre bassesse par sa sainte misericorde....

  A013001883 

 C'est le grand mot: si nous sommes saintz selon nostre volonté nous ne le serons jamais bien; il faut que nous le soyons selon la volonté de Dieu.

  A013001883 

 Mon Dieu, que nous nous trompons souvent!.

  A013001887 

 Les confessions annuelles sont bonnes, car elles nous rappellent a la consideration de nostre misere et nous font reconnoistre si nous avançons ou reculons, nous font rafraichir plus vivement nos bons propos; mais il les faut faire sans inquietude et scrupule, non tant pour estre absous que pour estre encouragé, et n'est pas requis de faire si exactement l'examen, mais seulement de gros en gros.

  A013001950 

 A Dieu, ma Fille, mais a Dieu soyons-nous a jamais, comme il est nostre eternellement.

  A013001961 

 Devant que nous fussions au païs des glaces, environ huit jours, un pauvre berger couroit ça et la sur les glaces pour recourir une vache qui s'estoit esgaree, et, ne prenant pas garde a sa course, il tumba dans une crevasse et fente de glace de douze piques de profondeur.

  A013001977 

 Il est force que quelquefois nous laissions Nostre Seigneur pour aggreer aux autres, pour l'amour de luy..

  A013001977 

 Je vous l'ay dit d'autrefois: moins nous vivons a nostre goust et moins il y a de nostre choix en nos actions, plus il y a de bonté et de solidité de devotion.

  A013001977 

 Mon Dieu, le bon pere que nous avons et le tres bon mari que vous aves! Helas, ilz ont un peu de jalousie de leur empire et domination, qui leur semble estr'aucunement violé quand on fait quelque chose sans leur authorité et commandement.

  A013001978 

 Il faut, s'il se peut, nous empescher de rendre nostre devotion ennuyeuse..

  A013002035 

 D'Annecy, le lieu de notre pèlerinage et de notre exil, où nous sommes assis, pleurant au souvenir de notre Genève, jusqu'à ce que le Seigneur change notre bannissement, comme le torrent sous le souffle du midi.

  A013002080 

 Nous avons eu ces quinze jours un tres grand Jubilé, qui sera par tout le monde, sur le commencement de l'administration du Pape et la guerre de Hongrie.

  A013002124 

 Oh! qu'il tienne le second rang apres celuy de nostre Baptesme: jour du renouvellement de nostre temple interieur; jour auquel, par un eschange favorable, nous consacrasmes nostre vie a Dieu pour ne plus vivre qu'en sa mort; jour fondement, Dieu aydant, de nostre salut; jour presage de la sainte et desirable eternité de gloire, jour duquel le souvenir nous res-jouira non seulement en la mort temporelle, mais encor en la vie immortelle.

  A013002125 

 Faites bien cela; car c'est le grand point de l'humilité de voir, servir, honnorer et s'entretenir es occurrences et a propos (car il ne faut pas se rendre importune en la recherche) avec ceux qui nous sont a contrecœur, et demeurer humble, sousmise, douce et tranquille entr'eux.

  A013002126 

 Ayés bon courage, ma Fille; je voy bien que Nostre Seigneur nous veut aymer et rendre siens.

  A013002135 

 En vous attendant, madame vostre chere Presidente et moy nous prions pour vostre santé emmi les devotions du Jubilé, et nous entretenons de vostre retour et comme, si une fois nous vous pouvons tenir, nous ne permettrons plus que vous nous laissies.

  A013002135 

 Revenes donq, mon cher Frere, mais revenés apres avoir bien confirmé vostre santé, laquelle nous est prætieuse plus qu'il ne se peut dire.

  A013002150 

 Si nostre Sauveur veut quil reuscisse, il le procurera par des moyens convenables qu'il sçait et que nous ne sçavons pas encor.

  A013002151 

 Il faut avoir un grand courage en cet heureux amour divin, et une grande confiance sur l'asseurance que nous avons que jamais ce celeste Espoux ne manque aux ames qui aspirent en luy..

  A013002173 

 Nous, François de Sales, Evêque et Prince de Genève, certifions qu'on nous a remis la lettre par laquelle Sa Majesté Impériale, toujours [245] auguste, nous avertit que doit se tenir la diète convoquée jusqu'ici pour le 16 mai de l'année prochaine..

  A013002174 

 Que Dieu très bon très grand, nous l'en supplions avec toute la ferveur de nos désirs, envoie du ciel son assistance à la Couronne Impériale, et que du haut de Sion il la protège..

  A013002192 

 Or sus, nous nous verrons, s'il plaist a Dieu, avant Pasques.

  A013002192 

 Vivés toute a Celuy qui est mort pour nous, et soyés crucifiee avec luy.

  A013002222 

 ... Ces députés du clergé du diocèse se rendent [à Turin], pour remettre à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime les [251] notes des revenus ecclésiastiques et recevoir de vous les ordres nécessaires pour le paiement des décimes, mais aussi parce que son Altesse Sérénissime nous demande maintenant la prestation du serment de fidélité, comme on l'appelle.

  A013002229 

 Je m'en vay en supplier l'Archer qui en porte le carquoy, par l'intercession de saint Sebastien, duquel nous celebrons aujourd'huy la feste..

  A013002229 

 Que cette sagette nous face mourir de sa sainte mort, qui vaut mieux que mille vies.

  A013002229 

 Que soyons nous a jamais attachés a la Croix, et que cent mille coups de flesches transpercent nostre chair, [252] pourveu que le dard enflammé de l'amour de Dieu ayt premierement penetre nostre cœur.

  A013002306 

 Je vous avois dit que vous en fissies selon l'advis de vos confesseurs, mais puisqu'ilz ne sont pas d'accord, je vous diray comme j'ay dit a nostre madame de Chantal: quand les festes seront grandes, nonobstant la Communion ordinaire il ne faut pas laisser de les celebrer par une Communion extraordinaire; car, comme pourrons nous bien celebrer une grande feste sans ce festin? Ce que je vous renvoyois a vos confesseurs, c'est que je ne sçay pas clairement les particularités de vostre necessité.

  A013002319 

 A nostre premiere vëue, Dieu nous sera misericordieux, sil luy plait..

  A013002320 

 Quand a celuy que je desire faire de dela, que de peyne a le præparer et de hazart a le faire! Mais Dieu, qui void mon intention, en disposera par sa bonté, et nous en parlerons [261] avant que le tems en arrive; et des desirs de ma petite seur aussi, laquelle est a Dijon avec le bon monsieur de Crespy qui ne la veut point trop confier a M me Brulart, de peur qu'elle ne la face Carmeline.

  A013002322 

 Or sus, croyes moy je vous prie, ma chere Fille, j'ay pense, il y a plus de troys moys, a vous escrire que ce Caresme nous ferions bien de faire une desfaite de nostre vertugadin.

  A013002323 

 Allons tous-jours nostre petit pas; pourveu que nous ayons l'affection bonne et bien resolue, nous ne pouvons que bien aller..

  A013002332 

 Que vous diray-je davantage? Je viens tout maintenant de faire le cathechisme, ou nous avons fait un peu de desbauche avec nos enfans a faire un peu rire l'assistence, en nous mocquant des masques et des balz; car j'estois en mes belles humeurs, et un grand auditoire me convioit par son applaudissement a continuer de faire l'enfant avec les enfans.

  A013002333 

 Ah, mon Dieu, que je suis redevable a ce Sauveur qui nous ayme tant, et que je voudrois bien pour une bonne fois le serrer et coller sur ma poitrine! J'entens aussi bien sur la vostre, puis quil a voulu que nous fussions si inseparablement uns en luy..

  A013002379 

 Le Pere Cherubin nous apporte un Jubilé pour Thonon de deux moys entiers: voyla un autre encombrier.

  A013002411 

 Je pense aussi que vous vous tiendres desliee, affin que, si Dieu le veut, vous puissies venir au tems que nous avons marqué; si moins, au tems que nous marquerons.

  A013002427 

 Or sus, demeurés tous-jours en paix entre les bras du Sauveur qui vous ayme cherement, et duquel le seul amour nous doit servir de rendés vous general pour toutes nos consolations, ce saint amour, ma Fille, sur lequel le nostre, fondé, enraciné, creu, nourry, sera eternellement parfait et perdurable..

  A013002457 

 A Dieu encor une fois, ma Fille, a Dieu soyons nous a jamais et pour tout.

  A013002466 

 Hé, que je desire que nous soyons bien resuscités avec Nostre Seigneur! Je m'en vay l'en supplier, comme je fay journellement; car je n'appliquay jamais si fort mes Communions a vostr'ame comme j'ay fait ce Caresme, et avec un particulier sentiment de confiance en cette immense Bonté qu'elle nous sera propice.

  A013002466 

 O ma tres chere Fille, nous voyci a la fin de la sainte Quarantaine et a la glorieuse Resurrection.

  A013002467 

 Oh courage, ma tres chere et bienaymee Fille, c'est cela qu'il nous faut: que nostre peu d'unguent soit treuvé puant au nez du monde..

  A013002468 

 A Dieu, ma tres chere Fille, a Dieu soyons-nous au tems et en l'eternité; qu'a jamais puissions-nous unir nos petites croix a la sienne grande..

  A013002481 

 Pressé de mille sortes d'empeschemens sur ce despart que je fay pour aller celebrer un grand Jubilé a Thonon, [281] je vous salue humblement par cette occasion, vous suppliant de me faire part un peu bien amplement de vos nouvelles par madame de Chantal, laquelle, comme je croy, fera avec nous la feste de la Pentecoste.

  A013002510 

 Mais faites voir donques que ces bonnes Meres prient fort a cett'intention, car hoc genus demoniorum non ejicitur nisi in oratione et eleemosina; et puis que nous avons des-ja une Prieure eslëue, c'est a elle de solliciter ce proces, et je l'en supplie bien fort..

  A013002532 

 A Dieu donq, ma tres chere Fille, jusques a ce tems la; et en ce tems la et en l'eternité, a Dieu soyons nous, et a Dieu sans plus, puisque hors de luy et sans luy nous ne voulons rien, non pas mesme nous mesmes, qui aussi bien, hors de luy et sans luy, ne sommes que des vrays riens.

  A013002543 

 A Dieu donq, Monsieur, jusques a vendredi prochain; ains, a Dieu soyons nous jusques a l'eternité des eternités, car a meilleur maistre ne sçaurions nous estre.

  A013002543 

 Je le supplie que son saint amour fasse tous-jours vivre joyeusement nostre amitié et celle de tous ceux qui nous appartiennent pour luy.

  A013002559 

 Or sus, je sçai bien que quand par bonne rencontre on treuve Dieu, c'est bien fait de s'entretenir a le regarder et arrester en luy; mais, ma chere Fille, de le penser tous-jours rencontrer ainsy a l'impourveu, sans preparation, je ne pense pas qu'il soit encor bon pour nous qui sommes encor novices, et qui avons plus besoin de considerer les vertus du Crucifix l'une apres l'autre et en detail, que de les admirer en gros et en bloc.

  A013002559 

 Or, si apres avoir appliqué nostre esprit a cette humble preparation, Dieu ne nous donne neanmoins pas des douceurs et suavités, alhors il faut demeurer en patience a manger nostre pain tout sec, et rendre nostre devoir sans recompense presente..

  A013002561 

 Ma chere Fille, je pense que la Communion soit le grand moyen d'atteindre a la perfection; mais il faut la recevoir avec le desir et le soin d'oster du cœur tout ce qui desplait a Celuy que nous y voulons loger..

  A013002562 

 Dequoy sert il de bastir des chasteaux en Espagne, puisqu'il nous faut habiter en France? C'est ma vielle leçon, et vous l'entendes bien; dites moy, ma chere Fille, si vous la prattiques bien..

  A013002563 

 Ma chere Fille, nous sommes au chemin des Saintz; allons courageusement, malgré les difficultés qui y sont..

  A013002574 

 Ouy, ma tres bonne Fille, il le faut esperer fort asseurement, que nous vivrons eternellement.

  A013002575 

 Pour moy, je le sens tous-jours plus l'erme en mon ame; et puis que, apres tant de considerations, de prieres et de sacrifices, nous avons fait nos resolutions, ne permettés point a vostre cœur de s'appliquer a des autres desirs; mais, benissant Dieu de l'excellence des autres vocations, arrestés-vous humblement a celle-ci, plus basse et moins digne, mais plus propre a vostre suffisance et plus digne de vostre petitesse.

  A013002587 

 Mortifions nous jusques au fin fond de nostre esprit, et pourveu que nostre cher esprit de la foy soit fidele, laissons renverser toutes choses et vivons en asseurance.

  A013002587 

 Ne nous amusons point a la consideration de la beauté des autres, mais saluons seulement ceux qui passent par iceux et disons leur simplement: Dieu nous conduise a nous revoir au logis..

  A013002587 

 Ne nous faschons point de nos tempestes et des orages qui par fois troublent nostre cœur et nous ostent nostre [294] bonance.

  A013002587 

 Ne regardés ni a droitte ni a gauche; non, cettuy-ci est le meilleur pour nous.

  A013002587 

 Quand tout mourroit en nous, pourveu que Dieu y vive, que nous en doit il chaloir? Allons, allons, ma Fille, nous sommes en bon chemin.

  A013002594 

 A Dieu donques soyons nous a jamais, sans fin, sans mesure, sans reserve.

  A013002594 

 Nous sommes asses riches si ce tresor nous reste, [296] comme il fera infalliblement, Dieu aydant, lequel me rend tous-jours plus puissamment et inviolablement vostre.

  A013002604 

 Hier j'allay sur le lac en une petite barquette pour visiter Monsieur l'Archevesque de Vienne, et j'estois bien ayse de n'avoir point d'appuy qu'un ais de trois doigtz sur lequel je me peusse asseurer, sinon la sainte Providence; et si, j'estois encor bien ayse d'estre la sous l'obeissance du nocher, qui nous faysoit asseoir et tenir ferme sans remuer, comme bon luy sembloit: et vravement je ne me remuay point.

  A013002617 

 Prattiqués les mortifications desquelles le sujet se presente plus souvent a vous, car c'est une besoigne qu'il faut faire la premiere; apres celle-la nous en ferons d'autres.

  A013002633 

 Il faut avoir un peu de patience a souffrir son bruit et son tintamarre aux oreilles de nostre cœur; au bout de la, il ne nous sçauroit nuire..

  A013002633 

 Ne nous effrayons point de ses fanfares: il ne nous sçauroit faire nul mal, c'est pourquoy il nous veut au moins faire peur, et par cette peur nous inquieter, et par l'inquietude nous lasser, et par la lassitude nous faire quitter; mais contentons-nous que, comme petitz poussins, nous nous sommes jettés sous les aisles de nostre chere Mere.

  A013002636 

 Mon Dieu, ma Fille, que j'ay de consolation en l'asseurance que j'ay de nous voir eternellement conjointz en la volonté d'aymer et louer Dieu! Que sa divine providence nous conduise par ou il luy semblera mieux; mais j'espere, ains je m'asseure que nous aboutirons a ce signe et arriverons a ce port.

  A013002636 

 Soyons joyeux en ce service, je vous supplie: soyons joyeux sans dissolution et asseurés sans arrogance; craignons sans nous troubler, soyons soigneux sans nous empresser..

  A013002646 

 Et j'estois bien marri que nous n'avions ni tant de larmes ni tant de parfums que cette sainte Penitente; mais nostre sainte Dame se contentoit «le certaines gouttelettes respandues sur le bord de sa robbe, car nous n'osions pas toucher ses sacrés pieds.

  A013002646 

 Mais pour respect se nostre chere Magdeleine, nous n'osions pas aller a ses pieds, ains a ceux de sa sainte Mere, laquelle, si je ne me trompe, se treuvoit la.

  A013002649 

 Ce n'est plus le tems de nos saintes Paule et Melanie; arrestons nous la.

  A013002649 

 Nous aurons asses a faire de reduire en effect nos resolutions, lesquelles neanmoins me contentent tous les jours plus, et j'y voy tous-jours plus de la gloire de Dieu, en la seule providence duquel j'espere cet evenement..

  A013002653 

 Pourveu que l'esprit de la foy vive en nous, nous sommes trop heureux.

  A013002653 

 Voyes vous, Nostre Seigneur nous donnera sa paix quand nous nous humilierons a doucement vivre en la guerre..

  A013002654 

 Courage, ma Fille, tenés vostre cœur ferme; Nostre Seigneur nous aydera, et nous serons siens et nous l'aymerons bien.

  A013002654 

 Dieu sera avec moy pour cette conduitte, et nous n'errerons point, moyennant sa grace.

  A013002662 

 Croyés moy, ma Fille, les viandes douces engendrent les vers aux petitz enfans, et en moy qui ne suis pas petit enfant; c'est pourquoy nostre Sauveur nous les entremesle d'amertumes..

  A013002662 

 Mais certains desirs qui tirannisent le cœur, qui voudroyent que rien ne s'opposast a nos desseins, que nous n'eussions nulles tenebres, mais que tout fut en plein mydi; qui ne voudroyent que suavités en nos exercices, sans degoustz, sans resistence, sans divertissements; et tout aussi tost quil nous arrive quelque tentation interieure, ces desirs la ne se contentent pas que nous n'y consentions pas, mais voudroyent que nous ne les sentissions pas; ilz sont si delicatz quilz ne se contentent pas que l'on nous donne une viande de bon suc et nourrissante, si elle n'est toute sucree et musquee; ilz voudroyent que nous ne vissions seulement pas les mousches du moys d'aoust passer devant nos yeux: ce sont ces desirs d'une perfection trop douce, il n'en faut pas avoir beaucoup.

  A013002663 

 Non, [306] ma Fille, regardons a nostre Sauveur qui nous attend au dela de toutes ces fanfares de l'ennemi.

  A013002663 

 Reclamons son secours, car c'est pour cela quil permet que ces illusions nous facent frayeur..

  A013002664 

 Ah! ce leur dis-je, sans ces terreurs nous n'eussions pas tant invoqué Nostre Seigneur.

  A013002664 

 Hier au soir, nous eusmes icy des grans tonnerres et des esclairs extremes, et j'estois si ayse de voir nos jeunes gens, mais particulierement mon frere, nostre Groysi, qui multiplioyent les signes de croix et le nom de Jesus.

  A013002665 

 Courage, ma Fille, n'avons nous pas occasion de croire que nostre Sauveur nous ayme? Si avons certes; et pourquoy donques se mettre en peyne des tentations? Je vous recommande nostre simplicité, qui est si jolie et qui est si aggreable a l'Espoux, et encor nostre pauvr'humilité, qui a tant de credit vers luy; et faites moy une charité pareille en me les recommandant a moy.

  A013002672 

 Ne sommes nous pas trop heureux de sçavoir quil faut aymer Dieu et que tout nostre bien gist a le servir, toute nostre gloire a l'honnorer? O que sa bonté est grande sur nous! Je m'en vay donq a son saint autel..

  A013002692 

 Tenons nous bien a Dieu, ma Fille, et a sa sainte Mere.

  A013002703 

 Helas, ma chere Fille, dites moy, le doux Jesus ne nasquit il pas au cœur du froid? Et pourquoy ne demeurera-il pas aussi au froid du cœur? J'entens a ce froid duquel, comme je pense, vous parles, qui ne consiste pas a aucun relaschement de nos bonnes resolutions, mais simplement en une certaine lassitude et pesanteur d'esprit, qui nous fait cheminer avec peyne en la voye en laquelle nous nous sommes mis, et de laquelle nous ne nous voulons jamais esgarer, jusques a ce que nous soyons au port.

  A013002815 

 C'est la verité, Monsieur, je ne me puis assouvir du playsir que je reçois de l'asseurance de vostre amitié: mon frere de Groisy et moy en faysons feste a nos espritz toutes les fois que nous nous voyons; mon cœur est tout plein de ce bonheur.

  A013002819 

 Nous sommes icy hors de nouvelles, et moy particulierement, parmi ces replis de nos montagnes; mais je ne passe point de jour que je n'invoque la benediction de Dieu sur vous et sur toute vostre mayson.

  A013002863 

 Et bien, ma chere Fille, mais n'est il pas raysonnable que la tres sainte volonté de Dieu soit executee, aussi bien es choses que nous cherissons comme aux autres? [328] Mais il faut que je me haste de vous dire que ma bonne mere a beu ce calice avec une constance toute chrestienne; et sa vertu, de laquelle j'avois tous-jours bonne opinion, a de beaucoup devancé mon estime..

  A013002868 

 Il ne faut pas seulement aggreer que Dieu nous frappe, mais il faut acquiescer que ce soit sur l'endroit qu'il luy plaira; il faut laisser le choix a Dieu, car il luy appartient..

  A013002869 

 Aussi ne ferons-nous, non pas? Non, ma Fille, moyennant la grace de sa divine Bonté..

  A013002870 

 Je luy en sçai bon gré; car ces cœurs a demi mortz, a quoy sont-ilz bons? Mais il faut que nous fassions un exercice particulier, toutes les semaines une fois, de vouloir et d'aymer la volonté de Dieu plus vigoureusement, je passe plus avant: plus tendrement, plus amoureusement que nulle chose du monde; et cela, non seulement es occurrences supportables, mais aux plus insupportables.

  A013002871 

 Et bien, si Dieu vous ravissoit tout cela, n'auries vous pas encor asses d'avoir Dieu? N'est ce pas tout, a vostre advis? Quand nous n'aurions que Dieu, ne seroit ce pas beaucoup? Helas, le Filz de Dieu, mon cher Jesus, n'en eut presque pas tant sur la croix, lhors qu'ayant tout quitté et laissé pour l'amour et obeissance de son Pere, il fut comme quitté et laissé de luy; et le torrent des passions emportant sa barque a la desolation, a peyne sentoit il l'esguille, qui non seulement regardoit, mais estoit inseparablement unie a son Pere.

  A013002871 

 Helas, ma Fille, a la verité dire, cette leçon est haute; [331] mais aussi, Dieu, pour qui nous l'apprenons, est le Tres Haut.

  A013002872 

 Et bien donques, ma Fille, si Dieu nous ostoit tout, si ne s'ostera-il jamais a nous pendant que nous ne le voudrons pas.

  A013002873 

 Nous n'envoyerons point a son quarantal; non, ma Fille, il ne faut pas tant de mysteres pour une fille qui n'a jamais tenu aucun rang en ce monde, ce seroit se faire mocquer.

  A013002885 

 Je n'iray pas a Salins, mais je veux bien pourtant faire en sorte que cette annee suivante ne se passe pas sans que nous nous revoyons tous; dequoy pourtant je ne desire pas que le bruit coure..

  A013002886 

 Il faut faire de nostre costé une preparation proportionnee a nostre portee, et quand Dieu nous portera plus haut, a luy seul en soit la gloire..

  A013002907 

 Monsieur, ces grans vœuz sont indissolubles, sinon a la souveraine authorité; qui nous donnera du loysir de mesnager doucement le dessein..

  A013002918 

 O Dieu, non: ni la mort, ni les choses presentes ni les futures, ni les prosperités ni les adversités, ne nous separeront jamais de la charité qui est en Jesuscrist.

  A013002921 

 Je dis nostre, car si nous ne voulons que ce que Dieu veut, sa volonté et la nostre ne seront qu'une volonté.

  A013002924 

 Du vœu de saint Claude nous en parlerons tout a nostr'ayse.

  A013002927 

 A Dieu, ma chere Fille, a ce grand Dieu, dis-je, auquel nous sommes voués et consacrés, et qui m'a rendu pour jamais et sans reserve tout dedié a vostre ame que je cheris comme la mienne, ains que je tiens pour toute mienne en ce Sauveur qui, nous donnant la sienne, nous joint inseparablement en luy..

  A013002945 

 Et bien, Monsieur, que nous soyons fort esloignés des merites que vous pouvies justement requerir pour nous faire cette faveur et nous recevoir a une si estroitte alliance avec vous, si esperons nous de tellement y correspondre par une entiere, sincere et humble affection a vostre service, que vous en aures contentement..

  A013002945 

 Seulement vous supplie-je bien humblement de croire que vous ne pouvies pas obliger de cet honneur des gens qui le receussent avec plus de ressentiment que nous faysons, mes proches et moy, qui tous en sommes remplis de consolation.

  A013002965 

 Or, Dieu donques soit loüé et beni, et nous [343] face la grace de le louer et benir longuement en cette vie pour le benir æternellement en l'autre..

  A013002966 

 Nous jouirons cet Advent de la presence de madame de Chevron, laquelle viendra pour dissiper, par la conversation et hantise des saintz Offices, l'ennuy que le trespas de madame d'Autrechese luy donne; comm'aussi ma mere, pour addoucir la memoire de celuy de ma jeune seur..

  A013002987 

 [346] Bon augure, ce me semble, et bonne esperance pour nous, que Vostre Altesse heritant les honneurs de tous ces braves et dignes predecesseurs, elle succedea de mesme en leurs affections..

  A013002988 

 Dieu nous fasse voir, Monseigneur, les jours de Vostre Altesse fleuris en toutes sortes de benedictions, et l'Eglise refleurissante en la pieté de laquelle, comme d'un beau printems, le chapeau de Vostre Altesse, a guise d'une rose vermeille, nous vient donner un doux et gracieux presage.

  A013003001 

 O ma Fille, il est vray, nous pouvons faire toutes nos annees, nos mois, nos jours et nos heures saintes par le bon et fidelle usage.

  A013003009 

 La gloire en soit a Dieu uniquement, et a nous la parfaitte consolation.

  A013003043 

 Essayons-nous en, ma tres chere Fille; prononçons le souvent comme nous pourrons.

  A013003043 

 Je suis tellement pressé que je n'ay loysir de vous escrire sinon le grand mot de nostre salut: JESUS. Ouy, ma Fille, que puissions-nous au moins une fois prononcer ce nom sacré de nostre cœur.

  A013003043 

 O quel bausme il respandroit en toutes les puissances de nostre esprit! Que nous serions heureux, ma Fille, de n'avoir en l'entendement que Jesus, en la memoire que Jesus, en la volonté que Jesus, que Jesus en l'imagination! Jesus seroit par tout en nous, et nous, par tout en luy.

  A013003043 

 Que si bien, pour le present, ce ne sera qu'en begayant, a la fin neanmoins nous pourrons le bien prononcer..

  A013003044 

 Mais courage, ma Fille, sans doute nous aymerons Dieu, car il nous ayme.

  A013003054 

 Seulement ce soir, comme nous entrions au souper, le porteur m'a dit que demain il partoit de grand matin.

  A013003055 

 O qu'il nous faut desirer cet amour et qu'il nous faut aymer ce desir, puysque la rayson veut que nous desirions a jamais d'aymer ce qui ne peut jamais estre asses aymé, et que nous aymions a desirer ce qui ne peut jamais estre asses desiré.

  A013003055 

 Qu'est ce donq que je demande pour nous? Rien, sinon ce pur et saint amour de nostre Sauveur.

  A013003057 

 C'est pourquoy, ma chere Fille, invoqués bien Dieu sur nous, et le remerciés dequoy nous avons resolu de ne jamais faire de mesme.

  A013003057 

 Non, je ne pense pas que nous eussions le courage de retarder ainsy, de propos deliberé, un seul pas de nostre chemin pour tout ce que le monde nous auroit presenté: non pas, ma Seur, ma Fille? Sans doute non, moyennant la grace de Dieu..

  A013003070 

 Il ayme dans le cœur, il entend au cerveau, il anime dans la poitrine, il void aux yeux, il parle en la langue, et ainsy des autres: il fait tout en tout, et lhors nous vivons, non point nous mesmes, mais Jesus Christ vit en nous.

  A013003070 

 Ne desirons que le Sauveur et j'espere que nous ferons bonne digestion..

  A013003070 

 Tenons nous humbles, et communions hardiment; peu a peu nostre estomach interieur s'apprivoysera avec cette viande et apprendra a la bien digerer.

  A013003071 

 Et puis, je m'en vay tantost a cette sainte refection avec vous; car c'est jeudy, et ce jour-la nous nous tenons l'un a l'autre, et nos cœurs, ce me semble, s'entretouchent par ce saint Sacrement..

  A013003077 

 Nous penserons pendant le Caresme, et je luy escriray a cœur clair mon intention et pretention sur mon voyage..

  A013003080 

 Nous n'avons pas icy qui les face; s'il n'y a pas beaucoup d'incommodité, envoyés m'en un..

  A013003087 

 En fin, conclués par une grande confiance en cette volonté, qu'elle fera tout bien pour nous et nostre bonheur..

  A013003089 

 Ma mere a fait festes avec nous; maintenant ell'est a Sales, et nostre Groysi aussi.

  A013003089 

 Nous nous portons tous bien, Dieu merci.

  A013003091 

 Or, a Dieu ma Fille, ma Fille tres chere et tres aymee, a Dieu soyons nous a jamais.

  A013003119 

 Sçaves vous, ne la nous faites pas aussi si brave qu'elle nous desdaigne pour cela.

  A013003121 

 Oh, Dieu sçait comme mon cœur le desireroit ardamment, si je ne pensois que la volonté divine veut de nous un peu de patience; mais esperons tous-jours beaucoup..

  A013003135 

 Oh! pour cela, nous avons dequoy nous bravement defendre, et en bataille rangee.

  A013003136 

 La foy, l'esperance, la charité, pieces immobiles de nostre cœur, sont bien sujettes au vent, quoy que non pas a l'esbranlement: comment voulons nous que nos resolutions en soyent exemptes? Vous estes admirable, ma Fille, si vous ne vous contentés pas que nostre arbre demeure bien et profondement planté, mais que vous voulies encor que pas une feuille ne soit agitee..

  A013003137 

 Ce sont des craintes sans sujet, car si l'ange de Satan, souffletant saint Paul par tant d'agitations de pensees deshonnestes, ne sceut neanmoins offencer sa pureté, pourquoy tiendrons nous nos resolutions offencees par ces mouvemens d'esprit?.

  A013003151 

 Pour tout cela, je desire vous voir icy jeudi prochain, affin que, s'il se peut, nous accommodions ces differens a la gloire de Dieu, que je supplie vous assister, et suis.

  A013003184 

 Car, si apres tant de tems, apres [373] tant de demandes a Dieu on ne se resoult pas sans difficulté, comme penserons, sur des considerations faites sans appareil (pour celles qui viennent a gauche) et faites par des simples odeurs et goustz (quant a celles qui viennent a dextre), comme penserons nous, dis-je, bien rencontrer? Or sus, laissons cela, n'en parlons plus..

  A013003187 

 Ce n'est pas en esprit d'arrogance que je dis cela, ma Fille, c'est en esprit de confiance et pour nous encourager.

  A013003187 

 Et donques, dequoy nous tourmentons nous? Vive Jesus! ma Fille; il m'est advis quelquesfois que nous sommes tous pleins de Jesus, car au moins nous n'avons point de volonté deliberee contraire.

  A013003187 

 Nous n'avons point d'intention que pour la gloire de Dieu, non pas? Non certes, au moins d'intentions descouvertes; car si nous en descouvrions, nous les arracherions tout aussi tost de nostre cœur.

  A013003190 

 Si Dieu nous ayde, il reuscira..

  A013003209 

 A Dieu, ma chere Fille, et que Jesus vive et regne a jamais en nous..

  A013003246 

 Mais se pourroit-il bien faire qu'apres avoir consideré la bonté, la fermeté, l'eternité de Dieu, nous puissions aymer cette miserable vanité du monde? Or sus, il nous faut supporter et tolerer cette vanité du monde; mais il ne faut aymer ni affectionner que la verité de nostre bon Dieu, lequel soit a jamais loué de ce qu'il vous conduit a ce saint mespris des folies terrestres..

  A013003246 

 Quand nous savourerons les choses divines, il ne sera plus possible que les mondaines nous reviennent donner appetit.

  A013003247 

 C'est bien dit, ma Fille bienaymee; quand nous verrons mourir nos amis, pleurons les un peu, regrettons les un peu par compassion et tendreté, mais avec tranquillité et sans impatience; et faysons valoir leur deslogement pour nous preparer tout doucement et joyeusement au nostre..

  A013003247 

 Helas, il est vray, Madame ma chere Cousine, la pauvre madame de Moyron est trespassee: nous ne l'eussions pas dit le Caresme passé, il est vray.

  A013003247 

 Je ne dis pas: ne la craignons point du tout, mais je dis: ne nous troublons point.

  A013003247 

 Mon Dieu, ma chere Fille, ne serons nous pas bien heureux si nous mourons avec nostre doux Sauveur au milieu de nostre cœur? Or sus, il l'y faut donq bien tenir tous-jours, continuant nos exercices, nos desirs, nos resolutions, nos protestations.

  A013003247 

 Nous trespasserons aussi un certain jour a venir, lequel nous ignorons.

  A013003247 

 Si la mort de Nostre Seigneur nous est propice, la nostre nous sera bonne; c'est pourquoy pensons souvent a la sienne, cherissons bien sa Croix et sa Passion.

  A013003247 

 Vivons gayement et courageusement en luy et pour luy, et ne nous estonnons point de la mort.

  A013003260 

 [383] Il est vray qu'il les laisse bien aborder les frontieres affin d'exercer les vertus interieures a la guerre et les rendre vaillantes, et permet que les espions, qui sont les pechés venielz et les imperfections, courent ça et la parmi son royaume; mais ce n'est que pour nous faire connoistre que sans luy nous serions en proye a tous nos ennemis..

  A013003261 

 Au demeurant, il faut tous-jours avoir courage; et s'il nous arrive quelque alanguissement ou affoiblissement d'esprit, courons au pied de la Croix et nous mettons parmi ces saintes odeurs, parmi ces celestes parfums, et sans doute nous en serons confortés et ravigorés..

  A013003261 

 C'est pourquoy tenons nous bien a Dieu par la continuation de nos exercices: que ce soit le gros de nostre soin, et le reste, des dependances.

  A013003261 

 Humilions-nous fort, ma chere Cousine, ma Fille; advouons que si Dieu ne nous est cuirasse et bouclier, nous serons incontinent percés et transpercés de toute sorte de pechés.

  A013003262 

 Qu'a jamais puissions-nous, d'esprit, de cœur, de cors, luy estre en sacrifice et holocauste de louange.

  A013003276 

 Il fait semblant de nous eschauffer au bien, mais ce n'est que pour nous refroidir, et ne nous fait courir que pour nous faire chopper.

  A013003278 

 La premiere est pour rendre a Dieu l'honneur et l'hommage que nous luy devons, et cela se peut faire sans qu'il nous parle, ni nous a luy; car ce devoir se fait, reconnoissant qu'il est nostre Dieu et nous, ses viles creatures, et demeurant devant luy prosternés en esprit, attendant ses commandemens.

  A013003279 

 La seconde cause pour laquelle on se presente devant Dieu, c'est pour parler avec luy et l'ouyr parler a nous par ses inspirations et mouvemens interieurs; et ordinairement cela se fait avec un playsir tres delicieux, parce [386] que ce nous est un grand bien de parler a un si grand Seigneur, et quand il respond, il respand mille bausmes et onguens pretieux, qui donnent une grande suavité a l'ame..

  A013003280 

 En cette sorte, nous ne nous empresserons point pour luy parler, puisque l'autre occasion d'estre aupres de luy ne nous est pas moins utile, ains peut estre beaucoup plus, encor qu'elle soit un petit moins aggreable a nostre goust..

  A013003280 

 Si nous ne pouvons pas parler parce que nous sommes enroués, demeurons neanmoins en la chambre et faysons-luy la reverence; il nous verra la, il aggreera nostre patience et favorisera nostre silence.

  A013003280 

 Si nous pouvons parler a Nostre Seigneur, parlons; louons le, prions le, escoutons le.

  A013003280 

 Une autre fois nous serons tout esbahis qu'il nous prendra par la main, et devisera avec nous, et fera cent tours avec nous es allees de son jardin d'orayson; et quand il ne le feroit jamais, contentons-nous que c'est nostre devoir d'estre a sa suitte et que ce nous est une grande grace et un honneur trop plus grand qu'il nous souffre en sa presence.

  A013003284 

 Je suis marri que Monsieur de Paris nous laisse... [388].

  A013003324 

 Nous ne sommes que des gueux; les plus miserables sont de meilleure condition, la misericorde de Dieu les regarde volontiers..

  A013003325 

 Humilions nous, je vous supplie, et ne preschons que nos playes et miseres a la porte du temple de la pieté divine.

  A013003325 

 S'il void nostre bassesse en nostre cœur, il nous fera de grandes grâces..

  A013003331 

 Le doux Jesus nous la veuille donner en son amour et dilection.

  A013003331 

 Priés pour moy, ma chere Fille, affin qu'un jour nous puissions nous voir avec tous les Saintz en Paradis.

  A013003375 

 Les grandes et rares qualitéz que la bonté et liberalité de Dieu vous a desparties, qui forcent les estrangiers mesmes de les recognoistre et d'en rechercher la jouissance, nous obligent encoures d'en faire l'estat que nous devons et de nous en prevalloir, tant pour nostre particulier que pour le general de ceste province, et principalement de cette ville, laquelle, comme estant le chef de l'Estat, semble avoir quelque droict de rechercher avec nous cet honneur de vous avoir pour predicateur a ce Caresme prochain, si la disposition de voz affaires vous en donnent aultant de commodité comme nous en avons tous de volonté et de desir..

  A013003376 

 Mais nous estimerons d'avoir tant plus d'obligation a la faveur que nous recevrons de vostre charité et bienveuillance quand il vous plairra nous accorder cette requeste, laquelle nous vous presentons, sachantz bien que le dessein lequel vous aves de rendre ce devoir de bon Evesque a voz brebis vous pourroit destourner de nous l'accorder, si la consideration d'un plus grand bien que vous pouves faire en nous gratiffiant de cette priere ne vous emouvoit de quicter quelque chose de cette bonne et sainte resolution.

  A013003377 

 Dequoy nous avons encores particulierement chargé le sieur Senateur Favre de vous prier de nostre part et vous asseurer tant plus que nous vous en aurons obligation perpetuelle, et laquelle nous tascherons tous, et en general et en particulier, de recognoistre en vostre endroict par toutte sorte de tesmoignage d'affection a vostre service, d'aussy bon cœur qu'appres vous avoir bien humblement baisé les mains, nous prions Dieu quil luy plaise, Monsieur, vous conserver et accroistre de jour en jour ses sainctes graces, et a nous les vostres..

  A013003413 

 J'ay tardé de vous escrire ceste jusques a l'heure du despart de monsieur Rogex, pour sçavoir si l'arrivee de Monseigneur de Nemours, que nous attendons despuis quattre jours d'heure a autre, m'apporteroit le sujet de quelque nouvelle digne de vous estre escritte; mais jusques icy nous n'en avons autres nouvelles sinon quil arriva le mercredy au soir a Lion et que ses gens cherchoyent des chevaux de louage vendredy pour partir.

  A013003430 

 Et comme tout cecy est derivé et plus abondamment, j'espere, derivera d'iceluy qui deit: Cum exaltatus fuero à terra, omnia trabam ad me ipsum, aussi nous preuvrons tous-jours que ceste beniste conformité de noz volontez à la divine, bourgeonne et rend le centiesme à quiconque se sacrifie entierement en holocauste à Dieu.

  A013003434 

 Au reste, je suis bien aise que le R. P. Recteur de Chambery vous assiste de son fidel conseil et service, tout ainsi que nous le vous debvons trestous.

  A013003450 

 Cependant Nous desirons que rien ne soit innové au prejudice de la Religion, vous en ayant a ces fins voullu donner advis, a celle fin que sursoyes a toutes deliberations qu'en ce faict vous pourriez avoir projectees..

  A013003450 

 Le Conseil de la Religion nous a faict voir la lettre que luy avez escrit, comme aussy celle du Berghera, en conformité de la nostre, touchant la provision des benefices qui restent a pourvoir riere les baillages de Chablais, Gaillard et Ternier que Nous desirons et affectionons tout ce qui se peut.

  A013003450 

 Mais comme c'est chose sur laquelle il a fallu faire plusieurs cessions et qui depend de l'advis et participation de beaucoup de personnes, cella en a retardé la resolution, que neantmoins nous envoyerons bien tost.

  A013003473 

 Jusques au premier Dimanche de juin (selon que nous autres laics avons coustume de compter, le quatriesme jour) elle s'en alla à l'eglise parroissiale d'Amancy, tenant une petite croix en ses mains, et, estant des-ja fort foible, elle se confessa et communia.

  A013003476 

 Et apres disner, son mary devant aller à La Roche pour des affaires, elle luy monstra tout ce qu'elle avoit preparé et disposé, luy persuada de dotter la chappelle d'Amancy selon qu'il vous promist, Monseigneur, et de faire faire des habits d'eglise, disant qu'il falloit assembler des thresors au Ciel, et n'avoir plus de goust aux choses qui sont sur la terre, mais à celles qui sont au dessus de nous.

  A013003477 

 Elle fust encore visitée par sa sœur Nicole, qui vouloit demeurer aupres d'elle; mais elle luy dit: « Ma sœur, allez vous-en; vous avez des affaires à La Roche et [405] estes plus malade que moy; nous nous verrons bien-tost en Paradis, avec l'aide de Dieu.

  A013003540 

 Mais puisque votre charge et de meilleures et plus importantes raisons vous retiennent par-delà, je vous supplie, Monsieur, de faire souvent part à lui et à moi du doux miel de vos saints et divins discours, pour nous réveiller du sommeil dans lequel nous nous trouvons presque toujours engagés par les affaires du monde, et rappeller notre esprit à la contemplation de la Divinité et de la béatitude éternelle..

  A013003554 

 Nous pourrons dire de vous, Monseigneur, ce que saint Paul disoit de lui même: qu'afin que rien ne manque à vôtre apostolat, vous prenéz un soin continuel de toutes les eglises de Dieu sapées par les heretiques et relevées par vôtre travail..

  A013003569 

 Monseigneur, comment ferons nous pour mettre sous la presse le thresor de devotion de madame de Charmoisy? Il fault, a mon advis, premierement revoir le tout, le disposer, l'intituler et prefasser, avec le nom de l'autheur, affin que le bien soit plus asseuré et plus universel; le tout a la gloire de Dieu.


14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres.html
  A014000068 

 Pourquoi la fuite des années ne doit pas nous attrister. 69.

  A014000073 

 DIII. Avoir son âme en ses mains; comment elle nous échappe et les moyens de la reprendre.

  A014000078 

 DVIII. La charité envers le prochain ne doit pas nous faire couvrir le mal.

  A014000078 

 — Comment nous devons considérer les actions du prochain.

  A014000083 

 — Ce qui conserve «nos tares.» — Désirs illusoires de changement; c'est nous-même qu'il faut changer. 82.

  A014000088 

 — Conduite à tenir lorsque nous sommes préoccupés de savoir si nous avons bien fait.

  A014000099 

 — Il faut avoir de la compassion pour celui-ci et suivre pour nous-même l'humilité. 101.

  A014000105 

 — Pourquoi Dieu nous a donné notre cœur. 106.

  A014000126 

 Pourquoi nous sommes en ce monde.

  A014000135 

 — Pourquoi la connaissance de notre néant ne doit pas nous troubler. 143.

  A014000161 

 — Ce que Notre-Seigneur ne requiert pas de nous.

  A014000183 

 — Comment remplacer cet exercice, si nous sommes trop douillets.

  A014000192 

 — La seule perte que nous devons craindre en cette vie.

  A014000210 

 A quelle condition rien ne nous offensera. 217.

  A014000219 

 — L'échelle qui nous conduit aux années éternelles.

  A014000244 

 J'ay receu vostre premiere lettre avec une particuliere consolation, comme un bon commencement de la communication spirituelle que nous devons avoir ensemble pour l'advancement du royaume de Dieu dans nos cœurs.

  A014000245 

 Mon Dieu, ma chere Fille, voudrions nous bien entrer au repos interieur sans passer par les contradictions et contestes ordinaires?.

  A014000246 

 Dites a vostre ame: Or sus, nous avons fait un faux pas; allons maintenant tout bellement et prenons garde a nous.

  A014000271 

 Il m'est advis que la communion de ce saint caractere nous alliera de plus fort; mays en l'attendant, je ne laisseray de prononcer souvent en mon ame le souhait solemnel: Ad multos annos.

  A014000294 

 J'ay esté bien consolé par les lettres que vous m'aves escrit, voyant que Nostre Seigneur vous a fait gouster les commencemens de la tranquillité avec laquelle, moyennant sa grace, il nous faut desormais continuer de le servir parmi la presse et multiplicité des affaires ausquelles nostre vocation nous oblige.

  A014000348 

 Ne nous troublons point des sterilités, car les sterilités enfanteront en fin; ni des secheresses, car la terre seche se convertira en sources d'eaux vivantes.

  A014000348 

 O ma Fille, quand serons nous unis a nostre Dieu de l'union parfaite? quand aurons nous des cœurs embrasés de son amour? Courage, ma chere Fille, nous sommes destinés a cette heureuse fin.

  A014000351 

 Mais, avec tout cela, ceci ne sera que nostre alliance exterieure, car Celuy a l'œil duquel le fond de mon cœur est ouvert, sçait bien que le lien interieur duquel il joint mon esprit au vostre est totalement independant de tous ces accidens, qui ne peuvent ni adjouster ni diminuer a cette intime et tres pure affection et union que Dieu a fait en nous..

  A014000360 

 Dieu nous ayme, ma chere Fille; il sera tous-jours avec nous, nostre unique amour et confiance.

  A014000388 

 Considerés combien cette vertu est noble, qui tient nos ames blanches comme le lys, pures comme le soleil; qui rend nos cors consacrés et nous donne la commodité d'estre tout entierement a sa divine Majesté, cœur, cors, esprit et sentimens.

  A014000408 

 Mon Dieu, Madame, nous serons bien tost en l'eternité, et lhors nous verrons combien toutes les affaires de ce monde sont peu de chose et combien il importoit peu qu'elles se fissent ou ne se fissent pas; maintenant, neanmoins, nous nous empressons comme si c'estoyent des choses grandes.

  A014000408 

 Quand nous estions petitz enfans, avec quel empressement assemblions nous des morceaux de tuyles, de bois, de la bouë, pour faire des maysons et petitz bastimens! Et si quelqu'un nous les ruynoit, nous en estions bien marris et pleurions; mais maintenant nous connoissons bien que tout cela importoit fort peu.

  A014000408 

 Un jour nous en serons de mesme au Ciel, que nous verrons que nos affections au monde n'estoyent que de vrayes enfances..

  A014000409 

 Et si quelqu'un ruyne nos maysonnettes et petitz desseins, ne nous en tourmentons pas beaucoup; car aussi, quand ce viendra le soir auquel il se faudra mettre a couvert, je veux dire la mort, toutes ces maysonnettes ne seront pas a propos: il faudra se retirer en la mayson de nostre Pere.

  A014000409 

 Faysons nos enfances, puisque nous sommes enfans; mais aussi, ne nous morfondons pas a les faire.

  A014000409 

 Je ne veux pas oster le soin que nous devons avoir de ces petites tricheries et bagatelles, car Dieu nous les a commises en ce monde pour exercice; mais je voudrois bien oster l'ardeur et la chaleur de ce soin.

  A014000434 

 Et ne doutant point que messieurs vos Religieux n'affectionnent ce parti paysible et plus sortable a nos vocations, je tiens des-ja l'appointement pour fait, bien que, puisque vous le desirés, le proces ne se retarde point encor, lequel neanmoins il sera bien raysonnable de sursoyer quand le jour sera marqué entre nous; ce qui sera bien tost, si vous nous envoyés vostre intention pour ce regard..

  A014000434 

 Il ne reste sinon de convenir du tems, du lieu et des personnes convenables a cett'intention; sur quoy je vous prie m'envoyer quelque proposition et projet, affin que, de nostre costé, nous taschions de concourir a vostre commodité.

  A014000436 

 Mais les causes estant ostees, tous ombrages, soupçons et rapportz cesseront, et, comme nous devons, et l'un et l'autre des cors s'entretiendront par une sainte charité a cooperer l'un a l'autre pour le service du cors general de Jesuschrist qui est l'Eglise..

  A014000437 

 Je prie sa divine Majesté qu'elle nous rende tous dignes du service auquel nous avons esté appellés, et suis, en ce qui regarde vostre particulier,.

  A014000456 

 Il nous faut joindre ces deux choses ensemble: une extreme affection de bien et exactement prattiquer nos exercices, tant de l'orayson que des vertus, et de nullement nous troubler ou inquieter ou estonner, s'il nous arrive d'y commettre des manquemens; car le premier point depend de nostre fidelité, qui doit tous-jours estre entierè et croistre d'heure en heure; le second depend de nostre infirmité, laquelle nous ne sçaurions jamais deposer pendant cette vie mortelle..

  A014000457 

 Ma tres chere Fille, quand il nous arrive des defautz, examinons nostre cœur tout a l'heure et demandons-luy s'il a pas tous-jours vive et entiere la resolution de servir a Dieu; et j'espere qu'il nous respondra qu'ouy et que plustost il souffriroit mille mortz que de se separer de cette resolution.

  A014000458 

 Helas! ma chere Fille, il nous faut estre charitables a l'endroit de nostre ame, et ne la point gourmander tandis que nous voyons qu'elle n'offense pas de guet a pens.

  A014000458 

 Or sus, luy devons-nous dire, mon cœur, mon amy, au nom de Dieu, prens courage; cheminons, prenons garde a nous, eslevons nous a nostre secours et a nostre Dieu.

  A014000458 

 Voyes vous, en cet exercice, nous pratiquons la sainte humilité..

  A014000459 

 Ce que nous faysons pour nostre salut est fait pour le service de Dieu, car Nostre Seigneur mesme n'a fait en ce monde que nostre salut.

  A014000471 

 Et puis, ou il n'y a pas danger de peché mortel, il ne faut pas fuir, mais vaincre tous nos ennemis et s'y opiniastrer sans perdre courage, bien que nous soyons quelquefois vaincus..

  A014000471 

 Le desir de vous esloigner des causes n'est pas a propos au train auquel nous sommes, car il fait abandonner [28] le vray soin de combattre.

  A014000471 

 Or, ce dernier nous est necessaire, tandis que le premier est impossible.

  A014000474 

 Mais, ma Chere Fille, cet encor a quoy se rapporte-il? En aves vous des-ja beaucoup gasté de ces ennemis-la? Je veux dire qu'il faut avoir courage et bonne opinion de faire mieux dores-en-avant, puisque nous ne faysons que commencer et que neanmoins nous avons desir de bien faire..

  A014000499 

 D'ailleurs, le profit que nous avons retiré de cette faculté ressort assez clairement de ce fait, que plusieurs milliers d'hommes et de femmes, dans ces douze dernières années ont abjuré l'hérésie, en partie par mon ministère, en partie par celui des autres, et sont rentrés par la grâce de Dieu dans le sein de l'Eglise Catholique..

  A014000499 

 Des hérétiques que nous avons encore dans le diocèse, le plus grand nombre reviennent chaque jour [31] au bercail de l'Eglise, tant par l'effet des prédications publiques que des entretiens privés.

  A014000509 

 Hier nous en parlions, mon frere de Groysi et moy; car, comme vous desires, il sera de la partie.

  A014000509 

 J'espere que Dieu nous fera la grace de treuver monsieur vostre beaupere plein de vie, et ce me sera une consolation incredible de le pouvoir entretenir.

  A014000509 

 Mais nous y penserons, et si je ne suis pas appellé a ce sacre, je treuveray quelqu'autr'expedient.

  A014000510 

 Entr'autres choses, il me vint en l'esprit ce qui est dit de Bala, servante de Rachel, qu'ell'enfantoit ses enfans sur les genoux et dans le giron de sa dame, et les enfans n'estoyent plus siens, mais de Rachel sa dame; et me sembloit que si nous mettions, par une juste confiance, nos cœurs et nos affections sur les genoux et dans le giron de Nostre Dame, qu'ilz ne seront plus nostres, mais a elle: cela me consoloit beaucoup.

  A014000510 

 Vrayement, l'autre jour (ce fut samedy) je faysois l'orayson sur la grandeur de l'amour que Nostre Dame nous porte.

  A014000517 

 A Dieu, ma tres chere Fille; a Dieu soyons nous entierement et eternellement.

  A014000530 

 C'est grand cas; je pense tous-jours que si je la voy a souhait avec toute sa trouppe, si nous ne faysons pas tout ce qui seroit desirable, nous en ferons quelque chose; car j'ay quelque confiance en la confiance qu'ell'a en moy, qui aussi la cheris d'un amour fort particulier en Nostre Seigneur..

  A014000567 

 Alhors nous parlerons, si nous pouvons, de vostre misere et de l'envie que vous me dites avoir de vous plonger pour la derniere fois au saint lavoir de Poenitence..

  A014000568 

 Mais si faut il que je vous die que la sorte de vie que nous avons choysie me semble tous les jours plus desirable et que Nostre Seigneur en sera fort servi.

  A014000571 

 Or sus, je verray encor nos vefves avec vous, ou a Dijon: comment? O ma Fille, ne sommes nous pas bienheureux de ne praetendre rien moins qu'a Dieu? Mais monsieur le Conte est il tout a fait mort, que je ne sçai ou il est, ni ce quil fait?.

  A014000586 

 Vous devés vous en resjouir par ce que la piece que nous avons gaignee est importante, mais specialement par ce que, comme vous avies receu de luy l'instruction de la philosophie, ainsy quil m'a dit, aussi vous avés beaucoup cooperé par vos lettres a sa reduction en l'Eglise; et si, vous m'aves beaucoup obligé, l'asseurant que je le servirois en ce dessein-la..

  A014000622 

 Faites nous donques a tous ce bien que de ne point esconduire nostre juste demande, qui regarde la gloire de Dieu et le restablissement d'un convent tout entier..

  A014000649 

 Les occasions de la prattiquer sont quotidiennes, car il ne nous manque pas de contradictions ou que nous soyons; et quand nul ne nous en fait, nous nous en faysons a nous mesmes.

  A014000649 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serions saintz et aggreables a Dieu si nous sçavions bien employer les sujetz de nous mortifier que nostre vocation nous fournit, car ilz sont plus grans sans doute qu'entre les Religieux; le mal est que nous ne les rendons pas utiles comme eux..

  A014000653 

 Ou languissant, ou vivant, ou mourant, nous sommes a Dieu, et rien ne nous separera de son saint amour, moyennant sa grace.

  A014000663 

 Oüy, ma tres chere Fille, de bon cœur je rendray a la mayson de la Flechere le nom de François, qui me fut donné au saint Baptesme par monsieur le Prieur de la Flechere, vostre oncle et mon bon parrein; mais si c'est une fille, nous en ferons une bonne Religieuse..

  A014000689 

 Et puisque vous ne sçauries plus exercer vostre cors en aucune mortification et aspreté de penitence et qu'il n'est nullemenc expedient que vous y pensies, ainsy que nous demeurasmes d'accord, tenes vostre cœur bien rangé devant son Sauveur et faites, le plus que vous pourres, ce que vous feres pour plaire a Dieu, et ce que vous aures a souffrir selon la condition de cette vie, souffres le a mesme intention; car ainsy Dieu vous possedera toute et vous fera la grace que vous le possederes un jour eternellement, dont je le supplieray toute ma vie, ma tres chere Fille, et seray de tout mon cœur,.

  A014000725 

 Nous voyci a vos portes, ma tres chere Fille; mais par ce que Thibaut m'a dit qu'avec beaucoup d'affection vous voulies estre advertie un peu devant nostre arrivee, j'ay voulu vous aggreer, et pour cela je l'ay fait partir trois heures avant nous..

  A014000726 

 Or sus, ma chere Fille, vous l'avois-je pas escrit que ce seroit environ la feste du grand saint Louys? Je vous porte mon esprit plein de desir de servir le vostre et faire tout le bien que nous pourrons faire.

  A014000727 

 Dieu soit tous-jours avec nous, ma chere Fille.

  A014000739 

 Helas! je regrette sans doute tant d'incommodités qui s'opposent a nos desirs; mais faysant ce qui est en nous, doucement et constamment, ce bon Dieu suppleera au reste et vous consolera de son assistence speciale..

  A014000740 

 Ah, que je desire de bonheur a vostre chere ame, ma Fille bien aymee! Qu'a jamais puissions nous vivre pour ce saint amour celeste..

  A014000789 

 Helas! Monsieur, Dieu nous a nourris du doux lait de plusieurs consolations, affin que, devenus grans, nous taschions d'ayder a la reedification des murs de Hierusalem, ou en portant des pierres, ou en brassant le mortier, ou en martelant.

  A014000804 

 Sortons du monde pour servir Dieu, pour suivre Dieu, pour aymer Dieu; et en cette sorte, tandis que Dieu voudra que nous le servions, suivions et aymions au monde, nous y demeurerons de bon cœur, car puis que ce n'est que ce saint service que nous desirons, ou que nous le facions, nous nous contenterons.

  A014000805 

 Prions Dieu, humilions nous, attendons en patience, et nous serons consolés..

  A014000806 

 Il me dit que les [69] impertinentes procedures de ce Religieux duquel nous parlasmes en carrosse et duquel vous aviés parlé a M. de la Curne, estoyent venues aux oreilles du Cardinal de Givry et de l'Inquisition de Romme.

  A014000807 

 Or, ceci soit dit entre nous deux..

  A014000808 

 Je m'essayeray de tenir l'affaire liee en sorte que nous le ( sic ) puissions voir achevee, car vous ne le desires pas plus que moy; mais sil ne plait pas a Dieu, il ne me plait pas non plus, ni a vous, car je parle de vous comme de moy..

  A014000809 

 Et bien, nous y ferons ce qui se pourra, et Dieu face selon son bon playsir de nous et de tout ce qui est a nous..

  A014000813 

 A Dieu, ma chere Fille, a laquelle je suis tout donné en Celuy qui s'est tout donné a nous, affin qu'estant mort pour nous, ne vivions plus qu'a luy.

  A014000828 

 Ma gloire en eust esté accomplie, s'ilz eussent eu plus de loysir de nous favoriser de leur presence; une autre fois, en pareille occasion, je veux implorer vostre entremise pour obtenir du P. Recteur une prolongation de ce contentement pour moy..

  A014000848 

 Car nostre bon Dieu esprouve quelquefois nostre courage et nostre amour en nous privant des choses qui nous semblent et qui sont tres bonnes a l'ame; et s'il nous void ardans a la poursuitte, et neanmoins humbles, tranquilles et resignés au manquement et a la privation de la chose poursuivie, il nous donne des benedictions plus grandes en la privation qu'il ne nous en donne en la possession de l'estat desiré; car, en tout et par tout, Dieu ayme ceux qui, de bon cœur et simplement, en toutes occasions et en tous accidens, peuvent luy dire: Vostre volonté soit faite ............................

  A014000857 

 Nous celebrons aujourd'huy, ma chere Fille, la Dedicace de nostre Eglise; mais, entre les Offices, je vous viens escrire cette lettre pour retourner bien tost a l'autel ou je veux, avec des particulieres affections, faire action de graces a nostre doux Sauveur de la dedicace de nos cœurs et de nos cors que par sa misericorde nous luy avons faitte par nos vœux.

  A014000857 

 O que nous serons heureux, ma bonne chere Fille, si nos temples ne sont point violés! Qu'a jamais le Saint Esprit y reside et ne permette point qu'aucune irreverence y soit commise; que ce soyent des maysons d'orayson et de priere, ou les sacrifices de loüange, de mortification et d'amour soyent immolés..

  A014000870 

 Mais quelles mammelles a cet Espoux? Ce sont sa grace et sa promesse; car il a sa poitrine, amoureuse de nostre salut, pleine de graces, qu'il distille d'heure a heure, ains de momens en momens, dedans nos espritz: et si nous voulons bien y penser, nous trouverons qu'il est ainsy.

  A014000873 

 Saint François aymoit les aigneaux et moutons parce qu'ilz luy representoyent son cher Sauveur; et je veux que nous aymions ces vendanges temporelles, non seulement parce que ce sont choses appartenantes au soin qui correspond a la demande que nous faysons tous les jours de nostre pain quotidien, mais aussi, et [78] beaucoup plus, parce qu'elles nous eslevent aux vendanges spirituelles..

  A014000934 

 Mais nous demeurasmes court au second, parce qu'encor que plusieurs d'entre vous, animés d'une sainte devotion, donnassent leur parole devant Dieu de contribuer, si est ce que plusieurs aussi n'entrerent pas en cette si digne deliberation selon leur devoir; et pour tous il se treuva la difficulté de l'exaction, qui est neanmoins la piece la plus requise a l'execution, et a faute de laquelle tout a cessé, comme il appert..

  A014000949 

 Ne poussés pas vostre cœur a la pitié ou compassion en la meditation de la Passion du Sauveur, car il suffit, en toutes meditations, d'en tirer de bonnes resolutions pour nostre amendement et fermeté en l'amour de Dieu, encor que ce soit sans larmes, sans souspirs et sans douceur de cœur; car il y a bien de la difference entre la tendreté de cœur que nous desirons parce qu'elle console, et la fermeté de cœur que nous devons desirer parce qu'elle nous rend vrays serviteurs de Dieu..

  A014000979 

 Jamais nostre la Thuille ne m'a tant contenté que dans ce partage des biens que nous avons fait aimablement cette semaine entre mes freres.

  A014001028 

 Il est vray que nous les devons regretter, et souspirer pour elles comme David sur son Absalon pendu et perdu..

  A014001028 

 Ma Fille, accoisons nous en la perte de ces ames, car Jesus Christ a qui elles estoyent plus cheres, ne les laisseroit pas aller apres leur sens, si sa plus grande gloire ne le requeroit.

  A014001028 

 Quelles actions de graces devons nous a ce grand Dieu, ma chere Fille! Mais moy, attaqué par tant de moyens, en un aage fresle et flouet, pour me rendre a l'heresie, et que jamais je ne luy aye pas seulement voulu regarder au visage sinon pour luy cracher sur le nez, et que mon foible et jeune esprit, parcourant sur tous les livres empestés, n'aye pas eu la moindre esmotion de ce malheureux mal: o Dieu, quand je pense a ce benefice, je tremble d'horreur de mon ingratitude.

  A014001029 

 Les epistres de saint Hierosme luy seront encores bonnes, car voyes vous, outre les tesmoignages qui sont espars ça et la es escritz des saintz Peres en faveur de l'Eglise (car en fin ilz parlent tous comme nous), l'esprit mesme de ces grans personnages respire par tout contre l'heresie..

  A014001030 

 Mon Dieu, ma Fille, que dis-je? J'escris a course de plume et ne pense qu'a vous parler comme entre nous deux.

  A014001048 

 J'attens que ce primtems nous donne la commodité de nous revoir, et tandis, tous les jours je prie pour vous; et certes, mon cœur vous cherit tres parfaittement en Celuy qui, pour nous, eut le sien transpercé sur la croix.

  A014001063 

 Il y en avoit peu parce que les copies des autres se sont esgarees; mais je les feray rechercher, affin qu'a cela ne tienne que vous aspiries amoureusement et souëfvement en Dieu, pour lequel nous devons souspirer toute nostre [99] vie et auquel nous souhaitons d'expirer a la fin de nos jours.

  A014001080 

 Elles s'en vont bien viste, ces annees, et nous vont ravissant apres, ou plustost avec elles; mais que nous en doit-il chaloir, puis que, moyennant la misericorde de Dieu, elles nous vont fondre et abismer dedans une profonde eternité?.

  A014001093 

 Courage, ma Fille, Dieu nous veut ayder a nostre dessein; il nous prepare des ames d'eslite.

  A014001101 

 Le tems que nous determinons de donner a Dieu en l'orayson, donnons le luy avec nostre pensee libre et desoccupee de toutes autres choses, avec resolution de ne jamais le reprendre, quelz que travaux qui nous en arrivent, et tenons un tel tems pour chose qui n'est plus a nous; et encor que vous y senties vostre misere, ne vous troubles point, ains soyes en joyeuse, pensant que vous estes une vrayement bonne besoigne pour la misericorde de Dieu.

  A014001116 

 Je vous dis de mesme: Cette miserable vie n'est qu'un acheminement a la bienheureuse; ah! ne nous courrouçons peint en chemin, allons avec nos compaignes, doucement et paisiblement.

  A014001118 

 Bref, resouvenes vous que l'espouse de Nostre Seigneur est appellee Sulamite, c'est a dire paisible, et que dessous sa langue est le lait et le miel; en ses levres, le rayon distillant, comme il est dit au Cantique Saint Paul nous apprend de vaincre le mal, et non [105] seulement de le combattre.

  A014001139 

 Nous ne meritons pas tel rang au service de Dieu; il le faut servir premierement es bas offices, avant que d'estre attiree a son cabinet..

  A014001141 

 Apprenons a souffrir volontier des paroles d'abaissement et qui tendent au ravalement de nos opinions et de nos advis; puis nous apprendrons a souffrir le martyre, a faire l'aneantissement en Dieu et 'l'insensibilité en toutes choses.

  A014001149 

 Or, ma Fille, il arrive quelquefois que nostre esprit n'agit que par la clairté naturelle, et que l'esprit humain ne peut acquiescer a cette action, et beaucoup moins l'ame sensuelle, ains se contredisent et s'opposent; et lhors il nous semble que tout est perdu, et l'esprit, presque abandonné de toutes les facultés raysonnables et sensitives, demeure tout esperdu, ce semble, et estonné.

  A014001149 

 Quand tout le reste conspireroit contre nous, nous ne sçaurions deschoir de la grace de Dieu..

  A014001156 

 Cloues vostre cœur au pied de la Croix, laissés-le la en asseurance, tandis que par la necessité de vostre condition il faut estre parmi le monde, car ainsy nous n'y aurons pas nostre cœur.

  A014001171 

 Quand nous ne pouvons excuser le peché, rendons le au moins digne de compassion, l'attribuant a la cause la plus supportable, comme a l'ignorance ou infirmité..

  A014001171 

 Quand nous regardons les actions du prochain, [voyons-les] dans le biais qui est le plus doux, et quand [nous] ne pouvons excuser ni le fait ni l'intention de celuy que, d'ailleurs, nous connoissons estre bon, n'en jugeons point, mais ostons cela de nostre esprit et laissons le jugement a Dieu.

  A014001216 

 Et si, il ne faut nullement entrer en defiance, car bien que nous soyons miserables, si ne le sommes nous pas a beaucoup pres de ce que Dieu est misericordieux a ceux qui ont volonté de l'aymer et qui en luy ont logé leurs esperances.

  A014001216 

 O cette mort est hideuse, ma chere Fille, il est bien vray; mais la vie qui est au dela, et que la misericorde de Dieu nous donnera, est bien fort desirable aussi.

  A014001217 

 Il faut hair nos defautz, mais d'une hayne tranquille et quiete, non point d'une hayne despiteuse et troublee; et si, il faut avoir patience de les voir, et en tirer le prouffit d'un saint abayssement de nous mesme.

  A014001219 

 Dieu nous veut parler dedans les espines et le buisson, comm'il fit a Moyse, et nous voulons quil nous parle dans le petit vent doux et frais, comm'il fit a Helie..

  A014001219 

 Il nous est advis que, changeant de navire, nous nous porterons mieux; ouy, si nous nous changeons nous mesme.

  A014001219 

 La providence de Dieu est plus sage que nous.

  A014001219 

 Mon Dieu, je suis [120] ennemi conjuré de ces desirs inutiles, dangereux et mauvais; car encor que ce que nous desirons est bon, le desir est neanmoins mauvais, puis que Dieu ne nous veut pas cette sorte de bien, mais un autre, auquel il veut que nous nous exercions.

  A014001231 

 Je vous renvoye vostre livre corrigé, ma tres chere Fille: vous puisse-il estre aussi utile que je souhaitte! Sans doute, il faut tant faire et refaire les resolutions de s'unir a Dieu, que nous y demeurions engagés.

  A014001232 

 D'avoir un peu de joye en la grace divine quand les rencontres nous succedent bien, il n'y a point de mal, pourveu que nous les terminions en humilité.

  A014001234 

 C'est bien fait d'aspirer d'une generale aspiration a l'extreme perfection de la vie chrestienne, mais il ne faut pas philosopher en particulier, sinon sur nostre amendement et sur nostre advancement selon les occurrences quotidiennes, de jour en jour, remettant la conduitte de nostre souhait general a la providence de Dieu, et nous jettant pour ce regard entre ses bras, comme un petit enfant qui, pour croistre, mange de jour en jour ce que son pere luy fournit, esperant qu'il luy fournira a proportion de son appetit et de sa necessité..

  A014001236 

 O Dieu, il faut plustost mourir que d'offencer sciemment et deliberement; mais quand nous tombons, il faut tout perdre, plustost que le courage, l'esperance et la resolution.

  A014001264 

 M. de Ballon desire tant que vous facies vostre giste chez luy, que je suis contraint aussi de le desirer pour la bonne amitié qu'il nous porte..

  A014001267 

 Et bien, je verray donq bien des miseres, et nous en parlerons, a mon advis, a souhait..

  A014001287 

 Je me recommande a celles de nostre petite fille [Madeleine] et de N. Il est vray que [Madeleine] est ma fille un peu plus que les autres; et me semble que tout est mien, ma Fille, en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est rendu tout nostre.

  A014001297 

 A quoy j'adjouste, pour un advis general, que quand nous ne sçavons pas discerner si nous avons bien rendu nostre devoir en quelque occurrence et sommes en doute d'avoir offencé Dieu, il faut alhors s'humilier, requerir Dieu qu'il nous excuse et demander plus de lumiere pour une autre fois, et oublier tout a fait ce qui s'est passé et se remettre au train ordinaire; car une curieuse et empressee recherche pour sçavoir si nous avons bien fait, provient indubitablement de l'amour propre qui nous fait desirer de sçavoir si nous sommes braves, la ou l'amour pur de Dieu nous dit: Truand ou couard que j'ay esté, humilie toy, appuye toy en la misericorde de Dieu, demande tous-jours pardon et, sur une nouvelle protestation de fidelité, passe outre a la poursuite de ton avancement..

  A014001308 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma bonne et chere Fille, et nous rende un mesme esprit avec luy.

  A014001316 

 Or sus, venés donq, mon tres cher Frere, et que ce soit par mon ministere que vous soyes orné de ce grand caractere du sacerdoce evangelique, affin qu'en certaine façon [140] tres veritable, mais que le sang et la chair n'entend pas, nous contractions par ce moyen un parentage spirituel que la mort mesme, ni les cendres de nos cors ne pourront desfaire et qui durera eternellement, et pour lequel mon esprit aura une reelle relation de paternité, filiation et fraternité avec le vostre.

  A014001325 

 Mon Dieu, c'est un docteur des-ja! C'est un grand erreur, ce me [141] semble, de tant differer ce bien en cet aage, auquel les enfans ont plus de discours a dix ans que nous n'en avions a quinze.

  A014001328 

 Eh bien, ma chere Fille, Dieu soit loué: pourveu que nostre ame soit coloree du vermeil de la charité, il ne nous doit pas chaloir que nous ayons les pasles couleurs.

  A014001343 

 Puisque nous ne pouvons refuser aux princes mondains ce tiltre d'honneur, ne ferions-nous pas bien de nous esgaler, tant qu'en nous est, a eux pour ce regard, desquelz on peut dire que derident nos juniores [hoc] tempore, quorum non audebant patres cum sacerdotibus minoribus incedere..

  A014001386 

 Ne regardons jamais tant ce quil propose que nous ne considerions ce qu'il cele..

  A014001406 

 Nous avons depuis peu monsieur l'Evesque de Belley en ces quartiers, qui me fait la faveur de me venir voir la semaine prochaine.

  A014001425 

 Et de peur que nous n'ayons oublié quelque chose en la qualité de ce mal, qui fit la chose plus aysee qu'elle n'est, le filz de cet homme la allant a Dijon pour autre chose, c'est a dire a la suite d'un gentilhomme qui est fort de mes amis, j'ay fait quil ira au Puis d'Orbe mesme, affin d'apprendre par monsieur du May toutes les particularités plus exactement, et apporter une bonne et veritable description de toute l'affaire.

  A014001425 

 Je vous prie donq, ma chere Fille, de vouloir le faire bien instruire et de luy faire donner par escrit tout le fait; car sur cela, si son pere espere de pouvoir faire cette cure, nous vous l'envoyerions sur le lieu, affin qu'avec toute commodité et loysir il fit ses operations..

  A014001426 

 Que si Dieu nous estoit [154] si misericordieux que vous puissies guerir par l'operation de ce viel homme, alhors non seulement je ne craindrois pas de vous donner la peyne le faire le voyage, mais je vous y provoquerois pour vous gouverner un peu a souhait en vostre esprit..

  A014001443 

 Or sus, Dieu me fera la grace qu'il ne se passera pas beaucoup de tems que je ne vous revoye; et lhors, certes, il faudra voir une conclusion de tous nos bons desseins, affin que si nous ne faysons pas tant de chemin que la chaleur de nostre premiere devotion nous faysoit entreprendre, nous en fassions pour le moins autant que, tout boiteux que nous sommes, nous en pourrons faire.

  A014001450 

 Or, au bout de tout cela, il faut reprendre courage et vous affermir de plus fort en nos saintes resolutions, sur tout en celle de nous point inquieter, ou au moins de nous appayser a la premiere veiie et reflexion que nous ferons sur nostr'inquietude..

  A014001451 

 Ce mot la: «Je suis bien toute deschiree, moy,» ne fut pas bon au sujet sur lequel il fut dit; car, ma chere Fille, il nous faut bien suivre la compassion au prochain et l'humilité pour nous mesme, ne pensans pas aysement que le prochain ayt jamais trop d'ayse, ni que nous en ayons trop peu.

  A014001451 

 Helas! nous aurons tous-jours quelque chose a faire, tous-jours quelqu'ennemi a combatre.

  A014001474 

 Aymons-nous bien, chere Seur, et nous tenons bien ensemblement a ce Sauveur de nos ames, en qui seul nous pouvons avoir nostre bonheur.

  A014001485 

 Or sus, ma chere Niece, ma Fille, vous voyla donq aupres de monsieur vostre pere que vous regardes comme une image vivante du Pere eternel; car c'est en cette qualité que nous devons honneur et service a ceux desquelz il s'est servi pour nous produiré.

  A014001515 

 Il est vray que cette imaginaire insensibilité de ceux qui ne veulent pas souffrir qu'on soit homme, m'a tous-jours semblé une vraye chimere; mais aussi, apres qu'on a rendu le tribut a cette partie inferieure, il faut rendre [163] le devoir a la superieure, en laquelle sied, comme en son throsne, l'esprit de la foy qui doit nous consoler en nos afflictions, ains nous consoler par nos afflictions.

  A014001517 

 A Dieu, ma chere Fille, que mon ame ayme et cherit incomparablement, absolument, uniquement en Celuy qui, pour nous aymer et se rendre nostre amour, s'est rendu a la mort.

  A014001527 

 Ouy, ma Fille, je vous souhaite l'abondance de l'amour divin, qui est et sera eternellement l'unique bien de nos cœurs, qui ne nous ont esté donnés que pour Celuy qui nous a donné tout le sien..

  A014001535 

 Et si, il ne faut pas que ce soit si tost, par ce que nous avons un peu de soupçon de guerre, qui s'evacuera, et que Monsieur le Duc de Nemours doit passer icy pour quelques jours, pendant lesquelz je ne pourray pas l'abandonner.

  A014001535 

 Si que, si vous prenes resolution, il faudra prendre le tems un peu bien avant, vers le moys d'aoust, sur la fin, ou sur le commencement de septembre; car quant au moys de julliet, je seray hors d'ici, et si, il me faudra aller consacrer un digne Evesque que nous avons a Beley, action laquelle, bien qu'elle soit courte, si est ce qu'elle me tient en suspens par ce que je ne sçai pas le tems precisement..

  A014001536 

 Au demeurant, croyes que j'auray bien de la consolation si je vous puis voir entre nos montaignes, qui sont toutes en fort bon air, et nous vous gouvernerons toutes avec du loysir, Dieu aydant.

  A014001536 

 En un mot, prenes garde que vos congés soyent donnés franchement, et cela estant, ce me sera un grand contentement de vous voir un peu parmi nous, quoy que vous n'y seres nullement bien traittees... encor que nous voulussions; mais vous seres receues par certaine sorte de cœur ( sic ) qui ne sont pas vulgaires..

  A014001537 

 Que nous importe-il que nous soyons avec Dieu ou d'une façon ou d'autre? En verité, puisque nous ne cherchons que luy et que nous ne le treuvons pas moins en la mortification qu'en l'orayson, sur tout quand il nous touche de maladie, il nous doit estre aussi bon de l'un que de l'autre; outre que les oraysons jaculatoires, les eslancemens de nostr'esprit sont des vrayes continuelles oraysons, et la souffrance des maux est la plus dign'offrande que nous puissions faire a Celuy qui nous a sauvés en souffrant.

  A014001539 

 Je vous dis comme saint Paul: Faysons bien tandis que nous en avons le tems, mais tous-jours avec moderation.

  A014001554 

 Voyla ce que je vous puis dire maintenant, a ce retour de vostre cher et brave neveu, qui a esté si courtoys que d'arrester volontier ces quattr'ou cinq jours avec nous.

  A014001597 

 Pour moy, qui suis ennemi juré des cours, j'appreuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me res-jouis de l'honneur que nous aurons de vous posseder avec plus de loysir, et tirer les fruitz aggreables de vostre conversation et [176] de l'amitié sincere que vous portes a celuy qui vous cherit, respecte et honnore d'un cœur tres fidelle, et qui est,.

  A014001608 

 Cette fause estime de nous mesmes, ma chere Fille, est tellement favorisee par l'amour propre, que la rayson ne peut rien contre elle.

  A014001610 

 Nous ferons prou, chere Fille, Dieu aydant.

  A014001611 

 Et puisque je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner cette bonne nouvelle: c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé pour elle, n'en doutes point; et vous remercie du zele que vous aves pour son bien, qui est indivis avec celuy de la vostre, si vostre et mien se peut dire entre nous pour ce regard.

  A014001622 

 Mais puisque, comme vous m'advertisses, ces Messieurs de l'autre costé ont fait choix de celuy qui parlera pour leur pretendue religion, nommé le lieu et marqué la Version qu'eux desirent employer a cet effect, il m'est advis que c'est a bon escient qu'ilz traittent; et en cette persuasion, je vous diray que j'accepte tres volontiers que ladite conference se fasse dedans la ville de Geneve et que ce soit a la Version de la Bible imprimee a Anvers, a laquelle nous nous arrestions..

  A014001623 

 Il ne reste donq, ce me semble, sinon a nous bien entendre [180] sur la fin et le but de cette action.

  A014001623 

 Mais quant a la modestie, outre ce qu'en tous lieux nous en voulons tous-jours observer estroittement les lois, la consideration du lieu ou nous serons nous y conviera asses, et nos parties, a ne se point desfier de nous.

  A014001624 

 Et a cette intention, je desire que nous ne [nous] employons qu'a l'examen du fond des difficultés, et qu'on choisisse entre icelles les plus importantes pour les esplucher par les moyens desquelz auparavant il sera requis que nous convenions ensemble; a quoy, de mon costé, j'apporteray toute la franchise et facilité que je pourray, apres que vous m'aures adverti de la reciproque volonté de ces Messieurs pour ce particulier..

  A014001646 

 Au passage de Monsieur, je me fourreray le plus avant que je pourray en cett'entreprise, et auray bon loysir d'y penser, puisque on ne l'attend que sur la fin du moys auquel nous sommes.

  A014001646 

 Encor faut il que je vous die que nous avons despuis peu nostre monsieur de Charmoysi, avec lequel je me suis entretenu ce matin trois grosses heures sur son depart de la mayson de Monsieur, et ay treuvé que certes il a [183] eu plusieurs bonnes raysons de le faire, qui seroyent trop longues a deduire; neanmoins il m'a dit que tous-jours il s'accommoderoit a ce que ses amis, et sur tout vous et moy luy conseillerions.

  A014001647 

 Mais si vous continues de vouloir faire le voyage a la Sainte Baume, ne doutes pas que vous ne m'ayes pour [184] associé a vostre pelerinage, car ce n'est pas sortir de Savoye d'aller a Marseille, pourveu que ce soit sur le Rosne, auquel nous contribuons tant d'eaux et tant de sable; et nostre cher petit Evesque, mais grand Praelat, sera bien ayse de nous faire l'hospitalité en passant, moyennant un sermon que je feray a son peuple, qui, oyant parler de Geneve, y viendra tout entier, huguenotz et Catholiques pesle mesle.

  A014001682 

 Et si, je ne laisseray pas encor de dire mon opinion sur lès moyens que vous proposes, puisque je suis obligé a la naïfveté et franchise en l'amitié que nous avons ensemble et que je sçay que vostre esprit correspond au mien en cela..

  A014001684 

 J'aymerois donq mieux advouer que l'Escriture est tres suffisante pour nous instruire de tout, et dire que l'insuffisance est en nous, qui, sans la Tradition et sans le magistere de l'Eglise, ne sçaurions nous determiner du sens qu'elle doit avoir, ni des consequences qu'on en peut tirer pour la direction et gouvernement du peuple Chrestien; car en cette sorte, la chose demeurant la mesme, l'explication est plus specieuse et plausible a ceux aux oreilles [191] desquelz on ne fait que crier que nous mesprisons les saintes Lettres..

  A014001684 

 Sur tout il m'est advis qu'il faut grandement estre attentifz a la façon de proposer la doctrine catholique, en sorte que, comme la rayson est de nostre costé, aussi l'apparence, le lustre et la speciosité ne nous defaillent point.

  A014001693 

 En ceci, la dilation ne peut nuire, mon Reverend Pere; et je sçai tout maintenant par un advis, que si la conference se fait, il sera voirement bien requis que nous nous voyons, non pour autre chose, que parce que l'humeur de ce peuple la m'estant familiere, je vous pourray dire plusieurs [192] choses qui vous serviront en cette sainte et tres prouffitable entreprise..

  A014001694 

 Je viens de recevoir [avis] que nous ferons mieux d'attendre, pour une certaine defiance en laquelle ilz sont, de l'armee de Flandre.

  A014001704 

 Or sus, il faut pourtant s'accommoder a non seulement vouloir, mais a cherir, honnorer et caresser le mal, comme venant de la main de cette souveraine Bonté a laquelle et pour laquelle nous sommes.

  A014001727 

 Demain nous passerons outre a faire le mesme es autres deux parroisses, et passé demain j'iray a Sessel, et le jour suivant je me rendray entre vos bras, Dieu aydant..

  A014001727 

 Mais la varieté des affaires que M. de Lux a treuvés icy et les resistences des ministres nous ont porté sans rien faire jusques a ce jourdhuy de saint Mathieu, que j'ay dit la premiere Messe a Sessi despuis 73 ans.

  A014001778 

 Il ne faut voyrement pas se haster de soy mesme; mais de recevoir les graces que Dieu nous donne, ce n'est pas se haster, pourveu qu'on se contienne en humilité et dedans les exercices auxquelz nostre vocation nous oblige..

  A014001780 

 Je vous recommande M me de Charmoysi qui est toute malade, a ce que me dit M. de Charmoysi, et un ( sic ) bonn' œuvre que nous allons entreprendre pour le bien de plusieurs ames..

  A014001796 

 Nostre Seigneur soit a jamais au milieu de nous, et je suis en luy tres entierement,.

  A014001811 

 Mais qu'il me tarde que je sois vers vous! Je n'y seray neanmoins qu'un peu tard, car nos chevaux sont recreuz [206] des grandes journees que nous avons faites.

  A014001811 

 Nous allons a la Messe, pour disner par apres et partir.

  A014001811 

 Si nous treuvons monsieur de Chantal couché, nous ne laisserons pas de luy aller donner le bonsoir.

  A014001812 

 Nous avons pensé amener monsieur de Charmoysi, mais la venue de Monsieur de Nemours nous a osté cette bonne compaignie..

  A014001842 

 Je viens de l'orayson, ou, m'enquerant de la cause pour laquelle nous sommes en ce monde, j'ay appris que nous n'y sommes que pour recevoir et porter le doux Jesus: sur la langue, en l'annonçant; sur les bras, en faysant des bonnes oeuvres; sur nos espaules, en supportant son joug, ses secheresses, ses sterilités, et ainsy en nos sens interieurs et exterieurs.

  A014001844 

 Courage, ma Fille, tenés vous bien serree aupres de vostre sainte Abbesse, et la suppliés sans fin que nous puissions vivre, mourir et revivre en l'amour de son cher Enfant..

  A014001855 

 Pour l'amour de Dieu, soyes un peu fort courageuse; dites cent fois le jour, mais dites le de cœur: Dieu nous aydera, et vous verres qu'il le fera.

  A014001872 

 Vous croires bien mieux que nous sommes venus a bon port, ma chere Fille, quand vous en verres ce petit tesmoignage de ma main.

  A014001880 

 Quant a celles de ce pais, nous nous res-jouissons grandement en l'esperance de voir un bon fruit du voyage de monsieur de Jacob et attendons que Monsieur vienne pour passer en France, achever ce mariage que nous desirons tant et qu'on differe tant.

  A014001915 

 Nous n'avons plus aucun hérétique dans les bailliages ou seigneuries de Ternier et Gaillard, ni dans le duché de Chablais, où presque [220] tous l'étaient, lorsque j'y fus envoyé il y a seize ans.

  A014001916 

 Cependant, après neuf ans, nous avons rétabli l'exercice du culte catholique en cinq endroits.

  A014001932 

 En fin, nous n'aurons que trop de gens, c'est a dire, plus que nous ne pourrons recevoir..

  A014001934 

 Cependant, voyci pas une chose notable? A mon arrivee, j'ay treuvé que la moytié de nos esperances pour l'erection d'un monastere ou je croyois de pouvoir attirer nos bonnes Carmelines est abbatue, car l'une des filles que nous esperions y devoir contribuer ne s'est peu resoudre a quiter le monde.

  A014001934 

 Je vous escriray dores en avant le succes de tout, affin que, selon cela, par apres nous traittions de vostre venue a Salins ou non..

  A014001934 

 Pour moy j'attens, et si je voy de la conformité je ne [228] refuseray pas ce parti; mais Dieu sera avec nous, sil luy plait, pour tout cela.

  A014001936 

 Nous avons fait un fort heureux voyage au comté, et que j'y ay prié Dieu de bon cœur pour vous au saint Suaire, que l'on monstra publiquement, a ma contemplation; a la sainte Hostie et a nostre cher Saint Claude, ou je fus logé en vostre logis, et pris playsir a [229] voir le lieu ou je receu vostre confession, et fus consolé a representer ce cœur qu'en qualité de pere je presentay la premiere fois a l'autel de Saint Claude.

  A014001962 

 C'est la verité, ma tres chere Fille, que rien ne nous peut donner une plus profonde tranquillité en ce monde que de regarder souvent Nostre Seigneur en toutes les afflictions qui luy arriverent despuis sa naissance jusques a sa mort; car nous y verrons tant de mespris, de calomnies, de pauvreté et indigence, d'abjections, de peynes, de tourmens, de nudités, d'injures et de toutes sortes d'amertumes, qu'en comparayson de cela nous connoistrons que nous avons tort d'appeller afflictions et peynes et contradictions ces petitz accidens qui nous arrivent, et que nous avons tort de desirer de la patience pour si peu de chose, puisqu'une seule petite goutte de modestie suffit pour bien supporter ce qui nous arrive.

  A014001964 

 Quand nous nous reverrons, resouvenes moy que je vous parle un peu de cette tendresse et delicatesse de vostre cher cœur, car vous aves sur tout besoin, pour vostre paix et repos, d'estre guerie de cela avant toutes choses, et de bien former en vous l'apprehension de l'eternité, en laquelle quicomque pense souvent, il se soucie fort peu de ce qui arrive en ces trois ou quatre momens de vie mortelle..

  A014001964 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, nous sommes trop delicatz d'appeller pauvreté un estat auquel nous n'avons ni faim, ni froid, ni ignominies, mais seulement quelques petites incommodités en nos desseins.

  A014001974 

 O que l'eternité est desirable au prix de ces miserables et perissables vicissitudes! Laissons couler le tems, avec lequel nous nous escoulons petit a petit pour estre transformés en la gloire des enfans de Dieu..

  A014001983 

 Apres l'hiver de ces froidures, le saint esté arrivera et nous serons consolés.

  A014001984 

 Helas! ma Fille, nous sommes tous-jours affectionnés a la douceur, suavité et delicieuse consolation; mais toutefois, l'aspreté de la secheresse est plus fructueuse.

  A014001985 

 L'inquietude et chagrin qui vous arrive de la connoissance de vostre neantise n'est pas aymable; car encor que la cause en est bonne, l'effect neanmoins ne l'est pas Non, ma Fille, car cette connoissance de nostre neantise ne nous doit pas troubler, ains adoucir, humilier et abbaisser; c'est l'amour propre qui fait que nous nous impatientons de nous voir vilz et abjectz.

  A014001998 

 Ouy, car ce saint vouloir est tout bon et sa disposition toute bonne; mieux ne pouvons nous marcher que sous sa providence et conduite..

  A014001999 

 Mais sçaves vous ce qui me plait? C'est que vous me dites que vous me parles a cœur ouvert; car, ma chere Fille, c'est une bonne condition pour avancer selon l'esprit que d'avoir le cœur ouvert pour la fidele et naifve communication que nous devons faire entre nous, d'autant que Nostre Seigneur, qui se plait tant a communiquer son esprit aux siens, se plait aussi beaucoup a voir que nous nous entrecommuniquions les nostres, pour nous entresoulager et ayder..

  A014002013 

 Voyes vous, ma Fille, vostre venue luy est bien a cœur, parce qu'elle espere de servir bien Dieu en vostre personne et en celle des filles et femmes qui seront si heureuses que de vous suivre en la petite, mais sainte et aymable retraitte que nous meditons..

  A014002059 

 Mais aussi, ma chere Seur, je le vous recommande, vostre pauvre cœur: ayés bien soin de le rendre de plus en plus aggreable a son Sauveur, et de faire que cette annee soit plus fertile que l'autre en toute sorte de saintes actions; car a mesure que les annees s'en vont et que l'eternité s'approche, il nous faut aussi redoubler le courage et relever nostre esprit en Dieu, le servant plus attentivement en tout ce que nos vocations et professions nous obligent..

  A014002086 

 Le pourquoy de cela, je ne le sçay pas bien; mais, a le dire entre nous, il ne sera pas grandement pris en bonne part de tous.

  A014002087 

 Madamoyselle Favre s'est enfin resoluë, avec le bon congé de son pere, d'estre toute a Nostre Seigneur et de demeurer ma fille plus que jamais, et je croy que nous en ferons quelque chose de bon..

  A014002090 

 J'espere tous les jours plus en luy que nous ferons prou en nostre dessein de vie.

  A014002099 

 Je vous donne advis que, par la divine misericorde, le tems de la Visitation s'approche; je veux dire qu'en fin nos conclusions sont prises et que nous attendons a ce primtems madame de Chantal pour commencer nostre petite Congregation, a laquelle vous sçaves que le Saint Esprit a destiné vostre fille, que je tiens pour mienne.

  A014002100 

 Dites donq a cette chere fille Amie qu'elle vienne de bon cœur nous treuver.

  A014002100 

 Tenes donq nostre chere fille preste pour nous l'amener aussi tost apres Pasques, car nous esperons commencer environ ce tems la..

  A014002148 

 O Seigneur, sauves-nous; commandés a ces vens de vanité, et une grande tranquillité se fera.

  A014002149 

 Je veux bien m'essayer d'y estre souvent avec vous; Dieu, par sa souveraine bonté, nous en face la grace.

  A014002150 

 Que je suis content que nous avons retranché les aisles a Caresme prenant en cette ville et qu'on ne le connoist presque plus! Quelles congratulations en fis-je [253] Dimanche a mon cher peuple, qui estoit venu en nombre extraordinaire pour ouyr le sermon sur le soir et qui avoit rompu toutes conversations pour venir a moy! Cela me contenta fort, et que toutes nos dames avoyent communié le matin, et qu'elles n'osoyent entreprendre de faire des balz sans demander licence.

  A014002153 

 Qu'ay je a vous dire davantage, sinon que nous vivions d'une vie toute morte, et que nous mourions d'une mort toute vive et vivifiante en la vie et en la mort de nostre Roy, de nostre Seigneur et de nostre Sauveur, en qui je suis.

  A014002163 

 Consolons nous le plus que nous pourrons en ce tres-pas de nostre bonne mere, car les graces que Dieu a [254] exercees en son endroit pour la disposer a une heureuse fin, sont des marques fort certaines que son ame est doucement receuë entre les bras de sa divine misericorde; si que elle est bienheureuse d'estre desprise et demeslee des travaux de ce monde.

  A014002163 

 Et nous aussi, chere Seur, serons bienheureux a nostre tour si, comme elle, nous vivons le reste de nos jours en la crainte et amour de Nostre Seigneur, ainsy que nous le nous sommes promis l'un a l'autre, l'autre jour a Neci.

  A014002163 

 Sa divine Majesté nous attire en cette sorte au desir du Ciel, y retirant petit a petit tout ce qui nous estoit plus cher icy bas..

  A014002164 

 Soyés donq bien consolee, ma chere Fille, et si vostre cœur ne peut s'empescher d'avoir du ressentiment en cette separation, faites au moins qu'il soit tellement moderé par l'acquiescement que nous devons au bon playsir de nostre Sauveur, que sa Bonté n'en soit point offensee, ni le fruit qu'il a mis en vostre ventre, malmené..

  A014002166 

 Et pleust a Dieu que vous peussies venir faire la sainte Semaine avec nous! je m'en sentirois fort consolé.

  A014002202 

 Nous attendons tous-jours que Monsieur vienne, et n'en avons neanmoins point de particulieres nouvelles.

  A014002239 

 Or sus, ma chere Fille, si faut il se resoudre sur cela, et louer tous-jours Dieu, quand il luy plairoit nous visiter encor plus fortement.

  A014002240 

 Je le desire, mais je dis, sil se peut aysement; dequoy vous m'advertirés par le retour de ce garçon, et encor de ceux que vous amenerés, si vous amenes quelque compaignie extraordinaire, car quant a nostre bon Baron, je croy quil ne viendra pas nous voir sur ce nouveau dueil, parmi lequel nous ne pourrons nous res-jouir que devotement, et totalement en Nostre Seigneur.

  A014002243 

 Dieu nous donne, Dieu nous oste, son saint nom soit beni..

  A014002243 

 Helas! il la failloit neanmoins bien un peu pleurer, car n'avons nous pas un cœur humain et un naturel sensible? Pourquoy non pleurer un peu sur nos trespassés, puisque l'Esprit de Dieu non seulement le nous permet, mais nous y semont.

  A014002243 

 Je l'ay regrettee, la pauvre petite fille, mais d'un regret moins sensible, dautant que le grand sentiment de la separation de ma mere osta presque toute prise au sentiment de ce second desplaysir, duquel la nouvelle m'arriva tandis que nous avions encor le cors de ma mere en la mayson.

  A014002244 

 Mais bien, quand vous seres icy, nous aviserons..

  A014002245 

 J'escriray au P. de Monchi quil souffre beaucoup, car nous ne sommes point deshonnorables a l'Eglise, quand nous imitons Nostre Seigneur, qui a tant souffert d'ignominies pour nostre salut.

  A014002246 

 Ouy, ma Fille, nostre bon Dieu nous aydera, et pour la bonne commere aussi, bien quil faille tascher d'avoir tout ce qu'on pourra.

  A014002246 

 Quand vous seres icy, nous prendrons les resolutions convenables pour commencer nostre dessein, et verrons ce que diront nos filles de deça.

  A014002258 

 Mais, ma chere Cousine, vous seres toute consolee quand vous sçaures qu'elle nous a laissé toutes sortes d'argumens d'esperer que son ame est receue en la main dextre de son Dieu, qui est en fin l'unique bonheur auquel nous aspirions en toute [occurrence] de cette basse et miserable vie mortelle.

  A014002272 

 Je voy que nous sommes a la veille de vostre arrivee: qu'heureuse puisse-elle estre! C'est pourquoy je n'adjouste rien.

  A014002283 

 Et mesme, quand quelque violent presage nous arrive, tel qu'estoit celuy duquel vous m'escrives, il faut renoncer aux apprehensions qui nous en reviennent, tant qu'il nous est possible, de peur que nostre ennemy, nous treuvant faciles a croire telz ressentimens, n'abuse de nostre facilité.

  A014002283 

 Il n'y eut nulle offence en [269] tout ce qui se passa touchant les presages du peril de monsieur vostre filz; bien qu'il ne faille pas attendrir son esprit a donner creance a ces preoccupations, mais aller doucement remettant tout ce qui nous touche entre les mains de la divine Providence.

  A014002286 

 Dites donq ce reste de Caresme, cinq Pater noster et cinq Ave les genoux nudz et les mains nuës, par obeissance et pour vous conformer a Celuy qui va nud sur la croix pour nous, c'est a dire duquel nous allons rememorer la mort..

  A014002365 

 Ah! Dieu, par sa bonté, ne le veuille jamais permettre, ains face regner sans fin en nous, sur nous et contre nous et pour nous son tres saint amour celeste..

  A014002369 

 Mais puisque vous n'aves point de vceu qui vous oblige d'y aller en presence corporelle, je ne vous conseille pas de l'entreprendre; ouy bien d'estre de plus en plus zelee a la devotion de cette sainte Dame, de laquelle l'intercession est si forte et favorable aux ames, que pour moy, je l'estime le plus grand appuy que nous puissions avoir envers Dieu pour nostre advancement en la vraye pieté; et puis parler de cela, pour en sçavoir plusieurs particularités remarquables.

  A014002378 

 Il est vray, nous l'avons en fin cette chere seur, mais ce n'est pas moy pourtant qui vous l'ay ostee; c'est Dieu qui nous l'a donnee, ainsy que, Dieu aydant, la suite le tesmoignera.

  A014002378 

 Nous ne laissons pourtant pas d'estre tous-jours jointz et unis, nous entretenans les uns aux autres par la commune pretention et entreprise que nous avons..

  A014002379 

 C'est pourquoy il nous faut mettre sur le solide, et considerer si nostre volonté est bien affranchie de toutes mauvaises affections, comme seroit dureté de cœur envers le prochain, impatience, mespris d'autruy, amitiés trop ardentes envers les creatures et semblables choses.

  A014002379 

 Je suis bien ayse dequoy vous manques peu aux exercices que je vous ay marqués, car cela monstre que les fautes que vous y faites ne proviennent pas d'infidelité, mais de foiblesse; et la foiblesse n'est pas un grand mal, [281] pourveu qu'un fidele courage la redresse petit a petit, ainsy que je vous conjure de faire, ma chere Fille, pour la vostre, sans vous affliger nullement de ce que vous n'aves ni sentiment ni goust ordinairement en tous vos exercices, car Nostre Seigneur ne requiert pas cela de nous: aussi ne depend-il pas de nous de l'avoir ou de ne l'avoir pas.

  A014002379 

 Que si nous n'avons point de reserve d'estre tout a Dieu, si nous avons le courage de plustost mourir que de l'offenser, et moyennant que telles soyent les resolutions de nos cœurs et que nous les sentions tous-jours plus fortes en nous, il n'y a rien a craindre, ni a prendre de la peyne pour n'en sentir pas lés goustz et les sentimens.

  A014002384 

 Il faut vrayement aller au Chapitre, malgré toute la repugnance que vous y aves; et, apres la lecture de la Regle, il faut dire quelque chose, quand ce ne seroit que: «Dieu nous face la grace de bien observer ce qui a esté leu.».

  A014002388 

 Tenés-vous le plus que vous pourrés aupres de vos filles, car vos absences ne leur peuvent donner que des sujetz de murmurer; et rien ne leur peut tant adoucir leur sujettion que la vostre, rien ne les peut tant retenir dans l'enclos de l'observance que de vous y voir avec elles: et c'est en cela qu'il faut se crucifier pour Celuy qui a esté crucifié pour nous.

  A014002422 

 Je suis donq d'advis que vous vous disposies a venir pour ce tems-lâ, et cependant nous irons, de deça, ordonnant les choses en sorte que vous treuvies en ce nouveau genre de vie la douceur et consolation que vous sçauries desirer..

  A014002423 

 Pour cette premiere annee, nous vous laisserons en habit noir, avec le voyle de toyles noyres deliees et avec le plus de simplicité quil se pourra.

  A014002424 

 Ne vous mettes nullement en peyne de tout ce que le monde dit, car il est ennemi de la gloire de Dieu et du bien des ames; et le Pape ne veut voyrement pas qu'on fonde des nouvelles Religions sans congé, et a rayson, mais il n'empesche pas, ains a aggreable que l'on face ce que nous ferons, Dieu aydant..

  A014002441 

 Il faut bien prendre courage, ma chere Fille, et se tenir en santé, puisque nous voyci a la veille de nostre embarquement pour aller au havre de grace et de consolation..

  A014002442 

 Il m'est bien advis que nous ne demeurerons plus en nous mesmes, et que, de cœur, d'intention et de confiance, nous nous logerons pour jamais dans le costé percé du Sauveur; car sans luy, non seulement nous ne pouvons, mais quand nous pourrions, nous ne voudrions rien faire..

  A014002476 

 Neanmoins, maintenant que nous sommes, ce me semble, a la veille de l'execution d'une si sainte entreprise, il faut que je vous parle un peu ouvertement, et que je vous conjure [293] de bien espreuver vostre cœur pour reconnoistre si vous aures asses d'affection, de force et de courage pour embrasser ainsy absolument Jesus Christ crucifié et donner les derniers adieux a ce miserable monde.

  A014002478 

 Si, au contraire (ce que Dieu ne veuille), vous ne vous senties pas asses forte pour entrer en ce chemin, il seroit bien bon de nous en advertir, affin que les autres commençassent selon leur inviolable desir, et vous, Madame, pensassies a prendre quelque autre sorte de vie plus a vostre gré..

  A014002506 

 O. Dieu, si ce Sauveur a tant fait pour nous, que ne ferons-nous pas pour luy? S'il a exhalé sa vie pour nous, pourquoy ne reduirons-nous pas toute la nostre a son service et plus pur amour? En fin, je m'imagine que Nostre Seigneur plantera cette plante, l'arrousera de ses benedictions et la fera fructifier en sanctification.

  A014002507 

 Nous serons trop heureux de rendre ce service a sa Bonté celeste..

  A014002508 

 O Dieu, qui nous fera la grace de nous combler de charité? Recommandés-moy a vostre Abbesse..

  A014002558 

 [302] Mais la voyant faitte, j'ay creu que je devois au bien de mondit frere une très humble supplication a Son Excellence, affin quil luy playse de nous gratifier de cet honneur, lequel est certes plus grand que nous ne meritons, mais qui ne peut tumber en une personne plus fidelle au service de Son Excellence que mondit frere sera; a quoy j'adjouste que l'estude quil a fait asses fructueusement en droit, pourra encor le rendre moins inutile en cette place, si Dieu et Monseigneur l'y conduisent..

  A014002559 

 La lettre donq ci jointe est pour ce sujet, et celle qui est addressee a monsieur Desfrenes aussi, qui me fait vous supplier de la rendre le plus tost quil vous sera possible, et comme pour l'amy; car encor que nous ne vous ayons jamais rendu aucun service qui nous puisse acquerir cette qualité, si avons nous bien eu ce desir, et moy particulierement, qui, priant Nostre Seigneur quil vous conserve et accompaigne, suis,.

  A014002578 

 Nous commencerons avec la pauvreté, parce que nostre Congregation ne pretendra de s'enrichir que de bonnes œuvres..

  A014002580 

 J'espere que Dieu sera glorifié en ce petit dessein, et, comme vous a dit le Pere Recteur, la pierre [306] fondamentale que Dieu nous donne pour iceluy est une ame d'excellente vertu et pieté, ce qui me fait tant plus croire que la chose reuscira heureusement..

  A014002592 

 Enfans des hommes, jusques a quand seres-vous si pesans de cœur? Pourquoy cherissés-vous la vanité et pourquoy pourchassés-vous le mensonge? Tout ce que ce monde nous fait voir de grand, ce n'est que fantosme, illusion et mensonge.

  A014002593 

 Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'experiences! Que ne mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille! Que ne nous tenons-nous aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus aymable que la vie de tous les rois de la terre? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire ces considerations; mais vous seres tres heureux, si, a la suite d'icelles, vous entres es resolutions convenables, exhalant le reste de vos vieux jours comme un encens, par le feu de l'amour unique du Roy de l'eternité.

  A014002607 

 Ma Fille, il faut que je vous die que je ne vis jamais si clairement combien vous estes ma fille que je le voy maintenant, mais je dis que je le voy dans le cœur de Nostre Seigneur; c'est pourquoy n'interpretés pas a [312] desfiance ces petitz motz que je vous escrivis l'autre jour: mais nous en parlerons une autre fois..

  A014002608 

 O ma Fille, que j'ay de desirs que nous soyons un jour tout aneantis en nous mesmes pour vivre tout a Dieu, et que nostre vie soit cachee avec Jesus Christ en Dieu! Oh! quand vivrons-nous nous mesmes, mais non pas nous mesmes, et quand sera-ce que Jesus Christ vivra tout en nous? Je m'en vay un peu faire d'orayson sur cela, ou je prieray le cœur royal du Sauveur pour le nostre.

  A014002609 

 Il nous faut bien mettre sur la grandeur de courage, pour servir Dieu le plus hautement et vaillamment que nous pourrons; car, pourquoy pensons-nous qu'il ayt voulu faire un seul cœur de deux, sinon affin que ce cœur soit extraordinairement hardi, brave, courageux, constant et amoureux en son Createur et son Sauveur, par lequel et auquel je suis tout vostre..

  A014002619 

 En sorte qu'apres qu'on s'est determiné, il ne faut plus s'amuser a souspirer apres les imaginations des choses meilleures, mais a bien passer les difficultés presentes, lesquelles aussi bien ne sçaurions [314] nous eschapper sans en rencontrer d'autres aussi fortes, puisque tout en est plein..

  A014002627 

 Nous nous sentons extremement obligés, mon frere et moy, a vostre courtoysie, du soin que vous aves eu de faire reussir le desir que nous avions quil fut mis au service de Son Excellence.

  A014002627 

 Si jamais nous sommes capables de vous tesmoigner nostre gratitude par nos services, vous pourres, Monsieur, les exiger comme chose que nous vous devons et que, de bon cœur, nous reconnoissons vous devoir rendre..

  A014002644 

 Mays ne pouvans faire cette si juste demonstration de l'obligation qu'ilz en ont a la providence de Vostre Altesse, il m'a semblé, Monseigneur, qu'en qualité de pasteur de la plus part d'iceux, joignant leurs tres humbles affections a la mienne, je devoys, pour eux et pour moy en commun, rendre ce tesmoignage de la grande redevance que nous en avons a la bonté de Vostre Altesse, a laquelle nous sommes bien glorieux d'en devoir tout le remerciment, puisqu'elle seule, sans aucun'autre consideration que de nostre bien et de son service, a fait cette digne election..

  A014002647 

 Vostre Altesse, donq, recevra mille louanges des nations estrangeres en la promotion de ce grand personnage duquel elles connoissent la doctrine avec admiration, comme les voysines font la probité par experience; et nous la supplions tres humblement d'aggreer ce ressentiment que nous en faysons, plein de souhaitz qu'il playse a Dieu d'aggrandir et prosperer vostre couronne, de laquelle je suis,.

  A014002681 

 Ma chere Fille, bien que, selon nostre condition mortelle, il nous faut toucher terre pour donner ordre aux necessités de cette vie, si est-ce que nostre cœur ne doit savourer que la rosee du bon playsir de Dieu en tout cela et doit tout rapporter a la louange de Dieu..

  A014002684 

 Au demeurant, il naist d'une vielle sterile, pour nous apprendre que les secheresses et sterilités ne laissent pas de produire en nous la sainte grace; car Jean veut dire grace..

  A014002685 

 Certes, ce nom bien gravé dans nos cœurs, je veux dire, l'honneur et l'imitation de ce Saint, nous fera prophetizer et benir Dieu abondamment..

  A014002697 

 Nous sommes icy sans nouvelles.

  A014002709 

 Mais que je suis ayse, ma chere Fille, que ces deux filles de nostre cœur ne puissent pas jeusner demain, et qu'en eschange elles ayent des petites mortifications involontaires; car j'ayme singulierement le mal que la seule election du Pere celeste nous donne, au pris de celuy que nous choysissons.

  A014002711 

 O saint empressement qui ne trouble point et qui nous haste sans nous præcipiter! Les Anges se disposent a l'accompaigner, et saint Joseph a la conduire cordialement.

  A014002721 

 Car en fin, vostre cœur, que diroit-il s'il n'estoit empesché? Vous diroit-il pas: Retirons-nous d'entre les mondains? Il a donq encor cette inspiration; mais parce qu'il est empesché, il ne la peut ou ne l'ose pas dire.

  A014002742 

 La reformation de vostre Talloyres, que j'ay sur les bras, m'empeschera [331] d'aller si tost vers [vous], et quand j'y iray, nous prendrons le logis ou de M me du Foug, ma tante, mon ancienne hostesse, ou de M me d'Allemand, ma comere..

  A014002760 

 Aussi, en ce tems-lâ, il suffit d'employer les prieres jaculatoyres et saerees aspirations; car puisque le mal nous fait souvent souspirer, il ne couste rien de souspirer en Dieu et a Dieu et pour Dieu, de plus que de souspirer pour fayre des plaintz inutiles..

  A014002760 

 Mays nous, qui sommes encor tous tendres, nous avons des ames qui se divertissent aysement au sentiment des travaux et douleurs du cors; c'est pourquoy, ce n'est pas merveille si durant vos maladies vous aves intermis l'usage de l'orayson interieure.

  A014002761 

 Il faut donq bien prendre courage, et ne point permettre que les conversations et cette vayne sujettion que nous rendons a ceux que nous hantons, vous prive d'un si rare bien comm'est celuy de parler cœur a cœur avec son Dieu..

  A014002777 

 Je salue ces cheres filles qui sont autour de vous: ce sont mes douces amours en Jesus Christ, et vous, ma chere Fille, vous estes mon propre cœur en Celuy qui, pour avoir le nostre, nous presente le sien tout a descouvert.

  A014002785 

 Helas, que nostr'ennemi est subtil et comme il nous conduit insensiblement aux precipices! Or, ne pouvant donq autre chose, je prieray pour ce personnage, que je cheris tendrement et de tout mon cœur..

  A014002802 

 O que sa face est belle et que ses yeux sont doux et esmerveillables en suavité, et que c'est chose bonne d'estre aupres de luy en la montaigne de la gloire! C'est la, ma chere Seur, ma Fille, ou nous devons loger nos desirs et affections, non en cette terre, ou il n'y a que des vaines beautés et belles vanités..

  A014002803 

 Montons tous-jours, ma chere Seur, montons sans nous lasser, a cette celeste vision du Sauveur; esloignons-nous petit a [338] petit des affections terrestres et basses, et aspirons au bonheur qui nous est preparé..

  A014002803 

 Or sus, graces a ce Sauveur, nous sommes a la montee du mont Thabor, puisque nous avons des fermes resolutions de bien servir et aymer sa divine Bonté: il nous faut donq encourager a une sainte esperance.

  A014002804 

 Comme voulons-nous mieux tesmoigner nostre fidelité qu'entre les contrarietés? Helas, ma tres chere Fille, ma Seur, la solitude a ses assautz, le monde a ses tracas; par tout il faut avoir bon courage, puisque par tout le secours du Ciel est prest a ceux qui ont confiance en Dieu, et qui, avec humilité et douceur, implorent sa paternelle assistance..

  A014002804 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serons heureux si nous aymons bien cette souveraine Bonté qui nous prepare tant de faveurs et benedictions! Soyons bien tous a elle, ma Fille, parmi tant de tracas que la diversité des choses mondaines nous presente.

  A014002805 

 Non, ma chere Fille, car cela vous sert d'exercice a prattiquer les plus cheres et aymables vertus que Nostre Seigneur nous ayt recommandé.

  A014002826 

 Mais faites, mon cher Monsieur, que je cheris a l'esgal de mon cœur, faites tous-jours vivre courageusement vos vertus qui, aussi bien, sont immortelles, et je me prometz ce contentement de voir qu'un peu d'interruption que la perte de ce grand Roy fait a vostre bonheur, ne servira que de reprise d'haleine a vostre fortune; car en fin, c'est Dieu qui manie les resnes du cours de nostre vie, et nous n'avons point d'autre fortune que sa providence, laquelle sera tous-jours specialement sur vous quand vostre amour sera special en son endroit.

  A014002839 

 Cela, ma [342] chere Fille, me tient encor plus en opinion de differer encor un peu a le faire venir, en luy parlant neanmoins en sorte que s'il vouloit venir, il n'en fut pas du tout forclos; car, pour parler entre nous deux, sil vient sur ma parole, il me sommera de le si bien accommoder que j'en auray bien de la peyne, ce quil ne feroit pas sil venoit d'autre façon; car le bonhomme va selon son esprit, et je ne desire point de luy donner aucun sujet de plainte..

  A014002852 

 Envoyes moy nostre Françon, que nous confesserons ce soir.

  A014002855 

 Cependant, bon soir, ma tres chere Fille, ma Seur; faites bien la cour a cette celeste Pouponne qui nous arrive, et luy demandes sa grace pour impetrer celle de son Filz.

  A014002870 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que c'est chose douce de voir Nostre Seigneur couronné d'espines sur la croix et de gloire au Ciel! car cela nous encourage a recevoir les contradictions amoureusement, sçachans bien que, par la couronne d'espines, nous arriverons a la couronne de felicité.

  A014002882 

 Combien de gens avons-nous veu, en paix dans les espines des maladies et perte des amis, perdre la paix interieure dans les tracas [346] des proces exterieurs? Et voyci la rayson, ou plustost la cause sans rayson: nous avons peyne de croire que le mal des proces soit employé de Dieu pour nostre exercice, parce que nous voyons que ce sont les hommes qui font les poursuittes; et, n'osans pas nous remuer contre cette Providence toute bonne, toute sage, nous nous remuons contre les personnes qui nous affligent et nous en prenons a eux, non sans grand peril de perdre la charité, la seule perte delaquelle nous devons craindre en cette vie..

  A014002883 

 Et nous, ma tres chere Fille, nous jugeons nos juges et nos parties, nous nous armons de plaintes et de reproches.

  A014002883 

 Or sus, ma tres chere Fille, quand voulons nous tesmoigner nostre fidelité a nostre Sauveur, sinon en ces occasions? Quand voulons nous tenir en bride nostre cœur, nostre jugement et nostre langue, sinon en ces pas si raboteux et proches des precipices? Pour Dieu, ma tres chere Fille, ne laissés pas passer une sayson si favorable a vostre avancement spirituel, sans bien recueillir les fruitz de la patience, de l'humilité, de la douceur et de l'amour de l'abjection.

  A014002911 

 Je réponds par ces quatre lignes à la dernière lettre de Votre très Illustre Seigneurie, en laissant au porteur, M. le collatéral de Quoex le soin de dire le restant, d'après les entretiens que nous en avons eus ensemble..

  A014002929 

 Je regrette avec vous la perte que nous avons faite de la presence de monsieur vostre pere, et loüe neanmoins [351] Nostre Seigneur avec vous du gain qu'il a fait, en eschange de cette miserable vie mortelle, avec la tres heureuse vie celeste a laquelle il a esté appellé.

  A014002943 

 J'avois dit a M. Michel que vous communieries; et ce grand Saint merite bien qu'on face soigneusement sa feste, quand ce ne seroit que pour apprendre a porter nos testes et que nos testes ne nous portent pas, qui est la perfaite resignation..

  A014002945 

 Lundi, Dieu aydant, nous dirons le reste.

  A014002968 

 A ce renouvellement des entrees de la cour, me voyci a vostre porte, requerant quil vous playse avoir le soin et de l'affaire de ce porteur et de celle que j'ay pour la cure des Abergemens contre le Chapitre de Belley, qui a le tort principalement en ce quil me veut priver de la garde des cures et eglises parrochiales vacantes, contre toute rayson, contre toute coustume et contre les [356] articles que nous avions signés et arrestés par composition amiable, mais articles lesquelz ayans esté rompuz de leur part, je ne restabliray pas si aysement; puysque mesme je reconnois tous les jours plus clairement que leurs provisions du doyenné de Seyserieu sont foibles et imbecilles, au pris de celles de monsieur de Vitré, et que d'ailleurs ces messieurs ne songent qu'a s'avancer sur l'authorité de l'Evesque, qu'a pervertir la discipline ecclesiastique et qu'a nous introduire des methodes contraires aux Conciles.

  A014003020 

 C'est pourquoy ce porteur [362] recourt a vous affin quil vous playse favoriser la supplication quil presentera, pour obtenir une declaration propre pour fayre foy au Parlement de Digeon de ce que nous avons allegué, ainsy que je viens de dire..

  A014003020 

 Or, nous sommes reduitz a devoir preuver que nous avons ci devant conferé les cures par le concours, et que, quand il est arrivé quelque proces devant le Senat pour ce regard le Senat a jugé selon ce concours et en faveur d'iceluy.

  A014003021 

 J'en parlay l'autre jour a monsieur l'advocat general, qui me dit que malaysement obtiendrions-nous une telle declaration, mais que le Senat feroit bien faire un'information par un commissaire deputé de sa part, qui pourroit servir autant que l'attestation mesme; ce qui suffiroit, car je ne suis point attaché a la maniere.

  A014003021 

 Je vous supplie donq, Monsieur mon Frere, de nous gratifier en cett'occasion, laquelle nous est importante et qui regarde une grande suite..

  A014003051 

 Or bien, comme que ce soit, [365] nous demeurerons tous-jours bien unis, Dieu aydant, au desir de servir et aymer parfaitement nostre Sauveur..

  A014003052 

 A Dieu, ma tres chere Fille, a Dieu soyons nous a jamais.

  A014003063 

 Faysons en de mesme, ma tres chere Fille; entrons en esprit dans l'intention de la sainte Eglise, et dans cette unité, retirons nous aupres de la sacree Vierge, nostre bonne Mere et Maistresse..

  A014003064 

 Le premier objet, c'est Marie conçeùe sans peché; le second, saint Jean, l'enfant de la grace, criant au desert pour faire aplanir les chemins pour FEspoux qui doit arriver; le troisiesme, ce mesme Espoux et Sauveur arrivant par sa sainte naissance, qui nous fait chanter joyeusement a Noël l' Emmanuel où Dieu avec nous..

  A014003064 

 Nous verrons dans ce mois trois objetz, non seulement capables d'occuper nos ames, mays qui doivent [366] ravir nos cœurs en la sainte dilection.

  A014003095 

 Affin donques qu'elle prene en sa speciale protection nostr'ame et nostre Congregation, nous commencerons ce jour la a communier quotidiennement; et je vous en advertis a l'avantage, affin que ces jours d'entredeux soyent employés a la preparation de la reception d'un si excellent benefice.

  A014003095 

 Ces grans Saintz qu on celebre ces jours, viennent a propos pour nous ayder: saint Nicolas, saint Ambroyse, et demain sainte Barbe.

  A014003095 

 Sur ces nouveaux courages que nous prenons, je voy arriver la feste de la Conception de Nostre Dame, feste de tres particuliere devotion a ceux qui sont voués et dediés a son service.

  A014003125 

 Et puis consoles vous, que quand nous serons au port, les douceurs que nous y [373] aurons, effaceront les travaux pris pour y aller.

  A014003125 

 Or, nous y allons parmi tous ces orages, pourveu que nous ayons le cœur droit, l'intention bonne, le courage ferme, l'œil en Dieu et en luy toute nostre fiance.

  A014003125 

 Que si la force de la tempeste nous esmeut quelquefois un peu l'estomach et nous fait un petit tourner la teste, ne nous estonnons point, mays soudain que nous pourrons, reprenons haleyne et nous animons a mieux faire..

  A014003126 

 Craignons [Dieu] et nous ne craindrons point autre chose; aymons Dieu et nous aymerons tout'autre chose.

  A014003138 

 Ah! Ce [374] dis-je, o Sauveur de nostre cœur, puisque meshuy nous serons tous les jours a vostre table pour manger non seulement vostre pain, mays vous mesme, qui estes nostre pain vivant et sur essentiel, faites que tous les jours nous facions une bonne et parfaite digestion de cette viande tres parfaitte, et que nous vivions perpetuellement embausmés de vostre sacree douceur, bonté et amour..

  A014003139 

 Mais l'autre soir, ce sera vers demain, il faut escrire a Dijon, car mardy nous envoyerons; mais si je puis, je vous verray..

  A014003147 

 C'est elle qui nous fait mettre en conte pour nous, et a trop haut prix, le bien de nos predecesseurs, et voudrions volontier tirer nostre estime de la leur..

  A014003147 

 Et comme la vanité est un manquement de courage, qui, n'ayant pas la force d'entreprendre l'acquisition de la vraye et solide louange, en veut et se contente d'en avoir de la fause et vuide, aussi l'ambition [376] est un exces de courage qui nous porte a pourchasser des gloires et honneurs sans et contre la regle de la rayson.

  A014003152 

 Mais nous, qui sçavons bien que nous, ne sçaurions avoir un seul brin de vertu que par la grace de Nostre Seigneur, nous devons employer la pieté et la sainte devotion pour vivre vertueusement; autrement, nous n'aurons des vertus qu'en imagination et en ombre.

  A014003153 

 Il vous importera aussi infiniment de faire quelques [378] amis de mesme intention, avec lesquelz vous puissies vous entreporter et fortifier; car c'est chose toute vraye que le commerce de ceux qui ont l'ame bien dressee, nous sert infiniment a bien dresser ou a bien tenir dressee la nostre.

  A014003159 

 Faites souvent cette bonne pensee, que nous cheminons en ce monde entre le Paradis et l'enfer, que le dernier pas sera celuy qui nous mettra au logis eternel et que nous ne sçavons lequel sera le dernier, et que, pour bien faire le dernier, il faut s'essayer de bien faire tous les autres.

  A014003159 

 O sainte et interminable eternité, bienheureux qui vous considere! Ouy, car qu'est-ce que [ce] [380] desduit de petitz enfans que nous faysons en ce monde pour je ne sçai combien de jours? Rien du tout, si ce n'estoit que c'est le passage a l'eternité.

  A014003159 

 Pour cela donq il nous faut avoir soin du tems que nous avons a demeurer ça bas, et de toutes nos occupations, affin que nous les employons a la conqueste du bien permanent..

  A014003170 

 Mais, ma tres chere Fille, nous avons nostre Mere, sous les aisles de laquelle nous faut fourrer.

  A014003170 

 Mon Dieu! il est impossible que rien nous offense, tandis qu'avec une vraye resolution nous voulons estre tout a Dieu; et neanmoins nous sçavons bien que nous le voulons..

  A014003171 

 Dieu soit a jamais nostre force et nostre amour! Demain, moyennant sa grace, nous vous irons voir, ma tres cherement unique Fille de mon cœur.

  A014003217 

 Voyla vostre porteur que nous vous renvoyons despéché.

  A014003228 

 Et puis, encor faut-il garder les bonnes coustumes a vous souhaiter les bonnes festes; car, de m'attendre au bien que nous avions presque esperé, de vous voir a nos beaux Offices en ces si dignes solemnités, c'est chose que le tems et les affaires ne me peuvent permettre, si ce n'est en cette façon ordinaire par laquelle vous estes tous-jours present a mon ame, et principalement a l'autel et le jour de Nouel, environ lequel j'eu cette si chere grace de vous voir.

  A014003244 

 Demain, ma tres chere Fille, je ne sçaurois voir cette grande Seur, sinon quil y eut chose qui pressast; car [389] ne ferons-nous pas l'exhortation? et apres cela, il sera nuit.

  A014003259 

 Nous attendons mon frere de Thorens pour vous faire la response que vostre lettre pleyne de faveur requiert..

  A014003275 

 Que donnerions-nous a nostre petit Roy que nous n'ayons receu de luy et de sa divine liberalité? Or sus, je luy donneray donques a la sainte grand'Messe la tres uniquement fille bienaymee qu'il m'a donnee.

  A014003282 

 A la suite de la bonne dame defuncte, [393] nous finirons nos annees pour commencer nostre eternité.

  A014003282 

 Or bien, ma tres chere Fille, nous finissons cett' annee en un jour.

  A014003291 

 Elles passent donq, ces annees temporelles, Monsieur mon Frere; leurs mois se reduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens, qui sont ceux-la seulz que nous possedons, mais que nous ne possedons qu'a mesure qu'ilz perissent et rendent nostre duree perissable, laquelle pourtant nous en doit estre plus aymable; puisque cette vie estant pleine de miseres, nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette sainte eternité qui nous est preparee en l'abondance de la misericorde de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire incessamment par les continuelles pensees que sa propre nature luy suggere, bien qu'elle ne la puisse esperer que par des autres pensees plus relevees que l'Autheur de la nature respand sur elle..

  A014003292 

 Ainsy, Monsieur mon Frere, nous nous treuvons au pied du Crucifix, qui est l'eschelle par laquelle, de ces annees temporelles, nous passons aux annees eternelles..

  A014003292 

 Mais quand je sens que mon desir court apres ma cogitation sur cette mesme eternité, mon ayse prend un accroissement nompareil; car je sçay que nous ne desirons jamais d'un vray desir que les choses possibles.

  A014003293 

 Vives longuement, saintement et heureusement entre les vostres icy bas parmi ces momens perissables, pour revivre eternellement en cette immuable felicité pour laquelle nous respirons..

  A014003313 

 Et pour dire quelque chose sur le sujet de la derniere lettre que vous me fistes lhonneur de m'escrire, je croy bien que meshuy cett' heureuse alliance delaquelle nous nous res-jouissons tant, me mettra en autant de liberté quil m'en faut pour pouvoir jouir un bon jour de la douceur de vostre conversation, si toutefois la guerre a laquelle il semble que tant d'inclinations conspirent, ne [398] me sert de nouvel empeschement.

  A014003318 

 Monsieur de Charmoysi triomphe tous-jours au mespris de la cour et m'est advis que nous aurons de la peyne de luy en faire reprendre le goust..

  A014003340 

 O je supplie ce Sauveur qu'il rende nostre cœur tout sien par effect, comm'il l'est, il y a long tems, par affection! Ouy certes, ma toute mienne tres chere Fille, nous n'avons point d'affection en nostre cœur que pour sa divine Bonté et ne voudrions pas en souffrir aucune, pour petite qu'elle fut..

  A014003348 

 Il faudra pourtant que le cher pere soit adverti de ce defaut tout doucement; Dieu nous en fera naistre les occasions..

  A014003434 

 Je vois bien qu'aux approches que nous en ferons, l'on ne pourroit estre si libre a s'entendre en la conference selon que la necessité le pourroit requerir.

  A014003454 

 Elle emmeine deux gages, l'un desquels j'estime heureux, puis qu'il entre en vostre beniste famille; l'autre, je voudrois bien qu'elle voulust nous le conserver.

  A014003477 

 Il est vrai, mon très-cher Seigneur, à vous parler dans la pure vérité, que j'étais intérieurement sollicitée du désir de vous parler d'un sujet que ces bonnes âmes ne savent pas; et bien que ma bassesse et la révérence que je porte à votre mérite et que je dois à votre dignité combattissent cette pensée, néanmoins c'était elle qui m'excitait à vous prier souvent de nous venir voir, et à me plaindre à votre bonté de ce que vous ne le faisiez pas.


15-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XV-Vol.5-Lettres.html
  A015000056 

 — Une proposition du sieur de la Nous.

  A015000058 

 — Tout nous crie: Amour, amour! — Des dames qui « font merveilles».

  A015000068 

 — Servir Dieu parmi les sécheresses nous est chose plus dure, selon notre goût, mais plus profitable selon le goût de Dieu.

  A015000105 

 — Pourquoi Dieu nous abaisse et se cache 94.

  A015000106 

 — Quand il nous arrive quelque chose contre notre gré, que faire? — Jugements et manquements qui ne sont pas mortels.

  A015000208 

 — Notre-Seigneur meilleur juge que nous de nos intérêts.

  A015000270 

 L'un'est quand, sciemment, vous fistes prendre la licence de faire le mariage de monsieur et madame de Monthouz vos enfans, laquelle, pour un si grand empeschement, nous ne pouvions donner qu'abusivement.

  A015000292 

 Au demeurant, nostre bonne fille se porte mieux icy que nous n'eussions presque sceu esperer; ell'a bien eü un petit acces de fievre ces jours passés, mais ce n'a esté que cela.

  A015000309 

 Il ne faut pas oublier de dire quatre motz, avant de finir, de la chere seur qui a manqué de nous estre ravie ces jours passés par un brave et galant gentilhomme qui la recherchoit en mariage.

  A015000309 

 Mon Dieu, ne nous verrons-nous jamais tretous ensemble? J'en suis un peu, a dire vray, impatient; mais je ne croy plus qu'elle m'ayme, puisque non obstant que je luy escrivisse dernierement, je n'ay point de ses nouvelles que par vostre entremise.

  A015000324 

 Cheminés donq avec courage et parfaite confiance en [9] Nostre Seigneur, car il vous tiendra de sa main; et par la varieté des sentimens a laquelle nous sommes sujetz en ce miserable monde, il vous conduira au Ciel, ou nous n'aurons qu'un seul et invariable sentiment de la joye amoureuse de sa divine bonté, a laquelle je vous conjure de me recommander perpetuellement..

  A015000325 

 La bonne seur que vous aves ici est vrayement une bonne Fille; et pourveu qu'il playse a la sainte providence de Nostre Seigneur de nous laisser quelque tems madame de Chantal, ainsy que nous l'esperons, j'ay confiance en ce mesme Sauveur que cette chere seur sera bien consolee en ce genre de vie qu'ell'a embrassé.

  A015000351 

 Il faut ainsy cheminer par varieté de petitz accidens spirituelz et temporelz, tenans tous-jours neanmoins a Nostre Seigneur qui, en cette sorte, nous conduira par sa grace a l'estat immobile de la sainte eternité..

  A015000379 

 Et vous, loüés-le aussi de tout vostre cœur, et nous le louerons tous deux de tous nos cœurs.

  A015000380 

 Nous avons pris jour pour nous voir demain et commencer, a mon advis, sa confession et preparation a la sainte Communion, laquelle nous ferons Dimanche en vostre oratoire aussi; car, ma tres chere Fille, puisque j'espere que les Anges, et sur tout la Reyne des Anges, regarderont le spectacle de la derniere action de la reduction de cette ame, je desire qu'elle se face autour de vostre chere petite trouppe, affin que nous soyons tous regardés avec une joye extraordinaire et qu'avec ces Espritz celestes, nous facions le festin d'allegresse sur cet enfant revenu..

  A015000381 

 C'est l'aigneau d'holocauste qu'il nous faut offrir a Dieu, il le faut donq tenir en bon point et grasselet, s'il est possible; c'est le lict de l'Espoux, pour cela le faut-il parsemer de fleurs.

  A015000381 

 Helas! qu'avons-nous autre chose aussi a souhaitter que cela?.

  A015000381 

 O Dieu, ma chere Fille, je le vous recommande, nostre pauvre cœur; soulagés-le, confortés-le, recreés-le le mieux et le plus que vous pourres, affin qu'il serve Dieu; car c'est pour cette consideration [16] qu'il nous le faut traitter.

  A015000382 

 Demeurés bien toute en luy, ma chere Fille, et le priés que j'y demeure bien tout aussi, et la dedans aymons-nous puissamment, ma Fille, car nous ne sçaurions jamais trop ni asses [aimer].

  A015000392 

 Nous verrons aussi la chere grande fille, qui est certes fort aymable et le cœur gauche de M me de Chantal..

  A015000394 

 Voyes, ma chere Seur, que nos jours sont cours et que, par consequent, le labeur que nous y avons ne peut estre long; si que, moyennant un peu de patience, nous en sortirons avec honneur et contentement, car nous n'aurons point de si grande consolation a la fin de la journee que d'avoir beaucoup travaillé et supporté de peynes..

  A015000410 

 Je ne sçai si le diable nous veut espouvanter par la, ou si elle n'est point trop aspre a la cueillette; toutefois je sçai bien qu'elle n'a point de meilleur remede a son gré que de s'exposer au Soleil de justice..

  A015000419 

 O demain, Dieu aydant, je vous iray entretenir une bonne heure avant le sermon, et nous parlerons de nostre desfy, lequel vous treuveres bien aggreable, ma chere Fille, et bien digne de nostre si inseparable cœur..

  A015000432 

 Il y a ja long tems que la triste nouvelle du trespas de feu monsieur le President Fremiot nous estoit arrivee, et quant et elle un regret extreme, selon les grans devoirs que nous luy avions et la grand'estime en laquelle nous l'avions; mais nous avions empesché que la bonne M me de Chantal n'en apperceut aucun bruit, parce que c'eust esté une cruauté de voir surcharger sa maladie d'un sentiment de si grande douleur, en un tems auquel elle estoit encor fort foible.

  A015000454 

 Puis que donq maintenant elle est preste, au jugement de son Pere spirituel et des bonnes Meres Carmelines, et que monsieur son pere contribue son consentement, il semble qu'en toute asseurance vous en pouves faire l'offrande, et que Nostre Seigneur l'aura fort aggreable, sauf neanmoins a son bon playsir de disposer de sa perseverance en cet estat particulier, ou de sa sortie, selon que sa providence treuvera meilleur; a quoy nous nous conformerons tous-jours et sans replique, car il n'est pas raysonnable de prescrire a cette infinie Sapience la façon de laquelle il nous veut rendre siens.

  A015000456 

 Qu'est-ce qui nous peut manquer, ayant Dieu?.

  A015000470 

 Je suis bien content, ma tres chere Fille, que vous retourniés doucement a la sainte orayson, pour un peu [26] recreer nostre pauvre cœur aupres de son Sauveur qui, comme l'arbre de bausme, distillera tous-jours quelque goute de sa sainte liqueur sur nous, qui demeurerons paysiblement en attention.

  A015000482 

 Il veut bien que nous souffrions qu'on nous treuve importuns, puisqu'il nous enseigne d'importuner par son importune.

  A015000482 

 Les quatre motz du grand Apostre nous doivent servir d'epitheme: Opportune, importune; in omni patientia et doctrina.

  A015000494 

 Ouy, ma chere Fille, ouy sans opiniastreté, nous changerons le nom de Seurs Oblates, puisque cette expression [29] desplait si fort a ces messieurs; mais nous ne changerons jamais le dessein et le vœu eternel d'estre a jamais les tres humbles servantes de la Mere de Dieu.

  A015000516 

 Au moins, vivés joyeuse en ce Sauveur, au service duquel nous sommes trop heureux d'estre voués sans reserve quelconque..

  A015000526 

 Ma chere Fille, tenons nous, je vous supplie, tout au bas bout de la Croix, trop heureux si quelque goutte de ce bausme qui distille de toutes pars tombe dedans nostre cœur, et si nous pouvons recueillir de ces basses herbettes qui naissent la autour..

  A015000529 

 A Dieu soyons nous sans fin, sans reserve, sans mesure.

  A015000557 

 Helas, ma tres chere Fille, que ce miserable monde est puissant a nous traisner apres ses niaiseries et amusemens! Or, je suis bien ayse que nous nous soyons un peu [35] apprivoysés, monsieur vostre mary et moy.

  A015000570 

 Il faut donq bien vivre courageuse, ma tres chere Fille, car en fin nous sommes a Dieu sans reserve, ni exception aucune.

  A015000570 

 J'ay veu par vos lettres vos petites cheutes et imperfections, pour lesquelles ni vous ni moy ne devons aucunement nous estonner, car ce ne sont que des petiz advertissemens de nous tenir bas et humbles devant nos yeux, et pour nous esveiller en cette sentinelle en laquelle nous sommes.

  A015000600 

 Nous l'enfermasmes le jour de la tres sainte Trinité, avec deux compaignes et la servante que je vous fis voir, qui est une ame si bonne dans la rusticité de sa naissance, que, dans sa condition, je n'en ay point veu de telle.

  A015000602 

 J'ay sacrifié ma vie et mon ame a Dieu et a son Eglise: qu'importe-il que je m'incommode, pourveu que j'accommode quelque chose au salut des ames? Traittés-moy donq fraternellement, puisque vous sçaves qu'entre nous tout se fait en charité et pour la charité.

  A015000614 

 pas de vous faire bien ayder, tant quil se pourra, affin que ce mal vous soit utile; car voyes vous, ma chere Fille, il faut bien estre soigneuse de faire ce qui est requis pour nous tenir un peu forte et vaillante, puisque, comme vous le desires, il nous faut faire des effortz pour devenir saints et rendre des grans services a Dieu et au prochain.

  A015000649 

 Dieu nous veuille donner « la paix que le monde ne peut donner, » et vous conserve, Monsieur, longuement et heureusement, selon le souhait de.

  A015000649 

 Nous sommes icy sans nouvelles, mais non pas sans menaces [de ceux de Genève] de faire beaucoup de maux a nos eglises; mais la protection de laquelle ilz font profession de tirer leur force, ne leur sera, comme j'espere, jamais donnee pour ces miserables effectz.

  A015000679 

 Et si nous devions ouvrir la nostre, pour, en ostant le nostre, y loger le sien, ne le ferons-nous pas?.

  A015000679 

 O Dieu, ma chere Seur, ma Fille bienaymee, a propos de nostre cœur, que ne nous arrive-il comme a cette benite Sainte de laquelle nous commençons la feste ce soir, sainte Catherine de Sienne, que le Sauveur nous ostast nostre cœur et mist le sien en lieu du nostre! Mais n'aura-il pas plus tost fait de rendre le nostre tout sien, absolument sien, purement et irrevocablement sien? Oh qu'il le face, ce doux Jesus! je l'en conjure par le sien propre et par l'amour qu'il y enferme, qui est l'amour des amours.

  A015000679 

 Que s'il ne le fait (oh! mais il le fera sans doute, puisque nous l'en supplions), au moins ne sçauroit-il empescher que nous ne luy allions prendre le sien, puisqu'il tient encor sa poitrine ouverte pour cela.

  A015000725 

 Ce sera bien asses, ma chere Seur, pour, en ce fait, imiter utilement sainte Catherine; et en cette sorte, nous serons doux, humbles et charitables, puisque le cœur de nostre Sauveur n'a point de loix plus affectionnees que celles de la douceur, humilité et charité..

  A015000725 

 Nostre Sauveur vous arrache le cœur, comme il fit a la devote sainte Catherine de Sienne de laquelle nous [50] faysons ce jourdhuy la feste, pour vous donner le sien tres divin, par lequel vous viviés toute de son saint amour.

  A015000725 

 Quel bonheur, ma tres chere Seur, si quelque jour, au sortir de la sainte Communion, je treuvois mon chetif et miserable cœur hors de ma poitrine, et qu'en sa place fut establi ce pretieux cœur de mon Dieu! Mais, ma chere Fille, puisque nous ne devons pas desirer des choses si extraordinaires, au moins souhaitte-je que nos pauvres cœurs ne vivent plus desormais que sous l'obeissance et les commandemens du cœur de ce Seigneur.

  A015000729 

 Quand nous voyons que les persecutions ou contradictions nous menacent de quelque grand desplaysir, il nous faut retirer, et nous et nos affections, sous la sainte Croix, par une vraye confiance que tout reviendra au prouffit de ceux qui ayment Dieu..

  A015000741 

 Escrivant a monsieur vostre mary en recommandation d'un mien amy, chanoine de Lyon, je vous fay ce petit billet pour tout simplement vous saluer de tout mon cœur, non seulement en mon nom, mais de la part encor de la chere et bonne seur madame de Chantal, laquelle va de bien en mieux pour sa santé et, pour le dire encor entre nous deux, pour sa sainteté, a laquelle les tribulations et maladies sont fort propres pour donner de l'avancement, a cause de tant de solides resignations qu'il faut faire es mains de Nostre Seigneur..

  A015000742 

 Non, ma tres chere Fille, ce n'est pas la tranquillité qui l'approche de nos cœurs, c'est la fidelité de nostr'amour; ce n'est pas le sentiment que nous avons de sa douceur, mais le consentement que nous donnons a sa sainte volonté, laquelle il est plus desirable qu'elle soit executee en nous, que si nous executions nostre volonté en luy.

  A015000743 

 Je prie cette souveraine Bonté qu'elle nous face la grace de la bien chercher par amour, et suis en elle tout entierement,.

  A015000753 

 Vrayement je m'en res-jouis aussi dequoy bien tost nous aurons le bien de vous voir icy, en attendant le Caresme prochain, auquel sans doute je porteray une extreme affection de gaigner beaucoup d'ames a Celuy qui, pour les gaigner toutes, voulut bien perdre sa tres digne vie sur la croix.

  A015000788 

 Ces jours suivans, il y a apparence d'en faire de mesme en deux autres, et outre cela, nous prescherons icy et parlerons a quelques ames desvoyees; et bien que peut estre ne les reduirons-nous pas, parce que, pour l'ordinaire, les considerations humaines empeschent celles de leur salut, si est-ce que nous ne pensons pas peu faire quand nous leur faysons confesser que nous avons rayson, comme plusieurs ont fait jusques a present.

  A015000788 

 Hier nous restablismes le saint exercice a Divonne, gros et beau village.

  A015000789 

 Hé, Seigneur Jesus, vivés et regnés eternellement dans ce cœur que vous nous aves donné..

  A015000844 

 O ma tres chere Fille, que je souhaitte ce gracieux vent qui vient du midy de l'amour divin, ce Saint Esprit qui nous donne la grace d'aspirer a luy et de respirer pour luy..

  A015000845 

 Ah! que je voudrois bien vous faire quelque don, ma chere Fille; mays, outre que je suis si pauvre, il n'est pas convenable qu'au jour auquel le Saint Esprit fait ses presens, nous nous amusions a vouloir faire les nostres; il ne faut entendre qu'a recevoir au jour de cette grande largesse.

  A015000845 

 La Sapience eternelle soit a jamais dans nostre cœur, affin que nous savourions les tresors de l'infinie douceur de Jesus Christ crucifié..

  A015000847 

 A Dieu, ma chere Fille; perseverons au desir de cette unité, de laquelle Dieu nous ayant fait jouir des icy, autant, que nostre condition infirme le peut porter, il nous en fera plus parfaitement jouissans au Ciel..

  A015000847 

 Ce feu sacré qui change tout en soy, veuille bien transmuer nostre cœur, affin qu'il ne soit plus qu'amour et qu'ainsy nous ne soyons plus aymans, mais amour; non plus deux, mais un seul nous mesme, puisque l'amour unit toutes choses en la souveraine Unité.

  A015000855 

 J'ay donq pensé, ma chere Mere, si vous en estes d'accord, qu'il nous faut prendre pour armes un unique cœur percé de deux flesches, enfermé dans une couronne d'espines, ce pauvre cœur servant d'enclaveure a une croix qui le surmontera, et sera gravé des sacrés noms de JESUS et MARIE..

  A015000856 

 Le Sauveur mourant nous a enfantés par l'ouverture de son sacré cœur; il est donq bien juste que nostre cœur demeure, par une soigneuse mortification, tous-jours environné de la couronne d'espines qui demeura sur la teste de nostre Chef, tandis que l'amour le tint attaché sur le throsne de ses mortelles douleurs..

  A015000900 

 La petitesse de la piece, le travail passé de ceux de ce Chapitre, vostre credit, nous rendent un'esperance certaine que cela ne sera pas fort malaysé; car, bien que nostre Chapitre reside maintenant, par emprunt, de deça, si est ce que naturellement il est de Geneve.

  A015000900 

 Mays d'autant qu'a l'adventure, les cours laïques, en cas quil y eut quelque controverse ci apres, requerront que les proviseurs ayent le placet ou brevet du Roy, et que la valeur du benefice n'est pas si grande qu'on puisse envoyer expres pour en faire la supplication a Sa Majesté (a laquelle mesme, en tous evenemens, nous n'aurions aussi pas moyen d'avoir bon acces que par vostre entremise), partant nous vous supplions tres humblement tous, que si ce n'est point vostre incommodité, il vous playse [70] impetrer ledit placet.

  A015000927 

 Helas, ma tres chere Fille, que n'ay-je quelque digne sentiment de joye pour cet homme angelique ou cet ange humain duquel nous celebrons la naissance! Mon Dieu, que j'aurois de suavité de m'en entretenir moy mesme! Mais j'e vous asseure que la grandeur de mon interieure pensee m'empesche de me donner cette satisfaction a moy mesme..

  A015000930 

 Et que veut dire que nous sommes si petitz en sainteté?.

  A015000941 

 Mon Dieu, ma Fille, je m'admire tant que je suis encor si plein de moy mesme apres avoir si souvent communié! Hé, cher Jesus, soyes l'Enfant de nos entrailles, affin que nous ne respirions ni ressentions par tout que vous.

  A015000955 

 Et Dieu veuille que certaines nouvelles esperances qu'on nous propose soyent plus asseurees que celles que nous venons de perdre n'ont esté..

  A015000955 

 Nous avions longuement attendu quelle issue prendroit le traitté si longuement entretenu du mariage de M lle d'Anet et de nostre Monsieur; mays a ce qu'on nous dit, nous n'en devons plus rien attendre, puisque tout en est cassé.

  A015000955 

 Que de bruitz, que de vaynes esperances, que de vrayes afflictions avons nous eu par deça! Mays, graces a Dieu, nous voyci maintenant avec grand'apparence de tranquillité.

  A015000987 

 Nous avons donq pris cette matinee pour vous faire avoir l'exhortation de Monseigneur de Belley, qui tesmoigna hier de desirer de vous voir.

  A015001011 

 Sans doute, ma tres chere Fille, il ne faut pas une autre fois rien rabbattre des coustumes generales avec lesquelles nous professons nostre sainte religion, pour la presence de ces bigarrés huguenotz, et ne faut pas que nostre bonne foy ayt honte de comparoistre devant leur affeterie.

  A015001013 

 Que si cela ne peut reüscir, il nous faudra un peu considerer ou nous pourrons donner de la main..

  A015001014 

 Nous verrons donq un peu ce qui se pourra faire..

  A015001049 

 Et bien que selon nostre goust et l'amour propre les suavités et tendretés nous soyent plus douces, les [89] secheresses neanmoins, selon le goust de Dieu et son amour, sont plus profitables, ainsy que les viandes seches sont meilleures aux hydropiques que les humides, bien qu'ilz ayment tous-jours plus les humides..

  A015001049 

 Vous faites extremement a mon gré de continuer vos exercices emmi les secheresses et langueurs interieures qui vous sont revenues, car puisque nous ne voulons servir Dieu que pour l'amour de luy, et que le service que nous luy rendons parmi le travail des secheresses luy est plus aggreable que celuy que nous faysons parmi les douceurs, nous devons aussi, de nostre costé, l'aggreer davantage, au moins de nostre volonté superieure.

  A015001061 

 Veuille sa sainte Maistresse nous communiquer quelque goutte de la [90] suavité dont elle l'alaitta.

  A015001097 

 Mais, Monsieur, la reciproque communication qu'avec tant de confiance je ne faisois presque que commencer avec luy, est cessee et se treuve convertie en l'exercice des mutuelles prieres que nous faysons l'un pour l'autre: luy, comme sçachant combien j'en ay besoin, moy, comme doutant qu'il n'en ait besoin.

  A015001100 

 La pauvre mere poule qui, comme ses petitz poussins, nous tient dessous ses aisles, a bien asses de peyne de nous defendre du milan, sans que nous nous entrebecquetions les uns les autres et que nous luy donnions des entorses.

  A015001100 

 Non, je n'ay pas mesme treuvé a mon goust certains escritz d'un saint et tres excellent Prelat, esquelz il a touché du pouvoir indirect du Pape sur les Princes; [95] non que j'aye jugé si cela est ou s'il n'est point, mais parce qu'en cet aage ou nous avons tant d'ennemis dehors, je croy que nous ne devons rien esmouvoir au dedans du cors de l'Eglise.

  A015001113 

 Ouy, ma Fille, puisqu'il plaist ainsy a la divine Bonté, je suis inseparable de vostre ame et, pour parler avec le Saint Esprit, nous n'avons meshuy plus qu'un cœur et qu'une ame; car ce qui est dit de tous les Chrestiens de la naissante Eglise, se treuve, graces a Dieu, maintenant entre nous.

  A015001115 

 Et il vous suffira que, tout a la bonne foy, vous vous soyés essayee de reüscir, puisque Nostre Seigneur et la rayson ne requierent pas de nous les effectz et evenemens, mais nostre fidelle et franche application, employte et diligence; car ceci depend de nous, mays non pas les succes.

  A015001115 

 Si Dieu vous en donne l'issue, nous l'en benirons; s'il ne luy plaist pas, nous l'en benirons aussi.

  A015001118 

 A Dieu, ma tres chere Fille, a Dieu soyons-nous a jamais.

  A015001129 

 Ma chere Fille, tout ce qui se fait pour l'amour est amour; le travail, ouy mesme la mort n'est qu'amour, quand c'est pour l'amour que nous les recevons..

  A015001130 

 Ah! Sauveur de nostre ame, quand serons-nous autant ardans a vous aymer que nous le sommes a le desirer?.

  A015001130 

 Et puisqu'en verité nous desirons, en verité nous parviendrons; car ce grand Amy de nostre cœur ne le remplit, ce me semble, de desirs que pour le combler d'amour, comme il ne charge les arbres de fleurs que pour les recharger de fruitz.

  A015001130 

 Mays, pour ma sainteté, qui est ce que vous affectionnés le plus, je ne fay gueres de choses, sinon mille continuelz desirs et quelques prieres particulieres, affin qu'il plaise a Nostre Seigneur les rendre utiles [101] et fructueuses pour tout nostre cœur, et, presque ordinairement, je me treuve plein d'une douce confiance que sa divine Bonté nous exaucera.

  A015001131 

 Et remarquons que Nostre Seigneur ne vous donne jamais de violentes inspirations de la pureté et perfection de vostre cœur, qu'il ne me donne la mesme volonté, pour nous faire connoistre qu'il ne faut qu'une inspiration d'une mesme chose a un mesme cœur, et que, par l'unité de l'inspiration, nous sçachions que cette souveraine Providence veut que nous soyons une mesme ame, pour la poursuite d'une mesme œuvre et pour la pureté de nostre perfection..

  A015001131 

 Il me tarde, ma tres chere Fille, que ce cœur que Dieu nous a donné, soit uniquement et inseparablement donné et lié a son Dieu par ce saint amour unissant qui est plus fort que la mort et que tout.

  A015001132 

 Aymons donq bien ces croix que nous rencontrons en nostre chemin..

  A015001132 

 Ma tres chere Fille, helas! que bienheureux sont ceux qui l'ayment et qui la portent! Elle sera plantee au Ciel quand Nostre Seigneur viendra juger les vivans et les mortz, pour nous apprendre que le Ciel est l'autel des crucifiés.

  A015001186 

 C'est aussi bien fait [106] d'avoir de la confiance en nostre Seur de Brechard, et c'est la grace de Dieu qui nous rend ainsy le cœur franc envers ceux a qui, pour son amour, nous obeissons..

  A015001196 

 Et Dieu me donne les heureuses nouvelles que je souhaite aussi de vostre part, car jusques a present nous en jeunons encores.

  A015001196 

 Or, j'espere en cette souveraine Providence, qu'elle vous conservera saintement et cherement pour nostre mutuelle consolation et reciproque avancement en son amour cæleste, pour lequel [107] je fay sans fin des aggreables et desirables projetz, que je supplie le Saint Esprit nous faire suavement prattiquer..

  A015001197 

 A Dieu, ma tres chere Mere, ma Fille mienne, a Dieu soyons nous a jamais, et a jamais vive Jesus! Amen..

  A015001216 

 Au demeurant, Monsieur mon Oncle, cette si fascheuse separation est d'autant moins dure qu'elle durera peu, et que non seulement nous esperons, mays nous aspirons a cet heureux repos auquel cette belle ame est, ou sera bien tost logee.

  A015001216 

 Prenons, je vous supplie, en gré cette petite attente qu'il nous faut faire ici bas, et au lieu de multiplier nos souspirs et nos larmes sur elle, faysons-les pour elle devant Nostre Seigneur, affin qu'il luy [109] plaise haster sa reception entre les bras de sa divine Bonté, si des-ja il ne luy a fait cette grace..

  A015001217 

 Certes, pour moy, j'ay beaucoup de consolation en la connoissance que j'avois de l'interieur de cette bonne tante, laquelle plusieurs fois, avec extreme confiance, me l'avoit communiqué en la sacree confession; car j'en tire une asseurance que cette divine Providence, qui luy avoit donné un cœur si pieux et chrestien, l'aura comblee de benedictions en ce despart qu'elle a fait d'entre nous.

  A015001251 

 Dieu nous sera bon, ma Niece, ma Fille: j'espere qu'il nous menace pour ne nous point frapper, et que la chere [112] Peronne de nostre Mere luy ira au devant a son arrivee, avec sa tres chere lieutenante, ma fille tres aymee, que je desire qui travaille avec un esprit ardent mais doux, fervent mais moderé, attendant le bon succes des maladies et affaires non de sa peyne, non de son soin, mays de l'amoureuse bonté de son Espoux.

  A015001251 

 Qu'il la veuille benir eternellement, avec toute la trouppe de ma tres chere Mere absente et qui nous est si presente au cœur, en la presence de Celuy qui est l'unique tout du cœur de la Mere et des filles..

  A015001273 

 Plusieurs bourgeois et bourgeoises de Geneve qui estoyent venus aux vendanges, nous ont veu en cet exercice, et ont tesmoigné pour la pluspart d'en avoir pris bonne edification, et quelques uns qui m'ont voulu ouïr, ont esté estonnés dequoy leurs ministres leur descrivoyent nostre creance tout autrement que nous ne la preschons pas; chose....

  A015001283 

 Dieu [116] le rende autant effectif qu'il est affectif; et non seulement a [Abondance,] mais en deux ou trois insignes Monasteres de ce diocese, nous verrons refleurir la sainte pieté que le glorieux ami de Dieu et de Nostre Dame, saint Bernard, y avoit plantee..

  A015001310 

 Je suis, comme vous sçaves, de toute mon ame, ma tres chere Fille, tout parfaitement vostre en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre, Jesus Christ, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A015001400 

 Helas! que nous serons heureux si nous nous dedions bien entierement a ce saint service, soit en allant ou en demeurant, soit en faysant le bien ou en souffrant le mal; mays sur tout en souffrant, car le tesmoignage de nostre fidelité est bien plus grand en la souffrance qu'en l'action: dont les Martirs sont praeferés aux Confesseurs, et la Passion de nostre Sauveur a esté la grand'œuvre de nostre salut..

  A015001401 

 Acceptons-le donques avec tres profond'action de [131] graces, de la main de ce Pere debonaire qui nous l'a imposé; et si nous avons de la difficulté a respirer, il nous faut tant plus aspirer et souspirer en Dieu par des desirs continuelz de faire progres en son saint amour.

  A015001402 

 Nostre pauvre Seur de Chatel nous fit tellement peur [hier] au soir, que, par l'advis du medecin, nous luy donnasmes le Saint Huyle, qu'elle receut avec une foy et devotion [très grandes.

  A015001403 

 Et si, il faut que je vous die qu'elle m'escrit par sa derniere lettre que l'on desseigne a Dijon, ou ell'est, une mayson de la Visitation pareille a celle d'icy; et faudra peut estre, dans quelque tems, y envoyer un couple ou troys des filles que nous [132] aurons, pour y donner commencement.

  A015001418 

 Beni soit Dieu qui nous a visités en sa douceur, et qui nous a consolés! Amen.

  A015001418 

 Courage, au nom de Nostre Seigneur, ma pauvre tres chere fille Peronne Marie! Remettons nous du tout en [133] vigueur pour servir de nouveau nostre divin Maistre en sainteté et justice tous les jours de nostre vie.

  A015001418 

 Qu'auroit-elle dit, cette bonne Mere, si en son absence nous eussions laissé mourir sa chere Peronne? Sans doute, son coeur en eust esté maternellement affligé.

  A015001418 

 Tenes vous doucement en repos en Dieu, pour reprendre vos forces de sa main, affin que quand nostre chere Mere reviendra, elle nous treuve tous braves.

  A015001425 

 O Dieu, que j'ay pensé en vous devant la creche de Bethleem, et que j'ay prié pour nostre cœur le divin Enfant! Il me semble que ses bontés s'aggrandissent pour nous de moment en moment.

  A015001434 

 Je ne doute point, ma tres chere Fille, que vous ne soyes grandement exercee de diverses rencontres desplaysantes, sçachant une partie des sujetz qui vous en peuvent donner; mays en quoy, et quand, et comment pouvons nous tesmoigner la vraye fidelité que nous devons a Nostre Seigneur, qu'entre les tribulations, es contradictions et au tems des repugnances? Cette vie est telle qu'il nous faut plus manger d'absynthe que de miel; mais Celuy pour lequel nous avons resolu de nourrir la sainte patience au travers de toutes oppositions, nous donnera la consolation de son Saint Esprit en saison.

  A015001436 

 Dieu nous donne la grace de bien et saintement commencer et passer cette nouvelle annee prochaine; que puissions nous, en icelle, sanctifier le saint nom de JESUS et faire proffiter le sacré soin de nostre salut..

  A015001457 

 O, Dieu nostre Sauveur nous soit a jamais toute chose! C'est en luy et par luy que nostr'unique cœur est indivisible; qu'a jamais puisse-il tout vivre a son saint amour..

  A015001459 

 Mon Dieu, ma tres chere mienne Fille, en fin, qui sommes nous, sinon ce que Nostre Seigneur a voulu que nous fussions?.

  A015001470 

 J'excepte pourtant la visite de la petite seur, qui vient de me laisser maintenant, et laquelle m'a laissé avec bon goust, par ce que nous avons parlé de bonnes choses.

  A015001483 

 Laissons pour un peu la meditation (ce n'est que pour mieux sauter que nous reculons), et prattiquons bien cette sainte resignation et cet amour pur de Nostre Seigneur qui ne se prattique jamais si entierement qu'emmi les tourmens; car d'aymer Dieu dedans le sucre, les petitz enfans en feroyent bien autant, mais de l'aymer dedans l'absinthe, c'est la le coup de nostre amoureuse fidelité.

  A015001490 

 Vive Jesus! ma Fille, et qu'il regne parmi vos douleurs, puis que nous ne pouvons regner ni vivre que par celle de sa mort.

  A015001498 

 O Vierge sainte, qui, la premiere de toute la nature humaine, aves prononcé ce nom de salut, inspirés-nous la façon de le prononcer ainsy qu'il est convenable, affin que tout respire en nous le salut que vostre ventre nous a porté..

  A015001499 

 Que puissions-nous tellement vivre cette annee, [143] qu'elle nous serve de fondement pour l'annee eternelle! Du moins ce matin, sur le resveil, j'ay crié a nos oreilles: VIVE JESUS! et eusse bien voulu espandre cet huyle sacré sur toute la face de la terre..

  A015001501 

 Playse a ce divin Poupon de tremper nos cœurs dans son sang et les parfumer de son saint nom, affin que les roses des bons desirs que nous avons conceus soyent toutes pourprees de sa teinture et toutes odorantes de son unguent.

  A015001536 

 Veuille cette bonté du Seigneur, qui vous a esté propice et a moy en vostre guerison, nous favoriser longuement de sa duree et d'une constante consolation en cette sainte et douce amitié qu'elle a establie entre nous.

  A015001538 

 M. de Granyer est allé, comme je pense, en Languedoc, sans passer icy ou nous l'attendions, plus pour [148] apprendre les particularités des graces et traitz de vostre faveur, que pour autres raysons, bien que je sçai qu'elles sont grandes..

  A015001539 

 Ce que j'avois preveu de la volonté de Monseigneur de Nemours touchant son hostel, s'est treuvé plus que veritable; car, outre ce que j'avois consideré, il y a de plus qu'il n'est nullement hors d'occasion d'aller peut estre plus tost que je ne pense a Paris: vous pouvés bien penser pourquoy, mays je dis cecy entre nous deux.

  A015001547 

 O Dieu, quel bonheur que nostre amour, en attendant cette manifeste union que nous aurons avec Nostre Seigneur au Ciel, s'unisse par ce mystere si admirablement a luy!.

  A015001547 

 Or, la tablette de la sainte Communion est cela mesme qui a esté mis en tablette, affin que nous la puissions mieux prendre; bien que ce soit la tres divine et tres grande table que les Cherubins et Seraphins adorent et de laquelle ilz mangent par contemplation reelle, comme nous la mangeons par reelle Communion.

  A015001549 

 Ah! ma Fille, nous en avons bien passé de plus aspres: pourquoy n'aurons-nous pas le cœur de surmonter encores cette difficulté?.

  A015001549 

 Cependant, ma bienaymee Fille, je ne laysse pas, dans le fond de mon esprit, de prendre des saintes esperances qu'apres que par ces petitz abandonnemens, Dieu nous aura espreuvé et exercé en la mortification interieure, il ne nous vivifie par ses consolations sacrees.

  A015001549 

 Hé! Seigneur [150] Sauveur, j'entrevois, ce me semble, la clairté de vostre œil debonnaire qui nous promet le retour de vos rayons pour faire renaistre un beau printems en nostre terre.

  A015001549 

 Il ne nous abbaisse, ce doux Amour de nostre cœur, que pour nous eslever: il se musse et cache, et regarde par le treillis quelle contenance nous tenons.

  A015001557 

 Ma chere Fille, si elle retiroit vostre bonne seur, ce que nous devons esperer n'arriver pas si tost, vous ne laisseries pas pour cela d'estre sous la protection de ce tres bon Pere eternel qui vous couvriroit de ses aisles.

  A015001557 

 Mays avec cela, ma chere Seur, il ne se faut pas former des craintes inutiles; il suffira bien de recevoir les maux qui de tems en tems nous arrivent, sans les prevenir par l'imagination..

  A015001557 

 Nous serions miserables, ma Fille, si nous n'establissions nostre appuy en Dieu que par l'entremise des creatures que nous affectionnons.

  A015001558 

 Au contraire, je voudrois, et Dieu voudroit, que vous l'exerçassies gayement et amoureusement, et par ce moyen il auroit soin du desir que vous aves d'estre deschargee et le feroit reüscir en son tems; car notés une fois pour toutes, qu'il ne faut jamais s'aheurter avec une de nos volontés, ains quand il nous arrive quelque chose contre nostre gré, il le faut accepter de bon cœur, quoy que de bon cœur on desirast que cela ne fust point; et quand Nostre Seigneur voit que nous sommes ainsy souples, il condescend a nos intentions..

  A015001560 

 Et quand la memoire de telle faute nous arrive apres la confession, il n'est pas requis de retourner vers le confesseur pour aller a la Communion; ains est bon de n'y retourner pas, mays le reserver a dire pour l'autre confession suivante, affin de le dire si on s'en souvient..

  A015001560 

 Quand les pensees nous arrivent du mal d'autruy et que nous ne les rejettons pas promptement, ains nous y amusons quelque peu, pourveu que nous ne facions pas un jugement entier, disant en nous mesmes: Il est vrayement ainsy, ce n'est pas peché mortel; quand bien nous dirions absolument: Il est ainsy, pourveu que ce ne fust pas en chose d'importance; car, quand ce dequoy [152] nous jugeons nostre prochain n'est pas chose griefve, ou que nous ne jugeons pas absolument, ce n'est que peché veniel.

  A015001612 

 Je vous seconderay le plus doucement quil me sera possible, ma tres chere Fille, en vostre juste intention, bien qu'entre nous il ny a ni second ni premier, ains un (sic) simple unité.

  A015001613 

 Mays, avant que de passer plus outre, [158] penses bien derechef en vous mesme a l'importance de ce que vous entreprenes; car il seroit bien mieux de n'entrer pas parmi nous, qu'apres y estr'entrees donner quelqu'occasion de n'estre point receues aux oblations.

  A015001613 

 « Vous nous aves demandé d'estre receues entre nous pour y servir Dieu en unité de mesm'esprit et de mesme volonté; et, esperans en la Bonté divine que vous vous rendres bien affectionnees a ce dessein, nous sommes pour vous recevoir ce matin au nombre de nos Seurs novices, pour, selon l'avancement que vous feres en la vertu, vous recevoir par apres aux oblations, dans le tems que nous aviserons.

  A015001614 

 Et a cet effect, nous avons commis la peyne et le soin particulier de vous exercer et instruire a ma Seur de Brechard ci presente, a laquelle partant vous seres obeissantes, et l'escouteres avec respect et tel honneur, qu'on connoisse que ce n'est pas pour la creature que vous vous sous-mettes a la creature, mays pour l'amour du Createur que vous reconnoisses en la creature.

  A015001614 

 Et quand nous commettrions un'autre pour estre vostre Maistresse, quelle qu'elle fut, vous devries luy obeir avec toute humilité pour la mesme rayson, sans regarder en la face de celle qui vous gouvernera, mais en la face de Dieu qui l'a ainsy ordonné..

  A015001614 

 « Or, entrant ceans, saches que nous ne vous y recevons que pour vous enseigner, tant que nous pourrons, par exemple et advertissemens, a crucifier vostre cors par la mortification de vos sens et appetitz de vos passions, humeurs, inclinations et propres volontés, en sorte que tout cela soit desormais sujet a la loy de Dieu et aux Regles de cette Congregation.

  A015001615 

 Vous vous tromperies bien si vous pensies estre venues pour avoir plus grand repos qu'au monde, car au contraire, nous ne [159] sommes icy assemblees que pour travailler diligemment a desraciner nos mauvaises inclinations, corriger nos defautz, acquerir les vertus; mays bienheureux est le travail qui nous donnera le repos eternel.

  A015001628 

 Le tres grand et miraculeux saint Paul nous a resveillés de grand matin, ma tres chere Fille, si fort il s'est escrié aux oreilles de mon cœur et du vostre: Seigneur, que voules vous que je fasse? Ma tres [160] chere Mere et toute chere Fille, quand sera-ce que, tous mortz devant Dieu, nous revivrons a cette nouvelle vie en laquelle nous ne voudrons plus rien faire, ains laisserons vouloir a Dieu tout ce qu'il nous faudra faire, et laisserons agir sa volonté vivante sur la nostre toute morte?.

  A015001629 

 Ah! Dieu ne nous a pas forclos de la jouissance de sa douceur, il l'a seulement soustraite pour un peu, affin que nous vivions a luy et pour luy, et non pour ses suavités; affin que nos Seurs travaillees treuvent chez nous un secours compatissant et un support suave et amoureux; affin que, d'un cœur tant escorché, mort et matté, il reçoive l'odeur aggreable d'un saint holocauste..

  A015001650 

 Il a voulu que ce mal me soit venu aujourd'huy, pour nous faire honnorer son espouse Apollonie et pour nous donner une preuve sensible de la communion des Saintz..

  A015001660 

 Et si vous obeisses humblement, une Communion vous sera plus utile en effect que deux et troys faites autrement; car il n'y a rien qui nous rende la viande si prouffitable, que de la prendre avec appetit et apres l'exercice.

  A015001709 

 Je recommande a vos prieres ce pauvre medecin malade; dites trois Messes a cette intention, affin qu'il puisse guerir nostre Mere et que nous le puissions guerir.

  A015001722 

 S'il luy plaist de prendre cette Mere, je la luy offre; s'il luy plaist de nous la laisser, son saint nom soit beni! S'il luy plaist que nostre ouvrage se fasse, il nous en laissera la matiere, sinon, il la serrera dans son cabinet eternel.

  A015001733 

 Or sus, je voy bien que nous ne serons jamais guere ensemble, si ce n'est en esprit; aussi est-ce l'Esprit de Dieu qui est l'autheur de la sainte amitié dont vous m'affectionnés, qui, par la distance des lieux, ne peut estre empesché qu'il ne face sa sacree operation dans nos cœurs..

  A015001734 

 Et qui sçait, si nous nous humilions devant Dieu, que sa sainte misericorde ne nous ouvre point un jour la porte de nostre Geneve, affin que nous y rapportions la lumiere que tant de tenebres en avoyent bannie? Certes, j'espere en la souveraine bonté de Nostre Seigneur, qu'en fin il nous donnera cette grace; mais prions et veillons pour cela..

  A015001734 

 Que vous veut cependant dire ce petit mot de nos nouvelles? La Reyne de France m'escrit qu'elle nous rendra toutes nos eglises et tous nos benefices de Gex occupés par les ministres; dont je prevoy que cet esté je seray grandement occupé a servir a cette besoigne, mays occupation aggreable et pretieuse.

  A015001764 

 De même, quand nous honorons leurs [173] mérites avec plus de confiance, nous recevons de leurs intercessions plus de fruit.

  A015001764 

 Enfin, nous trouvons une exhortation bien plus vivement efficace dans les exemples, lorsque la sainteté des personnes ne peut plus être mise en doute..

  A015001765 

 Aussi, puisqu' il n'y a plus de saint en ce monde, il faut, d'entre les justes qui ont été rachetés de la terre, évoquer le souvenir et ramener au milieu de nous la pensée de ceux dont la vie a jeté le plus d'éclat par le rayonnement de la sainteté.

  A015001765 

 Qu'ils servent, comme l'a dit l'un d'eux, de miroir et d'exemple à la vie des hommes; qu'ils en soient [174] de quelque manière le condiment, afin qu'ils vivent parmi nous, même après-leur mort, et qu'ils appellent et ressuscitent à la vraie vie beaucoup de chrétiens d'entre ceux qui, quoique vivants, sont morts..

  A015001768 

 Faites-nous donc cette grâce, Très Saint Père, et ne laissez pas plus longtemps sous le boisseau cette lampe allumée par le feu divin, mais placez-la sur le chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Sanctifiez le nom de celui qui a sanctifié le nom de Dieu avec tant de charité et l'a fait glorifier par tant de miracles; annoncez à toute l'Eglise qui est sur la terre que le Seigneur a exalté son Saint dans les Cieux, pour nous exaucer quand nous crierons vers lui.

  A015001779 

 Nous parlons icy de vous si souvent et avec tant de playsir, ma chere Fille, que vous ne deves pas avoir soin [178] de nous en rafraichir la memoyre.

  A015001858 

 A quel propos nous imaginer des pretentions, pour nous porter a des contentions contre celuy que nous devons filialement cherir, honnorer et respecter comme nostre vray Pere et Pasteur spirituel?.

  A015001858 

 Certes, icy je suis dans l'Estat d'un Prince qui a tous-jours fait tres particuliere profession d'honnorer et reverer le Saint Siege apostolique; et neanmoins, nous n'oyons nullement parler que le Pape se mesle, ni en gros ni en detail, de l'administration temporelle des choses du païs, ni qu'il interpose ou pretende aucune authorité temporelle sur le Prince, ni sur les officiers, ni sur les sujetz en façon quelconque: nous nous donnons plein et entier repos de ce costé la et n'avons aucun sujet d'inquietude.

  A015001872 

 Mais Dieu vous benie, vous remplisse de graces; Dieu soit avec nous, ma tres chere Fille, car je n'ay pas davantage de loysir, grace a Nostre Seigneur, lequel nous fait la faveur de nous employer icy et la, a son tres saint service; car c'est a cela que je suis occupé en diverses sortes, de maniere que le cœur de ma tres chere Fille, comme le mien, en sera bien ayse..

  A015001872 

 Quoy qu'extremement occupé, comment pourrois-je m'empescher de saluer ma tres chere Fille, au jour de la plus heureuse salutation qui fut jamais faite? Hé! je supplie cette glorieuse Vierge qui fut aujourd'huy saluee, qu'elle nous impetre quelque part a la tres sacree consolation qu'elle receut.

  A015001903 

 Helas, ma tres chere Fille, que nous sommes heureux d'estre ainsy serrés et tenus de court par ce celeste Tuteur! Et ce que nous devons faire, n'est sans doute autre chose que ce que nous faysons, qui est d'adorer l'aymable providence de Dieu, et puis nous jetter entre ses bras et dedans son giron.

  A015001905 

 En fin, ce Sauveur veut que nous soyons si parfaitement siens, que rien ne nous reste, pour nous abandonner entierement a la mercy de sa providence, sans reserve..

  A015001906 

 Que nous sommes heureux d'estre esclaves de ce grand Dieu qui, pour nous, se rendit esclave!.

  A015001908 

 Jesus, le doux Jesus, cœur unique de nostre cœur, nous benisse de son saint amour.

  A015001932 

 Il vous dira toutes nos nouvelles, qui, a mon advis, consiste (sic) en ce que nous n'en avons point.

  A015001933 

 J'ay pensé avoir lhonneur de voir Monsieur le Cardinal de Mantoue a son retour; mays on nous dit quil prend le chemin d'Allemaigne.

  A015001934 

 Nous attendons le passage du sieur de Granier, qui nous dira ce quil aura pris d'argent sur vostre faveur, et soudain, Dieu aydant, je l'envoyeray, voulant meshuy donner commencement a la satisfaction de tant de devoirs pecuniaires que je vous ay; car quant aux autres, je ne pourray ni ne voudray jamais en estre quitte, ayant un extreme playsir d'estre par obligation ce que je suis si absolument par inclination: c'est,.

  A015001966 

 Seroit-il bien possible que mon esprit oubliast jamais les chers enfans de ses entrailles? Non, mes tres cheres Filles, ma chere joye et ma couronne, vous le sçavés bien, je m'en asseure; et vos cœurs vous auront bien respondu pouf moy que si je ne vous ay pas escrit jusques a present, ce n'est sinon parce que, escrivant a nostre tres unique et bonne Mere, je sçavois bien que je ne vous escrivois pas moins qu'a elle, par cette douce et salutaire union que vos ames ont avec la sienne; et encor, parce que le saint amour que nous nous portons reciproquement, est escrit, ce me semble, en si grosses lettres dans nos cœurs, qu'on y peut bien lire presque nos pensees de Neci jusques icy..

  A015001971 

 Hé, qu'ilz sont heureux ces cœurs bienaymés de mes [206] filles, d'avoir quitté quelques annees de la fause liberté du monde, pour jouir eternellement de ce desirable esclavage auquel nulle liberté n'est ostee que celle qui nous empesche d'estre vrayement libres!.

  A015001972 

 Dieu vous benisse, mes tres cheres Filles, et vous face de plus en plus avancer en l'amour de sa divine eternité, en laquelle nous esperons de jouir de l'infinité de ses faveurs pour cette petite, mais vraye fidelité, qu'en si peu de chose, comme est cette vie presente, nous voulons observer moyennant sa grace.

  A015002047 

 Ce livre la est bon, mais non pas pour l'affaire presente; nous en chercherons un autre plus court et le treuverons, Dieu aydant..

  A015002080 

 Mays mon Dieu, ma tres chere Fille, que dirons-nous de ces hommes qui apprehendent tant l'honneur de ce miserable monde et si peu la beatitude de l'autre? Je vous asseure que j'ay eu des estranges afflictions de cœur, me representant combien pres de la damnation eternelle ce cher cousin s'estoit mis, et que vostre cher mary l'y eust conduit.

  A015002090 

 Vray Dieu, que nous serons heureux si nous sommes fideles a cette immense douceur qui nous attire!.

  A015002091 

 Mais, en tout evenement, nous nous entretiendrons l'un l'autre par la sainte dilection qui me fera tous-jours estre,.

  A015002097 

 J'ay annoncé la feste de Pentecoste a monsieur Favre qui l'attend en devotion, et nous tous..

  A015002121 

 Je fis hier vostre ordonnance envers Messieurs de la ville que, sans mentir, nous obligent tout plein en l'estime et l'amour quilz tesmoignent a nostre Mayson.

  A015002141 

 Je vous donne, la joye dequoy nostre Sauveur est monté au Ciel, ou il vit et regne, et veut qu'un jour nous vivions et regnions avec luy.

  A015002141 

 O quel triomphe au Ciel et quelle douceur en la terre! Que nos cœurs soyent ou est leur thresor, et que nous vivions au Ciel, puis que nostre vie est au Ciel..

  A015002142 

 Quel contentement quand nous verrons ces divins caracteres marqués de nostre bonheur eternel! [221].

  A015002143 

 Mays d'ou m'arrive-il que je n'ayme pas bien, puisque des maintenant je puis bien aymer? O ma Fille, prions, travaillons, humilions-nous, invoquons cet amour sur nous..

  A015002143 

 Pour moy, je n'ay rien sceu penser ce matin qu'en cette eternité de biens qui nous attend, mais en laquelle tout me sembleroit peu ou rien, si ce n'estoit cet amour invariable et tous-jours actuel de ce grand Dieu qui y regne tous-jours.

  A015002213 

 Nous avons dans ce diocèse un certain Crispiliani, originaire de Modène.

  A015002231 

 Nos messieurs les examinateurs ont estimé que nous devions donner courage a M. de Marteret, puisqu'il a rendu un grand tesmoignage de vouloir dores-en-avant faire merveilles et quil est parti avec vostre licence, ainsy que vous tesmoignes par vostre lettre, me le renvoyant quant au dimissoire..

  A015002249 

 Gloire soit au Pere et au Filz et au Saint Esprit, dont nous celebrons la foy aujourd'huy..

  A015002259 

 Helas, ma chere Seur, que j'aurois bien besoin d'un peu plus de loysir pour laysser reprendre mon cœur, tout fasché de cette nouvelle que je viens de recevoir du trespas de madame nostre chere mere! Mays puisque je ne puis, que vous diray-je, ma tres chere Seur, sinon que voyla comme cette miserable vie mortelle est incertaine parmi nous, et que nous sommes encor plus miserables qu'elle, si nous l'estimons pour autre sujet que pour ce qu'elle nous sert de passage [234] a l'eternelle; eternelle, ma tres chere Fille, a laquelle nous devons sans cesse aspirer, en laquelle nos proches et nos amis se treuveront reunis avec nous d'une societé indissoluble..

  A015002260 

 Mays, ma Fille, ayons patience; bien tost nos jours finiront, et nous passerons avec les autres, desquelz alhors nous treuverons la separation fort courte..

  A015002262 

 Et sur le sujet de vostre voyage par deça, je ne sçaurois vous le conseiller, pour l'apprehension que j'ay quil ne vous incommode en vostre foible santé, ni ne sçaurois vous le dissuader, pour le tres singulier contentement que j'aurois a vous tenir un peu parmi nous, en ces desertz.

  A015002262 

 Mais necessayrement il faut que je sois icy des le commencement de septembre'jusques au 20, pour la celebration d'un Jubilé que nous y avons de sept ans en sept ans.

  A015002319 

 Voyla du saint metail que j'envoye pour vos parroissiens, qui, esperans des benefices par l'intercession de saint Theodule qui l'a beni, devront tascher d'assister a la Messe qui se celebrera a son honneur au jour que nous avons marqué de sa feste au Manuel.

  A015002334 

 Hé, qui nous fera la grace que nous savourions bien le miel que cette Mere abeille fait au milieu de cette fleur aymable?.

  A015002395 

 Faites moy ce bien, mon Reverend Pere, de m'escrire en quelz termes nous en demeurasmes a Chamberi, par ce que n'en ayant pas distincte memoire, selon mon imbecillité, je n'en puis pas si bien parler a ces Dames quil seroit requis..

  A015002413 

 Nous n'avons point de recompense sans victoire, ni point de victoire sans guerre.

  A015002446 

 Que puisse nostre Ange toucher ce jourdhuy nostre flanc, nous donner le resveil de l'attention amoureuse a Dieu, nous delivrer de tous les liens de l'amour propre et nous consacrer a jamais a ce celeste amour, affin que nous puissions dire: Maintenant je sçai, certes, que Dieu a envoyé son Ange et m'a delivré..

  A015002447 

 Helas! qu'il fut heureux, nostre cher saint Pierre, car ce fut par mignardise d'amour que Nostre Seigneur luy demanda si souvent: Pierre, m'aymes-tu? Non point qu'il en doutast, mais pour le grand playsir qu'il prend a nous souvent ouÿr dire et redire et protester que nous l'aymons.

  A015002447 

 Ma chere Mere, aymons-nous pas le doux Sauveur? Ah! il sçait bien que si nous ne l'aymons, pour le moins desirons-nous de l'aymer.

  A015002447 

 Or si nous l'aymons, paissons ses brebis et ses aigneaux: c'est la, la marque de l'amour fidele..

  A015002451 

 C'est luy qui m'a rendu tout vostre, et vous toute mienne, affin que nous fussions plus purement, parfaitement et uniquement siens.

  A015002451 

 O Dieu! nostre Sauveur nous soit a jamais toute chose.

  A015002478 

 Apres avoir rendu graces a Dieu du restablissement de son Eglise es lieus et biens ci devant occupés et detenus par les ministres de la religion prætendue, au balliage de Gex, j'en remercie tres humblement Vostre Majesté, de la royale providence et pieté delaquelle ce bonheur nous est arrivé.

  A015002494 

 Aggreons cette grace que Dieu luy a faitte, et ayons doucement patience pour ce peu de tems que nous avons a vivre icy bas sans elle, puisque nous avons esperance de demeurer avec elle eternellement au Ciel, en une societé indissoluble et invariable..

  A015002494 

 Cette belle et devote ame est decedee en un estat de conscience auquel si Dieu nous fait la grace de mourir, nous serons trop heureux de mourir en quelque tems que ce soit.

  A015002506 

 Entreprenons des grandes choses sous la faveur de cette Mere, car si nous sommes un peu tendres en son amour, elle n'a garde de nous laisser sans l'effect que nous pretendons.

  A015002507 

 Dieu nous face la grace de nous voir un jour consommés au divin amour.

  A015002519 

 Aussi n'ay-je rien de nouveau des la derniere lettre que je vous escrivis, sinon que nous avons veu en cette ville plusieurs colomnes enflammees sur Geneve, et la veille de l'Assomption, entre midi et un'heure, en un jour fort clair, un'estoile asses proche du soleil, aussi brillante et resplendissante qu'est la bell'estoile en une nuit bien seraine..

  A015002538 

 Je vous advertis que madamoyselle d'Escrilles est de la mesme parentee que M. de Corselles, affin que vous ne luy disies pas ce que nous dismes de la bisayeule.

  A015002551 

 Au demeurant, soudain apres vostre despart, mes freres entrerent en un'ambition d'obtenir une place de Religieuse en vostre Monastere pour un'unique niece, fille de nostr'aysné, que nous avons; et m'a fallu leur promettre que je vous en supplierois, de cette grace.

  A015002570 

 Nous avons eu la bonne Madame de Baume, que mon cousin saluâ, et luy fit une petite harengue sur le sujet de sa maistresse, qu'elle aggrea extremement; et me dit que si elle luy pouvoit rendre quelque sorte de bon office en ses amours, elle le feroit de tout son cœur, m'asseurant que cette damoyselle dont il est question estoit une perle en bon naturel, en bonn'humeur et en vertu: qui me fait d'autant plus louer le choix que vous en aves fait pour la consolation de vostre viellesse future, et voudrois bien pouvoir contribuer quelque service a ce dessein, comm'aussi a tous les autres qui regarderont vostre contentement..

  A015002591 

 N'est ce pas le saint Archevesque que nous voulons aller reverer, qui a soin de ses devotz?.

  A015002592 

 Et advertisses moy, je vous prie, au plus tost, car sil faut aller, nous irons; que sil est jugé plus a propos, nous retarderons jusques au primtems..

  A015002592 

 Je vous supplie de l'apprendre de luy, car sil treuve quil soit a propos, nous arriverions pour la feste du Saint et serons de retour pour les Advens.

  A015002637 

 Et si, je me promettois, par un certain exces d'amour a ce dessein, que preschant maintenant un peu plus meurement, solidement et, pour le dire tout en un mot entre nous, un peu plus apostoliquement que je ne faysois il y a dix ans, vous eussies aymé mes prædications, non seulement pour ma consideration, mais pour elles mesmes..

  A015002639 

 Ce pendant, le tems court et nous va mettre dans peu de semaynes a la veille du Caresme; si que il sera meshuy malaysé de treuver un prædicateur sortable a vostre chaire..

  A015002661 

 Nous avons ces moys passés retiré environ 25 eglises [274] des mains des huguenotz autour de Geneve, que j'espere repeupler de bons pasteurs, comm' encor d'en retirer davantage, s'il plait a Dieu de toucher le cœur des Princes affin qu'ilz conspirent a la sanctification de son saint nom.

  A015002710 

 Il me tardoit, certes, d'avoir quelqu'asseuree commodité de vous escrire, ma tres chere Fille, ne doutant point que mes lettres ne vous soyent a consolation, selon la sainte dilection que Dieu a creëe entre nous..

  A015002712 

 Or, la paix de Dieu, c'est la paix qui prouvient des resolutions que nous avons prises pour Dieu et par les moyens que Dieu nous ordonne.

  A015002713 

 Nous verrons de conduire tout bellement l'esprit des freres, et attendray que vous me facies sçavoir ce que vous aures fait avec la bonne mere.

  A015002729 

 C'est pourquoy, sa divine Bonté soit loüee de la nous avoir encor laissee, comme je l'en ay supplié, avec la reserve de la sainte resignation, que je n'oublie jamais en choses de telle qualité..

  A015002748 

 Je n'ay pas de quoy respondre aux paroles d'honneur extraordinaire que vous employés en ma faveur es deux lettres que, de vostre grace, j'ay receues de vostre part des que vous nous laissastes icy le desir de vostre presence.

  A015002768 

 C'est la verité, ma chere Mere, que nous eusmes icy une grande assemblee a nostre Jubilé et, ce qui importe, qu'il se fit quelque fruict.

  A015002768 

 Que si nous eussions eu le contentement et l'honneur de vous avoir vous mesme, certes, c'eust esté un comble de bonheur, Madame ma tres chere Mere, et vous eussies receu l'hommage que sept ou huit de mes freres et seurs ne vous ont encor point fait, en qualité de vos humbles enfans et serviteurs.

  A015002769 

 Je ne dis pas le total abandonnement, mais je dis la moderation; car par cette moderation, nous sçavons treuver les heures franches pour l'orayson, pour un peu de lecture devote, pour eslever a diverses rencontres nostre cœur a Dieu, pour reprendre de tems en tems le maintien interieur et la posture cordiale de la paix, de la douceur, de l'humilité.

  A015002769 

 Non, je vous supplie, ma chere Mere, car bien quil les faille rejetter et detester pour s'en amender, si ne faut-il pas s'en affliger d'une affliction fascheuse, mais d'une affliction courageuse et tranquille, qui engendre un propos bien rassis et solide [287] de correction; et ce propos, ainsy pris en repos et avec meureté de consideration, nous fera prendre les vrays moyens pour l'executer, entre lesquelz je confesse que la moderation des affections mesnageres est grandement utile.

  A015002770 

 Sur tout, ma tres chere Mere, il faut bien combattre la haine et les mescontentemens envers le prochain, et s'abstenir d'une imperfection insensible, mais grandement nuisible, de laquelle peu de gens s'abstiennent; qui est que s'il nous arrive de censurer le prochain ou de nous plaindre de luy (ce qui nous devroit rarement arriver), nous ne finissons jamais, mais recommençons tous-jours et repetons nos plaintes et doleances sans fin; qui est signe d'un cœur piqué et qui n'a encor point de vraye santé.

  A015002771 

 Prenes courage, ma tres chere Mere, que ces petites annees que nous avons a couler icy bas nous seront, Dieu aydant, les meilleures [288] et les plus advantageuses pour l'eternité.

  A015002787 

 C'est pourquoy il m'a conjuré de vous supplier, Monsieur, en sa faveur pour ce regard; ce que je fay tres humblement, et d'autant plus volontier que la bonne feste nous invite au secours des affligés..

  A015002787 

 Son Altesse Serenissime luy a donné un appointement par aumosne, tant en consideration de sa viellesse que de sa famille, laquelle nous avons icy en grande disette; [289] mays, a ce qu'il me fait sçavoir, il demeurera privé de l'effect de ce benefice, si Vostre Excellence n'anime le commandement de Son Altesse par le sien.

  A015002799 

 C'est en attendant que nous en parlions plus amplement.

  A015002819 

 Je laisse a monsieur Milletot le contentement de vous representer l'heureux succes de la commission que le Roy luy avoit donné pour l'execution de l'edit de Nantes a Gex, et me reserve seulement de vous faire [293] un tres humble remerciment pour le soin continuel que vostre zele a du restablissement de la gloire de Dieu en ce miserable balliage, ou l'heresie, qui a si longuement foulé aux piedz la pieté, nous menace ericor maintenant, aussi effrontement que jamais, de rendre vaine l'esperance que nous avons en vostre protection; comme si le credit des pretendues eglises de France estoit plus puissant pour nous empescher le renversement de l'effectuelle jouissance de nostre juste pretention, que la justice de la Reyne et vostre intercession pour faire maintenir un arrest si equitable et si saint, comm'est celuy en vertu duquel l'edit a esté executé..

  A015002820 

 A quoy ne [294] serviroit pas peu si monsieur Milletot, qui a si dignement prattiqué sa commission, avoit quelque charge particuliere d'ordonner et connoistre de tout ce qui en dependroit, par maniere de surintendance aux officiers de la justice; car iceux estans de contraire religion a la nostre, ce nous seroit un grand bien d'avoir qui eust un soin particulier de nous, comme auroit ledit sieur Milletot, qui certes a tesmoigné une grande prudence et bonn'affection en cette occurrence..

  A015002820 

 Mais, Monsieur, comme c'est nostre bonheur d'avoir une foy contraire a celle des huguenotz, aussi nous glorifions-nous d'avoir une esperance opposee a leur presomption; a rayson dequoy, tous les Catholiques de Gex, et moy plus que tous, esperons et espererons tous-jours de voir tous les jours quelque progres de nostre sainte religion en ce petit bout de royaume qui est si heureux d'estre sous vostre gouvernement.

  A015002832 

 Nostre pauvre Gex est tous-jours presque en mesme [295] estat; ce quil y a de plus, ne sont que certaines dispositions qui nous font promesse de mieux a l'advenir, Mays il faut louer Dieu, car aussi bien ne meritons-nous pas quil face une transmutation momentanee de ces cœurs lâ, qui seroit un miracle en la grace, comme fut la transmutation de l'eau au vin, en la nature.

  A015002834 

 Mays icy en Savoye, ou on suit le stile des cours des Parlemens de France, nous connoissons du petitoire, et par consequent des tiltres; et a Vienne, je sçai qu'on en playde aussi.

  A015002860 

 Ce n'est pas que j'espere rien de cette poursuite [299] en un siecle si plein de considerations humaines, mays au moins empescheray-je la præscription; et si Dieu nous envoye une sayson plus pieuse, ce sera tous-jours un advantage d'avoir demandé..

  A015002882 

 Que nous sommes bienheureux, ma chere Seur, d'avoir des travaux, des peynes et des ennuis! car ce sont les voyes du Ciel, pourveu que nous les consacrions a Dieu..

  A015002903 

 Mercredi nous logerons le Saint Sacrement en l'oratoire de la Visitation, dequoy toutes ces bonnes filles sont grandement en feste..

  A015002927 

 Il est vray que nous fismes un decret, il y a environ trois [ans], ma tres chere Fille, que tant qu'on pourroit, on osteroit les bancs a femmes des chœurs de toutes les eglises, parce que cela est juste, bien seant et conforme aux anciennes coustumes des chrestiens.

  A015002929 

 Nous avons accommodé les differences du cher mari et du beaupere au mieux que nous avons sceu.

  A015002942 

 Hier, monsieur le Comte de Saint Alban et madame la Contesse sa femme passerent icy, mays nous n'eusmes pas le bien de les voir..

  A015002989 

 Ainsy puisse-il advenir, qu'ostés a nous mesme, nous soyons convertis en luy mesme par la souveraine perfection de son saint amour.

  A015002989 

 Mays pour ce qui nous regarde, vous sçaves que Dieu m'a osté a moy mesme, non pas pour me donner a vous, mais pour me rendre vous mesme.

  A015003015 

 Faut-il pas louer Dieu de tant de graces que nous avons receuës, et le supplier de respandre le sang de sa Circoncision sur l'entree de l'annee prochaine, affin que l'Ange exterminateur n'ayt point d'acces en icelle sur nous? Ainsy soit il, ma chere Mere, et que, par ces annees passageres, nous puissions heureusement arriver a l'annee permanente de la tres sainte eternité..

  A015003015 

 Nous voyci maintenant a la fin de l'annee, et demain, au commencement, de la suivante.

  A015003016 

 Employons donq bien ces petitz momens perissables a nous exercer en la sacree douceur et humilité que l'Enfant circoncis nous vient apprendre, affin que nous ayons part aux effectz de son divin nom, lequel je ne cesse point d'invoquer sur vostre chere ame, ma tres chere et tres bonne Mere, a ce qu'il la remplisse de l'odeur de son parfum, et, avec elle, celles de tous les vostres..

  A015003047 

 Or sus, il faut estre comme Dieu dispose que nous soyons et, comme saint Paul, prendre force en l'infirmité.

  A015003072 

 Et quand, a cette simple demeure, se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu et qu'il est nostre Tout, nous en devons bien rendre graces a sa Bonté..

  A015003072 

 Mais apres qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelqu'autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement demeurant ou il nous a mis, comme une statue dans sa niche.

  A015003075 

 Mon Dieu, ma Fille, que je suis ayse de parler un peu de ces choses avec vous! Que nous sommes heureux, quand nous voulons aymer Nostre Seigneur! Aymons le bien donq, ma Fille; ne nous mettons point a considerer trop par le menu ce que nous faysons pour son amour, pourveu que nous sachions que nous ne voulons jamais rien faire que pour son amour.

  A015003075 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veuë, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sur le lit, comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenus en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A015003077 

 Tenés ferme, chere Fille, ne doutés point; Dieu nous tient de sa main et ne nous abandonnera jamais.

  A015003085 

 Tenés bien Jesus Christ crucifié entre vos bras, car l'Espouse l'y tenoit comme un bouquet de myrrhe, c'est a dire d'amertume; mais, ma tres chere Fille, ce n'est pas luy qui nous est amer, c'est luy seulement qui permet que nous, nous soyons amers a nous mesmes.

  A015003096 

 Vive Jesus, ma tres chere Mere, en tout ce que nous sommes, selon l'unité qu'il a fait de nous..

  A015003103 

 Non, car il est bien juste et raysonnable que vous pleuries un peu; mais un peu, ma chere Fille, en tesmoignage de la sincere affection que vous luy porties, a l'imitation de nostre cher Maistre qui pleura bien un peu sur son amy le Lazare, et non pas toutefois beaucoup, comme font ceux qui, colloquans toutes leurs pensees aux momens de cette miserable vie, ne se resouviennent pas que nous allons aussi a l'eternité, ou, si nous vivons bien en ce monde, nous nous reunirons a nos chers trespassés pour ne jamais les quitter.

  A015003103 

 Nous ne sçaurions empescher nostre pauvre cœur de ressentir la condition de cette vie et la perte de ceux qui estoyent nos delicieux compaignons en icelle; mais il ne faut pourtant pas desmentir la solemnelle profession que [325] nous avons faitte de joindre inseparablement nostre volonté a celle de nostre Dieu..

  A015003103 

 Or sus, ma tres chere Fille, on me vient de dire que la chere seur est partie, nous laissant encor icy bas avec les passions ordinaires de la tristesse qui a accoustumé d'attaquer les demeurans en telles separations.

  A015003152 

 A vostr'advis, ma chere Fille, vos vœuz et vos devotions ne sont ilz pas bien recompensés? Vous les faysies pour luy, mais affin quil demeurast icy [331] avec vous, en cette vallee de miseres; Nostre Seigneur, qui entend mieux ce qui est [bon] pour nous que nous mesme, a exaucé vos prieres en faveur de l'enfant pour lequel vous les faysies, mais au despens des contentemens temporelz que vous en prætendiés..

  A015003152 

 Voyla, ma chere Fille, que vostre filz est en asseurance, il possede le salut eternel; le voyla eschappé et garanti du hazard de se perdre, auquel nous voyons tant de personnes.

  A015003153 

 A la fin de nos jours, lhors que nos yeux seront desillés, nous verrons que cette vie est si peu de chose quil ne failloit pas regretter ceux qui la perdoyent bien tost: la plus courte est la meilleure, pourveu qu'elle nous conduise a l'eternelle..

  A015003173 

 Je croy quil vous ira voir aussi, et je desire que ce soit a sa consolation et edification, mesme quil a quelque sorte d'inclination a vouloir estre de nostre future Congregation, si Dieu nous fait la grace que nous l'erigions.

  A015003189 

 Nous attendrons les nouvelles apportees par le sieur de Farnex, et cependant espererons qu'elles sont bonnes, puisquil n'est pas empressé de les delivrer..

  A015003195 

 Je vous prie, par la premiere commodité, de m'advertir [339] quand nous pourrons loger un curé a Sacconex, c'est a dire quand nous aurons les moyens..

  A015003226 

 Nous avons icy le sieur Nicolas Bertolonio, que nostre Chapitre a aucunement appointé pour l'ayder a [341] vivre en servant au chœur.

  A015003258 

 Que si quelquefois, comme je n'en doute pas, vous me favorises de quelque mention de nous ensemblement, je vous conjure, Monseigneur, que ce soit comme de.

  A015003267 

 Que si nostre accoustumance et nos sens, amusés a voir et estimer ce monde et la vie d'iceluy, nous font un peu trop ressentir ce qui nous y contrarie, corrigeons souvent ce defaut par la clairté de la foy, qui nous doit faire juger tres heureux ceux qui, en peu de jours, ont achevé leur voyage.

  A015003278 

 Mays a vostre venue, qui sera peut estre bien tost, nous en parlerons plus amplement..

  A015003345 

 Au reste, pour vostre particulier, faites souvent renaistre toutes les saintes resolutions qu'au commencement de nos ferveurs Dieu nous departoit si abondamment; que si elles ne sont plus si sensibles, il n'importe, pourveu qu'elles soyent fermes et fortes.

  A015003346 

 Je vous remercie de la toile; si vous venés l'esté prochain, vous nous communiquerés bien de la recette, et ce pendant on employera ce que j'en ay.

  A015003431 

 Vous verrés, je m'asseure, par la lettre que monsieur de Charmoysi vous escrit, comme des le despart de [361] madame de Charmoysi il a receu le desplaysir de se voir comme banni de cette ville, par un expres commandement que Son Altesse luy a fait de s'en retirer et ne plus y revenir, sur l'impression la plus fause du monde que Monseigneur de Nemours a receu de la part de quelques calomniateurs, que les bastonnades donnees au sieur Berthelot avoyent esté conseillees par monsieur de Charmoysi; dont mondit Seigneur de Nemours a entrepris le ressentiment si chaudement, que nous en sommes tous estonnés.

  A015003433 

 Enfin, tout nostre Caresme s'est passé en cette pauvre petite ville a nous defendre presque tous des calomnies qu'on jettoit indifferemment sur le tiers et le quart, a rayson de ces miserables bastonnades.

  A015003476 

 Et les S fermees, avec leurs flesches qui montent d'un costé et descendent de l'autre, demonstrent l'exercice de ces divins amours, dont l'un remonte en Dieu et fait des Philothees, l'autre descend au prochain et fait des Philantropes: qui est l'unique bien de la charité, qui nous rend vrays serviteurs et servantes de la divine Majesté.

  A015003502 

 Si madame la Comtesse nous envoye des bouteilles, on les emplira tant quil y aura du piqu'ardent, et si nous [371] eussions eü des ampolons a suffisance, nous n'eussions pas oublié de vous envoyer vostre part.

  A015003522 

 Je pass'outre, Monsieur, plein d'esperance que, nonobstant toute sorte d'oppositions, Nostre Seigneur nous donnera victoire.

  A015003541 

 Me voyci en la quatriesme journee, partant de Saint Jan de Maurienne, ou Monsieur l'Evesque nous a logés cordialement.

  A015003542 

 Je vous supplie de dire a M. Michel qu'il face l'aumosne aux Peres Capucins tout ainsy que si nous y [374] estions, et que si les Dames de Sainte Claire ont besoin de vin, mesme pour les malades, il leur en donne..

  A015003543 

 Qu'a jamais soyons nous a Dieu, vous comme moymesme, moy comme vous mesme, puisqu'il a ainsy pleu a sa divine Bonté, a laquelle soit gloire es siecles des siecles.

  A015003559 

 Et puisque ce tems ne nous est donné que pour cela et que le monde ne se peuple que pour peupler le Ciel, quand nous allons la, nous faysons tout ce que nous avons a faire.

  A015003559 

 O si une fois nous avons nostre cœur bien engagé a cette sainte et bienheureuse eternité: Allés, ce dirons-nous a tous nos amis, allés, chers amis, allés en cet Estre eternel a l'heure que le Roy de l'eternité vous a marquee; nous y irons aussi apres vous.

  A015003560 

 En somme, il faut tenir les yeux fichés sur la Providence celeste, a la conduite de laquelle nous devons, de toute l'humilité de nostre cœur, acquiescer..

  A015003560 

 O Dieu, ma Mere, laissons nos enfans a la mercy de Dieu, qui a laissé le sien a nostre mercy; offrons luy la vie des nostres, puisqu'il a donné la vie du sien pour nous.

  A015003561 

 Dieu nous face brusler de son saint amour et mespriser tout pour cela; Nostre Seigneur soit le repos de nostre cœur et de nos cors! Tous les jours j'apprens a ne point faire ma volonté et faire ce que je ne veux pas.

  A015003572 

 J'ay treuvé qu'on y prioit les bienheureux Saintz, non comme compaignons, mais en qualité d'aggreables et tres humbles serviteurs de Jesuschrist, non point pour desfiance de la bonté et charité divine envers nous, mays pour prattiquer et se prævaloir de la communion des Saintz.

  A015003574 

 Mais ce bon Dieu qui ne nous manque jamais es choses necessaires a nostre salut, m'a donné la lumiere requise pour le voir et l'embrasser, par ce que sans cela je me fusse perdue, et ne m'a pas donné le moyen de bien declairer ce que j'ay conneu et connois par cette lumiere, par ce que ce n'est pas a moy d'instruire ni enseigner.

  A015003632 

 Et pour y satisfaire, nous avons donné ordre à nos fermiers de fournir argent pour redresser l'autel et autres reparations necessaires, et prié le sieur porteur d'en poursuivre l'execution.

  A015003632 

 Nous avons reçu la vostre par les mains du sieur present porteur, et pour response à icelle nous vous assurerons que nous monstrerons tousjours par effects l'affection et volonté que nous avons au service de Dieu pour son honneur et gloire, et mesmement au faict du restablissement de la sainte Messe audit lieu de Dyvonne.

  A015003632 

 Pour les ornements, nous en avons delivré suffisamment pour la celebration du divin service..

  A015003633 

 N'entendant pas que la dite pension de trois cents florins et augmentation de quarante livres par cy apres, soient payez par nous lorsque le revenu de la cure sera reuny, comme il estoit anciennement..

  A015003633 

 Nous assurons que plusieurs curés n'en ont pas tant, et que la religion ne nous sauroit contraindre d'en donner davantage, d'autant que nous surpassons la portion congrue; et sommes mary ne pouvoir donner telle pension que celle de Cessy, selon qu'il est porté par la vostre, d'autant qu'il nous est impossible, [386] parce que le revenu n'est pas semblable, pour ce que ledit prieuré de Dyvonne est chargé de la troisiesme partie du revenu de pension annuelle au resignataire, par authorité du Saint-Siege, outre les pensions annuelles qu'il nous faut payer trois cent vingt livres, pour l'argent emprunté pour le remboursement du prix auquel on a esté condamné par arrest à Paris.

  A015003633 

 Quant à l'entretien du sieur Curé, outre ce que le ministre possedoit en domaine dependant de la cure et trois cents florins de pension qui estoyent par nos fermiers payez audit ministre, nous avons bien voulu nous charger et incommoder de luy augmenter l'entretien de quarante francs sur nostre revenu; qui fera une notable somme pour un homme d'eglise.

  A015003633 

 Vous assurons que la reunion du dit prieuré nous revient à plus de quatre mille ecus en frais, pour l'avoir retiré de la main des heretiques; à quoy l'on doit avoir consideration, mesme les reparations qu'il convient y faire presentement, tellement que nous ne tirerons rien du revenu dudit prieuré durant cinq ou six ans, joint que l'on nous menace des decimes pour ceste annee.

  A015003634 

 Et d'autant que le droit de presentation de ladite cure nous appartient, desirant neantmoins nous conformer à vostre volonté, nous vous supplierons accepter la presentation que nous vous ferons du mesme qu'il vous a plu choisir; ou, en tant que l'authorité vous ait esté donnee du Saint Siege pour la premiere fois, de choisir tel que bon vous semblera, et que cela soit, comme nous ont donné a entendre de vostre part nos confreres, nous vous supplions nous donner acte, tant pour celle de Dyvonne que pour celle de Cessy, que ce soit sans prejudice pour l'advenir.

  A015003634 

 Si non, nous vous supplions ne pas trouver mauvais si nous maintenons nos privileges, que nous croyons que vous nous conserverez; qui nous fera sur ce vous baiser tres humblement les mains, et prier Dieu de vous conserver et vous donner santé longue et heureuse vie, nous qui sommes,.

  A015003669 

 Mais d'autant qu'elle contenoit quelque avis plains (sic) de difficulté et facherie ou je me suis trouvé reduicte, il m'a semblé qui me seroist plus seant de m'en taire pour le present, remettant à nostre premiere veüe à le vous dire de bouche; qui sera, comme j'oze esperer, bien tost, puis que nous approchons [389] de la feste qui vous donne subject de venir à Thonon.

  A015003701 

 Je vous prierey m'excuser si je vous importune de ces deux moctz pour vous prier representer, si vous voz (sic) treuvé en commodité, a messieurs de Chivron mes nepveuz, aux fins que, avec vostre assistance et du sieur de Villette nostre cousin, puissions faire noz partaiges sans aulcunes formallités de justice, ains par voye d'amytié, comme le debvoir nous oblige.

  A015003717 

 Nous ne sommes pas icy, par la grace de Dieu, oisifz, mais nous n'advançons pas tant que nous voudrions bien.

  A015003737 

 Il y a quelque temps que nous avez asseuré, monsieur de Gerlande et moy, par vostre reponce à celles que luy et moy vous avions escriptes, que me donneriez tout contentement pour le faict de mes biens de Crozet, pays de Gex, dans les limites de vostre evesché, desquels vous avez prins la possession sans qu'il vous appartienne; car de tout temps, ça esté un membre despandant de ma commanderie, fors des la prinse dudit pays par les seigneurs de Berne, qu'il a esté occuppé par ceux de la religion, ainsi que je [394] vous ay fait entendre par mes lettres et comme le sieur Girod, mon fermier, l'a fait voir sur lieux aux curez de Gex et Farges, qu'aviez a ces fins deputez, tant par mes derniers terriers, que ceux qui sont faiz des cent et quattre vingts ans en ça, desquels il leur a baillé les coppies pour les vous fere tenir des le moys d'octobre dernier; par ou il appert clairement, avec d'autres enseignements, que la chappelle de Crozet ne fust jamais cure ny parroisse, moings que lesdits biens en feussent depandants.

  A015003739 

 L'asseurance donques que je prends que ne voudriez vous prevalloir de ce qui depand de nostre Ordre, ny le constituer en frais pour chose si juste, mais plustot qu'en desiriez l'accroissement, me fait croire que me donnerez tout contentement et que l'equité de vos proceddures ne refusera ce qu'avec justice nous pourroit avec toute raison facilement rendre..

  A015003770 

 Je suis tres aise du desseing que vous avez pris de faire nourrir vostre filz en ceste court, a quoy je vous pourray servir, puis que Dieu a voullu que nous feussions esloignez l'un de l'autre.

  A015003772 

 Je verray a son retour ce quil fera, m'ayant asseuré que ce sera sans plus de remise; mais je vous conseille d'agreer que monsieur Rousselet et moy luy promettions ce que nous adviserons: c'est le plus court chemin..

  A015003919 

 Je donne a S. A. S. quelques nouvelles que j'ay entendu des nostre retour de Bade, là où nous avons esté et n'avons rien faict, encoures que nous avons esté trois Ambassadeurs, si non despendre beaucoup d'argent.


16-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVI-Vol.6-Lettres.html
  A016000050 

 Le retour offensif des ennemis qu'on croyait vaincus nous apprend deux leçons.

  A016000090 

 — Comment parler des personnes qui nous ont fait tort.

  A016000172 

 Pour être tout à Dieu, nous devons crucifier nos affections les plus vives.

  A016000172 

 — Il nous faut surtout un cœur amoureux envers le prochain.

  A016000177 

 — Que faire quand l'ennemi nous détourne de la sainte dévotion; le péril de quitter l'oraison. 161.

  A016000223 

 — La seule chose qui nous mette en repos.

  A016000267 

 Hier tout tard je receu vostre lettre, ma tres chere Fille, et tout a la haste, je vous annonce nostre retour de Milan, ou, et tout le long du chemin, nous avons [1] esté extremement caressés.

  A016000269 

 Nous laisserons donq lâ la croix pour cette fois.

  A016000303 

 Je vous ay des-ja fait sçavoir que nous aurons madame la Duchesse de Mantoue, qui est la vertu mesme, pour nostre protectrice; mays il ne faut pas encor en faire du bruit, pour une rayson que je vous diray.

  A016000303 

 M. de la Bretonniere est encor en volonté de nous ayder en quelques choses pour l'edification de nostre oratoire..

  A016000304 

 Nous ramenerons vostre filz, qui, a la verité, a grand desir de s'employer a la guerre, si elle suit..

  A016000306 

 C'est luy qui sçait ce qu'il luy plaist que nous soyons, en la tres parfaite union qu'il a faite en luy mesme et par luy mesme.

  A016000410 

 Que je suis consolé, ma tres chere Mere, de la bonne nouvelle de vostre santé! Le grand Dieu, que ma pauvre [19] ame et la vostre veut a jamais servir, soit beni et loué, et veuille de plus en plus fortifier cette chere santé que nous avons dediee a sa sainteté infinie..

  A016000411 

 Certes, j'ay esté bien marry ce matin, qu'il m'ayt fallu quitter ma besoigne sur le point qu'il m'estoit arrivé une certaine affluence du sentiment que nous aurons pour la veuë de Dieu en Paradis, car je devois escrire cela en nostre livret; mays maintenant je ne l'ay plus.

  A016000411 

 Mais ce pendant, nostre cher cœur comme se porte-il en vous? Helas, ma tres chere Mere, que je luy desire de benedictions! Quand sera-ce que l'amour, triomphant entre toutes nos affections et pensees, nous rendra tous unis au cœur souverain de nostre Sauveur, auquel le nostre aspire incessamment? Ouy, ma tres chere Mere, il y aspire incessamment, quoy que insensiblement pour la pluspart du tems.

  A016000411 

 O Dieu, ma tres chere et unique Mere, aymons parfaittement ce divin objet qui nous prepare tant de douceur au Ciel; soyons bien tout a luy, et cheminons nuit et jour entre les espines et les roses, pour arriver a cette celeste Hierusalem..

  A016000412 

 Les voyes les plus faciles ne nous menent pas tous-jours plus droitement ni asseurement; on s'amuse quelquefois tant au playsir qu'on y a et a regarder de part et d'autre les veuës aggreables, qu'on en oublie la diligence du voyage..

  A016000424 

 Dieu a caché le secret des choses a venir aux hommes, et si nous ne devions servir sinon les ames qui doivent perseverer, nous serions bien en peyne comme les discerner d'avec les autres.

  A016000468 

 La verité est que je ne croy nullement que monsieur le Grand de France pense a nous attaquer pour le present, puysque Son Altesse est en suspension d'armes et en projet d'accommodement, joint que tout le bord du Rosne a esté jusques a present exempt de soldatesque.

  A016000468 

 Si Dieu nous garde, nous serons bien gardés.

  A016000469 

 Nous nous attendons au bien de vous voir, en ces noces, desquelles la presence de monsieur vostre mari [27] et celle de nostre seur et la vostre seront la meilleure consolation que je puiss' avoir..

  A016000487 

 Hé, Dieu nous face la grace que, tirans tous-jours plus du costé de nostre vespre, nous croissions devant Dieu en odeur de suavité.

  A016000521 

 Nous sommes icy en occupation pour telles petites observations, et cela me tient lieu de [32] mortification, car en verité, j'aurois bien d'autres choses a faire qui seroyent plus utiles..

  A016000552 

 Je vous prie de prier pour elle, encor que je croy qu'elle prie pour nous.

  A016000560 

 Je prie Nostre Seigneur, qui est l'Aigneau que nostre grand saint Jean nous monstra, qu'il vous reveste toute de la tres sainte laine de ses merites, ma tres chere [35] Mere, ma Fille.

  A016000586 

 Il vint hier au soir tout tard, et nous eusmes de la peyne a le retenir de vous aller voir dans le lit, ou vous esties toutes indubitablement..

  A016000588 

 Or sus, je vous iray voir, si je puis, mays sobrement; car aupres d'un objet si aymable, nous ne sçaurions pas bonnement estre visibles..

  A016000597 

 La commodité d'une si digne porteuse m'a donné le courage de vous presenter des reliques que j'ay aportees de Milan, du grand saint Charles Borrhomee, saint qui a vescu en ce mesm'aage auquel nous sommes, mais a la façon de ces anciens Evesques sous lesquels l'Eglise a tant fleuri.

  A016000614 

 Dieu nous soit a tous favorable.

  A016000629 

 J'ay receu le livret ainsy que vous l'avés donné a cette bonne fille; je vous le rendray fort fidelement de la mesme sorte, car, nous en sommes fort resoulus, il ny a rien de reservé en nous que nous ne voulions estre pour sa divine Majesté..

  A016000679 

 La justice et bonté de Vostre Grandeur luy suggereront qu'elle ne nous peut esconduire en une si juste et civile supplication, qui ne tend qu'a nous conserver en sa bienveuillance.

  A016000701 

 Monsieur, et quant au sujet de mon voyage, nos ecclesiastiques et catholiques sont demeurés consolés par l'accommodement que nous avons fait de toutes les difficultés suscitees par nos adversaires, graces a Dieu..

  A016000711 

 Haussons nostre cœur, ma tres chere Mere, voyons [49] celuy de Dieu, tout bon, tout amiable pour nous; adorons et benissons toutes ses volontés: qu'elles tranchent, qu'elles taillent sur nous par tout ou il luy plaira, car nous sommes siens eternellement.

  A016000711 

 Vous verres bien que, parmi tant de destours, nous ferons prou et que Nostre Seigneur nous conduira par les desertz a sa sainte terre de promission, et que de tems en tems il nous donnera dequoy priser les desertz plus que les fertiles campaignes, dans lesquelles les blés croissent en leurs saisons, mais la manne pourtant n'y tombe pas..

  A016000712 

 O Dieu, ma Fille, mettons nous ainsy devant nostre Soleil crucifié, et puis disons luy: O beau Soleil des cœurs, vous vivifiés tout par les rayons de vostre bonté; nous voyci mi mortz devant vous, d'ou nous ne bougerons point que vostre chaleur ne nous avive, Seigneur Jesus..

  A016000732 

 Oui, lever les yeux vers les montagnes, d'où nous viendra le secours, espérer dans le Seigneur et nous glorifier volontiers dans nos infirmités pour que la vertu du Christ habite en nous, c'est bien mieux que de retourner en arrière au jour du combat, comme les enfants d'Ephrem.

  A016000750 

 Beni soit Dieu eternellement de la bonte qu'il exerce envers vostre ame, Monsieur, l'inspirant si puissamment a la resolution de consacrer le reste de vostre vie mortelle au service de l'eternelle: vie eternelle qui n'est autre chose que la Divinite mesme, entant qu'elle vivifiera nos espritz de sa gloire et felicite; vie, seule vraye vie et pour laquelle seule nous devons vivre en ce monde, puisque toute vie qui n'aboutit pas a la vitale eternite est plustost une mort qu'une vie.

  A016000791 

 Mais nous en parlerons au premier jour plus au long..

  A016000801 

 C'est pour nous apprendre deux leçons signalees: l'une, que nous nous devons tous-jours desfier de nous mesme, cheminer en une sainte crainte, requerir continuellement les secours du Ciel, vivre en humble devotion; l'autre, que nos ennemis peuvent estre repoussés, mais non pas tués.

  A016000801 

 Ilz nous laissent quelquefois en paix, mais c'est pour nous faire une plus forte guerre..

  A016000801 

 Voyés-vous, ma tres chere Seur, il arrive maintes fois que pensans estre entierement desfaitz des ennemis anciens sur lesquelz nous avons jadis remporté la victoire, nous les voyons venir d'un autre costé dont nous les attendions le moins.

  A016000802 

 Certes, aussi seroit-ce chose digne d'estonnement que nous ne fussions pas sujetz aux attaques et miseres..

  A016000803 

 Ces petites secousses, ma chere Seur, nous font revenir a nous, considerer nostre fragilité, et recourir plus vivement a nostre Protecteur.

  A016000803 

 Saint Pierre marchoit fort asseuré sur les ondes: le vent s'esleve et les vagues semblent l'engloutir; alhors il s'escrie: Ah, Seigneur, sauvés-moy! et Nostre Seigneur l'empoignant: Homme de peu de foy, luy dit-il, pourquoy doutes-tu? C'est emmi les troubles de nos passions, les vens et les orages des tentations, que nous reclamons le Sauveur, car il ne permet que nous soyons agités que pour nous provoquer a l'invoquer plus ardamment..

  A016000814 

 J'y comprens encor nostre monsieur de Selignieu, lequel, plus il est esloigné de cors, plus nous le voyons souvent en esprit.

  A016000832 

 Je sçai bien que de faire mal de guet a pens vous ne le voules pas; les autres maux ne servent qu'a nous humilier.

  A016000844 

 Nous avons bien un petit quartier ou, despuis peu, on a restabli l'exercice de l'Eglise par l'authorité du Roy et selon l'edit de Nantes; mais cet exercice me met plus en exercice de disputer contre les ministres pour les biens temporelz de l'Eglise qu'ilz nous retenoyent, que de leur persuader, ni au peuple, la verité des biens spirituelz auxquelz ilz devroyent aspirer; car c'est merveille comme ces serpens bouchent leurs oreilles pour n'ouÿr point la voix du charmeur, pour sagement et saintement qu'on les veuille charmer.

  A016000897 

 Nous sommes [bienheureux] d'avoir un Espoux immortel..

  A016000911 

 Un jour nous nous verrons tous ensemble en cette eternelle liberté de l'amour qui n'aura plus de bornes ni de fin, ni d'autres limites que celles de son immensité..

  A016000920 

 Mon Dieu, que cette vie est trompeuse, Madame ma tres chere Cousine, et que ses consolations sont courtes! Elles paroissent en un moment, et un autre moment les emporte, et, n'estoit la sainte eternité a laquelle toutes nos journees aboutissent, nous aurions rayson de blasmer nostre condition humaine..

  A016000923 

 Nostre nature est ainsy faite, que nous mourons a l'heure impourveuë et ne sçaurions eschapper cette condition: c'est pourquoy il faut y prendre patience, et employer nostre rayson pour adoucir le mal que nous ne pouvons eviter; puis, regarder Dieu et son eternité, en laquelle toutes nos pertes seront reparees et nostre societé, desunie par la mort, sera restauree..

  A016000937 

 Nous ne laisserons pas de sçavoir de vos nouvelles aux occurrences..

  A016000938 

 M me de Chantal est a present un peu occupee, par ce qu'aujourdhuy nous avons receu les oblations de deux Seurs: ma Seur Legros et ma Seur Rousset, de Saint Claude, et les parens font leurs petites affaires sur ce sujet.

  A016001021 

 Et bien que l'insuffisance et la petite mediocrité des moyens de mes freres leur empesche la reception du bien et de lhonneur que vous leur desires, si est ce que la proposition seule né leur peut estre que fort desirable, car elle donnera, pour le moins, quelque commencement de bonn'impression d'eux au Prince; et eux, donques, et moy vous sommes extremement obligés, Monsieur, par cette nouvelle obligation qui nous rend tous-jours plus vos serviteurs..

  A016001021 

 Monsieur, que vous puis-je dire sur cela? sinon que, puisque le bon genie de vostre naturel vous pousse a nous aymer tant sans merite, je le prie de continuer.

  A016001023 

 Nous avons icy le bon M. le President de Buttet extremement malade, de la vie duquel les medecins sont encor entre la crainte et l'esperance.

  A016001025 

 Nous avons eu M. le Marquis de Lans, qui revient demain de La Roche icy..

  A016001042 

 Mays, a parler de cœur a cœur entre nous deux, il a un esprit attaché a ses imaginations, qui sont trop grandes et disproportionnees a ses forces et a sa capacité, laquelle n'est pas de gouverner, mais d'estre gouverné.

  A016001042 

 Nous sommes un peu embarassé maintenant; c'est pourquoy je vous diray courtement que si le bon M. le Prieur de Blonnay se pouvoit laisser conduire, il seroit a propos d'entreprendre ce que vous m'escrivés.

  A016001071 

 J'espere bien pourtant de vous escrire encor avant vostre passage pour Chablaix, et si vous revenes par ou mes freres ont discouru ce matin, je pense que nous vous reverrons ou peu ou prou.

  A016001084 

 Le mal de la calomnie ne se guerit jamais si bien que par la dissimulation, en mesprisant le mespris et tesmoignant par nostre fermeté que nous sommes hors de prise, principalement en matiere de pasquins; car la calomnie qui n'a ni pere ni mere qui la veuill'advouer, monstre qu'ell'est illegitime..

  A016001086 

 Au reste, la reveüe annuelle de nos ames se fait, ainsy que vous l'entendes, pour les defautz des confessions ordinaires qu'on supplee par celle ci, pour se provoquer et exercer a une plus profonde humilité, mays sur tout pour renouveller non les bons propos, mais les bonnes resolutions que nous devons appliquer pour remedes aux inclinations, habitudes et autres sources de nos offences auxquelles nous nous treuverons plus sujetz.

  A016001112 

 Ce n'est pourtant que pour vous saluer et tesmoigner que je vous souhaite bon voyage, avec toute sainte consolation, et encor a toute vostre barque, ce pendant que nous [101] irons attendant les saintz jours de l'Advent de Nostre Seigneur, qui nous preparera beaucoup de benedictions, si nous luy preparons bien nos cœurs..

  A016001125 

 Or Dieu, a la gloire duquel nous tendons, est le grand ouvrier des merveilles; a jamais sa lumiere esclaire nos cœurs et nous conduise a [102] le glorifier parfaitement.

  A016001126 

 Dieu nous rende bien siens, car nous serons tres heureux en cela, tout le reste n'estant que vanité et affliction d'esprit..

  A016001127 

 Mon frere de la Thuille nous dira de vos nouvelles, puisque, comme vous m'escrives, il ne fera pas le voyage de M me l'espousee.

  A016001165 

 Que vous m'obliges grandement a me donner part a ces bonnes et aymables nouvelles du frere Indien, lequel, a mesure que je le sens esloigné de nous selon la distance des lieux, je le sens aussi plus avancé en mon estime, et mon contentement, en la gloire que j'ay d'estre advoué son humble fidelle frere d'acquisition; mot d'acquisition que j'adjouste pour l'ayse que je reçois d'estre sien, vostre et de toute vostre dependence, car autrement, certes, mon affection me semble toute naturelle en force, vigueur et perpetuité..

  A016001180 

 Helas! quel cœur devrions nous avoir a faire celle du Createur tres aymé, puisque nous en avons tant pour la creature aymee et unie en luy..

  A016001181 

 Ouy, ma tres chere Mere, remettés bien vostre cœur entre les mains de nostre chere Maistresse, qui sera conceuë ce soir en la commemoration que nous en ferons, et je le luy demanderay; car, ma chere Mere, je suis bien resolu de ne vouloir plus de cœur que celuy qu'elle me donnera, cette douce Mere des cœurs, cette Mere de saint amour, cette Mere du cœur des cœurs.

  A016001196 

 Je sçay qu'un autre moins discret et charitable que vous pourroit beaucoup dire de choses de moy entre les poursuittes, comme il a esté fait a Chamberi; dont je loue Dieu que ce soit vous plustost qu'un autre, bien que, pour parler franchement entre nous, je me sente fort asseuré de n'estre point blasmé de quicomque, sans passion, voudra conferer les tems et les occasions de ce qui s'est passé par mes mains, et de ce qui s'est passé par celles de ceux qui se deulent.

  A016001208 

 Helas! ma Fille, c'est une grande partie de nostre perfection que de nous supporter les uns les autres en nos imperfections; car, en quoy pouvons nous exercer l'amour du prochain, sinon en ce support? Ma Fille, elle vous aymera et vous l'aymeres, et Dieu vous aymera toutes..

  A016001216 

 Mais je vous diray qu'elle est bonne, graces a Nostre Seigneur, et que j'espere qu'elle me servira ces bonnes festes, pour prescher, comme elle a fait le reste de l'Advent. et qu'ainsy nous acheverons cette annee pour en recommencer une nouvelle..

  A016001227 

 Le grand saint Joseph nous fasse part de sa consolation; la souveraine Mere, de son amour, et l'Enfant veuille a jamais respandre dans nostre cœur ses merites..

  A016001240 

 Apres y avoir bien pensé devant Dieu, je me suis resolu qu'il faut affermir nostre Congregation a faire ses changemens ce jour auquel Dieu fait les siens, nous faysant tous passer d'une annee a l'autre, donnant une leçon annuelle de nostre instabilité, de nostre changement, du renversement et de l'aneantissement des annees qui nous menent a l'eternité.

  A016001265 

 Voyla la lettre, ma tres chere Fille; faites la fermer, et soyés bien ferme en la confiance que nous devons avoir en la providence de Dieu, laquelle, si elle vous prepare des croix, vous donnera des espaules pour les porter..

  A016001307 

 C'est pour cela que nous n'avons pas la consolation que nous devrions avoir quand nous voyons les autres bien faire; car ce que nous ne voyons pas en nous ne nous est pas si aggreable, et ce que nous voyons en nous, nous est fort doux, parce que nous nous aymons tendrement et amoureusement.

  A016001307 

 L'amour propre peut estre mortifié en nous, mais il ne meurt point pourtant jamais; ains, de tems en tems et a diverses occasions, il produit des rejettons en nous, qui tesmoignent qu'encor qu'il soit couppé par le pied, si n'est il pas desraciné.

  A016001307 

 Que si nous avions la vraye charité qui nous fait avoir un mesme cœur et une mesme ame avec le prochain, nous serions parfaitement consolés quand il feroit du bien..

  A016001308 

 Au contraire, si nous avions la perfection de l'amour de Dieu, nous aymerions mieux faire ce qui est commandé, parce qu'il vient plus de Dieu et moins de nous..

  A016001308 

 C'est tous-jours nous mesmes qui recherchons nous mesmes, nostre propre volonté et nostre amour propre.

  A016001308 

 Ce mesme amour propre fait que nous voudrions bien faire telle et telle chose par nostre eslection, mais nous ne la voudrions pas faire par l'eslection d'autruy, ni par obeissance; nous la voudrions faire comme venant de nous, mais non pas comme venant d'autruy.

  A016001309 

 Le signe de cela, c'est qu'ordinairement nous aymerions mieux avoir les petitz maux que si un autre les avoit; mais les grans, nous les aymons mieux pour les autres que pour nous.

  A016001309 

 Quant a se plaire plus a faire des choses aspres qu'a les voir faire aux autres, ce peut estre ou par charité, ou [130] par ce que, secrettement, l'amour propre craint que les autres ne nous esgalent ou surmontent.

  A016001309 

 Quelquefois nous nous mettons plus en peyne de voir mal traitter les autres que nous, par bonté de naturel; quelquefois c'est par ce que nous croyons d'estre plus vaillans qu'eux et que nous supporterions mieux le mal qu'eux mesmes, selon la bonne opinion que nous avons de nous.

  A016001309 

 Sans doute, ma chere Fille, ce qu'on a repugnance a s'imaginer le rehaussement des autres, c'est parce que nous avons un amour propre qui nous dit que nous ferions encor mieux qu'eux, et que l'idee de nos bonnes propositions nous promet des merveilles de nous mesmes et non pas tant des autres..

  A016001311 

 Il ne se faut nullement estonner de treuver chez nous l'amour propre, car il n'en bouge.

  A016001311 

 Que si quelquefois il nous blesse en nous desdisant de ce quil nous a fait dire, en desadvouant ce quil nous a fait faire, nous sommes gueris..

  A016001402 

 Cependant, je vay a la priere que nous esperons de convertir bien tost en action de graces pour la paix.

  A016001402 

 Il faut aller dire la Messe pour cette Mere aupres d'elle, et elle l'oüyra cordialement des sa chambre, affin qu'elle et moy, d'un cœur, d'un esprit et d'un'ame, offrions a sa divine Majesté la suite de nostre vie, pour consacrer a son service tous les instans qui nous en restent.

  A016001428 

 Mays c'est trop dit entre nous qui, a mon advis, nous connoissons trop bien l'un l'autre, pour avoir besoin ni d'excuses, ni de paroles en telles occurrences..

  A016001429 

 C'est maintenant a la providence de Dieu de decretter, et a nous d'attendre en paix et reverence ce quil luy plaira de faire reuscir, avec resignation de nostre volonté en la sienne tressainte..

  A016001431 

 Nous avons receu les Indulgences cum summo applausu, et ces bonnes Dames vous en sont infiniment obligees, ainsy que nous vous dirons a vostre retour..

  A016001460 

 Mais je croy bien que vous aures de la peyne a treuver la commodité de faire a propos cet office qui requiert beaucoup de loysir; car on nous dit qu'elle est gardee fort soigneusement.

  A016001470 

 J'ay fait delivrer au sieur curé de Massongier, present porteur, le reste de l'argent que mes freres et moy devions a Monseigneur l'Archevesque mon pere, [156] pour celuy quil avoit fait delivrer a Paris pour nous.

  A016001470 

 Or, je vous supplie de prendre la peyne de le conter et donner, et de retirer nostre obligation pour la nous renvoyer a la premiere bonne commodité, avec le solvit..

  A016001472 

 Nous avons icy monsieur vostre Prieur avec lequel nous avons des aujourdhuy fait une bonne conference.

  A016001472 

 Nous en ferons une a part, monsieur l'Abbé et moy, et puis nous conclurons, et je pense que vous aures du contentement.

  A016001472 

 On m'a dit que la bonne M me du Foug estoit malade; a vostre premiere commodité, je vous prie de m'en faire [157] sçavoir quelque chose, car j'en suis en peyne, et prie Dieu quil la benisse et nous aussi.

  A016001505 

 C'est d'une tres profonde et particulière tristesse que mon âme a [158] été saisie et affligée à la mort de l'Illustrissime et Révérendissime M gr Adrien, votre prédécesseur, non seulement à cause de l'honneur que je portais à un tel Prélat et de la bienveillance dont il m'honorait en retour, mais principalement à cause de la perte prématurée que vient de faire, d'un si excellent Prince et Pasteur, la célèbre église de Sion et tout le pays de Valais, en un temps si fâcheux; car, selon nous, en fait de zèle et d'habileté pour défendre la religion des ancêtres et pour propager la foi catholique, l'Evêque défunt n'avait pas son pareil..

  A016001506 

 Mais dès que nous eûmes appris la promotion de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, par un vénérable chanoine de [159] votre église qui était venu ici pour une Ordination, et qu'il nous eût dit, avec force détails, les très riches qualités de votre éminente personne, notre tristesse alors se changea en joie et nos airs de deuil en des chants d'allégresse.

  A016001506 

 Nous rendimes à Dieu de grandes actions de grâces de ce qu'il n'avait pas laissé sa lampe s'éteindre en Jérusalem, et de ce qu'il avait remplacé le père par le fils, pour l'établir sur cette cité de Sedunum, que nous appelons Sion..

  A016001529 

 Mais en apprenant la promotion de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par un révérend chanoine de votre Eglise, qui nous a dit aussi de quels dons le Dieu tout-puissant a comblé abondamment votre Révérendissime personne, notre tristesse s'est changée en joie ou, afin de parler comme la Sainte Ecriture, en cythare, rendant à Dieu de grandes actions de grâces de ce qu'il n'avait pas éteint sa lampe en Jérusalem, mais de ce qu'il avait fait naître à la place des pères un fils, pour l'établir chef sur tout ce pays; en même temps, nous avons songé à vous adresser tous nos vœux de bonheur et de salut..

  A016001530 

 C'est alors que, par des amis (au nombre desquels M. de Quartery tient depuis longtemps la première place), nous avons fait parvenir nos félicitations à Votre Révérendissime Seigneurie, mais déjà le très [163] illustre et Révérend Abbé de Saint-Maurice nous avait, par lettre, salué de votre part..

  A016001531 

 Qu'il s'agisse de la cérémonie du sacre de Votre Illustrissime Seigneurie, ou de donner secours à votre peuple, suivant l'occasion, par le ministère de nos prêtres, autant que cela dépendra de nous, je vous l'assure, vous me trouverez toujours prêt et tout empressé..

  A016001646 

 Et cela estant ainsy, quelle grace d'estre non seulement sous la croix, mais sur la croix, et au moins un peu crucifiee avec Nostre Seigneur! Ayes bien courage, ma chere Seur, convertisses la necessité en vertu, et ne perdes pas l'occasion de bien tesmoigner vostr'amour envers Dieu parmi les tribulations, ainsy quil tesmoigna le sien envers nous parmi les espines..

  A016001660 

 C'est pourquoy Vostre Majesté a regardé l'eglise de Gex, qui est sur le fin bord du royaume, et la voyant extremement miserable, luy a ordonné aumosne de trois cens escus; pour laquelle je vay maintenant [176] en esprit, avec tous les Catholiques de ce lieu-la, en faire action de graces a vostre charité royale, Sire, laquelle nous supplions en toute humilité nous vouloir donner la jouissance de ce bienfait duquel nous avons des-ja la concession, pour laquelle nous implorerons a jamais la souveraine bonté de Nostre Seigneur qu'elle conserve et prospere Vostre Majesté en l'abondance des graces celestes..

  A016001670 

 En attendant de nous voir, ma tres chere Mere, mon ame salue la vostre de mille et mille souhaitz.

  A016001673 

 Nous sommes ensevelis, dit l'Apostre, avec Jesus Christ en la mort d'iceluy, affin que nous ne vivions plus de la vielle vie, mais de la nouvelle.

  A016001698 

 Cependant vous nous laissés entre l'attente et la crainte [181] de vostre retour soudain et de vostre plus long sejour.

  A016001711 

 Mays du despuis, ayant sceu que Vostre Altesse avoit jette ses yeux et son desir sur Ripaille pour le mesme effect, je m'en suis infiniment res-joui; et en toute humilité je la supplie d'en ordonner au plus tost l'execution, affin que nous voyons en nos jours la pieté restablie en un lieu qui a esté rendu tant signalé par celle que Messeigneurs les predecesseurs mesmes de Vostre Altesse y tint si saintement et honnorablement prattiquee; asseurant qu'en meilleures mains le genereux et pieux dessein de cette restauration ne pourroit estre confié, qu'en celles d'un Ordre si ferme et constant comme est celuy des Chartreux, lequel, ayant tous-jours esté des son commencement fort obligé a la serenissime Mayson de Vostre Altesse, luy a aussi reciproquement tous-jours esté et est tres affectionné et dedié..

  A016001723 

 Mercredi nous allons faire le baptesme du petit neveu, et la grande niece se porte beaucoup mieux.

  A016001723 

 Nous pensons y avoir M. et M me de Charmoysi; car encor que mon frere ne le sçache pas, estant neanmoins tous les deux a Dalmaz pour les noces de madamoyselle de Dalmaz, il y a de l'apparence qu'ilz viendront a Presles, ou estant, il n'y auroit pas de l'apparence de ne les supplier pas, principalement parce que nous n'avons encor point veu la chere cousine..

  A016001738 

 Il faut esperer que Dieu nous amendera tous ensemblement, pourveu que nous l'en supplions comme il faut.

  A016001806 

 Les Catholiques de Gex et moy avons receu les trois cens escus d'aumosne que Vostre Majesté a donnés pour la reparation des eglises, avec une tres humble reverence et action de graces, non seulement parce que les [192] faveurs qui proviennent de si haut lieu sont tous-jours de grande estime, mais aussi parce que ce sont comme des arrhes de plus grans bienfaitz pour l'avenir; dont nous en esperons que la royale bonté de Vostre Majesté regardera de son œil propice la misere a laquelle l'heresie a reduit ce pauvre balliage, pour respandre a son secours les graces et assistances qui luy peuvent servir de remede..

  A016001833 

 Je vous honnore de tout mon cœur, et tous nos gens d'Eglise vous tiennent pour leur bon pere; mays en cette cause qui regarde la gloire de Dieu et le respect de l'estat ecclesiastique, nous ne pouvons rien dissimuler..

  A016001835 

 Monsieur, je me prometz qu'y ayant bien pensé, vous nous osteres ce juste sujet de plainte, et nous conserverés, comme je desire a jamais continuer, en l'affection qui m'a fait par tout nommer,.

  A016001846 

 Au reste, j'ose dire que c'est une chose estonnante des maux qu'il a souffert en tout son cors, et l'espace de plusieurs moys, estant contraint de demeurer dans une mesme posture corporelle, mais avec une pieté et une patience si remarquable, que nous le pouvons nommer le Job de nostre famille.

  A016001846 

 Nous venons de rendre icy les derniers devoirs a feu mon tres cher frere de Boisy: il est trespassé despuis peu entre mes bras; je luy ay fermé les yeux et la bouche, mais il [195 bis ] m'avoit ouvert son cœur d'une maniere si chrestienne dans le Sacrement de Confession, que j'ay de grans sujetz d'esperer que Dieu a receu son ame dans les douceurs de sa misericorde.

  A016001930 

 Mays tout cela sans ceremonies, sans artifice, d'autant qu'encor que nos vocations soyent differentes en rang, ce saint amour auquel nous aspirons nous esgale et unit en luy..

  A016001932 

 Mais nous n'avons pas tant besoin de considerer ce mal la, que de peser au juste poids le grand bien que les ames reçoivent de la tressainte orayson.

  A016001950 

 Que bienheureux est vostre cœur, ma chere Fille, qui se dedie a un'affection si juste et si sainte! Plus nous irons avant, plus nous reconnoistrons la grandeur de la grace que le Saint Esprit nous fait de nous donner ce courage.

  A016001967 

 Vous treuveres la lettre ci jointe d'un peu longue datte, mays il ny a remede; nostre bonne Mere qui l'escrit, ne me voit point sans que nous parlions de vous comme de celle qui nous ayme tant..

  A016001969 

 Ma tres chere Fille, en fin, de quel costé que nous nous retournions, nous ne treuverons rien digne d'estre estimé que la grace de Nostre Seigneur, a laquelle je [211] ne cesse point de vous recommander, comme estant tres parfaitement vostre et.

  A016001983 

 Une grande ame, Monsieur, pousse toutes ses meilleures pensees, affections et pretentions jusques dans l'infini de l'eternité; et puisqu'elle est eternelle, elle estime trop bas ce qui n'est pas eternel, trop petit ce qui n'est pas infini, et surnageant a toutes ces menues delices, ou plustost a ces vilz amusemens que cette chetifve vie nous peut presenter, elle tient les yeux fichés dans l'immensité des biens et des ans eternelz..

  A016001984 

 Que bienheureuse est la peyne, pour grande qu'elle soit, qui nous delivre de la peyne eternelle! Qu'aymable est le travail duquel la recompense est infinie!.

  A016001993 

 J'espere que l'esté ne se passera point sans que j'aye le bien d'estre quelque tems aupres de vous, ou nous nous entretiendrons plus au long sur ce digne sujet.

  A016002005 

 Neanmoins, quand la necessité le requiert et que l'intention est bonne, il faut s'embarquer sous l'esperance que la Providence mesme qui nous oblige a la navigation, s'obligera elle mesme a nous conduire..

  A016002006 

 Tout mon plus grand desplaysir, c'est de voir qu'en fin en fin cette amertume de cœur, que vous me depeignés, vous ravira d'aupres de nous et me ravira une des plus pretieuses consolations que j'eusse, et a ce peuple un bien inestimable; car, des Prelatz affectionnés, il en est si peu!.

  A016002009 

 Je voy bien, Monseigneur, par vostre lettre et par [216] celle de M. de N., qui, en verité, est mon amy et bon pere tres singulier, que nous ne sçaurions conserver les libertés ecclesiastiques que les Ducs nous avoyent laissees es pais estrangers.

  A016002010 

 Mais cependant, Monseigneur, puisque ce pauvre petit clergé de vostre evesché et du mien a le bonheur que vous parleres en son nom aux Estatz, nous serons delivrés de tout scrupule, si apres vos remonstrances nous sommes reduitz en la servitude; car, que pourroit-on faire davantage, sinon s'escrier au nom de l'Eglise: Vide, Domine, et considera, quia facta sum vilis? Quelle abjection, que nous ayons le glaive spirituel en main et que, comme simples executeurs des volontés du magistrat temporel, il nous faille frapper quand il l'ordonne et cesser quand il le commande, et que nous soyons privés de la principale clef de celles que Nostre Seigneur nous a donnees, qui est celle du jugement, du discernement et de la science en l'usage de nostre glaive! Manum suam misit hostis ad omnia desiderabilia ejus; quia viditgentes ingressas sanctuarium suum, de quitus prœceperas ne intrarent in ecclesiam [217] tuam.

  A016002011 

 Et tandis que nostre Josué sera la, nous tiendrons les mains haussees et prierons qu'il ayt une speciale assistance du Saint Esprit; nous invoquerons les Anges protecteurs et les saintz Evesques qui nous ont precedé, qu'ilz soyent autour de vous et qu'ilz animent vos remonstrances..

  A016002042 

 Mais, graces a Dieu, nous resistons en fin finale, nous ne nous laissons pas emporter au mal; au moins, si nous sommes esbranlés, nous ne tumbons pas du tout.

  A016002042 

 Or sus, il faut rasseoir vostr'esprit, car cela n'est rien que nous ne sachions bien; car nous sçavons bien que nostre nature bouillonne en mille sortes d'aigreurs quand on nous attaque, et que nostr'amour propre nous suggere tous-jours asses de mauvayses affections contre ceux qui nous attaquent.

  A016002042 

 Voyla donq une bonn'occasion de nous humilier, de nous confondre doucement et de prattiquer l'abjection de nous mesme..

  A016002097 

 Nous vous attendions icy, des avanthier, pour achever le projet que vous avies fait de venir estre l'un de nos [229] assistans en l'eglise cathedrale, puisqu'en ( sic ) nous avons treuvé une consideration de juste poids pour dispenser, pour vostre particulier, sur la regle du concours, pour la conservation de laquelle j'ay, jusques a present, fait de la difficulté en cett'affaire.

  A016002116 

 Hier nous ne fismes rien, la partie estant remise a jeudy..

  A016002116 

 Or, je suis sur le livre que j'ay tant laissé ces jours passés, et apres disné nous avons un concours, apres lequel je verray d'acheminer l'eschange des jardins.

  A016002123 

 En quoy, toutefois, ni eux, ni moy, qui ay eu la charge d'en faire les propositions, n'avons rien eu en plus grande consideration que de faire les traittés de sorte que l'alliance et correspondance qui est et doit estre entre le college de Savoye Chappuysien de dela et celuy de deça, fut saintement et religieusement conservee en tout ce qui en depend; qui nous fait croire que non seulement vous aggreeres, mais que vous loüeres ce qui a esté fait et en favoriseres davantage ce college, puisque Dieu y sera mieux servi et la jeunesse mieux instruite..

  A016002124 

 Et neanmoins, affin que vous nous facies ce bien que de nous conserver vostre douce et desirable bienveuillance, je vous supplie de la nous despartir en cett'occasion, appreuvant nos bonnes intentions, lesquelles sans doute nous vous eussions communiquees avant que d'en venir aux effectz, si le desir pressant de ces Princes nous en eust donné le loysir.

  A016002124 

 Vostre prudence et charité vous [234] conduiront a ce bien, et le respect que nous vous devons nous rendront ( sic ) de plus en plus desireux de nous maintenir en la societé et bonn'intelligence que la bonne memoyre de feu monsieur Chapuis a voulu estre entre nous..

  A016002141 

 C'est sans doute la plus grande gloire de Dieu qu'il y ayt une Congregation de la Visitation au monde, car elle est utile a quelques particuliers effectz qui luy sont propres; c'est pourquoy, ma tres chere Fille, nous la devons aymer.

  A016002141 

 Mais s'il se treuve des personnes plus relevees [236] qui ayent aussi des pretentions plus grandes, nous devons les servir et reverer tres cordialement, quand l'occasion s'en presentera.

  A016002153 

 Ce sera, Dieu aydant, dans peu de jours, par le bon M. le contrerolleur Vulliat, lequel nous est demeuré de reste au partir de Monseigneur de Nemours et qui praetend, pourtant, d'aller tost a Lion mesme.

  A016002153 

 Et maintenant, c'est par M. de Foras, qui me promet de faire seurement tenir la lettre, que j'employe pour vous annoncer la venue de vostre despeche de Romme, mais despeche si bien faite, que si nous l'avions faite nous mesme nous ne l'aurions pas faite autrement.

  A016002172 

 O ma tres chere Fille, il ne l'abandonnera jamais, car quoy que nous soyons troublee et angoissee de ces impertinentes tentations de chagrin et de despit, si est-ce que jamais nous ne voulons quitter Dieu, ni Nostre Dame, ni nostre Congregation qui est sienne, ni nos Regles qui sont sa volonté..

  A016002174 

 Ma chere Fille, releves fort vostre courage, armes vous de la patience que nous devons avoir avec nous mesme.

  A016002187 

 Ouy da, ma tres chere Fille, nous donnerons de bon cœur de nos Seurs de la Visitation pour augmenter la gloire de Dieu.

  A016002192 

 Si on envoye prendre [247] nostre Mere et deux de nos Seurs, avertisses nous a l'avantage..

  A016002193 

 A Dieu donques, ma chere Fille, a Dieu soyons nous eternellement et inseparablement.

  A016002212 

 La bonne Religieuse de Monthouz me dit hier que M me la Senatrice sa cousine desiroit se confesser ce matin a moy, qui le veux bien, et peut estre que, pour cet effect, elle seroit plus ayse que ce fut a la Visitation; et moy aussi, puisqu'aussi bien, malaysement puis-je sauver ma matinee, et que nostre M. Michel, a moytié malade, ne sçauroit escrire ce que je luy fournirois du livre, et que sur tout il nous fera grand bien de nous entrevoir, et ce sera tous-jours autant de fait.

  A016002240 

 Cette touche, avec quelque sorte d'esperance que Vostre Grandeur me commanda de conserver de son prochain retour, m'ont fait penser plus d'une fois aux raysons qu'ell'auroit de revenir, pour aggrandir ce reste de consolation qu'elle m'avoit laissé, me signifiant que la privation de sa presence ne seroit peut estre pas de si longue duree, ains beaucoup plus courte que nostre desplaysir ne nous faysoit imaginer.

  A016002243 

 Et donq, Vostre Grandeur ne seroit elle pas infiniment marrie de se treuver tant esloignee de Son Altesse et de ses Estatz? Ell'a voyrement commandé que le sieur de la Grange fit passer ses trouppes dela les montz, qui est un bon tesmoignage de la perseverance de Vostre [254] Grandeur au devoir qu'ell'a envers sadite Altesse; mais d'en esloigner sa personne tandis que la fievre de la guerre est en ses Estatz et qu'on ne sçait si Dieu permettra que nous y voyons arriver des acces perilleux, je ne sçai, Monseigneur, ce que l'on en pourra juger, au prejudice de l'affection que je sçai bien neanmoins estre immuable dans vostre cœur..

  A016002263 

 Mays que pourront ces orateurs mortz, en comparayson des harangueurs continuelz qui vivent, et soufflent perpetuellement dans les aureilles de ce Prince son esloignement de ce païs? Et puis, n'ont ilz pas des-ja fait la moytié de leur besoigne? [257] Et si nous n'avons sceu empescher le depart, quel moyen d'obtenir le retour? Melius non incipient quam desinent.

  A016002286 

 Nostre seur et la niece viennent faire icy l'hiver et prennent mayson a part; mon frere pourtant est maintenant un peu malade, a cause du tracas quil a fait parmi les affaires que ces trouppes de Monseigneur de Nemours nous donnent.

  A016002337 

 C'est ce qu'attend de moi Dieu notre Sauveur; il ne nous a faits si proches voisins, qu'afin que nous entreportions autant que possible les fardeaux l'un de l'autre.

  A016002371 

 Il ne faut sinon continuer joyeusement en la poursuite que nous faysons du saint amour de sa divine Majesté.

  A016002390 

 Je commence des icy, ma tres chere Mere, a vous [272] rendre conte de nostre voyage, duquel cette premiere journee nous donne bon augure.

  A016002390 

 Qu'a jamais ce Sauveur soit nostre robbe [273] royale qui nous couvre et defende du froid de l'iniquité, et nous eschauffe en ce divin amour que nostre unique cœur cherche..

  A016002393 

 Le cher filz vous bayse tres humblement les mains; il arriva hier, ainsy que nous entrions a table, c'est a dire a 5 heures..

  A016002405 

 Et par ce, Monseigneur, que le Valley estant si proche de Savoye et Piemont, ne peut estre qu'extremement utile aux affaires de Vostre Altesse, quand ell'en aura l'alliance et correspondance, j'ay pensé que cet advis estoit d'importance et que je le devois donner a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement de l'avoir aggreable, comm'encor que je luy die que ce jeune Prelat que nous venons de sacrer est de fort bonne esperance, devot, actif, de bon esprit et plus gentil que sa nation n'a pas accoustumé d'en produire, fort affectionné a Vostre Altesse, et qui attendoit avec honneur un anneau episcopal en present, de Monseigneur le Prince Cardinal, ainsy qu'on luy avoit fait esperer..

  A016002421 

 Le bon Monseigneur l'Archevesque de Vienne et moy fusmes exempts des carroux, hormis de quatre, a la santé de Son Altesse, de Messeigneurs les Princes, des sept cantons catholiques et de Monseigneur le Prince et seigneurs dizains du pais de Valey; mays nous les fismes encor dans des verres et selon la mesure que nous voulusmes.

  A016002421 

 Toutes les autres santés ne nous furent point presentees, mais elles ne demeurerent pas sans porteurs..

  A016002449 

 Nostre Mere d'icy l'ayme parfaitement, et nous voyons que c'est un vase bien poly, vuide, ouvert pour recevoir de [280] grandes graces celestes; car c'est une ame droitte, un esprit vuide et desnué de toutes les choses de ce monde, et qui n'a pensee ni dessein que pour son Dieu.

  A016002463 

 Mays nous en parlerons, Dieu aydant, ce soir.

  A016002497 

 Quel bonheur, ma chere Mere, d'estre tout a luy, qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre! Mais il faut pour cela crucifier en nous toutes nos affections, et specialement celles qui sont plus vives et mouvantes, par un perpetuel allentissement et attrempement des actions qui en procedent, affin qu'elles ne se facent pas par impetuosité, ni mesme par nostre volonté, mais par celle du Saint Esprit..

  A016002498 

 Sur tout, ma chere Mere, il nous faut avoir un cœur bon, doux et amoureux envers le prochain, et particulierement quand il nous est a charge et degoust; car alhors nous n'avons rien en luy pour l'aymer, que le respect du Sauveur, qui rend l'amour sans doute plus excellent et digne d'autant qu'il est plus pur et net des conditions caduques..

  A016002529 

 Dieu nous visite en sa douceur, et veut que la Visitation soit invitee par nostre tres bon Monseigneur de Lion de l'aller visiter en son diocese, pour y establir une Mayson de Nostre Dame comme la nostre d'Annessy.

  A016002529 

 Or, d'autant que l'entreprise est grande et que c'est la premiere saillie ou production de nostre Mayson (que je desire qui ne produise rien que de bon), nous voulons y envoyer la cresme de nostre Congregation; et parce que nostre chere fille Marie Aymee est un de nos plus pretieux sujetz, je desire de la poser aux fondemens de ce nouvel edifice..

  A016002537 

 Mais ne laissés pas pour cela de recourir a sa sainte debonnaireté en toute confiance, sur tout maintenant, en ce tems auquel nous le nous representons comme il estoit, petit enfant en Bethlehem; car, mon Dieu, ma chere Fille, pourquoy prend il cette douce et amiable condition de petit enfant, sinon pour nous provoquer a l'aymer confidemment et a nous confier amoureusement en luy?.

  A016002551 

 C'est un grand cas de la malice de l'esprit humain! Rien ne nous donne tant de sujet de resignation [292] que la rencontre des diverses ruses dont il se sert a mal faire..

  A016002552 

 Il seroit requis que M. de Blonnay arrestast, mais je ne sçai si nous le pourrons faire, car je le voy disposé a tout quitter, par la recherche quil me fait de l'envoyer a Lion, servir de chapelain la nouvelle Visitation.

  A016002553 

 On n'est encor pas venu de Lion; nous attendons aujourdhuy des nouvelles.

  A016002580 

 Les ames que Dieu a rendu tout une sont inseparables, car, qui peut separer ce que Dieu a joint? Non, ni la mort, ni chose quelconque ne nous separera jamais de l'unité qui est en Jesus Christ, qui vive a jamais en nostre cœur.

  A016002585 

 Allons donq, ma tres chere Fille, avec un seul cœur, ou Dieu nous appelle; car la diversité des chemins ne rend rien de divers en nous, puisque c'est a un seul object et pour un seul sujet que nous allons..

  A016002585 

 Or sus, ma chere Fille, puisque Dieu est l'unité de nostre cœur, qui nous en separera jamais? Non, ni la mort ni la vie, ni les choses presentes ni les futures, ne nous separeront jamais, ni ne diviseront nostre unité.

  A016002592 

 Allons donq, ma chere Fille, allons suavement et joyeusement faire l'œuvre que nostre Maistre nous a marquee..

  A016002597 

 Hé! ma tres chere Mere, ma Fille, il me vient en memoire que le grand saint Ignace, qui portoit Jesus Christ en son cœur, alloit joyeusement servir de pasture aux lions et souffrir le martyre de leurs dens: et voyla que vous allés, et nous allons, s'il plaist a ce grand Sauveur, a Lion, pour y faire plusieurs services a Nostre Seigneur, et luy preparer plusieurs ames desquelles il se rendra l'Espoux.

  A016002597 

 Pourquoy n'irions-nous joyeusement au nom de nostre Sauveur, puisque ce Saint alla si allegrement au martyre de nostre Sauveur?.

  A016002608 

 Au nom de Dieu, nous allons et demeurons, avec une fort pure intention de servir de tout nostre cœur a la gloire eternelle de sa divine Majesté icy ou nous demeurons, et la ou nous allons.

  A016002608 

 O Dieu, que c'est une douce chose que d'avoir la sainte unité des cœurs qui, par une merveille inconneuë au monde, nous fait estre en plusieurs lieux, sans division ni separation quelconque..

  A016002609 

 Et comme une seule femme se console en l'une et l'autre main, tenant son filz de l'une et son pere de l'autre, ainsy res-jouissons nous dequoy en une parfaite unité d'esprit [298] et de tout nous mesmes, icy ou nous demeurons et la ou nous allons, nous nous tenons a ce Sauveur que nostre cœur veut cherir reveremment comme son Pere et tendrement comme un filz..

  A016002624 

 A Dieu, ma tres chere Mere, et ma tres chere Fille encor; a Dieu soyons-nous eternellement, et nous et nos affections, et nos petites peynes et les grandes, et tout ce que la divine Bonté veut estre nostre.

  A016002647 

 Mays tout cela ne touche point la pointe de l'esprit qui, asseuré de plus en plus de l'indissoluble et invariable unité que Dieu a faite de ce que nous sommes, demeure aussi impenetrable a toute sorte d'apprehension.

  A016002647 

 Mays, ne disons plus rien de cela; car, ne suffit il pas que Dieu nous ayant rendus une mesme chose, nous soyons par tout nous mesmes tout siens?.

  A016002681 

 Au demeurant, Monseigneur, Vostre Altesse nous [308] ayant fait le bien de procurer la venue des bons Peres Barnabites en cette ville, dont nous la remercions tres humblement, nous la supplions tres humblement aussi tous, tant que nous sommes ses tres obeissans serviteurs de deça, qu'il playse a sa bonté de vouloir bien prendre en speciale protection cette œuvre, delaquelle le fruit sera incroyable et qui portera sa splendeur a la posterité, si les revenus de ce college estoyent suffisans pour l'entretenement d'autant de personnes quil en faudroit pour faire les functions que ces Peres feroyent excellemment en un lieu si propre, regardé de tant de nations estrangeres, centre, de la Savoye, et a la juste distance qu'il faut pour jetter les bons exemples et la doctrine dedans Geneve..

  A016002699 

 La, les maladies et langueurs sont salutaires [310] et aymables, ou Dieu mesme nous a sauvés par ses langueurs..

  A016002719 

 Croyés moy, ma tres chere Mere, comme vous mesme: Dieu veut je ne sçai quoy de grand de nous.

  A016002720 

 Ce que nous avons fait jusques a present est bon, mais ce que nous allons commencer sera meilleur; et quand nous l'aurons achevé, nous recommencerons une autre chose qui sera encor meilleure, et puis une autre, jusques a ce que nous sortirons de ce monde pour commencer une autre vie qui n'aura point de fin, parce que rien de mieux ne nous pourra arriver.

  A016002720 

 Je vis les pleurs de ma pauvre Seur [Marie-Madeleine,] et il me semble que toutes nos enfances ne procedent d'autre defaut que de celuy ci: c'est que nous oublions la maxime des Saintz, qui nous ont advertis que tous les jours nous devons estimer de commencer nostre avancement ou perfection; et si nous pensions bien a cela, nous ne nous treuverions point estonnés de rencontrer de la misere en nous, ni dequoy retrancher.

  A016002722 

 L'amour de nous mesme nous esblouit souvent: il faut avoir les yeux bien fermés pour n'estre pas deceuz a nous voir nous mesmes.

  A016002722 

 Ne pensés pas que pour estre a Lion vous soyes dispensee du pacte que nous avons fait, que vous series sobre a parler de moy, comme de vous mesme.

  A016002738 

 Dieu, qui est l'ame de nostre cœur, ma tres chere Mere, nous veuille a jamais remplir de son saint amour.

  A016002740 

 Dieu nous rende de plus en plus tous siens.

  A016002783 

 Quel mal leur fait-on, ni a vous, disent les meschans? On nous ravit le bien le plus pretieux que nous ayons, qui est la bonne grace de nos Princes, et puis on dit: Quel [320] mal vous fait-on? Mon tres cher Frere, est il possible que Sa Grandeur m'ayme, qui, ce semble, prend playsir aux rapportz qu'on luy fait de mes freres, puisqu'il a des-ja treuvé que c'estoit ordinairement des impostures, et neanmoins il les reçoit, il les croit, il fait des demonstrations de tres particuliere indignation?.

  A016002839 

 Je pensois vous faire cette supplication en presence, selon l'esperance que monsieur vostre mari nous en avoit fait concevoir; mais puisque ce bien ne nous est pas arrivé, estant pressé par ces pauvres desolees, je fay cet office en cette sorte, et vous conjurant de me conserver vostre bienveuillance et celle de monsieur vostre mari, je me nomme, comme je suis et seray pour jamais: c'est, Madame,.

  A016002850 

 O que [327] Dieu est admirable, ma tres chere Mere, et que nous sommes bien heureux d'avoir un grand desir de le servir!.

  A016002872 

 O ma chere Mere, ma Fille, il n'en faut jamais douter; il y a si long tems que nous l'avons examinee, et tous-jours nous avons treuvé que Dieu vous vouloit en cette maniere de prier.

  A016002873 

 Mays nous y penserons encor mieux..

  A016002913 

 Et pour mon pauvre cher esprit, qui est un peu travaillé de distractions en l'orayson, que luy diray-je, sinon quil se garde bien des empressemens, quil se tienne fort en la confiance de son Dieu, qu'il se repose en sa providence pour toutes choses, acquiesçant doucement aux evenemens; et puis, si les distractions nous tracassent, ce sera l'un des evenemens quil faudra recevoir, non pour le nourrir, mais pour le souffrir doucement.

  A016002913 

 Ma tres chere Mere, aymes tous-jours bien vostre pauvre chere ame que j'ay, car j'ayme sans mesure, sans fin, hors de toute comparayson et au dessus de tout ce qui s'en peut dire, ma tres chere ame que vous aves: c'est a dire, aymons bien cette tres unique ame et vie quil a pleu a Dieu dé nous donner pour son service..

  A016002914 

 Nous faysons cette semaine deux confessions generales: de ma Seur Marie Marguerite et de ma Seur Anne Françoise.

  A016002936 

 Vous sçaures toutes nouvelles a l'abord de monsieur Portier, et vous sçaves que nous sommes icy hors de commerce.

  A016002953 

 Ce pendant, nous penserons s'il sera expedient qu'elle mesme y aille; il faut en tenir secrette la deliberation..

  A016002982 

 Il ne faut pas s'amuser beaucoup a la recherche de la cause de nos secheresses et sterilités, car nous ne sçaurions la deviner; il suffit de nous humilier beaucoup et acquiescer a ce travail, soit que Nostre Seigneur l'ayt envoyé pour nous chastier de quelque defaut, soit qu'il l'ayt envoyé pour nous es-preuver et rendre plus purement siens..

  A016003009 

 Mais il faut bien prendre garde, ma tres chere Fille, ma Mere, que le cors et l'esprit vont souvent en contraire mouvement, et a mesure que l'un s'affoiblit, l'autre se fortifie, [350] et quand l'un se fortifie, l'autre s'affaiblit; mays, puisque l'esprit doit regner, quand nous voyons qu'il a pris ses forces, il le faut tellement secourir et establir, qu'il demeure tous-jours le plus fort.

  A016003009 

 Sans doute, ma tres chere Mere, puisque les maladies sont comme des coupelles, il faut bien que nostre cœur en sorte plus pur et que nous devenions plus fortz parmi les infirmités..

  A016003010 

 Ce que je dis par l'experience que j'ay, que l'infirmité, ne nous ostant pas la charité, nous oste neanmoins la suavité envers le prochain, si nous ne sommes fort sur nos gardes..

  A016003022 

 Il va commencer a apprendre l'escriture d'un brave maistre que nous avons icy.

  A016003022 

 Reste nostre filz qui, en verité, a un cœur fort bon et l'esprit encor meilleur; mais, comme vous le dites, Monsieur, il est un peu friand et brillant, et pour cela nous tascherons de l'occuper fort.

  A016003023 

 Je suis marri que nostre College n'est encor pas en si bon terme comme la bonté et suffisance de ces Peres qui le gouvernent maintenant nous promet qu'il sera bien tost.

  A016003023 

 Mays puisque nous aurons l'honneur de vous [354] voir dans quelque tems, nous parlerons un peu ensemble de tout ce qui est requis pour la bonne conduitte de ce cher enfant, qui est fort aymable et qui reuscira, comme j'espere, extremement bien.

  A016003068 

 II faut cultiver la tressainte indifference a laquelle Nostre Seigneur nous appelle.

  A016003068 

 Que vous soyes la ou icy, helas! qui nous peut separer de l'unité qui est en Nostre Seigneur Jesus Christ? En fin, c'est chose desormais, ce me semble, qui n'adjouste plus rien pour nostre esprit, que nous soyons en un ou deux lieux, puisque nostre tres amiable unité subsiste par tout, graces a Celuy qui l'a faite.

  A016003072 

 O ma tres chere Mere, vivés joyeuse, toute brave, toute douce, toute jointe au Sauveur, et playse a sa Bonté de benir la tressainte unité qu'il a fait de nous et la sanctifier de plus en plus.

  A016003084 

 Helas, ma tres chere Mere, que d'obligations que nous avons a Nostre Seigneur, et combien de confiance nous devons avoir que ce que sa misericorde a commencé en nous, elle le parachèvera, et donnera tel accroissement a ce peu d'huyle de bonne volonté que nous avons, que tous nos vaysseaux s'en rempliront et plusieurs autres de ceux de nos voysins.

  A016003084 

 Il ne faut que bien fermer la [361] chambre sur nous, c'est a dire, retirer de plus en plus tout nostre cœur en cette divine Bonté..

  A016003093 

 Hé, j'espere que la divine Bonté, en consideration de nostre pauvre petite Congregation faite en son nom et pour sa gloire, nous laissera cette Mere tant utile..

  A016003094 

 Prions bien Dieu, il nous aydera..

  A016003105 

 Nous attendons certes avec une devote impatience M. du Crest, qui n'est encor point arrivé, pour [363] sçavoir un peu de vos nouvelles, car je m'imagine que nous en aurons a force, et par le sire Pierre aussi, par lequel je vous avois envoyé des lettres pour M. des Hayes, ouvertes, affin que vous les vissies.

  A016003105 

 Nous avons esté huit jours sans commodité d'escrire, et voyci maintenant, coup sur coup, qu'on nous donne occasion.

  A016003107 

 Or sus, c'est bien asses, car je vous ay escrit ce jourdhuy mesme au matin par M. Grandis, par lequel nous attendons force lettres, et grandes; car, puisqu'il vous ira voir en arrivant et que ses affaires le retiendront un peu la, vous aures bon loysir d'escrire..

  A016003121 

 Nous voulons servir Dieu en ce monde, icy et la, de tout ce que nous sommes; s'il juge mieux que nous soyons en ce monde ou en l'autre, ou tous deux, sa tressainte volonté soit faite..

  A016003130 

 Hé, Dieu le ( sic ) nous veuille donner bien bonnes..

  A016003130 

 J'avoys un grand desir de vous aller voir en presence, ma tres chere Fille, mais je n'ay pas ceans un prestre a mon commandement, et puis, j'ay un peu d'affaires, comme seroit de me praeparer au sermon que nous faysons demain pour recommencer les prieres et faire un'assemblee tantost pour l'ordre d'icelles.

  A016003131 

 Et puis, quand il en viendra d'autre, si M. de Vallon est treuvé propre pour le recevoir, comme je pense qu'il le soit, nous le luy baillerons..

  A016003139 

 Helas, monsieur mon Frere, que nous avions des-ja regretté nostre commune perte, entre nous autres freres de deça, car les Peres Capucins nous en avoyent donné quelque sorte de nouvelles.

  A016003139 

 Il faut advoùer que cet evenement si inopiné est capable de troubler les espritz les plus resoluz de ceux qui ont aymé un peu affectionnement [368] ce brave et genereux frere, et rien que le souverain respect que nous devons a la Providence eternelle, qui ne fait jamais rien que saintement et sagement, ne nous sçauroit mettre en repos sur cet accident.

  A016003141 

 Monsieur mon tres cher Frere, je vous conjure de recueillir l'affection que ce cher defunct me portoit et a mes freres, et de la nous conserver, comme de tout mon [369] cœur je me dedie de nouveau a toute vostre mayson pour estre sans fin,.

  A016003158 

 O que mon ame est en peyne de vostre cœur, ma tres chere Mere, car je le voy, ce me semble, ce pauvre cœur maternel, tout couvert d'un ennuy excessif; ennuy toutesfois que l'on ne peut ni blasmer ni treuver estrange, si on considere combien estoit aymable ce filz, duquel ce second esloignement de nous est le sujet de nostre amertume..

  A016003159 

 Mais n'est-ce pas une grande partie de la consolation que nous devons prendre maintenant, ma tres chere Mere? [370] car en verité, il semble que ceux desquelz la vie est si digne de memoire et d'estime, vivent encor apres le trespas, puisqu'on a tant de playsir a les ramentevoir et representer aux espritz de ceux qui demeurent,.

  A016003160 

 Ce filz, ma tres chere Mere, avoit des-ja fait un grand esloignement de nous, s'estant volontairement privé de l'air du monde auquel il estoit né, pour aller servir son Dieu, et son Roy, et sa patrie en un autre nouveau monde.

  A016003160 

 Et voyla, ma tres chere Mere, que, sous le bon playsir de la Providence divine, il est parti de cet autre monde pour aller en celuy qui est le plus ancien et le plus desirable de tous, et auquel il nous faut tous aller, chacun en sa sayson, et ou vous le verres plus tost que vous n'eussies fait s'il fust demeuré en ce monde nouveau, parmi les travaux des conquestes qu'il pretendoit faire a son Roy et a l'Eglise.

  A016003161 

 Consolés vous donq, ma tres chere Mere, et soulagés vostre esprit, adorant la divine Providence qui fait toutes choses tres suavement; et, bien que les motifz de ses decretz nous soyent cachés, si est-ce que la verité de sa debonnaireté nous est manifeste et nous oblige a croire qu'elle fait toutes choses en parfaite bonté..

  A016003163 

 C'est l'orayson la plus aggreable que nous puissions faire a Celuy qui en fit une pareille sur la croix, a laquelle sa tressainte Mere respondit de tout son cœur, l'aymant d'une tres ardante charité..

  A016003177 

 Et Dieu soit loué dequoy il luy a pleu la nous conserver! Je veux esperer que ce sera plus longuement que la foiblesse de sa complexion ne nous permet d'esperer; car cette Bonté qui a commencé a nous gratifier, ne s'en lassera point, si nous sommes fideles..

  A016003194 

 Et quant a nous, ce nous est un honneur si grand, Monseigneur, qu'il excede tout remerciement; de sorte que ce que nous pouvons faire, c'est d'offrir journellement a Dieu nos petites oraisons pour la conservation et prosperité de Vostre Altesse, pour, en quelque maniere, corespondre a l'estroite obligation que nous avons a la bonté de Vostre Altesse Serenissime, a laquelle faysans en toute humilité la deüe reverence, nous [serons a] sommes,.

  A016003202 

 Nous croyons tres [375] assurement que Nostre Seigneur a heu fort agreable de voir la grandeur de Vostre Altesse r'abaissee jusques la, et esperons que se ( sic ) rabaissement vous eslevera tousjours d'avantage devant les yeux de la divine Majesté..

  A016003203 

 C'est un honneur pour nous si grand, Monseigneur, qu'il excede tout remerciement; de sorte que ce que nous pouvons faire, est d'offrir journellement a Dieu nos petites oraisons pour la conservation et prosperité de Vostre Altesse, en quoy nous essayerons de corespondre a l'estroite obligation que nous y avons, et a nous tesmoigner, avec toute reverence et fidelité,.

  A016003223 

 Le bonheur et l'honneur que nous recevons d'estre sous la maternelle protection de Vostre Altesse Serenissime, nous oblige a luy rendre conte de toutes les saintes consolations que la Bonté divine nous depart, sachant bien que vostre charité, Madame, y prendra du playsir..

  A016003224 

 Ce moys d'aoust passé, madame de la Croix posa la premiere pierre de nostre eglise de la part de Vostre Altesse Serenissime, delaquelle action nous eusmes un grand contentement, pour l'esperance que nous avons que la divine Majesté sera saintement servie en ce petit lieu, par plusieurs bonnes ames qui s'y assembleront a l'advenir en son nom.

  A016003224 

 Et presque a mesme tems, un nombre de dames vertueuses, filles de la ville de Lion, qui, pour quelque digne sujet, estoyent venues icy l'annee [379] passee et avoyent veu nos exercices, inspirees, comme il est a croire, du Saint Esprit, desirant eriger une mayson de nostre Institut et ayant preparé ce qui est requis a cette intention, nous ont en fin demandé de leur envoyer de nos Seurs pour leur servir de conduite en leur sainte entreprise.

  A016003225 

 Dequoy, comme nous avons deu avant leur depart donner advis a Vostre Serenissime Altesse, aussi estimons-nous qu'elle l'aura fort aggreable, et loüera la Majesté divine dequoy elle daigne se servir de nous pour l'accroissement de sa gloire; puisque mesme, a mesure que nostre Congregation se dilatera, les prieres se multiplieront pour Vostre Altesse, qui a si doucement et favorablement arrousé de sa bienveuillance cette petite plante delaquelle les autres auront pris leur origine, et laquelle, se recommandant tres humblement de plus en plus a Vostre Altesse Serenissime, ne cessera jamais de luy souhaiter toute sorte de sainte consolation, [et] demeurera a jamais toute sienne, comme estant composee,.

  A016003236 

 Ayant conferé avec mes Freres de ce que vous m'aves communiqué pour le regard [des] habitz qui furent jadis a Ripaille, nous n'avons jamais sceu treuver qu'ilz ayent esté remis en depost ceans; et si, ne pouvons croire que s'ilz nous avoyent esté confiés, Son Altesse voulut, apres tant de tems, les nous oster, puisque l'eglise a laquelle ilz appartenoyent n'est point en estre pour les repeter, et que nous ne sommes pas moins ses tres humbles et tres obeissans orateurs qu'aucuns autres ecclesiastiques de ses Estatz.

  A016003236 

 Mais, comme je vous dis, nous n'avons nulle sorte de tesmoignage pertinent d'avoir jamais esté depositaires d'aucuns meubles de Ripaille.

  A016003239 

 Faites nous ce bien d'en asseurer Son Altesse, a laquelle nous souhaittons incessamment devant Dieu toute prosperité et santé, et a vous, Monsieur, l'assistence de son Saint Esprit, demeurans.

  A016003295 

 Le Pape nous appelle bien ses freres, quoy que petits cadets de ce grand aisné.

  A016003300 

 Il nous essaye comme l'or par la coupelle, comme le soldat par les combats, comme le pilotte par les tempestes; il est avec nous en la tribulation, et nous tient, comme la nourrice l'enfant trotinant, par les longes, prest de nous relever de nos tresbuchemens..

  A016003308 

 Faictes qu'elles prient Dieu pour Nous; Nous nous y attandons, comme aussi d'avoir part tous les jours en vos oraisons..

  A016003308 

 L'Infante Duchesse de Mantoüe, ma fille, est toute joyeuse de se voir choisie pour estre protectrice d'une si vertueuse compagnie et saincte assamblee, le service de laquelle Nous aurons a cœur d'un soin tout extraordinaire, excité par l'amour particulier que Nous avons a vostre personne, et par la vertu que l'on Nous raporte reluire en ces bonnes Dames, pour l'edification de la province.

  A016003308 

 L'entreprise que ces bonnes Dames font de vivre en si grande perfection dans nos Estats Nous plait beaucoup, ayant des grandes esperances du fruit de leurs prieres.

  A016003309 

 Sur ce, Nous prions Dieu vous avoir en sa saincte garde et benir toutes vos sainctes entreprises pour le service de sa Majesté..

  A016003331 

 Encor que sellon le debvoir que Nous avons d'avoir soing aus affaires importants de nostre Empire, Nous avions assigné l'assemblee generale dans nostre ville Imperiale, a Ratisbonne, par une Nostre dernieredu 22 e octobre de l'annee dernierement escheüe 1613, au premier may de l'annee presente 1614, affin de deliberer et resouldre sur les points contenus en noz propositions faictes pour la derniere diette: Nous avons veu, et avec un extreme regret, cogneu et sceu par des advis tres asseurés, que l'ennemys ( sic ) immortel de toutte la Chrestienneté, tous les jours s'en va d'aultant plus avançant et empietant sur les pais voysins de la province de Sibebourg ( sic? ), laquelle il a soubjugué et reduict en sa puissance avec tout ce qui en despandoit; de sorte que, non content d'avoir, avec un tres grand dommage et cruelle guerre, surmonté ces dictz pais, mais, au tres grand prejudice de la Christienneté, commis plusieurs conflictz tres cruelz et sanglantz et desquelz a present il ne veult desister; car Nous sommes tres asseuré que, pour ce printemps, il se prepare pour attaquer avec touttes ses forces nostre royaume d'Ungrie et les pais Christiens qui luy sont voysins.

  A016003331 

 Et est facile a chequ'un de voir en quel grand danger et doubte doibvent estre lesdictz Estatz voysins, comme aussy noz royaumes frontiers, et par consequent tout le Sainct [393] Empire romain, sy Nous ne taschons de repoulser et empecher ce tyran en la defence de ces dictz pais, contre lesquels il va de plus [en plus] accroisant sa mauvaise volunté pour avancer la ruine, qu'il desire, du Christianisme; et semble avoir desja rencontré et empoigné les commodités pour executer sa tyrannique volunté et cruelz desseins..

  A016003332 

 De quoy Nous vous avons donné advis, comme aussy a tous les Princes Electeurs et Estatz de l'Empire, avec desir de vous convier de Nostre Imperiale autorité, de vous treuver audict jour, 1.

  A016003333 

 Et ne doubtons aucunement que vostre volunté, et de tous lesdictz Princes et Estatz, ne soit tousjours telle, que vous vous porterez tousjours avec une vraie affection pour le contenu ausdictes propositions, et serez tousjours zelé a l'avancement du bien de l'Empire, non seulement en ladicte assemblee, mais encor ou vostre assistance sera necessaire; protestantz, au deffault de ce que la ou lesdictz Estatz et assemblee ne se resouldront a quelque chose de bien, pour la tuition, deffense et soulas de la Christienneté, que ce ne sera a nostre coulpe, ains, comme Nous avons tousjours tesmoigné par tout, nostre syncerité et affection se rendra de plus en plus prompte, comme desja des nostre election Nous vous avons faict paroir en ce que Nous nous sommes portés en ce qui a esté du bien et repos de tout nostre dict Empire, et n'y avons espargné aucun hazard, mesme de nostre vie, comme Nous ne ferons encor par cy appres..

  A016003333 

 Or, puis que pour la conservation de la religion et paix de l'Empire, il est necessaire qu'ilz soient faictz des edictz, loix et ordonnances qui seront inviolablement gardees et observees sellon leur portee, affin que par ce moyen touttes les menees, factions, forces [394] et inquietudes qui se font en icelluy puissent estre empechees et aneanties, et a ces fins vous avons, il y a desja quelque temps, mis le tout en avant; comme aussy plusieurs aultres incommodités, qui desja vous furent proposees a la derniere diette et qui se vont tout le ( sic ) jours de plus accroissantz et augmentantz, Nous offrantz Nous mesme pour touttes les dictes necessités Nous emploier en tout et par tout sellon ce qui sera trouvé expedient et resoulu par tous lesdictz Princes et Estatz en ladicte assemblee.

  A016003334 

 Nous recommandant sur ce a vostre bonne devotion, Nous offrantz de continuer a vostre endroict Nostre benigne affection..

  A016003341 

 A cette occasion, Nous escrivons aux Administrateurs dudict College et aux Scindics pour la remission d'icelluy entre les mains desdictz Peres..

  A016003341 

 N'ayant rien plus à cœur que le bien de Noz subjectz, et mesmement de la jeunesse d'iceux, Nous avons estimé devoir remettre [395] le soin du College d'Annessi aux Reverendz Peres Bernabites, les bonnes qualitez desquelz Nous promettent d'en veoir le fruict et commodité que Nous avons tousjours desiré à nosdictz subjectz et à la ville mesme.

  A016003342 

 Et d'aultant que la perfection de ce bon œuvre Nous est fort à cœur, Nous avons estimé de l'appuyer à vostre pieté et zele que vous avez toujours monstré à l'avancement de la vertu, ennemye de l'oysiveté, en laquelle bien souvent la jeunesse se pert.

  A016003342 

 Et pour ce, vous Nous ferez plaisir bien agreable d'embrasser à Nostre nom l'execution de cette Nostre voulonté et l'establissement desdictz Peres dans ledict College, facilitant touttes les difficultez que l'on y pourroit trouver, afin que Nous puissions recevoir ce contentement sans contredit ne replique..

  A016003343 

 Et Nous promettant que vous l'aurez en recommandation, prions Dieu vous avoir en sa saincte garde..

  A016003413 

 Aussy vous avons Nous voulu asseurer par ceste, de vous vouloir avoir en particuliere protection, et vous ayder, favoriser et assister en tout ce quil sera necessaire pour l'effect d'un si bon œuvre, comme Nous escrivons aussi de le fere au Marquis de Lans, mon neveu, et a nostre Senat de Savoie, auquel vous pourres recourir pour touttes sortes d'occasions.

  A016003413 

 Nous avons heu fort agreable l'election que vous aves faicte de l'Infante Duchesse de Mantoue, ma fillie, pour vostre mere et protectrice; et louantz vostre pieté, charité et devotion, Nous avons esté tres ayse qu'ayes erigee vostre Congregation a l'imitation de celles que sainct Charles a institué a Milan.

  A016003428 

 Aussy avons Nous faict que Son Altesse, mon Seigneur et pere, vous aye bien particulierement recommandee au Marquis de Lans et au Senat, auquel vous pourés recourir pour toute sorte d'occasion, comme aussy a Nous, qui ne manquerons de vous favoriser et assister de tout nostre pouvoir, comme la Contesse de Tornon vous dira a bouche, a laquelle Nous avons donné charge d'estre presante en nostre nom a la solannité que vous feres..

  A016003428 

 La resolution que vous aves prise de servir avec tant de zelle a Dieu et au prochain Nous a esté tres aggreable, et Nous ne pouvions recevoir davantage de contentement que de l'election que vous aves faicte en Nous, pour estre mere et protectrice de vostre devote compagnie; ce que Nous avons accepté tres volontier, pour avoir part a une sy bonne œuvre.

  A016003429 

 Il me reste donq a vous dire que, comme tous les fleaux que nous souffrons viennent du courroux que, justement, Nostre Seigneur conçoit contre nos pechés, ce quil ne se peut mieux apaiser que par les devotes oraisons des ames religieuses, Nous avons jugé que les vostres seraient tres a propos pour faire souvenir la divine Majesté de sa misericorde et regarder de son œil de pitié nos aflictions publiques.

  A016003429 

 Voila pourquoy je vous conjure de prier sans intermission, afin que bientost nous puissions voir quelque bout de tant de calamités; ce que Nous asseurant que vous ferés volontier, je vous recommande de prier en particulier pour moy, qui vous cheris bien fort..

  A016003443 

 Quand a ce que vous me dites que je debvois faire que les Cardinaux escrivissent que le Nonce commit des non suspectz pro informatione, cela ne se pou voit, puisqu'alhors il ne [403] se parloit que de la volonté de Son Altesse, pour laquelle sçavoir et procurer nous estre favorable, j'obtins lesdites lettres au Sieur Nonce..

  A016003447 

 Escrives moy donc tout court que je despende ce qui sera necessaire au proces et sollicitations, ou vraiement que il ne se peut; car vous sçaves que je vins avec ferme croiance de tous nous autres de faire merveilles avec mes attestations, et non poinct pour plaider.

  A016003448 

 M. de Savigny a faict bonne procure, mais il n'y a pas mis tout ce qui est necessaire, car il nous commet en façon que l'un ne peut rien sans l'autre, et quod unus cœperit, alter prosequi poterit; et ny est pas aussy la... substitutionem.

  A016003449 

 De mesme, que ledict sieur Abbé fit un mot de remerciementz auxdicts Peres, de tant de peine qu'ils ont desja prins a defendre son droit, et de mesme nous ( sic ) Reformés fissent une belle lettre en latin, tant humble qu'ilz pourront; car cela les encouragera au double de m'assister..

  A016003449 

 Vous ferés fort bien, si quelqu'un va a Lyon (car il ne faut mander expres), d'escrire a M. l'Abbé qu'il fit un' autre procure, seulement au Procureur general de la Congregation Montis, etc., [405] sans y mettre son nom, quoy que je l'aye envoyé; car, comme cestuy en sera Abbé, la procure servira pour son successeur et au Pere Dom Constantino Gaietano, decano di essa Congregatione et continuo commensale di Sua Santità; et ce attendant, je ne lairray, avec celle que nous avons, de travailler tout ce qui se pourra.

  A016003450 

 Aujourd'huy, M. d'Albon et moy sommes allé parler au sieur Ambassadeur et presenter la lettre du sieur de Savigny; il l'a leu fort attentivement, et puis a dict qu'il ne se voudroit point embarquer en cet affaire sans estre asseuré d'en pouvoir rapporter l'honneur et la victoire, car, dit il, «Si ces Feulliantz sont portés du Duc, il y aura bien que faire; que si Leurs Majestés m'en escrivoient un mot, alhors nous ferions prou.» Ce nonobstant: «Allés vous en (a il commandé audict sieur d'Albon, me presente ) aux Feulliantz et parlés au Procureur general, luy disant que je vous envoye expres vers luy pour [voir], par ce que Leurs Majestés et l'Abbé de Savigny m'ont escrit touchant un certain Prieuré, et qu'il nous dit ses raisons pourquoy; et outre ce, qu'il me vienne parler.» Ledict sieur d'Albon y vouloit aller sur le champ, a condition que je l'accompagnerais; je me suis excusé, et dict que pour avoir donné la lettre et informé une fois ledict sieur Ambassadeur, que je me contentois; mais que pour y retourner a solliciter et courtiser, ce sera tant furtive et rarement que je pourray, par raisons, etc.; tellement, qu'il a remis a demain mattin d'aller faire son ambassade.

  A016003451 

 D'en parler au Pape, cela seroit du tout superflu, puisque quand je luy parlay tout premier [avec] le Cardinal Bellarinin, nous l'informames de tout.

  A016003457 

 Cet ( sic ) du tout un bon personnage et qui nous est du tout amy; vere Israelita in quo dolus non est.

  A016003472 

 L'Infante Duchesse de Mantoue, ma fille, ayant prins en particuliere protection la Congregation de celle devote compaignie de Dames, nouvellement erigee a Nissy a imitation de celles que saint Carlo a establies a Millan, assavoir de vefves et de filles vierges, pour vivre ensemble en perpetuelle chasteté, soubz l'hobeissance d'une Superieure; les jeunes sans sortir jamais, comme es autres Monasteres les plus reformez, et les autres pour secourir les pauvres malades de ce lieu la, ou il ny a qu'un pauvre hospital lequel n'a le moien d'exercer la charité qui seroit necessaire ausditz mallades; sans qu'elles praetendent vivre d'aulmosne, ny d'accroistre jamais leur revenu de plus de mil cinq centz escus d'or l'annee, qu'elles esperent d'avoir ou par voye de rente constituee, ou en aultre [409] façon, sans agraver noz subjectz sur le faict des tailles, et se contentantz de recepvoir les vefves qui sont sans incommodité d'enfans, et les filles qui vouldront entrer en celle Congregation, moyennant seulement une pension annuelle leur vie durant: ce que Nous a esté fort aggreable, pour l'honneur et gloire qu'en doibt resulter a sa divine Majesté et pour le bien et fruict qu'en recevront nos bien amez subjectz.

  A016003483 

 Et ayant faict reflexion sur les bonnes qualités des Reverends Peres Bernabites, despuis que Nous les avons placés en ceste ville de Thurin, les trouvantz tres capables d'apporter a ladicte ville d'Annessy ung grand bien spirituel et temporel, Nous avons estimé de le faire remettre entre leurs mains, avec tous les biens, revenus, droictz et charges d'iceluy, saufz de moderer ce qui pouvoit estre contraire a leurs Reigles et Constitutions.

  A016003483 

 Et non seulement vous Nous donnerés en cela ung grand contentement, mais aussy tesmoignerés par la vostre affection au bien de la ville et de nos subjectz d'icelle, qui en doibvent ressentir le fruict..

  A016003483 

 Et pour ce, Nous vous disons de faire promptement ladicte remission, par contract autentique, sans y aporter difficulté ny longueur, moins en attendre de Nous plus particulier commandement, puis que telle est Nostre [410] volonté.

  A016003483 

 Il y a long temps que Nous avons desiré de redresser vostre College, tant pour l'avancement de la jeunesse, que pour l'ornement et commodité que la ville d'Annessy en particulier en doibt recevoir.

  A016003484 

 Et Nous asseurantz que vous y ferés tout incontinant, prions Dieu vous avoir en sa saincte garde..

  A016003496 

 C'est pourquoy Nous escripvons aux Scindics de le remettre entre leurs mains, avec tous les biens, revenus, apertenances et aultres droictz d'iceluy, et vous exhortons d'y aporter toute la facilité qui dependra de l'aucthorité que vous y avés, a celle fin de ne retarder ung si grand bien que non seulement la ville, mais toute la province en doibt ressentir.

  A016003496 

 En quoy vous Nous ferés plaisir tres agreable, ne desirant rien tant que la bonne institution de la jeunesse et le bien [411] de Nos subjectz.

  A016003496 

 Nous voulons tant croire de vostre zele au mesme bien, que vous franchirés toutes difficultés qui s'y pourraient presenter, afin de rendre cest œuvre a sa perfection..

  A016003496 

 Voyant que le College d'Annessy a besoing d'estre restauré pour l'utilité de la jeunesse, bien et commodité de la ville, il Nous a semblé bon de ne pouvoir faire meilleur ( sic ) ny plus convenable election que des Reverends Peres Bernabites, lesquelz nous recognoissons tous les jours plus habilles et capables d'en avoir le soing.

  A016003515 

 Et en cas quil se declare ouvertement, il desireroit que l'on negotiast avec l'Espagne, de sorte qu'elle donnast de l'occupation a sadite Altesse du costé de Lombardie, tandis que nous ferons fortiffier quelques places aux terres de mondit Seigneur pour la retraite de ceux quil aura soubz luy..

  A016003515 

 Il est aussy extraordinairement pressé par le Duc de passer les monts sans attendre M. de Rambolliet, mais il s'est resollu de n'en rien faire que nous n'ayons de vos nouvelles.

  A016003517 

 Ledit Prince est fort consiensieux, et cela, plus que toute autre chose, est capable de l'esmouvoir; a quoy nous n'oublierons rien pour troubler tous ses desseins..

  A016003517 

 Nous verrons aussy si nous pourrons nous confier a quelqu'un pour faire parler au Prince de Piedmont, qui est veillé de tous costez, et sera difficile de le pouvoir faire, si ce n'est par le moyen de quelque ecclesiastique partial d'Espagne, qui luy represente le peril quil y a de voir la religion nouvelle introduitte dans les terres de son pere, qui semble y incliner du tout.

  A016003549 

 Nous avons receu par le porteur present diverses lettres touchant l'incorporation faicte du College de feu Mons r Chappuis, en vostre ville d'Annessy, par Mess rs les Barnabites, par l'authorité, comme vous escrivez, de Son Altesse le Duc de Savoye.

  A016003549 

 Or, comme depuis un moys en ça ou environ, le Docteur de Bay, President du College par deça, est allé de vie a trespas, et que nous ne sommes bien informés de la fondation de par dela, n'avons pour le present sceu resoudre sur le faict de la dicte incorporation, ains tiendrons la dicte resolution preste pour le premier retour du porteur de ceste..

  A016003550 

 Touchant le jeune homme qu'il vous a pleu reccomander par vos lettres a feu Monsr Bayeus, sa mort cause que vous ne pourrez venir a l'effect d'icelle reccomandation, laquelle mort cause aussy que nous devons advertir de n'envoyer aulcuns nouveaux boursiers pour les Pasques prochaines, pour se trouver le College arriere de quelques cents escus, lesquels devront estre ramborsés a la maison mortuaire dudict Bayus, lequel, par sa bienveulliance envers ceux de vostre nation, a receu et porté plus de charge que le revenu du College ne portoit..

  A016003551 

 Et sur ce, nous raccomandans tres affectueusement a Voz Seigneuries, demeurons a icelles,.

  A016003557 

 Messieurs, en suivant le pouvoir que nous est octroyé par la [416] fondation, nous conformant aux conditions prescrites par icelle, avons esleu pour President, en la place de feu Bayus, sire Jean Massen, prebtre, licencié en la saincte Theologie, ayant l'espace de quatorze ans regenté louablement le Pedagoge de la Fleur de Lys, esperant qu'il donnera contentement a touts en la regence de nostre College de Louvain..

  A016003574 

 Des documents inédits et une interprétation exacte et rigoureuse des vieilles Chroniques de l'époque, nous permettent de présenter dans l'ordre des dates et dans leur suite naturelle, les événements qui introduisirent en France le premier essaim de la Visitation d'Annecy..

  A016003587 

 Les Chroniques nous parlent de sa grande piété, mais toutes aussi laissent comprendre que sa prudence n'égalait pas son esprit d'initiative et d'entreprise.

  A016003595 

 C'est François de Sales qui nous apprend cette curieuse particularité: «Au reste, ma chere Fille, celuy qui a destourné, ramene maintenant ses congregees a leur premier dessein.

  A016003595 

 «Ouy da, ma tres chere Fille,» répondit-il, «nous donnerons de bon cœur de nos Seurs de la Visitation pour «augmenter la gloire de Dieu.» Toute la lettre respire le sentiment joyeux de l'action de grâces.

  A016003597 

 Un récit plus circonstancié de la sainte Fondatrice complète les détails de ce fait merveilleux: «Nous avons appris de ma Sœur Colin,... que M. Fijean, à qui feu Monseigneur de Marquemont remit les lettres pour les porter au Roi afin qu'il les signât,» ayant «obtenu de Sa Majesté la permission que l'on demandait, comme il les présenta à mondit seigneur de Marquemont, l'on trouva le nom de Visitation au lieu de Présentation; de quoi Monseigneur l'Archevêque demeura fort surpris, et beaucoup plus, lorsqu'après avoir su dudit sieur Fijean qu'il avait présenté les lettres en la même forme qu'il les lui avait remises, et ne savait point la cause de ce changement, ni qu'il se fût fait, il voulut revoir celles qu'il avait écrites de sa main, et trouva le même mot de Présentation changé en celui de Visitation, sans qu'il apparût changement de caractère ni effaçure.» Alors, «l'on veid,» remarque la Mère de Chaugy, «que Dieu... avoit conduit l'esprit ou la main du secretaire, pour écrire ce qu'il avoit déterminé dans les conseils eternels de sa Providence.».

  A016003609 

 Et dautant que ceste bonne intention des exposantes ne peust sortir son effect sans nostre permission et l'impetration de noz Lettres pour ce necessaires, elles Nous auroient tres humblement faict supplier icelles leur octroyer, aux charges cy devant mantionnées.

  A016003609 

 Noz bien amées JANNE CHAPUYS, YSABEAU DANIEL, CLAUDINE CALLON et ANNE MARIE BELLET NOUS ont faict dire et remonstrer que pour le desir qu'elles ont du despuis long temps de vivre soubz quelque saincte Reigle, en servant et se vouant a Dieu, elles auroient choysi et esleu celle de la Congregation des filles dediées à Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION; en laquelle ayant resolu de passer le reste de leurs jours, elles se seroient addressées à nostre amé et feal l'Archevesque de Lyon, lequel approuvant leur bonne et devotte intention, leur aurait, sur la requeste qu'elles luy auroient presentée, promis, pour ce qui regarde sa dignité archepiscopalle, soubz nostre bon plaisir, de faire construire et eriger en nostre ville de Lyon, un Convent, dans lequel elles puissent vivre soubz les Constitutions qui leur seraient par luy ordonnées, conformement à ladicte Congregation, et a la charge d'y demeurer en perpetuelle closture, et ne demander, ny faire demander aucunnes aumosnes pour elles, ains de renter et dotter ledict Convent à proportion des Religieuses qui y seront receues, dont on luy feroit apparoir avant que aucune s'y renfermast, et à condition qu'elles seraient entierement, elles et leur Maison, soubz son regime et jurisdition, et de ses successeurs Archesvesques.

  A016003610 

 Sçavoir faisons que Nous, désirans subvenir ausdictes exposantes en cet endroict, et Nous rendre participans de leurs devotes prieres et oraisons pour la prosperité de cest Estat, de l'avis de la Royne Regente, nostre tres honnoré ( sic ) Dame et Mere, et de nostre propre mouvement, grace speciale, plaine puissance et autorité royalle: Avons permis et accordé, et comettons et accordons par ces presentes, signées de nostre main, ausdictes exposantes, de faire construire, bastir et ediffier, en nostre dicte ville de Lyon, un Convent de la Congregation des Sœurs dediées a Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION, au lieu et place qu'elles choisiront ou auront choysi [428] pour cet effect, à elles appartenant, moings incommode au publicq, et par l'advis du Gouverneur et des Prevost et Eschevins d'icelle ville, pour s'y r'enfermer et vivre le reste de leurs jours aux conditions qui leur ont estes prescriptes par ledict Archevesque de Lyon et soubz son auctorité et jurisdition; sans qu'elles puissent estre en ce que dessus, troublées ou empeschées par quelque sorte de personnes ou en quelque maniere que ce soit.

  A016003611 

 Et afin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, Nous avons faict mettre nostre séel à ces dictes presentes, sauf en autres choses nostre droict et l'auctruy en touttes..


17-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVII-Vol.7-Lettres.html
  A017000046 

 Dieu porte avec nous les charges imposées par l'obéissance.

  A017000104 

 — Gardons nos résolutions en cette vie mortelle, et elles nous conserveront en l'éternelle.

  A017000133 

 Vouloir les vertus selon que Dieu les veut de nous.

  A017000135 

 Pourquoi Dieu nous fait attendre la délivrance de nos imperfections.

  A017000149 

 « La plus favorable condition » que nous puissions attendre de la mort.

  A017000149 

 — Remercier Dieu quand il nous laisse ceux que nous aimons; acquiescer à sa volonté lorsqu'il nous les ôte. 146.

  A017000159 

 — Marie, morte d'amour, nous fasse vivre en l'amour! — Glorieuse date de la naissance de François de Sales.

  A017000270 

 Ilz ont deux grandes leçons le jour, ilz ont des compositions a faire, ilz ont des repetitions frequentes: ilz ont, a mon advis, tout ce quil faut, et beaucoup plus que nous n'avions de mon tems.

  A017000272 

 Dieu, a qui nous sommes, nous gardera et fera de plus en plus profiter en son saint amour et au veritable mespris de nous mesme..

  A017000288 

 En cette espece de manquemens, je prendray, sil vous plait, l'absolution de vous, que vous ne me refuseres point, en vertu de vostre courtoysie, que j'implore des maintenant, en attendant lhonneur de vostre praesence quand il vous plaira le nous donner.

  A017000306 

 Est-il possible que nous chantions eternellement le cantique de gloire au Pere, au Filz, au Saint Esprit? Ouy, l'ame de ma Mere le chantera es siecles des siecles.

  A017000307 

 Gloire soit au Pere, au Filz et au Saint Esprit, de l'assemblee qu'il a faite de tous ces cœurs pour son honneur; mais, helas! que de confusion pour le mien qui a si peu fidelement cooperé a une si sainte besoigne! Or sus, cette mesme tressainte Trinité, qui est une tres souveraine bonté, nous sera propice, et nous ferons des-ormais sa volonté.

  A017000321 

 Or sus donq, ma tres chere Mere, que j'ayme d'un amour vrayement filial, ramassons bien nostre esprit dans nostre cœur et le rangeons au devoir qu'il a d'aymer tres uniquement Dieu, et ne luy permettons aucun amusement frivole, ni pour ce qui se passe en ce monde, ni pour ce qui se passe en l'autre; mays, ayant departi aux creatures ce que nous leur devons d'amour et de charité, rapportons tout a ce premier amour magistral que nous devons au Createur, et conformons-nous a sa divine volonté..

  A017000334 

 Nous benirons aussi l'eau; mais vous ne me dites point a qui nous la donnerons..

  A017000334 

 Si nous sçavons le jour auquel la seur Gavent ira a Belloci, nous y ferons rencontrer des gens pour l'assister et voir l'affaire.

  A017000335 

 Nous verrons du maistre ce que c'en sera.

  A017000383 

 La passion, a l'abord, nous fait tous-jours desirer des vangeances; mais quand nous avons un peu de crainte de Dieu, nous n'osons pas les appeller vangeances, ains nous les nommons reparations..

  A017000385 

 Croyés moy, ma chere Fille, l'honneur des gens de bien est en la protection de Dieu, qui permet bien quelquefois qu'on l'esbransle pour nous faire exercer la patience, mais jamais il ne le laisse atterrer, et le releve soudain..

  A017000409 

 Pour Dieu, ma tres chere Mere, tenons nostre cœur en suavité, tous-jours inseparablement present a soy mesme, puisque l'extraordinaire unité dont Dieu l'a doué peut bien faire ce coup, et que la necessité du service de sa gloire requiert que nous employons cette grace a cela.

  A017000455 

 Nous vinsmes donq ce jour-la a Saint Prix, et tous-jours avec la bonne madame la Presidente [Le Blanc] qui m'ouvrit son cœur, autant que l'occasion le luy permit, fort franchement.

  A017000455 

 Si elle vient icy l'annee prochaine, comme elle en a fait le dessein, alhors nous aurons plus de moyens de la bien consoler.

  A017000472 

 Au reste, nous voyci dans la paix, graces a Dieu, que je supplie la vouloir rendre longue et heureuse.

  A017000472 

 Nous y avons perdu plusieurs braves gentilz-hommes savoyards, car nostre nation a esté la plus employee et s'est grandement signalee en cette occasion; de sorte que nous avons force vefves et orphelins, desquelz les vœux rendront la paix durable..

  A017000490 

 S'il persevere, nous aurons occasion de nous en contenter; s'il ne le fait pas, il faudra user de l'un de ces deux remèdes: ou bien le retirer dans un college un peu plus fermé que celuy ci, ou bien luy donner un maistre particulier, qui soit homme et auquel il rende obeissance.

  A017000491 

 Il ne se peut dire combien nous sommes grans amis, ni combien il me respecte: cela, avec un maistre particulier, suffira pour le bien conduire, si par adventure il ne perseveroit pas.

  A017000493 

 Nous avons la paix, graces a Nostre Seigneur.

  A017000507 

 J'espere neanmoins que le benefice de nature qu'ell'a eü apres une si longue retention, luy sera salutaire et que, moyennant les remedes que ce bon medecin, qui est fort experimenté, luy appliquera, le mal ne passera pas le septiesme, Dieu aydant, lequel nous prierons ardemment pour elle..

  A017000556 

 Seulement, je suis en peine de ce bon monsieur le president de Ressiguier, qui, comme homme de qualité, sil [35] demeure tant parmi nous, aura sans doute fort a faire a supporter nos bassesses et imperfections.

  A017000557 

 De l'autre projet, certes, je ne voy nulle apparence que nous employons nos filles pour les monasteres du Tiers Ordre, car nous n'en avons pas de reste de filles qui puissent servir de conductrices.

  A017000558 

 [Il m'est [36] avis que] ce seroit un bon expedient, que la Mere Elisabeth venant icy, amenast avec soy deux des plus capables de Tholouze et autres deux de Billon, qui, en quatre ou cinq moys, pourroyent estre suffisamment façonnëes pour retourner vers les autres et les mettre en train, avec l'assistence des lettres et des visites de monsieur l'Aumosnier ou de quelqu'autre avec lequel nous confererions; car en somme, je ne voy rien en cette ville que ma Seur de la Roche, pour le present, laquelle ne seroit encor peut estre pas bonne toute seule..

  A017000569 

 Ce ne sera pas sans parler de nostre bastiment d'Annessi avec ce bon Abbé, si toutefois l'arrivee du Pere General des [38] Feüillans qui, comme moy, y doit estre pour le jour de saint Bernard, ne nous occupe en d'autres affaires que vous sçavés.

  A017000569 

 Le bon Frere Adrien part d'icy avec moy; mais luy, ma tres chere Mere, pour aller ou vous estes, et moy pour aller en Abondance, ou vous n'estes pas encor, mais ou vous seres quand j'y seray, puisque Dieu a voulu que nous ne fussions qu'une mesme chose en luy.

  A017000569 

 Nous y aurons monsieur de Charmoysi, et la petite seur sera un peu mortifiee, qui me vouloit faire festin aujourdhuy.

  A017000610 

 Gardons bien que nostre cœur ne nous eschappe: Helas, dit David, mon cœur m'a laissé.

  A017000610 

 Mais jamais nostre cœur ne nous abandonne si nous ne l'abandonnons point; tenons le tous-jours en nos mains, comme sainte Catherine de Sienne, et saint Denys sa teste..

  A017000610 

 Mon Dieu, ma bonne Mere, que cette vie est trompeuse et que l'eternité est desirable! Que bienheureux sont ceux qui la desirent! Tenons nous bien a la main misericordieuse de nostre bon Dieu, car il nous veut tirer apres soy.

  A017000610 

 Ne nous empressons point, allons tout doucement, nous supportant les uns les autres.

  A017000623 

 Mais encor, Monseigneur, je ne puis me retenir que je ne tesmoigne la joye que je sens dequoy, parla venue de ces bons Peres en cette ville, nous verrons refleurir le saint service divin dans l'eglise de Saint Augustin, fondee par le fameux Amé, grand aïeul de Vostre Altesse, et en une ville honnoree de la naissance de cet excellent Serviteur de Dieu, le bienheureux Amé, duquel nous respirons la canonization avec des desirs nonpareilz, esperant que, par la publique invocation de son secours, nous obtiendrons la fin de tant d'afflictions, de pestes et tempestes, desquelles, despuis quelques annees, il a pleu a Dieu de visiter ce peuple..

  A017000660 

 Vous aures souvenance, je m'asseure, de la resolution que nous prismes, estant presque tous ensemble, de reserver une portion pour le pœnitentier de nostre cathedrale a la premiere vacance de quelque cure qui la pourroit porter; resolution juste, equitable et conforme au Concile.

  A017000661 

 Je sçai quil arrivera aussi quelque difficulté sur la [53] reception de monsieur Jay au concours, dautant que la rayson pour laquelle nous jugeasmes de le pouvoir excepter sans consequence de la regie des resignans leurs cures, semble manquer de fondement, puisque le bien publiq que nous desirions ne s'en est pas ensuivi.

  A017000674 

 Et ayant pensé, despuys que j'ay sceu plus particulierement quil estoit en estat de nous quitter bien tost, qui je pourrois rendre successeur en sa charge, en fin, apres plusieurs considerations, j'ay resolu de vous y appeller.

  A017000674 

 J'ay regretté des hier au soir la perte que nous avons faite, mon cher Frere, de nostre bon monsieur le [54] Vicaire, car j'en sceu la nouvelle par une lettre de monsieur le premier President.

  A017000674 

 L'amitié fraternelle que ce pauvre defunct nous portoit a tous, m'obligera a jamais de cherir et honnorer sa memoyre et de prier souvent pour son ame, comme j'ay fait des aujourdhuy.

  A017000674 

 Mays de cela, nous en parlerons a mon retour, Dieu aydant..

  A017000688 

 Je prevoy seulement qu'il nous faudra attendre que ces soupçons de contagion cessent, pour faire faire plus fructueusement la queste; ce pendant je feray faire les patentes requises..

  A017000699 

 C'est grand cas comme c'est une subtile tentation! Nous voulons garder la liberté de la proprieté, qui est contre la perfection, et ne voulons pas recevoir la liberté des communications, laquelle estant bien entendue, nous ayde a la perfection.

  A017000699 

 Nous treuvons des inconveniens ou les Saintz n'en treuvent point, et n'en treuvons point ou les Saintz en treuvent tant..

  A017000732 

 Nous nous sommes entretenus, le bon P. Commissaire et moy, ma tras chere Fille, et conspirerons a bien faire, Dieu aydant.

  A017000733 

 Nous avons, ce matin, espousé M. et M me de Monthouz, leur dispense estant venue en bonne forme.

  A017000734 

 La pauvre Seur de Brechard ne guerit point, nous tenant tous-jours entre l'esperance et la crainte.

  A017000765 

 C'est le seul sujet que j'ay maintenant, car pour le reste, a mesme que, graces a Dieu, nous sommes sans guerre, nous nous treuvons aussi sans nouvelles, hormis de nostre miserable [66] Geneve que la contagion afflige cruellement, sans qu'a 30 lieues a la ronde il y en ait aucun ressentiment; qui fait plus probable ce que plusieurs disent, qu'elle leur est venue par la puanteur de la foudre qui y tumba prodigieusement cet esté.

  A017000783 

 Ma tres chere Fille, moyennant l'ayde de Dieu, nous ferons prou; mais il faut, avec une courageuse humilité, rejetter toutes les tentations de desfiance en la tres sainte confiance que nous avons en Dieu, Certes, vous deves croire que cette charge vous ayant esté imposee par le choix de ceux a qui vous deves obeir, Dieu se mettra a vostre dextre et la portera avec vous, ains la portera, et vous aussi..

  A017000784 

 Mais ne vous estonnés point, faites cet office pour l'amour de ce Sauveur qui vous y a appellee; vous en serés deschargee quand il luy plaira, vous nous reviendres voir quand il en sera tems..

  A017000794 

 Il suffit que tous les chrestiens damnés ne le seroit (sic) pas si ilz mouroyent apres le Baptesme; mays Nostre Seigneur laisse ordinairement que les choses d'icy bas aillent leur cour (sic) ordinaire et que nous usions de nostre libre arbitre a nostre gré.

  A017000794 

 Que si nous en usons mal et que nous soyions treuvés en mauvais estat lhors que, par les causes naturelles, ....

  A017000794 

 [69] La question de M me de Mieudry et de vous est aysee a resoudre, mais il n'est pas si aysé d'appayser toutes les allegations et repliques qu'on a accoustumé de faire: c'est pourquoy je remettray cela pour quand nous aurons du loysir.

  A017000807 

 Au demeurant, nous avons eu icy le P. General des Feüillans, homme de grande vertu et sainteté, lequel, sur certain propos, me parlant de la Mere Isabeau, delaquelle vous m'escrivites il y a troys moys, m'a dit qu'on luy en avoit mandé des merveilles de Paris a Romme, d'ou il vient.

  A017000807 

 Cela me met fort en peine, car si elle vient icy avec ces especes de choses inconneües, en lieu de tirer de la consolation de nous, elle nous donnera fort a faire et nous tiendra empeschés a discerner si cela est saint, si ceci est faint, et troublera grandement la pauvre petite trouppe de colombes innocentes qui n'ont pretention a des choses si ravissantes.

  A017000903 

 Pauvres et chetifves creatures que nous sommes, en cette vie mortelle nous ne pouvons quasi rien faire de bon qu'en souffrant pour cela quelque mal; non pas mesme nous ne pouvons quasi pas servir Dieu d'un costé que nous ne le quittions de l'autre, et souvent il nous convient quitter Dieu pour Dieu, renonçant a ses douceurs pour le servir en ses douleurs et travaux..

  A017000905 

 Certes, pour moy, je suis en verité si parfaitement vostre, qu'a mesure que ces deux ou troys journees de distance semblent nous separer corporellement, de plus fort et avec plus d'affection je me joins spirituellement a vous, comme a ma Fille tres chere.

  A017000905 

 Mais avec tout cela, ma tres chere Fille, jamais nous ne nous pouvons quitter, nous que le propre sang de Nostre Seigneur, je veux dire son amour par le merite de son sang, tient collés et unis ensemble.

  A017000907 

 Dites-leur souvent, a ces saintz Anges: Seigneurs, comme ferons nous? Suppliés-les qu'ilz vous fournissent ordinairement les connoissances du vouloir divin qu'ilz contemplent, et les inspirations que Nostre Dame veut que vous recevies de ses propres mammelles d'amour.

  A017000908 

 La voyla maintenant a prier pour nous et pour vous specialement, puis qu'elle est trespassee vostre fille et sous vostre assistance..

  A017000917 

 Monsieur le Comte, pour dire ceci entre nous deux, est un petit fasché contre moy pour un sujet auquel je n'ay point de coulpe; mays sa bonté adoucira bien tout.

  A017000919 

 Il ne se peut dire combien Monseigneur de Lyon nous a rempli d'honneur, de devotion et de consolation..

  A017000934 

 Sur la recommandation qu'il a pleu a Vostre Altesse de me faire en faveur du sieur du Chatelard, qui me [83] tient lieu de commandement, j'eusse grandement desiré de le pouvoir prouvoir du benefice qu'il praetendoit; mays d'un costé, il n'estoit pas en moy d'en disposer, puisque le Chapitre de mon eglise en avoit la nomination, et d'autre part, tant ledit Chapitre que moy, ne pouvons en sorte quelcomque nous departir des ordonnances du Concile de Trente, que nous avons juré d'observer; et elles ne nous permetent pas de distribuer les benefices curés que par le concours au plus capable, et faysans le contraire, nous nous exposerions a la disgrace de Nostre Seigneur et a la damnation.

  A017000953 

 Nostre paix est fort entiere maintenant, graces a Dieu, que je supplie la nous vouloir conserver, et vous combler de toutes les faveurs celestes quil depart a ses plus grans serviteurs, tandis que sans fin je suis et seray inviolablement,.

  A017000995 

 Estant icy, je vous asseure que nous n'avons ni fait ni dit, non pas mesme pensé, aucun traitté, ni pour les choses du monde, qui, si je ne me trompe, nous sont a tous deux fort a degoust, ni pour les choses ecclesiastiques, n'ayans rien eu ni a demesler ni a mesler; mays seulement, purement et simplement, nous avons parlé des devoirs que nous avons au service de nos charges, de la façon des Offices ecclesiastiques et de telles choses entierement spirituelles..

  A017001028 

 Or sus, le monde sera tous-jours monde et mourra monde, et nous, ma Fille, nous serons tous-jours a Nostre Seigneur et vivrons a Nostre Seigneur..

  A017001039 

 Certes, et moy et tout, j'ay grand desir que nous nous voyons un peu; ce sera demain, Dieu aydant.

  A017001061 

 A cet effect, j'ay supplié monsieur de Montmeilleur de persuader a nostre seur de venir jusques en ces quartiers, comme pour voir sa fille, et estans ensemble, nous verrons ce qui se pourra et devra faire; puis, sil est expedient, j'iray a Chamberi.

  A017001061 

 Certes, aussi par un mesme moyen, je serois bien ayse si nous pouvions mettre bien cet enfant avec sa mere, a laquelle je souhaite une tres douce paix pour la consolation du reste de sa vie.

  A017001061 

 Mays je tarde d'aller a Chamberi, pour voir si nous pourrions accomoder a l'amiable le différend criminel qu'elle et messieurs ses enfans ont avec Charriere, par ce qu'au prealable, je voudrois [97] qu'entre nous autres nous eussions pris les resolutions convenables a cela, affin qu'a faute de ce, je ne fusse pas contraint de demeurer longuement a Chamberi, ou je ne puis guere estre sans incommoder mes affaires.

  A017001063 

 Le premier President de Tholose m'escrit affin que [99] nous envoyons des Seurs de la Visitation la, en un monastere tout basti, qui a cousté cent mille francz, et dix sept filles qui attendent les nostres pour estre instruites.

  A017001074 

 Dores en avant, quand nous n'en aurons point icy, nous envoyerons a Chamberi, car la elles ne manquent jamais.[100].

  A017001074 

 Il est vray, ma tres chere Fille, nous avons bien tardé a vous escrire.

  A017001076 

 Graces a Dieu, nous voyons que sa divine Providence s'en veut servir pour le bien de plusieurs ames en divers endroitz, ou l'on desire cette Congregation, laquelle par miracle est fœconde, ce semble, au propre instant de sa naissance.

  A017001081 

 Je dis a nostre Seur de Gouffie que je voulois meshuy m'essayer de donner de la generosité a la devotion de nos Seurs, et en oster la tendreté que l'on a souvent sur soy [102] mesme, cette petite doüilleterie qui oste le repos et nous fait desirer des particularités spirituelles et interieures, nous fait excuser nos humeurs et flatter nos inclinations.

  A017001081 

 Or je ne doute point que Dieu ne vous donne les mesmes sentimens, puisque vous estes un seul esprit avec tous nous..

  A017001102 

 L'excuse aussi n'estoit pas bonne de dire: Je n'ay pas des mammelles, je n'ay point de lait; car ce n'est pas de nostre lait ni de nos mammelles que nous nourrissons les enfans de Dieu; c'est du lait et des mammelles du divin Espoux, et nous ne faysons autre chose sinon les monstrer aux enfans et leur dire: Prenes, succes, tires et vives.

  A017001114 

 Pleust a Dieu, Monsieur, qu'ilz eussent esté auditeurs des discours de Monseigneur de Lion et de moy! et ilz auroyent veu et sceu que nous n'avons pas, que je sçache, dit une parole qui ne tende a l'advancement de la gloire de Dieu dans nos troupeaux; et nous estimons les discours des capitaines et soldatz indignes d'occuper le tems des Pasteurs de la bergerie du Dieu vivant..

  A017001115 

 Nos visites ont esté, a la verité, pour une affaire d'Estat; a sçavoir, pour l'estat que nous devons constamment establir en la republique de nostre petite Congregation de la Visitation.

  A017001115 

 Si nous avons mal fait, [107] traittant cela, nous sommes coulpables; sinon, l'on nous fait tort.

  A017001127 

 A quoy je respondis que le sujet de cette venue n'estoit qu'une simple visite, laquelle ce Praelat avoit projettee des son advenement en la charge qu'il tient, comm' il m'escrivit des l'hors, et que nous n'avions traitté de chose quelcomque sinon de ce qui appartient a la devotion et conduite spirituelle des ames.

  A017001127 

 Il y a un moys que monsieur le Marquis de Lans m'escrivit de la part de Vostre Altesse, que je luy fisse sçavoir les sujetz pour lesquelz Monseigneur l'Archevesque de Lion estoit venu en cette ville et les particularités de ce que nous avons traitté ensemble.

  A017001128 

 Et neanmoins, monsieur le Marquis de Lans m'a escrit pour la seconde foys, que j'aye a luy descouvrir dequoy [108] nous avons traitté, ce Prælat et moy.

  A017001159 

 Et puisqu'elle ne peut pas aller a La Thuille, pour peu qu'elle nous en donne la commodité, nous ferons venir une partie de La Thuille icy; et je dis une partie, par ce que le petit enfant, qui est le plus beau garçon du monde, n'a garde de vouloir venir en ce tems..

  A017001198 

 Mais ces grandes festes nous imposent silence, d'autant que d'elles mesmes elles retentissent et parlent divinement du mystere qu'elles nous representent..

  A017001224 

 Or, perseverés es saintes resolutions que nous avons prises: tenes vostre ame nette, esleves souvent vostre [119] cœur, occupes le en la lecture des bons livres, ne demeures point oyseux, ains faites tous-jours quelques bonnes besoignes, ou corporelles ou spirituelles.

  A017001294 

 [125] Il est bon que nous ne soyons pas tous-jours attachés aux mammelles de nostre Dieu et que nous soyons un peu sevrés de sa douceur..

  A017001315 

 Bonne et tres sainte annee a ma tres chere Mere de la part de son filz, qui luy souhaitte l'abondance de la grace du Pere eternel, de la paix du Filz circoncis et de la consolation du Saint Esprit, dediant avec ce mesme cœur de ma tres chere Mere, le mien comme le sien a la gloire de la divine Bonté, et luy consacrant tous les momens de cette nouvelle annee pour faire une entiere circoncision de ce mesme cœur, et l'appliquer a recevoir purement et parfaittement l'amour sacré que le celeste et divin nom de JESUS nous annonce escrit en sang sur la sainte humanité du Sauveur..

  A017001317 

 C'est a dire, ma chere Mere, tenons nos yeux en Jesus Christ pour le considerer, nostre bouche pour le louer, et qu'en fin tout nostre visage ne respire que d'aggreer a celuy de nostre cher Jesus; Jesus pour lequel il nous faut humilier, entreprendre, travailler, souffrir et devenir, comme dit saint Paul, des brebis conduites a la boucherie, quand il plairoit a sa divine Majesté de nous rendre deshonnorables pour son honneur et gloire..

  A017001332 

 En ces momens, pourtant, comme dans un petit noyau, est enclose la semence de toute l'æternité, et en ces menus travaux de la devotion que nous devons prattiquer est enfermé le prix de l'infinité de la gloire, et ce petit soin de servir Dieu produit le repos d'une joye perdurable.

  A017001332 

 Qu'a jamais le sang du Sauveur soit beni, qui nous a rendu le salut si aysé!.

  A017001332 

 Tenes vos yeux arrestés a cette sainte eternité [129] a laquelle nous allons par la course de ces annees, qui, passant, nous passent comme de poste en poste, jusques a cette fin-la.

  A017001355 

 Nous oyons parler de paix, et sentons tous-jours les effectz de la guerre.

  A017001383 

 Je ne vous puis dire autre chose sur ce que vous m'escrives, sinon que Dieu fera plus que les hommes ne peuvent penser pour cette Congregation, et spirituellement et temporellement; et n'en avons nous pas d'asses bons gages jusqu'a present?.

  A017001384 

 Il le fera, ma Fille vrayement chere et bienaymee, n'en doutes point; mais resveillés souvent les saintes affections et resolutions que nous avons prises..

  A017001386 

 O que cet amour est doux, qui nous fait aspirer les uns pour les autres au Ciel!.

  A017001396 

 Nous nous verrons quand il plaira a Nostre Seigneur vous [135] en donner la commodité, et a moy cette particuliere consolation..

  A017001397 

 Je ne sçai si nous pourrions avoir quelque Jesuite de Chamberi; j'en escriray demain un mot au P. Recteur.

  A017001397 

 Si moins, nous en prendrons icy quelqu'un, car nous en avons d'asses bons, pourveu qu'on ne fust pas si douillet comme l'on est en ce tems, auquel tant de gens sçavent bien dire et fort peu bien faire..

  A017001424 

 Or, mon sentiment estoit quil se feroit mieux en tiltre de simple Congregation, ou la seule charité et crainte de l'Espoux serviroit de clausure, avec la retraitte que la bienseance de telles assemblees requiert, ainsy que nous l'avions mise es Regles.

  A017001425 

 La Regie de saint Augustin est beaucoup plus douce que les nostres, soit pour la clausure, soit pour tout le reste; de sorte que, gardans nos Regles, nous ferons plus que saint Augustin n'ordonne, et le tiltre de la Regie saint Augustin honnorera nos Regles sans y rien adjouster..

  A017001448 

 Nous prierons a cett'intention; et je m'en vay aujourd'huy a Mionnaz, d'ou je repasseray vers vous tout en passant, au retour, affin de visiter vostre malade, et rendray par mesme moyen le compliment avec M. le Comte qui est gueri.

  A017001474 

 En verité, il faut ayder M. Guydeboys affin quil ayt sa pension tant que nous pourrons, car le pauvre homme seroit miserable sans cela et auroit grand sujet de se plaindre; et vous pouves penser de quel air il le feroit, puisque il le fait des a present avec un'extreme doleance.

  A017001475 

 Les sentimens de l'absence du defunct ne peuvent pas si tost passer; il suffit que, en la pointe de l'esprit, nous soyons bien resignés au bon playsir de Dieu, et que nous taschions de nous unir de plus en plus parfaitement au second Espoux.

  A017001477 

 Nous avons un brave prædicateur, je m'en res-jouis [145] grandement.

  A017001477 

 Or bien, nous sommes apres a donner un fort bon coadjuteur au curé, et alhors tous ces inconveniens cesseront..

  A017001491 

 Il faut estre ce que Dieu veut que nous soyons: foibles, vilz, abjectz, mais siens de cœur, d'intention et de resolution.

  A017001493 

 Il faut avoir patience, et prier Dieu quil nous face tous humbles, affin que, [148] comme vaysseaux bien profons, nous soyons capables de recevoir ses graces en abondance..

  A017001493 

 Je considere les caprices des hommes sur le sujet du bon M. de Valence: nous l'escoutons icy de tres bon cœur, et moy, qui ay plus estudié en theologie que tous ceux de Rumilly ensemble, je treuve qu'en verité il presche bien et utilement; on seroit bien ayse en des plus grandes villes de l'avoir.

  A017001570 

 Il y a deux ans que par commandement de Vostre Altesse les Peres Barnabites ont esté receus en cette ville pour la direction du college, et ne se peut dire combien de fruit spirituel ilz y ont fait et en toute cette province; qui a donné un grand sujet aux gens de [153] bien de souhaiter plus ardemment toute sorte de prosperité a Vostre Altesse, de laquelle l'authorité nous avoit prouveus de ce bonheur..

  A017001572 

 Or, les moyens de leur accommodement seront fort aysés, pour peu quil playse a Vostre Altesse d'affectionner cette sainte œuvre; car nous avons icy deux prieurés ruraux, dont le plus grand n'excede pas la valeur de cent ducatz annuelz, par l'union desquelz ce college seroit fort soulagé.

  A017001604 

 Ici, en particulier, le jour de sa fête, Monseigneur l'Archevêque de Lyon qui m'avait favorisé de sa visite, prononça le sermon dans l'église de nos Pères Barnabites avec une telle éloquence apostolique, que tous nous en demeurâmes ravis de douceur et suavité; l'on ne saurait dire avec quelle satisfaction furent écoutées les louanges de ce Saint.

  A017001616 

 En terre, il faut tous-jours combattre entre la crainte et l'esperance, a la charge que l'esperance soit tous-jours plus forte, en consideration de la toute puissance de Celuy qui nous secourt..

  A017001616 

 L'amour propre, l'estime de nous mesmes, la fause liberté de l'esprit, ce sont des racines qu'on ne peut bonnement arracher du cœur humain, mais seulement on peut empescher la production de leurs fruitz, qui sont les pechés; car leurs eslans, leurs premieres saillies, leurs rejetons, c'est a dire leurs premieres secousses ou premiers mouvemens, on ne peut les empescher tout a fait tandis qu'on est en cette vie mortelle, bien qu'on puisse les moderer, et diminuer leur quantité et leur ardeur par la prattique des vertus contraires, et sur tout de l'amour de Dieu.

  A017001616 

 Le repos est reservé pour le Ciel, ou la palme de victoire nous attend.

  A017001644 

 Au reste, ma pauvre tres chere Fille, entre les ennuys que vostre imagination vous fournit, jettes souvent vostre cœur entre les bras du cher Espoux nouveau; attachés vous comme un'esclave d'amour au pied de sa sainte Croix, et souvienne vous que bienheureux sont ceux qui n'ont rien, pourveu qu'ilz ayent ce grand Tout hors lequel tout n'est rien pour nous..

  A017001646 

 Nous parlons souvent, nostre Mere et moy, de vous; ell'a un amour nompareil.

  A017001660 

 Ah, que c'est une rare grace, ma chere Fille, de commencer a servir ce grand Dieu tandis que la jeunesse de l'aage nous rend susceptibles de toutes sortes d'impressions, et que l'offrande est aggreable, en laquelle on donne les fleurs avec les premiers fruitz de l'arbre!.

  A017001671 

 Je ne voy pas pour le present que j'aye a vous dire autre chose, sinon que lhors que nous nous reverrons, vous me dires comme vous vous seres conduitte en ce chemin de devotion; et s'il y a quelque chose a adjouster, [168] je le feray.

  A017001685 

 Nostre voyage sera court, et nous serons eternellement au Ciel et benirons Dieu..

  A017001716 

 Mays puis que cela n'a pas esté fait, je veux esperer en la bonté et equité de Vostre Altesse, que nous ne serons pas laissés en oubli pour la distribution des medailles.

  A017001885 

 Je receu l'autre jour une lettre de monsieur le Marquis d'Aix, par laquelle il me dit que le sieur Charriere se resoult a vous rendre toutes les satisfactions possibles, telles qu'elles seront advisees par ceux qui prendront la peine de vouloir terminer l'affaire; et que sur cela, il vous avoit fait prier de vouloir ouïr les propositions, selon que je luy avois fait entendre que vous les ouïries, et feries ce que vos principaux parens et amis vous conseilleroyent; qui est, a mon advis, ce que nous resolusmes lhors que nous eusmes le bien de vous voir.

  A017001899 

 C'est un cœur qu'il nous a fait, unique en esprit et en vie..

  A017001907 

 Demain je vay consoler madame la Comtesse de Tornon sur le trespas de son mari, y estant obligé par le parentage qui est entre nous et par les obligations que j'ay a la memoire du decedé.

  A017001910 

 Par exemple, nul serviteur de Dieu ne peut estre sans ce desir: O que je desirerois bien de mieux servir Dieu! helas! quand le serviray-je a souhait? Et par ce que nous pouvons tous-jours aller de mieux en mieux, il semble que les effectz de ces desirs ne sont empeschés que faute de resolution; mays il n'est pas vray, car ilz sont empeschés par la condition de cette vie mortelle, en laquelle il ne nous est pas si aysé de faire que de desirer.

  A017001913 

 Car, ma tres chere Fille, de vouloir pour ces sales representations quiter la meditation de la Mort et Vie de Nostre Seigneur, ce seroit faire le jeu de l'ennemi, qui tasche par ce moyen de nous priver de nostre plus grand bonheur.

  A017001915 

 A Dieu, ma tres chere Fille, a Dieu soyons nous eternellement pour l'aymer et benir sans cesse..

  A017001936 

 Vous pouves penser si ce seroit mon inclination; mays a loysir nous en resoudrons.

  A017001967 

 Les graces que la bonté de Vostre Altesse nous a faites me donnent confiance d'en requerir tous-jours des nouvelles, puisque mesme elles tendent toutes a la gloire de Dieu, que vostre pieté ne se lasse jamais de servir et accroistre.

  A017002004 

 Nous avons en cette ville d'Annecy une très dévote et vraiment très sainte Congrégation de femmes, veuves et vierges, qui pour la plupart sont de très noble extraction, non seulement de la Savoie, mais encore de Bourgogne et de France.

  A017002010 

 Je prends toutes ces mesures parce que M. Philippe de Quoex, [203] qui obtint ces Indulgences, nous manda de Rome qu'il était très difficile d'en obtenir d'autre façon.

  A017002024 

 Mays, que sont ces vertus de l'esprit, ma chere Fille? C'est la foy, qui nous monstre des verités toutes relevees au dessus des sens; l'esperance, qui nous fait aspirer a des biens invisibles; la charité, qui nous fait aymer Dieu plus que tout et le prochain comme nous mesmes, d'un amour non sensuel, non naturel, non interessé, mays d'un amour pur, solide et invariable, qui a son fondement en Dieu..

  A017002025 

 Voyes vous, ma Fille, le sens humain appuyé sur la chair fait que maintes fois nous ne nous abandonnons pas asses entre les mains de Dieu, nous estant advis que, puisque nous ne valons rien, Dieu ne doit tenir conte [205] de nous, parce que les hommes qui vivent selon la sagesse humaine mesprisent ceux qui ne sont point utiles; au contraire, l'esprit appuyé sur la foy s'encourage emmi les difficultés, parce qu'il sçait bien que Dieu ayme, supporte et secourt les miserables, pourveu qu'ilz esperent en luy.

  A017002028 

 Ma chere Fille, vivre selon l'esprit, c'est faire les actions, dire les paroles et faire les pensees que l'esprit de Dieu requiert de nous.

  A017002028 

 Vivre donq selon l'esprit, c'est faire ce que la foy, l'esperance et la charité nous enseignent, soit es choses temporelles, soit es choses spirituelles..

  A017002061 

 Dieu fera son ouvrage et en fin, avec sa grace, nous le servirons tous un jour fidelement..

  A017002061 

 Nous parlerons, si vous venes, de la chere fille.

  A017002091 

 Quand sera ce que nous serons tous destrempés en douceur et suavité envers nostre prochain? Quand verrons-nous les ames de nos prochains dans la sacree poitrine du Sauveur? Helas! qui regarde le prochain hors [213] de la, il court fortune de ne l'aymer ni purement, ni constamment, ni esgalement; mays la, mays en ce lieu la, qui ne l'aymeroit? qui ne le supporteroit? qui ne souffriroit ses imperfections? qui le treuveroit de mauvaise grace? qui le treuveroit ennuyeux? Or, il y est ce prochain, ma tres chere Fille, il y est dans le sein et dans la poitrine du divin Sauveur; il y est comme tres aymé et tant aymable, que l'Amant meurt d'amour pour luy, Amant duquel l'amour est en sa mort et la mort en son amour..

  A017002102 

 Ces renoncemens sont admirables: de sa propre estime, mesme de ce que l'on estoit selon le monde (qui n'estoit en verité rien, sinon en comparayson des miserables), de sa propre volonté, sa complaysance en toutes creatures et en l'amour naturel, et en somme tout soy mesme, qu'il faut ensevelir dans un eternel abandonnement, pour ne le voir ni sçavoir plus comme nous l'avons veu et sceu, ains seulement quand Dieu le nous ordonnera et selon qu'il le nous ordonnera.

  A017002103 

 Car je suis sien ici et la, ou je suis en vous, comme vous sçaves, tres parfaitement; car vous m'estes indivisible, hormis en l'exercice et prattique du renoncement de tout nous mesmes pour Dieu.

  A017002110 

 Il faut donq demeurer a jamais toute nue, ma tres chere Mere, quant a l'affection, bien qu'en effect nous nous revestions; car il faut avoir nostre affection si simplement et absolument unie a Dieu, que rien ne s'attache a nous.

  A017002124 

 Ne penses plus ni a l'amitié ni a l'unité que Dieu a faite entre nous, ni a vos enfans, ni a vostre cors, ni a vostre ame, en fin a chose quelcomque; car [218] vous aves tout remis a Dieu.

  A017002125 

 Je sens insensiblement au fond de mon cœur une nouvelle confiance de mieux servir Dieu en sainteté et justice tous les jours de ma vie; et si, je me treuve aussi nu, graces a Celuy qui est mort nu pour nous faire entreprendre de vivre nus.

  A017002132 

 Or sus, nous en parlerons.

  A017002141 

 Alles bien simplement en cette croyance, et salues souvent le cœur de ce divin Sauveur qui, pour nous tesmoigner son amour, s'est voulu couvrir des apparences de pain, affin de demeurer tres familierement et tres intimement en nous et pres de nostre cœur..

  A017002141 

 Mays neanmoins, ce divin Sacrement est principalement institué affin que nous receussions le cors et le sang de nostre Sauveur, avec sa vie vivifiante: comme les habillemens couvrent principalement le cors de l'homme, mais parce que l'ame est unie au cors, ilz couvrent par consequent l'ame, l'entendement, la memoire et la volonté.

  A017002153 

 Ma tres chere Fille, que nous serons heureux si nous sommes fideles! Man ame salue cordialement vostre esprit, que Dieu benisse de sa tressainte main.

  A017002207 

 Je ne pense pas quil fust a propos de faire cette premiere veuë ainsy courtement, outre que ces filles ne font quasi que de partir d'icy, ou elles ont demeuré 15 jours, et chacun voudroit sçavoir le pourquoy de leur retour; et puisque vous reviendres icy bien tost, nous en parlerons avec la Mere, et on verra ce qui sera plus expedient..

  A017002259 

 Ce pendant, escrives moy vostre conception, affin que je face repartir le laquay, lequel est arrivé tandis que j'estois occupé parmi cetté bonne compaignie que nous avons eu a disner..

  A017002291 

 Nous vous attendrons donq dans dix ou douze jours, et nos cheres Seurs, que je salue de tout mon coeur..

  A017002298 

 Si monsieur Rigaud veut absolument venir, nous le traitterons avec tout le cœur, car en verité, il m'oblige fort.

  A017002333 

 Nous avons, tant ici qu'à Lyon, deux Congrégations de vierges [239] et de veuves qui, bien que méritant plus exactement le nom d'Oblates que celui de Religieuses ou de Moniales, ne laissent pas de pratiquer très saintement la chasteté et la céleste pureté, d'embrasser en toute simplicité l'obéissance et de suivre très religieusement la pauvreté.

  A017002334 

 Or, il n'y a pas bien longtemps, étant allé saluer M gr le Révérendissime Archevêque de Lyon, et nous étant tous deux entretenus de l'état de nos affaires ecclésiastiques, la conversation tomba, entre autres choses, sur ces deux Congrégations de femmes, qui sont en si bonne odeur dans l'un et l'autre diocèse, qu'il semblerait de toute importance de leur donner une constitution régulière..

  A017002335 

 Ainsi fut-il donc décidé entre nous.

  A017002335 

 Et nous étant mis à l'œuvre, ce fut merveille que la douce et facile inclination de cœur vers l'obéissance que nous rencontrâmes chez les Sœurs..

  A017002336 

 Or, ces particularités sont de telle nature, qu'à mon avis, elles ne s'opposent nullement à la clôture et à l'état religieux des Instituts de femmes, et que, si nous en croyons les gens les plus au courant de notre situation en France, elles y auraient pour effet, non d'amoindrir la piété, mais plutôt de l'exciter grandement..

  A017002339 

 L'obéissance et la clôture presque complète à laquelle ces veuves s'astreignent (car à peine leur arrive-t-il de sortir une ou deux fois par an pour régler leurs affaires domestiques), nous autorisent à croire que la pratique dont nous parlons, loin d'avoir des inconvénients, offre au contraire plusieurs avantages.

  A017002340 

 Outre les veuves dont nous venons de parler et qui se proposent sincèrement de renoncer au siècle, il leur arrive aussi d'admettre des femmes engagées dans les liens du mariage, qui, voulant entreprendre une vie nouvelle dans le Christ, et faire, avec la préparation de quelques exercices spirituels, ce qu'on appelle une confession générale, ont besoin de se retirer pour plusieurs jours en quelque lieu éloigné des bruits du monde.

  A017002374 

 Nous possédons ici une Congrégation de veuves et de vierges qui, bien qu'elles semblent être en vérité plutôt des Oblates que des Moniales proprement dites, respirent pourtant une telle piété, que je ne crains pas d'en dire ce que saint Grégoire de Nazianze affirmait jadis de leurs pareilles: N'ayant dans mon diocèse qu'un petit nombre de ces femmes, je suis tellement fier et joyeux de posséder ces célestes et très belles étoiles du Christ, que, pour l'excellence de la vertu, je ne redouterais pas la comparaison de ma petite troupe avec d'autres bien plus nombreuses..

  A017002393 

 La longueur du tems que monsieur vostre pere a vescu et les dernieres langueurs qui vous ont, il y a quelque tems, annoncé son trespas et menacé de son absence future, vous auront donné sujet de vous resoudre en la perte du bonheur que vous avies de le sentir encor [254] en ce monde; car en somme, puisque nul n'est exempt de la mort, la plus favorable condition que nous puissions avoir d'elle, c'est quand elle nous laisse longuement jouïr de ceux a qui nous appartenons..

  A017002482 

 Encor qu'en l'assemblee que nous avons tenue maintenant, le different que nous avons n'ayt pas esté du tout terminé, si est ce toutefois que l'accommodement en a esté tellement acheminé, qu'il sera aysé, au premier rencontre, de le parachever, ainsy que monsieur Pergod et le sieur Enpio vous en feront plus amplement le [265] recit.

  A017002501 

 Nous avons icy M, de Charmoysi et M. de Vallon, et sommes grandement embarassés de ces troubles.

  A017002503 

 Dieu nous veuille donner l'esprit de son saint et pur amour.

  A017002518 

 Despuis, comme vous aves sceu, Monseigneur le Prince vint icy, a la bonté duquel je suis infiniment obligé, et avec tout le reste du païs je dois mille et mill'actions de graces a la divine Providence qui nous a donné un homme tant plein de vertu et de benedictions pour dominer un jour entre nous.

  A017002533 

 Ah! veuille cette Sainte Vierge nous faire vivre, par ses prieres, en ce saint amour! Qu'il soit a jamais le tres unique objet de nostre cœur; que puisse nostre unité rendre a jamais gloire a l'amour divin, qui porte le sacré nom d'« unissant.

  A017002537 

 ainsy que nous dirons Dimanche, jour auquel je nasquis, avec cette gloire que ç'a esté entre les octaves de cette grande Assomption.

  A017002538 

 Oh, quelle perfection toute souveraine de cette colombe, au prix de laquelle nous sommes des corbeaux! Helas! parmi le deluge de nos miseres, j'ay souhaitté qu'elle treuvast le rameau de l'olive du saint amour, de la pureté, de la douceur, de l'orayson, pour le rapporter en signe de paix a son cher Colombeau, a son Noé..

  A017002549 

 Nous avons icy despuis trois jours Monseigneur le Prince de Piemond, qui me fit lhonneur de venir descendre chez moy tout a l'improuveu, estant venu par les postes, luy septiesme; despuys, il a esté logé au chasteau.

  A017002619 

 Mays j'apprens par lettres venues de Lyon, que vous estes malade, et un peu mesme estonnee de n'avoir pas [277] treuvé les choses en si bons termes comme nostre desir nous le faysoit imaginer.

  A017002620 

 Mais il faut que je vous die naïfvement ce que je crains plus que tout en cette occurrence: c'est la tentation des aversions et repugnances entre vous et nostre [Sœur des Gouffiers], car c'est la tentation qui arrive ordinairement es affaires qui dependent de la correspondance de deux personnes; c'est la tentation des anges terrestres, puisqu'elle est arrivee entre les plus grans Saintz, et c'est nostre imbecillité, de tous tant que nous sommes enfans d'Adam, qui nous ruine, si la charité ne nous en [278] delivre.

  A017002658 

 Nous ferons parler aux scindiques, ma chere Mere; car, quant a Son Excellence, il ne faut pas, en cette [282] presse, l'incommoder.

  A017002670 

 Nous sommes a la veille de recevoir bravement nos ennemis, silz sont resolus, comm' on nous menace, de venir a nous, et esperons que Dieu regardera nostre innocence.

  A017002670 

 On ne laisse pas pourtant de travailler a la reunion des Princes, sous le credit desquelz on nous dit que tout ce malheur nous est preparé.

  A017002671 

 Dieu, par sa bonté, nous veuille donner sa tressainte paix, et vous conserver a longues annees, Monseigneur, a qui je suis,.

  A017002699 

 Si vous juges avec le P. Recteur quil soit expedient que vous venies vous mesme, nous vous verrons, et parlerons plus clairement des raysons que nous avons de ne vouloir pas meshuy multiplier les familles de cette Congregation, jusques a ce que nous ayons des meres de famille convenables.

  A017002717 

 Les aversions et repugnances dequoy on nous escrit nous exercent un peu.

  A017002717 

 Nous desirons du support en nos miseres, que nous treuvons tous-jours dignes d'estre tolerees; celles du prochain nous semblent tous-jours plus grandes et pesantes..

  A017002719 

 Ma tres chere Fille, vous estes la fille de mon cœur, et je ne laisseray jamais de souhaiter que vous soyes la fille du cœur de Dieu, qui nous a donné des cœurs affin que nous fussions ses enfans, en l'aymant, benissant et servant es siecles des siecles..

  A017002784 

 Je vous supplie de me faire la charité que je puisse avoir la lettre que Son Altesse a accordee au Vice Legat d'Avignon, en recommandation de l'affaire que la Sainte Mayson de Thonon, mon Chapitre et moy y avons, sur le sujet des places du college d'Annessi, ou de Savoye, fondé audit Avignon, qui appartient a la nation de Savoye, affin que nous soyons remis en possession de les avoir.

  A017002785 

 Je vous envoyeray le Memorial, et M. Boschiz me fit la faveur de me promettre l'expedition de ladite lettre, laquelle nous desirons avoir, affin de faire partir au plus tost le personnage que nous envoyons pour faire la sollicitation..

  A017002799 

 Ce clergé s'est accommodé avec toute sorte d'humilité et de respect a ce qu'il a pleu a Vostre Altesse de me commander, marris que nous sommes tous de ne pouvoir asses dignement tesmoigner l'infinie affection que nous [295] avons a son service.

  A017002799 

 Dieu neamoins la sçait, et la void es continuelz souhaitz que nous faysons, affin quil luy playse de combler Vostre Altesse de prosperité, et sur tout que sa dilection regne a jamais au milieu de vostre cœur..

  A017002843 

 Vous sçaures par ce porteur que toute l'affaire icy avance; il nous faut changer de methode et recourir a Romme, ou il va luy mesme en qualité de deputé du college.

  A017002844 

 Reste que monsieur Boschiz nous gratifie aussi de son assistance, laquelle je requiers par vostre entremise, le saluant humblement de tout mon cœur; car, quant a vous, Monsieur, je ne veux pas, en cett' occasion, employer mes prieres pour impetrer vostre courtoysie, sçachant que l'amour du bien de la patrie vous donnera asses d'affection.

  A017002855 

 Deux motifs m'ont porté, avec tout ce clergé, d'accorder sans scrupule l'ayde et secours de moyens que Son Altesse a desiré de nous.

  A017002855 

 L'un a esté, que il y a environ sept a huit ans, que Sa Sainteté accorda a sadite Altesse la decime de six ans sur le clergé de ses Estatz, de laquelle comme Son Altesse n'a rien exigé, aussi ne nous l'a elle pas encor quitté; de sorte qu'a bon compte nous luy donnons celle ci, bien que nous ne l'ayons pas fait sonner, de peur que cela n'esmeut les humeurs de messieurs les financiers de vouloir ci apres exiger le reste, car ce sont des gens grandement esveillés pour telles occasions..

  A017002856 

 Azor, Jesuite, lib. V Institutionum moralium, c. 13, § « Octavo quæritur, » qu'il faut lire et peser, car il nous a semblé qu'il parloit en nostre propre cas.

  A017002857 

 Voyla donq nos fondemens, sur lesquelz nous avons accordé, contre nos propres commodités, ce que Son Altesse desiroit, et moy le premier ay payé ma quote en blé, quoy que je n'abonde pas..

  A017002858 

 Pour le reste, je ne manqueray pas de rendre aupres de Monseigneur le Prince, tesmoignage de l'estime que j'ay tous-jours faite de la grandeur de vostre vertu, lhors [301] que nous aurons le bien de l'approcher; car je suis d'un cœur entier, Monsieur,.

  A017002872 

 Je me suis advisé des hier qu'il sera bon que, venant a Sainte Claire, devant et apres vous venies vous chauffer avec nous, et disner, et tout; car cela nous fera grand bien a tous, et de mesme quand vous viendres voir la mayson.

  A017002873 

 Je prie Nostre Seigneur que, de plus en plus, il nous fortifie en la resolution de ne vivre que pour son tressaint amour.

  A017002881 

 Dieu, par sa bonté, nous [303] donne une vraye paix, en laquelle il soit servi et honnoré d'un chacun..

  A017002881 

 Il y a troys jours que l'on nous parle de cet accommodement, et chacun l'accommode a sa guise et selon que la preoccupation des affections suggere.

  A017002902 

 Je ne doute point qu'il ne se passe des aversions et repugnances en vostre esprit; mays, ma tres chere Fille, ce sont autant d'occasions d'exercer la vraye vertu de douceur; car il faut faire bien, et saintement, et amoureusement ce que nous devons a un chacun, quoy que ce soit a contrecœur et sans goust..

  A017002905 

 Je voudrois bien sçavoir qui sont ces curés desquelz on murmure contre moy et mon frere; car, tant qu'il nous sera possible, nous tascherons de remedier aux desordres, s'ilz se treuvent.

  A017002982 

 Mays je chercheray tant, que nous la treuverons, puis que jamais je n'ay perdu aucun papier d'importance..

  A017002984 

 Nous avons eu icy madame de Blonnay qui estoit venue voir sa seur, et s'en est retournee aujourdhuy..

  A017003001 

 Estant obligé de souhaiter l'advancement aux lettres et a la vertu de Nicolas Grillet, qui m'appartient en parentage, et le voyant maintenant sur les rangs pour entrer au cours de la sainte theologie, je supplie vostre charité de luy estre propice et l'assister de vostre soin et faveur speciale, affin quil puisse reuscir tel que nous desirons le voir un jour, propre a servir Dieu et la sainte Eglise en ce diocese, ou il importe tant, a cause du voysinage..

  A017003056 

 Hier nous commençames a confesser quinze ou vingt dames, tres devotes pour la plus part, et j'entrevoy, ce me semble, un peu de fruit pour le Caresme.

  A017003111 

 Je suis consolé d'avoir vostre sainte Paule vefve pour patronne; Dieu nous face la grace de bien imiter en nostre unité cette sainte vefve et son cher Pere.

  A017003124 

 Mays n'y ayant nulle apparence de faire reuscir sa praetention de ce costé la, je ne pense pas que cela vous doive plus arrester de nous donner, au lieu de vous que nous desirions (sic) plus que tous, quelqu'un qui, en quelque sorte, vous puisse dignement representer: dequoy donq je vous prie avec tout ce venerable Chapitre, ne doutant point que, selon vostre prudence, zele et pieté, vous ne vous disposies a suivre nos desirs..

  A017003124 

 Or, je croy que vous ne douteres pas que sil vous [326] playsoit de la garder et nous faire jouir du fruit de vostre residence, nous ne le souhaitassions plus que toute autre chose; mays puisque elle vous est tout a fait inutile, et a l'Eglise, presupposé la resolution que vous aves faite, je pense que vous treuveres bon nostre desir et le seconderes, comme juste quil est, selon Dieu et les loix.

  A017003129 

 Monsieur, en cas que vous facies ce que nous demandons, il ne sera besoin sinon de faire la resignation en mes mains, c'est a dire une procure ad resignandum pure et simpliciter entre mes mains, ou de mon Vicaire [327] general; car par apres, le moys qui vient, auquel je suis en mon alternative je prouvoirois celuy dont il est question, qui s'appelle monsieur Questan, bourgeois de cette ville..

  A017003145 

 Vous y penseres un peu, et nous en parlerons passé demain; et ce soir, si je puis en passant, je vous salueray, puisque demain je vay a Sainte Catherine..

  A017003231 

 Cependant, ces jours de nos naissances doivent nous humilier, en nous faysant voir le neant d'ou nous venons, et nous encourager, en nous faysant voir la fin pour laquelle Dieu nous a donné commencement..

  A017003241 

 Si, en la place du chasteau, il y a de l'eau et dequoy vous bien accommoder, je pense qu'il ne seroit pas difficile d'obtenir de Son Altesse ce que vous aves projetté; et pour moy, je vous serviray tres affectueusement en cela, comme en toutes autres occasions, esperant que si nous avons la paix, vous seres grandement soulagees du Prince, qui me le dit, estant icy.

  A017003257 

 A il enduré affin que nous n'endurions point? Sainte Catherine de Sienne voyant que son Sauveur luy presentoit deux couronnes, une d'or, l'autre d'espines: O je veux la douleur, ce dit elle, pour ce monde; l'autre sera pour le Ciel.

  A017003259 

 Or, j'appelle amoureuse, la fidelité par laquelle, a nostre escient, nous ne voudrions rien oublier de ce que nous estimerions estre plus aggreable a l'Espoux, parce que nous aymons ses contentemens plus que nous ne craignons ses chastimens..

  A017003260 

 Cette chair est admirable a ne vouloir rien de piquant; mais la repugnance que vous aves ne tesmoigne pourtant point aucun manquement d'amour; car, comme je pense, si nous » croyions qu'estant escorchés il nous aymeroit plus, nous nous escorcherions, non pas sans repugnance, mays malgré la repugnance.

  A017003287 

 On commence fort a parler d'une Visitation, et le passage de nostre bon Pere prædicateur en a grandement reveillé l'appetit, et nous verrons que ce sera.

  A017003288 

 Que vous puis-je dire davantage, ma tres chere Mere, sinon que vous demeuries toute joyeuse en ce celeste exercice auquel Dieu nous a si souvent et puissamment invités..

  A017003347 

 Je les renvoye a la fin du Caresme, esperant que nous pourrons avoir, entre ci et la, quelques nouvelles de Rome.

  A017003347 

 Or, en tout evenement, nostre Congregation est grandement estimee en tiltre de Congregation et sera fort favorisee; mays puisque nous sommes en poursuite de la reduire en Religion, il faut avoir encor un peu de patience jusqu'a ce que nous sçachions ce qu'on en resoudra..

  A017003360 

 Nous avons l'exemple de Monseigneur de Tarentayse, plus fort, plus habile et plus hardi que nous, et qui n'avoit a faire qu'a un seul convent..

  A017003361 

 Et pour conclure, sil y a quelque Canon ou Bulle papale qui porte cette excommunication, je suis content qu'avec bon advis on la promulge (sic); sil ny en a point de telle, je suis d'advis que nous facions une simple defence, laquelle nous irons fortifiant, par reservation du cas, ou par excommunication, selon que le tems nous enseignera devoir estre fait..

  A017003396 

 Les affaires de la Sainte Mayson de Thonon appellans le sieur Gilette par dela, je supplie tres humblement Vostre Altesse de proteger et favoriser sa poursuite, qui ne peut aussi reuscir sinon par cet appuy, auquel nous recourons d'autant plus asseurement, que Vostre Altesse nous l'a ainsy commandé l'hors que nous avions le bonheur de sa presence.

  A017003413 

 Et d'autant que j'en parlay a Vostre Altesse l'ors que nous avions le bonheur de sa presence de deça, et qu'elle [355] tesmoigna de treuver mes remonstrances dignes d'estre protegees, je la supplie tres humblement de me commander ce que j'auray a respondre, avec ce Chapitre-la, aux lettres reiterees de Son Altesse que ce mauvais prestre obtient, et par lesquelles il presse plus ce Chapitre qu'il ne sçauroit faire par aucune autre voye, la seule ombre de la volonté de saditte Altesse nous estant en extreme reverence..

  A017003428 

 Ce ne sera qu'un billet, ma tres chere Mere, que vous recevres aujourd'huy de moy; Dieu me partage a mille choses et ne laisse pas de me tenir dans la sainte unité que sa main a faite en nous..

  A017003429 

 Il faut attendre, prier et esperer, et sur tout nous bien humilier devant la divine Majesté..

  A017003453 

 Nous sçavons par les Histoires et par experience, que plusieurs Religieux et autres ont esté saintz sans l'orayson mentale, mais sans l'obeissance, nul..

  A017003456 

 Ne soyes point soigneux du lendemain, et ne dites point: Que mangerons nous, ni dequoy nous vestirons nous, ni dequoy vivrons nous? Vostre Pere celeste sçait que vous aves besoin de tout cela.

  A017003486 

 Tenes bon, ma chere Fille, et soyes immobile es resolutions que vous aves prises pour le salut de vostre ame, affin que vous puissies rendre bon compte de vous mesme a Nostre Seigneur au jour de vostre trespas, lequel, a mesure quil s'approche, nous invite a nous præparer soigneusement..

  A017003521 

 Bien des fois, avec les Révérends Pères de votre Congrégation des collèges d'Annecy et de Thonon, nous avons étudié de concert le moyen d'étendre ladite Congrégation en ces pays d'en deça les monts.

  A017003521 

 En somme, nous ne trouvons de meilleure voie que celle indiquée dans le Mémoire ci-joint, conformément auquel j'ai [364] traité avec le Sérénissime Prince de Piémont, afin de pouvoir augmenter encore les revenus et avoir à Rumilly certains bénéfices pour le Noviciat.

  A017003548 

 Et qu'en cela vous allies trompant vostre naturel et le reduisant petit a petit a la sainte mediocrité et moderation; car a celles qui ont le naturel mol et paresseux, nous dirions: Hastes vous, d'autant que le tems est cher; mays a vous, nous vous disons: Ne vous hastes pas tant, d'autant que la paix, la tranquillité, la douceur d'esprit est pretieuse, et que le tems s'employe plus utilement quand on l'employe paysiblement..

  A017003549 

 Il faut que l'on demeure en la [369] barque en laquelle on est, pour faire le trajet de cette vie a l'autre, et que l'on y demeure volontier et amiablement; parce qu'encor que quelquefois nous n'y ayons pas esté mis de la main de Dieu, ains de la main des hommes, apres neanmoins que nous y sommes, Dieu veut que nous y soyons, et partant il faut donq y estre doucement et volontier.

  A017003551 

 En quoy voulons nous tesmoigner nostre amour envers Celuy qui a tant souffert pour nous, si ce n'est entre les aversions, repugnances et contradictions? Il faut fourrer nostre cervelle entre les espines des difficultés et laisser transpercer nostre cœur de la lance de la contradiction; boire le fiel et avaler le vinaigre, et en somme, manger l'absinthe et le chicotin, puisque c'est Dieu qui le veut.

  A017003551 

 Que s'il vous arrivoit quelque [370] notable difficulté sur ce sujet par le defaut de cette personne, ne remues rien neanmoins qu'apres avoir regardé l'eternité, vous estre mise en l'indifference et avoir pris l'advis de quelque digne serviteur de Dieu, si la chose presse, ou mesme de moy, puisque je suis vostre Pere, si le tems le permet; car l'ennemi, nous voyant vainqueur de cette tentation par nostre acquiescement au bon playsir divin, remuera, je pense, toutes sortes d'inventions pour nous troubler..

  A017003552 

 Au reste, que la tressainte et divine humilité vive et regne en tout et par tout: les habitz, simples, mais selon la propre bienseance et convenance de nostre condition, en sorte que nous n'espouvantions pas, ains allechions les jeunes dames a nostre imitation; nos paroles, simples, courtoises, et neanmoins douces; nos gestes et nostre conversation, ni trop resserree et contrainte, ni trop relaschee et molle; nostre face, nette et decrassee; et en un mot, qu'en toutes choses la suavité et modestie regne, comme il est convenable a une fille de Dieu..

  A017003571 

 O ce petit garçon, qui sera, Dieu aydant, un jour bienheureux en cette vie eternelle, en laquelle il jouira de ma felicité et s'en res-jouira, et je jouiray de la sienne et m'en res-jouyray sans jamais plus nous separer.

  A017003603 

 Nous sommes icy sans nouvelles.

  A017003622 

 Je vous supplie donq tres humblement, Monsieur mon Frere, de nous estre ardemment propice..

  A017003679 

 Et peut estre que Sa Sainteté y fera adjouster quelque chose; ce que je ne pense toutefois pas devoir estre chose d'importance, puisque, comme nous escrit celuy qui a l'affaire en main, il ny a point d'autre difficulté sinon pour le regard de l'Office, que les messieurs qui ont l'intendance de cela veulent estre le grand Office du Breviaire; et nous desirerions que cette Congregation ne fut obligee qu'au petit Office, affin qu'elle continuast a le chanter avec la gravité, distinction, tranquillité et, pour le dire en un mot, avec la sainteté que ces ames le prononcent maintenant.

  A017003679 

 Et pour obtenir cette grace, nous employons la faveur de monsieur l'Ambassadeur qui, avec le nom de Madame la Serenissime Infante, fera a mon advis reuscir heureusement l'affaire; en quoy la signora Donna Genevra n'a pas peu de credit..

  A017003685 

 Quand il en sera tems, Madame, j'escriray a Monseigneur le Prince, pour la prosperité duquel, et de toute la Mayson, nous faysons des speciales et continuelles prieres, tant publiques que particulieres: en quoy nous obeissons avec anticipation de sousmission aux desirs des Serenissimes Infantes..

  A017003695 

 Et ce n'est pas estre hipocrite de ne faire pas si bien que l'on parle, car, Seigneur Dieu! a quoy en serions nous? Il faudroit donq que je me teusse, de peur d'estre hipocrite, puisque si je parlois de la perfection il s'ensuivroit que je penserois estre parfait.

  A017003699 

 La Socirté des Douze ne sçauroit estre mauvaise, car l'exercice duquel elle se sert est bon; mays il faut que cette Barbe Marie, qui ne veut point de peut estre, soufre celuy ci: que, peut estre, cette Societé est veritable, car n'estant nullement tesmoignee par aucun Prælat, ni aucune personne digne de foy, nous ne sçaurions estre asseuree (sic) qu'elle ayt esté instituee, le livret qui le dit n'alleguant ni autheur, ni tesmoin qui en asseure.

  A017003700 

 Qu'elle marche en l'orayson, ou par pointz, comme nous avions dit, ou selon son accoustumee, il importe peu; [387] ains nous nous souvenons bien que nous luy dismes que seulement elle praeparast les pointz et s'essayat, au commencement de l'orayson, de les savourer; et si elle les savoure, c'est signe que Dieu veut qu'elle suive cette methode, au moins alhors.

  A017003701 

 Mais au premier cas, je vous laisseray mesnager l'affaire pour Lyon, non pas envers ma Seur Favre, qui sera tous-jours contente de ce que nous [388] ferons, estant si grandement nostre fille et seur comme ell'est; mais ailleurs, a Lion, ou vous sçaves.

  A017003750 

 Hier nous fismes une bonne confession, M me de Tornon et moy, et nous nous sommes rendus grans cousins, et croy qu'elle fera merveilles en la devotion..

  A017003792 

 C'est pourquoi je désirerais reprendre ce dessein par un autre biais, si toutefois Sa Sainteté daigne nous favoriser en la façon qui sera proposée à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par le R. P. Benoît Giustiniani.

  A017003792 

 Ce zèle qui reluit en vos écrits, lesquels nous sont d'un si grand secours contre les hérétiques, vous pressera [398] aussi, je n'en doute point, de nous favoriser en cette occasion, qui contribuera beaucoup à la destruction de l'hérésie de Calvin dans son siège même, la ville de Genève..

  A017003792 

 Je vous supplie donc très humblement d'employer votre charité et votre zèle auprès du Saint-Père et de nous aider en cette affaire.

  A017003803 

 Ne vous faschés point, car nous avons encor de l'esperance; et M. Grandis, avec lequel... m'a dit... occurren[ces] ... Seur M. ... Amen.

  A017003834 

 Je viens d'apprendre que nous aurons aujourd'huy l'honneur de vous veoir en cete ville, et ne fauldray point de monter an carosse pour vous aller rendre mes premiers devoirs si tost que nos Vespres seront dittes.

  A017003865 

 Puisque jamais plus il n'y doibt avoir entre nous de ceremonies, je vous direy tout naifvement que j'ay diferé si longtemps de vous escrire, pour ce que j'avois honte que vous vissies mes lettres sans veoir par mesme moyen l'advis que je vous avois promis sur les Regles de la Visitation.

  A017003867 

 Selon que nous demeurerons d'accord de l'estoffe, sili y a quelques motz ou quelques periodes a changer en l'ouvrage, il n'y aura pas a travailler pour plus d'un jour.

  A017003868 

 Certes, mon premier souhet seroyt que nous peussions l'un et l'autre changer nos Congregations en Religions formelles.

  A017003868 

 Il sera malaysé que sans cet article ou sans un autre de pareille teneur nous puissions convenir; car jamais je ne pourrey bien establir icy la Congregation si je n'y metz la closture.

  A017003868 

 Si cela ne se peult, je desire au moins que nous puissions convenir de Regles qui soyent uniformes pour les deux Congregations.

  A017003869 

 Que sil m'arrivoyt ce malheur que nous ne peussions convenir de cet article, je vous supplie de tout mon cœur quil vous plaise en ce cas me donner vos bons et charitables advis, si je debvrey ou continuer ma Congregation sur le modelle et les Constitutions de la vostre, y changeant ce que je jugerey necessaire en mon diocese, [406] comme nous voyons qu'ont fait diversement les Evesques de la province de Milan, ou bien si je changerey tout a fait ma Congregation en une Religion formelle, en la maniere portée par mon escript.

  A017003893 

 Or bien, nous en parlerons de cela..

  A017003908 

 Mon Dieu nous veuille fortifier par sa douce bonté, et nous faire accomplir parfaitement ce qu'il désire de nous, mon très cher Père.

  A017003919 

 M. Grandis m'a dit aujourd'hui que nous eussions encore bien soin de vous, que vous ne deviez plus faire une si grande diète, qu'il fallait vous bien tenir et contregarder, à cause de la fluxion qu'il faut craindre.

  A017003923 

 » Et vous me dites: « Ne vous l'avais-je pas bien dit, ma Fille, que je vous dépouillerais de tout? » O Dieu! qu'il est aisé de quitter ce qui est autour de nous! mais quitter sa peau, sa chair, ses os, et pénétrer dans l'intime de la moëlle, qui est, ce me semble, ce que nous avons fait, c'est chose grande, difficile et impossible, sinon à la grâce de Dieu.

  A017003933 

 Ayant esté adverty que pour la perfection du bon œuvre que nous avons commancé en ceste ville, capitale de mon gouvernement, qui est le nouvel establissement d'une Maison de Sainte Marie, il failloit recourir a vous pour avoir vostre permission, afin de faire venir les Dames qui doivent perfectionner ceste entreprise, j'ay creu que vous m'accorderiez la tres humble requeste que je vous en fais, comme Monseigneur de Lion m'a liberalement octroyé sa permission pour l'establissement..

  A017003934 

 Nous avons desja une maison propre, un fort bel oratoire, ou la benediction pontificale a esté faicte par procuration expresse de Monseigneur l'Archevesque de Lion, lequel, pour me favoriser, y fust venu luy mesme planter la croix, s'il n'heust esté retenu pour affaires pressez.

  A017003944 

 Toutesfois, sçachant que vous recepvez les grands et les petitz, j'envoye ces lignes vous pourter ma suplication, vous asseurant que je reçois une joye singuliere en l'espoir de son interinement, car l'odeur de voz fleurs naissantes commence a donner jusques a nous; de noz plaines, dis je, nous.commençons a descouvrir l'excellence de vostre ouvrage..

  A017003944 

 Vostre Illustrissime Seigneurie sera suppliee par tant d'autres de nous envoyer de voz cheres Filles, que j'ay douté si je devois adjouster ma priere a celle de sy puissans intercesseurs.

  A017003945 

 Or, Monseigneur, tirez le rideau, sil vous plaist, et nous communiqués ce que vous aves faict pour la gloire de nostre commun Maistre.

  A017003945 

 Pour mon particulier, j'ambitionerois puissamment le bonheur qu'elle y vint au moins pour quelques mois; mais d'autant que c'est au maistre de famille de sçavoir sy la mere de la famille peut quicter la principale Maison pour aller travailler ailleurs, je me remetz et soubmetz a vostre jugement et disposition, vous asseurant que, quelles que ce soient de voz Filles qui viennent, nous les recevrons, cherirons et servirons avec la mesme sincerité, respect et dilection non feinte que je suis, du Pere de ces vertueuses Filles,.

  A017003957 

 Madame des Goufier ayant pris desir, avec bonne compagnie, de quitter l'Egipte du monde pour se ranger en ceste ville en une Maison de vostre Ordre de la Visitation Saincte Marie, comme en la terre de promission en laquelle elle espere jouyr des delices de son celeste Espoux; apres y avoir aporté les ceremonies necessaires en la benediction du lieu faicte par monsieur le Doyen de Nostre Dame, en la presence de Monseigneur nostre Gouverneur, reste a present la favorable assistance de vos graces, pour envoyer des ouvrieres en sy copieuse moisson que celle de la vie contemplative, lesquelles, recuillans le pain des Anges en leurs ordinaires exercices [413] et s'acquerans les faveurs du Ciel, puissent rendre nostre ville participante des benedictions qui se reçoipvent par le merite de sy sainctes hostesses, lesquelles venant de vostre part nous apporteront un esprit celeste et nous seront autant cherès comme asseurement, et a Vostre Seigneurie et a leur pieté, nous demeurons a jamais,.

  A017003971 

 Vous entendes ce que je veulx dire: si madame de Chantal, vraye Mere de vostre Congregation, pouvoit venir icy donner le premier laict aulx filles commençantes, je prevoyrey autant de bonheur a cete institution et fondation que de celle de nostre Lyon, qui donne tousjours plus de contentement et d'esperance que Dieu y sera glorifié (fidelis sermo est); car c'est ce que nous [414] pretandons.

  A017004009 

 J'attends avec avidité d'estudier en ces beaux traictez que vous me faites esperer par la vostre susdicte, afin, nous les donnant, qu'à moy et à ceux qui mieux que moy y feront leur profit, vous nous disiez le dire du Poëte:.

  A017004064 

 Il a quitté la condition que l'on lui voulait donner, parce qu'il n'a pas eu le courage de nous quitter.

  A017004064 

 Nous avons reçu aujourd'hui votre dernière lettre, où vous nous parlez de M. l'Aumônier.

  A017004065 

 Nous n'en savons pas la raison.

  A017004066 

 Monseigneur, notre chère Mère s'est trouvée mal; nous vous supplions très humblement de mettre bon ordre, avant que partir de [420] Nicy, que l'on la fasse conserver ce Carême; autrement elle se gâtera et se ruinera de santé tout à fait.

  A017004067 

 L'affliction de madame de Thorens nous a touchée vivement; il faudra qu'elle ait recours à saint François de Paule, sans doute elle y trouvera du bonheur.

  A017004067 

 Monseigneur, nous vous envoyons des lettres de nos chères Sœurs de Moulins; nous n'écrivons point séparément à notre chère Mère, faute de temps..

  A017004068 

 La sortie de ma bonne Sœur Marie-Jeanne s'achemine assez doucement; nous en avons écrit amplement au R. Père Coton, son confesseur, qui est celui qui nous l'a remise; il nous a conseillé de la mettre dehors, et le Père Remont, Jésuite, et tous ceux à qui nous en parlons et qui la connaissent..

  A017004069 

 Nous vous supplions d'agréer que nous saluions mille fois en toute humilité notre chère Mère.

  A017004069 

 Toutes nos Sœurs vous saluent très humblement, Monseigneur; nous supplions Notre-Seigneur vous continuer ses plus chères grâces.

  A017004075 

 Ma sœur Le Blanc vous salue très humblement; elle est auprès de nous, elle vous prie de ne la point nommer dame, mais Sœur Barbe Marie..

  A017004090 

 Nous supplions Notre-Seigneur vous continuer abondamment l'assistance de son Saint-Esprit et faire réussir votre travail à sa plus grande gloire..

  A017004091 

 Nous avons donné à Monseigneur de Lyon celle qui s'adressait à lui; nous ne l'avons pas vu du depuis..

  A017004091 

 Nous avons reçu les lettres que vous écrivîtes la veille de Noël, environ cinq semaines après.

  A017004092 

 A la vérité, Monseigneur, son infirmité nous met un peu en peine, car elle est grande, bien que l'on dise que ce soit un mal qui n'ira pas en empirant, parce que ce n'est pas une défluxion, ains une incommodité que la vérole lui a laissée.

  A017004092 

 Je trouve son cœur et son esprit, pour le peu de connaissance que nous en avons, bien à notre gré.

  A017004092 

 Nous louons Notre-Seigneur, mon très honoré Père, de ce que vous trouvez des âmes si fort disposées au bien, et de quoi vous trouvez la nièce de M. de Bouqueron propre.

  A017004093 

 Nous avons reçu une fille à l'essai, de la main de M me Le Blanc, qu'on espère qui fera bien; elle a eu une étrange persévérance à vouloir être toute à Dieu..

  A017004094 

 Eh! Dieu nous rende telle que sa Bonté nous désire.

  A017004094 

 Il nous semble que le fruit que Notre-Seigneur nous [422] fait tirer de cela est un dénuement de toutes choses créées et l'affection de ne tenir qu'à Dieu seul.

  A017004094 

 Mon Dieu, Monseigneur, que nous avons bon besoin de l'assistance de sa divine Majesté et qu'il nous fortifie! Avec toutes ces rencontres journalières, qui sont assez pleines de mortification, je n'ai nul sentiment de confiance, ni quasi de courage, bien que, grâces à Dieu, nous ressentons toujours, à la pointe de l'esprit, de l'amour à tout ce qui arrive, parce que nous le voyons partir comme des choses que Dieu permet et qu'il nous donne pour nous humilier.

  A017004094 

 Nous avons quelquefois ces vues avec quelque sentiment, et quelquefois non.

  A017004094 

 Nous implorons l'assistance de vos prières, mon très cher Père, pour ce sujet et pour cette petite Maison tant remplie de traverses..

  A017004094 

 Nous vivons avec des incertitudes et des irrésolutions et humiliations si grandes, que je ne sais quelquefois où nous en sommes.

  A017004095 

 Monseigneur, nous vous envoyons une Valentine.

  A017004095 

 Sa Bonté nous fasse la grâce de les imiter, et de nous rendre digne de l'heureuse qualité que je possède à me nommer,.

  A017004116 

 Nous supplions Notre-Seigneur vous donner et continuer de plus en plus son saint amour..

  A017004117 

 Le livre de l' Amour de Dieu nous sert et nous aide grandement à être un peu courageuse aux contradictions dont cette vie est remplie.

  A017004117 

 Nous avons reçu vos lettres avec toujours une particulière consolation: c'est le remède à tous les maux qui nous pourraient arriver; je veux dire que, quelle sorte de peine ou d'abattement d'esprit que nous ayons, vos nouvelles nous remettent en courage et en vigueur.

  A017004118 

 Mon Dieu, mon très honoré Père, nous sommes un peu en peine de notre digne Mère qui reprend si fréquemment ces accidents si fâcheux et dangereux; elle en a eu un depuis que vous êtes à Grenoble, à ce que nous écrit monsieur de Boisy, force d'avoir trop parlé à nos Sœurs au Chapitre.

  A017004118 

 Nous vous demandons très humblement pardon si nous parlons de la sorte; nous savons bien le soin que votre bonté en a, mais mon affection s'échappe toujours un peu, et nous espérons que vous ne le trouverez pas mauvais..

  A017004120 

 Monseigneur l'Archevêque nous a remises tout à fait à M. de Saint-Nizier et l'a fait le Père spirituel de la Maison.

  A017004120 

 Nous vous envoyons les Règles des Ursulines de Paris, avec les Bulles qu'elles ont obtenues de Sa Sainteté; Monsieur de Chenevoux nous les a envoyées, nous avons pensé que vous seriez peut-être bien aise de les voir..

  A017004121 

 Nous louons Notre-Seigneur de ce que cette chère Sœur de la Valbonne fait tous les jours mieux; elle nous fait grande honte, elle avance, et nous croyons que nous allons en arrière.

  A017004121 

 Nous sommes toujours la moindre de vos filles, mon très honoré Père, mais de celles qui ont plus de désir de vous obéir et de plaire à Dieu..

  A017004122 

 Nous ne vous disons rien de ma Sœur Barbe-Marie; nous croyons qu'elle vous écrira et qu'elle aura l'honneur de vous voir bientôt.

  A017004140 

 Nous supplions notre Sauveur vous continuer l'abondance de ses grâces..

  A017004141 

 Nous vous remercions très humblement du soin que vous avez de nous faire savoir de vos nouvelles, bien qu'à même temps nous vous supplions de n'en point prendre la peine, vous avez assez d'autres occupations; il suffira que M. Michel nous fasse savoir quelquefois comme vous vous portez..

  A017004142 

 Nous ne la connaissons point; néanmoins son premier abord nous agrée assez, et nous espérons qu'elle sera propre pour notre sorte de vie: Dieu lui en fasse la grâce! Ce sera le plus grand bonheur qu'elle puisse avoir, que de se rendre digne de la grâce que sa divine Majesté lui a faite, et à nous aussi..

  A017004142 

 Nous venons de recevoir à l'essai cette damoiselle pour laquelle vous prîtes la peine de nous écrire.

  A017004143 

 Monseigneur et mon très digne Père, nous louons notre bon Dieu et vous remercions très humblement de la bonne nouvelle que vous nous dites de nos affaires de Rome; nous espérons qu'à (sic) la seule difficulté qui reste sera bientôt éclaircie, s'il plaît à Notre-Seigneur..

  A017004144 

 J'ai toujours des grands désirs d'être telle que vous nous désirez et que Dieu nous veut; mais il faut que tout vienne de lui, par l'intercession de vos saintes prières..

  A017004144 

 Nous aurons bon courage, s'il plaît à Dieu, Monseigneur, puisque vous nous le commandez.

  A017004145 

 Monseigneur, nous serons bien aise que la nièce de M. de Bouqueron vienne; nous avons une grande bonne opinion que ce sera une bonne servante de Dieu.

  A017004145 

 Nous espérons que, avant que vous sortiez de Grenoble, que nous vous écrirons que nous sommes logées; au moins, l'on est fort après.

  A017004146 

 Nous avons eu nouvelles de Nicy.

  A017004146 

 Vous avez ma Sœur Le Blanc à Grenoble, nous en sommes extrêmement aise; cela la rendra toute brave, d'avoir le bonheur de vous communiquer de son âme..

  A017004147 

 Nous nous disons en toute humilité,.

  A017004147 

 Nous supplions Notre-Seigneur qu'il vous conserve longuement et heureusement pour la gloire de son saint Nom.

  A017004177 

 Je connois aussi plusieurs dames qui ont le bien de vivre dessous vostre saincte conduite, et qui m'ont assuré que Dieu vous avoit fait naistre en ce siecle pour nous apprendre la vertu, et qu'il ne tiendra qu'à nous d'estre sainctes, si nous voulons suivre les douces loix de vostre saincteté.


18-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVIII-Vol.8-Lettres.html
  A018000045 

 Ne jamais s'attrister, car Dieu nous aime et nous sommes siens. 40.

  A018000104 

 — Aimer le bonheur de ceux qui nous ont quittés pour aller à Dieu. 94.

  A018000108 

 — Profit que nous devons tirer de nos imperfections.

  A018000125 

 — Comment employer le nous et nostre.

  A018000207 

 — Quand est-ce que Dieu supporte notre fardeau avec nous. 191.

  A018000218 

 — Aspirer aux contentements de l'éternité à mesure que Dieu nous sèvre de ceux de ce monde. 204.

  A018000276 

 Le P. Commissaire estant la, je m'asseure, employera sa prudence a discerner ce qui sera expedient, affin que, quand j'y iray avec luy, nous puissions trancher nettement et ordonner a chacun son office et ce qul devra faire..

  A018000293 

 Il n'y a remede, ma chere Fille: nous avons renoncé aux consolations mondaines, et, non contens de cela, [3] encor nous faut il renoncer aux spirituelles, puisque telle est la volonté de Celuy pour lequel nous devons vivre et mourir..

  A018000296 

 Quand madame la Presidente viendra, au moins alhors nous verrons-nous; et ce pendant, vivés toute humble, toute douce, toute passionnee de l'amour sacré de l'Espoux celeste.

  A018000307 

 Je dis ceci et pour vous et pour moy; car il faut tous-jours faire ce que nous devons, pour le service de nostre doux et bon Maistre, envers ceux qui sont veritablement en luy nos enfans, et leur ouvrir en tout lieu, ou leur necessite le requiert, le sein maternel de nostre affection a leur salut et leur donner le lait de la doctrine.

  A018000307 

 Soyons-le pourtant l'un et l'autre; car c'est le devoir que le Souverain nous a imposé.

  A018000310 

 C'est asses dire la dessus pour vous oster de peine, mon tres cher Frere, mon ami; priés seulement pour nous, et tout va bien..

  A018000310 

 Mais dites moy, Monsieur mon cher Confrere, quel tort avons nous fait a ce bonhomme? Helas! nostre Mere ni moy ne pretendons qu'a dresser une petite ruche, mediocre et conforme a nostre dessein, pour loger nos pauvres abeilles qui ne se mettront en peine que de cueillir le miel sur les sacrees et celestes collines, et non de la grandeur ou embellissement de leur ruche.

  A018000325 

 Dieu accompaigne monsieur le Marquis de Saint Damian, avec lequel nous avons esté bien doucement icy, et croy qu'il soit de bonne nature..

  A018000325 

 Nous ferons ce que nous pourrons pour ce pauvre bonhomme affin quil demeure icy, quoy quil me sera malaysé, le P. François qui sçait tout, estant absent.

  A018000326 

 Vous aures sceu comme nous avons gouverné [9] l'Anthoine qui, avec un peu de soin, deviendra brave fille, ayant l'esprit bon comme ell'a, et vous pouves penser si je luy souhaite du bien..

  A018000362 

 C'est pourquoy elle l'implore de toutes ses forces; et moy, Monseigneur, j'accompaigne d'autant plus hardiment sa supplication, que Vostre Altesse me tesmoigna lhors qu'elle estoit de deça, qu'elle nous favoriseroit tous en cett'occasion.

  A018000363 

 Ainsy nous prions tous Dieu qu'il benisse, conserve et prospere Vostre Altesse, delaquelle je vivray a jamais,.

  A018000376 

 J'adore les decretz de sa providence et embrasse la croix quil luy plait nous presenter.

  A018000396 

 Donq, ma tres chere Fille, demeures consolee, et nous rendes la pareille par vos prieres pour mon pauvre tres cher frere de Thorens, lequel estant allé en Piemont avec un regiment de mille hommes, y fut enseveli mardy passé, comme on me vient d'escrire, et comme je m'attendois, il y a trois jours, sachant la qualité de la maladie.

  A018000396 

 Et nous n'avons aussi a dire autre chose en tout ce que Dieu fait, sinon: Amen..

  A018000396 

 Or, penses, ma tres chere Fille, ou cette affliction me touche, et voyes si la mienne n'est pas surchargee de celle de sa pauvre petite et de nostre Mere, a qui il faut que ce matin j'aille oster le peu d'esperance qui leur estoit restee apres les premieres nouvelles de cet accident, sur lesquelles nous avons mille et mille fois adoré le decret de la Providence divine, et avons jetté nos cœurs entre les mains de Dieu avec esprit de sousmission, repetant: Ouy, Seigneur, car ainsy il a esté aggreable devant vous.

  A018000409 

 O Dieu, ma pauvre tres chere Seur, que j'ay de peine pour le desplaysir que vostre cœur souffrira sur le trespas de ce pauvre frere, qui nous estoit a tous si cher! Mays il n'y a remede: il faut arrester nos volontés en celle de Dieu, qui, a bien considerer toutes choses, a grandement favorisé ce pauvre defunt, de l'avoir osté d'un siecle et d'une vocation ou il y a tant de dangers de se damner.

  A018000412 

 Dieu donq soit a jamais beni pour le soin qu'il a eu de recueillir cette ame entre ses esleus! car en somme, que devons nous pretendre autre chose?.

  A018000413 

 Nous la garderons encor icy quelques jours, jusques a ce qu'elle soit bien rassise.

  A018000414 

 Or sus, ma tres chere Fille, consolons nos cœurs le mieux que nous sçaurons, et tenons pour bon tout ce qu'il a pleu a Dieu de faire; car aussi, tout ce qu'il a fait est tres bon..

  A018000429 

 Ma pauvre chere seur tesmoigne entre ses pleurs et regretz la plus aymable, constante et religieuse pieté qu'il est possible de dire: en quoy elle nous contente extremement, pour le desir que nous avons qu'elle conserve l'enfant que nous croyons, par bonnes conjectures, avoir esté laissé en ses flancs par le defunt, comme pour quelque sorte d'allegement a ses freres..

  A018000444 

 Je vous remercie tres humblement du soin que vous aves pris de nous tesmoigner le ressentiment que vous aves de nostre mal..

  A018000444 

 Vous pouves aysement vous imaginer quelle est nostre affliction pour la perte que nous venons de faire, ayant connoissance comme vous de l'amitié qui a tous-jours esté, graces a Dieu, entre ceux de cette mayson.

  A018000445 

 Je vous supplie de recommander a la misericorde de Nostre Seigneur le repos de l'ame de nostre pauvre defunt et de nous tous-jours aymer.

  A018000457 

 Et donques, comme je voy, c'est presque sans intermission que nos amis se vont separant de nous tous les jours; et partant, il se faut resoudre de bonn'heure de n'esperer plus es consolations de cette vie, pour attendre plus doucement celles de l'autre vie, en laquelle nostre societé sera inseparable..

  A018000457 

 Je regrette extremement la perte que nous avons faite par le trespas du bon monsieur le President de Sautereau, qui vous honnoroit certes plus quil ne se peut dire, et me favorisoit d'un' amitié extraordinaire, a vostre consideration.

  A018000461 

 C'est dommage de monsieur de Passier; et Dieu sçait sil y en aura point d'autres que nous ayons a regretter en cette rencontre..

  A018000461 

 J'ay perdu un bon et cordial amy en monsieur de Chanal, qui ayant esté appellé de Dieu a la vie devote des quelques annees en ça, sera mort en tel estat, je m'asseure, que nous avons occasion de benir l'heure de son trespas; et moy particulierement, qui ay une invincible rayson de l'estimer heureux, par le conte de sa conscience et de ses bonnes intentions quil me rendit avant son depart d'Annessi.

  A018000484 

 Quelle pitié qu'en une sayson en laquelle il est si grande disette de telles ames parmi les gens de ce rang la, nous voyons et souffrons ces pertes si dommageables au public!.

  A018000485 

 Neanmoins, ma chere Dame, toutes choses considerees, il faut accommoder nos cœurs a la condition de la vie en laquelle nous sommes: c'est une vie perissable et mortelle, et la mort qui domine sur cette vie ne tient point de train ordinaire; elle prend tantost ci, tantost la, sans choix ni methode quelcomque, les bons emmi les mauvais et les jeunes parmi les vieux..

  A018000486 

 Ce pendant, ayons patience, et attendons courageusement que l'heure de nostre depart sonne pour aller ou ces amis sont ja arrivés; et puisque nous les avons aymés cordialement, perseverons a les aymer, faysons pour l'amour d'eux ce qu'ilz ont desiré que nous fissions et ce que maintenant ilz souhaitent pour nous..

  A018000486 

 Cela seul, Madame, est suffisant pour nous consoler; car en fin, en peu de jours, ou tost ou tard en peu d'annees, nous le suivrons en ce passage, et les amitiés et societés commencees en ce inonde se reprendront pour ne recevoir jamais de separation.

  A018000498 

 Il faut attendre ce que Dieu fera, et non seulement l'accepter, mais, [27] autant que nous pourrons, il faudra l'accepter aggreablement et amiablement.

  A018000498 

 J'espere quil la nous laissera; il y en a tant d'autres qui sont eschappees apres avoir jetté le tac, et qui ont esté moins assistee (sic) qu'elle ne sera.

  A018000499 

 On la pourroit enterrer en l'eglise, car ell'est asses benite en la benediction des fondemens que nous fismes en la position de la premiere pierre.

  A018000516 

 J'ay receu a beaucoup d'honneur la lettre que M lle Favreau [30] et M lle d'Albamé m'escrivirent de vostre part; car, outre la douceur que je prens a me ramentevoir le tems auquel nous estions compaignons d'escole, vos merites me font grandement estimer tous les tesmoignages quil vous plait me donner de vostre bienveuillance, laquelle je vous conjure de me vouloir continuer par vostre courtoysie, bien ayse de sçavoir que vous soyes arresté en nostre voysinage, sous l'esperance que, par ce moyen, il se pourra bien faire que j'aye encor un jour lhonneur de vous revoir..

  A018000533 

 Nous continuerons a faire prier pour elles..

  A018000535 

 Je suis bien en peine de l'autre chere fille, que nous cherissons tant en suite de la dilection de sa mere; car je [33] ne sçai bonnement comme en parler a sa mere, qui en recevra bien du desplaysir, estant bien esloignee de cette humeur-la.

  A018000536 

 Or bien, je vous escriray a toutes occurrences, ma tres chere Mere, mon cœur et ma vie ne pouvant subsister avec consolation que par l'unité quil a pleu de faire a Dieu de nous, affin qu'aeternellement nous fussions siens..

  A018000614 

 Apres, donq, avoir bien sceu que l'estrange accident advenu au sieur [Président Crespin] estoit procedé de malheur, plustost que d'aucune malice ou deliberation; voyant qu'en une si extreme tribulation il recouroit a moy pour obtenir, par ma tres humble intercession, l'acces aux pieds de Vostre Altesse, je ne l'ay peu ni voulu esconduire, de peur d'offencer Celuy qui jugera les vivans et les mortz selon l'assistence qu'ilz auront faite aux affligés, puysque mesme les deux personnes [43] qui ont esté les plus touchees en ce desastre semblent conspirer au desir de la consolation de celuy auquel il est arrivé: car la fille ne souhaite rien tant que d'avoir son pere, puisqu'elle a perdu sa mere; et quant a monsieur [l'Abbé de la Mente,] soit qu'il ayt eu compassion de ce pere et de cette fille, soit qu'il ayt esté animé de ce divin Esprit qui nous fait vouloir du bien a ceux qui nous font du mal, il a des-ja protesté qu'il ne vouloit procurer aucune punition, ni faire partie..

  A018000629 

 la fille ne craint rien tant que de se voir privee de son pere, a mesure qu'elle se treuve avoir perdu sa mere; et quant a monsieur l'Abbé de la Menthe, soit quil ayt eu compassion du pere et de la fille, soit quil ayt esté animé de l'Esprit celeste qui nous fait souhaiter du bien a ceux mesme qui nous font du mal, il a protesté qu'il ne vouloit en façon quelcomque faire partie, ni procurer aucune punition..

  A018000643 

 Vous verres, sil vous plait, la lettre que j'escris et celles que j'ay receues, [46] par lesquelles, je pense, vous connoistrés que nous ne pouvons pas gauchir..

  A018000649 

 Nos malades m'ont fait une grande consolation de guerir, et ces malades spirituelles nous en feroyent encor un (sic) plus grande si elles guerissoyent.

  A018000708 

 Vous pouves penser si nous avons souvent parlé de vous, mays non pas toutefois si souvent comme j'y ay pensé..

  A018000753 

 Le bien est doublement heureux quand il nous arrive heureusement, et doublement honnorable quand il nous vient honnorablement.

  A018000753 

 Venes donq, Monsieur mon cher Neveu, venes vers nous et vivés avec nous joyeusement et suavement, jusques a ce qu'apres longues annees vous suivies monsieur vostre pere au siege souverain, avec autant de consolation publique comme vous venes luy succeder en ce siege subalterne..

  A018000783 

 C'est en une ville ou nous aurions un prieuré de huit cens escus d'or de revenu fort liquide, l'eglise toute faite et presque ameublee, et le lieu beau, amene, pres de Geneve et Losanne, et auquel on vit presque pour neant, c'est a dire a fort bon marché.

  A018000783 

 Reste qu'il vous playse de me faire [60] sçavoir si vous voudries accepter le parti, et si nous pourrions y avoir d'abord huit prestres, puisque la fondation requiert cela, et si il se pourroit pas faire que l'un des huit exerçast la charge des ames, aydé par les autres; car cela estant, je n'auray plus a faire que d'obtenir le consentement de Son Altesse qui, je m'asseure, l'accordera volontier..

  A018000830 

 Monsieur Garin vous dira toutes nos nouvelles et que nous renvoyons le jeune M. des Hayes doux, amiable, courtois, a M. son pere, mais non pas fort sçavant, ains seulement instruit d'un peu de latin et de quelques parties des mathematiques.

  A018000853 

 Maintenant, c'est au nom de ma seur de Thorens que je vous escris, et vous presentant son tres humble baysemain, je vous supplie de la favoriser en ce qui se pourra bonnement faire pour le recouvrement de certaines armes de feu mon frere son mari, dont ce porteur vous declarera les particularités; vous remerciant tres humblement encor de la part de cette seur du soin quil vous plaist d'avoir es occurrences des affaires de feu mon frere, que nous allons demeslant le mieux que nous pouvons, pour payer cinq ou six cens escus de debtes quil a laissés, en attendant de voir ce que la providence de Dieu fera naistre de sa vefve enceinte..

  A018000854 

 Au reste, je vous supplie tres humblement de commander que nous soyons advertis de l'estat de la maladie de nostre Presidente, car en verité nous en sommes en [68] peine jusques a l'inquietude inclusivement, et les Dames de la Visitation n'oublient pas a prier Dieu, comme aussi que sa bonté vous veuille conserver.

  A018000865 

 Ces jours s'escoulent, l'eternité s'approche: passons si droit qu'elle nous soit heureuse..

  A018000876 

 Dieu, par sa bonté, nous veuille donner l'ame de cet enfant et la vie de la mere, que j'ay dedans mon cœur comme ma pauvre tres chere petite fille..

  A018000927 

 Nous n'avions encor achevé nos plaintes pour la perte que nous avions faite en Piemont, que voyci la seconde arrivee, laquelle, je vous asseure, nous est infiniment [72] sensible, cette chere ame ayant tellement vescu parmi nous, qu'elle nous avoit rendus tous parfaitement siens, mais moy plus particulierement, qu'elle regardoit avec un amour et honneur filial; et puis, le contrecoup receu par l'affliction de sa digne mere donne surcroist a nostre desplaysir..

  A018000928 

 Mais pourtant, a l'imitation de cette defunte, nous embrassons, aymons et adorons la volonté de Dieu, avec toute sousmission de tout nostre cœur, car c'estoyent presque ses dernieres paroles; vous asseurant que jamais je n'ay veu un trespas si saint que celuy de cette fille, quoy qu'elle n'eust que cinq heures pour le faire..

  A018000951 

 Au reste, que dires vous de nos afflictions domestiques? Ce n'est pas l'aymable belleseur de Thorens que vous avies veuë, c'est une seur toute autre que nous avons veu trespasser ces derniers jours; car, des un an en ça, elle estoit tellement perfectionnee qu'elle n'estoit plus connoissable, mais sur tout despuis sa viduité, qu'elle s'estoit voüee a la Visitation.

  A018000959 

 Vous vous imagineres bien de quelle sorte nous avons esté touchés ces jours passés, ma tres chere Fille.

  A018000992 

 Mais je dirai encore un mot à mon seigneur. Combien je voudrais, ô Dieu de bonté! combien souhaiteraient aussi la plupart des gens de bien, que nous eussions, sinon toutes, au moins l'une ou l'autre des Epîtres de saint Paul, fût-ce des plus courtes, expliquée au triple sens historique, dogmatique et mystique, que signale Votre Illustrissime Seigneurie.

  A018001041 

 Mays avant son retour nous aurons bien le contentement de le revoir, et vous aussi, ma tres chere Fille, a qui je souhaite mille et mille benedictions, qui suis infiniment vostre et.

  A018001096 

 Nous avons, l'un ici, l'autre à Evian, deux Monastères de Sainte-Claire, où les Sœurs, par les jeûnes, les veilles, la nudité des pieds et beaucoup d'autres macérations corporelles, s'efforcent de servir le Dieu très bon et très grand.

  A018001097 

 Je passe sur ce qu'une expérience convaincante nous apprend de la mendicité des femmes: elle est toujours accompagnée de préoccupations pénibles, de soucis immodérés et continuels, de pensées mélancoliques, d'industries dangereuses sur les moyens de demander et d'obtenir, et des plus troublantes inquiétudes..

  A018001129 

 Il a de très bonnes qualités et nous a donné à tous beaucoup [94] d'édification.

  A018001147 

 J'espere que Dieu nous aydera..

  A018001147 

 Nous tascherons d'eschapper en toute façon d'avoir besoin du jardin des Peres, puisque je voy que cela en offence grandement quelques uns, qui m'ont dit que vous avies escrit que vous avies fait toutes les sollicitations.

  A018001161 

 Mais me doutant que ces Peres de Saint Dominique ne voudront pas lascher ce dont nous avons besoin si on ne leur donne tout le susdit pré, je vous supplie de faire ce qui sera bonnement a faire, affin que Monsieur se contente que nous leur puissions donner le tout.

  A018001161 

 Vous recevres par M. Rousselet une de mes lettres, par laquelle je vous supplie de nous assister vers Monsieur pour obtenir le Pré Lombard en faveur des Seurs de la Visitation, et nous vous ouvrons un expedient: qu'au moins il luy playse de permettre que les susdites Dames en eussent la moytié pour donner en eschange aux Peres de Saint Dominique, gardant l'autre moytié pour en faire ce que Sa Grandeur voudroit.

  A018001177 

 Je ne sçai, certes, comme les ames qui se sont donnees a la divine Bonté ne sont tous-jours joyeuses, car y a-il bonheur esgal a celuy la? Ni les imperfections qui vous arrivent ne vous doivent point troubler, car nous ne les voulons pas entretenir et ne voulons jamais y arrester nos affections.

  A018001178 

 Vous aves bien sceu, ma tres chere Fille, toutes nos petites afflictions, lesquelles j'aurois bien sujet de nommer grandes, si je n'eusse veu un amour special de Dieu envers les ames qu'il a retirees d'entre nous; car mon frere mourut comme un Religieux entre les soldatz, ma seur, comme sainte entre les Religieuses.

  A018001179 

 Monsieur vostre mary a bien rayson s'il m'ayme, car je le veux a jamais honnorer; et vous, ma tres chere Fille, je m'imagine que vous m'affectionnes tous-jours cordialement, et vostre ame vous respondra pour moy que je suis vostre, puisque Nostre Seigneur et Createur de nos espritz a mis cette liaison spirituelle entre nous.

  A018001199 

 Ma tres chere Seur, nous avons a remercier Dieu qui nous a si longuement laissé cette mere, et n'est pas raysonnable que nous treuvions mauvais sil la reprend, puis que c'est pour luy donner une meilleure vie..

  A018001199 

 Or sus, ma tres chere Seur, il faudra bien tenir vostre cœur ferme, affin quil ne chancele point a cette secousse, mais qu'attaché a la Providence divine, apres les premiers eslans de douleur qui sont inevitables, il demeure doucement en paix, en attendant avec une sainte esperance le tems auquel, par le mesme passage, nous irons revoir ceux qui nous præcedent.

  A018001215 

 Nous avons la paix, mais non pas encor les effectz de la paix, car l'execution du traitté est, ce dit on, en quelque sorte de difficulté.

  A018001216 

 C'est la verité que nous n'avons jamais rien veu de cette authorité, ce païs estant hors de la legation; si neanmoins le diocæse luy estant marqué il dispense, j'auray tout sujet de croire quil ne fait rien quil ne puisse; mais en chose de telle importance et qui tire consequence, j'aymerois mieux que l'expedition vint de Rome, pour mettre tout en asseurance..

  A018001260 

 Je ne puis m'empescher d'estre un peu en peyne de [109] vostre tracas survenu si mal a propos; mais il faut estre constant et ferme aupres de la croix, et sur la croix mesme, s'il plait a Dieu de nous y mettre.

  A018001270 

 Il est vray, Dieu a affligé nostre mayson en la mort de mon frere et de ma seur de Thorens; mais sa main divinement paternelle nous force d'adorer sa suave bonté qui ne nous a touchés que doucement, puisque mon frere est mort saint entre les soldatz, ou il se treuve si peu de saintz, et ma seur, sa chere espouse et mon unique fille, est morte sainte entre les servantes de Dieu et dans le cloistre, qui est ordinairement un seminaire de sainteté.

  A018001283 

 Une chose leur manque, que nous supportons facilement icy: c'est qu'encor qu'ilz ayent des excellens praedicateurs, nous ne pouvons pas jouir pour encor de leur talent en cela, d'autant qu'ilz n'ont pas encor [112] l'usage parfait du langage françois, ains seulement autant quil faut pour se faire entendre es cathechismes, petites exhortations et conversations spirituelles; mays ilz le vont aquerant tous les jours.

  A018001284 

 C'est bien fait de jetter nostre pensee sur la justice qui nous punit, mais c'est mieux fait encor de benir la misericorde qui nous exerce..

  A018001285 

 Mays en somme, que pouvons nous dire en toutes ces occurrences? Il est mieux de ne rien dire, ains acquiescer.

  A018001285 

 Toute cett'annee nous avons vescu parmi les adversités, et je croy que vous aures sceu le trespas inopiné de mon frere et de, ma seur, que j'appelle inopiné, car, qui l'eut pensé? mais trespas tres heureux pour le genre et la sainteté du passage; car, particulierement ma chere petite seur, fit sa (sic) depart avec tant de pieté et de suavité, qu'un docte medecin qui le vit me dit que si les Anges estoyent mortelz ils desireroyent cette sorte de mort.

  A018001286 

 Je prieray Dieu quil sanctifie sa volonté en nous et nous en sa volonté.

  A018001332 

 Voici cependant la sainte paix tant désirée; aussi est-ce le moment de voir comment nous pourrons faire réussir les pieux desseins du Sérénissime Prince de Piémont pour consolider la fondation de ces deux collèges d'Annecy et de Thonon.

  A018001374 

 Je suis icy receu avec joye, et ne nous manque que [124] nostre seur Barbe Marie, laquelle sachant vers vous je ne requiers point.

  A018001385 

 Dieu donq soit a jamais beni, qui nous console en toutes nos tribulations.

  A018001385 

 Dieu soit a jamais beni, et veuille de plus en plus establir l'esperance qu'il nous donne de la guerison de ma tres aymee Mere et Fille.

  A018001412 

 [Il n'y a rien] qui face tant arriver d'honneur, de reputation et de bonheur sur nous que de ne point s'amuser..

  A018001413 

 Je ne vous dis rien de la sainte devotion, qui est desirable en tous tems et tous lieux; car, comme vous sçaves, parmi les joyes et contentemens, elle modere nos espritz; [129] entre les adversités, elle nous sert de refuge et nous delasse; et, quoy qu'il nous arrive, elle nous fait benir Dieu, qui est meilleur que tout.

  A018001445 

 Si ces bons Messieurs eussent autant estudié et pensé pour censurer comme nous avons fait pour establir, nous n'aurions pas tant d'objections.

  A018001455 

 Il faut arracher tout a fait le soin des preseances, puisque mesme on ne possede jamais tant l'honneur qu'en le mesprisant, et que cela trouble le cœur et nous fait faire des eschappees contre la douceur et l'humilité..

  A018001456 

 Ne vous estonnes nullement de vos distractions, froideurs et secheresses, car tout cela se passe en vous du costé des sens et en la partie de vostre cœur qui n'est pas entierement en vostre disposition; mays, a ce que je voy, vostre courage est immobile et invariable es resolutions que Dieu nous a donné.

  A018001520 

 Je desire encor obtenir une lettre de la Congregation des Evesques a moy et au clergé de ce diocese, par laquelle il me soit enjoint d'eriger un Seminaire de ceux qui pretendent a l'estat ecclesiastique, ou ilz puissent se civiliser es ceremonies, a catechiser et exhorter, a chanter, et autres telles vertus clericales; car, quant aux petitz enfans, nous en avons de reste qui veulent estre ecclesiastiques et qui n'estudient pour autre fin..

  A018001535 

 Nous sçavons bien cette douce importunité des amans, qui se playsent d'ouïr mille et mille fois repeter qu'on les ayme, non pour s'asseurer, mays pour se complaire en l'asseurance quilz ont, qui semble estre mieux savouree quand ell'est plus souvent repetee.

  A018001540 

 Vous aures sceu combien l'annee passee nous a esté dure par le trespas de mon frere, de son filz et de sa femme qui en moins de quatre moys ont esté emportés.

  A018001541 

 En cette presse, on ne vid jamais un esprit si clair, si doux, si paisible, ni plus de marques d'une vraye sainteté, car jusques au trespas elle souspira des [affections] si extremement devotes qu'elle nous ravissoit tous en admiration.

  A018001541 

 Ma pauvre belle seur nous fut ravie a l'improveu trois jours apres qu'elle fut accouchee, et n'eut loysir qu'environ de cinq heures a mettre ordre a ses affaires.

  A018001541 

 Mays il est vray que ceux qui ont veu avec quel amour, quel honneur, quelle douceur cette pauvre fille estoit cherie de tous nous, ne treuvent pas si estrange qu'elle n'ayt pas volu tirer de nostre mayson que ce qu'elle y avoit apporté, sans que par autre voye nous luy ayons ni donné ni pensé a luy donner cette volonté..

  A018001597 

 Si jamais ma bouche a refusé de vous nommer ma fille, ç'a esté sans le consentement de mon cœur, qui des le premier abord du vostre sentit bien que Dieu luy donnoit [151] une forte et invariable affection, toute vrayement paternelle pour vous; mais on n'ose pas tous-jours parler comme on desireroit, sur tout quand on doit du respect a ceux qui portent les mesmes tiltres que nous voudrions avoir.

  A018001599 

 Or sus, ma tres chere Fille, continués tous-jours a servir ce divin Maistre et Sauveur de vostre ame en pureté et douceur d'esprit: c'est l'unique bonheur que nous pouvons pretendre, et l'infallible asseurance de le [152] posseder eternellement consiste a l'aymer en ce monde fidelement et confidemment..

  A018001631 

 Dieu qui nous l'avoit donné pour son service, le nous a osté pour sa gloire: son saint nom soit beni! [156].

  A018001631 

 Quand on m'a osté d'aupres de vous, ça esté pour monsieur de Sainte Catherine, mais je pensois que ce fust un accident comme l'autre fois; et voyla que ça esté pour luy faire saintement dire dix ou douze fois: VIVE JESUS! et protester qu'il avoit toute son esperance en la mort de Nostre Seigneur: qu'il a prononcé avec beaucoup de force et de vivacité, et puis s'en est allé ou nous avons nos pretentions, sous les auspices du grand saint Paul.

  A018001632 

 Demeures cependant en paix, avec mon cœur, au pied de la providence de ce Sauveur pour lequel nous vivons et auquel, moyennant sa grace, nous mourrons.

  A018001632 

 Dieu reparera cette perte et nous suscitera des ouvriers en lieu de ces deux qu'il a pleu retirer de sa vigne pour les faire asseoir en sa table.

  A018001643 

 A 7 heures du matin, nous avons perdu pour cette vie le P. D. Simplicien, et a trois heures le bon monsieur de Sainte Catherine, deux grans serviteurs de Dieu, sans qu'il y aye presque [157] aucun malade en cette ville.

  A018001643 

 Il faut demeurer coy en ce que Dieu dispose et ordonne; nous l'avons mesme fait ce jourd'huy.

  A018001691 

 Si c'est sur luy, pourquoy pleurer, que nostre Frere est en Paradis ou les pleurs n'ont plus de lieu? Que si pour vous, n'y a-il point trop d'amour propre (je parle avec vous ainsy franchement), d'autant qu'on jugera que vous vous aymes plus que son bonheur, qui est incomparable? Et voudries vous que, pour vous, il ne fust pas avec Celuy in quo movemur et sumus, tous tant que nous sommes qui acquiesçons a son saint playsir et divine volonté?.

  A018001692 

 Mais venes nous voir, et souvent, et nous convertirons les pleurs en joye, nous souvenant par ensemble de celle de laquelle nostre bon frere jouit et laquelle jamais plus ne luy sera ostee.

  A018001735 

 J'ay donné verbalement charge a M. le curé de Vualier, de dire a monsieur le curé des Alinges et a [167] M. le curé d'Orcier, qu'en secourant Draillans, jusques a ce que nous y puissions mettre autre ordre, et eux et le vicaire des Alinges pourront celebrer deux fois a cette contemplation, car il faut faire ce que l'on peut..

  A018001763 

 Et dites-moy, ma tres chere Fille, n'aves vous pas intention d'estre a Dieu? ne voudries vous pas le servir fidelement? Et qui vous donne ce desir et cette intention, sinon luy mesme en son regard amoureux? D'examiner si vostre cœur luy plaist, il ne le faut pas faire, mais ouy bien si son cœur vous plaist; et si vous regardes son cœur, il sera impossible qu'il ne vous plaise, car c'est un cœur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chetifves creatures, pourveu qu'elles reconnoissent leur misere, si gracieux envers les miserables, si bon envers les penitens! Et qui n'aymeroit ce cœur royal, paternellement maternel envers nous?.

  A018001765 

 Ainsy, comme la foiblesse et infirmité de l'enfant desplaist a sa mere, et pourtant, non seulement ne laisse pas pour cela de l'aymer, ains l'ayme tendrement et avec compassion, de mesme, bien que Dieu n'ayme pas nos imperfections et pechés venielz, il ne laisse pas de nous aymer tendrement; de sorte que David eut rayson de dire a nostre Seigneur: Aye misericorde, Seigneur, parce que je suis infirme..

  A018001765 

 En somme, nous voudrions tous-jours avoir un peu de consolation et de sucre sur nos viandes, c'est a dire avoir le sentiment de l'amour et la tendreté, et par consequent la consolation.

  A018001765 

 Et pareillement, nous voudrions bien estre sans imperfections; mais, ma tres chere Fille, il faut avoir patience d'estre de la nature humaine et non de l'angelique.

  A018001765 

 Nos imperfections ne nous doivent pas plaire, ains nous devons dire avec le saint Apostre: O moy miserable! qui me delivrera du cors de cette mort? mais elles ne nous doivent pas ni estonner ni oster le courage.

  A018001765 

 Nous en devons voirement tirer la sousmission, humilité et desfiance de nous mesmes; mais non pas le descouragement ni l'affliction du cœur, ni beaucoup moins la desfiance de l'amour de Dieu envers nous; car ainsy Dieu n'ayme pas nos imperfections et pechés venielz, mais il nous ayme bien nonobstant iceux.

  A018001778 

 La haut nous aurons les rubis, les diamans, les esmeraudes, le moust, la manne et le miel.

  A018001780 

 En somme, apres tout, nous sommes trop heureux d'avoir pretention en l'eternité de la gloire, par le merite de la Passion de Nostre Seigneur, qui fait trophee de nostre misere pour la convertir en sa misericorde, a laquelle soit honneur et gloire es siecles des siecles.

  A018001834 

 Mais on attend les dépêches de Rome; ayant maintenant pour les obtenir un solliciteur aussi habile que l'est le P. D. Juste, et de si nombreuses recommandations, il faut espérer qu'avec la grâce de Dieu nous les recevrons bientôt, d'autant plus [180] qu'il s'agit du service et de la gloire de sa divine Majesté, et du salut des âmes rachetées par le sang du Rédempteur.

  A018001862 

 Nostre Seigneur permet qu'en ces petites rencontres nous demeurions courtz, affin que nous nous humiliions, et que nous sçachions que si nous avons surmonté certaines grandes tentations, ce n'a pas esté par nos forces, mais par l'assistance de sa divine Bonté..

  A018001863 

 Je le voy bien, que par ces menues tracasseries il y a force sujetz d'exercer l'amour ou l'acceptation de nostre propre abjection: car, que dira-on d'une telle fille qui n'a point fait proffiter et n'a point bien dressé ni donné bonne action a cette petite fille? Et puis, qu'est ce que nos Seurs diront de voir que pour la moindre importunité qu'une creature nous fait, nous nous desbattons, nous nous plaignons, nous grondons? Il n'y a remede, ma tres chere Fille.

  A018001887 

 Or, Dieu soit loué de vostre arrivee en bonne santé et des peines que vous aves souffertes en chemin, comme encor du mauvais estat auquel vous aves treuvé l'affaire de la Visitation, contre l'esperance en laquelle on nous avoit nourri.

  A018001888 

 Mays pourtant, affin que de nostre costé nous attirons le bon succes par toute la sousmission quil nous sera possible, je vous diray, mon tres cher Pere: premierement, que si vous voyes du jour qu'avec un peu d'importunité nous puissions obtenir les trois articles que nous [186] demandons, je vous supplie de faire tout effort opportune, importune..

  A018001889 

 Ainsy, pourveu qu'on obtienne cet article, nous serons asses contens, encor qu'on refusera les autres, quoy que grandement desirables..

  A018001942 

 En fin, ma chere Fille, nous venons de conclure avec nos bonnes dames l'establissement de nostre Monastere.

  A018001942 

 Tout le monde applaudit a ce dessein; nostre bonne dame la Presidente Le Blanc a une sainte ardeur pour cela, et moy j'ay une esperance tres douce que Dieu [191] benira ses intentions, si nous sommes si heureux que de nous humilier comme il faut devant luy, qui veut bien se glorifier en nostre petitesse..

  A018002010 

 Monsieur, c'est pour cela que je vous ay supplié de nous faire avoir des magistratz catholiques en ce balliage de Gex, qui, par l'authorité qu'ilz possederont, pourront donner le contrepoids a la multitude et malice des ennemis de la religion du Roy et du royaume, qui sont si hardis au mal et si pleins d'artifices pour l'executer que, s'ilz ne sont retenus de main forte, ilz ne cesseront d'empescher par toutes sortes de moyens violens le progres de la conversion des ames.

  A018002041 

 Les Peres de Saint Dominique semblent vouloir m'obliger de leur jardin sans nous contraindre de vouloir le jardin des Barnabites; toutefois je ne voy encor rien d'asseuré..

  A018002042 

 Le nous et nostre ne me deplaist pas, et toutefois il [202] faudra le moderer en sorte que par trop grande habitude de parler ainsy on ne rende pas les defautz, pechés, imperfections communs et les confessions inintelligibles aux confesseurs estrangers; et partant, il semble quil suffiroit de dire nous et nostre de tout ce qui est vrayement commun, comme: nostre chambre, nostre chapelet, nostre travail, nostre Seur, nostre Mere, nostre exercice; car on peut bien dire: Je n'ay pas fait nostre exercice du matin, je n'ay pas esté a nostre disner, j'ay pensé dans nostre lict, et semblables..

  A018002047 

 Je seray bien marry si le mariage de monsieur de Chantal ne reuscit au gré de ceux quil regarde, et ne m'estonne pas toutefois si la bonne madame Liotart va un peu moins rondement que nous n'avons pas fait de nostre costé, car elle n'a pas peut estre encor bien despouillé la robbe du monde, ni perdu la coustume de parler selon la sagesse du monde.

  A018002054 

 Vives toute en la vie et en la mort de Celuy qui vit pour nous faire mourir a nous mesme, et est mort pour nous faire vivre a luy mesme.

  A018002071 

 Et a la verité, puisque Dieu peut et sçait tirer le bien du mal, pour qui fera-il cela, sinon pour ceux qui, sans reserve, se sont donnés a luy? Ouy, mesme les pechés, dont Dieu par sa bonté nous defende, sont reduitz par la divine-Providence au bien de ceux qui sont a luy.

  A018002072 

 Dites moy donq, je vous prie, que ne fera-il pas de nos afflictions, de nos travaux, des persecutions qu'on nous fait? Si donq il arrive jamais que quelque desplaysir vous touche, de quel costé que ce soit, asseures vostre ame que, si elle ayme bien Dieu, tout se convertira en bien.

  A018002073 

 Et qu'aves vous a craindre, qui estes fille d'un tel Pere, sans la providence duquel pas un seul, cheveu de vostre teste ne tombera jamais? C'est merveille qu'estant filz d'un tel Pere, nous ayons ou puissions avoir autre soucy que de le bien aymer et servir.

  A018002073 

 « Pense en moy, » dit il a sainte Catherine de Sienne, de laquelle nous celebrons aujourd'huy la feste, « et je penseray en toy.

  A018002076 

 Ma Fille, nous allons a l'eternité, nous y avons presque des-ja l'un des pieds; pourveu qu'elle nous soit heureuse, qu'importe-il que ces instans transitoires nous soyent fascheux? Est il possible que nous sçachions que nos tribulations de troys ou quatre jours operent tant d'eternelles consolations, et que nous ne veuillions pas les supporter? En fin, ma tres chere Fille,.

  A018002096 

 Quant au jardin, mon tres cher Pere, je n'y pense plus; non que je ne voye bien que le projet que nous avions fait n'incommodoit pas le [collège,] ains l'accommodoit par le moyen de la recompense que nous eussions donnee; mais, par la grace de Dieu, je n'eus jamais [212] desir de me rendre contentieux, ni de blesser l'esprit de personne..

  A018002098 

 En fin, mon tres cher Pere, nous sommes enfans de la Providence celeste; Dieu aura soin de ses servantes selon son bon playsir.

  A018002125 

 Ce pendant, le bon pere viendra icy faire les Rogations avec nous, et madame la Presidente et les freres, [215] ou nous ne serons pas sans parler de vous.

  A018002147 

 La chere belle et bonne seur se porte bien, et nous tressaillons desja d'ayse en l'attente de monsieur le pere et madame la Presidente dans dix jours..

  A018002162 

 Dieu y mettra sa main, sil luy plait, et nous en fera treuver d'autres..

  A018002162 

 Les Peres de Saint Dominique m'ont offert un parti pour avoir ce morceau de jardin dont nous avons besoin, sans toucher a celuy des Peres Barnabites, mais parti si impossible et, si je ne me trompe, desraysonnable, qu'en fin ce n'est rien.

  A018002165 

 Nous avertirons affin qu'on face la profession au tems que vous desirés..

  A018002166 

 Que je suis en peine, ma tres chere Mere, de crainte que nostre mariage, dont nous nous promettions tant de consolation, ne se rompe; car de ne pas communiquer tres clairement et sans replys toutes les difficultés quil y a, a M. de Chantal et a Monseigneur de Bourges, il ny a point d'apparence; et de les leur communiquer, il y a toute apparence que Monseigneur de Bourges se rebutera de voir que cette terre dont on avoit parlé ne soit pas terre, ains une mayson seulement; que mesme on ne la veuille donner que pour apres le trespas, et non aux noces; que l'argent n'est pas exigeable pour estre colloqué a propos des affaires que l'on a, et que l'on veuille tant de pompe, que deux ou trois mille escus ne suffiront pas: de sorte que rien ne demeure qui puisse bien contenter son esprit que vous connoisses, sinon la fille, que tout le monde avoüe estre digne d'amour.

  A018002181 

 En suite de quoy, comme je conseille a madame de Chantal de ne point s'arrester a la diminution des esperances que nous avions des biens, aussi vous conjure-je, Madame, d'apporter de vostre costé tout ce qui peut faciliter et rendre douce et aggreable l'execution d'une si bonne [222] œuvre, et de prendre la methode la plus claire et franche.

  A018002194 

 En cette vacance de l'estât d'advocat de Vostre Grandeur en ce Conseil de Genevois, advenue par la promotion de monsieur Ouvrier a celuy de senateur, je croy que le sieur Mottier sera proposé a Vostre Grandeur; et je puis dire que si elle luy fait la grace de le recevoir en cette charge, ell'en sera extremement bien servie, non seulement par ce que c'est l'un des plus dignes advocatz que nous ayons en ce païs, mais aussi par ce qu'il [223] affectionnera ardemment son devoir.

  A018002210 

 Dieu soit loüé! Du reste, nous en parlerons avec un peu plus de loysir quand vous viendres icy; et cependant, voyla un billet de nostre Mere, que j'ay ouvert comm'addressé a [ma] fille et tres chere fille.

  A018002226 

 Au reste, on nous a annoncé de toutes partz le mariage de Sa Grandeur; mais j'attens que vous me le facies sçavoir, avant que j'en tesmoigne ma joye, comme je dois, a sadite Grandeur, avec laquelle je me res-jouirois bien davantage si on ne nous asseuroit pas, par la mesme [225] nouvelle, qu'elle se resoult de ne venir plus icy.

  A018002226 

 Or sus, la Providence divine sçait ce qu'elle a a faire de nous..

  A018002276 

 Nous sommes icy parmi les consolations que cette bonne compaignie nous donne, attendans pour compliment de bonheur la venue de nostre chere Mere..

  A018002305 

 Mais toutefois, Madame, je ne laisse pas d'esperer qu'apres tant de remises de vostre volonté a celle de Dieu, apres tant de considerations que vous aves faites sur la vanité de cette vie et sur la verité de la future, apres tant de protestations de vouloir estre irrevocablement attachee a la suite de la Providence celeste, vous ne treuvies une solide consolation au pied de la croix de Nostre Seigneur, ou la mort nous a esté rendue meilleure que la vie; et cette illusion de la vie de ce monde n'aura pas eu le credit, je m'asseure, de vous faire desmarcher des resolutions que Dieu vous fit prendre sur les evenemens d'autrefois..

  A018002306 

 En somme, Madame, il faut s'accommoder a la necessité et la rendre utile a nostre felicité future, a laquelle nous ne devons ni pouvons aspirer que par ce chemin de croix, d'espines, d'afflictions.

  A018002306 

 Et en verité, il importe peu (ains il importe beaucoup) a ceux que nous cherissons, que leur sejour soit court parmi le tracas et les miseres de cette vie; et quant a nous, cela ne nous toucheroit point, si nous sçavions considerer que c'est la seule eternité a laquelle nous devons dresser tous nos desirs..

  A018002317 

 Je vous diray, Madame, mais aussi, s'il vous plait, ma tres chere Fille, qu'il est impossible de n'avoir pas des ressentimens de douleur en ces separations; car, encor qu'il semble que les unions qui ne tiennent qu'au cœur et a l'esprit ne soyent point sujettes a ces separations exterieures, ni aux desplaysirs qui en procedent, si est ce que, tandis que nous sommes en cette vie mortelle, nous les sentons, d'autant que la distance des lieux empesche la libre communication des ames, qui ne peuvent plus s'entrevoir ni s'entretenir que par cet office des lettres.

  A018002317 

 Mays pourtant, ma tres chere Fille, il y a bien dequoy vivre content en la tressainte dilection que Dieu donne aux ames unies a mesme dessein de le servir, puisque le lien en est indissoluble, et que rien, non pas mesme la mort, ne le peut rompre, demeurant eternellement ferme sur son immuable fondement, qui est le cœur de Dieu, pour lequel et par lequel nous nous cherissons..

  A018002338 

 En somme il est donq vray, Monsieur mon Frere, que les estoilles ne sont plus en veuë quand le soleil l'est sur nostre horizon, et qu'ainsy ce grand contentement que vous contemples au mariage de Monsieur vous vaut tellement que nous ne sommes plus en memoire.

  A018002338 

 Or sus, nous nous res-jouissons, certes, avec vous, et de tout nostre cœur, de ce mesme bonheur que nous estimons grand; mais nous avons sceu cette heureuse nouvelle a tastons, ramassant ça et la les asseurances que nous en avions parmi le bruit qui s'en faysoit; car ni Monsieur, ni aucun de sa part, ni nul homme du monde ne nous en a donné aucun advis.

  A018002339 

 Et vous, Monsieur mon Frere, passé ces premiers ravissemens que la grandeur de vostre joye vous donne, vous vous demettres, je m'asseure, a nous vouloir encor un peu gratifier de vostre bienveuillance.

  A018002352 

 Esperons donq, ma tres unique Mere, que le Saint Esprit nous comblera un jour de son saint amour; et, en attendant, esperons perpetuellement, et faysons place a ce sacré feu, vuidant nostre cœur de nous mesmes tant qu'il nous sera possible.

  A018002352 

 Or sus, Dieu ne donne pas tant de desir a nostre tres unique cœur, qu'il ne nous veuille favoriser de quelque effect correspondant.

  A018002352 

 Que nous serons heureux, ma tres chere Mere, si nous changeons un jour n.ostre nous mesme a cet amour qui, nous rendant plus un, nous vuidera parfaitement de toute multiplicité, pour n'avoir au cœur que la souveraine unité de la tressainte Trinité, qui soit a jamais benite au siecle des siecles! Amen.

  A018002361 

 Ce digne porteur vous dira ce que nous sommes et ce que nous faysons.

  A018002361 

 Nous sommes tous-jours esperant et attendant la reddition de nostre Verceil, laquelle devroit il y a long tems estre faite, selon la rayson et les promesses, mais qui ne devroit pas estre si tost attendue, selon l'honneur de celuy qui tient la ville, qui expres, dit on, ne la veut pas faire selon les articles et a point nommé, affin que l'on ne puisse pas dire que c'est par l'authorité du Roy qu'il fait ce dernier accomplissement de la paix.

  A018002378 

 Vostre sorte d'orayson est tres bonne, ains beaucoup meilleure que si vous y faysies des considerations et discours, puisque les considerations et les discours ne servent que pour exciter les affections; de sorte que s'il plait a Dieu de nous donner les affections sans discours ni consideration, ce nous est une grande grace.

  A018002379 

 Mays, ma tres chere Fille, estant une fois resolue de cela, ne vous amuses point, au tems de l'orayson, a vouloir sçavoir ce [238] que vous faites et comme vous pries; car la meilleure priere ou orayson, c'est celle qui nous tient si bien employés en Dieu que nous ne pensons point en nous mesmes, ni en ce que nous faysons.

  A018002463 

 Courage, ma tres chere Fille, tenes vostre esprit haut eslevé au dessus de ce monde et de toutes les embusches qu'il nous tend.

  A018002494 

 Vray Dieu, ma tres chere Fille, que sera ce quand nous verrons aeternellement la face du Pere eternel en elle mesme, puisque le portrait mort et muët d'un chetif homme res-jouit le cœur d'une fille qui l'ayme? Mays, ce me dites vous, ce portrait n'est pas muët, car il parle a vostre esprit et luy dit des bonnes paroles.

  A018002514 

 C'est pourquoy, toutes choses considerees, j'ay creu qu'il estoit requis de faire un'assemblee a cett'intention et qu'il seroit a propos qu'elle se fit icy, affin que nous fussions plus pres de Son Excellence, pour, en cas quil fut necessaire, recourir a elle..

  A018002652 

 Toutefois, outre que nous avons l'exemple des collèges des Pères Jésuites, cette condition, loin de nous faire hésiter, doit au contraire nous exciter à accepter; car peut-être n'y a-t-il pas de voie plus facile pour convertir les hérétiques que celle-ci, et ce moyen employé avec adresse aura un merveilleux succès..

  A018002655 

 Quant au reste, je m'en remets à la grande prudence de notre Père Prévôt, présent porteur; je remercie aussi Votre Paternité de nous l'avoir donné et de nous avoir envoyé ces nouveaux Pères qui sont si aimables.

  A018002668 

 O ma Fille, il le faut tenir haut eslevé ce cœur, et ne permettre point qu'aucun accident de secheresse, d'empressement ou d'ennuy l'estonne, puisque, encor que cela le puisse esloigner de la consolation sensible de la charité, il ne le peut toutefois esloigner de la veritable charité, qui est la souveraine grace de Dieu envers nous pendant cette vie mortelle..

  A018002680 

 Quoy que Vostre Altesse Serenissime ayt souvent commandé, comme la justice et pieté requeroit, que les curés dArmoy et de Draillens fussent payés de leurs pensions, neanmoins il (sic) n'ont jamais peu retirer un seul liard despuis quatre ans en ça, quelle sollicitation qu'eux et moy en ayons sceu faire, et qu'elle (sic) remonstrance que nous ayons proposee de l'extreme necessité que ces parroisses ont d'estre assistees.

  A018002698 

 Nous la supplions donq d'assigner nostre payement sur les tailles ordinaires des mesmes parroisses, avec commandement a la Chambre de faire descharger les païsans d'autant, et jusques a la concurrence de ce qui nous est deu.

  A018002698 

 Or, si Son Altesse nous renvoye aux tresoriers, gabelliere, financiers, nous n'en aurons jamais chose du monde, car ilz se treuvent tous-jours courtz d'argent pour nous.

  A018002699 

 Mais encor, s'il n'y a de bonnes clausules derogatoires, courrions nous fortune de n'avoir rien, tant sommes nous favorisés en nos poursuites, pour justes qu'elles soyent! Ce que je dis, non pour me plaindre de la Chambre, qui est certes marrie de nous voir maltraitter non obstant les arrestz qu'elle a rendus pour nous contre les gabelliers, mais pour vous supplier, Monsieur, de ne rien oublier es depesches, affin que nous vous soyons, et ces curés et moy, de plus en plus obligés.

  A018002750 

 Je chantay, l'autre jour, la victoire avant le triomphe, quand je vous escrivis que nous estions d'accord avec les Peres de Saint Dominique; car, comme le contract a esté dressé, il (sic) n'ont pas volu tenir parole, de sorte quil faudra marcher dans les termes de la justice, laquelle si ell'est un peu bien administree, ilz [274] se repentiront d'avoir refusé dix mille florins de ce qui n'en vaut pas cinq cens.

  A018002795 

 Entre les incertitudes du bienaymé voyage qui nous devoit assembler pour plusieurs moys, Monsieur mon tres [279] cher Frere, je ne regrette rien tant que de voir differer le bonheur que nos cœurs se promettoyent de se pouvoir entretenir a souhait sur leurs saintes pretentions; mais le monde et tous ses affaires sont tellement sujetz aux loix de l'inconstance, qu'il nous en faut souffrir l'incommodité, tandis que nos cœurs disent: Non movebor in æternum.

  A018002795 

 Non, rien ne nous esbranlera en l'amour de la Croix et en la chere union que le Crucifix a fait de nos espritz.

  A018002798 

 Or, il me reste de la recommander a vos prieres, parce que les frequens assautz de ses maladies nous donnent souvent des assautz d'apprehension, bien que je ne cesse d'esperer [281] que le Dieu de nos peres multipliera sa devote semence comme les estoilles du ciel et le sablon qui se voici sur l'arene des mers..

  A018002833 

 Nous sommes icy en paix, mays non pas du tout exemptz des ressentimens de la guerre passee; playse a Dieu qu'ilz ne degenerent pas en recheute..

  A018002908 

 Qu'a jamais les divines inspirations fassent de si puissantes influences en nostre cœur, que sa volonté soit parfaitement faite en nous.

  A018002939 

 Et bien que cette mesme consideration me deut retenir de vous importuner, si est ce qu'en l'occasion que ledit sieur Desplans vous represente pour le secours des Chanoynes de mon Eglise, je ne laisseray pas de vous supplier de nous estre favorable a tous, affin que les uns soyent aydés, et moy consolé de les voir un peu assistés et delivrés de pauvreté, vous asseurant, Monsieur, que vous obligeres force gens d'honneur et qui ont affection [292] de marcher de bien en mieux au service de Dieu; et en mon particulier, j'en demeureray a jamais,.

  A018002995 

 On réserve la Sœur Paule-Jéronyme de Monthouz pour accompagner la Mère et être employée à Turin, puisque cela agrée à Votre Seigneurie, et agréera, nous l'espérons, au Sérénissime Prince..

  A018002998 

 De la ratification pour les moulins de ces Mères, nous n'avons aucune nouvelle, et je ne sais où aura échoué le soin bienveillant que Votre Seigneurie a daigné prendre de cette affaire..

  A018003118 

 Arrivés à Orléans, accueillis par MM. de Béthune et de Modène qui étaient venus à notre rencontre, nous arrêtâmes deux [307] jours pour nous reposer un peu; là, Son Altesse fit la sainte Communion pour la fête de la Toussaint, puis, à petites journées, nous vinmes jusqu'ici.

  A018003136 

 Mon esprit ne peut cesser de penser en vous, ma tres chere Cousine, ma Fille, et ne voudroit faire autre chose [311] que de vous parler en la façon qu'il peut, et ne sçait neanmoins que vous dire, estant, comme le vostre, encor tout estonné; sinon, ma tres chere Fille, que le divin Espoux de nos ames veut que nous regardions tous nos evenemens dans le sein de sa celeste Providence et que nous jettions nos affections en l'eternité, ou nous nous reunirons tous pour ne jamais plus estre separés.

  A018003136 

 O ma Fille, pourquoy nous sommes nous jamais asseurés et confiés en la vanité de cette vie perissable? Nos pretentions sont au dele, ou il faut donq lancer nos affections..

  A018003148 

 Je regarde meshuy vostre Mayson comme une pepiniere de plusieurs autres; c'est pourquoy il faut songer d'y enraciner les grandes et parfaites vertus de l'abnegation de son amour propre, l'amour de son abjection, la mortification des humeurs naturelles, la sincere dilection, affin que Nostre Seigneur et sa tressainte Mere soyent glorifiés en nous et par nous..

  A018003149 

 Nous avons icy la cour, cela m'oste beaucoup de mon loysir d'escrire a mon gré; mais ma grande Fille se contentera bien aussi de lire dans mon cœur de loin, que je suis parfaitement sien en Celuy qui, pour estre nostre et affin que nous fussions siens, voulut bien mourir pour nous.

  A018003172 

 Et parce que la Sainte Escriture dit que le mary d'une femme bonne est heureux, je puis des a present augurer toute sorte de bonheur a Vostre Altesse pour ce regard, et en benir Nostre Seigneur de tout mon cœur, puisque, [315] comme la mesme Escriture nous annonce, la mayson et les richesses nous sont acquises par nos peres, mais la femme sage et vertueuse, a proprement parler, est donnee comme un pretieux present de la liberalité divine..

  A018003186 

 Nous aurons au moins la plus vertueuse Princesse qui vive..

  A018003188 

 Icy, nous avons beaucoup de peine a faire reuscir l'establissement de la Congregation et crains grandement qu'il ne soit differé, bien que c'est merveille de la quantité des ames qui desirent en estre..

  A018003228 

 Il est luy seul nostre paix, nostre consolation et nostre gloire: que reste-il, sinon que nous nous unissions de plus en [320] plus a ce Sauveur, affin que nous portions bon fruit? Ne sommes nous pas bien heureux, ma chere Mere, de pouvoir enter nos cœurs sur celuy du Sauveur qui est enté sur la Divinité? car ainsy, cette infiniment souveraine Essence est la racine de l'arbre, duquel nous sommes les branches, et nos amours les fruitz: ç'a esté le sujet de ce matin..

  A018003229 

 Ouy, Seigneur Jesus, faites tout a vostre gré de nostre cœur; car nous n'y voulons ni part ni portion, ains le vous donnons, consacrons et sacrifions pour jamais..

  A018003231 

 Il y va bien du tems avant que nous soyons du tout despouillés de nous mesmes et du pretendu droit de juger ce qui nous est meilleur, et de le desirer.

  A018003231 

 Quand sera ce que nous ne voudrons rien, ains laisserons entierement le soin a ceux a qui il appartient de vouloir pour nous ce qu'il faut? Mais il n'y a remede: la propre volonté est bridee par l'obeyssance, et toutefois on ne peut l'empescher de regimber et faire des caprices; il faut supporter cette infirmité.

  A018003243 

 Je vous ay tesmoigné par mes lettres que je prendrois a faveur de me nommer vostre frere, qui est le mot du plus franc et desirable amour de tous ceux que la nature nous a donné et que la grace nous ordonne.

  A018003257 

 Mais pour l'ordinaire, il faut dire a cette fille: Ma Seur, parlons de nostre leçon que Nostre Seigneur nous a recommandé d'apprendre, disant: Apprenes de moy que je suis humble et doux de cœur.

  A018003278 

 Je suis en butte a tous les complaignans, et puis en certaine façon dire: Quis infirmatur, et ego [329] non infirmor? Vous participés avec compassion, je m'asseure, a toutes nos imbecillités et miseres, et aves bon besoin d'exercer la patience parmi la multitude de nos impatiences, devant estre arbitre parmi nous, affin de nous tenir en paix et tranquillité d'esprit.

  A018003314 

 En quelles occurrences pouvons nous faire les grans actes de l'invariable union de nostre cœur a la volonté de Dieu, de la mortification de nostre propre amour et de l'amour de nostre propre abjection, et en somme, de nostre crucifixion, sinon en ces si aspres assautz? Ma tres chere Mere, vous ay-je pas souvent intimé la nudité de toutes les creatures, pour se revestir de Nostre Seigneur crucifié? Or sus, Dieu sera au milieu de vostre cœur, qui vous affermira, et j'espere [332] qu'il conduira ce filz a bon port et que vous aurés encor la consolation interieure de le sçavoir..

  A018003328 

 L'aymant attire le fer, l'ambre attire la paille et le foin: ou que nous soyons fer par dureté, ou que nous soyons paille par imbecillité, nous nous devons joindre a ce souverain petit Poupon, qui est un vrai tire cœur..

  A018003328 

 Mays, qu'est ce qu'il ne nous dit pas en se taisant? Son petit cœur, pantelant d'amour [334] pour nous, devroit bien enflammer le nostre.

  A018003328 

 Vous estes bien aupres de cette cresche sacree en laquelle le Sauveur de nos ames nous enseigne tant de vertus par son silence.

  A018003329 

 Ouy, ma Fille, ne retournons point en la region de laquelle nous sommes sortis; laissons pour jamais l'Arabie et la Chaldee, et demeurons aux piedz de ce Sauveur.

  A018003330 

 Combien de fois arrive il que nous disons des bonnes choses parce que quelque bonne ame nous les impetre? Ne presche elle pas asses, et avec cet advantage, que n'en sçachant rien elle ne s'en enfle point? Nous ressemblons aux orgues, ou celuy qui met le souffle fait en verité le tout et n'en porte point la louange.

  A018003380 

 Ayés bon courage, car pourveu que nostre cœur luy soit fidele, il ne nous chargera point outre nostre [339] pouvoir, et supportera nostre fardeau avec nous quand il verra que, de bonne affection, nous sousmettrons nos espaules..

  A018003380 

 Voyla que je vous dis, ma tres chere Mere; et tout de mesme pour les nouvelles des desplaysirs de M. [de Chantal.] En fin, Nostre Seigneur, peut estre, nous veut ainsy conduire entre les espines desormais; et je confesse, pour le regard de moy mesme en moy, qu'il en est bien tems: en vous, je le supplie de toutes mes forces qu'il attrempe tous-jours doucement son calice; mais que nostre volonté ne soit pas faite, ains la sienne toute sainte.

  A018003389 

 C'est pourquoy, ma tres chere Fille, nous serons tous-jours ensemble et mon cœur sera [toujours] inseparable du vostre, puisque, graces a Dieu, nous n'avons [qu'une] volonté, qui est d'accomplir la sienne selon nostre petitesse, abjection et misere.

  A018003389 

 Soit que nous allions, soit que nous revenions, soit que nous soyons en un lieu, soit que nous soyons en divers lieux, pourveu que nous soyons avec Dieu nous ne pouvons jamais estre separés; et mesme, si nous avons memoire de la parole de Nostre Seigneur quand il dit a sa tres chere Mere: Ne sçavies vous pas qu'il failloit que je fusse es affaires de mon Pere? car il veut dire que il importe peu ou que nous soyons, pourveu que nous vivions au service du Pere celeste.

  A018003391 

 Je participe par ressentiment au mal que monsieur vostre mari souffre et a la peine que vous en aves, parmi laquelle nostre tres sacree Maistresse et Abbesse vous peut bien donner de la consolation, vous menant sur la montaigne de Calvaire ou elle tient le noviciat de son monastere, monstrant la leçon non seulement de bien souffrir, mais de souffrir amoureusement tout ce qui nous arrive, et a nos plus chers.

  A018003412 

 O Dieu, ma tres chere Fille, que c'est une leçon digne d'estre bien entendue, que cette vie ne nous est donnee que pour acquerir l'eternelle! Faute de cette connoissance, nous establissons nos affections en ce qui est de ce monde dans lequel nous passons; et quand il le faut quitter, nous sommes tout estonnés et effrayés..

  A018003413 

 Croyés moy, ma chere Fille, pour vivre content au pelerinage, il faut tenir presente a nos yeux l'esperance de l'arrivee en nostre patrie, ou eternellement nous arresterons; et ce pendant croire fermement (car il est vray) que Dieu qui nous appelle a soy regarde comme nous y allons, et ne permettra jamais que rien nous advienne que pour nostre plus grand bien.

  A018003413 

 Il sçait qui nous [343] sommes, et nous tendra sa main paternelle es mauvais pas, affin que rien ne nous arreste.

  A018003414 

 Que deves vous craindre, ma tres chere Fille, estant a Dieu, qui nous a si fortement asseurés qu' a ceux qui l'ayment tout revient a bonheur? Ne pensés point a ce qui arrivera demain, car le mesme Pere eternel qui a soin aujourd'huy de vous, en aura soin et demain et tous-jours: ou il ne vous donnera point de mal, ou s'il vous en donne, il vous donnera un courage invincible pour le supporter..

  A018003427 

 L'autre, qui est a mon gré une brave et digne femme, par ce que voulant meshuy essayer si nous pourrons faire reuscir nostre dessein sans ce bon seigneur, qui, a la verité, est incomparable a tenir les affaires en longueur, nous aurons grandement besoin d'elle et de sa conduite qui est tres bonne..

  A018003427 

 Nous ne vous envoyerons pas encor ni l'une ni l'autre de ces dames: l'une, qui est la mariee, par ce qu'elle ne [345] veut donner que cinq cens francz de pension, se sous-mettant, quant au reste, que sa fille de chambre estant espreuvee, si elle n'est propre a demeurer on la puisse chasser; et pour ses moyens, bien qu'elle ne se determine a rien, si me semble-il qu'elle se laissera conduire.

  A018003453 

 Nous avons fait une petite conference ce matin, de troys dames, pour voir comme nous ferons pour le dessein de l'introduction de nostre Visitation.

  A018003453 

 Nous treuvons treze mille escus d'or et quinze cens francz de revenu pour commencer; de sorte que nous allons travailler a bon escient, et la bonne fille M me de Gouffier va revoir toutes les dames qui doivent estre de la partie, pour estre bien asseurés de l'affaire..

  A018003454 

 Nous sommes reduitz a cette proposition, qu'on recevra dans les Audriettes nos Seurs, a la charge qu'elles recevront des filles, des l'aage de 14 a 15 ans, qui ont besoin de se retirer pour faire choix de leur vocation, lesquelles seront en un quartier a part, ou deux ou trois des Seurs les gouverneront; et pendant le tems qu'elles demeureront, ne sortiront point et vivront en obeissance, en attendant que Dieu leur envoye l'inspiration ou quelque parti.

  A018003455 

 Peut estre aurons nous besoin de la faveur de monsieur le Grand pour tesmoigner des qualités de monsieur le Baron de Chantal, affin que non seulement il entre au service du Prince, mais qu'il entre d'abord en qualité qui le puisse contenter et messieurs ses parens; mais je croy que M. le Grand le fera volontier.

  A018003468 

 Bref, si chasque Seur veut estre de croire en ses appetitz interieurs, la sousmission et la liayson se perdra, et, avec elle, la Congregation: dequoy Dieu nous veuille garder.

  A018003469 

 Icy, nous taschons a vaincre les tentations suscitees contre l'introduction de la Visitation, et espere que nous le ferons.

  A018003509 

 Nous apprendrons aujourdhuy ou demain des nouvelles des despeches de nostre Sainte Marie.

  A018003509 

 Quand vous me verres apres le sermon, ou aujourdhuy ou demain, nous prendrons jour et heure pour parler avec elle.

  A018003520 

 Dieu, qui voit que nous ne venons pas a Paris pour nous faire voir, mais affin de faire voir a sa Bonté plusieurs ames s'acheminer purement a son saint service, nous aydera.

  A018003520 

 Je respons de la sincerité de vos intentions comme des miennes propres, si tien et mien se doit dire entre nous, que Dieu a unis pour luy rendre un mesme service..

  A018003562 

 Je voy la mortification qu'il y a de voyager parmi ces bons jours et, pour toute bonne chose, je voudrois vous delivrer de cette peine; mays nous sommes pressés de mon retour, pour l'incertitude du tems auquel il me le faudra faire, et chacun crie que vous venies avant mon depart..

  A018003576 

 Mais en fin, ce pere est trespassé en sorte que, si la foy de la vie eternelle regne en nos espritz comme elle doit, nous devons estre grandement consolés.

  A018003576 

 Petit a petit, Dieu nous sevre des contentemens de ce monde; oh! ma tres chere Fille, il faut donq ardemment aspirer a ceux de l'immortalité, et tenir nos cœurs eslevés au Ciel ou sont nos pretentions et ou nous avons meshuy une grande partie des ames que nous cherissons le plus..

  A018003604 

 En somme, il est gracieux et debonnaire; car soudain que nous nous humilions sous sa volonté, il s'accommode a la nostre.

  A018003604 

 Si nostre Dieu ne nous donne pas tous-jours ce que nous luy demandons, c'est pour nous retenir aupres de luy et nous donner sujet de le presser et contraindre par une amoureuse violence, ainsy qu'il fit voir en Emmaus, avec ces deux pelerins avec lesquelz il n'arresta que sur la fin de la journee, et bien tard, et quand ilz le forcerent.

  A018003604 

 Tasches donq, ma tres chere Fille, a fortifier de plus en plus vostre confiance en cette sainte Providence, et l'adorés frequemment en vos retraittes spirituelles, et par ces regars interieurs dont nous parlons en la prattique..

  A018003619 

 Elle dit plus: que l'hostel du Cardinal de Guyse, qui est proche de cette mayson, nous sera encor vendu si nous voulons.

  A018003680 

 C'est donq ce meschant esprit qui, a jamais privé d'amour sacré, voudroit empescher que nous jouissions des [378] fruitz de celuy que le Saint Esprit veut estre prattiqué entre nous, affin que, par les reciproques communications saintes, nous ayons moyen de croistre en sa celeste volonté..

  A018003681 

 C'est pourquoy il n'est pas requis que nous marchions tous-jours contre nos inclinations, quand elles ne sont pas mauvaises et qu'ayant esté examinees elles ont esté treuvees bonnes..

  A018003681 

 Pour moy, je pense que nous ne devons pas appeller les amertumes en nos cœurs comme fit Nostre Seigneur, car nous ne les pouvons pas gouverner comme luy; il suffit que nous les souffrions patiemment.

  A018003683 

 Alhors donq nous parlerons a souhait de vostre conduitte et de tout ce qu'il vous plaira me proposer, sans que je m'excuse de rien, sinon quand je n'auray pas la lumiere requise pour vous respondre.

  A018003697 

 Vous pourres tous-jours, quand vous voudres, nous faire sçavoir de vos nouvelles, addressant vos lettres icy, a Maurice des Melliers, valet de chambre de monsieur [le] Comte de Moret, qui est de nos voysins de Thorens; ou bien mesme a Rouen, a monsieur l'advocat Monet, qui est de la Bonneville.

  A018003714 

 Pour Villy, je croy que nous obtiendrons ce que nous demandons.

  A018003715 

 Mays croyes moy, je vous supplie, que quand il y seroit, nous n'en aurions rien davantage, ni par la voye de Madame, qui ne demande rien en matiere d'affaires que ce que Monseigneur son mari luy suggere de demander; et il ne veut rien toucher, ni d'une sorte ni d'autre, a ce qui doit estre pris des mains de Son Altesse.

  A018003716 

 Mays vous sçaures mieux tout ceci bien tost, que j'auray lhonneur de vous voir, sil est vray que Monseigneur le Prince s'en aille dans 15 jours, et Madame dans 15 apres, comm'on nous dit.

  A018003734 

 Considerons que tout ce que nous avons ne nous fait estre rien plus en effect que le reste du monde, et que tout cela n'est rien devant Dieu et les Anges..

  A018003735 

 C'est peu de chose de plaire a Dieu en ce qui nous plaist: la fidelité filiale requiert que nous luy voulions plaire en ce qui nous desplaist, nous remettans devant les yeux ce que le grand Filz bienaymé disoit de soy mesme: Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mays pour faire la volonté de Celuy qui m'a envoyé; car aussi n'estes vous pas chrestienne pour faire vostre volonté, mais pour faire la volonté de Celuy qui vous a adoptee pour estre et sa fille et son heritiere eternelle..

  A018003736 

 En cela seul nous devons prendre joye de nous estre aymés en cette vie: que le tout a esté pour la [385] gloire de sa divine Majesté et nostre salut eternel.

  A018003736 

 Prions bien Dieu qu'il nous face la grace de vivre tellement selon son bon playsir en ce pelerinage, qu'estant arrivés en la celeste patrie nous nous puissions res-jouir de nous estre veus icy bas et d'y avoir parlé des mysteres de l'eternité.

  A018003757 

 Et je dis ainsy hardiment, que Dieu a voulu estre entre nous, parce que je le sens puissamment, et ne croy pas que ce sentiment puisse venir d'ailleurs.

  A018003757 

 Il n'y aura donq plus en moy de Monsieur pour vous, ni en vous de Madame pour moy; les anciens, cordiaux et charitables noms de Pere et de Fille sont plus chrestiens, plus doux, et de plus grande force pour tesmoigner la dilection sacree que Nostre Seigneur a voulu estre entre nous.

  A018003787 

 Non que nous voulions vous donner l'importunité d'assister a la meslee des allegations qui se feront de part et d'autre, mais seulement nous souhaiterions que l'affaire se passast en lieu ou vous puissies, en un mot de vostre authorité, determiner ce qui sera jugé convenable par ceux a qui il vous plaira de donner le soin de voir le droit et le juste; autrement, Monsieur mon Filz, il ny a nul moyen de finir cette conteste, laquelle toutefois est de consequence pour le repos des ames des uns et des autres..

  A018003788 

 Playse vous donq, je vous en supplie de rechef tres humblement, de nous faire a tous cette grace, et d'advertir les uns et les autres de vostre volonté, affin que, ce pendant, le proces cesse, et qu'ilz se præparent a venir, icy [393] ou a Digeon, au tems de vostre commodité.

  A018003806 

 Je voudrois bien, certes, avoir quelque beau bouquet du desert de nostre glorieux saint Jean pour le presenter a vostre chere ame; mais la mienne, plus sterile que le desert, n'a sceu y en treuver aujourdhuy, bien qu'en verité ell'ayt eu ce matin et ayt encor presentement un certain petit, insensible sentiment de ne vouloir plus vivre selon la nature, mais, tant qu'il se pourra, selon la foy, l'esperance et la charité chrestienne, a l'imitation de cet homme angelique qué nous voyons, dans ce profond desert, ne regarder que Dieu et soymesme.

  A018003833 

 Dites luy qu'elle communie hardiment en paix, avec toute humilité, pour correspondre a cett' Espoux (sic), qui, pour s'unir a nous, s'est aneanti et suavement abaissé, jusques a se rendre nostre viande et pasture, de nous qui sommes la pasture et viande des vers. O ma Fille, qui se communie selon l'esprit de l'Espoux s'aneantit soymesme et dit a Nostre Seigneur: Masches moy, digeres moy, aneantisses moy et convertisses moy en vous.

  A018003833 

 Et nous, que ne devons nous pas faire affin quil nous possede, quil nous manie, quil nous masche, quili nous avale et ravale, qu'il face de nous a son gré?.

  A018003833 

 Je ne treuve rien au monde dequoy nous ayons plus de possession et sur quoy nous ayons tant de domination que la viande que nous aneantissons pour nous conserver; et Nostre Seigneur est venu jusques a cet exces d'amour, que de se rendre viande pour nous.

  A018003871 

 C'est l'Esprit de Dieu, Monsieur, qui nous a donné l'Escriture, et c'est le mesme Esprit qui en donne le vray sens, et ne le donne qu'a son Eglise, colomne et appuy de verité; Eglise par le ministere de laquelle ce divin Esprit garde et maintient sa verité, c'est a dire le vray sens de sa Parole; et Eglise qui seule a l'infallible assistance de l' Esprit de verité, pour bien, deuëment et infalliblement treuver la verité en la Parole de Dieu.

  A018003903 

 Et ayant pensé a ce que vous me dites des habitz et de la demande qui s'en fait, j'incline qu'on la retranche; mays nous verrons.

  A018003958 

 Et parce que jusques a present elle a esté maistresse de soy mesme, et que, pour la bien et utilement mettre au vray chemin de la vie spirituelle, il faut doucement et amoureusement et prudemment la delivrer de cette ancienne et tyrannique sujettion, pour luy imposer le gratieux joug et la douce maistrise que le Saint Esprit veut avoir sur son ame, nous avons pris cette confiance en vostre charité, que vous prendries volontier ce soin et sçauries employer les moyens convenables.

  A018003958 

 Mais je vous diray celle ci, que vous ne croiries pas si aysement de sa bouche: c'est que nous desirons grandement qu'elle soit conduitte a la vraye connoissance et prattique de la vie devote.

  A018003965 

 Encor faut il que je vous die, que la retraitte de cette damoyselle en la Congregation a esté appreuvee par tout le Conseil de Monseigneur le Cardinal, luy absent, et notamment par le R. P. B[inet], bien qu'elle ayt declairé qu'elle n'avoit que le desir d'estre inspiree a demeurer en l'estat religieux; et si la Mayson d'icy n'eust esté toute en noviciat, incommodee de logis et embarrassee de tant de visites, nous l'eussions retenue tres volontier.

  A018003985 

 Nous nous reverrons bien souvent aupres de nostre saint Crucifix, si nous observons bien les paroles que nous nous en sommes donné; aussi bien est ce la ou les entreveuës sont uniquement profitables..

  A018003988 

 Vous vous deves soulager vous mesme, mesprisant toutes ces suggestions tristes et melancholiques que l'ennemi nous fait avec le seul dessein de nous lasser et tracasser..

  A018003989 

 Prenes bien garde a bien prattiquer l'humble douceur que vous deves au cher mari et a tout le monde, car c'est la vertu des vertus que Nostre Seigneur nous a tant recommandee; et s'il vous arrive d'y contrevenir, ne vous troubles point, ains, avec toute confiance, remettes vous sur pied pour marcher de rechef en paix et douceur comme auparavant..

  A018004051 

 Ce mot est pour vous saluer en toute humilité et nous plaindre de ce que nous n'aurons point l'honneur de vous voir selon que nous le croyions, ma sœur Barbe Marie nous assurant que vous n'allez pas à Paris, ains à Grenoble.

  A018004051 

 Nous voilà donc privée de cette incomparable consolation que nous attendions avec tant d'ardeur et d'affection: Dieu en soit béni, et nous fasse la grâce de ne jamais rien désirer que l'accomplissement de sa très sainte et adorable volonté..

  A018004052 

 Il faut avouer, mon très honoré Père, que nous sommes mortifiée tout à fait, bien que de l'autre côté nous soyons consolée d'avoir de quoi offrir à Notre-Seigneur la privation du bonheur de vous entretenir, selon que nous nous étions promis de le faire amplement, et en ayant nécessité.

  A018004053 

 Nous serons toujours contente en l'assurance que nous avons, [421] Monseigneur, d'avoir part en vos saintes prières, en qualité de celle qui est et sera éternellement,.

  A018004072 

 Monseigneur le Mareschal des Diguieres nous a faict instance de vous permettre d'aller prescher le Caresme prochain a Grenoble.

  A018004072 

 Nous la luy avons volontiers accordee pour le fruict que Nous esperons que ce lieu la en tirera.

  A018004113 

 C'est pourquoÿ ne l'avons point voulu laisser partir sans les presentes, par lesquelles prions tres affectueusement Vostre Seigneurie Reverendissime de l'avancer et luÿ prester toute faveur et aide, si que il soÿ (se) puisse louer avoir jouÿ de ceste nostre intercession: Nous paroffrans en toutes les occasions de nous en revancher, prians le Tout Puissant et sa saincte Mere de conserver Vostre Paternité en bonne prosperité..

  A018004136 

 Que peut lon pensér quil fut arrivé a ceste creature si elle en eust mangé? Enfin, si Dieu ne nous avoit en sa ste protection, jamdudum consumpti essemus..

  A018004163 

 Si le Ciel, pour un comble de faveurs, nous faisait la grâce de vous ouïr encore un Carême, je pense que Grenoble serait du tout inondé de bénédictions célestes.

  A018004163 

 Véritablement, Monseigneur, vos saints discours ont vêtu nos ennemis de confusion; car, combien d'âmes avez-vous tirées d'entre les dents cruelles de ce lion rugissant! Vous l'avez spolié de sa conquête, nous en sentons tous les jours les effets; et, si j'ose ajouter ma pensée, je dirai que la sanctification de Dieu fleurit sur Grenoble, par le moyen de vos très chères Filles, nos Sœurs de la Visitation.

  A018004211 

 A tous qu'il appartiendra, sçavoir faisons que sur la remonstrance que Nous a esté faicte de la part des Reverendes Dames Religieuses de la Visitation de Nostre ville d'Annessy, contenant que pour avoir moyen de vivre et s'entretenir en ycelle, soubs les regles establies par nostre Sainct Pere le Pape, elles ont besoing d'avoir des revenus asseurés et proches de la dicte ville; et estant informées que M r Anthoine de Boege, dict de Conflens, tient de Nous, soubs grace de reachept perpetuel, les moulins assis dans Nostre dicte ville d'Annessy, soubs la riviere de Thiouz, proche l'eglise Saincte Claire, qu'elles ne peuvent commodement avoir sinon qu'il Nous plaise leur permettre d'entrer en Nostre lieu et place; Nous inclinant volontairement a leur priere, appres avoir ouy les gents de Nostre Conseil pres Nostre personne, et desirant de tout Nostre pouvoir l'accroissement et augmentation du culte divin, et preferant la gloire et honneur de Dieu a l'interest particulier des droicts de Nostre domeyne:.

  A018004213 

 Sy donnons en mandement a nos chers bien aymés et feaulx [438] Conseillers, les gents tenants Nostre Chambre des Comptes de Genevois, de verifier et interiner ces presentes, et du contenu en ycelles faire souffrir et laisser jouyr pleynement et paysiblement les dictes Dames de la Visitation, sans difficulté; et a nous (sic) advocats et procureurs fiscaulx et domaniaux, d'y prester consentement.

  A018004229 

 Et a ces fins, plaira a Vostre Altesse Serenissime enjoindre a sa dicte Chambre des Comptes de Savoye, de verifier les Patentes que leur seront expediées pour le faict que dessus, sans aulcune difficulté et sans aulcung esmolument, en derogeant pour ce regard, entant que de besoing, a tous edicts a ce contraires: affin que les dictes Dames puissent jouyr plus seurement et paisiblement de la commodité des dicts moulins, et faire leurs fonctions avec plus de tranquillité d'esprit au service de Dieu, qu'elles prient incessamment pour la prosperité de Vostre Altesse, conservation et accroissement de ses Estats et de Nous (sic) Seigneurs les Princes Ser mes, qu'il veillie combler de ses graces et benedictions..


19-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIX-Vol.9-Lettres.html
  A019000029 

 — De quoi nous devons remercier Dieu.

  A019000044 

 — Les richesses que nous amassons ici-bas.

  A019000062 

 — Pourquoi Dieu nous laisse des imperfections.

  A019000085 

 — Confiance en Dieu, et nous ne serons pas confondus. 86.

  A019000121 

 — Profiter de nos mouvements imparfaits pour nous humilier.

  A019000124 

 — Le seul souci que nous devons avoir.

  A019000162 

 Quand Dieu nous a donné une charge, il nous doit sa grâce pour la bien remplir.

  A019000178 

 — Etre juste envers nous-même.

  A019000205 

 Les matériaux des bâtiments célestes «au quartier des hommes.» — Ce que les Anges pourraient nous envier.

  A019000205 

 — Comment Notre-Seigneur nous fait souvent le plus de bien.

  A019000255 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, il faut laisser nostre vie et tout ce que nous sommes a la pure disposition de la divine Providence; car en somme, nous ne sommes plus a nous mesmes, ains a Celuy qui, pour nous rendre siens, a voulu d'une façon si amoureuse estre tout a fait nostre..

  A019000289 

 Je ne doute pas pourtant que vous ne pensies bien et soyes tres asseuree que cette separation ne soit pas de longue duree, puisque tous nous allons a grans pas ou ce filz se retreuve: entre les bras, comme nous devons esperer, de la misericorde de Dieu.

  A019000301 

 Si faut il, ma tres chere Fille, que je vous die que nous sommes arrivés icy joyeusement.

  A019000315 

 Cette eternité sainte qui nous attend soit vostre consolation, et d'estre chrestienne, fille de Jesus Christ, regeneree en son sang, car en cela seul gist nostre gloire: que ce divin Sauveur est mort pour nous..

  A019000315 

 Peu nous importe que nous ayons icy des commodités ou incommodités, pourveu qu'a toute eternité nous soyons bienheureux.

  A019000315 

 Tout passe, ma tres chere Fille; apres le peu de jours de cette vie mortelle qui nous reste, viendra l'infinie eternité.

  A019000317 

 Attendant de nous revoir par sa misericorde divine, je seray,.

  A019000343 

 C'est le signe evident de la perfection de vouloir estre corrigee; car c'est le principal fruit de l'humilité, qui nous fait connoistre que nous en avons besoin..

  A019000356 

 Je pars en fin demain matin, ma tres chere Fille, puisque telle est la volonté de Celuy auquel nous sommes, nous vivons et nous mouvons.

  A019000356 

 O qu'il soit loué, ce grand Dieu eternel, pour les misericordes qu'il exerce envers nous! Vostre consolation console mon cœur, qui est si fort uni avec le vostre, que rien ne sera jamais receu en l'un que l'autre n'y ayt sa part, ains le tout, puisqu'en verité ilz sont en communauté, ce me semble, parfaite; et qu'il me soit loysible d'user du langage de la primitive Eglise, un cœur et une ame..

  A019000362 

 J'eusse voulu que vous ne vous fussies pas raillee et mocquee de ces gens la, mais qu'avec une modeste simplicité vous les eussies edifiés par la compassion dont ilz sont dignes, selon que Nostre Seigneur nous a enseigné en sa Passion.

  A019000374 

 Ce que Dieu a uni en sang et en sentiment est inseparable tandis que ce mesme Dieu regne en nous; et il y regnera eternellement..

  A019000391 

 Voyla nostre bon M. le Collateral qui vous va revoir, pour soudain nous venir rencontrer en chemin.

  A019000392 

 Je ne vous escriray guere, car je n'en puis plus du grand tracas que nous avons fait.

  A019000393 

 Nous partons samedi et allons droit a Bourges, puis a Moulins, de sorte que nous verrons toutes nos Seurs..

  A019000394 

 Quelle difference, ma tres chere Mere, entre cette assemblee de divers pretendans (car la cour est cela et n'est que cela), et l'assemblee des ames religieuses qui n'ont point de pretention qu'au Ciel! Oh! si nous sçavions en quoy consiste le vray bien!.

  A019000420 

 Nous avons bien fort renouvelé l'ancienne amitié et alliance spirituelle [vos deux chères Sœurs] et moy, et elles sont tous-jours mes filles comme autrefois.

  A019000434 

 A mesure que je m'esloigne de vous, ma tres chere Fille, selon les lieux, je me sens interieurement de plus [25] en plus joint et uni a vostre cœur selon l'esprit; et connois bien par la que c'est le bon playsir de Dieu que nous ayons ce sentiment de veritable et sincere dilection..

  A019000448 

 Comme pourroit on serrer sur sa poitrine Nostre Seigneur crucifié, sans que les cloux et les espines qui le transpercent ne nous percent?.

  A019000451 

 Ma Fille, nous souffrons le martyre du cœu quand, pour l'amour de Dieu, nous voyons mourir et acquiesçons a la mort de ceux que nous cherissons.

  A019000452 

 Salues la cherement de ma part, je vous supplie, et l'asseures que je ne passeray pas Bourges, ou nous nous acheminons demain matin, sans que je luy envoye une de mes lettres.

  A019000461 

 Que vous puis je donq dire en cette occasion? Laissons prendre a Dieu ce qu'il luy plait, et le remercions de ce qu'il nous laisse, et encor plus de ce qu'il nous rendra le tout avec une usure nom-pareille au jour auquel nous verrons sa face..

  A019000461 

 Vous sçaves trop bien la condition de cette miserable vie que nous menons en ce monde, pour estre estonné des evenemens qui y arrivent de diverses sortes.

  A019000490 

 Et quand on nous reprend ou qu'on nous veut marquer nos imperfections en la conduitte, nous devons doucement tout ouÿr, et puis proposer cela a Dieu et nous en conseiller avec nos aydes ou coadjutrices; et apres cela, faire ce qui est estimé a propos, avec une sainte confiance que la divine Providence reduira tout a sa gloire..

  A019000492 

 Faites si suavement cela, que vos inferieures ne prennent point occasion de perdre le respect qui est deu a vostre charge, ni de penser que vous aves besoin d'elles pour gouverner; ains faites leur connoistre doucement, sans le dire, que vous faites ainsy pour suivre la regle de la modestie et humilité, et ce qui est porté par les Constitutions; car voyes vous, ma chere Fille, il faut tant qu'il est possible, faire que le respect de nos inferieurs envers nous ne diminue point l'amour, et que l'amour ne diminue point le respect..

  A019000509 

 Nous partismes donq de Tours le samedi, avec certes du desplaysir d'y laisser la chere M me de Villesavin malade, non sans quelque danger.

  A019000511 

 J'en conferay avec M. de Berule et avec mon parfait ami M. des Hayes, duquel, quand il viendra a Paris, vous pourres sçavoir plus entierement la chose; car je luy escriray quil vous en parle, bien que nous fussions demeurés d'accord que nul n'en sceut chose du monde, d'autant que je pensois vous le pouvoir escrire au long; ce que je voy maintenant n'estre pas possible ni asseuré.

  A019000511 

 L'affaire n'est pas encor preste, ni ne le sera pas si tost; et tandis, nous escouterons ce que Dieu en ordonnera, a la plus grande gloire duquel je veux tout reduire et sans laquelle je ne veux rien faire, moyennant sa grace, ainsy que je fis entendre a mondit seigneur le Cardinal d'abord, et le luy repliquay de rechef estant a Amboyse, ou il m'en parla encor plus cordialement; et Monsieur le Cardinal de la Rochefocaut m'en tendit un mot devant M. le Prince, mais en sorte que cela ne fut [39] point consideré.

  A019000512 

 La, a Amboyse, nous receumes l'advis que nous irions a Nice et a Chasteaumorand; avant hier nous fusmes advertis que nous allions droit a Grenoble, et de la en Savoye, a Chamberi, d'où je me retireray a Annessi.

  A019000514 

 A Bourges, il est incroyable combien de faveurs nous receumes de M. nostre Archevesque, qui est veritablement cordial; mais nous eumes fort peu de tems a parler.

  A019000515 

 M. de Saint Aignan n'est encor point venu; mais il faut que je vous die que nous avons veu en sa mayson tant de marques de la pieté de M me de Saint Aignan que j'en suis devenu tout amoureux, m'estant advis qu'elle sera un jour sainte si elle persevere avec humilité.

  A019000576 

 Nostre glorieux saint Bernard dit que c'est heresie de dire que nous puissions perseverer en un mesme estat icy bas, d'autant que le Saint Esprit a dit par Job, parlant de l'homme, que jamais il n'est en mesme estat.

  A019000579 

 Au reste, ma tres chere Fille, je ne doute point que parmi cette si grande quantité de tours et de retours de cœur, il ne se glisse par ci par la quelques fautes venielles; mais pourtant, comme estans passageres, elles ne nous privent pas du fruit de nos resolutions, ains seulement de la douceur qu'il y auroit de ne point faire ces manquemens, si l'estat de cette vie le permettoit..

  A019000581 

 Encor faut-il que j'adjouste en ce bout de papier ce mot important: ne charges point vostre foible cors d'aucune autre austerité que de celles que la Regle vous impose; gardes vos forces corporelles pour en servir Dieu es prattiques spirituelles, que souvent nous sommes contraintz de laisser quand nous avons indiscrettement surchargé celuy qui, avec l'ame, les doit exercer..

  A019000582 

 Escrives moy quand il vous plaira, sans ceremonie ni crainte; n'employes point le respect contre l'amour que [52] Dieu veut estre entre nous, selon lequel je suis a jamais invariablement.

  A019000651 

 Soyés a jamais benite, ma tres chere Mere, et que vostre cœur et le mien soyent a jamais remplis du divin et tres pur amour que la divine Bonté nous a fait la grace de vouloir parfaitement aymer..

  A019000680 

 O que cet enfant est heureux d'estre volé au Ciel comme un petit ange, avant que d'avoir presque touché la terre! Quel gage aves vous la haut, ma chere Fille! [61] Mays vous aures, je m'asseure, traitté cœur a cœur avec nostre Sauveur de cet affaire, et il aura des-ja saintement accoysé la tendreté naturelle de vostre maternité, et vous aures des-ja plusieurs fois prononcé de tout vostre cœur la protestation filiale que Nostre Seigneur nous a enseignee: Ouy, Pere eternel; car ainsy vous a-il pleu de faire, et il est bon qu'il soit ainsy..

  A019000681 

 Nous patissons, nous souffrons, nous mourons avec ceux que nous aymons, par la dilection qui nous tient a eux; et quand ilz souffrent ou meurent en Nostre Seigneur, et que nous acquiesçons en patience a leurs souffrances et trespas pour l'amour de Celuy qui, pour nostre amour, a voulu souffrir et mourir, nous souffrons et mourons avec eux.

  A019000681 

 Tout cela bien ramassé, ma tres chere Fille, sont des richesses spirituelles incomparables, et nous les connoistrons un jour, quand, pour ces legers travaux, nous verrons des recompenses eternelles..

  A019000682 

 Ainsy je le supplie continuellement, ma tres chere Fille, que nous soyons a luy sans reserve ni exception, en santé et en maladie, en tribulation et en prosperité, en la vie et en la mort, au tems et a l'eternité..

  A019000761 

 Si le monde ne treuvoit a redire sur nous, nous ne serions pas bonnement serviteurs de Dieu..

  A019000763 

 Demeures en paix, et le Dieu de paix sera avec vous, et il foulera les aspics et les basilics; et rien ne troublera nostre paix si nous sommes ses serviteurs.

  A019000763 

 Ma chere Mere, il y a bien de l'amour propre a vouloir que tout le monde nous ayme, que tout nous soit a gloire..

  A019000766 

 Hier nous fismes un entretien ou je m'essayay de les mettre un peu au large..

  A019000776 

 O ma Fille, non, je vous prie, ne croyes pas que l'œuvre que nous avons entrepris de faire en vous puisse estre si tost faite.

  A019000776 

 Une mediocre vie se peut acquerir en un an; mays la perfection a laquelle nous pretendons, o Dieu! ma chere Fille, elle ne peut venir qu'en plusieurs annees, parlant de la voye ordinaire..

  A019000784 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, et pries souvent pour mon amendement, affin que je sois sauvé et qu'un jour nous tressaillions en la joye eternelle, nous resouvenant des attraitz dont Dieu nous a favorisés, et des reciproques consolations qu'il a voulu que nous eussions en parlant de luy en ce monde.

  A019000791 

 Le bon poissonnier qui m'a apporté vos lettres de Ri vole nous asseura de venir dans la huitaine prendre les nostres et vos habitz; mais la quinzaine passe, et il [77] ne vient point.

  A019000798 

 Vous verres que nous n'avons pas oublié nostre Eglise, pour laquelle il se presente encor une occasion dont le Chapitre m'a prié de vous donner advis, affin que dextrement vous sachies si on en pourroit reuscir.

  A019000800 

 C'est le vray moyen de les fascher et combattre, mesprisant leurs effortz par l'asseurance que nous tesmoignerons d'avoir dans nostre innocence et inviolable affection au service de nos Princes..

  A019000800 

 Il y a apparence qu'ilz feront ce qu'ilz pourront pour [81] ravaler le peu de faveur qu'ilz voyent naistre pour nous; mais il ne faut pas que vous vous en remuies, ains que vous respondies seulement par bienfaitz a leur mesdire.

  A019000801 

 Il faut donq correspondre, affin que de toutes partz nous fassions paroistre que nous sommes nous mesmes..

  A019000801 

 M. le Marquis de Saint Damian s'en reva, qui m'est venu voir avec beaucoup de demonstrations de nous aymer.

  A019000806 

 Nous avons achevé l'annuel de M. de Charmoysi ce matin; et la bonne madame de Charmoysi se sent grandement obligee a vostre amitié, et pour le soin que vous aves de son Henri.

  A019000839 

 Voyla le tant aymable petit Jesus qui va naistre en nostre commemoration ces festes-ci prochaines; et puisqu'il naist pour nous venir visiter de la part de son Pere eternel, et que les pasteurs et les Rois le viendront reciproquement visiter en son berceau, je croy qu'il est le Pere et l'Enfant tout ensemble de Sainte Marie de la Visitation..

  A019000849 

 David pleura tant sur Saül mort, quoy que ce fust son plus grand ennemi: pleurons un peu sur ce monde, [87] qui meurt, ains qui est mort pour nous, et auquel nous voulons a jamais mourir..

  A019000849 

 Si nos resolutions estoyent petites et revocables, nous n'aurions pas ces sentimens en ces abnegations et hautes conclusions que nous avons prises.

  A019000855 

 Et qui ne se mouvroit a ces coups de rasoir qui separent et divisent l'ame d'avec l'esprit, et le cœur de chair d'avec le cœur divin, et nous mesmes d'avec nous mesmes? Mais, vive Dieu! Ces [89] coups sont donnés, c'en est fait: non, jamais plus il n'y aura reunion de l'un a l'autre, moyennant la grace de Celuy pour auquel nous unir inseparablement nous nous sommes separés pour jamais de toute autre chose..

  A019000855 

 Helas, ma chere Fille, il est certes vray: ces eternelz et irrevocables renoncemens, ces adieux immortelz que nous avons ditz au monde et a ses amitiés, font quelque attendrissement a nostre cœur.

  A019000858 

 Ce grand Dieu aggrandisse de plus en plus le regne de son saint amour en nous.

  A019000868 

 Vives joyeuse et courageuse, ma chere Fille, (je dis en la portion superieure de vostre ame) car l'Ange qui preconise la naissance de nostre petit Maistre annonce en chantant, et chante en annonçant, qu'il publie une joye, une paix, un bonheur aux hommes de bonne volonté, [91] affin que personne n'ignore qu'il suffit, pour recevoir cet Enfant, d'estre de bonne volonté, encor que jusqu'icy on n'ayt pas esté de bon effect; car il est venu benir les bonnes volontés, et petit a petit il les rendra fructueuses et de bon effect, pourveu qu'on les luy laisse gouverner, comme j'espere que nous ferons les nostres, ma tres chere Fille.

  A019000880 

 Mon Dieu, que ce miserable monde nous tourmente! Que bienheureux sont ceux qui le mesprisent de tout leur cœur.

  A019000904 

 Qu'a jamais puissions nous perir a nous mesmes pour nous retreuver tout en Nostre Seigneur..

  A019000930 

 Helas! ma Fille, si nous n'avons pas correspondu ci devant a l'amour de ce gratieux Sauveur par une sainte et inseparable union de nos affections a sa sainte volonté, faisons maintenant en sorte qu'au bout de cette annee nous puissions estre appellés enfans d'un an..

  A019000931 

 Je disois hier, ma chere Fille (car je vous veux faire part de nos predications), que quand Dieu voulut prendre en sa sauvegarde les enfans des Israelites, affin que l'Ange exterminateur ne les tuast comme il faisoit ceux des Egyptiens, il ordonna que leurs portes fussent enduites et [97] marquees du sang de l'Aigneau paschal; et qu'ainsy sa divine Majesté marquoit du sang de sa Circoncision la porte et l'entree de cette annee sur nous, affin qu'en icelle l'exterminateur de nos enfans n'eust aucun pouvoir sur eux.

  A019000932 

 Je l'espere, ma chere Fille, que nous serons inviolablement fidelles a ce Sauveur, et que ces annees suivantes nous seront comme les annees fertiles de Joseph, lequel, par le moyen du mesnage qu'il fit en icelles, se rendit vice Roy d'Egypte; car nous mesnagerons si bien nos ans, nos mois, nos semaines, nos jours, nos heures, voire nos momens, que le tout s'employant selon l'amour de Dieu, le tout nous sera profitable a la vie eternelle pour regner avec les Saintz.

  A019000932 

 Mais n'est ce pas, donq, ma Fille, dores-en-avant nous ne serons plus ces vieux nous mesmes que nous avons esté devant; nous serons des nous mesmes qui, sans exception, sans reserve, sans condition, serons a jamais sacrifiés a Dieu et a son amour, et, comme de petitz phœnix, nous serons renouvellés de ce feu de la dilection divine pour laquelle, avec un irreconciliable divorce, nous avons pour jamais abandonné et rejetté le monde et toute sorte de vanité.

  A019000932 

 Nos petites choleres, nos petitz chagrins, les petitz frissonnemens de cœur sont des restes de nos maladies, que le souverain Medecin nous laisse affin que nous craignions la recheute, que nous nous humilions et demeurions en une sincere sousmission.

  A019000932 

 Nous irons neanmoins nous establissans de jour en jour, et ces petites alterations s'affoibliront, Dieu aydant..

  A019000960 

 La Seur N. nous a donné de l'exercice et ne veut encor pas cesser; car elle a un moule a part, auquel elle fait [100] des pechés mortelz, et opiniastre qu'elle ne peut se communier pour cette occasion.

  A019000986 

 O Dieu, a quoy demeurons nous accrochés! Or bien, voyla mon advis.

  A019000991 

 Est ce tout de bon, ma tres chere Fille, quand vous dites: Nous sommes prou pauvres, Dieu mercy? O que, s'il estoit vray, je dirois volontier: Que vous estes donq trop heureuses, Dieu mercy! Mays je n'ose gueres parler d'une vertu que je ne connois que par le recit infallible du Roy des pauvres, Nostre Seigneur; car, quant a moy, je n'ay jamais veu la pauvreté de pres..

  A019000992 

 Tenes vous dans le train de la Communion que nous vous dismes, et dressés vostre intention a l'union de vostre cœur a Celuy duquel vous receves le cors et le cœur tout ensemble.

  A019001016 

 Si nostre abjection sert a sa gloire, ne devons nous pas estre glorieux d'estre abjectz? Je me glorifie, disoit l'Apostre, e n mes infirmités, affin que la vertu de Jesuschrist habite en moy.

  A019001042 

 Mays pourtant, bien que la douleur ne puisse pas estre si tost tout a fait appaysee, nous devons neanmoins l'adoucir le plus qu'il nous sera possible, par toute sorte de bonnes et veritables considerations..

  A019001068 

 Et j'espere que celle ci aura ce bonheur, comme escritte seulement pour contribuer, en la façon que je puis, mon sentiment a la joye publique et generale que toutes les provinces de la sujettion de Vostre Altesse recevront en ce jour anniversaire qui nous represente celuy auquel, par vostre naissance, Dieu vous donna a la France, et treize ans apres, par vostre mariage, il vous donna a cet Estat, dans lequel sans doute chacun benira a l'envi cet aggreable jour..

  A019001104 

 Que s'il est permis, sur des patentions, d'esloigner les justes et ordinaires procedures [119] des Praelatz par voye de fait, quelz inconveniens n'en verrons nous pas? Je me demettray quand il en sera tems; mays quant a present, je ne puis, ni ne dois, ni par consequent je ne veux point ceder mon droit de donner tel ordre que bon me semblera a ce benefïce vacant, en attendant qu'il soit prouveu; et ne veux nullement que ceux qui s'ahurtent y administrent les Sacremens, ayant deputé un prestre qui ira demain, pour empescher que ce peuple ne demeure pas desprouveu de ce qui luy sera necessaire de ce costé la..

  A019001138 

 Il frappe et guerit, il mortifie et vivifie; et tandis que nous pouvons lever les yeux et regarder dans la Providence celeste, l'ennuy ne nous sçauroit accabler..

  A019001139 

 Ferme, ma tres chere Fille, tout est a nous, et nous sommes a Dieu..

  A019001139 

 Mais c'est donq asses, ma tres chere Fille: Dieu et vostre bon Ange vous ayant consolee, je n'y metz plus la main; vostre amertume tres amere est en paix, qu'est il besoin d'en plus parler? A mesure que Dieu tire a soy, piece apres piece, les thresors que nostre cœur avoit icy bas, c'est a dire ce que nous y affectionnions, il y tire nostre cœur mesme; et puisque je n'ay plus de pere en terre, dit saint François, je diray plus librement: Nostre Pere qui es es cieux.

  A019001182 

 Ayes toute vostre confiance en sa [130] Bonté, et il aura soin de vostre ame et de tout ce qui la regarde plus que jamais nous ne sçaurions penser..

  A019001234 

 Presque tout le monde icy tesmoigne de la joye de vostre promotion, et ceux qui ne la tesmoignent pas sont de trois sortes: les uns, parce qu'ilz ont opinion que c'est tout a fait pour m'oster d'icy, et ilz nous voudroyent tous deux; les autres, parce que cela leur est tellement [137] inopiné, qu'a l'abord ilz ont eu peine de le croire; et les autres, qui sont fort peu et si peu que ce n'est rien, par envie, jalousie et amertume de cœur.

  A019001260 

 Votre Seigneurie pourra en toute assurance engager ma parole pour attester que nous n'avons employé en ceci ni artifice de cour, ni importunité, ni demande ou requête..

  A019001261 

 Que Votre [140] Seigneurie veuille donc nous obliger en se chargeant de la conduite de cette affaire, selon la confiance que je prends de vous en prier, et tenez-moi,.

  A019001273 

 Vous estes environnee de croix tandis que le cher mary a du mal: or, l'amour sacré vous apprendra qu'a l'imitation du grand Amant, il faut estre en la croix avec humilité, comme indigne d'endurer quelque chose pour Celuy qui a tant enduré pour nous, et avec patience, pour ne point vouloir descendre de la croix qu'apres la mort, si ainsy il plait au Pere eternel.

  A019001284 

 Playse a cette mesme Bonté celeste de respandre ses graces sur nous, affin que nous suivions tous les sacrés attraitz de sa sainte vocation..

  A019001285 

 Non, ma Fille, ni pour cette vie, ni pour la future, jamais nous ne serons confondus.

  A019001285 

 Qu'est ce qui peut nuire aux enfans du Pere eternel qui ont confiance en sa debonnaireté? En toy, Seigneur, j'ay mon esperance; disons bien cecy, ma tres chere Fille, mais disons le souvent, disons le ardamment, disons le hardiment, et ce qui s'ensuit nous arrivera: Je ne seray point confondu.

  A019001313 

 Nous avons parlé, le bon M. d'Ulme et moy, et nous [145] n'avons rien conclu, sinon qu'il attendra jusques a ce que vous soyes en Chalamont, coulant ainsy le tems doucement; et entre ci et la, Dieu luy mesme accommodera toutes choses, ainsy que nous devons esperer.

  A019001356 

 En somme, nous voyla asses bien selon le lieu ou nous sommes, car mon frere retiendra ses benefices, qui suffiront avec la pension, puisque a la cour [151] il aura cinq bouches et des chevaux entretenus par departement de plat porté en son logis..

  A019001356 

 Or ne sçai-je pas si avec cela ilz accroistront point la pension de six cens escus, c'est a dire 300 pistoles, qu'ilz nous ont accordé et delaquelle nous sommes entrés en payement des le quartier d'octobre, novembre et decembre passés.

  A019001359 

 Si vous nous donnes advis que ma chere fille madamoyselle de Chantal ne soit point mariee, ni pour l'estre de dela, je m'essayeray de renouer le mariage, ou avec le neveu de M. d'Andelot, sil revient asses tost d'Italie ou il est (j'entens l'oncle), ou avec monsieur de Ballon, s'il n'espouse madamoyselle de Charmoysi qu'il recherche avec force grans corrivaux..

  A019001360 

 La pauvre [Sœur Jeanne Françoise] nous exerce extremement, car, si je ne me trompe, il y a apparence que sa cervelle va renverser.

  A019001360 

 Nous ferons ce que nous pourrons, et sil plait a Dieu que ce malheur arrive, nous la retirerons en quelqu'une des maysons de mes freres.

  A019001429 

 Pour cela, Monseigneur, je ne destine pas ces lignes au tres humble remerciment que je devrois faire a Vostre Altesse pour la grace qu'il luy a pleu d'exercer envers mon frere et moy, le nommant a ma succession en cet Evesché; mais je luy en fay seulement tres humblement la reverence, pour tesmoignage qu'en cette nouvelle obligation je renouvelle et confirme l'hommage et la fidele obeissance que je doy a la bonté de Vostre Altesse, la suppliant en toute humilité de continuer, comme ell'a commencé, de me proteger tous-jours avec mes freres sous la douceur de sa debonnaireté, puisque nous ne respirerons jamais si cherement et cordialement autre chose quelcomque de ce monde, que l'inviolable devoir par lequel nous sommes si heureux que d'estre et vivre en la sujettion de Vostre Altesse, a laquelle souhaitant incessamment le comble de toute sainte prosperité, je suis,.

  A019001442 

 Si vous mesures vos faveurs a ce que Dieu a voulu que vous fussies, il n'y en aura jamais de trop grandes; mays [163] si elles sont balancees avec le merite de ceux qui les reçoivent, celle dont il vous a pleu de gratifier mon frere et moy, en la nomination faite par Son Altesse, sera sans doute des plus excessives, et faudra advoüer, Madame, qu'elle n'a nul fondement qu'en la grandeur de vostre bonté; sinon que, parmi plusieurs graces de Dieu, vous aves encor celle la de connoistre les cœurs, et que dedans les nostres Vostre Altesse ayt regardé l'incomparable passion que Dieu mesme y a mise, pour nous rendre infiniment dediés a vostre service et nous faire resigner a jamais a l'obeissance de vos commandemens: car en ce cas, Madame, s'il vous a semblé bon de mettre en consideration nostre tres humble sousmission, Vostre Altesse aura bien eu quelque sujet de nous departir ce bienfait, duquel je luy rens tres humbles graces..

  A019001548 

 Nous sommes icy sans nouvelles, car elles sont toutes en Piemont maintenant, avec cette ample et grande cour que les noces y maintiennent.

  A019001561 

 Mais, ma tres chere Fille, ne sommes nous pas enfans, adorateurs et serviteurs de la celeste Providence et du cœur amoureux et paternel de nostre Sauveur? n'est ce pas sur ce fonds sur lequel nous avons basti nos esperances? Faites ce qu'il vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.

  A019001561 

 Ne capitulons point avec luy: il est nostre Maistre, nostre Roy, nostre Pere, nostre Tout; pensons a le bien servir, il pensera a nous bien favoriser..

  A019001562 

 Donq, ma Fille, pour conclure, je feray pour vostre petit contentement tout ce que je pourray, qui est peu; de dela, je m'asseure qu'on fera de mesme; mais au Ciel on fera tout, on vous comblera de consolations par les moyens que la Sagesse supreme connoist et void, et que nous ne sçavons pas..

  A019001608 

 C'est un vray martire, ma tres chere Fille, de souffrir beaucoup pour la volonté de Celuy a qui nous avons voué la nostre, et qui nous a tant aymé quil a volu mourir pour nous..

  A019001799 

 Nous n'avons point de vin sans lie en ce monde.

  A019001804 

 Ces bonnes filles n'ayment pas la pauvreté necessiteuse, et nous, certes, n'en sommes pas non plus ravis d'amour.

  A019001805 

 Vous m'excuseres, ma tres chere Fille, j'espere que Dieu nous assistera affin que le grand Office ne soit jamais introduit en cette Congregation, et le Pape mesme en donna quelque instruction.

  A019001807 

 Et ne vous mettes nullement en peine de cette petite touche que vostre cœur en ressent, car cela n'est rien, et sert beaucoup pour nous faire humilier doucement, pour nous faire voir la misere de nostre nature, et pour nous faire desirer parfaitement de vivre selon la grace, selon l'Evangile, selon l'esprit de Nostre Seigneur..

  A019001851 

 Dieu, par sa bonté, ne permette pas que nous en ayons jamais d'autre que de le servir et aymer eternellement..

  A019001884 

 Cet Amour increé, qui, sans esgard a ses propres advantages, s'employe par tout a chercher nostre bien, nous cachant souvent les plus belles flammes ou nous le pensions moins, a ce saint artifice pour nous engager a l'aymer de toute nostre puissance; et parce que cet amour est un don [211] gratuit de son amour, aussi devons nous le chercher de toutes nos forces.

  A019001884 

 Nous ne devons pas nous troubler pour nos offences; car souvent ce divin Esprit est plus liberal de ses dons a ceux qui luy ont esté plus avares de leur cœur et de leurs affections..

  A019001885 

 Mais, ma tres chere Fille, il faut que nous tesmoignions a Jesus Christ toute nostre confiance, avec les saintz Apostres et disciples, sur lesquelz il ne voulut pas envoyer le Saint Esprit qu'apres estre monté au Ciel.

  A019001895 

 Mays, ma Fille, que ferons nous donq de cette liberté que nous avons? Nous la voulons, sans doute, toute immoler a Celuy de qui nous la tenons; car cette resolution est invariable, que, sans reserve ni exception quelcomque, non pas mesme d'un seul moment, nous ne voulons vivre que pour Celuy lequel, pour nous faire vivre de la vraye vie, voulut bien mourir sur la croix..

  A019001902 

 Vous aymeres la parole de la Croix, que les payens ont tenue pour folie, et les Juifs pour scandale; et laquelle a nous, c'est a dire a ceux qui sont sauvés, est la sagesse supreme, la force et vertu de Dieu..

  A019001942 

 Outre le double lien d'alliance que nous avons avec luy, la grand'assistence que madame de Brescieu fit a feu mon frere, ainsy que mon frere le Chevalier m'a raconté, nous oblige a le servir es occurrences..

  A019001944 

 Pour avoir un aumosnier de Madame, j'ay jetté les yeux sur M. le Prieur de Mesme, tout reformé, qui a bien estudié, qui parle bien, a tres bonne mine et a des moyens, et qui, a mon advis, tiendra fort bien cette place, et nous en sera obligé et toute la ville de La Roche.

  A019001945 

 Mais nous acheminons le plus que nous pouvons l'eschange de son benefice avec un autre qui est possedé par un autre changeant, affin quil puisse revenir; et le tems nous fera sages..

  A019001945 

 Pour celuy qui est a Paris, en verité il auroit bien tous les autres talens, mais je croy que la constance lui manquerait, et seroit dans peu de tems dans une dangereuse liberté qui lui serviroit de reproche, et a nous, le passé nous ayant asses appris ce qui se doit presager pour l'avenir.

  A019001948 

 J'ay veu la lettre de M. Beybin, qui ne m'a point estonné; au contraire, je l'eusse esté extremement si, estans Savoyars et gens de bien, nous n'eussions point esté enviés en une si heureuse faveur de nos Princes.

  A019001953 

 Nous attendons nos Peres Barnabites et M. le premier President pour ces festes.

  A019002003 

 Nous attendions M. le premier President pour ces festes, mais son indisposition nous a privés de ce bien jusques a [233] ce quil ayt plus de santé.

  A019002004 

 J'escris a madame la Comtesse de Rossillon a qui monsieur de Lauré, que nous vismes a Paris, a despeché ce laquay sur le voyage de Rome, desirant estre du train de Monseigneur le Cardinal.

  A019002005 

 J'ay parlé a monsieur le Prieur de Mesme, qui se sent obligé et desire grandement lhonneur; et ne croy pas que nous puissions mieux rencontrer, tant pour la mine que pour le jeu.

  A019002005 

 Nous attendrons Seur Marie; quand elle viendra nous en serons consolés.

  A019002020 

 Nous ferons partir nos Seurs au plus tost, mais non pas, a l'aventure, si tost que vous desireries; car nous n'en voudrions pas faire deux trouppes, et il en faut pour Paris, et Orleans encores.

  A019002021 

 J'escriray pour M. le General si tost que je pourray, et au moins par la Seur qui ira-la, laquelle nous voudrions estre grandement excellente; mais il est malayse d'en treuver de telles.

  A019002039 

 Car, je vous prie, ma tres chere Fille, comme vous pourrois je conseiller de demeurer au monde? Avec ce tres bon naturel que veritablement je connois en vous dans le fond de vostre cœur, mays accompaigné d'une si forte inclination a la hauteur et dignité de vie, et a la prudence et sagesse naturelle et humaine, et de plus, d'une si grande activité, subtilité et delicatesse d'entendement, que je craindrois infiniment de vous voir dans le monde! n'y ayant point de condition plus dangereuse en cet estat-la que le bon naturel environné de telles qualités; auxquelles si nous adjoustons cette incomparable aversion a la sousmission, il n'y a plus rien a dire, sinon que, pour aucune consideration, quelle qu'elle soit, il ne faut pas que vous demeuries au monde..

  A019002058 

 Si vous voyes lieu d'en parler a propos j'en seray bien ayse, car Monseigneur le Prince m'a tous-jours asseuré quil vouloit que nous fussions payés; et c'est merveille que cinq cens escus coustent tant a retirer en un sujet si plein de justice et de pieté..

  A019002059 

 Nous avons esté contraint de destiner M me de [245] Monthouz a Moulins pour y estre Superieure, par ce que M. Grandis dit que si elle ne changeoit d'air elle mourroit dans peu de semaines, comm'ell'a pensé faire ces jours passés, et l'office de Maistresse des Novices occupoit trop son esprit, qui se portera mieux des affaires exterieures..

  A019002060 

 Nous verrons si M me la Signora Donna Genevra, ma tres chere Fille, viendra.

  A019002063 

 Nous avons eu icy le P. Alexandre Fichet ces festes de Pentecoste, qui a des grandissimes talens pour precher excellemment, je dis mieux que plusieurs dont on fait si grand estat..

  A019002075 

 Nous sommes parmi le passage des Espaignolz, pendant lequel monsieur le Marquis de Lans a ordonné qu'on fit garde au chasteau de cette ville, et en avoit donné la charge a monsieur de Monthouz; mais sur les remonstrances que ces messieurs du Conseil ont fait, il a revoqué cette charge et l'a laissee audit Conseil, et nommement a mon frere de Thorens qui, en qualité de chevalier dudit Conseil et officier de Monseigneur, en a presentement la garde.

  A019002094 

 Et affin que nous sachions comme il faut faire le bien, quel bien il faut preferer, a quoy nous devons appliquer l'activité de l'amour, le Saint Esprit nous donne son don de conseil..

  A019002094 

 Mais parce que, tandis que nous sommes au monde, nous ne pouvons aymer qu'en bien faysant, parce que nostre amour y doit estre actif, comme je diray demain au sermon, Dieu aydant, nous avons besoin de conseil, affin de discerner ce que nous devons prattiquer et faire pour cet amour qui nous presse; car il n'est rien de si pressant a la prattique du bien que l'amour celeste.

  A019002095 

 Le Saint Esprit qui nous favorise, soit a jamais vostre consolation.

  A019002095 

 Mon ame et mon esprit l'adorent eternellement! Je le supplie qu'il soit tous-jours nostre sapience et nostre entendement, nostre conseil, nostre force, nostre science et nostre pieté, et qu'il nous remplisse de l'esprit de la crainte du Pere eternel..

  A019002096 

 Ce ne fut pas sans vous que nous celebrasmes cette sainte feste de la Pentecoste; car je me souviens fort de la sainte devotion que vous aves a cette solemnité..

  A019002102 

 Et nostre Mere m'escrit que vous luy en donneres une, et la Mayson de Lyon une autre, qui, avec les huit que nous en fournirons, feront le nombre qu'elle desire.

  A019002102 

 Mais je ne sçay pas encor comme nous ferons pour aller prendre la vostre.

  A019002102 

 Voyla que des avant hier nous sommes dans le choix des filles qu'il faut envoyer en France, ma tres chere Fille.

  A019002103 

 Il y a un peu d'extraordinaire qui doit estre consideré sans empressement, affin qu'il n'y arrive point de surprise ni du costé de la nature, qui se flatte souvent par l'imagination, ni du costé de l'ennemi, qui nous divertit souvent des exercices de la solide vertu pour nous occuper en ces actions specieuses.

  A019002108 

 J'ay veu des femmes Religieuses, non pas de la Visitation, qui, ayant leu les livres de la Mere Therese, treuvoyent par leur conte qu'elles avoyent tout autant de perfections et d'actions d'esprit comme elle, bien qu'elles en fussent bien esloignees; tant l'amour propre nous trompe..

  A019002109 

 Cette parole: «Nostre Seigneur souffre en moy telle ou telle chose,» est tout a fait extraordinaire; et bien que Nostre Seigneur ayt dit quelquefois qu'il souffroit en la personne des siens, pour les honnorer, si est ce que nous ne devons parler si avantageusement de nous mesmes; car Nostre Seigneur ne souffre qu'en la personne [253] de ses amis et serviteurs fideles, et de nous vanter ou prescher pour telz, il y a un peu de presomption.

  A019002134 

 Nous envoyerons sur le commencement du mois prochain, 7 ou huit Seurs en France, lesquelles, comme je pense, passeront a Grenoble; et voyla une mortification pour elles dequoy elles ne vous y treuveront pas, et particulierement pour la Seur Claude Agnes, qui en vain s'en res-jouissoit grandement..

  A019002136 

 de ne point endommager le prochain, n'estant pas raysonnable que qui que ce soit prenne la recreation au despens d'autruy, et sur tout en foulant le pauvre paisan, des-ja asses martirisé d'ailleurs et duquel nous ne devons mespriser le travail ni la condition.

  A019002139 

 O ma Fille, les enfans de Dieu s'entr'ayment tous-jours bien; soyons le bien donq, ma tres chere Fille, et aymons nous bien a son gré; et certes, j'ay une non pareille consolation de sentir en mon cœur cette toute sincere et incomparable dilection pour le vostre, ma tres chere Fille.

  A019002195 

 Nous avons pensé de vous envoyer ma Seur Marie Gasparde d'Avise pourvous accompaigner a vostre retour, qui sera quand vous le jugeres a propos, si rien ne presse du costé de Thurin.

  A019002196 

 Nous ne faysons guere de praefaces, elle et moy, ni d'appendices non plus..

  A019002199 

 Il ny a remede: et ma lettre et la sienne sont escrittes; si jamais nous nous revoyons, vous les confronteras et verres qui a le tort.

  A019002205 

 Ma Mere, nous avons eu icy huit jours entiers nostre tres aymable Monseigneur de Belley, qui a fait des [267] merveilleusement devotes exhortations, et mesme le jour de la Visitation; ce m'a esté une consolation extreme de le voir et savourer la veritable bonté de son esprit..

  A019002246 

 Il suffit que nous ne consentions pas d'un consentement voulu, deliberé, arresté et entretenu, et cette vertu de l'indifference est si excellente, que nostre viel homme, en la portion sensible, et la nature humaine, selon les facultés naturelles, n'en fut pas capable non pas mesme [272] en Nostre Seigneur, qui, comme enfant d'Adam, quoy qu'exempt de tout peché et de toutes les appartenances d'iceluy, en sa portion sensible et selon ses facultés humaines n'estoit nullement indifferent, ains desira ne point mourir en la croix; l'indifference estant toute reservee, et l'exercice d'icelle, a l'esprit, a la portion superieure, aux facultés embrasees de la grace et en somme a luy mesme, en tant qu'il estoit le nouvel homme..

  A019002246 

 Ma Fille, l'amour propre ne meurt jamais qu'avec nostre cors; il faut tous-jours sentir ses attaques sensibles ou ses prattiques secrettes tandis que nous sommes en cet exil.

  A019002247 

 Quand il nous arrive de violer les loix de l'indifference es choses indifferentes, ou pour les soudaines saillies de l'amour propre et de nos passions, prosternons soudainement, si tost que nous pouvons, nostre cœur devant Dieu, et disons en esprit de confiance et d'humilité: Seigneur, misericorde, car je suis infirme.

  A019002247 

 Relevons nous en paix et tranquillité, et renouons le filet de nostre indifference; puis, continuons nostre ouvrage.

  A019002249 

 Nous avons eu, ces huit jours passés, nostre bon Monseigneur de Belley, qui m'a favorisé de sa visite et nous a fait des sermons tout a fait excellens.

  A019002249 

 Or, pensés si nous avons souvent parlé de vous et de vostre mayson.

  A019002312 

 Vous scaves la bonne trouppe qui est [partie] d'icy, ou nous avons encor la Seur Peronne Marie, qui est en verité une tres excellente fille.

  A019002315 

 Nostre bon monsieur le Premier est presque tout a fait remis, et attendons qu'il nous assigne le tems pour venir [281] icy a la recreation, et faire le baptesme du petit Charles Chrestien.

  A019002338 

 Mays puisque je doy dans quelques semaines me treuver avec vous, je pense que nous aurons plus de bonne commodité d'en conferer ensemblement, et ny aura point de hazard de surseoir jusques a ce tems-la toute sorte de resolution.

  A019002352 

 Certes, il ne faut vouloir que Dieu absolument, invariablement, inviolablement; mais les moyens de le servir, il ne les faut vouloir que doucement et foiblement, affin que si on nous empesche en l'employte d'iceux, nous ne soyons pas grandement secoués.

  A019002354 

 Si moins, on nous la renvoyera quand le tems sera un peu plus propre.

  A019002366 

 Nous n'avons pas oublié celuy de ma Seur Anne Catherine, puisque c'est aujourdhuy la feste de sainte Anne, 26 julliet 1620..

  A019002430 

 Si cette mesme Providence establit une Mayson a Valence, elle vous fera voir de mesme que nous ne sçavons gueres, et que nostre prudence doit demeurer doucement en paix et faire hommage a la divine disposition qui fait tout reüscir au bien des siens.

  A019002460 

 Croyes, ma tres chere Fille, il faut aller a la bonne foy sous la conduite de ce bon Dieu, et ne point disputer contre cette regle generale, que Dieu qui a commencé en nous le bien, le parfaira selon sa sagesse, pourveu que nous luy soyons fideles et humbles..

  A019002463 

 Et pour bien couper chemin a tant de repliques que la prudence humaine, sous le nom d'humilité, a accoustumé de faire en telles occasions, souvenes vous que Nostre Seigneur ne veut pas que nous demandions nostre pain annuel, ni mensuel, ni hebdomadal, mais quotidien.

  A019002464 

 Il m'est advis, ma tres chere Fille, que je vay bien a la bonne foy avec vous de vous parler ainsy, comme si je ne sçavois pas que vous sçaves mieux que moy tout ceci; mays il n'importe, car cela fait plus de coup quand un cœur ami le nous dit..

  A019002476 

 O ma Mere, je vous escriray, et a toutes nos Filles, si tost que nostre bon P. D. Juste sera parti, qui est le plus admirable amateur et admirateur de la Visitation, de nous et de tout ce qui est de nous, quil est possible d'imaginer.

  A019002481 

 Nous avons receu vostre fille de Dijon, delaquelle j'ay [303] bonne opinion; elle porte un je ne sçai quoy de ma tres chere Mere en son visage..

  A019002551 

 Je commence a ne plus arrester ma pensee qu'a la reunion de l'autre vie, en laquelle, comme nous sommes inseparables d'esprit, nous le serons encor de veue.

  A019002567 

 Ce n'est rien, certes (et je voy bien que vous le croyes ainsy), ce n'est tout a fait rien en comparayson de vostre devoir et de ces immortelles recompenses que Dieu vous a preparees; car, que sont toutes ces choses que nous mesprisons et quittons pour Dieu? En somme, ce ne sont que des chetifz petitz momens de libertés, mille fois plus sujettes que l'esclavage [313] mesme; des inquietudes perpetuelles, et des pretentions vaines, inconstantes et incapables d'estre jamais assouvies, qui eussent agité nos espritz de mille sollicitudes et empressemens inutiles: et ce, pour des miserables jours, si incertains, et courtz, et mauvais.

  A019002567 

 Mais neanmoins il a pleu ainsy a Dieu, que qui quitte ces neans et vains amusemens des momens, gaigne en contreschange une gloire d'eternelle felicité, en laquelle cette seule consideration d'avoir voulu aymer Dieu de tout nostre cœur et d'avoir gaigné un seul petit grade d'amour eternel de plus, nous abismera de contentement..

  A019002569 

 Or, ma Fille certes toute tres chere, cela ne se fait pas en un jour, et Celuy qui vous a fait la grace de faire le premier coup, fera luy mesme avec vous les autres deux; et parce que sa main est toute paternelle, ou il le fera insensiblement, ou, s'il vous le fait sentir, il vous donnera la constance, ains la joye qu'il donna au Saint duquel nous faysons la feste, sur la grille.

  A019002675 

 Je remercieray monsieur l'Ambassadeur soudain que vous aures les Bulles, et le Cardinal Aldobrandin, qui m'a escrit une lettre bien honnorable, et le Cardinal Melin et le [329] Cardinal Sauli qui m'escrit combien d'obligation nous avons en cett'occasion a Monseigneur nostre Prince Cardinal..

  A019002719 

 Mays Dieu sçait des choses que nous ne sçavons pas: sil est expedient pour sa gloire, il fera possible ce qui nous semble ne le pouvoir pas estre, et s'il laisse cette fille la, il fera pour elle, la, tout ce que nous pourrions desirer.

  A019002719 

 Penses, ma tres chere Mere, si [je] voudrois pouvoir seconder son désir et contenter son cœur bienaymé; car je suis bien avec vous, que si ell'avoit le loysir d'estre un peu retiree avec nous, elle gaigneroit beaucoup.

  A019002761 

 Mays tout cela ne prejudicie nullement aux actes de l'esprit, de cette pointe superieure, autant aggreables a Dieu comme ilz sçauroyent estre parmi toutes les gayetés du monde, ains certes, plus aggreables, comme faitz avec plus de peine et de conteste; mais ilz ne sont pas si aggreables a la personne qui les fait, parce que, n'estant pas en la partie sensible, ilz ne sont pas aussi sensibles ni delectables selon nous..

  A019002762 

 Ma tres chere Fille, il ne faut pas estre injuste, ni exiger de nous que ce qui est en nous.

  A019002762 

 Quand nous sommes incommodés de cors et de santé, il ne nous faut exiger de nostre esprit que les actes de sousmission et d'acceptation du travail, et des saintes unions de nostre volonté au bon playsir de Dieu qui se forment en la cime de l'ame; et quant aux actions exterieures, il les faut ordonner et faire au mieux que nous pouvons, et nous contenter de les [340] faire encor que ce soit a contrecœur, languidement et pesamment.

  A019002763 

 Ma tres chere Fille, nous avons a Nessi un peintre Capucin, qui, comme vous pouves penser, ne fait point d'images que pour Dieu et son temple; et bien que travaillant il ayt une si grande attention qu'il ne peut faire l'orayson a la mesme heure, et que mesme cela occupe et lasse son esprit, si est ce qu'il fait ces ouvrages de bon cœur, pour la gloire qui en doit reuscir a Nostre Seigneur et l'esperance qu'il a que ces tableaux exciteront plusieurs fideles a louer Dieu et benir sa bonté.

  A019002776 

 C'est une qualité des amitiés que le Ciel fait en nous de ne perir jamais, non plus que la source dont elles sont issues ne tarit jamais, et que la presence ne les nourrit non plus que l'absence ne les fait languir ni finir, parce que leur fondement est par tout: puisque c'est Dieu, auquel j'ay rendu graces tres humbles de vostre vocation et de celle des deux cheres Seurs a un si saint Institut; et sur tout dequoy il vous y maintient avec tant de faveur, que toutes trois vous y rendes du fruit et devenes toutes, les unes apres les autres, Meres en une si honnorable famille, pour l'establissement de laquelle, en France, vostre veritablement sainte mere avoit tant prié et travaillé, comme pour sa finale retraitte et vostre habitation en cette vie.

  A019002779 

 A la verité, estant ce qu'elles me sont, elles ne pourront que d'avoir en vous une tres cordiale et tres asseuree confiance en vostre dilection, en vous rendant tous-jours, et a tout vostre Monastere, un veritable honneur et respect, selon la grande estime et amour que toute la Mayson de cette ville, dont elles sont, a conceu de toutes les vostres, et (puisque je parle avec vous, ce me semble, cœur a cœur) je puis adjouster, et selon la veritable regle que je leur ay souvent inculquee, qu'il failloit que chacun cultivast la vigne en laquelle il estoit, fidelement et tres amoureusement pour l'amour de Celuy qui nous y a [344] envoyés; mais qu'il ne falloit pour cela laisser de connoistre et reconnoistre franchement la plus grande excellence des autres, et a mesme mesure leur porter toute reverence et veneration..

  A019002799 

 A ce sujet, récemment encore, le Saint-Siège nous avertissait d'y veiller d'une façon toute spéciale..

  A019002799 

 Nous avons reçu de la part de Votre Seigneurie la lettre où vous demandez qu'il soit permis à votre procureur de recueillir des [345] aumônes dans notre diocèse, de publier des Indulgences et d'enrôler des catholiques de l'un et de l'autre sexe dans la confrérie de votre Maison.

  A019002799 

 Quant à nous, en considération de la notoriété de celle-ci et du grand éclat qu'elle répand de toutes parts, nous avons reçu et nous avons lu de très grand cœur votre si affectueuse lettre, non sans éprouver une grande inclination à faire ce qu'elle sollicitait de nous.

  A019002799 

 [346] La prudence même, confirmée par de nombreuses expériences, nous apprend à ne pas ajouter foi au premier venu, quand il se dit chargé de recueillir des aumônes au nom des établissements de piété, et de ne pas lui accorder ce qu'il demande.

  A019002800 

 Aussi, jusqu'à ce qu'il nous conste des pouvoirs du porteur de la lettre et de la concession des Indulgences, nous avons fait surseoir à la quête des aumônes et à la publication des Indulgences, sincèrement disposé toutefois à nous rendre à vos désirs et à nous intéresser à votre Maison, aussitôt que les lois canoniques nous le permettront.

  A019002800 

 Nous sommes persuadé que Votre Seigneurie recevra cette lettre, non seulement avec bienveillance, mais même avec plaisir et conformité de pensées avec nous, et de plus, qu'Elle nous recommandera à la Bonté divine, comme réciproquement nous en usons envers Elle..

  A019002832 

 Mays pour avoir l'evenement propice, il seroit requis, Monseigneur, que Vostre Altesse nous tesmoignast son consentement et contentement, et que par apres elle favorisast les poursuites qu'il sera requis de faire a Rome..

  A019002833 

 Yostre Altesse sçait combien cette supplication est juste; qu'il soit donq son bon playsir de la faire reuscir, tandis que nous prions Nostre Seigneur qu'il la conserve et face de plus en plus prosperer..

  A019002846 

 Or sus, il est certain que je feray le voyage de France, mais non pas si tost: dont je suis bien ayse, car cependant il se pourra faire que le Roy ira a Paris, unique moyen de nous y faire aller aussi.

  A019002849 

 O ma Mere, que de joye en l'imagination de voir ma fille tres chere aupres de ma Mere, en allant et venant de Port Royal! comme nous en parlerons amplement, si je vay, ainsy que je l'espere.

  A019002864 

 Soyons bien fideles, tres humbles, tres doucement et amiablement fervens a continuer dans le chemin auquel cette celeste Providence nous a colloqués, ma tres chere Fille.

  A019002875 

 Je le croy bien, ma tres chere Fille, que ce seroit vostre advis que nous vous ostassions la charge de Mere, mais il n'est nullement le nostre.

  A019002887 

 Cependant, puisque cette souveraine Bonté, qui veut nos travaux, veut que neanmoins nous luy en demandions la delivrance, je la supplie de tout mon cœur qu'elle redonne une bonne et longue santé a ce cher mari, et une tres bonne et tres excellente sainteté a ma tres chere fille, affin qu'elle marche fortement et ardemment dans le chemin de la vraye et vivante devotion..

  A019002888 

 A jamais le bon playsir de sa divine Majesté soit nostre playsir et nostre consolation es adversités qui nous arriveront.

  A019002915 

 Il est vray, sans doute, l'humilité, la patience, l'amour de Celuy qui nous donne la croix, requierent que nous la recevions sans en faire des plaintes; mais voyes vous, ma tres chere Fille, il y a difference entre dire son mal et s'en plaindre.

  A019002926 

 Vivés [362] conformement aux verités qu'elle nous enseigne et en cultives le don pretieux que vous aves si advantageusement receu.

  A019003042 

 Et non seulement l'experience, mais la rayson nous apprend que les filles si jeunes estant reduites sous la discipline d'un Monastere, qui est ordinairement trop disproportionnee a leur enfance, elles la haïssent et prennent a contrecœur.

  A019003050 

 Nous n'avons encor pas pensé sil faudra les garder un'annee ainsy, mais nous y penserons bien tost..

  A019003052 

 L'esprit humain fait tant de destours sans que nous y pensions, que il ne se peut quil ne face des mines; celuy pourtant qui en fait le moins est le meilleur.

  A019003054 

 Il ne faut pas donner promesse a point de fille de la recevoir, sinon en cette façon: Nous vous recevons en ce qui nous regarde, mais il faut que Monseigneur l'Evesque le treuve bon; et faire tous-jours conferer avec le Pere spirituel, car il sçaura tous-jours bien les defautz, sil y en a..

  A019003065 

 Vous aures les Indulgences de tout l'Ordre de Saint Augustin, car le Brief de vostre institution les vous donne; nous prouvoirons de les avoir imprimees..

  A019003093 

 Est il possible que ce qui ramena et maintint saint Augustin en l'Eglise n'aye peu retenir cest esprit? Est il possible que la reverence de l'antiquité et l'abjection de la nouveauté n'aye point eu le pouvoir de l'arrester? Est il possible qu'il aye creu que l'Eglise ayt tant erré, et que les huguenotz ou Anglo-calvinistes ayent si heureusement rencontré par tout la verité, qu'ilz n'ayent point erré en l'intelligence de l'Escriture? D'ou peut estre venue cette si universelle connoissance du sens de l'Escriture en ces testes-la, es matieres de nos controverses, que par tout ilz ayent rayson, et nous tort par tout, en sorte qu'il nous faille quitter pour adherer a eux?.

  A019003096 

 Il faut cependant tenir secrette cette miserable nouvelle, qui ne peut estre que trop tost respandue pour tant de parens et amis de celuy qui la nous donne.

  A019003110 

 Toutes les nouvelles que vous me donnes sont bonnes; Dieu nous face jouir des effectz entiers de tant de bonnes volontés qu'il inspire a nostre bon Prince..

  A019003131 

 Dieu nous face de plus en plus abonder en la pureté et simplicité de sa dilection, et en la fermeté et sincerité de celle du prochain.

  A019003159 

 Et si l'envie pouvoit regner au royaume de l'amour eternel, les Anges envieroyent aux hommes deux excellences qui consistent en deux souffrances: l'une est celle que Nostre Seigneur a enduree en la croix pour nous, et non pour eux, du moins si entierement; l'autre est celle que les hommes endurent pour Nostre Seigneur: la souffrance de Dieu pour l'homme, la souffrance de l'homme pour Dieu..

  A019003162 

 Il faut laisser a nostre doux Seigneur la tres aymable disposition, par laquelle il nous fait souvent plus de bien par les travaux et afflictions que par le bonheur et consolation..

  A019003184 

 L'aspreté du tems et la grandeur des neiges ont retenu comme par vive force le bon M. l'Abbé [jusques] a present, mon tres cher Frere; et ce qui me desplait en ceci, c'est qu'il n'arrivera pas asses tost pour vous donner la commodité de nous faire jouir de vostre chere presence pour ces premieres festes.

  A019003193 

 Le bon M. l'Abbé nous oblige grandement a l'aymer, a l'estimer, a le servir, pour l'extreme affection qu'il nous tesmoigne avec toute sorte de confiance.

  A019003255 

 Mays je vous en escriray plus au long, apres que, pendant ces festes, j'y auray un peu mieux pensé, avec l'advis de monsieur l'Abbé d'Abondance que nous avons de conversation..

  A019003276 

 Mays tout ceci, mesnages-le selon que vous jugeres a propos, car il ne faut pas de lite facere lites, ni rien dire ou faire qui puisse ennuyer monsieur le Marquis de Saint Damien, puis que il nous fait lhonneur de nous [406] aymer et qu'il oblige chacun, par sa vertu, a lhonnorer.

  A019003318 

 Nous ne sommes pas de mesme humeur, elle et moy; mais je ne laisse pas d'esperer qu'elle ne quittera pas tout a fait ma conduitte, que j'essayeray de rendre bonne, douce et juste.

  A019003387 

 Ce que Nous fîmes d'autant plus volontiers que, outre la particulière inclination et dévotion que ce jeune homme montre d'avoir à cet habit de Saint-Benoit, Nous sommes convié d'en prendre quelque soin en mémoire des services du père qui a délaissé plusieurs autres enfants sans commodités ni moyens de s'élever aux vertus..

  A019003387 

 Nous accordâmes, il y a quelque temps, à Claude du Noyer, le père duquel mourut au siège de Verceil, après Nous avoir longuement servi parmi ces guerres dernières, une prébende des trois qui étaient vacantes au prieuré de Contamine.

  A019003388 

 Chose qui Nous occasionne de vous donner charge pour cela d'embrasser avec votre saint zèle accoutumé, de Notre part, cette affaire; tenir main que le Prieur claustral dudit Contamine mette le froc audit Claude du Noyer, et dispose par même moyen lesdits Pères à payer librement le revenu de sa prébende dès le jour de la vacance, en suite de la provision qu'il en a de Nous; en quoi ils Nous feront chose très agréable de consentir, sans Nous donner plus sujet d'en être importuné davantage ni d'un côté ni d'autre.

  A019003388 

 D'ailleurs, vous verrez le Mémorial ci-joint du [419] Sacristain, qui s'offre de payer auxdits Pères les 500 ducatons qui leur sont assignés sur ledit prieuré, d'employer annuellement 200 ducatons aux réparations d'iceluy et d'accroître encore l'aumône de dix coupes de froment, si [l'on] veut laisser à sa disposition le revenu avec les autres deux prébendes vacantes: qui sont véritablement toutes considérations remarquables et qui Nous font désirer d'autant plus l'effet de la consolation dudit du Noyer, lequel Nous vous recommandons par ce bien particulièrement..

  A019003388 

 Peu de temps après, les RR. PP. Barnabites recoururent à Nous pour faire révoquer cette provision, pour divers prétextes, comme Nous fîmes; Nous donnant entre autres à entendre que les trois prébendes étaient entièrement nécessaires aux réparations dudit prieuré, auxquelles néanmoins Nous savons n'y avoir été employé jusqu'ici que ce que peut porter le revenu de deux, lequel peut honnêtement suffire, suivant mêmement l'ordre qu'en a donné le Visiteur général.

  A019003402 

 Le Secrestain du prieuré de Contamine vous aura remis une nostre touchant la prebande que Nous avions cy devant accordée sur ledit prieuré a du Noyer son neveu.

  A019003402 

 Sur quoy neantmoins Nous vous repliquons de ne mouvoir chose aucune que premierement vous Nous ayez envoyé la dessus vostre advis, afin que Nous puissions estre mieux esclaircy de ce qui se debvrà bonnement fere sur ce suject..

  A019003419 

 Vous aures, ce croy je, receu la response a celle que vous pristes la peine de m'escrire dernierement; maintenant je la fais a celle que François m'a apportee, par laquelle je voy que, graces a Dieu, nous sommes presque a la veille de nostre depart.

  A019003420 

 J'admire la sortie de M r le President sans en donner advis a personne, et pense diverses choses la dessus, meilleures a dire entre nous deux qu'a les escrire..

  A019003420 

 Je suis estonné que l'on tarde tant de nous fayre sçavoir le jour de nostre depart, et que le conducteur qui doit donner ordre pour nous fayre desloger ne vienne point.

  A019003420 

 Monsieur de Royssieu nous oblige infiniment par le soin qu'il [421] prend de noz affayres; je luy escris, et vous luy feres tenir la lettre, sil vous plait.

  A019003421 

 Sy vous voyes la damoyselle, je vous conjure de me tenir fort en sa bonne grâce et de l'asseurer que nous serons lundy a Paris, Monsieur l'Evesque estant arresté pour sacrer Dimanche le grand autel de ceans, chose qui ne se doit fayre qu'en jour de feste.

  A019003422 

 J'admire les nouvelles que vous nous dites de Savoye, mais plus la premiere que la derniere, du sieur Bonfilz; nous en parlerons a loysir..

  A019003424 

 Nous serons seulement a Paris lundy, ancore pour le soir.

  A019003441 

 Dautant que l'Evesché de Geneve est de tres grand poidz et tire appres soy beaucoup de soing et de travail, tant pour la grande estendue de sa diocese que la voysinance de l'heresie de Geneve, outre les grandes fatigues que tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire François de Sales, moderne Evesque, faict aux predications et autres exercices spirituelz pour exciter les ames a luy commises a leur perseverance a la devotion: il Nous a semblé luy estre grandement necessaire un Coadjuteur, et que Nous ne pourrions faire nomination de personne plus digne et de plus de merite que de Reverend nostre tres cher, bien amé et feal, devot Orateur Jean François de Sales, frere dudict Evesque et premier Aulmosnier de Madame; lequel, pour sa bonne vie, doctrine et autres vertuz, et pour satisfaire au desir dudict Evesque, Nous avons nommé et presenté, et par ces presentes, en vertu du droict de nomination qui Nous appertient sur ledict Evesché, nommons et presentons a Nostre Tressainct Pere le Pape, pour Coadjuteur et futeur successeur audict moderne Evesque et Evesché de Geneve, suppliant Sa Saincteté de le vouloir aggreer et luy faire expedier ses Bulles et provisions a ce necessaires, moyenant lesquelles Nous voulons qu'il soit receu, admis et maintenu en la plaine et legitime jouissance de ladicte coadjutorie, aucthoritez, prerogatives et autres choses quy en despendent, sans aucune difficulté: car ainsy Nous plait..

  A019003564 

 La Mère de Chantal savait de quels ménagements il fallait user avec une âme qu'on voulait sauver à tout prix; elle connaissait d'ailleurs l'incomparable condescendance de François de Sales, et, sans craindre de trop l'engager, elle écrit à M me du Tertre le 24 mars 1620: «Ne doutez point que notre bon Père ne vous concède votre désir selon toute l'étendue de son pouvoir, qui est toujours de plusieurs années.» Avec prudence, la Fondatrice ajoute: «Mais nous nous assurons que Dieu vous ayant confirmée en son saint amour pendant plusieurs années, vous fera aimer la conservation des Règles.» La réponse de l'Evêque de Genève est identique: «Que celte chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens... Mais... faites ce que» Dieu «vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.».

  A019003568 

 Peut-être ces arrêts n'étaient-ils pas tout à fait contre le gré de la prisonnière! — «J'eusse grandement souhaité qu'elle n'eût bougé de notre maison,» écrivait la Sainte à M. de Palierne, «assuré que l'on doit être que c'est un lieu où l'on ne force personne; mais bien, puisque Dieu a permis cela, patience! Nous vous supplions toutefois que, puisqu'elle est résolue de continuer sa bonne volonté, elle y retourne au plus tôt.».

  A019003569 

 Elle écrivit à Annecy; nous avons plusieurs lettres du Saint en réponse à cette communication.

  A019003569 

 Vrai Dieu!... que ces soulèvements ont touché mon cœur!» Et mettant le doigt sur la plaie: «Quoi! il n'est question que d'argent! Et qu'est-ce que cela? Si M me du Tertre en veut plus donner à Moulins qu'à Nevers, au nom de Dieu soit-il! cela nous est indifférent; nous chérissons nos Maisons également, et la chère dame sait bien que c'est son pur mouvement qui l'avait portée à Nevers.

  A019003570 

 C'est pourquoi, ma très chère Fille, je vous conjure que, pour éviter les maux et embarrassements que je prévois, vous laissiez à la Maison de Nevers ce que vous lui avez déjà donné irrévocablement, et ce que vous ne pouvez lui ôter sans faire soulever de grandes mutineries en ce lieu-là: chose qui nous serait insupportable et nous ferait tout quitter...Il restera assez à Moulins, et la Supérieure que Monseigneur de Genève a envoyée vous donnera pleine satisfaction, n'en doutez point.».

  A019003570 

 J'en serais consolée si tout se fût passé paisiblement; car, quel intérêt en tout cela?... L'une des Maisons nous est chère comme l'autre, et nous ne demandons, sur toutes choses, que la paix pour vivre tranquillement en nos petites observances.

  A019003570 

 «Quand les intérêts particuliers se fourrent parmi nos affaires,» continuait la Mère de Chantal, «ils nous font bien souffrir!» S'adressant à M me du Tertre elle-même: «Eh bien!» écrit-elle, «vous avez ouï et reçu des raisons et persuasions qui vous ont été faites pour demeurer à Moulins.

  A019003574 

 Eh bien! quand l'on nous renverrait d'où nous sommes venues, s'en faudrait-il troubler? Nullement, ma Fille.

  A019003574 

 Nous sommes à Dieu, rien ne nous arrivera que selon son bon plaisir.

  A019003575 

 A Dieu ne plaise que nous le fassions! Monseigneur de Genève m'avouera; et plutôt, je m'assure, l'on quitterait tout d'une part et d'autre.».

  A019003575 

 Le Saint, averti plutôt que consulté par la dame bienfaitrice, déclare que son vœu subsiste; et la Mère de Chantal multiplie ses lettres pour parer le coup qu'elle redoute: «Il faut, s'il vous plaît, contenter Monseigneur de Genève et le croire,» écrit-elle à M me du Tertre, «car pour nous, nous ne voulons avoir ni débat, ni procès; nous quitterions plutôt cent fois autant que ce que vous donnez, estimant incomparablement davantage la paix avec la sainte pauvreté, que tous les biens du monde et le moindre trouble... Or sus donc,... qu'il ne se parle plus de tout cela, s'il vous plaît, puisque vous avez le sentiment de Monseigneur de Genève et son avis; car nos pauvres Sœurs des deux Maisons sont affligées d'entendre parler de choses qu'elles n'ont pas accoutumé d'ouïr.» Et quatre jours après, elle expose les choses avec sa logique et sa clarté ordinaires à M. de Palieme, soutient le conseil donné par le Saint, supplie d'accepter ce moyen terme, et conclut: «Si après toutes ces raisons et prières très humbles, M me du Tertre et ceux de Moulins veulent agir contre ceux de Nevers, qu'elle fasse ce qu'il lui plaira; mais pour nous, nous n'attaquerons ni ne nous défendrons.


20-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XX-Vol.10-Lettres.html
  A020000030 

 — Où nous conduisent les afflictions. 30.

  A020000037 

 — A quelle fin Dieu nous donne ses faveurs.

  A020000070 

 — En qui nous devons placer toute notre confiance. 69.

  A020000077 

 — Pourquoi nous est donnée la vie en ce monde. 75.

  A020000131 

 — Quelle espérance doit nous réjouir. 128.

  A020000150 

 — « Bien faire aux pauvres » pour obliger Notre-Seigneur à prendre soin de nous. 145.

  A020000220 

 — A quoi nous oblige notre nom de mortels.

  A020000345 

 Nous avons ici un jeune homme d'une famille honorable, qui m'est cher pour plusieurs raisons, mais surtout parce qu'il est bon [6] séculier et très dévot.

  A020000488 

 Cependant, il ne se peut dire combien de fois et de quelle affection M. de Calcedoine et moy parlons de la douce et incomparable amitié de laquelle vous nous favorises.

  A020000501 

 Comme il m'a esté un contentement tres particulier de voir monsieur de Cusinens mon cousin, et trop [19] d'honneur quil ne soit venu que pour nous favoriser, Monsieur de Calcedoine et moy, aussi ay-je receu de la peine de celle quil a prise pour cela en ce tems qui est si aspre; mays [il faut] que ceux que vous aymes souffrent ces exces de bienveuillance, et pour moy je n'ay rien a dire sur cela, sinon que nous sommes parfaitement vostres..

  A020000526 

 Vous deves travailler a la conqueste de la tressainte humilité, que le monde ne peut connoistre, non plus que la paix qu'elle nous donne..

  A020000539 

 Il est vray, mais cela nous appauvrit et incommode grandement.

  A020000540 

 O par combien de rencontres fascheux allons nous a cette sainte eternité! Jettes bien vostre confiance et vostre pensee en Dieu: il aura soin de vous, et vous tendra sa main favorable..

  A020000551 

 Mais, ma tres chere Fille, c'est la ou il faut tesmoigner nostre fidelité a Nostre Seigneur, affin que l'on puisse dire de nous, comme il est dit de Job, apres tant de reproches et de contrarietés que ses amis luy firent, qu' en tout cela Job ne pecha point de ses levres, ni ne fit rien de mal a propos..

  A020000621 

 A mon retour, nous nous reverrons, Dieu aydant; et cependant, acceptes de bon cœur cette petite visite que la divine Bonté vous a faite.

  A020000622 

 Dequoy se doit attrister une fille, servante de Celuy qui sera a jamais nostre joye? Rien que le peché ne nous doit [31] desplaire et fascher, et au bout du desplaysir du peché, encor faut il que la joye et consolation sainte soit attachee..

  A020000639 

 Or sus, en ce nouvel estat de mariage auquel vous estes, renouvelles souvent les resolutions que nous avons si souvent faites de vivre saintement et vertueusement, de quelle condition que Dieu nous fist estre.

  A020000678 

 Mais puisque tel a esté le bon playsir de Dieu qu'il s'en allast en son repos, non seulement j'acquiesce, ains je loüe la divine Providence qui luy a donné un bon long sejour en cette vie mortelle, et, ce qui importe le plus, l'a conduit si amiablement par le chemin de sa crainte et de sa grace, que nous avons tout sujet d'estre asseurés qu'il le fait jouir maintenant de sa gloire.

  A020000747 

 Nous roulons icy sans avoir pour encor nouvelles de la resolution que M. de Menthon prendra, en attendant la venue de Monseigneur le Prince Thomas qui aura charge de faire achever cett' affaire, ainsy que Monseigneur le Prince dit a nostre frere, M. de Calcedoine; [45] mays je ne laisseray pas de presser un peu tout bellement..

  A020000799 

 Entre les ennemis, l'extreme necessite rend toutes choses communes; mais entre les amis, et entre de telz amis comme sont les filles et les meres, il ne faut pas attendre l'extreme necessité, car le commandement de Dieu nous presse trop.

  A020000801 

 Dieu ne requiert que certains jours, que certaines heures, et sa presence veut bien que nous soyons encor presens a nos peres et a nos meres; mais ceux ci sont plus passionnés: ilz veulent bien plus de jours, plus d'heures et une presence non divisee.

  A020000801 

 Hé! Dieu est si bon que, condescendant a cela, il estime les accommodemens de nostre [54] volonté a celle de nos meres comme faitz pour la sienne, pourveu que nous ayons son bon playsir pour fin principale de nos actions..

  A020000816 

 Nous n'avons pas laissé de conferer [de] vostre lettre, le Pere Bonaventure de Lyon, que nous avons le bonheur d'avoir Gardien icy, et moy.

  A020000848 

 En somme, ma Fille, comme nostre ame est en nostre cors sans que nous la voyons, ainsy Dieu est au monde sans que nous le voyons; comme nostre ame tient en vie tout nostre cors tandis qu'elle est en iceluy, ainsy Dieu tient en estre tout le monde tandis qu'il est en iceluy, et si le monde cessoit d'estre en Dieu, il cesseroit tout aussi tost d'estre.

  A020000848 

 Et comme, en certaine façon, nostre ame est tellement en nostre cors qu'elle ne laisse pas d'estre hors de nostre cors, n'estant pas contenue en iceluy, puisqu'elle void, elle entend, elle oyt, elle fait ses operations hors de nostre cors et au dela de nostre cors, ainsy Dieu est tellement au monde qu'il ne laisse pas d'estre hors du monde et au dela du monde et de tout ce que nous pouvons penser.

  A020000850 

 Je n'ay pas dit ceci pour vous dire ce que c'est, mais pour vous faire tant mieux entendre que je ne le puis ni sçay dire, et que je ne sçay que confesser que je suis un vray neant devant luy, que j'adore tres profondement, comme aussi l'humanité de nostre Sauveur a laquelle il s'est uni, affin qu'en icelle nous le puissions aborder, et le voir en nos sens et sentimens au Ciel, et en nos cœurs et en nos cors icy en terre au divin Sacrement de l'Eucharistie.

  A020000892 

 Helas! je regrette les pechés des calomniateurs, mais cette injure receue est une des meilleures marques de l'approbation du Ciel; et, affin que nous sceussions entendre ce secret, nostre Sauveur luy mesme de combien de façons a il esté calomnié! Oh! que bienheureux sont ceux qui endurent persecution pour la justice!.

  A020000893 

 Plus Nostre Seigneur soustrait ses consolations sensibles, plus il nous prepare de perfections, pourveu que nous nous humiliions devant luy et que nous jettions toute nostre esperance sur luy.

  A020000893 

 Vostre affliction interieure est encor une persecution pour la justice, car elle tend a bien ajuster vostre volonté a la resignation et indifference que nous aymons et louons tant.

  A020000939 

 Et c'est ce qu'il nous a tant inculqué: A qui te veut oster en jugement ta tunique, donne luy encor ton manteau..

  A020000941 

 Il est vray, ma tres chere Fille; mais, graces a Dieu, nous sommes en ce cas la, car nous aspirons a la perfection, et voulons suivre au plus pres que nous pourrons celuy qui, d'une affection veritablement apostolique, disoit: Ayant dequoy boire et manger, et dequoy nous vestir, soyons contens de cela; et crioit apres les Corinthiens: Certes, des-ja totalement et sans doute il y a faute et coulpe en vous, dequoy vous aves des procès ensemble.

  A020000943 

 Et l'Apostre de la Croix et du Crucifix s'escrie: Jusques a present nous avons faim, nous avons soif, nous sommes nuds, nous sommes bafoués; et en fin, nous sommes faitz comme une peleure de pomme, la racleure du monde, ou une peleure de chastaigne, ou une coque de noix.

  A020000943 

 Mais, ce me dira la prudence humaine, a quoy nous voules vous reduire? Quoy? qu'on nous foule aux pieds, qu'on nous torde le nez, qu'on se joue de nous comme d'une marotte, qu'on nous habille et deshabille, sans que nous disions mot? Ouy, il est vray, je veux cela; et si, je ne le veux pas moy, ains Jesus Christ le veut en moy.

  A020000945 

 Au reste, je le veux bien, ma Fille, soyes prudente comme le serpent, qui se despouille tout a fait, non de ses habitz, mais de sa peau mesme, pour rajeunir; qui cache sa teste, dit saint Gregoire (c'est a dire, pour nous, la fidelité aux paroles evangeliques), et expose tout le reste a la mercy de ses ennemis pour sauver l'integrité de celle la..

  A020000948 

 Certes, en somme, nous n'aymons pas les croix, si elles ne sont d'or, emperlees et esmaillees.

  A020000948 

 Mais de vivre d'aumosne comme Nostre Seigneur, de prendre la charité d'autruy en nos maladies, nous qui d'extraction et de courage sommes cecy et cela, cela certes est bien fascheux et difficile.

  A020000962 

 Nous avons trop de pretentions et de desseins, nous voulons trop de choses: nous voulons avoir les merites du Calvaire et les consolations de Thabor tout ensemble, avoir les faveurs de Dieu et les faveurs du monde..

  A020000966 

 Que vous diray je plus? Rien autre, ma tres chere Mere, sinon que je cheris incomparablement vostre cœur, et comme le mien propre, si mien et tien se doit dire entre nous, ou Dieu a establi une tres invariable et indissoluble unité, dont il soit eternellement beni.

  A020000976 

 Je suis marri dequoy nous n'avons pas eu le bien de vous voir au Sinode, mais sur tout dequoy ça esté pour estre indisposé de santé..

  A020001138 

 Je partiray la semaine qui vient pour aller a Thonon, ou je ne seray que huit ou dix jours, pendant lesquelz nous parlerons bien de vous, le bon pere et les freres et moy; ilz se portent tous tres bien.

  A020001191 

 Quelle esperance donq pour nous autres qui n'avons jamais donné le moindre sujet de soupçon, mays sur tout pour vous qui, avec tant de veritable fidelité et utilité, travailles pour son service! Je veux esperer que vous en seres tres bien contenté et recompensé..

  A020001212 

 Je sçai que vous estes malade; mais, ma chere Fille, a mesure que vostre maladie redouble, vous deves redoubler vostre courage, en esperance que Celuy qui, pour monstrer son amour envers nous, a choysi la mort de la croix, vous tirera de plus en plus a son amour et a sa gloire par la croix et tribulation quil vous envoye.

  A020001309 

 Mon cœur ayme trop le vostre, Madame ma tres chere Cousine, ma Fille, pour ne voir pas et ne sentir pas sa douleur en cette si recente et veritablement grande perte que nous venons tous de faire.

  A020001310 

 Je prie donq Dieu, ma chere Cousine, qu'il vous soulage luy mesme de sa sainte consolation, et qu'il vous face ramentevoir, en cette occasion, de toutes les resolutions qu'il vous a jamais donnees d'acquiescer en toutes occurrences a sa tressainte volonté, et de l'estime que sa divine Majesté vous a donnee de la tressainte eternité a laquelle nous devons esperer que la chere ame de celuy de qui nous ressentons la separation est arrivee; car, helas! ma chere Cousine, nous n'avons de vie en ce monde que pour aller a celle de Paradis, a laquelle nous nous avançons de jour en jour, et ne sçavons pas quand ce sera le jour de nostre arrivee.

  A020001310 

 Or sus, vostre pere est hors du pelerinage plein de tant de travaux; il est arrivé au lieu de son asseurance, et s'il ne possede pas encor la vie eternelle, il en possede la certitude, et nous contribuerons nos prieres a l'acceptation de son bonheur perdurable..

  A020001321 

 Nous avons trop de considerations d'estat et trop de finesse mondaine en ces choses que Dieu fait par une speciale grace.

  A020001322 

 O si nous pouvons avoir un esprit d'une entiere dependance du soin paternel de nostre Dieu en nostre Congregation, nous verrons multiplier avec suavité les fleurs des autres jardins, et en benirons Dieu comme si c'estoit es nostres.

  A020001323 

 Servons bien Dieu, et ne disons point: Que mangerons nous? que boirons nous? d'ou nous viendront des Seurs? C'est au Maistre de la mayson d'avoir cette sollicitude, et a la Dame de nos logis de les meubler; et nos Maysons sont a Dieu et a sa sainte Mere.

  A020001353 

 Ce porteur va de la part de M. de Chalcedoine et du Chevalier, mes freres, comme aussi de la mienne, pour vous offrir nostre service en cette occasion de la perte que vous aves faite, laquelle, comme elle est extreme, aussi nous la ressentons vivement avec vous; et ne laissons pas pourtant de vous prier de soulager vostre cœur de tout vostre pouvoir, en consideration de la grace que Dieu vous a faite, et a tous ceux qui ont le bien de vous appartenir, vous ayant laissé la jouissance de ce bon pere a longues annees, ne l'ayant retiré qu'a l'aage apres lequel cette vie ne pouvoit plus guere durer sans beaucoup de peines et de travaux qui accompaignent ordinairement la viellesse..

  A020001365 

 Hé! que je desire que nostre vie ne vive pas en nous, mais en la vie de Jesus Christ Nostre Seigneur! Et que puis je desirer de mieux pour nostre cœur?.

  A020001366 

 Pour la grande fille, je luy escriray au premier jour, [114] car je voy bien que nous sommes en une sayson en laquelle il faut que les peres commencent a faire leur paix.

  A020001387 

 Je crains en fin, si nous demeurons ainsy sans dire mot, ma tres chere Fille, que vostre cœur n'apprenne petit a petit a me des-aymer, et certes je ne le voudrois pas, car il me semble que la chere amitié que vous aves [117] euë pour moy n'ayant pris ni peu prendre source que de la volonté de Dieu, il ne la faut pas laisser perir; et quant a celle que Dieu m'a donnee pour vostre ame, je la tiens tous-jours vive et imperissable en mon cœur..

  A020001411 

 Oh! si Dieu avoit disposé que nous fussions tous-jours ensemble, que ce seroit une chose suave! Mais quel moyen, ma tres chere Fille? Nos montagnes gasteroyent Paris et empescheroyent le cours de la Seine si elles y estoyent, et Paris affameroit nos vallees s'il estoit parmi ces montagnes.

  A020001411 

 Un jour, ou plustost en la tres-sainte eternité a laquelle nous aspirons, nous serons tous-jours presens les uns aux autres, si nous vivons en ce passage selon la volonté de Dieu..

  A020001412 

 Une chose vous puis je dire: que cette tant chere Mere differera sa venue jusques a l'extremité, quoy qu'elle soit grandement desiree et requise icy; mays nous nous promettons aussi que le tems estant venu, vous recevres doucement la separation de cette ame, laquelle ne sera pas une mort comme l'est la separation que l'ame fait de son cors, car le Saint Esprit, qui est la vie de nos cœurs, vous animera tous-jours de son saint amour, et vous tiendra de plus en plus unie a nous et nous a vous..

  A020001459 

 Nous parlons asses souvent de vous, le bon Pere [Bonaventure] et moy, et nous en parlons avec respect et dilection.

  A020001470 

 J'en attens tous les jours, mais les choses y vont avec tant de tardiveté, que si je me croyois moy mesme, je ferois ce que ceux qui y sont et qui entendent les affaires disent de nous, et particulierement de moy: Nous importunons a force de demander des choses que nous pouvons faire sans les demander; et neanmoins, puisque nous les demandons, il faut souffrir de ne les point avoir que sous les conditions ordinaires de ceux qui les expedient.

  A020001470 

 Or sus, puisque toutefois nous sommes en ce train, nous ne devons rien oublier pour obtenir, et nous n'oublierons rien, Dieu aydant.

  A020001473 

 Nous attendons le P. [D.] Juste, pour Saint Laurent, et nous sçaurons ce que l'on devra attendre du Monastere de Turin; et en cas qu'on n'y aille pas, au moins si tost, on pourroit laisser davantage nostre grande Fille a Montferrand, ou l'employer ailleurs, sil estoit treuvé expedient..

  A020001474 

 M. de Chalcedoine m'a corrigé de ce costé la, et nous vivons avec plus de regie, mays il m'eschappe tous-jours de faire quelque faute; et bien que ce soit fort peu, neanmoins mes vielles habitudes m'estant imputees, on me compte une faute pour trois..

  A020001476 

 Si tost que nous aurons des nouvelles de Dijon, je vous en advertiray, et je me doute que ce soit pour une Mayson, parce que le P. Arviset, Jesuite, me dit a Lyon que cela se traittoit encor..

  A020001479 

 Je suis de l'advis du P. Binet pour nostre seur de Gouffiez, et neanmoins je voudrois bien regaigner son cœur, car il me semble qu'elle n'en treuvera pas un qui soit plus pour elle que le mien; et il n'est pas bon d'abandonner les amitiés que Dieu seul nous avoit donnees.

  A020001479 

 Mais de l'inviter a venir, il ne le faut pas faire, si Dieu ne nous fait expressement connoistre qu'il le veuille; il luy faut laisser faire ce coup purement a luy, selon sa douce Providence..

  A020001479 

 Toutefois, je me reprens, et dis que Dieu a tout bien fait et a tout bien permis, et espere que, comme sans nous il nous avoit donné cette fille, sans nous aussi il la nous redonnera, si tel est son bon playsir.

  A020001499 

 Ce qui vous estonne, c'est que vous voudries estre tout a coup telle qu'elle prescrit; et toutefois, ma tres chere Fille, cette mesme Introduction vous inculque que de composer vostre vie a ses enseignemens n'est pas la besoigne d'un jour, ains de toute nostre vie, et que nous ne nous devons nullement estonner des imperfections qui nous arrivent parmi les [132] exercices de nostre entreprise.

  A020001506 

 Il vous servira, si vous vous accoustumes de recommander une fois le jour mon ame avec la vostre a la misericorde de Dieu, par quelque orayson jaculatoire, comme en sortant de table: O Dieu, ayes pitié de nous et nous receves entre les bras de vostre misericorde..

  A020001507 

 Ma Fille, tout ceci est menu, mais profitable; et avec le tems nous pourrons en changer, ou adjouster.

  A020001518 

 Cependant, cachons doucement nostre petitesse en cette grandeur; et, comme un petit poussin tout couvert des aisles de sa mere demeure en asseurance et tout chaudement, reposons nos cœurs sous la douce et amoureuse providence de Nostre Seigneur, et abritons nous chaudement sous sa sainte protection.

  A020001520 

 Je juge qu'il soit a propos que vous revenies avec une bonne resignation pour retourner la quand le service de Dieu le requerra; car il faut ainsy vivre une vie exposee au travail, puisque nous sommes enfans du travail et de la mort de nostre Sauveur.

  A020001521 

 Helas! que je deplore affectionnement cette absolue separation que cette grande fille fait de nous pour demeurer a la mercy du monde! Or neanmoins je n'en puis mais..

  A020001522 

 Mais il n'y a remede, il faut [135] souffrir que chacun parle a son gré; et pour addoucir tout, tant que nous pourrons, il faudra donq dire tout a fait l'Office de Nostre Dame, et a la fin adjouster une commemoration du jour, car a cela on n'auroit rien a dire..

  A020001523 

 Mais de cela nous en parlerons a vostre retour..

  A020001590 

 Et je ne doute point qu'il ne represente a Vostre Altesse, qu'entre tous les remedes par lesquelz on peut le mieux empescher la decadence de ce lieu de pieté, l'introduction des Peres de l'Oratoire seroit le plus propre, ainsy qu'estans a Tonon ensemblement nous l'avions jugé; dont j'ay des-ja donné advis [à] Vostre Altesse Serenissime, laquelle je supplie tres humblement de proteger tous-jours cette Sainte Mayson, comme un œuvre de grande qualité pour la gloire de Dieu et le lustre du nom de la serenissime Mayson de Son Altesse, de la main delaquelle est sortie cette piece de devotion, affin qu'elle ne [140] perisse pas, ou du moins qu'elle ne perde pas, faute de bon ordre, la grande reputation sous laquelle ell' a esté fondee contre l'heresie et pour l'accroissement de la sainte religion catholique..

  A020001668 

 La peine que vous aves a vous mettre en l'orayson n'en diminuera point le prix devant Dieu, qui prefere les services qu'on luy rend parmi les contradictions, tant interieures qu'exterieures, a ceux que l'on luy fait entre les suavités; puysque luy mesme, pour nous rendre aymables a son Pere eternel, nous a reconciliés a sa Majesté en son sang, en ses travaux, en sa mort..

  A020001701 

 Le porteur, M. Crichant, que j'ayme grandement, vous dira en quel estat nous sommes en ce païs; et dans quinze jours ou troys semaines nous verrons, comme j'espere, clair en nos affaires.

  A020001709 

 Nos Seurs d'icy sont toutes bien, et nous avons des [153] braves et douces Novices, que j'ay confessees avec les autres pour l'extraordinaire d'aoust, et je les treuve a mon gré.

  A020001713 

 Nous vivons de regie quant au manger, et je n'escris plus le soir, parce que mes yeux ne le peuvent pas porter, ni certes mon estomach.

  A020001741 

 Tout ce tracas de peines et d'ennuys passera bien tost, ce ne sont que des momens; et puis, nous n'avons encor point respandu de sang pour Celuy qui respandit tout le sien pour nous sur la croix..

  A020001791 

 Nous sommes apres a faire les formalités pour le prieuré.

  A020001893 

 Nous faysons icy les prieres, et pour ses affaires militaires et pour les nostres..

  A020001895 

 Et vous aves aussi esté une petite infirmiere, puisque vous aves eu tant de malades ces moys passés; et vous aves esté infirme de leur infirmité, car puisque c'estoyent mesme des personnes si cheres, comme monsieur vostre mary et vostre filz bienaymé, vous aves bien peu dire: Qui est infirme, que je ne sois infirme avec luy? Dieu soit loué, qui, par ces alternatives, nous conduit a la ferme et invariable tranquillité de l'eternel sejour..

  A020001906 

 Comme que ce soit, nous sçaurons la verité par le tems; mays ayant veu la grande indisposition de la volonté des parties, je ne puis que je ne doute qu'a l'advenir il ny ait quelque sorte de repentir.

  A020001939 

 Mais je suis marry de l'allarme que vous aves prise pour l'estat de nos affaires de deça, qui, graces a Dieu, jusques a present n'a rien d'extraordinaire, sinon que ceux de Geneve, s'estant mis en extreme defiance, font contenance de se preparer a la guerre; mais on ne croid pas pourtant qu'ilz veuillent commencer, puisque s'ilz l'entreprenoyent sans le commandement du Roy, ilz seroyent tout a fait ruynés, et l'on ne peut se persuader que Sa Majesté les veuille porter a ce dessein: de sorte que nous [174] dormons les nuitz entieres, et fort doucement, sous la protection de Dieu..

  A020001940 

 Elle nous a dit tout ce qui s'est passé a Dijon, ou il sera a propos que vous arresties deux ou trois moys pour appaiser ces messieurs du party contraire, qu'il faut combattre et abbattre par la douceur et l'humilité; encor qu'a mon advis nous ayons l'advantage, puisque monsieur le Duc et madame la Duchesse de Bellegarde, madame de [175] Termes et la pluspart du Parlement est pour nous, et particulierement Monsieur l'Evesque de Langres, qui a le zele, la prudence et l'authorité apostolique en ce païs la, et qu'outre cela nous aurons l'assistance de Monseigneur nostre bon Archevesque..

  A020001940 

 Nous avons veu madame de Royssieu, qui n'eut loysir de demeurer icy que deux jours.

  A020001941 

 Mais, ma tres chere Mere, je vous supplie de ne point parler de ceci, si vous ne voyes tout a fait qu'il en soit tems; et je croy que son cœur se laissera gaigner par la verité, puisque mesme, comme m'asseure madame de Royssieu, madame la premiere Presidente est toute portee a nous favoriser, comm'aussi elle me l'a tesmoigné par une sienne lettre, et que la bonté et sincerité de son cœur me le fait croire fermement..

  A020001944 

 Et a ce propos, ma tres chere Mere, je ne fay nulle difficulté que les Evesques et, en leur absence, les Peres spirituelz des Maysons de la Visitation, ne puissent, ains ne doivent charitablement faire entrer les dames en telles occurrences, sans quil soit besoin quelconque que cela soit [178] declaré dans les Constitutions, par la douce et legitime interpretation de l'article du Concile de Trente qui est mis en la Constitution De la Clausure, car on le pratique bien ainsy en Italie et par tout le monde, mesme pour des moindres occasions: car je vous laisse a penser, si l'on fait bien entrer des jardiniers, des jardinieres, non seulement pour l'ageancement necessaire des jardins, mais aussi pour les embellissemens non necessaires, ains seulement utiles a la recreation, comme sont les berceaux, les palissades, les parterres, les entrees de telles gens estant jugees necessaires non par ce que ce quilz font soit necessaire, ains seulement par ce que ces gens la sont necessairement requis pour faire telle besoigne, si nous ne pourrons pas justement estimer l'entree des dames desolees par quelque evenement inopiné estre necessaire, quand elles ne peuvent pas aysement treuver hors du monastere les soulagemens et consolations si convenables.

  A020001947 

 Monsieur Duret, qui vous presenta sa petite niece tandis que nous estions la, m'avoit, il y a quelques mois, prié de vous remercier avec luy de la reception de cette fille.

  A020001988 

 Ce porteur, le sieur de la Pesse, vous dira toutes nos nouvelles, et comme nous ne cessons point de faire prier Dieu pour les justes armes du Roy.

  A020002040 

 Nostre Mere ne peut encor pas bonnement partir de Paris; or, vous estes sa seconde en l'Institut, et sa premiere fille: nous ne voyons pas moyen de vous exempter de la peine de cette fondation.

  A020002062 

 Je vous remercie du soin qu'il vous a pleu de prendre pour me faire avoir des lettres que les Seurs de la Visitation vous ont addressees, comme encor de la varieté des nouvelles du monde, que je prie Dieu de nous vouloir donner de jour en jour meilleures, pour la prosperité du Christianisme, et en particulier pour celle du Roy et du royaume..

  A020002075 

 Selon vostre lettre, ma tres chere Fille, du 14 e novembre, nous avions des-ja pensé de choisir icy une Superieure pour Valence; mais Dieu soit loué dequoy pour maintenant vous n'en aures pas besoin, puisque par sa [193] misericorde celle qui y est est hors de danger, ainsy que vous nous escrives du 19 de ce mesme moys; et je suis grandement consolé de ce que vous me dites, qu'elle et ses compaignes sont si bien disposees a souffrir pour Nostre Seigneur, qui ne leur aura pas donné ce courage qu'avec plusieurs autres vertus.

  A020002077 

 Les verités de la foy sont quelquefois aggreables a [194] l'esprit humain, non pas seulement parce que Dieu les a revelees par sa parole et proposees par son Eglise, mais parce qu'elles reviennent a nostre goust, et que nous les penetrons bien, nous les entendons facilement, et sont conformes a nos inclination s. Comme, par exemple: qu'il y ayt un Paradis apres cette vie mortelle, c'est une verité de la foy que plusieurs treuvent bien a leur gré, parce qu'elle est douce et desirable; que Dieu soit misericordieux, la pluspart du monde le treuve fort bon et le croit aysement, parce que la philosophie mesme nous l'enseigne: cela est conforme a nostre goust et a nostre desir.

  A020002077 

 Or, toutes les verités de la foy ne sont pas de la sorte: comme, par exemple, qu'il y ayt un enfer eternel pour la punition des meschans, c'est une verité de la foy, mais verité amere, effroyable, espouvantable et laquelle nous ne croyons pas volontier, sinon par la force de la parole de Dieu..

  A020002078 

 Et maintenant, je dis premierement: que la foy nue et simple est celle la par laquelle nous croyons les verités de la foy sans consideration d'aucune douceur, suavité et consolation que nous ayons en icelles, par le seul acquiescement que nostre esprit fait a l'authorité de la parole de Dieu et de la proposition de l'Eglise; et ainsy nous ne croyons pas moins les verités effroyables que les verités douces et aymables.

  A020002079 

 Il y en a des autres lesquelles nous ne pouvons nullement apprehender par imagination: comme la verité de la tressainte Trinité, l'eternité, la presence du cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement de l'Eucharistie; car toutes ces verités sont veritables d'une façon qui est inconcevable a nostre imagination, d'autant que nous ne sçavons imaginer comme cela peut estre, mais [195] neanmoins nostre entendement le croit tres fermement et simplement, sur la seule asseurance qu'il prend en la parole de Dieu.

  A020002079 

 Secondement, il y a des verités de la foy lesquelles nous pouvons apprehender par l'imagination: comme, que Nostre Seigneur soit né en la cresche de Bethleem, qu'il ayt esté porté en Egypte, qu'il ayt esté crucifié, qu'il soit monté au Ciel.

  A020002135 

 Or, Monsieur, je vous escritz ainsy au long toutes ces particularités affin que vous voyiés que cette introduction des Peres de l'Oratoire sera non seulement utile au service de la gloire de Dieu et des ames, mays encor selon le service de Son Altesse Serenissime et l'utilité de nostre patrie; qui me fait d'autant plus hardiment vous supplier de nous procurer au plus tost les expeditions que je demande, puis que je n'ay plus presque que deux moys de loysir pour disposer de la cure de Rumilly, apres lesquelz la provision tumbera es mains du Pape..

  A020002149 

 La tres glorieuse Vierge, nostre tres bonteuse Dame et tres pitoyable Mere, nous veuille combler de son saint amour, affin que vous et moy ensemblement, qui avons eu le bonheur d'estre appellés et embarqués sous sa protection et en son nom, fassions saintement nostre navigation en humble pureté et simplicité, affin qu'un jour nous nous treuvions au port de salut qui est le Paradis, pour louer et benir eternellement son Filz nostre Redempteur.

  A020002158 

 Si la fille du procureur dont vous m'escrives est douce, maniable, innocente et pure, ainsy que vous le dites, mon Dieu, gardes vous en bien de la renvoyer; car, sur qui habite l'Esprit du Seigneur, sinon sur les pauvres et innocens qui ayment et craignent sa parole? Icy, nous avons des filles du voyle noir, Associees, qui font tres bien: mais qu'importe il que celle ci soit Associee, jusques a ce qu'elle soit capable du chœur? C'est pour des telles filles que ce rang de Seurs a esté mis es Constitutions..

  A020002170 

 Mays, ma tres chere Fille, il me semble que vous estes un peu plus susceptible des consolations que cette chere seur; c'est pourquoy je vous dis que nous avons tort si nous regardons nos parens, nos amis, nos satisfactions et contentemens comme choses sur lesquelles nous puissions establir nos cœurs.

  A020002170 

 Sommes nous, je vous prie, en ce monde qu'avec les conditions des autres hommes et de la perpetuelle inconstance dans laquelle il est establi? Il faut s'arrester la, ma tres chere Fille, et reposer nos attentes en la sainte aeternité a laquelle nous aspirons.

  A020002218 

 C'est bien une lettre d'empressement, car veritablement je ny puis mettre sinon que nous sommes icy tous en tres bonne santé, et moy particulierement, avec bonne esperance de vous revoir de mesme quand Dieu nous donnera la consolation de vostre retour, pour lequel je vous envoyeray ou M. Roland ou M. Michel pour le tems que vous m'advertirés, que vous marqueres a vostre gré, selon que le service de Dieu vous semblera le requerir..

  A020002230 

 Je l'eusse pourtant fait de bon cœur, pour vous entretenir toutes de quelques considerations sur le saint mystere que nous celebrons; [211] mais, ma chere Fille, rien ne vous manquera, puisque vous seres en la presence de cet Enfant sacré duquel vous tiendres l'idee en vostre memoire et imagination, comme si vous le voyies naistre dans sa pauvre petite cresche de Bethlehem..

  A020002243 

 Nous avons icy nostre Monseigneur de Chalcedoine, lequel, ou je suis trompé, ou il reparera beaucoup de fautes que j'ay faites en ma charge, ou je confesse que j'ay failli en tout, ormis en l'affection; mais ce frere est d'un esprit zelé, et, ce me semble, brave homme pour reparer mon meschef..

  A020002244 

 Je suis bien ayse que nos Filles de Sainte Marie soyent [213] en leur monastere; ce ne sera pas un petit attrait a plusieurs ames pour se retirer du monde, puisque l'on est si miserable en ce siecle que l'on ne regarde pas tous-jours le celeste Espoux au visage, ains a ces ageancemens exterieurs, et que souvent nous estimons les lieux plus devotieux que les autres, a cause de leur forme..

  A020002257 

 Et ceux que Nostre Seigneur supporte, nous les devons tendrement supporter, avec grande compassion de leurs infirmités spirituelles..

  A020002257 

 Tiercement, travaillés pour acquerir la suavité du cœur envers le prochain, le considerant comme œuvre de Dieu, et qui en fin jouyra, s'il plait a la Bonté celeste, du Paradis qui nous est preparé.

  A020002268 

 Ce qui n'est point Dieu, n'est rien pour nous.

  A020002279 

 Sur la resolution que vous aves declairee a monsieur vostre pere, je vous exhorte de perseverer a demander sans cesse la clarté du Saint Esprit et sa sainte conduite, en attendant que vous venies icy, et que M me de Chantal [soit de re]tour, affin qu'en chose de si grand' importance et en laquelle il s'agist de la disposition de toute vostre [217] vie mortelle, nous ne facions rien que par la volonté et inspiration de Celuy qui nous a preparé l'eternelle.

  A020002292 

 En fin, Monsieur, nous sommes pescheurs, et pescheurs des hommes.

  A020002292 

 Nous devons donq employer a cette pesche non seulement des soins, des travaux et des veilles, mais encor des appas, des industries, des amorces, ouy mesme, si je l'ose dire, de saintes ruses.

  A020002310 

 Quand la prudence humaine se mesle de nos desseins, il est malaysé de la faire taire; car elle est merveilleusement importune, et se fourre ardamment et hardiment en nos affaires malgré nous..

  A020002312 

 Si nous avons une fille, par exemple, que la prudence humaine dicte devoir estre colloquee en Religion pour quelques raysons de l'estat de nos affaires, or sus, nous dirons en nous mesmes (je ne dis pas devant les hommes, mais devant Dieu): O Seigneur, je vous veux offrir cette fille, parce que, telle qu'elle est, elle est vostre; et bien que ma prudence humaine m'incite et incline a cela, si est ce, Seigneur, que si je sçavois que ce ne fust pas aussi vostre bon playsir, malgré ma prudence inferieure je ne le ferois nullement, rejettant en cette action ladite prudence que mon cœur sent, mays a laquelle il desire ne [222] point consentir, et embrassant vostre volonté que mon cœur n'apperçoit pas selon son sentiment, mais a laquelle il consent selon sa resolution..

  A020002313 

 Et a chaque pas, presque, il nous faut faire la resignation que Nostre Seigneur nous a enseignee: Non ma volonté, mais la vostre, o Pere eternel, soit faite.

  A020002313 

 Et cela fait, laisses clabauder la prudence humaine tant qu'elle voudra, car l'œuvre ne sera plus sienne; et vous luy pourres dire comme les Samaritains dirent a la Samaritaine apres qu'ilz eurent oüy Nostre Seigneur: Ce n'est plus meshuy pour ta parole que nous croyons, mays parce que nous mesmes l'avons veu et entendu.

  A020002313 

 Nous ne sommes pas plus saintz que l'Apostre saint Paul, qui sentoit deux volontés au milieu de son ame: l'une qui vouloit selon le viel homme et la prudence mondaine, et cette cy se faisoit plus sentir; et l'autre qui vouloit selon l'esprit de Dieu, et celle cy estoit moins sensible, mais laquelle pourtant dominoit, et selon laquelle il vivoit; dont d'un costé il s'escrioit: O moy miserable homme, qui me delivrera du cors de cette mort? et d'autre part il s'escrioit: Je vis, non plus moy mesme, mais Jesus Christ vit en moy.

  A020002313 

 O ma tres chere Fille, c'est a tout propos que l'esprit humain nous travaille de ses pretentions et se vient importunement ingerer parmi nos affaires.

  A020002374 

 Voicy mon advis: Premierement, puisqu'ainsy que me dit ce porteur et que vostre lettre me signifie, la calomnie n'est pas encor entree dans la foule du peuple, et qu'au contraire les plus apparens et les plus dignes juges des actions humaines de ce païs la sont tout a fait resolus en l'opinion de vostre probité, je prefere la dissimulation au ressentiment; car nous sommes au cas de l'ancien sage:.

  A020002390 

 Sa divine Bonté nous veuille a jamais defendre de la prudence et sagesse, et des saillies de l'esprit humain, et nous face tout a fait vivre en la suite de l'esprit du saint Evangile, qui est simple, doux, amiable, humble, et qui ayme le bien en tous, pour tous, et par tout ou il est; et qui nous fait tellement aymer nostre vocation que nous n'en aymons pas moins les autres, et qui nous fait parler avec veritable sentiment d'honneur, de respect et d'amour de tout ce que Dieu veut estre en son Eglise pour le bien de ses enfans et pour son service..

  A020002436 

 Et bien que ce tres bon pere, comme tout dedié a Dieu luy mesme, se remet tres volontier a tout ce qui sera jugé plus a propos pour l'employ de sa fille au service de la plus grande gloire de cette celeste Majesté, si est ce que cela mesme nous oblige tant plus a le consoler en ce qui se pourra.

  A020002518 

 Puisque la conduite de vostre chemin de Paris a Dijon, pour passer par les monasteres, requiert que vous venies a Moulins, et que les Seurs que l'on prendra icy et a Grenoble vous aillent prendre la, il faudra donq sçavoir a point nommé le tems auquel il les faudroit envoyer et comme quoy les choses passeront, c'est a dire d'ou viendra l'advis que nous devons recevoir; mais il me semble [248] pourtant que n'y ayant que quarante lieuës d'icy a Dijon, ce sera grandement allonger le chemin de passer a Moulins.

  A020002522 

 Il est a considerer si vous treuveres plus a propos qu'on la fasse professe icy ou qu'on l'envoye pour faire profession a Dijon, sur l'attestation qu'on luy feroit icy de sa capacité; car nous avons pensé que peut estre seroit on bien ayse que cette action se fist la, en presence de ses parens et amys, et la rendre ainsy la premiere fille de ce Monastere..

  A020002522 

 Nous avons pensé pour cela a ma Seur Marie Adrienne Fichet, laquelle est de bon esprit et de bon cœur, comme vous sçaves; a ma Seur Françoise Augustine, de Moyran pres Saint Claude, que je confesse estre une fille grandement a mon gré, et, si je ne me trompe, tout a fait irreprehensible en l'interieur et en l'exterieur; ma Seur Marguerite Scholastique, de Bourgoigne, qui est douce, maniable et de bon esprit, cousine germaine de vostre Assistante; ma Seur Marguerite Agnes, [251] qui est d'aupres de Vienne, qui est de bonne mayson, de bonne observance et d'une aggreable simplicité; a ma Seur Peronne Marie Benod, Seur domestique grandement douce et pliable; outre ma Seur Marie Marguerite Milletot, qui viendra de Grenoble, que vous connoisses, et ma Seur Bernarde Marguerite, qui est celle de Dijon que vous nous envoyastes, de la capacité de laquelle, bien qu'on ayt douté quelques moys durant, on a despuis eu bonne satisfaction.

  A020002522 

 Nous envoyerons donq, quand vous le marqueres et ainsy [que] vous l'ordonneres, des filles pour vous accompaigner a Dijon, selon le nombre que vous nous diries estre necessaire.

  A020002523 

 Or, ce sera donq a vous, ma tres chere Mere, de nous, advertir si vous voudres ou moins ou plus de filles, et quand elles devront partir... [252].

  A020002603 

 Quand sera ce que nous ne chercherons que Dieu? O que nous serons heureux quand nous serons arrivés a ce point la, car par tout nous aurons ce que nous chercherons, et chercherons par tout ce que nous aurons..

  A020002697 

 Ce porteur vous dira, ma tres chere Fille, a quoy nous en sommes pour les affaires de vostre eglise.

  A020002756 

 Je n'ay garde de vous divertir par mes lettres de vostre sainte et fructueuse occupation quadragesimale, du bon succes de laquelle on nous dit icy des merveilles.

  A020002790 

 Il est tout certain, ainsy que on raconte l'histoire, que cette pauvre fille de laquelle nous parlons, n'avoit pas asses de generosité pour quitter l'amour de celuy qui la recherchoit en mariage, si la contradiction de ses parens ne l'y eusse contrainte; mais il n'importe, pourveu qu'elle ayt asses d'entendement et de valeur pour connoistre que la necessité, qui luy est imposee par ses parens, vaut mieux cent mille fois que le libre usage de sa volonté et de sa fantasie, et qu'en fin elle puisse bien dire: Je perdois ma liberté si je n'eusse perdu ma liberté..

  A020002835 

 Il faut en cela mesme cultiver la pauvreté que nous estimons: que nous souffrions amoureusement qu'elle soit mesestimee..

  A020002835 

 Mais nous avons beau dire: Bienheureux sont les pauvres; la prudence humaine ne laissera pas de dire: Bienheureux sont les Monasteres, les Chapitres, les maysons riches.

  A020002847 

 Et par ce que nous vous envoyons ma Seur Paule Hieronime Favrot qui de jour a autre attendoit de faire la Profession, affin de ne l'envoyer pas novice nous la recevons a Profession ce mattin; et soudain la ferons partir avec les autres troys, puisque il ny a pas lieu dans la carrosse pour plus de filles que pour 4.

  A020002847 

 L'inopinee venue de M. Roland nous presse de despescher nos cheres Seurs, qui ne devoyent partir, selon nostre compte, que sur la fin de la semaine suivante.

  A020002848 

 Nous avions encor choysi ma Seur Françoise Agathe; mays voyans qu'il ny avoit place que pour 4, nous avons un peu favorisé sa mere qui avoit de la tendreté sur son depart, et non elle, qui partoit de bon cœur comm'ell'est demeuree de bon cœur.

  A020002881 

 Voyla encor la lettre que monsieur vostre pere vous escrit et celle qu'il m'escrit a moy, par lesquelles vous verres comme tout se dispose a la fondation d'un Monastere a Chamberi; et tandis que pour le commencement on fera preparer les logis, nostre Mere pourra y estre, et vous a Dijon, affin que, comme en passant, vous y establissies cette Mayson-la avant que de venir establir celle de Chamberi: et ainsy sera vray tout ce que nous escrivons a Monseigneur de Clermont..

  A020002905 

 L'on parle fort de faire la fondation de Turin, ou je croy que nous aurons besoin de vostre personne.

  A020002963 

 Nous verrons icy les deux seurs mariees, et j'ay veu naguere le Frere Vincent, qui est tout brave homme et tres bon Capucin..

  A020003014 

 Nous avons icy maintenant l'honneur et le bonheur de la presence de Monseigneur le Serenissime Prince Thomas, des grandes qualités et parties duquel je vous escrivis mon sentiment l'annee passee.

  A020003031 

 C'est le grand et inviolable desir que j'ay pour vous et pour moy, qui seul estant observé et prattiqué, nous consolera au depart de ce monde..

  A020003033 

 Mais comme que ce soit, gardes cette representation de larmes comme un memorial de celles de Nostre Seigneur, qui vous face ramentevoir de l'obligation que vous aves a la dilection qui fit pleurer cette infinie Bonté pour nous, et d'un motif parfait de ne jamais offencer une si merveilleuse et aymable Douceur..

  A020003198 

 Je voy bien qu'il y a plusieurs repliques a ce que je dis; mais je croy bien aussi qu'en ces occurrences il n'est pas question de contester et de disputer, ains de considerer les maximes de l'Evangile, qui sans doute nous conduisent au parfait despouillement, et au mespris de la sagesse temporelle qui ne s'arreste a la sagesse de la vertu que requiert l'excellence et l'eminence de l'amour celeste..

  A020003225 

 Mays par ce que, d'un costé vous m'escrivies d'une sorte [334] qu'il sembloit que vous n'avies pas faite une resolution finale, et que d'ailleurs il se sousmettoit a l'examen de la cause, je luy dis que, estant arrivé, nous considererions de rechef son affaire, et que si ce n'estoit point chose contraire a l'equité, nous aurions soin de ne point le precipiter dans la demission de sa charge..

  A020003352 

 Mais il est vray aussi que j'eusse souhaité qu'elles eussent eu encor un peu de patience, puisque nous [347] sommes a la veille de voir un ordre general pour la reformation de tous les Monasteres de cette province de deça les mons, notamment des filles, parmi lesquelles les moindres defautz sont plus blasmés que les grans parmi les hommes.

  A020003353 

 Et nous faut prendre garde de ne permettre pas a nostre propre interest ou amour d'employer nostre propre prudence contre la volonté de l'Espoux celeste.

  A020003353 

 Mon inclination estoit que l'on attendist de faire celuy ci jusques a ce que l'ordre en fust venu de Rome, affin qu'il y eust moins de resistance; la ferveur de la charité de quelques unes ou, si vous voules, l'ardeur de la propre volonté des autres, a fait choisir un autre moyen qui leur sembloit plus court; il ne faut pas pour cela le rejetter, ains il faut y contribuer tout ce que la sainte, sincere et veritable charité nous suggerera.

  A020003376 

 En somme, il n'est pas en nostre pouvoir de garder les consolations que Dieu nous a donnees, sinon celle de l'aymer sur toutes choses, qui est aussi la benediction souverainement desirable..

  A020003412 

 Il y a quelquefois des tentations humaines parmi les serviteurs et servantes de Dieu: si nous sommes animés de la dilection, nous les supporterons en paix..

  A020003413 

 Il est vray, elles sont plus que vous: mays les Seraphins mesprisent ilz les petitz Anges? et au Ciel, ou est l'image sur laquelle nous nous devons former, les grans Saintz mesprisent ilz les moindres? Mais apres tout cela, en somme, qui plus aymera sera le plus aymé, et qui aura le plus aymé sera le plus glorifié.

  A020003429 

 Qu'importe il que l'argent soit d'un costé ou d'autre, pourveu qu'il soit pour Dieu? Et neanmoins, ma chere Mere, il faudra dire ou a l'une ou a l'autre qu'elle [361] a tort, quand nous aurons ouy l'une et l'autre.

  A020003446 

 Non seulement nous envoyerons deux de nos Seurs pour un moys ou pour deux, sil est besoin, mays il ne coustera rien a ces nouvelles filles, car on donnera aux Seurs ce qui sera requis, sans qu'elles facent aucune despense sur leurs hostesses.

  A020003472 

 Ce pendant, puisque le R. P. General desire que vous aillies avant toutes choses a Paris, je le treuve bon aussi, tandis que quelqu'un de vos Peres pourra venir, pour ne point retarder l'effect de l'esperance que nous avons de voir vostre Congregation establie a Rumilly.

  A020003526 

 Rien autre donques, sinon que nous nous disposions tous a faire le trespas saintement et selon lhonneur que nous avons tous d'estre vivans par la mort de ce grand Dieu qui a voulu, par sa bonté, acheter nostre vie au pris de la sienne, et nous aquerir par sa mortalité la tressainte et seternelle immortalité..

  A020003541 

 Et puis dire en verité, que la consideration de vostre ennuy fut une des plus promptes apprehensions dont je fus touché, a l'abord de l'asseurance du mal qu'on nous avoit presagé par les bruitz incertains qui nous en arrivoyent..

  A020003541 

 Nous avons esté icy, au moins moy, Madame ma tres chere Fille, entre la crainte et l'esperance pour le sujet duquel j'ay sceu despuis peu que lé seul desplaysir vous estoit demeuré.

  A020003542 

 Nous avons deu sçavoir que nous ne sçavions l'heure en laquelle quelque semblable evenement nous arriveroit par le trespas des autres, ou aux autres par le nostre.

  A020003542 

 Que si nous n'y avions pas pensé, nous devons advoüer nostre tort et nous en repentir, car le nom que nous portons tous de mortelz nous rend inexcusables..

  A020003543 

 Beni soit Dieu, qui a fait la grace a celuy duquel nous [373] ressentons l'absence, de luy donner le loysir et la commodité de se bien disposer pour faire le voyage heureusement! Mettes vostre cœur, je vous prie, ma tres chere Fille, au pied de la Croix, et acceptés la mort et la vie de tout ce que vous aymes, pour l'amour de Celuy qui donna sa vie et receut la mort pour vous..

  A020003543 

 Ne nous faschons pas, ma Fille; nous serons bien tost tous reunis.

  A020003543 

 Nous allons incessamment et tirons païs du costé ou sont nos trespassés, et en deux ou troys momens nous y arriverons.

  A020003543 

 Pensons seulement a bien marcher, et a suivre tout le bien que nous aurons reconneu en eux.

  A020003559 

 Nous attendrons donq que vous envoyies au plus tost deux Peres, pour, sur le lieu, prendre les resolutions convenables a l'acheminement de ce saint œuvre.

  A020003586 

 Ce pendant nous prierons Dieu qu'il soit tous-jours vostre force et vostre courage en la souffrance, comme vostre modestie, douceur et humilité en ses consolations.

  A020003635 

 Apres quoy, nous vous dirons pourquoy et comme a present je n'ay nul moyen d'escrire davantage, quoy que [385] je me porte bien, graces a Dieu.

  A020003720 

 Comme vous sçaves, je ne suis nullement scrupuleux, et n'appelle pas amusement de vanité sinon la volontaire inclination que nous nourrissons aux choses qui veritablement nous divertissent des pensees et deliberations que nous devons avoir pour la tressainte eternité..

  A020003734 

 Ma tres chere Fille, plus je vay avant dans la voye de cette mortalité, plus je la treuve mesprisable, et tous-jours plus aymable la sainte eternité a laquelle nous aspirons et pour laquelle nous nous devons uniquement aymer.

  A020003744 

 Dieu qui voit les desirs de mon cœur, sçait qu'il y en a de tres grans pour vostre continuel avancement en son tressaint amour, ma tres chere Fille, sur tout maintenant que, selon la disposition de la sainte Providence eternelle, vous voyla mere et conductrice d'une trouppe d'espritz consacrés a la gloire de Celuy qui est l'unique bien auquel nous devons aspirer..

  A020003776 

 Cette chere damoyselle qui vous porte ce billet est digne d'estre singulierement cherie, parce qu'elle cherit tres affectionnement la divine Majesté de laquelle nous celebrons aujourd'huy la sainte nayssance; mais outre cela, ma tres chere Fille, elle vous ayme saintement, et a desiré que je vous escrivisse par son entremise..

  A020003815 

 Encore que madame de Dalet, notre fondatrice, soit l'une des âmes la plus vertueuse et la plus aimable que mon esprit ait jamais rencontrée, si je voyais tant soit peu de déraison dans sa retraite, et que quelque autre attrait que le pur mouvement divin l'attirât à nous, je me retirerais entièrement d'elle.

  A020003815 

 Et vous assure, Monseigneur, que Dieu, qui vient toujours au secours de votre grande fille qui n'est grande qu'en misère, conduit si bien les affaires, que madame de Montfan, sa mère, a blâmé tout le [401] monde et m'a jugée la plus blâmable, [et cependant,] nous sortons toujours l'une d'avec l'autre bonnes amies.

  A020003841 

 Estant amplement informé, et à nostre particulier contentement, du bon progrez et avancement que prend de jour à autre la reforme restablie dez quelques annees en ça au prieuré de Talloires en l'estroite observance de la Regie de S t Benoist, et desirant, pour le service et plus grande gloire de Dieu, non seulement de maintenir et favoriser ce louable commencement qui y paroist aujourd'huy, mais encor de procurer autant qu'il Nous est possible l'entiere introduction de la ditte reforme dedans tous les Monasteres du mesme Ordre qui ne sont encor unis à aucun autre corps de Congregation reformee, riere nos Estats et pays dela les monts: pour a quoy parvenir, comm'il est tres requis et necessaire de leur pourvoir d'un chef resident dans nos Estats, qui, par capacité, dignité et vie exemplaire, puisse meriter et exercer dignement cette charge, et travailler soigneusement a l'introduction de la ditte reforme, attandu mesme [403] que le dit prieuré de Talloire depend de Superieurs d'Ordre non reformés et estrangers: Aussy, apres avoir jette l'œil sur les Prelats et Evesques de nos provinces de Savoye, Nous avons, entre les autres, choisi la personne de tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, pour les preuves signalees et remarquables qu'il a en tout tems donnees, tant de sa suffisance et vigilance au salut des ames, que par la connoissance que Nous avons d'ailleurs de ses saintes œuvres, vie devote, tres louable et tres exemplaire; esperant que non seulement il sera tres agreable aux Religieux de cette sainte reforme, mais tres utile au bien et avancement d'icelle..

  A020003842 

 Pour ces causes, en tant qu'il Nous concerne, Nous avons deputé, choisi et eleu, ainsy que par les presentes, de nostre certaine science, pleine puissance et authorité souveraine, avec l'advis et participation de nostre Conseil, deputons, choisissons et elisons le dit Evesque de Geneve pour chef de tous les Religieux reformés Benedictins riere nos dits Estats, avec pouvoir de visiter tous les Monasteres qui s'y trouveront fondés et dependans de cet Ordre; d'y introduire la dite reforme, particulierement en ceux de Bellevaux, Contamine, Sindrieux (Chindrieu) et Saint Paul, en taschant de disposer tous les Religieux d'iceux a la recevoir chacun selon son pouvoir, eu esgard a l'aage et force d'un chacun, et prenant en particuliere protection tous ceux qui se rangeront et disposeront à cette salutaire et tres sainte resolution; luy permettant en outre d'y restablir ponctuellement l'observance, ensemble l'Office divin et autres fonctions spirituelles et publiques, de predication, confessions, administration des saints Sacremens et autres qui s'y trouveront annexees, lors toutefois que le nombre des Religieux se trouvera estre suffisant pour ce faire..

  A020003843 

 Et affin que ces bons Peres Religieux reformés ayent plus de moyen de s'entretenir et maintenir, Nous leur donnons dez à present, en tant qu'il Nous touche, tous les revenus, offices et prebendes monastiques, tant du dit Talloire que des autres monasteres susdits, pour en jouir et les unir à la dite reforme à perpetuité; si qu'ils puissent en prendre possession apres qu'elles seront vacantes, au cas que les possesseurs modernes n'acceptent la ditte reforme..

  A020003845 

 Si mandons à tous nos Magistrats, Ministres et Officiers qu'il [404] appartiendra, d'ainsy le faire observer et garder inviolablement sans aucune difficulté; car ainsy Nous plait..

  A020003859 

 Enfin, voici nos chères colombes dans leur nouvelle retraite, si parfumée des odeurs célestes que quantité de nos jeunes damoiselles prennent en vérité des ailes de colombe pour sortir du déluge du monde et se reposer en cette arche, en la sainte société de celles que vous nous avez envoyées pour adresser les autres dans le chemin du Ciel.

  A020003882 

 Elles nous remettraient la joie dedans le sein..

  A020003884 

 Vous pouvez penser si les Sœurs que vous nous envoyerez nous seront chères, à l'égal, certes, de la prunelle de nos yeux.

  A020003905 

 Oui, Monseigneur, j'admire tous les jours les travaux que vous prenez pour la gloire de Dieu et pour l'état de son Eglise: plaise à la divine Bonté de les accompagner toujours de cette grâce accidentelle, que, comme les lauriers de ces anciens de la Grèce réveillèrent Thémistocle, ainsi vos labeurs et vos trophées en la cause de la religion et dévotion réveillent quelques esprits généreux de ce siècle, et les tirant hors du profond sommeil, les animent à des pensées et à des actions dignes du temps où nous sommes et des nécessités où l'Eglise est réduite.

  A020003906 

 Vous avez ici cueilli cette fleur; au moins rendez-nous-en de la graine, et que cette grande ménagère la vienne jeter dans sa terre natale..

  A020003907 

 J'ai trop de consolation d'avoir eu l'honneur de m'employer tant soit peu aux poursuites de cette sainte œuvre, et de voir que, quoique j'y aie été serviteur inutile, la voici sur le point de son accomplissement, dès qu'il aura plu à Votre Seigneurie Révérendissime nous prêter la main de votre assistance et commandements, lesquels je recevrai toute ma vie en qualité de.

  A020004020 

 Pour dignes respects nous vous avons voulu dire par ces lignes que n'envoyez aucune personne a Louven, pour la ratification de la transaction passée avec les RDS Peres Bernabites du College d'Annissy, sans nostre advis et commandement expres; ains vous prolongerez le terme accordé auxdits Peres pour procurer ladite ratification, jusques au mois de may prochainement venant: car tel est le vouloir de S. A..

  A020004021 

 Et nous asseurans qu'ainsy effectuerez tout ce que dessus, [418] prions Nostre Seigneur qu'il vous veuille avoir en sa saincte garde..


21-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXI-Vol.11-Lettres.html
  A021000021 

 Que nous apprend la vraie science de Dieu.

  A021000022 

 — L'espérance et la prière nous assurent le secours de Dieu.

  A021000030 

 — Recevoir avec amour ce que Notre-Seigneur nous envoie par amour.

  A021000047 

 — Sous quelle condition nous donner à Dieu.

  A021000057 

 — Comment vivre devant Dieu, avec le prochain et avec nous-même. 43.

  A021000057 

 — Dresser ses batteries du côté où l'ennemi nous attaque.

  A021000124 

 MMLXVIII. Aimer indistinctement toutes les croix qui nous arrivent.

  A021000125 

 — L'acceptation de notre misère nous approche de lui. 94.

  A021000126 

 — Dieu nous aime: qu'importe le reste? — Jésus-Christ a tout souffert pour s'unir à son épouse; que doit faire celle-ci pour lui « tesmoigner ses amours reciproques » et le baiser?.

  A021000137 

 — Dans la tentation et la souffrance, regarder la Providence et aimer ses dispositions sur nous. 103.

  A021000140 

 — Ce qui nous donnerait le bonheur.

  A021000143 

 — Rester dans l'état où Dieu nous met.

  A021000155 

 — Comment nous traiter nous-même.

  A021000156 

 — Indifférence pour l'affection des créatures; quel amour doit nous suffire.

  A021000171 

 O ma tres chere Fille Marie Adrienne, qui nous fera la grace de participer a l'enfance sacree de nostre tres doux, tres humble et tres obeissant Sauveur? Oh! quel tresor de vertus!.

  A021000172 

 Ce sont mes souhaitz pour cette annee que nous allons commencer pour l'eternité..

  A021000179 

 Mon Dieu, ma tres chere Mere, que ma volonté s'est treuvee dilatee en ce sentiment! Playse a sa divine Bonté continuer sur moy cette abondance de courage, pour son honneur et gloire, et pour la perfection et excellence de cette tres incomparable unité de cœur qu'il luy a pleu nous donner.

  A021000179 

 O Dieu, quelle benediction de rendre toutes nos affections humblement et exactement sujettes a celles du plus pur amour divin! Ainsy l'avons nous dit, ainsy a il esté resolu, et nostre cœur a pour sa souveraine loy la plus grande gloire de l'amour de Dieu.

  A021000209 

 J'ignore, très aimé Frère, le temps et le lieu où le Seigneur permettra que nous puissions nous voir; mais, très doux Frère dans [4] le Christ, en attendant, et toujours, et pour l'éternité, aimons et chérissons Dieu uniquement.

  A021000246 

 La vraye science de Dieu nous apprend, sur toutes choses, que sa volonté doit ranger nostre cœur a son obeissance et a treuver bon, comme en effect il est tres bon, tout ce qu'elle ordonne sur les enfans de son bon playsir.

  A021000246 

 Vous seres, je m'asseure, de ceux la, et selon ce principe, vous acquiesceres doucement et humblement, quoy que non sans sentiment de douleur, a la misericorde dont il a usé envers vostre bonne mere, qu'il a retiree dans le sein de sa bienheureuse eternité, ainsy que les dispositions precedentes nous donnent tout sujet de croire avec autant de certitude que nous en pouvons justement prendre en tel sujet..

  A021000261 

 Et ne faut pas, Monsieur, que nous revoquions en doute si nous sommes en estat de nous confier en Dieu, quand nous sentons des difficultés a nous garder du peché, ni quand nous avons desfiance ou peur qu'es occasions et tentations nous ne puissions pas resister.

  A021000262 

 Et Dieu, qui ne fait rien en vain, ne nous donne pas ni la force ni le courage quand il n'est besoin de l'employer, mais es occasions jamais il ne manque; et partant il faut tous-jours esperer qu'en toutes occurrences il nous aydera, pourveu que nous le reclamions.

  A021000262 

 Et n'est pas besoin qu'on sente en soy aucun signe ni aucune marque qu'on aura ce courage la, ains il suffit qu'on espere que Dieu nous aydera.

  A021000262 

 Et nous devons tous-jours servir des paroles de David: Pourquoy es tu triste, mon ame, et pourquoy me troubles tu? Espere au Seigneur; et de l'orayson dont il usoit: Quand ma force defaillira, Seigneur, ne m'abandonnes point..

  A021000262 

 Je dis, qu'encor que nous ne sentions en nous ni force, ni mesme courage quelcomque pour resister a la tentation si elle se presentoit maintenant a nous, pourveu que nous desirions neanmoins de resister, et esperions que si elle venoit Dieu nous ayderoit et luy demanderions son secours, nous ne devons nullement nous contrister, d'autant qu'il n'est pas besoin de sentir tous-jours de la force et du courage, et suffit qu'on espere et desire d'en avoir en tems et lieu.

  A021000273 

 Essayons de mesme d'avoir une dilection exquise et noble, qui nous face rechercher l'unique aggreement de Nostre Seigneur; et il rendra nos actions belles et parfaites, pour petites et communes qu'elles puissent estre..

  A021000292 

 Pendant que nous sommes emmi les affaires, il se faut estudier a la tranquillité de cœur et a tenir nostre ame douce.

  A021000323 

 Cette vie est courte et elle ne nous est donnee que pour gaigner l'autre; et vous l'employeres bien si vous estes douce envers ces deux personnes avec lesquelles Dieu vous a mise..

  A021000367 

 Dieu vous face la grace, ma Fille, de bien absolument mespriser le monde qui vous est si inique: qu'il nous crucifie, pourveu que nous le crucifiions! Aussi les abnegations mentales des vanités et commodités mondaines se font asses aysement; les reelles sont bien plus difficiles.

  A021000368 

 Il est vray, la joliveté de l'esprit nous donne quelquefois bien de la vanité, et on leve plus souvent le nez de l'esprit que celuy du visage; on fait les doux yeux par les paroles aussi bien que par le regard.

  A021000369 

 Continues a me dire bien franchement et souvent des nouvelles de ce cœur la, que le mien cherit d'un grand amour, pour Celuy qui est mort d'amour affin que nous vescussions par amour en sa sainte et vitale mort..

  A021000394 

 Or, je ne sçai pas comme ces choses passent par dela, ou souvent on ne suit pas les regles que nous avons en nos affaires ecclesiastiques..

  A021000394 

 Sur la premiere partie de la lettre que vous aves escritte a madame N., et que vous aves desiré m'estre [26] communiquee, ma tres chere Fille, je vous diray que si monsieur N. ne vous faysoit point d'autres allegations que celle que vous marques et [s'] il avoit affaire devant nous, nous le condamnerions a vous espouser sous des grosses peynes; car il n'y a pas rayson que, pour des considerations qu'il a peu et deu faire avant sa promesse, il veuille maintenant rompre parole.

  A021000396 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, j'estime qu'en vraye verité le mespris du mespris et le tesmoignage de generosité que l'on rend par les desdains de la foiblesse et inconstance de ceux qui rompent la foy qu'ilz nous ont donnee, c'est le meilleur remede de tous.

  A021000406 

 Ah, qu'il fait bon ouÿr ces sacrees paroles qu'il dit a nos cœurs quand nous les mettons aupres du sien!.

  A021000414 

 Helas! ma tres chere Fille, les qualités de cette vie sont en effect peu considerables, nous sommes telz en verité que nous sommes devant les yeux de Dieu; l'humilité sera seule consideree lhors que l'on donnera les rangs aux enfans de Dieu.

  A021000423 

 L'homme n'est en ce monde que comme un arbre planté de la main du Createur, cultivé par sa sagesse, arrousé du sang de Jesus Christ, affin qu'il porte des fruitz propres au goust du Maistre, qui desire estre servi en ceci principalement, que, de plein gré, nous nous laissions gouverner a sa Providence qui mene les volontaires et traisne a force les refractaires..

  A021000432 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur, ma Fille, et vous soit unique et parfait Consolateur en cest inopiné accident de cette bonne et vertueuse seur, laquelle, sans aucun esbranslement precedent de sa santé, est tombee en un moment a la mort, mais, comme nous devons esperer, entre les mains de la misericorde de son Sauveur.

  A021000432 

 Helas! ma chere Fille, nous sommes miserables de sçavoir par tant d'experiences combien cette vie est mortelle, et de nous affliger neanmoins si fort quand, ou nous ou les nostres passons de la vie a la mort.

  A021000433 

 Voyes cette si soudaine mort, qui n'a pas donné le loysir a la deffunte [31] de dire les adieux d'honneur a ceux qu'elle cherissoit; et, en esperant qu'elle est passee en la grace de Nostre Seigneur, disons nos adieux de bonne heure, renonçant affectionnement au monde et a toute sa vanité, et colloquons nos cœurs en la bienheureuse eternité qui nous attend..

  A021000434 

 Hé, ma pauvre Fille, mon cœur compatit au vostre, et le conjure d'estre tout a Celuy qui nous resuscitera de mort a vie et qui nous a preparé ses eternelles benedictions.

  A021000441 

 Helas! ce sont des accidens naturelz que l'apoplexie et cheute de catarrhe; et Nostre Seigneur, voyant arriver nostre fin, nous prepare doucement par ses inspirations affin que nous ne soyons pas surpris, ainsy qu'il a fait cette bonne seur..

  A021000442 

 O Dieu, ma chere Fille, il se faut bien preparer a mieux faire pour la premiere occasion qui se presentera; car a mesure que nous voyons ce monde et les liens que nous y avons se rompre devant nos yeux, il faut recourir plus ardemment [32] a Nostre Seigneur et advoüer que nous avons tort de loger nos esperances et esperer nos contentemens ailleurs qu'en luy et en l'eternité qu'il nous a destinee..

  A021000443 

 Il faut que je die ce petit mot de confiance: il n'y a homme au monde qui ayt le cœur plus tendre et affectionné aux amitiés que moy, et qui ayt le ressentiment plus vif aux separations; neanmoins je tiens pour si peu de chose cette vanité de vie que nous menons, que jamais je ne me retourne a Dieu avec plus de sentiment d'amour que quand il m'a frappé, ou quand il a permis que je sois frappé.

  A021000443 

 Ma Fille, portons bien nos pensees au Ciel, et nous serons fort exemptz des accidens de la terre..

  A021000444 

 Demeurons en paix, en attendant qu'il dispose de nous..

  A021000445 

 Ma Fille, tenons peu de conte de ce monde, sinon en tant qu'il nous sert de planche pour passer a l'autre meilleur.

  A021000451 

 Au reste, cette mere tesmoigna tant la presence de la grace de Dieu en son trespas, que nous devons tenir qu'elle est presente, ou du moins asseuree d'estre bien tost presente a sa gloire eternelle.

  A021000458 

 Or sus, ma tres chere Fille, il faut donq que vostre cœur souffre l'absence des maintenant de monsieur vostre bon pere, puisque en fin la Providence divine l'a retiré a soy et mis hors de cette chetifve vie mortelle en laquelle nous vivons en mourant et mourons continuellement en vivant..

  A021000460 

 En cette eternité, nous jouirons de rechef de la societé des nostres, sans jamais en craindre la separation..

  A021000469 

 Voyla donq, ma chere Fille, comme rang a rang nous passons le fleuve Jourdain pour entrer en la Terre de promission ou Dieu nous appelle les uns apres les autres.

  A021000472 

 Mais dites moy, ma Fille, et nous, quand irons nous en cette patrie qui nous attend? Helas! nous voyci a la surveille de nostre despart, et nous pleurons ceux qui y sont allés! Bon presage pour cette ame, qu'elle ayt souffert beaucoup d'afflictions, car ayant esté couronnee [36] d'espines, il faut croire qu'elle aura la couronne de roses.

  A021000481 

 Cette vie est courte, ma tres chere Fille, mais elle est pourtant de grande valeur, puisque par icelle nous [37] pouvons acquerir l'eternelle: bienheureux sont ceux qui la sçavent employer a cela..

  A021000500 

 Beni soit le vent, d'ou qu'il vienne, puisqu'il nous fera surgir a bon port..

  A021000501 

 Voyla, ma tres chere Fille, les conditions avec lesquelles nous nous devons donner a Dieu: c'est que, soudain, il fasse sa volonté de nous, de nos affaires et de nos desseins, et qu'il rompe et desfasse la nostre ainsy qu'il luy plaira.

  A021000516 

 Qu'elles sont neanmoins pretieuses, puisque nous pouvons, en la moindre partie d'icelles, acquerir la tressainte eternité..

  A021000516 

 Que les annees sont courtes, ma chere Fille! les voyla qu'elles s'enfuyent toutes l'une apres l'autre et nous emportent avec elles a nostre fin.

  A021000522 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que j'ayme vostre cœur, puisqu'il ne veut plus rien aymer que son Jesus et pour [43] son Jesus! Helas! se pourroit il bien faire qu'une ame qui considere ce Jesus crucifié pour elle, peust aymer quelque chose hors d'iceluy, et qu'apres tant de veritables eslancemens de fidelité qui nous ont si souvent fait dire, escrire, chanter, aspirer et souspirer: VIVE JESUS! nous voulussions, comme des Juifz, crier: Qu'on le crucifie, qu'on le tue en nos coeurs? O Dieu, ma Fille, je dis ma vraye Fille, que nous serons fortz si nous continuons a nous entretenir liés l'un a l'autre par ce lien teint au sang vermeil du Sauveur! car nul n'attaquera vostre cœur qu'il ne treuve de la resistance et de vostre costé et du costé du mien, qui est tout dedié au vostre..

  A021000524 

 Vous aves rayson: puisqu'une fois pour toutes vous aves declairé les resolutions invariables de vostre esprit, et qu'il fait le fin a ne les vouloir pas advoüer, ne respondes plus pas un seul mot jusques a ce qu'il parle autrement; car il n'entend pas le langage de la Croix, ni nous aussi celuy de l'enfer..

  A021000526 

 Jamais nous n'aurons la parfaite douceur et charité si elle n'est exercee entre les repugnances, aversions et desgoustz.

  A021000526 

 Or sus, il se faut grandement humilier dequoy nous sommes encor si peu maistres de nous mesmes et aymons tant l'ayse et le repos..

  A021000527 

 L'Enfant qui nous va naistre n'est pas venu pour se reposer ni avoir ses commodités, ni spirituelles ni temporelles, ains pour combattre et pour se mortifier et mourir.

  A021000527 

 Or sus donq, de rechef, puisque nous n'avons point de courage, ayons au moins de l'humilité..

  A021000528 

 Tenes bien prest sur le bout de vos levres ce que vous aures a me dire, affin que, pour peu de loysir que nous ayons, vous le puissies respandre dans mon ame.

  A021000529 

 Ainsy soit il, ma tres chere Fille; que ce divin Amour de nos cœurs soit a jamais sur nostre poitrine, pour nous enflammer et consommer de sa grace.

  A021000537 

 O qu'elle sera genereuse si elle s'unit a Celuy qui, pour s'unir a nous, descendit du Ciel en terre, et, pour nous tirer a sa gloire, embrassa nostre abjection!.

  A021000556 

 Pour cela, ma tres chere Fille, vostre gloire soit a jamais en la Croix de Celuy sans la Croix duquel nous n'aurions jamais la gloire..

  A021000557 

 A Dieu soyons nous a jamais.

  A021000570 

 Il faut encor sçavoir que le Pere, le Filz et le Saint Esprit, un seul vray Dieu, sont par tout et totalement par tout le monde, comme vostre ame est par tout vostre cors; mais parce qu'au Ciel sa divine Majesté se manifeste plus clairement, nous imaginons plus facilement sa presence au Ciel..

  A021000572 

 Et le Filz est Dieu, et un mesme Dieu avec le Pere et le Saint Esprit; mays, outre cela, il est vray homme, ayant deux natures: l'une divine, qui est celle-la mesme du Pere et du Saint Esprit, l'autre humaine, qu'il a prise au ventre de la Vierge; comme nous avons deux natures, l'une spirituelle qui est nostre ame, l'autre corporelle qui est la chair.

  A021000573 

 Si vous n'entendes pas cette lettre, ne vous fasches pas: je l'ay seulement escritte pour vous donner un peu de jour, et non pas le jour du midy que nous aurons en Paradis..

  A021000579 

 Et ne faut point attendre d'autre sujet, ni pour vous ni pour moy, que celuy d'une sainte conversation spirituelle entre nos ames et de la contribution que nous nous devons les uns aux autres de nos consolations..

  A021000580 

 Cela ne vient pas de nostre faute le plus souvent, mays de la providence de Dieu, qui nous veut faire faire nostre chemin par terre et par desert, et non par eaux, et veut que nous nous accoustumions au travail et a la dureté..

  A021000580 

 Non, ma Fille, car le pauvre cœur n'en peut mais, puisque cela n'arrive pas faute de resolutions et vives affections d'aymer Dieu, mays faute de sensible passion, laquelle ne depend point de nostre cœur, mais d'autre sorte de dispositions que nous ne pouvons procurer; car tout ainsy, ma chere Fille, qu'en ce monde il n'est pas possible que nous puissions faire pleuvoir quand nous voulons, ni empescher qu'il ne pleuve quand nous ne voulons pas qu'il pleuve, aussi n'est il pas a nostre pouvoir de pleurer quand nous voulons, par devotion, ni de ne pleurer pas aussi quand l'impetuosité nous saysit.

  A021000583 

 VIVE JESUS! ma tres chere Fille; c'est le mot interieur sous lequel il nous faut vivre et mourir, et avec lequel je proteste d'estre tous-jours tout vostre..

  A021000589 

 Et puis, nostre grand rendes vous est en cette eternité, au prix de laquelle que peut sur nous tout ce qui se finit par le tems?.

  A021000591 

 Et courage, chere Fille, Dieu nous est bon; que tout nous soit mauvais, que nous en doit il chaloir? Vivés joyeuse aupres de luy; c'est en luy que mon ame est toute dediee a la vostre.

  A021000591 

 Les annees s'en vont et l'eternité s'approche de nous: que puissions nous tellement employer ces ans en l'amour divin, que nous ayons l'eternité en sa gloire! Amen..

  A021000598 

 Que si neanmoins Dieu nous tire, au commencement de l'orayson, a la simplicité de sa presence et que nous nous y treuvions engagés, ne la quittons pas pour retourner a nostre point; estant une regie generale que tous-jours il faut suivre ses attraitz et se laisser aller ou son Esprit nous mene..

  A021000615 

 Ah! qu'a jamais cette Egypte, avec ses aulx, ses oignons et ses chairs pourries nous soyent a desgoust, pour savourer tant mieux la delicieuse manne que nostre Sauveur nous donnera emmi le desert ou nous sommes entrés.

  A021000615 

 Vous me dites, ma tres chere Fille, que ces attendrissemens au grand et irrevocable adieu que nous avons dit au monde sont passés.

  A021000618 

 Ah! qui nous fera la grace que nos cœurs le soyent aussi un jour! Mais ce Simeon n'est il pas bien glorieux d'embrasser cet Enfant divin? Ouy, mais je ne luy peux sçavoir gré du mauvais tour qu'il nous vouloit faire, car estant hors de soy mesme, il le vouloit emporter avec soy en l'autre monde: Maintenant, dit il, laisses aller vostre serviteur en paix.

  A021000618 

 Helas! ma Fille, mais nous en avions encor besoin, nous autres.

  A021000656 

 Je receuz nagueres un billiet de vous par lequel vous m'advertissies de la reception de nostre coffre et du moyen que vous estimies propre pour le nous faire tenir; dequoy je vous remercie affectionnement..

  A021000659 

 Icy nous avons si peu de commodité quil nous a fallu partager la somme pour la faire tenir a Lion; de maniere que pour cest'heure nous faisons tenir cinq cens escus par une commodité, et dans trois jours, Dieu aydant, le reste par un' autre commodité.

  A021000659 

 Nous devons faire tenir a Paris deux mille escus pour une partie du payement de Thorens.

  A021000698 

 En attendant que ce désir se réalise, nous prierons instamment le Christ très bon et très grand, avec le clergé et le peuple à nous confiés, qu'il conserve longtemps saine et sauve Votre Majesté impériale et sacrée, et qu'il confonde l'orgueil de ses ennemis..

  A021000716 

 C'est l'amour-propre qui, sans raison, nous fait paraître intolérables nos incommodités.

  A021000716 

 Faisons ce que nous devons, et Dieu ne nous manquera pas.

  A021000716 

 Ou Jésus nous trompe, ou c'est vous qui vous trompez..

  A021000716 

 Si nous sommes en Egypte, il nous nourrira de la viande que les Egyptiens nous donneront, et si dans le désert, il nous donnera lui-même la manne.

  A021000719 

 Il est aisé de détourner les petits fleuves où nous voulons, mais les grands ne se laissent pas dompter..

  A021000792 

 Aymons-nous de plus en plus, mon cher Frere, et Dieu soit nostre plus grand amour..

  A021000849 

 Nous voyci en fin au bout de cett' annee 1606, et je treuve qu'elle s'est escoulee comme l'eau sur la greve, sans avoir laissé en mon ame aucun' autre chose que de l'ordure et quelques petites coquilles vuides, de certaines vaines apparences d'avancement et de certains desirs sans effect.

  A021000854 

 Je le supplie d'estre nostre Tout, et que nous soyons tout a luy.

  A021000855 

 Je suis sans fin et sans reserve tres uniquement vostre en Celuy a qui je veux que nous soyons sans fin et sans mesure.

  A021000905 

 Nous avons parlé quelquefois de sagesse, ce Baron et moy; mais, ma chere Fille, le mal que vous aves fort bien reconneu en luy ne se guerit que par l'experience, car ceste fause estime de nous mesme est tellement [89] favorisee par l'amour propre, que la rayson ne peut rien contr'elle.

  A021000907 

 Nous ferons prou, chere Fille, Dieu aydant.

  A021000908 

 Et puis que je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner cette bonne nouvelle: c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé pour elle, n'en doutes point; et vous remercie du zele que vous aves pour son bien, qui est indivis avec ce luy de la vostre, si vostre et mien se peut dire entre nous pour ce regard.

  A021000911 

 Je vous escrivis la derniere fois asses longuement, et vous disois l'estat des affaires de nostre nouveau Monastere, qui estoit que l'esperance que nous avions de treuver des justes moyens pour l'eriger, nous estoit demeuree partagee par la moytié, et que neanmoins nous perseverions, sur la resolution que celles qui contribuent font de se retirer la, et au moins, si elles ne peuvent faire selon leur project premier, s'addonner entr'elles au service de Dieu et des pauvres malades; mais cela vient de leur esprit, et le tout, disent elles, attendant que Dieu dispose autrement: si que vous ne seres pas seule a ce conte lâ.

  A021000917 

 Et quand, a cette simple demeure, se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu et qu'il est nostre Tout, nous en devons bien rendre graces a sa Bonté..

  A021000917 

 Mais apres qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelque autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement demeurant ou il nous a mis, comm' une statue dans sa niche.

  A021000920 

 Mon Dieu, ma Fille, que je suis ayse de parler un peu de ces choses avec vous! Que nous sommes heureux quand nous voulons aymer Nostre Seigneur! Aymons le bien donq, ma Fille; ne nous mettons point a considerer trop par le menu ce que nous faysons pour son amour, pourveu que nous sachions'que nous ne voulons jamais rien faire que pour son amour.

  A021000920 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veùe, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sulle lict comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenu (sic) en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A021000924 

 Tenes ferme, chere Fille, ne doutes point; Dieu nous tient de sa main et ne nous abandonnera jamais.

  A021000954 

 Vous pouvez facilement le faire; aussi espérons-nous que votre bonté le fera certainement..

  A021000955 

 En vous présentant nos très humbles hommages, nous prions Dieu notre Seigneur de vous accorder tout vrai contentement..

  A021000972 

 Et pour me donner plus de pouvoir de recommander vostre affaire, non seulement je remonstre qu'on vous a fait tort, et a vostre Monastere, mais je me dis vostre parent, comme je puis [102] faire a bonn' occasion telle qu'est celle ci, puisque je le suis, quoy que d'asses loin, et que si le tems et les successions nous esloignent quant au sang, la charité et dilection nous approchent selon l'esprit..

  A021000991 

 Bonsoir, ma tres chere Fille; Nostre Seigneur nous veuille de plus en plus rendre tous siens par effect, comme par affection nous le sommes.

  A021001011 

 Je loue Dieu de l'un et de l'autre, puisque sans doute c'est sa mesme main paternelle qui nous abbat pour nous faire rentrer en nous mesme, et nous releve pour nous faire [entrer en luy] regarder a luy.

  A021001031 

 Il nous faut donq tous bien employer pour maintenir le parent innocent, non seulement parce que nous le devons a son merite, mais pour tenir en quelque crainte les meschans par la resistance qu'ilz verront leur estre faitte..

  A021001071 

 Et ce n'est pas bien parler entre nous autres Chrestiens, car il faudroit dire: Vostre filz, ou vostre pere s'est retiré en son païs et au vostre; et parce qu'il le failloit, il est passé par la mort, en laquelle il n'a point arresté.

  A021001071 

 Je ne sçai pas, certes, comme nous pouvons en bon jugement estimer nostre patrie ce monde, auquel nous ne sommes que pour si peu, en comparayson du Ciel, auquel nous devons estre eternellement.

  A021001071 

 Le mot de mort est espouvantable, ainsy qu'on nous le propose, car on nous vient dire: Vostre cher pere est mort; et: Vostre filz est mort.

  A021001071 

 Nous nous en allons, et sommes plus asseurés de la presence de nos chers amis qui sont la haut, que de ceux qui sont icy bas: car ceux la nous attendent, et nous allons vers eux; ceux cy nous laissent aller et retarderont le plus qu'ilz pourront apres nous, et s'ilz vont comme nous, c'est contre leur gré.

  A021001072 

 Il vous le donnera, et vous inspirera la pensee et le ferme propos de vous bien preparer pour faire a vostre tour, a l'heure qu'il a marquee, cet espouvantable passage, en sorte que vous arrivies heureusement au lieu ou nous devons esperer estre des-ja logé nostre pauvre, ains bienheureux defunct..

  A021001176 

 Je voy bien que c'est: tout le monde refuse les [121] pecheurs, sinon Nostre Seigneur; mais je veux que nous la recevions, a son imitation, dans l'un de nos monasteres..

  A021001220 

 Mays, quand j'eusse eu une grande colere contre vous, ell' eut esté toute appaysee par le doux et gracieux presage que vostre ame bienaymee fait, que nous aurons encor le bien de nous revoir avant mon depart pour Romme; car je le desire certes grandement, et de plus je le croy, y voyant maintenant des tres grandes apparences, puisque ce voyage commence d'estre douteux..

  A021001236 

 Gardes vous bien des attendrissemens et des larmes qui proviennent de l'amour et compassion que nous avons sur nous mesme..

  A021001262 

 Ah! quand serons nous entierement mirrhe par mortification, encens par orayson et or par charité? Quand traitterons nous des affaires de ce siecle avec les yeux fichés au Ciel? Quand affectionnerons nous un chacun au rang qui luy appartient, selon le desir de Nostre Seigneur? Quand ne chercherons-nous plus rien pour la consolation de nos cœurs? Quand ne chercherons nous plus que Celuy qui nous va par tout cherchant pour avoir nos coeurs et les remplir de benedictions? O qu'il est desirable que nous aymions Dieu solidement et constamment! ... [130].

  A021001277 

 De mesme, je vous veux regarder comme pere, a [131] cause des advantages de nature et de grace que Dieu vous a donnez au dessus de moy; et comme frere, puisque Dieu nous a mis en mesme rang de pastorat en l'Eglise de Dieu.

  A021001346 

 et mon intention encores; quil me faschoit, apres avoir demeuré vingt ans ensemble, de nous separer sans sujet.

  A021001418 

 Sur toutes les vertus, je vous recommande les deux cheres vertus que Nostre Seigneur desire tant que nous apprenions de luy, c'est a sçavoir: l'humilité et la douceur de cœur.

  A021001422 

 Mais cette mesme volonté de Dieu qui nous envoye les maladies spirituelles ou corporelles veut que nous nous servions des remedes qu'elle donne, et que nous tenions nostre volonté preste pour recevoir ou la [143] guerison ou la continuation du mal, comme bon luy semblera.

  A021001422 

 Tout ce qui nous arrive nous vient indubitablement de la volonté de Dieu, hormis le peché.

  A021001426 

 Cheminons tout a la bonne foy avec luy, car il est bon et nous ayme indubitablement.

  A021001426 

 Courage, servons bien Dieu, ma chere Fille; tenons nos cœurs bien fichés dans son costé sacré, ne nous troublons de rien.

  A021001446 

 Resouvenés vous souvent que Nostre Seigneur vous a sauvee en souffrant et endurant, et que, de mesme, nous devons faire nostre salut en souffrant les injures et les contradictions et desplaysirs; et partant, il les faut endurer avec le plus de douceur et de resignation qu'il sera possible, selon la mesure qu'il plaist a Dieu les nous envoyer..

  A021001454 

 Je n'appreuve nullement que l'on se serve des prestres comme des valetz de mayson, pour le seul trafiq [146] des choses temporelles; car encores que quelquefois la pauvreté le leur permette et face desirer, veu qu'ilz sont rustiques et gens de peu, si est ce qu'il ne faut pas que nous perdions le respect deu a leur qualité et caractere.

  A021001468 

 La volonté du superieur, en quelque façon que nous la connoissions, nous doit servir de precepte.

  A021001478 

 Je suis tous-jours plein de desirs que Jesus Christ nous remplisse en toutes les parties de nostre ame, et qu'il nous pousse en l'interieur et en l'exterieur; qu'il soit le mouvement et le repos de nostre cœur, affin qu'en tout et par tout il soit glorifié en nous.

  A021001482 

 C'est grand cas! je suis tous-jours apres ces choix que je voudrois que nous n'eussions point, pas mesme parmi les hommes; combien moins avec Dieu..

  A021001490 

 Je le supplie qu'il soit nostre Tout et que nous soyons tout a luy.

  A021001497 

 On n'a jamais sceu d'asseurance de quel bois la Croix de Nostre Seigneur fut faite; c'est, je pense, affin que nous aymassions esgalement les croix qu'il nous envoyeroit, de quel bois qu'elles fussent composees, et que nous ne dissions pas: cette croix ou celle-ci n'est pas aymable parce qu'elle n'est pas de tel ou de tel bois..

  A021001498 

 Les meilleures croix sont les plus pesantes, et les plus pesantes sont celles qui nous sont plus a contrecœur selon la portion inferieure du cœur.

  A021001499 

 Les croix que nous faysons ou que nous inventons sont tous-jours un peu mignardes, parce qu'il y a du nostre, et pour cela elles sont moins crucifiantes.

  A021001507 

 Nous sommes veritablement serviteurs inutiles; il n'est meilleur exercice que de se mespriser soy mesme.

  A021001509 

 D'autant plus que l'on perd de consolation pour Nostre Seigneur, d'autant plus on se doit res-jouir de la perdre, puisqu'il sçaura bien nous la rendre.

  A021001513 

 Dieu nous souffre dans nos inutilités, miseres et malices, et nous devons vouloir estre pauvres, infirmes, miserables et imparfaitz pour Dieu.

  A021001513 

 Nous ne sommes point esloignés de Dieu par cette indisposition, ains nous nous en approchons, d'autant que l'amour nous sanctifie dans ces estatz qui semblent si bas..

  A021001520 

 Courage, ma Fille! ce vent de tempeste nous conduira a bon port..

  A021001520 

 Resignations, renoncement des consolations exterieures, des interieures, des corporelles, cordiales: que nous doit-il chaloir de tout cela, pourveu que Dieu [nous] ayme? et il nous ayme, pendant que de la pointe de nostre cœur nous nous tenons a luy.

  A021001521 

 Mon Dieu, que souffrons-nous a l'esgal? Oh! que la rayson veut bien que l'espouse souffre quelque chose pour tesmoigner ses amours reciproques et adherer a son Espoux.

  A021001536 

 Il [l'amour] ne consiste pas aux plus grans goustz et sentimens, mais en la plus grande et ferme resolution et [153] desir de contenter Dieu en tout, et tascher, autant que nous pouvons, de ne l'offenser point, et de prier que la gloire de son Filz aille tous-jours augmentant.

  A021001536 

 Nous ne sçavons pas que c'est d'aymer Dieu.

  A021001547 

 Nous n'avons rien en nostre pouvoir que le simple acte de foy: c'est pourquoy il ne nous faut point fascher quand nous n'avons ou ne pouvons ceci ou cela; il faut tout attendre de la volonté de Dieu.

  A021001548 

 La mesure de la Providence divine sur nous est la confiance que nous y avons.

  A021001548 

 O Dieu! reposons nous entierement sur cette Providence sacree, et demeurons entre ses bras comme un petit enfant sur le sein de sa mere..

  A021001550 

 S'il arrive des pensees d'envie, celuy contre lequel elles viendront il le faut embrasser avec le cœur et, comme si l'on le tenoit entre ses bras, le porter et colloquer dans le sein de Nostre Seigneur et nous loger au fin bas lieu..

  A021001570 

 Et d'autant que nous sommes tous-jours parmi les occasions d'exercer les vertus, si nous manquons a en faire la prattique, nous reculons; si nous la faysons, nous avançons..

  A021001601 

 Faysons en sorte que par nos petites obeissances et souffrances nous soyons en quelque chose conformes a Nostre Seigneur..

  A021001605 

 Que j'ay de consolation en cette incomparable unité que la main de Dieu a faitte, et que nul autre ne pouvoit faire! Playse a cette supresme Puissance nous en donner une eternelle jouissance..

  A021001611 

 Nous n'avons rien que nous voulions reserver ni excepter en nos affections qui ne soit tout a Dieu.

  A021001611 

 Que nous doit il chaloir si nous sentons ou ne sentons pas l'amour? puisque nous ne sommes pas plus asseurés de l'avoir en le sentant qu'en ne le sentant pas, et que la plus grande asseurance consiste en cet entier, et pur, [160] et irrevocable abandonnement de nous mesme entre les bras de sa divine Majesté, sans reserve de consolation ou desolation, affin que, d'un cœur tout escorché, mort et maté, il reçoive l'odeur aggreable d'un saint holocauste, et affin que nos Seurs travaillees treuvent chez nous un cœur compatissant et un support suave et amoureux..

  A021001613 

 Ouy, ma chere Fille, il faut conserver l'asseurance que Dieu nous conservera et conduira, bien que les sentimens soyent passés; mais une asseurance fort humble et sousmise.

  A021001614 

 O Dieu, qui estes la seule affection de toutes nos affections, tenes, voyla nostre unique cœur que nous vous donnons.

  A021001622 

 La Providence de Dieu doit estre nostre unique recours en toute occasion; puisque nous sommes siens, il nous rendra toutes choses bonnes et utiles.

  A021001624 

 Colloquons nostre bonheur en Jesus Christ crucifié, et passons en paix et patience le reste de ces espineux chemins par lesquelz nous allons au port..

  A021001629 

 Je ne sçai si par ces consolations et ardeurs Nostre Seigneur veut disposer nostre cœur aux travaux du service du prochain et au service de l'accroissement de sa gloire, ou bien a la souffrance de quelque grande croix et tribulation que, comme j'espere avec sa grace, nous embrasserons courageusement, humblement et paysiblement, [et] tout ce que sa divine Providence nous presentera..

  A021001635 

 [162] Ah! que nous sommes heureux d'avoir juré une eternelle fidelité a nostre cher Maistre! Il ne faut sinon avoir patience en vivant vertueusement, car il nous arrivera asses d'occasions d'endurer..

  A021001642 

 Elle n'est croix que parce que nous ne la voulons pas; et si elle est de Dieu, pourquoy donq ne la voulons nous pas?.

  A021001642 

 La croix est de Dieu, mais elle est croix parce que nous ne nous joignons pas a elle; car, quand on est fortement resolu de vouloir la croix que Dieu nous donne, ce n'est plus croix.

  A021001648 

 Quand nous sommes travaillés de tentations ou de choses penibles, quelles qu'elles puissent estre, il faut premierement regarder la Providence divine par l'ordre de laquelle nous sommes en ces combatz; et, soit qu'ilz nous soyent envoyés pour nostre chastiment, soit qu'ilz nous soyent envoyés pour nostre exercice (ce qu'il ne faut jamais s'amuser a discerner), il faut aymer cette divine Providence, qui est tous-jours tres juste et tres sainte, nous complaysant en son bon playsir et nous conformant a tout ce que sa sagesse fait ou permet, pour penible qu'il soit..

  A021001656 

 Il ne se faut point soucier de se sentir foible, sçachant que Dieu est fort et bon pour nous.

  A021001656 

 Que nous perdions courage? Au.

  A021001668 

 Ah! ma chere Fille, Dieu nous le donne, ce saint amour auquel nous aspirons! Mais, aspirons y donq tout de bon.

  A021001668 

 Certes, toutes choses flestrissent, ce me semble, devant nos yeux, et n'y a rien en terre qui nous puisse justement attirer que cet amour, unique et eternelle occupation de nostre cœur..

  A021001672 

 Que de tresors dans cet abisme d'affliction spirituelle! Nous pensons que tout soit perdu, et c'est ou nous treuvons la delicate, toute simple et pure union de nostre esprit avec ce divin bon playsir, sans meslange d'aucune lumiere, science, intelligence ni satisfaction.

  A021001680 

 Oh! que nous serions heureux si nous ne prenions point garde a ce que nous faysons ou souffrons, mais seulement que nous sommes accomplissant la volonté de Dieu, et que ce fust la tout nostre contentement!.

  A021001689 

 Quand Nostre Seigneur nous a donné ses clartés et la connoissance de sa divine volonté une fois, il faut conserver cette connoissance et la memoyre en doit estre fidellement gardee, affin de demeurer en sa volonté et la suivre estant en secheresse comme durant ses visitations; car Nostre Seigneur se contente bien souvent de nous monstrer une fois, ou plusieurs, ce qu'il veut que nous fassions, et l'ayant veu, il faut demeurer ferme la, comme ont fait tous les Saintz, auxquelz il n'a pas non plus continué tous-jours ses clartés..

  A021001693 

 Voyci que sa sainte volonté veut que nous soyons humble, douce, condescendante et simple comme une colombe, sans toutesfois exceder, ni faire des indiscrettes excuses; et supportes le prochain avec grande douceur de cœur..

  A021001707 

 C'est ce que nous avons promis.

  A021001707 

 Il se faut contenter de sçavoir que l'on fait bien, par celuy qui gouverne, et n'en rechercher ni les sentimens ni les connoissances particulieres, mais marcher comme aveugle dans cette Providence et confiance en Dieu, mesme parmi les desolations, craintes, tenebres et toute autre sorte de croix, s'il plaist a Nostre Seigneur que nous le servions ainsy; demeurant parfaitement abandonnee a sa conduite, sans aucune exception ni reserve quelconque, toute, toute, et le laisser faire; jettant sur sa Bonté tout le soin du cors et de l'ame, demeurant ainsy toute resignee, remise et reposee en Dieu sous ma conduite, sans soin que d'obeir.

  A021001715 

 En fin, il se faut tenir en l'estat ou Dieu nous met: en la souffrance, souffrir; en la peyne, patienter; et voyla la vertu en laquelle il faut demeurer tranquille, sans reflexions d'esprit pour regarder ce que souffre l'ame, ce qui luy donne peyne, ce qu'elle fait, ce qu'elle a fait, ou qu'elle fera.

  A021001715 

 Et qu'elle demeure en cette simple veuë de Dieu et de son neant, patiente et souffrante; car Dieu nous monstre qu'un pauvre petit esprit se doit de tout et en tout simplement retourner a luy.

  A021001733 

 Nos cœurs doivent avoir un entier repos en la volonté de Dieu, ou qu'elle nous porte..

  A021001743 

 La robe de laquelle on s'est despouillé ne nous doit pas mettre en sollicitude.

  A021001751 

 L'autre, qu'il faut tous-jours se desnuer et despouiller, et demeurer entre les mains de Dieu comme instrument inutile, le laissant operer en nous sans resistance, demeurant ainsy en cet abandonnement, et se contenter.

  A021001752 

 Il faut tous-jours estre contente de ce que Nostre Seigneur voudra faire de nous, car cela est l'humilité, et non pas vouloir choysir.

  A021001752 

 Puisque nous ne sommes plus a nous, mais a luy, laissons-nous conduire par ou il luy plaira..

  A021001762 

 Croyés que si nous perdons quelque chose pour cela, Nostre Seigneur nous recompensera bien d'ailleurs..

  A021001771 

 Ne vous disois-je pas, ma chere Fille, que ce seroit une belle chose d'estre pauvre pour l'amour de Nostre Seigneur, pourveu qu'on n'en receust aucune incommodité et qu'on eust a souhait tout ce qui seroit requis pour toutes nos affaires, et encor pour nous faire estimer et estre plus honnorés du monde? Certes, ma chere Fille, ce seroit une brave pauvreté, mais le mal seroit qu'on ne vous la laisseroit pas si elle estoit ainsy.

  A021001772 

 Ma chere Fille, Dieu nous face bien aymer la sainte abjection et savourer les delices de la sacree pauvreté.

  A021001790 

 Il faut recevoir de toutes mains les advis que Dieu nous donne; faut seulement les faire examiner par celuy qui gouverne, et prattiquer fidellement ceux qui simplifient l'esprit.

  A021001791 

 La plus grande asseurance que nous pouvons avoir en cette vie consiste en ce pur et irrevocable abandonnement de tout son estre entre les mains de Dieu et en l'absolue resolution de ne jamais vouloir, pour chose que ce soit, consentir a faire volontairement aucun peché grand ni petit; car nous ne sommes pas plus asseurés quand nous sentons l'amour de Dieu que quand nous ne le sentons pas.

  A021001797 

 Il faut rejetter au loin toutes creatures en la presence de Dieu, ne voulant absolument que luy, car il ne faut point mesler les creatures avec le Createur; la creature nous aymera autant que Dieu voudra, et nous ferons le mesme.

  A021001802 

 Quand l'on se sent saysi de douleur pour la charge de quelque personne qui moleste grandement, il faut soudain offrir a Dieu cette croix et l'accepter de tout son cœur, se sousmettant a la porter toute sa vie, si ainsy luy plaist; puis, demeurer doucement contente dans sa souffrance et regarder cette personne avec honneur et respect, comme estant donnee de Dieu pour nous exercer en toutes vertus, considerant la grace de Dieu envers nous, qui nous fait tirer prouffit des fautes des autres.

  A021001802 

 Que s'il estoit a nostre pouvoir de nous faire quittes de cette croix, il ne le faudroit pas faire..

  A021001811 

 Que voulons nous, sinon ce que Dieu veut? Laissons luy conduire nostre ame, qui est sa barque, il la fera surgir a bon port.

  A021001824 

 Il faut laisser plein pouvoir a Dieu de nous mener la part ou il voudra, et faut dire avec Isaïe: Envoyes-moy ou il vous plaira, Seigneur, car estant envoyee de vostre part, je suis bien asseuree qu'en quelle part que je sois vous m'ayderes a executer vos commandemens.

  A021001825 

 Je loue Dieu de ce qu'il nous envoye des tribulations qu'il sçait nous estre convenables, specialement quand je voy en ce lieu une telle necessité et famine, qu'on parle de pain sans le voir ni sçavoir que c'est.

  A021001850 

 Je la supplie, cette sacree Dame, de mettre sa main dans le pretieux costé de son Filz pour y prendre ses plus cheres graces, affin de les nous donner avec abondance..

  A021001857 

 Un jour que Dieu sçait, nous irons vers eux; et ce pendant, apprenons soigneusement le cantique du saint amour, affin que plus parfaitement nous le chantions en cette sacree eternité..

  A021001861 

 Oh! que bienheureux sont ceux qui ne mettent point leur courage en une vie si trompeuse et incertaine comme est celle-ci, et n'en font conte que comme d'une planche [184] pour passer a la vie celeste! C'est en cela qu'il nous faut loger nos esperances et pretentions..

  A021001865 

 Il m'est advis que nous ne devons plus vivre qu'a Dieu; mon cœur, mon courage fait une nouvelle saillie pour cela, et luy semble qu'il sera vray..

  A021001865 

 Mourons a nous mesmes et a tout ce qui depend de nous mesmes.

  A021001866 

 Or sus, Nostre Seigneur est nostre Seigneur et tout nostre bien: qu'avons nous a faire d'autre chose?.

  A021001871 

 Il faut bien tenir fermes en nous ces cheres vertus: la douceur envers le prochain et la tres aymable humilité envers Dieu..

  A021001876 

 Nostre Seigneur fait si grand cas de l'humilité qu'il ne fait point de difficulté de permettre que nous tombions dans le peché, affin d'en tirer la sainte humilité..

  A021001880 

 Il faut faire ses actions par l'obligation que nous y avons, ou par un simple acquiescement au bon playsir de Dieu, et faire ceci autant dans l'orage que dans le calme..

  A021001888 

 Et il nous faut ainsy traitter nous mesme, de sorte qu'ayant reparé l'offense de Dieu, de laquelle il nous faut estre bien marris, il faut aymer et embrasser de bon cœur le mespris et l'abjection qui nous en revient..

  A021001893 

 C'est le grand mot de nostre repos, de souvent prevoir l'empirement de nos affaires et travaux et nous y disposer, et quand les accidens arrivent, user de la domination que nostre volonté superieure a sur l'inferieure; car d'empescher que cette partie inferieure ne gronde et chagrine, il n'est pas possible; mais il la faut laisser faire, et mettre la superieure en son estre, acceptant de bon cœur ce que Dieu veut ou permet nous arriver, a la façon que Nostre Seigneur fit dans son agonie: Mon ame est triste jusqu'a la mort.

  A021001893 

 Mays, o Seigneur, devons-nous dire, n'ayes point d'esgard aux inclinations et rebellions de cette partie inferieure, et ne laysses pas, de grace, d'exercer vostre volonté sur moy qui suis trop heureuse dequoy vous me visites et me despouilles de moy mesme pour me revestir de vous mesme.

  A021001898 

 Ce grand Saint, apres tant de ravissemens, ne laissoit souventesfois d'experimenter la misere de nostre nature, quand il s'escrioit: O moy miserable, qui me delivrera du cors de cette mort? En fin, il ne se faut point estonner ni rendre lasche pour nos infirmités et instabilités; mais, en s'humiliant doucement et tranquillement, il faut remonter son cœur en Dieu et poursuivre sa sainte entreprise, se confiant et appuyant en Nostre Seigneur, car il veut fournir tout ce qui est necessaire pour l'execution, ne nous demandant rien que nostre consentement et fidelité..

  A021001898 

 Il faut assujettir la nature a la grace, et ne s'estonner nullement pour les difficultés que l'on rencontre; car tous-jours il faut faire estat de commencer a s'aneantir, perseverant en cet exercice jusqu'a l'extremité de nostre vie, a laquelle nous treuverons nostre besoigne faite, si nous perseverons, mays non pas plus tost; car il faut coudre nostre perfection piece a piece, parce qu'il ne s'en treuve point de toute faite, sinon que, par une grace miraculeuse, Nostre Seigneur peut donner une habitude en un instant, comme il fit a saint Paul.

  A021001899 

 Oh! si nous pouvions une bonne fois nous determiner et dire absolument: Seigneur, que voules vous que je face? que nous serions heureux! Au moins, il le faut dire souvent..

  A021001900 

 Nous devons aymer et affectionner le prochain, et chacun en son rang, selon le desir de Nostre Seigneur, faysant tout ce qui nous est possible pour les contenter et leur prouffiter, car c'est le desir de Dieu.

  A021001900 

 Que s'il plaist a Dieu que nous ayons l'amour de leurs cœurs, c'est une grande consolation et benediction de Dieu; que s'il ne plaist pas a sa Bonté, nous nous devons contenter de l'amour du cœur de Nostre Seigneur, et c'est bien asses..

  A021001945 

 Le remède à cela serait qu'il acceptât de prêcher les Avents ou le Carême en cette ville (je l'en ferais bien convier, et même par Sa Majesté s'il en était besoin), ou que les affaires qu'il a autrefois eues lui permissent de faire un voyage ici, où, en quinze jours de présence, nous ferions plus d'affaires qu'en un an d'absence..

  A021001966 

 O ma Mere, soit que la Providence de Dieu me face changer de sejour, soit qu'elle me laisse icy (car cela m'est tout un) n'auray-je pas mieux, de n'avoir pas tant de charge, à fin que je puisse un peu respirer en la Croix de nostre Seigneur, et escrire quelque chose à sa gloire? Cependant nous escouterons, ce que Dieu ordonnera, à la plus grande gloire duquel je veux tout reduire, et sans laquelle je ne veux rien faire, moyennant sa grace: car vous sçavez, ma [194] tres-chere Mere, quelle fidelité nostre cœur luy a voué.


22-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXII-Vol.1-Opuscules.html
  A022000225 

 C'est pour cela que nous ne craindrons pas, tandis que la terre sera bouleversée et que des montagnes seront transportées au cœur des mers..

  A022000225 

 Dieu est notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont assailli très violemment.

  A022000234 

 Donnez-nous, Seigneur, du secours pour nous retirer de la tribulation, parce que vain est le salut de l'homme.

  A022000234 

 En Dieu nous ferons preuve de valeur, et lui-même réduira au néant ceux qui nous tourmentent..

  A022000264 

 A quel propos contrevenir a ses equitables loix pour eviter les dommages du cors, des biens et de l'honneur? Que nous peuvent fayre les creatures? Or sus, consolons nous et fortifions nous tout ensemble, sur ce beau verset du Psalmiste: Dominus regnavit, irascantur populi; qui sedet super Cherubim, moveatur terra; Que les meschans facent du pis qu'ilz pourront contre moy, le Seigneur est puyssant pour les tous royalement subjuguer; que le monde gronde tant qu'il voudra contre moy seulement, il ne m'en chaut, puysque Celuy qui domine sur tous les Espritz angeliques est mon protecteur..

  A022000264 

 Pour [24] ceste fin je me serviray des parolles du Prophete royal David: Nonne Deo subjecta eris, anima mea? ab ipso enim salutare meum; eh bien, mon ame, n'obeyres vous pas de bon cœur aux saintes volontés de Dieu, veu que de luy depend vostre salut? Ah, que c'est une grande lascheté de se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent! Certainement, ce Seigneur d'infinie majesté estant reconneu de nous digne de tout honneur et service, ne peut estre mesprisé qu'a faute de courage.

  A022000274 

 Item, connoissant les péchés et imperfections que la conversation nous a apporté autresfoys, nous pourrons dire: Sœpe expugnaverunt me a juventute mea, dicat nunc anima mea: Domine, esto mihi in Deum protectorem et in domum refugii, ut salvum me facias; Domine, si vis, potes me mundare..

  A022000274 

 La premiere est l'invocation de Dieu, laquelle se fera connoissant les dangers esquelz journellement nous sommes, qui nous fera dire: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra vigilat qui [22] custodit eam.

  A022000275 

 La seconde: apres avoir ainsy invoqué Dieu et l'ayant prié de nous fayre dignes de passer la journëe sans l'offencer (a quoy [23] pourra encores servir l'orayson «Actiones nostras,» et fort commodement les versetz du Psalme 142: Notam fac mihi viam in qua ambulem; Eripe me; Spiritus tuus bonus ), alhors l'on fera l'imagination, ou prevoyante conjecture, se representant et discourant sur ce qu'en toute la journee nous pourrons penser nous devoir advenir: c'est a dire, les lieux ou nous nous devons trouver, les compaignies, les affayres que nous devons traitter, allant recherchant ce qui nous pourra survenir..

  A022000276 

 La troysiesme sera l'advis et disposition providente, c'est a dire la diligence que nous prendrons a considerer quel meilleur moyen, ordre et façon nous pourrons tenir a fayre ce que nous penserons devoir fayre, disposant ce que nous pourrons dire, quelle contenance tenir, quoy fuyr, quoy chercher..

  A022000277 

 La quattriesme sera la discretion et separation, par laquelle, de tout ce qui se pourra presenter a fayre, nous rejetterons ce qui [24] est contre l'honneur de Dieu et la charité du prochain, ce qui est scandaleux et vituperable..

  A022000278 

 La cinquiesme sera la resolution et ferme propos de ne jamais offencer Dieu, et particulierement en toute ceste journee, disant a bon escient a l'ame: Nonne Deo subjecta eris, a nima mea? ab ipso enim salutare tuum; et pensant combien c'est grande lascheté, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent, se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, lequel, estant reconneu pour digne de tout service, ne peut estre mesprisé que par faute de courage de resister [25] au mal du cors et de l'honneur que nous peut fayre la creature.

  A022000289 

 Puys, par la consideration des tenebres exterieures entrant dans la consideration de celles de mon ame et de tous les pecheurs, je formeray ceste priere: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros in viam pacis; Hé, Seigneur, puysque les entrailles de vostre misericorde vous ont faict descendre du Ciel en terre pour nous venir visiter, de grace, illumines ceux qui gisent estenduz de leur long dans les tenebres d'ignorance et dans l'ombre de la mort eternelle, qui est le peché mortel; conduises les aussy, s'il vous plaist, au chemin de la paix interieure.

  A022000290 

 Illumines tellement mon pauvre aveuglé cœur des beaux rayons de vostre grace, que jamais il ne s'arreste en façon quelcomque en la mort du peché; hé, ne permettes pas, je vous prie, que mes ennemis invisibles puissent dire: Nous avons eu barre dessus luy.

  A022000290 

 «Dum medium silentium tenerent omnia, et nox in suo cursu medium iter haberet, omnipotens Sermo tuus, Domine, a regalibus sedibus venit.» Les plus sombres tenebres de la minuict ne peuvent donner aucun obstacle a vos divins effectz; à ceste heure la, vous naquistes de la Vierge sacree vostre Mere, a ceste heure la aussy vous pouves fayre naistre vos celestes graces dans nos ames et nous combler de vos plus cheres faveurs.

  A022000310 

 Troysiesmement: je me reposeray tout doucement en la consideration de la laydeur, de l'abjection et de la deplorable misere qui se retrouve au vice et au peché, et aux miserables ames qui en sont obsedëes et possedëes; puys je diray, sans me troubler et inquieter aucunement: Le vice, le peché est chose indigne d'une personne bien nëe et qui faict profession de merite, jamais il n'apporte contentement qui soit veritablement solide, ains seulement en imagination; mais quelles espines, quelz scrupules, quelz regretz, quelles amertumes, quelles inquietudes et quelz supplices ne traisne il quant et soy! Voire, et quand tout cela ne seroit pas, ne nous doit il pas suffire qu'il est desaggreable a Dieu? Oh, cela doit estre plus que suffisant pour le nous faire detester a toute outrance..

  A022000312 

 Hé, que ne suyvons nous la lumiere brillante de ce divin flambeau, puysque l'usage nous en est donné pour voir ou nous devons mettre le pied! Ah! si nous nous layssions conduire au dictamen d'icelle, rarement chopperions nous, difficilement ferions nous jamais mal..

  A022000328 

 Que la beauté de la rayson et usage d'icelle nous est donné a fin que nous la suyvions..

  A022000337 

 Sur tout je seray soigneux de ne mordre, picquer ou me mocquer d'aucun, veu que c'est une lourdise de penser se mocquer sans hayne de ceux qui n'ont poinct de sujet de nous supporter.

  A022000339 

 Or, nonobstant ce que nous avons dict, on peut, conversant avec les superieurs, les esgaux et inferieurs, temperer parfoys l'entretien de ce qui est exquis, bon et indifferent, pourveu que le tout se fasse discrettement.

  A022000340 

 — S'il me convient converser avec personnes insolentes, libres ou melancholiques, j'useray de ceste precaution: aux insolentes, je me cacheray tout a faict; aux libres, pourveu qu'elles soyent craignantes Dieu, je me descouvriray tout a faict, je leur parleray a cœur ouvert; aux sombres et melancholiques, je me monstreray seulement, comme on dict en commun proverbe, de la fenestre: c'est a dire, qu'en partie je me descouvriray a elles, parce qu'elles sont curieuses de voir les cœurs des hommes, et si on faict trop le rencheri elles [41] entrent incontinent en soupçon; en partie aussy je me cacheray a elles, a cause qu'elles sont sujettes, ainsy que nous avons desja dict, a philosopher et remarquer de trop pres les conditions de ceux qui les frequentent..

  A022000360 

 Et pour autant qu'il nous faut converser hommes et femmes, superieurs et inferieurs, il est bon de sçavoir qu'a certains il ne faut monstrer que l'exquis, aux autres le bon, aux autres l'indifferent, mais a personne le mauvais.

  A022000418 

 C'est lui qui donne la sagesse aux petits, non aux orgueilleux; c'est lui qui est la «Lumière des cœurs,» le «Père des pauvres,» le «Distributeur des» lumières, dans la lumière de qui nous verrons la lumière.

  A022000419 

 Or, Dieu lui-même est le Père de toute consolation, et nous ne devons pas nous glorifier comme si quoi que ce soit venait de nous comme de nous, puisque, comme je l'ai montré ailleurs, toute notre suffisance vient de Dieu; car si la doctrine de la prédestination dit que nos actions sont prévues, ce n'est pas au préjudice de la grâce du libre arbitre, mais il est toujours besoin de la prévision de la grâce du Seigneur, par la miséricorde de qui nous irons dans sa maison, si, en cette vie, nos pieds ont été dans tes parvis, Jérusalem, car, sans le Christ, nous ne pouvons rien faire..

  A022000448 

 Dans son excellente Confession de fo i, sous le titre en question, il [51] affirme expressément la même chose que nous: à savoir, que non seulement la réprobation a lieu par suite des démérites prévus, mais aussi que la prédestination se fonde sur les mérites prévus, et il prouve cela avec force.

  A022000448 

 Les enseignements que nous avons tirés de nombreux auteurs, au sujet de la prédestination fondée sur les mérites prévus, enseignements exposés aux pages XV, LXII et LXX, peuvent être confirmés par l'autorité de Pierre Emotte, docteur en théologie de Paris.

  A022000451 

 Et puis, que signifie cet adage: Dieu ne te fait pas défaut si tu ne te fais pas défaut? En vérité, pourrait-on dire, il m'a fait défaut au commencement, alors que je ne pouvais ni m'être utile, ni m'être nuisible, si nous supposons que l'opinion ci-dessus, plus dure que le fer, est vraie.

  A022000451 

 Mais sans la volonté de Dieu nous ne pouvons rien; par conséquent, une fois cette volonté de Dieu écartée, nous ne pouvons être sauvés, et une fois cette volonté de Dieu écartée et enlevée, ou refusée par Dieu, son effet paraît refusé, c'est-à-dire la gloire: ce qui est parfaitement absurde.

  A022000451 

 Tandis que dans notre opinion ce raisonnement n'a pas de force, attendu que nous ne supposons pas le refus de la volonté de Dieu avant la prévision de nos péchés..

  A022000452 

 Si Dieu en a destiné certains à la peine avant la prévision de la faute, pourquoi a-t-il été dit: Comme chacun aura agi dans son corps, soit en bien soit en mal? Comment peut-il se faire qu'à une peine ordonnée par Dieu sans aucune relation avec la faute, corresponde aussi justement cette faute provenant de notre libre arbitre? Il a fallu certainement, ou que Dieu ordonnât la faute [56] pour qu'elle répondît à la peine déjà ordonnée, ou bien qu'il abandonnât à notre libre arbitre le soin de décider si nous devrions être condamnés sans faute, comme cela est clair.

  A022000453 

 Telle que nous venons de la présenter, elle est suffisamment intelligible, et ainsi le Seigneur ne fera tort à personne; car ceux qu'il damnera, il les damnera à cause de leurs démérites, et ceux qu'il sauvera, il les sauvera par sa miséricorde, et à celui qui se plaindra il répondra: Mon ami, prends ce qui te revient; si je veux donner quelque chose à ceux-ci, que t'importe?.

  A022000457 

 Si Dieu sauve ceux qui autrement auraient du etre damnes, ou est la justice? Comment rendra-t-il à chacun selon ses oeuvres, puisqu'il faudrait dire plutot que chacun agira suivant ce qu'il recevra? Et puis, pourquoi Dieu a-t-il prevu les peches des futurs damnes, et non ceux des autres? pourquoi en a-t-il vu certains faire le bien, plutot que d'autres? et s'il a tout vu, pourquoi dirons-nous qu'il a preordonne le chatiment d'apres les peches, plutot que la recompense d'apres les merites? [59].

  A022000459 

 Mais on ne peut supposer que tous aient été appelés de la façon dont nous parlions tout-à-l'heure..

  A022000461 

 Si, en effet, il est vrai que les hommes ne sont pas damnés en dehors de la prévision [de leurs démérites], comme d'un autre côté il faut, [pour les adversaires,] pouvoir répondre à l'autorité tirée de l'Epître aux Romains, il reste que l'opinion que nous avons énoncée est inébranlable.

  A022000531 

 ........................ Et ainsi nous mettons fin à notre course à travers tous les titres de l' Infortiat..

  A022000532 

 Gloire à Dieu très bon, très grand, au Christ Jésus et à Notre-Dame la Vierge Marie, sa très puissante Mère (nous avons [70] commencé à célébrer la solennité et la Vigile de son Annonciation et de sa salutation par l'Ange), aux saints Pierre, Paul, Fabien, Sébastien, François, Bonaventure, mais spécialement au grand saint Joseph et à l'archange Gabriel qui annonça que le Verbe s'était resserré dans le sein très sacré de la Vierge; gloire à lui! Amen..

  A022000563 

 J'ai achevé, par la volonté de Dieu et avec la protection de la Très Sainte Mère de Dieu et de mes saints Patrons, ces petites notes sur les Pandectes, très légères par elles-mêmes, mais assez [72] pénibles et laborieuses pour moi, novice, l'an 1591 après le salutaire Enfantement de la Vierge, au mois de juillet, le dixième jour, mémorable par le tremblement de terre que nous avons perçu à cinq heures et demie de l'après-midi, et par la solennité des sept Saints Frères..

  A022000564 

 Les Princes Italiens et Germains lèvent des troupes guerrières; déjà l'Anglais, l'Espagnol, le Français, ayant tiré le glaive, troublent l'air et la terre de gémissements et de sang; les royaumes d'Ecosse, d'Angleterre, de Danemarck sont tombés dans l'horrible gouffre des hérésies, ainsi que ceux de Pologne, de Hongrie, de Bohème; et, ce qui est au-dessus de toute douleur, nous voyons et contemplons avec larmes la couronne autrefois très chrétienne de France prête à se placer [73] sur la tête d'un hérétique, ou plutôt penchée vers un désastre lamentable!.

  A022000565 

 Pourquoi aimez-vous la vanité, disant: Qui nous montre le bien? Je ne suis pas le renardeau qui saccagera les vignes.

  A022000595 

 Quant à ces paroles ajoutées: «QUE PERSONNE NE SE PERMETTE D'EN DISCUTER EN PUBLIC,» voici comment il faut les entendre: il n'est pas permis de discuter de la foi, puisqu'il nous est défendu d'être contentieux, c'est-à-dire de nous attacher à notre opinion personnelle avec obstination et verbeusement.

  A022000598 

 Or, les mots de l'Empereur: «Lui que nous espérons et que nous recevons du souverain Père de toutes choses,» ne confirment pas cette opinion des Grecs, que le Saint-Esprit procède du Père seulement, puisqu'elle n'est apparue que plusieurs siècles après; mais il parle de la réception de la grâce du Saint-Esprit, car il est dit ainsi, que l'Esprit-Saint est donné aux hommes par le Père au moyen du Fils, que le Père enverra en mon nom.

  A022000601 

 Il professe que «le Fils de Dieu est consubstantiel au Père selon la Divinité, et à nous selon l'humanité;» et aussi que la bienheureuse Vierge Marie est vraiment et proprement la Mère de Dieu, car c'est d'elle que le Fils de Dieu, «né du Père avant les siècles, s'est incarné» dans le temps «par le Saint-Esprit.».

  A022000663 

 Aussi, cette circonstance et ce lieu exigeraient-ils de moi la plus vive démonstration de gratitude; mais puisque pour un bienfait si grand et si précieux, il nous manque, à moi l'éloquence, et à vous le loisir, à la place d'un plus long discours, recevez avec indulgence et bienveillance cette protestation de mes sentiments devant cette très noble assemblée.

  A022000696 

 A notre chagrin d'avoir dû [92] interrompre notre voyage à Rome, que nous regrettions beaucoup, se mêlait la joie de pouvoir poser le pied, sains et saufs, sur la terre ferme..

  A022000696 

 Comme le 8 octobre 1591, nous étant embarqués à Venise à la première heure de nuit, nous avions mis à la voile, le 18 du même mois, jour consacré à saint Luc, après une navigation très pénible, d'ailleurs nullement périlleuse (ce qui est un bienfait de Dieu), nous abordions dès l'aurore à Ancône.

  A022000696 

 De là, le même jour, nous entrâmes à Lorette, et le 19, après avoir reçu les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, nous répandîmes nos prières à Dieu et à sa Mère dans la sainte chambre habitée par eux-mêmes.

  A022000696 

 Le lendemain, ayant entendu le saint Sacrifice de la Messe, comme nous avions résolu de nous diriger vers Rome, par crainte des brigands qui, disait-on, avaient élevé leur nombre jusqu'à mille et dévastaient [91] terriblement toute la plage d'Ancône, principalement les chemins menant à Rome, nous retournâmes, bien malgré nous, à l'endroit d'où nous étions venus; puis, grâce à un léger détour, nous vîmes à Sirolo l'image du Christ Notre-Seigneur suspendu vivant à la Croix, que l'on dit peinte par saint Luc. Bientôt [nous atteignions] Ancône, nous étant servis du même navire sur lequel nous avions été précédemment portés; et toujours sur la même heureuse embarcation de Chioggia, mais par une traversée beaucoup plus pénible, après avoir bien payé les frais du voyage, nous débarquâmes le 5 novembre, vers le soir, aux colonnes de la grande place de Saint-Marc.

  A022000697 

 C'est pourquoi, obligés de retourner, au port de Césène nous apprîmes, au milieu des applaudissements universels, bien que la nouvelle ne fut pas encore certaine, l'élection au souverain Pontificat, du Cardinal des Quatre-Couronnés, ou Facchinetti, bolonais.

  A022000697 

 Ce qui surtout rendit incommode et périlleux notre voyage à Rome par le territoire d'Ancône, c'est que le Souverain Pontife Grégoire XIV, longtemps victime d'une longue et dangereuse maladie, avait dit adieu à la vie; nouvelle que nous apprîmes d'abord par un rapport certain au moment même où nous entrions à Ancône.

  A022000697 

 De plus, monsieur Jean Déage, mon vénérable précepteur, mon frère [93] Gallois et moi, nous n'avions l'habitude de voyager qu'à cheval: or, à nous trois, il ne nous restait que la somme de vingt-huit couronnes, et les courriers, ainsi que les guides, refusaient de nous accorder des montures à moins de trente couronnes.

  A022000697 

 La chose nous fut ensuite confirmée à Chioggia, en partie par la joyeuse sonnerie des cloches, en partie par ce que disaient les habitants, et, à Venise, nous sûmes qu'il avait pris le nom d'Innocent IX. [94].

  A022000728 

 MAIS IL FAUT ECRIRE EN LETTRES MAJUSCULES CE QUI EST DIT DANS LA 1 re Loi: «DANS CES CHOSES MEMES OU NOUS INTRODUISONS UNE REFORME DES MŒURS, NOUS NE DEVONS PAS TENIR COMPTE DE LA QUESTION D'ARGENT.» L'observation de cette Loi n'est pas d'une nécessité urgente aujourd'hui, car les usuriers et les prêteurs à gages les plus sordides, lorsqu'ils ont réduit à l'indigence une province jusqu'alors intacte, s'ils se laissent saisir, tous leurs biens reviennent au fisc; pour quelle raison, je l'ignore, car ces biens ne sont pas ceux des usuriers, mais ceux des débiteurs pauvres.

  A022000803 

 Combattre l'ennemy spirituel et mortifier ses inclinations n'est autre que les rejetter et n'en fayre nomplus d'estat que si elles estoit ( sic ) mortes ou n'estoit poinct; a quoy chascun doit mettre grand peyne, nostre nature estant tellement corrompue qu'elle nous va quasi tous-jours mouvant au mal fayre en toutes sortes de vacations que nous puyssions suyvre; et partant, chascun la doit vaillamment combattre et mortifier ses mouvemens..

  A022000841 

 Nous avons veu, Seigneur, ceste face si claire,.

  A022000870 

 Nous confessons, o Seigneur Dieu,.

  A022000877 

 Nous admirons ta bonté.

  A022000937 

 Ayant receu la sainte Eucharistie de la main du Souverain Pontife le jour de l'Annonciation, mon ame fut fort consolee interieurement; et Dieu me fit la grace de me donner de grandes lumieres sur le mistere de l'Incarnation, me faisant connoistre d'une maniere inexplicable comme le Verbe prit un cors, par la puissance du Pere et par l'operation du Saint Esprit, dans le chaste sein de Marie, le voulant bien luy mesme pour habiter parmy nous, des qu'il seroit homme comme nous..

  A022000957 

 Chacun benira la table a son tour et dira pareillement les Graces, excepté les testes solemnelles; car alhors l'Evesque fera la benediction et l'action de grace, comme aussi tous les jours il dira l'orayson: «Seigneur, benisses nous,» parce que le moindre doit recevoir la benediction du plus grand.

  A022000981 

 C'est par la prattique de cest exercice que nous apprenons si nous advançons a la vertu; en un mot, c'est en ce tems et en ce lieu ou l'on prend les saintes et solides resolutions de vivre selon les lois de la veritable et eternelle sagesse..

  A022000988 

 Prie premierement Dieu tout puissant de recevoir mon ame a merci et luy faire part de l'heritage eternel que nostre Redempteur nous a aquis en son sang..

  A022001006 

 Nous soubsignés, certifions a tous quil appertiendra, que nous avons estés priés, appellés et requis de Monseigneur le Reverendissime François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, de signer et sceller cette carte qui est son testament solemnel et par escrit..

  A022001023 

 Nous Philibert Roges, docteur en theologie, Chanœnne de Geneve, Vicayre et Officiai substitut de l'Eveché de Geneve, certifions a tous qu'il appartiendra, qu'en l'an et jour et lieu sus escript, a comparu par devant nous Monseigneur le Reverendissime FRANÇOYS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, lequel, en presence des tesmoins sus nommés et signés, nous a dict et declaré avoir faict son testement et ordonnance de derniere volonté, comm'ell'est dans la presente carte escripte de sa main et soubsigné, comm' il nous a declayré en presence desdits tesmoins, vouliant et entendant que sadite volonté escripte en cette ditte carte sorte son plain et entier effaict a l'advenir, par tous meilleurs moiens qui se peuvent faire, de droict et de coustume; priant lesdits tesmoins vouloir estre recors par cy appres, si besoingt est, de ladite declaration par luy faicte, nous requerant de mesme luy vouloir octroier acte de ses requisions ( sic ): ce que luy avons accordé..

  A022001032 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, et JEAN FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Chalcedoyne et Coadjuteur en l'evesché dudit Geneve, voulant manifester et faire sçavoir a tous qu'il appartiendra nostre derniere volonté et faire nostre testament:.

  A022001033 

 Prions premierement Dieu tout puissant de recevoir nos ames a mercy, et leur faire part de l'heritage eternel que nostre Redempteur nous a acquis en son sang..

  A022001034 

 Secondement, Nous invoquons la tres glorieuse Vierge Marie Nostre Dame et tous les Saintz, qu'ilz implorent la misericorde de Dieu sur Nous en nostre vie et en nostre mort..

  A022001035 

 Que si en ce tems laditte sainte religion n'y est pas restablie, Nous ordonnons que nos cors soyent enterrés au milieu de la nef de l'eglise de la Visitation (que Nous, Evesque de Geneve, avons consacree en cette ville); [134] sinon que nous mourussions hors du diocese, auquel cas Nous laissons le choix de nostre sepulture a ceux qui pour lhors seront aupres de Nous, a nostre suitte..

  A022001035 

 Troysiesmement, s'il playsoit a la Providence divine que la tressainte et uniquement veritable religion Catholique et Apostolique Romaine fust restablie en la cité de Geneve lhors de nos trespas, Nous ordonnons qu'en ce cas nos cors soyent enterrés en nostre Eglise cathedrale.

  A022001036 

 Mais d'ailleurs, detestans les vanités et superfluités que l'esprit humain a introduites es sacrees ceremonies, nous defendons tres expressement toute sorte d'autre luminaire, quel qu'il soit, estre fait en nos obseques, priant nos parens et amis et ordonnant a nos heritiers de ne rien y adjouster, et employer leur pieté envers Nous a faire des prieres et aumosnes, et sur tout a faire celebrer les tressaintes Messes pour Nous..

  A022001036 

 Quatriesmement, appreuvans de tous nos cœurs les sacrees ceremonies de l'Eglise, Nous ordonnons qu'a nostre ensevelissement treize cierges seront allumés, portés et mis autour de nos cercueilz, sans autres escussons que ceux du nom de JESUS, pour tesmoigner que de tous nos cœurs Nous embrassons la foy preschee par les Apostres.

  A022001037 

 Cinquiesmement, Nous leguons: a Frere Janus de Sales, Chevalier en la sacree Religion de Malte, nostre frere, la somme de deux cens florins de pension annuelle et perpetuelle, pendant sa vie naturelle.

  A022001039 

 A nobles Sebastien, Amé, Louys, Jean Anthoyne et Bernard, enfans de feu messire Gallois de Sales, seigneurs de Boysi et de Villaroget, nos neveux, la somme de deux mille escus d'or sol, ensemble tout ce que Nous pouvons pretendre sur les biens qu'ilz possedent..

  A022001040 

 Lesquelz legatz Nous ordonnons estre payés une annee apres le deces du dernier mourant de Nous deux, et les deux cens florins de nostre frere le Chevalier tous les ans, par semblable jour que le dernier de Nous mourra; sauf que, quant au payement desditz deux mille escus legués a nos neveux, il sera loysible au sieur Baron de Thorens, nostre frere et heritier, d'en faire payement par la cession et transport de semblable somme qui luy est deuë et qui luy doit estre payee apres la mort du seigneur Baron de Cusy son beaupere; laquelle cession lesditz legataires seront tenus d'accepter pour payement, leur maintenant ledit sieur Baron de Thorens semblable somme luy estre bien deuë et exigeable, ou autrement il demeurera chargé dudit legat..

  A022001040 

 Moyennant quoy, lesditz legataires ne pourront demander aucune chose, quelle qu'elle soit, et particulierement lesditz sieurs de Boysi, ni sur nos heritages, ni sur les biens de La Thuille, Sales, Thorens et leurs dependances, sous pretexte d'aucun partage definitif, allegation de moindre lot, payement d'aucune somme a laquelle Nous leur soyons obligés, ou autrement comme que ce soit; ordonnons qu'ilz nous en tiennent quittes a nostre heritier sousnommé, et que les partages provisionnelz [136] faitz entre nos freres, de nos biens et des leurs, a forme qu'ilz les ont ci devant possedés a part et posseèdent encor a present, tiennent definitivement et perpetuellement, et qu'ilz ne viennent jamais a conte ni deconte, ni s'entredemandent jamais aucune chose les uns aux autres pour les substitutions faittes entr'eux et Nous par feu nos Pere et Mere.

  A022001041 

 Et s'il arrivoit que la ligne masculine de nostre dit frere defaillist, Nous substituons l'aisné des enfans masles susnommés, descendans jusques a l'infini, dudit feu seigneur de Boysi nostre frere; sauf que nos meubles, de quelque espece qu'ilz soyent, demeureront a la libre disposition du survivant de Nous deux..

  A022001041 

 Sixiesmement, Nous faisons et instituons heritier universel l'un de l'autre, et le survivant de Nous institue son heritier universel messire Louys de Sales, seigneur et Baron de Sales et de Thorens et de La Thuille, conseiller et Chevalier au Conseil de Genevois, nostre frere, et apres luy ou a son deffaut, l'aisné de ses enfans masles.

  A022001041 

 Voulans et entendans que nos biens soyent conservés, et parviennent entierement et sans detraction de trebellianique, que Nous prohibons, aux enfans masles qui descendront par loyal mariage de nostre dit [137] frere heritier jusques a l'infini, preferant tous-jours l'aisné d'iceux pour le tout; esperans que nostre dit frere fera semblable disposition pour ce qui est a son pouvoir, pour la conservation de nostre famille; et ainsy Nous substituons vulgairement et par fidecommis perpetuel, pour la faveur du masle aisné descendant de nostre dit frere heritier.

  A022001042 

 Que si l'evenement des affaires faisoit que l'un de Nous changeast de volonté et fist par ci apres un autre testament, le present neanmoins demeurera sur pied, valable, entant que concerne la disposition de l'autre qui ne la changera point..

  A022001042 

 Voulons que ceci soit nostre dernier testament; a ces fins revoquons tous autres que Nous pourrions avoir faitz et tout leur contenu; et s'il ne vaut a present ou a l'advenir comme testament, qu'il vaille comme codicille, et par tous meilleurs moyens.

  A022001060 

 Esperant qu'avec ceste commodité vous pourres reconnoistre le bon chemin de vostre salut, le mesme zele qui Nous a poussé a vous procurer ce bien Nous faict encor vous inviter et exhorter par ce mot a bien user d'iceluy, ouyant diligemment les raysons qui vous sont proposees, les pesant et considerant de pres, et proposant les difficultés que vous y trouveres aux predicateurs, ne Nous pouvant estre chose [143] plus aggreable que d'entendre vostre advancement et prouffit en nostre sainte religion catholique..

  A022001060 

 Nous avons sceu, avec nostre grand contentement, que, des quelques mois en ça, vous aves eu continuellement pardela, et mesme en la ville, la praedication de nostre sainte foy catholique.

  A022001108 

 ce n'est pas trop grand cas des autres; mais je prie Dieu qu'il nous baille une meilleure fortune.

  A022001115 

 Maintenant que la tres-saincte foy catholique a de l'entrée en Chablais, nous supplions tres-humblement Vostre Altesse qu'il luy plaise d'estendre le mesme commandement, à fin que ce pauvre Chapitre puisse r'entrer dans les biens qui luy appartiennent d'ancienneté, et principalement dans le benefice curé de l'eglise d'Armoy..

  A022001155 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en droit, professeur de théologie et Prévôt de l'Eglise cathédrale du diocèse de Genève, pour la consolacion de tous ceux qui désirent savoir les choses écrites ci-après:.

  A022001157 

 Or, nous souhaitons ardemment que beaucoup d'autres viennent également à pénitence; mais nous avons appris avec un profond étonnement qu'un grand nombre sont retenues dans l'erreur par la fausse crainte et la vaine frayeur de ne pas être en assurance pour leur vie et leurs personnes parmi les catholiques, malgré les absolutions données par l'autorité du Siège Apostolique.

  A022001157 

 Quelques personnes vertueuses, touchées de la miséricorde de Dieu, sont retournées à lui avec un humble repentir, et, quittant les ténèbres de l'hérésie calviniste, sont venues à la vraie lumière du Christ Jésus, notre vrai Soleil; puis, par notre entremise, en [168] vertu de l'autorité qui nous a été accordée par le Saint-Siège Apostolique, elles ont été admises au baiser de paix de la sainte Eglise Catholique, Apostolique, Romaine.

  A022001158 

 C'est pourquoi, à la prière des personnes susdites, nous avons fait la présente, afin d'assurer chacun du plus ample pardon Apostolique et de la sécurité qu'il obtiendra lorsqu'il abandonnera l'hérésie non seulement de Calvin, mais de tout autre fauteur.

  A022001158 

 Nous lui donnons l'assurance que, revenant au vrai bercail du Christ, il sera reçu et traité avec bonté, et qu'avec une loyauté parfaite, il sera, comme il est dit ci-dessus, affranchi et libéré de toute peine infligée pour cause d'hérésie et aux hérétiques par n'importe quel juge ecclésiastique ou séculier..

  A022001159 

 En foi de quoi, nous avons écrit la présente de notre propre main, et l'avons signée de notre propre seing et avec notre sceau..

  A022001408 

 Or, bien qu'on ait recouru par plusieurs Mémoires à M. le Cardinal et qu'on en ait fait souvent ressouvenir son Secrétaire pour qu'il daignât écrire conformément à l'intention de Sa Sainteté, on nous a toujours répondu que la chose se ferait, mais jamais qu'elle avait été faite.

  A022001495 

 Et bien que tous les Religieux vivent encore, néanmoins la veille de [223] la Toussaint il s'est produit parmi eux un fait qui, si je ne me trompe, nous ouvre la voie à cette union.

  A022001502 

 De cette manière, on constituerait dans ce diocèse sept théologales moyennant lesquelles on pourrait rétablir toujours davantage la religion, jusqu'à ce que Dieu nous envoie des bénédictions plus abondantes.

  A022001756 

 Quant aux heures de la celebration, Nous ordonnons selon l'article proposé; et pour le regard des Messes chantees, surseance, sauf a Gex, ou il y a des bons chantres..

  A022001938 

 Vous delivreres a M. Poncet, curé de Sessi, la somme de cent florins pour l'annee mille six cens et seze; et rapportant quitance d'iceluy, vous sera par Nous alloüee..

  A022001949 

 Nous commettons par ces presentes venerable messire Claude de Nambruide, curé de Divone, a l'administration et œconomie des biens ecclesiastiques du balliage de Gex non appliqués ny assignés aux eglises de Farges, Gex, Thoyri, Grilly, Chalex, Versoix, Divone, mais destinés aux autres eglises qui, pour le present, ne sont encor pourveues de pasteurs, a fin que [ledit messire Claude de Nambruide] en donne les admodiations et fermes ainsy qu'il vera a faire; puis retire, exige et distribue les revenus procedenz desdites fermes, selon qu'il sera requis, ainsy qu'il est porté par l'ordre estably du jour d'hyer, et autrement selon les mandaz qui luy seront faitz de nostre part: le [tout nean]tmoins en l'assistance et avec l'advis de venerable messire [300] [Claude] Jacquin, curé de Grilly.

  A022001983 

 Et pour les villes, si nombreuses, pour les républiques entières, où il n'est pas permis aux prédicateurs catholiques de se faire entendre, ni de demeurer et parler, [303] quel moyen de les ramener à la foi? Car désormais, chez nous autres Suisses et en toute l'Allemagne, voire même dans plusieurs parties de la France, des villes entières sont hérétiques et l'hérésie passe en raison d'Etat; on ne voit pas le moindre espoir de leur conversion; les choses vont même si avant, que les hérétiques ne sont pas inquiétés le moins du monde, et c'est sans remède.».

  A022001996 

 Peut-être serait-il difficile maintenant d'unir les cœurs des princes catholiques que nous voyons, excités par des tentations si multiples, se livrer en proie à la division.

  A022001998 

 Que le Seigneur nous envoie son secours d'en-haut es que les tentes d'Israël soient élargies par le Seigneur! [310].

  A022002029 

 Nous avons appris avec un grand contentement que vous avez ouy les piedicateurs de la parolle de Dieu et de nostre saincte foy Catholique, que vous avez heu continuellement despuis quelques mois.

  A022002029 

 Or, esperant que ceste commodité vous ouvrira le chemin de vostre salut, avec le mesme zele que Nous vous avons procuré ce bien, Nous vous exhortons aussi d'en bien user; et vous en userez bien, si vous prenez garde aux raysons qui vous seront exposees, si vous les pesez esgalement, et si vous proposez les difficultez qui vous surviendront aux predicateurs; car Nous n'avons rien tant a souhait, ny qui Nous soit plus aggreable, que quand Nous entendons que vous proffitez en la saincte Religioa Catholique..

  A022002076 

 Vous raconteres ce que S. A. pretend de faire propter fidem; mais cela a besoin d'ayde et de secours pour mieux reussir, lequel Sa Saincteté peut facilement nous fere avoir.

  A022002077 

 Surtout ayants la protection du Roy de France pour leur principal appuy, quand ils se verront par luy solicités a recevoir l' Interim, ils diront: De quel costé que nous regardions, nous avons tousjours ceste poursuitte de l' Interim; et facilement accorderont au Duc de Savoye plusieurs choses pour la commodité de la foy Catholique, qu'ils n'accorderoient jamais.

  A022002117 

 Nous avons receu vostre lettre du XXIIII du present et joinct a ycelle le double de la requeste que Nous a esté presentee par ceulx de Tonon, et vous disons, en responce, que Nostre intention aiant tousjours esté de donner l'avancement possible au service de Dieu et l'exaltation de son Eglise generalement riere noz Estatz, et particulierement de remettre riere le Chablais la mesme foy et vraye Religion que Noz predecesseurs y avoint si sogneusement plantee avant que les usurpateurs du peys en heussent desbouché Noz bien amez subjectz: Nous avons, sur ceste consideration, volontiers presté l'oreillie a ceulx qui Nous ont proposé leur soing, jeur talent et leur industrie pour la perfection d'un si bon euvre; et telz ayant esté le Pere Cherubin et le President Favre, Nous apreuvasmes le zele qui les poulsoit d'y volloir fere quelque notable fruict..

  A022002118 

 Et cependant, pour remedier aux inconvenientz qui en pourroint resulter, Nous escrivons audict President de ne proceder plus avant a la declaration des peines par luy imposees, et au Pere Cherubin d'y fere valloir par cy apres sa doctrine, sans y adjouster les menaces, jusques a ce que Nous voions quelque aultre temps plus propre pour ce fere..

  A022002118 

 Il est bien vray que Nous estimions que ce deubst estre par le [324] moien de bonnes exortations et par la voye des presches, et non par commination ny menaces, pour ne donner aulcun subject d'ombrage aux circonvoisins, ny subject d'alteration ausdictz de Thonon, bien sacheantz que la conjuncture du temps present ne portoit pas que l'on procedast aultrement, et que la procedure rigoureuse estoit mal convenable a la disposition des aultres affaires que Nous avons sur les bras, encores que bien deue a l'obstination de quelques particuliers dudict Thonon qui se rendent les plus difficiles.

  A022002119 

 Et cependant, en vous laissant dextrement entendre a ces gens que Nostre intention n'est pas de les forcer ny contrevenir aux provisions quilz disent avoir de feu nostre S r et Pere et de Nous, vous ne lairrez de les induire et persuader, en tant que vostre pouvoir se pourra estendre, dé Nous donner ceste satisfaction que d'ouyr et frequenter les presches qui peuvent servir a les desabuser de leur faulce opinion,............................................................................

  A022002138 

 Desirans de faire prouvoir prompcernent à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, tant en ceste ville de Tonon qu'aux lieux circonvoisins: A ceste cause, et autres Nous mouvans, vous mandons, ordonnons et commandons par ces presentes qu'ayez à saisir et reduire sous Nostre main, et par bon et loyal inventaire, tous et un chacun les revenus, biens, fruicts, argens, appartenances et dependances des benefices riere le bailliage de ceste ville, et particulierement du prieuré de Sainct Hyppolite, qui n'auront charge d'ames, pour le temps de trois ans prochains advenir; et lesquels fruicts et autres choses sudittes, Nous voulons estre employez à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, ainsi que Nous avons dit.

  A022002138 

 Vous defendans tres-expressement de delivrer, mettre ou employer aucun desdicts fruicts et revenus à autre usage qu'à ce que dessus, et suivant les ordres qui vous en seront faicts par Reverendissime Claude de Granier, Evesque de Geneve, Reverend messire François de Sales, Prevost de l'eglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, et Reverend messire Claude d'Angeville, Primicier de l'eglise collegiale de Sainct Jean Baptiste de La Roche: ausquels, en tant qu'il Nous concerne et peut appartenir, leur en avons donné et attribué tout pouvoir et authorité; et à vous, de contraindre et faire contraindre tous ceux qui seront à contraindre, par toutes les voyes de justice deuë et raisonnable, d'y obeyr et obtemperer.

  A022002139 

 Commandans à tous Nos magistrats, ministres, justiciers, officiers et subjects ausquels il appartiendra, d'observer ces presentes et, [326] pour l'execution d'icelles, prester toute aide, faveur et assistance necessaire, en tant que chacun d'eux craint de Nous desplaire..

  A022002295 

 Je me resjouys extremement et vous remercie tres humblement de la bonne nouvelle qu'avez eu de Rome, laquelle ne me pouvoit arriver meilleure en contrechange de celle qu'a eu Madame de la decision de Rote, de laquelle, toutefois, et elle et tous ces messieurs de son Conseil se donnent maintenant beaucoup moins de peine des que nous l'avons receue et veu qu'elle n'est fondee sur raison qui vaille, ny qui soit nouvelle.

  A022002319 

 C'est pourquoy nous vous envoyons ce porteur expres, pour vous dire que nous desirons estre informez de vos droictz, pour ne faire chose au prejudice d'iceux.

  A022002319 

 Estantz en ce bailliage pour une commission qu'il a pleu a Sa Majesté nous addresser touchant l'execution de l'Edict de Nantes, et ayans receu quelques requestes a nous presentees de la part du sieur Evesque de ce diocese, concernant choses esquelles vous pouvez estre interessés, nous ny avons voullu pourveoir sans vous en rendre advertis.

  A022002319 

 Et partant, s'il vous plaist envoyer par devers nous quelques ungs de vostre part, vous nous trouverez disposez a vous rendre toutte sorte de contantement qui despendra de nostre pouvoir..

  A022002320 

 Et sur ce, nous prierons Dieu, Messieurs, qu'il vous tienne en sa saincte garde..

  A022002331 

 Nous avons receu la lettre par laquelle Nous faictes entendre que vous estes au balliage de Gex pour la commission a vous addressee par S. M. touchant l'execution de l'Edict de Nantes, et [345] que le S r Evesque mentionné en la vostre vous a presenté quelques requestes concernant choses ou Nous pouvons estre interessés..

  A022002332 

 Comme aussy, le dict Evesque n'a que veoir sur nos terres ny sur nos droicts, soit sur celles que Nous tenons du costé du dict balliage en souveraineté, soit sur celles de S t Victor et Chapitre, ayans des traittés avec la Couronne de France et Messieurs nos alliez de Suisse, ausquelz ceste Seigneurie est comprise avec tout son territoire, et a forme de nostre presente et ancienne possession qui est assez notoire a tout le pays.

  A022002332 

 Et sommes encores tellement asseurez de la bienveuillance de Leurs Majestez envers ceste Republique, declaree mesmes par effects et tesmoignages tous recents et bien signalez, qu'il ne peut entrer en nostre creance qu'Elles ayent donné quelque commission pour Nous molester en nos droicts et possessions; Nous dis je, qui dez si longues annees, [soit en temps de paix, soit en temps de guerre,] avons [tousjours] faict profession de nostre tres humble et devotieux service a leurs Couronnes.

  A022002332 

 Que si le dict S r Evesque vous vouloit induire a Nous y travailler et faire quelque chose a nostre prejudice, vos prudences sçauront assez que luy respondre..

  A022002332 

 Sur quoy Nous vous dirons que Nous avons jugé entierement superflu l'envoy d'aucuns des nostres par dela, d'autant que l'Edict de Nantes ne regarde point (comme vous sçavez trop mieux) nostre Seigneurie et Republique, ne les terres ou droicts d'icelle.

  A022002332 

 Voire, Nous avons traitté de paix avec S. A. de Savoye, en observation duquel, et de nos anciens droicts, Nous possedons du costé de Savoye diverses terres en souveraineté, et aultres du mesme S t Victor et Chapitre, avec les mesmes immunitez, libertez et prerogatives, soit au regard de la religion, soit d'aultres points, que celles dont Nous jouyssons du costé du dict balliage en nos terres susspecifiees; lesquelles, [d'abondant], le feu Roy, de tres heureuse et glorieuse memoire, par patentes authentiques, verifiees partout ou besoing faisoit, a recogneiies telles et promis de ny rien innover, ains de laisser toutes choses a Nous appartenantes au mesme estat qu'elles estoyent pendant que Sadicte Altesse tenoit le dict balliage.

  A022002333 

 Et finalement Nous croyons, suyvant ce qu'il vous plaist Nous promettre et protester par la vostre, que vous ne ferez rien au prejudice de nos droicts.

  A022002333 

 Et si aucune chose neantmoings estoit faicte et attentee au contraire, Nous protestons dez a present, comme dez lors, de la nullité du tout et de Nous pourvoir constamment et vertueusement pour la conservation de nos droicts, ainsy que verrons estre a faire selon Dieu et raison..

  A022002334 

 Sur quoy, apres vous avoir remercié tres affectueusement de la [346] bonne volonté qu'il vous pleust Nous tesmoigner, a laquelle Nous desirons correspondre par tous plaisirs et services a Nous possibles, d'aussy bon ceur ( sic ) que Nous prions Dieu, Messieurs, vous avoir en sa saincte garde..

  A022002346 

 Plairra a Monseigneur escrire a monsieur le Grand, qu'il se contente nous relascher le cinq pour cent provenant des biens d'Eglise, a la forme de l'execution de l'Edict, a quoy ont (sic) ne veult toucher sans son bon plaisir.

  A022002347 

 A Monseigneur de Bourges, qu'il luy plaise commander a ses fermiers du prieuré de Prevesin nous deslivrer les deux centz livres qu'on donnoit aux ministres; ensemble, les centz livres qu'il luy a pleu accorder a monsieur le Mazuyer d'Accrasi, et la judicature dudict lieu pour un advocat catholique..

  A022002449 

 Et pour le regard de la pension de l'abbaye de Bonmont qui se payoit autrefois aux ministres du balliage de Gex, qui estoit de deux centz florins annuelz, nous l'avons laissee au sieur Prevost du Chapitre de Saint Pierre de Geneve, auquel appartient le membre qui estoit [tenu] de payer ladite pension; lequel n'a aucune charge ni cure d'ames, pour estre un membre dependant de l'abbaye de Bonmont, laquelle est riere la Seigneurie de Berne.


23-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIII-Vol.2-Opuscules.html
  A023000151 

 D'un autre côté, la raison de saint Thomas a toute sa force de conviction en entendant la volonté en général, abstraction faite de savoir si cette volonté est absolue ou conditionnelle, antécédente ou conséquente: ce qui est contre vous, non contre nous.

  A023000151 

 Mais il ne prouve pas que la volition efficace de la fin soit antérieure à la volition efficace des moyens, non pas efficaces, mais suffisants: ce qui serait contre nous.

  A023000155 

 En vérité, leur seul point de contact avec Augustin, est qu'ils nient en nous toute cause de prédestination; mais dans l'explication de leur pensée, ils s'écartent de lui: en somme, ils sont d'accord avec lui en paroles, non en réalité.

  A023000156 

 Le but principal de celui-ci ayant été de combattre Pélage, notre opinion, en lui donnant un sens droit, ne peut s'éloigner plus que la vôtre de celle d'Augustin: en d'autres termes, s'il est vrai que nous avouons tous que c'est gratuitement et grâce à la miséricorde de Dieu que les prédestinés le sont, Augustin donne là-dessus son explication, vous une différente, nous encore une troisième; mais nous, au moins, nous nous séparons d'Augustin avec d'autant plus de sécurité que nous suivons les traces de tous les autres Pères; tandis que pour vous, l'abandon que vous faites de saint Augustin est d'autant plus dangereux, que vous vous éloignez et écartez davantage, en solitaires, de tous les autres..

  A023000156 

 Mais, disent-ils, nous sommes d'accord avec Augustin sur le point principal de toute la question, à savoir en niant que la prédestination ait une cause: ce qui suffit.

  A023000156 

 Nous aussi, à la vérité, nous sommes d'accord avec lui, car nous savons que le but poursuivi par Augustin a été par dessus tout de combattre Pélage: celui-ci [6] enseignant que nous méritons le salut par le seul usage de notre libre arbitre, Augustin, pour l'attaquer avec plus de force, a nié qu'il y ait en nous une cause à la prédestination.

  A023000156 

 Si nous nions, nous aussi, l'existence d'une cause à la prédestination de notre part, en tant que cette part est bien nôtre, nous avons le droit d'être considérés comme d'accord avec Augustin.

  A023000170 

 Par vérités naturelles nous entendons celles qui peuvent être tirées des objets sensibles..

  A023000184 

 Quand nous parlons du salut auquel conduit l'œuvre moralement bonne, nous voulons dire qu'un empêchement majeur est supprimé: l'homme a moins d'entraves pour arriver au salut, puisqu'il agit moralement bien.

  A023000221 

 L'opinion de Grégoire, [docteur] de Rimini, sur le concours de Dieu donné aux actes mauvais au moyen d'une influence s'unissant à la volonté qui se détermine, et aussi sur son concours aux actes bons au moyen d'une prédétermination de la volonté, cette opinion, dis-je, ne me satisfait pas, parce qu'elle supprime presque la liberté dans les actes bons, comme nous le dirons mieux plus loin.

  A023000222 

 Dans le second cas, elle ne doit pas toujours être mise en ligne de compte; dans le premier, il devient nécessaire pour nous, en son absence, de faire le mal, au moins si nous agissons.

  A023000222 

 Je l'explique autrement: ou bien la détermination en question est tout à fait nécessaire pour que nous fassions un acte bon, ou bien elle ne l'est pas.

  A023000222 

 Par suite, ce ne serait pas Seulement une permission que nous aurions à l'égard du mal à accomplir; car la permission est indifférente aux deux termes de l'opposition, et toutes les fois qu'il est [11] en notre pouvoir de nous déterminer à un acte mauvais, il est aussi en notre pouvoir de nous déterminer à un acte bon..

  A023000255 

 FRANÇOIS — Pourquoy a il voulu que nous fussions ainsy nommés? [13].

  A023000256 

 BERNARD — A fin de nous honnorer de ce nom, et nous induire a le suyvre et a imiter sa sainte vie..

  A023000258 

 BERNARD — Elle marque la grace que nous recevons dans ce saint Sacrement..

  A023000266 

 BERNARD — L'unction sur l'estomach est pour nous embraser en l'amour de Dieu; celle sur les espaules est pour nous fortifier a porter la charge des commandemens et des ordonnances divines; celle sur le front, a fin que, publiquement et sans honte ni crainte, nous confessions la foy de Nostre Seigneur Jesuschrist..

  A023000268 

 BERNARD — Pour un accroissement de graces de force et d'esclaircissement pour comprendre et accomplir tout ce que nous devons sçavoir et fayre pour nostre salut..

  A023000305 

 Si je considere sur vos saintz autelz, o mon Sauveur, mon Dieu, vostre tres sacré Cors, que vous aves assaysonné par tant de miracles pour nous nourrir en ces desers, et que, tout ravy en admiration, autre ne me demeure en bouche que ceste protestation de mon insuffisance: Qu'est cecy? qu'est cecy? Manhu? manhu? o Seigneur, regardes a moy! mon jugement naturel, ma chair, mes sens, me livrent [18] mille assautz: Hé, ce me disent ilz, comme se peut il faire que le Sauveur aye donné sa chair a manger? O que ceste parolle est dure! et qui la peut ouyr ni croyre?.

  A023000310 

 N'y a il pas troys Personnes, Pere, Filz et Saint Esprit, en une mesme, simple et seule essence? La foy qui a digeré ceste sauveraine difficulté, quelle peyne peut elle avoir a croyre qu'un seul cors soit en plusieurs lieux? Dieu ne veuille que je face comme ces rebelles qui mesdisoyent de sa divine Majesté, disant: Pourra il nous dresser une table au desert? Ce que je ne pourray mascher de cest Aigneau paschal, je le jetteray dans le feu du pouvoir infiny de ce Pere tout puyssant auquel je croy.

  A023000324 

 C'est luy qui, pouvant visiter en mille autres façons les siens qui estoyent au sein d'Abraham, descendit toutesfois es enfers pour les visiter en la reelle presence de son ame; ce n'est merveille si, pouvant nous nourrir en plusieurs autres manieres, il a choysi la plus chere, admirable et aymable, qui est de nous donner en viande sa propre chair..

  A023000325 

 Que si, par la resurrection, il a delivré son cors des qualités grossieres de passibilité, pesanteur, espesseur et obscurité et autres semblables, si qu'il a traversé la pierre, est entré les portes fermëes (ce qui ne s'est peu faire sans mettre deux cors en un lieu, en sorte que l'un n'en occupast point); s'il s'est rendu, invisible, impalpable, imperceptible et sans occuper place, pourquoy ne sera il, en ce saint Sacrement, invisible et sans occuper lieu, puysqu'il a dict qu'il y estoit? A quel propos rechercherions nous plus en luy les conditions d'un cors mortel et corruptible?.

  A023000328 

 Trouverons nous estrange que ce cors vienne reellement et de fait, quoy que surnaturellement, dans les nostres, puysque, plus leger qu'un oyseau, outrepassant toutes les regles d'un cors humain, il est monté sur tous les cieux? «Il est assis a la dextre de Dieu le Pere,» sur tous les cieux, ou il n'occupe plus ni lieu ni place; car, quelle superficie peut environner le cors qui est au pardessus de tout autre cors? Pourquoy ne sera il bien icy bas sans tenir ni remplir aucun heu ni aucune place?.

  A023000340 

 Et si nous ne mangions qu' une mesme viande spirituelle par foy, quelle plus grande communion auroit le Chrestien avec les autres Chrestiens qu'avec les anciens Juifz qui mangeoyent aussy Jesuschrist par foy, et par consequent une mesme viande spirituelle? N'avons nous rien plus qu'eux?.

  A023000340 

 Mays y a il plus parfaitte communion des Saintz que celle cy, en laquelle nous sommes tous un pain et un cors, d'autant que nous sommes participans d'un mesme pain qui est descendu du Ciel, vivant et vivifiant? Et comme mangerions nous tous d'un mesme pain, si ce pain n'estoit le Cors de Jesuschrist? autant de lieux, autant de pains divers y auroit il.

  A023000357 

 Nous avons l'original en papier.» Et au Livre III de la même Histoire, p. 140, il parle en ces termes de la composition de l'ouvrage:.

  A023000362 

 Des preuves que nous allons exposer, se dégagera la conclusion finale..

  A023000365 

 — Habert ( La Vie du Cardinal de Berulle, Paris, Camusat et Le Petit, 1646), pariant des ouvrages du fondateur de l'Oratoire, dit: «Le premier a esté celuy de l' Abnegation interieure... En suite on le pressa d'escrire celuy... des Energumenes, pour deffendre, à propos d'une possedée qu'il exorcisoit, la verité des possessions en general... Il est vray que ce traité, qui peut passer pour une merveille d'esprit, de doctrine et d'éloquence, ayant esté imprimé sans nom, a esté attribué au Bien-heureux Evesque de Sales... Une copie que M. de Berulle avoit envoyée A ce Bien-heureux Prelat pour luy en demander son sentiment, s'estant trouvée apres sa mort parmy ses papiers, avec quelques remarques faites de sa main, donna sujet de croire que l'original estoit à luy... Mais le digne neveu et successeur de ce grand Prelat, M. de Geneve que nous avons aujourd'huy, ne s'est pas plutost apperceu de cette erreur, que par une lettre escrite au Reverend Pere Gibieuf, il a renoncé pour son Bien-heureux Oncle à ce bien qui s'estoit trouvé dans sa succession; il a voulu, pour user de ses propres tomes, faire restitution à nostre saint Cardinal pour cét autre Saint, quoy qu'il n'en fust pas besoin entre deux grands hommes à qui toutes choses avoient esté communes par l'amitié.» (Liv. III, chap. XII, pp. 818, 819.) — Ainsi, Charles-Auguste lui-même se serait dédit plusieurs années après la publication de son Histoire du Bien-Heureux François de Sales, parue en 1634..

  A023000366 

 — Aucun déposant aux Procès de Béatification du saint Evêque n'a fait mention du Traité qui nous occupe, plus considérable, cependant, que la Briefve Meditation sur le Symbole et les deux Lettres au ministre Viret dont plusieurs témoins ont [28] parlé.

  A023000368 

 Est-ce le manuscrit de celle-ci et un exemplaire de celle-là que l'auteur fit parvenir à notre Saint, ou bien le manuscrit complet de l'une et de l'autre? On ne saurait le dire; Charles-Auguste, nous l'avons vu, le désigne ainsi: « Livre... escrit en partie de sa main propre,» et parle d'un «original».

  A023000378 

 Il a esté donq faict semblable a nous, mays non pas sinon pendant quil luy a pleu..

  A023000378 

 La proposition de saint Pol, que Jesuschrist a esté faict semblable a nous en tout et par tout, hormis le peché, n'est veritable au sens que vous la proposes contre l'intention de l'autheur, car voyci des instances inevitables: Jesuschrist a esté faict en tout et par tout semblable a nous; nous ne sommes point nés d'une vierge, ne marchons dessus les eaux, n'entrons pas en aucun heu les portes fermëes; donques, ni Jesuschrist.

  A023000378 

 La seconde, qu'il a esté semblable a nous, non pour demeurer ainsy perpetuellement, mays pour endurer et souffrir, ayant parfois monstré qu'il n'estoit suject a demeurer en la condition de ceste nostre mortalité et infirmité, marchant sur les eaux, jeusnant quarante jours, se transfigurant, sortant du sepulchre, entrant les portes fermëes.

  A023000378 

 Qui ne voit ceste absurdité? Il faut donques entendre la generale proposition de saint Pol avec ces deux declarations: l'une, que Nostre Seigneur a esté faict semblable a nous, mays non pas en semblable façon; car il a esté faict par l'operation surnaturelle du Saint Esprit, et nous par l'operation naturelle de l'homme.

  A023000383 

 Mays quand il parle en particulier du cors de Jesuschrist, disant qu'il est «in aliquo caeli loco [34] propter veri corporis modum,» conforme au dire de saint Pierre, il ne faict rien contre nous, car les bons entendeurs sçavent qu'il y a difference entre estre en un lieu, et occuper un lieu ou place; tesmoins les Anges et les ames.

  A023000386 

 Ce pendant, prenes garde qu'admettant ouverture au ventre de la Vierge, vous vous rendes coulpable de l'haeresie de Jovinien et que, nous accusant de nier la verité du cors de Nostre Seigneur, vous ne faites rien que ce qui a esté faict contre les plus anciens Catholiques, ainsy que tesmoigne saint Augustin.

  A023000399 

 Mais cela destruit bien la consequence que vous tiries de saint Pol, disant Jesuschrist avoir esté faict semblable en tout et par tout a nous, hormis le peché, dont vous faisies conclusion: donques il n'a pas esté faict outre l'ordre naturel; car ces instances monstrent evidemment quil faut entendre le texte de saint Pol comme je vous ay declairé..

  A023000410 

 Nous sçavons fort bien les fondemens pretenduz de [41] l'Escriture, des Brentiens et autres reformés Ubiquitaires, a la façon de les combattre.

  A023000411 

 Mays c'est l'ordinayre des vostres de nous imposer des opinions que nous detestons infiniment, comm'est celle ci, d'un cors phantastique en Nostre Seigneur et de l'ubiquité.

  A023000412 

 Quand a l'observation de la Loy, argumentum hoc non est extra rem, car je dis que si bien Nostre Seigneur non aperuisset vulvam, neanmoins ceste Loy luy compete, non ex rei veritate, sed ex communi hominum existimatione; lesquelz tenoyent que more aliorum conceptus et natus esset, unde etsi ea Lege non teneretur, eam [42] tamen adimplevit, non tam «propter necessitatem» quam «propter consuetudinem.» Et quant a la pleige quil avoit prise pour nous, il s'en acquitte en sa Passion, et tres abundamment..

  A023000450 

 Et que dires vous a ce que le mesme saint Augustin escrit: Que cest adversaire de la Loy et des Prophetes demeure «en arriere avec ses semblables, qui dirent: Ceste parolle est dure, et qui la peut ouyr? Car nous autres, d'un cœur fidele et de la bouche, nous recevons Jesuschrist nous donnant sa chair a manger et son sang a boire, encores qu'il semble plus horrible de manger la chair humaine que de la massacrer, et de boire le sang humain que de le respandre.» Voyla comme saint Augustin ne çourt pas soudain aux figures, et dict aussi qu'on reçoit «d'un cœur fidele et de bouche» les choses qui, de prime face, semblent absurdes..

  A023000460 

 Quel autel donques est celuy la que nous avons de plus qu'eux?.

  A023000460 

 Saint Pol proteste que nous avons un autel duquel n'avoyent puissance de manger ceux qui servoyent au tabernacle.

  A023000493 

 Quelle origine que le mot d'adoration aÿe eü, si est il certain qu'il ne veut dire autre que faire reverence, profession de submission ou honneur a celuy que nous reconnoissons avoir quelque praeeminence.

  A023000494 

 Et de fait, saint Augustin tesmoigne que nous autres Latins n'avons point de simple mot latin pour signifier la veneration deuë a Dieu seul, mais avons emprunté et approprié a cest effect le mot grec latrie, faute d'autre plus commode.

  A023000555 

 Ce moyen est trop adventageux pour les ministres, non pour la substance du moyen, car elle n'est pas autre que celle de celluy de la conference reduicte par escrit, [62] mais pour plusieurs circonstances; car les ministres sont tousjours en grand nombre, dans Geneve, ensemble, pour s'entraider et entreprester la main les uns aux autres, la ou, de nostre cousté, nous ne pouvons demeurer longuement plusieurs ensemble.

  A023000555 

 Ilz sont en lieu ou ilz peuvent empecher que noz escritz ne soyent ni veuz ni sondés, mais les leurs; qui seroit un brave moyen pour nous faire condamner entre les leurs: la ou nous n'avons telles commodités..

  A023000592 

 C'est donc d'eux seuls que nous nous occuperons, car des autres, si ce n'était par les livres et renommée, nous ignorerions presque jusqu'au nom..

  A023000592 

 Nous laissons de côté les autres nombreux, pour ne pas dire innombrables, démons de moindre importance.

  A023000593 

 Du reste, les édits de nos Princes et les nombreux décrets de notre Sénat touchant la religion (édits et décrets que nous n'avons pas [69] jugé à propos de transcrire ici, parce qu'ils ont été imprimés) flétrissent et poursuivent non seulement les luthériens et les calvinistes, mais tous les autres hérétiques, comme sont évidemment tous ceux qui, sous un nom quelconque, ont abandonné la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, et dont les erreurs ont été frappées d'un très juste anathème par le saint Concile de Trente agissant sous l'impulsion du Saint-Esprit..

  A023000595 

 Nous laissons à dessein le reste aux théologiens qui ont traité en si grand nombre et si bien ces matières ex professo.] Nous citerons les paroles mêmes de Luther et de Calvin, afin que n'aient pas le droit de se plaindre d'une invention ou d'un changement de notre part, ceux qui croiront difficilement cette chose en vérité incroyable, qu'un esprit humain ait pu imaginer des impiétés si absurdes et si clairement diaboliques, et des absurdités si impies qui ont cependant réussi à gagner tant d'adeptes.

  A023000595 

 Nous pouvons, en effet, affirmer en toute vérité que rien n'a été fait par nous en cela qui ne soit permis à tout homme pieux et chrétien; nous avons, dans une affaire de si haute importance, apporté les précautions nécessaires pour n'encourir en aucune façon les très justes censures de l'Eglise, censures que nous craignons et respectons.] [71].

  A023000595 

 [Nous parlerons seulement de quelques-unes de ces caractéristiques et dirons peu de chose de chacune, pour ne pas avoir l'air de prétendre au rôle de théologien avec les savetiers luthériens [70] et calvinistes, nous qui faisons profession de juriste et de rien autre.

  A023000595 

 [Toutefois, nous prions tout d'abord les lecteurs catholiques et pieux de ne pas se scandaliser à notre sujet, comme si nous avions lu, contre les décisions de la sainte Eglise, des livres défendus.

  A023000723 

 Autrement, je le demande, qu'y aura-t-il de certain, qu'y aurat-il de sûr, s'il suffit à un demandeur, même calomniateur, de nier? Nos hérétiques méritent vraiment que nous leur appliquions ce que saint Jean écrit dans son Apocalypse au sujet de ces sauterelles sortant du puits de l'abîme, qui ont, dit-il, à leur tête comme roi, l'ange de l'abîme, qui se nomme en hébreu Abaddon, en grec Apollyon, en latin Exterminans.

  A023000723 

 S'ils font cela pour nous obliger à fournir nos preuves, se croyant eux-mêmes dispensés de prouver quoi que ce soit, en vérité ce sont de bien mauvais, non seulement théologiens, mais jurisconsultes.

  A023000743 

 Ils nient que la mort corporelle du Christ, si le Christ n'avait fait que subir cette mort, nous eût servi en quoi que ce soit: «Rien n'était fait,» dit Calvin, «si tout s'était borné à la mort corporelle du Christ.» Dieu immortel! chaque mot de l'Ecriture rapporte [77] notre salut au sang, à la croix, à la mort du Christ; tous les chrétiens proclament que le Christ a détruit notre mort par sa mort; tous les Saints chantent le cantique de leur rédemption par ces mots: Vous nous avez rachetés, ô Dieu, par votre sang.

  A023000743 

 [Et ces crapauds osent coasser dans leurs mares,] que rien n'a été fait par cette mort vivifiante! Mais Isaïe va jusqu'à dire que nous avons été guéris par la seule meurtrissure du Christ.

  A023000755 

 Et en réalité, quelle sera la certitude et l'autorité des Saintes Ecritures, si l'on supprime la Tradition, puisque cette certitude et cette autorité peuvent se prouver non par le témoignage de l'Ecriture, mais seulement par la Tradition? Pourquoi appellerons-nous Livres canoniques les Evangiles de Matthieu et de Luc, plutôt que ceux de Thomas et de Nicodème? Et si quelqu'un se met à nier cela et à rejeter, avec nos hérétiques, la Tradition non écrite, comment arriverons-nous à trouver une preuve contre lui? En outre, où étaient donc l'Eglise et la foi de l'Eglise pendant tous les siècles où les matières de foi étaient traitées, non par l'écriture, mais seulement par la parole? Est-ce que l'Eglise n'a pas été antérieure aux Ecritures? Dans quel endroit de l'Ecriture trouveront-ils quelque chose qui nous oblige à croire qu'il faut ajouter foi seulement à ce qui est écrit? Que dire du Baptême des enfants; du Dimanche à sanctifier, de préférence à tout autre jour, en remplacement du Sabbat juif; de la création des Anges, et de tant d'autres choses du même genre dont la croyance est très certaine dans l'Eglise, et même parmi tous les [80] hérétiques, mais dont la preuve par l'Ecriture est tout à fait inexistante? C'est bien autrement, et magnifiquement comme toujours, que parle Augustin: «Je ne croirais pas à l'Evangile, si» l'Eglise ne me disait que c'est l'Evangile..

  A023000772 

 Si cela était, pourquoi le Christ notre Seigneur l'aurait-il comparée à une ville située sur une montagne, à un festin, à un bercail, à un édifice construit sur le roc? Pourquoi, en outre, nous renverrait-il à l'Eglise par ces paroles de l'Evangile: Dis-le à l'Eglise? Ne rendent-ils pas le Christ ridicule et imposteur, lui qui nous renvoie à l'Eglise, si celle-ci est invisible et si l'on ne peut l'apercevoir?.

  A023000776 

 Et effectivement, si l'on nous traitait d'une manière assez funeste et inhumaine pour que l'Eglise universelle pût errer en matière de foi et au sujet du vrai sens à attribuer à la Parole de Dieu, quel homme, je le demande, croirait qu'il ne peut errer? Mais celui qui croit qu'il peut errer, comment peut-il être certain de ne pas errer? Ce sera ainsi une conséquence nécessaire, que tous devront marcher dans l'incertitude au sujet de la foi et du sens à attribuer aux Saintes Ecritures.

  A023000776 

 Où se rencontrera donc ce qui doit être pour nous tellement certain et assuré, que si un Ange du ciel voulait nous enseigner le contraire nous ne devrions pas le croire? Et, en effet, qui ne devrait plutôt croire à un Ange du ciel qu'à soi-même, si d'un autre côté l'autorité et la certitude de foi de l'Eglise était supérieure à l'autorité contraire de n'importe quel ange, en admettant, par impossible, qu'il puisse jamais exister une telle autorité contraire?.

  A023000780 

 Ils nient que l'autorité des Conciles, même généraux, soit [85] telle que nous devions y adhérer fermement, à tel point qu'ils affirment le droit, non seulement pour le peuple, mais pour chaque homme privé, de peser et d'examiner la doctrine des Conciles en la confrontant avec l'Ecriture.

  A023000780 

 Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il appartient à tous les chrétiens et à chacun d'eux de connaître et de juger de la doctrine, et cela leur appartient tellement, qu'il faudrait dire anathème à quiconque léserait ce droit le moins du monde Car le Christ a dit: Gardez-vous des faux prophètes... Cette seule autorité suffit contre les sentences de tous les Pontifes, de tous les Pères, de tous les Conciles, de toutes les écoles, qui ont accordé le droit de juger et de décider aux seuls Evêques et ministres, et l'ont, d'une manière impie et sacrilège, arraché au peuple, c'est-à-dire à l'Eglise-reine.» Un peu plus loin il s'en prend au roi Henri: «Et pour faire ici mention de mon Henri et des sophistes qui font dépendre leur foi de la durée des temps et de la multitude des hommes, tout d'abord on ne peut nier que ce soit depuis plus de mille ans que le droit en question a été tyranniquement ravi; car dans le Concile de Nicée, le meilleur de tous cependant, on commençait déjà à faire des lois et à s'attribuer le droit susdit.» Et peu après il ajoute: «Il est hors de controverse que le droit de connaître de la doctrine, d'en juger ou de l'approuver réside en [86] nous-mêmes, non dans les Conciles, chez les Pontifes, les Pères, les Docteurs.».

  A023000782 

 Qui le nie? Toutefois, est-ce parce qu'il veut que chacun juge de leur doctrine, comme le pense Luther? Pas le moins du monde; mais parce que chacun peut facilement se rendre compte de leur personne (comme nous le faisons, pour notre trop grand malheur, à l'égard des luthériens et des calvinistes) [87] au moyen de leurs fruits et de leurs œuvres; car ils viennent et ne sont pas envoyés, ils dispersent les brebis et divisent le troupeau, en sorte que, malgré leurs apparences de brebis, il est facile de reconnaître qu'ils sont au-dedans des loups ravisseurs..

  A023000799 

 S'il faut, en effet, en croire Calvin, l'eau du Baptême n'opère pas «notre ablution et notre salut,» ne contient [90] pas «en soi la vertu de purifier, de régénérer et de renouveler.» Tout ceci cependant est affirmé très clairement par l'Apôtre Paul dans son Epître à Tite, lorsqu'il dit que le Christ nous a sauvés par le bain de la régénération.

  A023000810 

 Quant aux sacramentaires, qui se croient d'autant plus subtils qu'ils sont en fait plus impudents, bonté de Dieu! à quelle abondance follement variée d'opinions et d'expressions ne se sont-ils pas laissés aller lorsqu'ils se sont efforcés d'expliquer les paroles du Christ! Ici la confusion a été plus grande, semble-t-il, que celle que nous lisons avoir régné parmi les bâtisseurs de la tour de Babylone.

  A023000812 

 Cela admis, il reste en outre certainement manifeste que l'addition du verbe grec substantif ( est ), faite d'un commun accord par tous les autres Evangélistes et par [96] saint Paul (celui-ci d'après l'enseignement, non de ses collègues en apostolat, mais du Seigneur déjà monté au Ciel), que cette addition, disons-nous, n'a pas été, faite dans le but d'aplanir la voie à l'interprétation mensongère ci-dessus et de faire croire qu'ils voulaient donner au verbe est le sens de signifie; mais pour exprimer plus ouvertement le même sens que saint Matthieu a exprimé dans la langue maternelle du Christ.

  A023000812 

 En sorte qu'il est impossible à personne, devant tant de mots réunis qui n'expriment que la substance et la vérité de la substance, de douter de l'intention que Notre-Seigneur Jésus-Christ a eue, en instituant son Sacrement, de parler de son corps véritable et réel, celui-là même qui ensuite fut donné et livré pour nous sur la croix, non en figure et signification, mais vraiment et réellement, afin que toutes les figures de l'Ancien Testament prissent fin avec la consommation de l'oeuvre de la rédemption..

  A023000812 

 Or, voici ses expressions: Prenez et mangez ce mien corps, sans addition du verbe être ou de tout autre semblable auquel les sacramentaires puissent substituer et nous imposer leur signifie.

  A023000812 

 Quant à la première, [ses misérables défenseurs méritent vraiment d'être plutôt renvoyés à l'école de grammaire qu'à celle de théologie, pour y recevoir les verges toutes les fois qu'ils nieront que le verbe être désigne la vérité de la substance, non sa simple signification.] Mais que diraient ces partisans de métaphores s'ils avaient vu le texte hébraïque de saint Matthieu? Ce dernier, qui a écrit son Evangile dans la langue même dont se servait Notre-Seigneur Jésus-Christ lorsqu'il instituait le Sacrement et lorsqu'il conversait avec les hommes sur terre, a dû nous transmettre la formule d'institution qui mérite d'être préférée aux autres et doit fixer davantage notre attention.

  A023000813 

 Pour enlever tout doute à ce sujet, nous avons un grand nombre de miracles, attestés en de multiples relations historiques, où telle ou telle hostie consacrée, sacrilègement profanée, ici par un Juif perfide, là par un hérétique impie, a répandu du sang: miracles dont la vérité apparaît encore de nos jours aux yeux des habitants de Paris, de Dijon et de nombreux endroits de l'univers chrétien.

  A023000817 

 Mais à qui serait-il donné pour nous, si ce n'était au Père tout-puissant? Et pour que personne ne puisse penser que c'est bien un sacrifice, mais [99] non une hostie de propitiation, le Christ a ajouté en propres termes: en rémission des péchés.

  A023000817 

 Notre foi est surabondamment établie par la parole ci-dessus, prononcée par la bouche du Seigneur, qui prouve avec la plus grande force et évidence que l'Eucharistie n'est pas uniquement un Sacrement devant nous être présenté, mais encore un Sacrifice devant être offert pour nous..

  A023000817 

 Quoi de plus clair, en eflet, que ces paroles: Ceci est mon corps qui est donné pour vous; Ceci est mon sang qui est répandu pour vous et pour plusieurs en rémission des péchés? Sans nul doute, ce corps très saint est donné, non pas seulement à nous en Sacrement, mais aussi pour nous en Sacrifice.

  A023000818 

 Je me contenterai de mentionner cette affirmation retentissante des novateurs, que ceux-ci présentent comme quelque chose de nouveau et d'inouï pour nous: à savoir, qu'il y a une oblation unique, par laquelle le Christ a procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont sanctifiés.

  A023000818 

 Tant est juste ce que Tertullien a écrit: «Le démon a varié ses moyens pour attaquer la vérité; il a parfois affecté de la défendre pour l'abattre.» Pareilles sont ces autres conclusions de nos hérétiques: La foi justifie, donc la charité ne justifie pas; la justice du Christ nous est imputée, donc il n'y a en nous aucune justice; le Christ a mérité pour nous, donc nous n'avons aucun mérite; le Christ est souverain Pontife, donc il n'y a dans l'Eglise aucun souverain Pontife, vicaire du Christ; le Christ est l'unique médiateur de rédemption, donc il n'existe aucun médiateur d'intercession; le Christ a jeûné pour nous, donc nous ne devons pas jeûner; enfin, pour ne pas tout énumérer, le Sacrement est un signe, donc dans le Sacrement il n'y a aucune réalité.

  A023000819 

 Mais auprès des savants et de ceux qui sont davantage versés dans la connaissance, soit de la théologie, soit de la logique, tous ces raisonnements sont parfaitement ridicules; car les gens instruits savent qu'il nous faut, au contraire, raisonner ainsi: La foi justifie, donc bien plus la charité justifie, elle sans laquelle la foi est morte; la justice du Christ nous est inciputée, donc une réelle et vraie justice est produite en nous; le Christ a mérité pour nous, donc nous avons des mérites que nous ont valus les mérites du Christ; le Christ est souverain Pontife, donc parmi ceux qui pour le moment le remplacent, il faut qu'il y en ait un qui soit souverain Pontife; le Christ est l'unique médiateur de rédemption, donc il peut et il doit y avoir de nombreux médiateurs d'intercession, qui, avec nous et pour nous, implorent de lui qu'il nous applique le prix et l'efficacité de sa rédemption; le Christ a jeûné pour nous, donc à plus forte raison devons-nous jeûner à son exemple et imitation; le Christ est ressuscité et monté aux cieux, donc nous aussi, si nous sommes non pas seulement fidèles, mais aussi élus, nous ressusciterons et monterons aux cieux, selon le raisonnement de Paul dans son Epître aux Thessaloniciens; enfin, il y a un signe dans le Sacrement, donc il faut que la chose signifiée y soit aussi.

  A023000820 

 Par conséquent, la différence n'est que dans la manière et la forme, puisque, comme nous l'avons dit, la chose offerte est le même Christ; mais sur la croix il est offert dans sa propre apparence et forme, d'une manière sanglante, tandis que dans l'Eucharistie, il l'est sous l'espèce du pain et du vin, selon l'ordre de Melchisédech, d'une manière non sanglante.

  A023000821 

 Ainsi le soleil, par un acte unique et continu, offre et communique sa lumière au monde inférieur, et n'est aucunement affecté en lui-même par l'alternance des nuits et des jours, bien que, par rapport à nous, la diversité des nuits et des jours nous fasse distinguer en lui un cours sans cesse recommencé dans son unité.

  A023000821 

 De manière que cette oblation s'opère, de la part du Christ, non plusieurs fois ou [103] par des actes réitérés, mais par un acte unique que ne vient interrompre aucune cessation, bien que, par rapport à nous et à notre ministère, et par rapport aux actes extérieurs, cette oblation soit plutôt répétée que continue, tout en méritant toujours d'être considérée comme une même oblation.

  A023000822 

 Cependant, lorsqu'ils passent au sacrifice de la Croix, ils lui enlèvent toute force et vertu, en affirmant, comme nous l'avons dit ci-dessus, que rien n'a été fait par lui, et ils réduisent toute l'œuvre de notre rédemption à je ne sais quels supplices de l'enfer dont il n'est pas fait la moindre mention dans l'Ecriture tout entière.

  A023000834 

 En voulant ramener cette communion à l'union d'une même foi avec nous, Calvin agit en homme très ignorant et très irréfléchi, puisque les Saints, étant en possession de la béatitude, ne doivent plus être appelés croyants, mais voyants: la foi, en effet, au témoignage de l'Apôtre, disparaît dans les Bienheureux..

  A023000834 

 Ils nient que les bienheureux Saints doivent être invoqués par nous, et conséquemment ils nient que Dieu ait permis aucun commerce de nous à eux ou d'eux à nous: en quoi ils détruisent, [107] autant qu'ils le peuvent, cette «communion des Saints» que tous les Apôtres ont enseignée d'une même voix.

  A023000836 

 Du soin que prennent de nous les Saints.

  A023000838 

 Ils nient que les Saints s'occupent de nous et connaissent ce qui nous intéresse.

  A023000840 

 De la sollicitude que nous devons exercer envers les morts.

  A023000842 

 Et saint Augustin, dans tout son livre intitulé: De la sollicitude que nous devons exercer envers les [109] morts, a-t-il lait autre chose que nous apprendre, par le titre même du livre, que les prières des vivants aident ceux qui sont morts dans le Christ?.

  A023000842 

 Ils nient que nous devions nous occuper des morts; ils nient que les âmes des défunts soient aidées par les prières des vivants, et qu'il soit laissé aux morts un lieu où ils puissent obtenir la rémission de leurs péchés.

  A023000908 

 Parole [127] enim ejus gallica haec sunt: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos peches, nous ne pouvons estre damn6s non plus que luy.» Horresco referens! et quis non horrescet, sive legens, sive audiens?.

  A023000937 

 Et si, en outre, ils ont l'air d'affirmer quelque chose au sujet de ce que nous croyons en commun avec eux, c'est d'une manière privative, putative et chimérique.

  A023000937 

 L'art de nier leur plaît tellement, que même en affirmant ils nient et, suivant la parole de Tertullien rapportée plus haut, «tout en croyant, ils ne croient pas.» Je vais exposer séparément quelques-uns des points qui s'offrent à nous..

  A023000946 

 Ils ne veulent pas, en effet, que les péchés soient effacés, lavés, éloignés de nous, chassés; que l'âme soit purifiée, blanchie, lavée, illuminée; que le cœur soit nettoyé, créé, renouvelé (toutes choses que l'Ecriture affirme si souvent): mais ils veulent que les péchés restent, sans être cependant imputés; qu'ils soient couverts, non effacés; cachés, non enlevés.

  A023000950 

 De cela on trouve presque autant de témoignages que de paroles dans les Saintes Ecritures: La charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné: Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.

  A023000950 

 Ils affirment que l'impie est justifié par la seule imputation de la justice du Christ, en sorte qu'il n'y a en nous aucune justice provenant du Christ, mais que nous est seulement imputée celle qui est dans le Christ, non en nous.

  A023000950 

 Par cette affirmation ils nient la force et l'efficacité de la justice du Christ, qui se montre surtout en ce qu'elle nous est utile non seulement par son imputation, mais par une dérivation et une infusion d'une justice formelle dans nos cœurs, en sorte que, non seulement n ous soyons appelés enfants de Dieu, mais aussi que nous le soyons; que, par conséquent, nous ne soyons pas seulement justes de nom et de réputation, mais en réalité et en effet.

  A023000954 

 Ils affirment que la foi seule nous justifie, niant par cette affirmation que la charité et ses œuvres justifient en même temps.

  A023000955 

 Aussi est-ce avec raison que Luther s'étonne de lui-même et s'exclame ainsi: «Cette théologie, qui est la nôtre, contraire à la raison, est étonnante et absurde, à savoir que je ne sois pas seulement sourd à la loi et délivré d'elle, mais que j'y sois entièrement mort.» Et un peu après: «Nous répondrons avec Paul que nous méritons le nom de justes par la seule foi dans le Christ, non par les œuvres de la loi ou la charité.» Où donc Paul a-t-il ajouté les mots: «ou la charité», que tu ajoutes de toi-même, ô Luther? [116].

  A023000961 

 Nous leur dirons avec Paul: Quel accord y a-t-il entre la lumière et Bélial? [118].

  A023000965 

 Par suite ils nient que nous soyons tenus ou liés par aucune loi; car, suivant la règle de notre Droit, «les choses impossibles ne créent aucune obligation,» et personne ne peut justement exiger de nous plus que nous ne pouvons faire, sans être un bourreau excessivement dur et tyrannique.

  A023000974 

 La voie est étroite, il faut y entrer seul si tu veux y passer et pénétrer dans le rocher; ceux qui sont tout garnis de leurs œuvres, comme les pèlerins de saint Jacques de leurs coquilles, n'y peuvent pénétrer; si tu es chargé des lourdes pierres de tes œuvres, tu ne passeras pas avant de t'être déchargé de ton fardeau.» [121] Et ailleurs: «La justice de la loi, même du Décalogue, est impure et abolie par le Christ.» Qui t'a donc révélé, ô Luther, ces paroles du Christ? Car tu ne les as pas trouvées dans l'Evangile, où rien n'est si fort recommandé par le Christ que l'observation des commandements, si nous voulons entrer dans la vraie vie, et où il promet de donner une récompense, non aux croyants, mais aux ouvriers..

  A023000990 

 Par cette affirmation, ils nient l'enseignement de toute l'Ecriture, à savoir, que nous devons faire notre salut avec crainte et tremblement, nous efforcer de rendre certaine notre vocation par les bonnes œuvres, et ne pas être sans crainte au sujet du péché même pardonné.

  A023000994 

 En outre ils nient et renversent ce que l'Ecriture dit de la bonté et de la justice de Saul et de Salomon, puisque nous sommes très certains de la réprobation du premier et très incertains du saint du second.

  A023000995 

 Dans les premières, en effet, non seulement il est affirmé que «le royaume des Cieux ne peut, pas plus nous manquer» qu'au Christ, ce que porte expressément la dernière édition, mais que nos péchés [127] ne peuvent pas plus nous faire condamner qu'ils ne peuvent faire condamner le Christ lui-même.

  A023000995 

 Mais écoutons, je vous prie, au moyen de quelle belle et juste comparaison Calvin explique sa doctrine: «Il suit de là que nous» devons «nous promettre avec certitude que la vie éternelle est [126] nôtre, puisque» le Christ «en a hérité, et que le royaume des Cieux, où il est déjà entré, ne peut pas plus nous manquer qu'à lui-même.

  A023000995 

 Nous ne pouvons de nouveau être condamnés pour nos péchés, puisqu'il a voulu se les faire imputer comme s'ils étaient siens.» Toutefois, en cet endroit il faut remarquer que dans les premières éditions, surtout françaises, cette doctrine est exprimée plus durement que dans l'édition postérieure de 1602.

  A023000995 

 Voici les paroles françaises: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos pechés, nous ne pouvons estre damnés non plus que luy.» C'est avec horreur que je cite! et qui lira ou entendra ces paroles sans horreur?.

  A023000999 

 «Grégoire,» dit Calvin, «a fait chose très mauvaise et pernicieuse en assurant, dans son homélie XXXVIII e, que nous sommes seulement sûrs de notre vocation, non de notre élection, et en exhortant, par conséquent, tout le monde à la crainte et au tremblement.» Par cette affirmation ils nient que l'espérance et la crainte puissent se trouver chez les prédestinés; car, qui peut craindre la perte d'un bien qu'il est sûr de ne pouvoir perdre? En nous exhortant à la crainte et au-tremblement, que fait le grand et jamais assez loué saint Grégoire, si ce n'est de nous donner le même [128] conseil que nous donnent à chaque page les Saintes Ecritures? Car, pourquoi pensons-nous que l'Evangile loue Siméon, non seulement de ce qu'il était juste, mais aussi de ce qu'il était timoré, sinon pour nous faire comprendre que la justice doit avoir pour compagne continuelle cette crainte sainte, non celle qui est servile, mais celle qui est filiale? Aussi, que nos hérétiques mentent tant qu'ils voudront en s'appelant justes; il suffit pour faire apparaître leur mensonge, qu'ils ne veuillent pas se dire timorés, même au prix d'un mensonge.

  A023001004 

 Calvin ajoute que le Christ souffrit «de cruels et horribles tourments,» — «on ne peut,» dit-il, «imaginer abîme plus épouvantable que de se sentir abandonné et rejeté de Dieu» — «lorsqu'il connut que, à cause de nous, il se tenait en qualité de coupable devant le tribunal de Dieu.».

  A023001008 

 Aussi, après saint Jérôme, disons-nous que dans le Christ il n'y a pas eu des passions, mais des «propassions»..

  A023001012 

 Nous avouons, en vérité, que le Christ enfant, pour ce qui regarde l'exercice et les œuvres externes, a grandi en sagesse [132] et en grâce; toutefois nous affirmons, en outre, qu'en lui étaient les trésors de la sagesse, même lorsqu'il ne les montrait pas encore, et qu'il les conservait pour lui-même, avec l'intention de les dévoiler, en son temps, devant le peuple de Dieu.

  A023001017 

 Nous en avons assez dit au sujet de la première caractéristique de l'antichristianisme, qui montre bien ce que sont nos hérétiques, et qui consiste à tout nier, à ne rien affirmer, ou à n'affirmer que d'une manière négative et purement vide de sens, comme disent les jurisconsultes.

  A023001045 

 Luther, au contraire, avoue ouvertement avoir été appelé par une vocation, non extraordinaire, mais ordinaire et médiate: [135] «Nous sommes donc,» dit-il, «appelés, nous aussi, non pas, à la vérité, immédiatement par le Christ comme les Apôtres, mais par un homme.» Et lorsqu'il explique de quelle manière il a été appelé par un homme, il dit ceci: «Quand un prince ou un autre magistrat m'appelle, je puis me glorifier avec certitude et confiance d'être, par la voix d'un homme, appelé sur l'ordre de Dieu; c'est là, en effet, le commandement de Dieu par la bouche du prince, qui m'assure de la vérité et de la divinité de ma vocation.» Ailleurs il enseigne que «l'appel autrefois était fait par les Apôtres, qui ont choisi leurs successeurs, comme,» dit-il, «ces successeurs sont encore appelés, même par les puissances charnelles et les magistrats, ou par les communautés.» Vous voyez ainsi Luther affirmer de sa vocation qu'elle n'est pas, comme celle des Apôtres et des Evangélistes, extraordinaire, mais ordinaire et médiate, et qu'elle dérive, non des Evêques ou des personnes ecclésiastiques, mais «des magistrats charnels;» c'est là sa propre expression..

  A023001053 

 Cette forme de vocation s'est continuée jusqu'à nos temps et persistera jusqu'à la fin du monde; et elle est médiate, parce qu'elle se fait par le ministère humain, bien qu'elle soit divine.» Et Calvin: «Il nous reste,» dit-il, «des Evêques et des curés; puissent-ils faire tous leurs efforts pour s'attacher à leur ministère, car volontiers nous concéderions que ce ministère est bon et excellent, pourvu toutefois qu'ils s'en occupent.» Et ailleurs: «Nous voyons aujourd'hui comment les papistes s'attribuent avec arrogance le nom d'Eglise, sous prétexte de la succession ininterrompue qu'ils mettent en avant.

  A023001053 

 Et à la vérité, nous sommes forcés d'avouer que le ministère ordinaire est de leur côté; mais comme ils ont abusé de leur pouvoir, nous pouvons nous moquer de leurs prétentions.» Quant à Mornay, puisqu'il fait dériver de nos Evêques la mission de Luther et de ses disciples, ne reconnaît-il pas par là très ouvertement la vocation de nos Evêques? Aussi Calvin avait-il raison, plus même qu'il ne le croyait, lorsqu'il disait que «dans les églises régulièrement constituées» il n'y a pas place pour sa mission ni celle des siens..

  A023001054 

 C'est le cas d'interpeller nos réformateurs apostats avec les paroles de Tertullien: «Qui êtes-vous,» vous autres, et «d'où venez-vous?» Qui vous a envoyés évangéliser? «Qu'ils montrent les origines de leurs églises,» ajoute-t-il, «qu'ils déroulent la filière de leurs évêques.» Bien mieux, servons-nous des expressions mêmes de Luther parlant du mode d'appel institué par les Apôtres: «Il ne faut donc pas mépriser la vocation, car il ne suffit pas d'avoir la parole et la pure doctrine, il faut aussi que la vocation soit certaine; celui qui s'ingère sans elle, vient pour égorger et perdre, Dieu ne bénissant jamais le travail de ceux qui ne sont pas appelés.

  A023001054 

 Ceci étant admis, on nous permettra de raisonner ainsi: L'Eglise du Christ a été une fois pour toutes constituée de telle manière [139] que les portes de l'enfer ne puissent jamais prévaloir contre elle; donc, il ne peut y avoir en elle de vocation extraordinaire, si ce n'est en tant qu'approuvée par l'ordinaire, le Christ n'étant pas divisé.

  A023001054 

 Nos hérétiques admettent que la vocation ordinaire «durera,» selon l'expression de Luther, «jusqu'à la fin du monde;» donc nous devons ajouter foi à la vocation ordinaire.

  A023001066 

 Et de nouveau, en un autre endroit, à propos du Baptême qui ne doit pas être réitéré aux hérétiques, il écrit ces paroles: «Quoique les Ecritures canoniques ne nous offrent pas d'exemple à ce sujet, c'est cependant encore la vérité de ces Ecritures que nous suivons, lorsque nous agissons selon la volonté de l'Eglise universelle, Eglise qui s'appuie sur l'autorité des Ecritures.» L'Apôtre Paul n'a pu louer plus ouvertement l'autorité de l'Eglise, qu'en l'appelant colonne et base de la vérité.

  A023001122 

 Ailleurs le même Augustin, parlant de Cyprien, de Basile, d'Hilaire et autres Pères: «Tous ces [152] grands hommes» dit-il, «admettent ces vérités [relatives au dogme du péché originel], ainsi que toutes celles conformes à la foi catholique, partout répandue dans le monde, en sorte qu'il suffit de leur autorité pour écraser votre nouveauté, bien fragile et bien subtile; outre que leurs enseignements sont tels que la vérité atteste parler elle-même par leur bouche.» Et de nouveau un peu plus loin: «Ce qu'ils ont trouvé dans l'Eglise, ils l'ont retenu; ce qu'ils ont appris, ils l'ont enseigné; ce qu'ils ont reçu de leurs pères, ils l'ont transmis à leurs fils.» Nous en disons aujourd'hui autant de toi, grand Augustin, et de tes contemporains, contre ces imposteurs, sans arriver cependant à les faire rougir de leur folie et de leur impudence..

  A023001140 

 Mais le fourbe au cœur double, craignant de se trouver pris au piège de ses propres paroles, ajoute tout aussitôt: «En nous occupant des écrits des Pères nous nous trouvons dans une situation telle, qu'il faut toujours nous souvenir que nous avons le droit de prendre pour nous tout ce qui peut nous être utile, sans abdiquer notre liberté d'action.

  A023001184 

 En matière de foi, ils ne disent rien contre les catholiques qui ne soit nouveau, ou au moins renouvelé des hérésies anciennes et passées de mode, comme cela résulte très clairement de tout ce que nous avons dit jusqu'ici, et encore [160] plus de ce qu'a écrit sur ce sujet l'Illustrissime Cardinal Bellarmin dont on ne louera jamais assez les mérites.

  A023001184 

 Or, nous voyons quelle ardeur déploient nos novateurs pour introduire et établir des nouveautés.

  A023001185 

 Dans ce combat nous avons commenté nombre de textes scripturaires, et si nous n'avions pas ainsi ouvert la voie, il est à croire qu'ils n'auraient compris rien du tout au Christ ou à l'Evangile, tant s'en faut, je pense, qu'ils eussent pu par leurs propres efforts secouer le joug pontifical; ou bien, s'ils en avaient trouvé le moyen, la force d'âme leur eût tout à fait manqué.

  A023001185 

 «Tout d'abord,» dit Luther, «j'étais seul, et certes tout à fait dépourvu d'aptitude et de science pour traiter de si grandes choses.» Et peu après: «Tous les allemands, l'esprit en suspens, attendaient l'issue d'une si grande affaire, que personne auparavant, ni évêque, ni théologien, n'avait osé entreprendre.» Cependant le même Luther, peu après le début de la Défense des paroles de la Cène, parlant des sacramentaires, s'exprime ainsi: «Rien n'aide autant cette hérésie que sa nouveauté; car nous autres allemands sommes ainsi faits, que nous nous attachons avec avidité à ce qui est nouveau pour nous.» Et dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, toujours à propos des sacramentaires: «Je n'ai pas jusqu'ici rencontré d'ennemis plus acharnés que ces bons frères, collègues, amis, que nous avons élevés comme [161] des fils dans notre sein, docteurs de sectes nouvelles, j'entends les sacramentaires et autres fanatiques; vois de quelle façon ils nous récompensent.» Et un peu plus loin: «Nous autres au commencement nous nous sommes mis à affirmer et à revendiquer la liberté et l'honneur du Christ, et à foncer sur la tyrannie pontificale.

  A023001186 

 Jusqu'ici nous avons cité Luther, lequel dans la Défense des paroles de la Cène, redit à peu près les mêmes choses.

  A023001190 

 Mais qui ne reconnaîtra plus manifestement et plus expressément la fureur du changement dans Calvin, lorsque, à propos de la Trinité et de ces mots: personne, substance, consubstantiel, il écrit: «Plût à Dieu que ces mots fussent ensevelis dans l'oubli! Au moins on entendrait partout cette profession de foi commune, que le Père, le Fils et l'Esprit» Saint «sont un seul Dieu.» Ailleurs il change le mot de personne en celui de résidence, si nous voulons nous en tenir aux plus anciennes éditions de ses Institutions, surtout aux françaises, celle en particulier que fit Thomas Courteau en 1564.

  A023001191 

 Enfin Luther s'exprime ainsi à propos de ce mot, consubstantiel: «Rien ne sert de m'objecter l'όμοούσιον employé contre les Ariens; ce mot n'a pas été employé par beaucoup, ni par de très illustres personnages.» Et peu après il dit qu'il faut pardonner aux Pères qui, à un moment donné, se sont servis du mot consubstantiel, dont nous nous occupons, mot profane, étranger à l'Ecri ture.

  A023001197 

 Comment, en effet, pourraient-ils s'en dispenser, eux qui avouent que vous avez été fidèles et saints? En outre, pour éviter toute tergiversation possible, je ne parlerai que de ce qui est bien constaté avoir été habituellement pratiqué par l'Eglise pendant les premières cinq cents années de son existence; car Calvin, après Luther, nous fait cette remarque: «Souvenons-nous des cinq cents ans environ pendant lesquels la religion florissait encore dans tout son éclat, et la doctrine plus pure était en vigueur.» Et ailleurs, à propos de l'époque d'Augustin: «C'est une chose hors de discussion que rien n'a été changé dans la doctrine depuis le commencement jusqu'à cette époque-là.».

  A023001198 

 Donc, de peur de ne pas en finir si nous énumérons les textes des anciens Pères qui se présentent de côté et d'autre sur notre sujet, bornons-nous au seul Augustin, que Luther reconnaît pour le [170] meilleur Docteur après les Apôtres, et Calvin, pour un fidèle interprète de la vérité.

  A023001206 

 Qui peut donc avoir le moindre doute sur la question de l'identité de l'Eglise de cette époque avec l'Eglise Catholique Romaine de notre temps? Avons-nous aujourd'hui d'autres paroles, d'autres sentiments? Remarquez l'aspect extérieur, étudiez les traits qu'Augustin, dans ce seul chapitre, a décrits avec tant de soin.

  A023001207 

 En vérité, quels réformateurs, bon Dieu! sont ces gens qui ont méprisé et repoussé comme profanes toutes les pratiques, toutes les œuvres de l'Eglise, tout ce dont celle-ci se parait à son époque de pureté et de sainteté! N'est-ce pas plutôt le nom de déformateurs qui leur convient, et ne doivent-ils pas être considérés, hués et chassés par tout le monde comme d'ineptes et impudents novateurs? Déjà autrefois Tertullien avait écrit ces belles paroles: «Nous avons coutume de récuser les hérétiques comme de date récente.» Pourquoi donc ne récuserions-nous pas aussi les nôtres?.

  A023001207 

 Vous nous avez trop libéralement concédé, ô Luther et Calvin, que l'Eglise de Dieu n'a été déformée par aucune erreur et aucun abus pendant ses cinq cents premières années: quoi, en effet, de plus facile pour nous que de prouver que les Pères de cette époque ont cru exactement tout ce que nous croyons aujourd'hui et qui fait le sujet de nos controverses? Pour que vous ne pussiez plus en douter, deux Illustrissimes Cardinaux, remarquables lumières et ornements de notre siècle, Baronius dans ses Annales Ecclésiastiques, et Bellarmin dans ses Controverses, en avaient fourni la preuve.

  A023001234 

 Aussi avons-nous coutume de dire que le propre des hérétiques est de [178] diviser, comme celui des catholiques de réunir, le Christ étant venu réunir en un seul bercail les brebis dispersées.

  A023001235 

 Combien grossièrement et manifestement le diable nous rit-il au nez!» Voyez, je vous prie, avec quelle élégance et quelle justesse cet homme irascible fait la description de lui-même et des siens, tout en pensant décrire et mordre les autres!.

  A023001235 

 Mais qu'il nous suffise de citer le témoignage de Luther qui, dans son livre contre les sacramentaires, non en passant, mais ex professo, démontre qu'en deux ans se sont fait jour sept interprétations très diverses et hérétiques de ces paroles: Prenez et mangez: Ceci est mon corps.

  A023001243 

 Et les hérétiques de notre temps, non seulement sont divisés de [181] sentiment, mais aussi, comme nous l'avons déjà dit, sont poussés par l'esprit de dissension, car ils ont supprimé tout ce qui pourrait amener la diversité des croyants à l'union ou à l'unité d'esprit et de foi.

  A023001244 

 D'autre part, l'Ecriture Sainte est, d'après eux, l'unique voie pour connaître la vérité et s'entendre; si nous portons nos regards de ce côté, nous arriverons facilement à l'unité de doctrine: c'est ce que crient nos hérétiques.

  A023001245 

 Cependant, jamais exemple n'a été si frappant que celui des hérétiques de notre époque; ces quatre mots de l'Evangile: Ceci est mon corps, ont été, en effet, compris par eux avec une telle diversité et contradiction de sentiments, que déjà de son temps Luther, comme nous le disions tout-à-l'heure, avait observé sept interprétations très dissemblables.

  A023001245 

 Et cependant il nous faut continuellement lutter avec lui.» Et un peu après, à propos de Satan: «Il trouvera le moyen de faire naître par l'Ecriture tant et de si grandes sectes turbulentes, que tu ne sauras plus retrouver l'Ecriture, la foi, le Christ et toi-même.» Et aussitôt, revenant à la même pensée: «Quoique le démon soit forcé de nous laisser tranquilles, cependant il n'a pas oublié ses artifices; car à la dérobée il a semé dans nos assemblées la zizanie, je veux dire les faux frères qui ont embrassé notre doctrine et nos paroles, non pour nous aider à propager l'Ecriture, mais pour attaquer par derrière notre armée, au moment où nous combattons en première ligne, afin d'exciter les foules et nous faire une guerre furieuse.» Et peu après: «Mais il ne cessera pas; il ira plus loin dans une occasion si favorable, et attaquera plusieurs articles de foi.

  A023001245 

 Et déjà ses yeux scintillent [185] annonçant des erreurs au sujet du Baptême, du péché originel et de l'humanité du Christ; d'où se produira tant de confusion dans l'interprétation des Saintes Lettres, tant de dissensions et de sectes, que nous pourrons affirmer avec Paul que le mystère d'iniquité agit maintenant.» Luther voyait bien qu'après lui surgiraient de nombreuses sectes: «Si la machine du monde se maintient encore quelques années, l'on sera obligé, à l'exemple des Pères, de recourir aux moyens humains de défense pour supprimer les dissensions, et l'on fera des lois et des décrets pour obtenir et conserver la concorde dans la religion; ce qui amènera un résultat pareil à l'ancien.

  A023001245 

 «C'est là,» dit-il, «le pire: le diable nous est de beaucoup supérieur en finesse et en [184] puissance; partout il attaque et se défend; si nous recourons à l'Ecriture, il nous y attend aussitôt, et se met à soulever des tas de contentions et de dissensions à son sujet, au point de presque nous dégoûter d'elle et de diminuer notre assentiment et notre confiance en elle.

  A023001246 

 Toutefois, pour ne pas manquer de se montrer hérétique même ici, Luther fait un beau mensonge en appelant «moyens humains de défense» les Conciles; car elle est divine, non humaine, l'assemblée qui commence ses décrets par ces mots: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous. S'il s'agit ici d'un moyen de défense purement humain, où en trouvera-t-on un, je le demande, qui sera divin? Et s'il existe quelque part un autre moyen divin de défense, pourquoi donc Luther fait-il de si grands efforts pour éviter les moyens humains, pouvant s'en procurer de divins et, par le fait même, évidemment meilleurs et plus sûrs que les humains? En vérité, quelqu'un peut-il croire que le Dieu très bon et très grand n'ait pas songé à fournir pour le besoin en question le moyen de défense voulu, moyen, par suite, totalement divin, destiné à conserver l'union et la paix de toute son Eglise? [187].

  A023001296 

 Ce sont des murmurateurs, des gens qui se plaignent sans cesse, qui vivent au gré de leurs convoitises, et leur bouche profère des paroles d'orgueil. Et saint Paul: Si quelqu'un veut contester, pour nous, nous n'avons pas cette habitude, non plus que l'Eglise de Dieu.

  A023001297 

 Or, pour connaître le degré d'arrogance et d'orgueil des hérétiques de notre temps, il nous suffit d'entendre les paroles de leur père Luther.

  A023001297 

 Que celui qui aura le premier dompté l'autre, soit le vainqueur; qu'il vous soit fait selon votre désir.» Et dans le même livre: «Nous n'appartenons pas au Pape, mais le Pape nous appartient; à nous de ne pas être jugés par lui, mais de le juger lui-même: car l'homme spirituel n'est jugé par personne, et juge tout le monde.» [190].

  A023001299 

 Pour montrer jusqu'où va l'esprit de contention et d'entêtement chez Luther, nous apporterons deux exemples, choisis parmi les innombrables que nous pourrions citer.

  A023001301 

 Au sujet de Zwingle, de Carlostadt, d'Œcolampade, de Calvin, pères des sacramentaires et fils de Luther, nous ne pouvons citer de témoignage plus approprié, plus certain et moins suspect que celui de Luther lui-même, lequel affirme que, semblables à Absalon, envieux du royaume et de la gloire de son père, ils ont lancé en avant leurs hérésies.

  A023001308 

 Or, c'est précisément au sujet de l'Ecriture que nous discutons, et elle nous donne très manifestement raison, puisque l'Apôtre a écrit justification et non pas manifestation de la justification.

  A023001309 

 Ne voyez-vous pas l'entêtement? Il exige les Ecritures, nous les fournissons; il les détourne par une interprétation fuyante.

  A023001309 

 Nous [195] lui opposons la vraie, l'authentique, celle qui ressort proprement de la force et de la signification des mots; il ne l'admet pas.

  A023001309 

 On demande qui de nous interprète plus justement, car il n'est pas admissible que quelqu'un soit témoin et juge dans sa propre cause; lui, pour ne pas sembler vaincu, pour en imposer aux vieilles femmes et au vulgaire, il en appelle à l'Ecriture.

  A023001309 

 Pourquoi avez-vous le droit d'examiner leur sentence et leur interprétation, plutôt qu'eux ou nous celui d'examiner la vôtre, et qui sera juge en face d'un droit égal pour tous? S'ils se trompent dans leur interprétation, parce qu'ils ont été hommes, comme vous objectez, pourquoi ne pouvez-vous vous tromper vous-même? N'êtes-vous pas aussi un homme, [ou tout au moins une bête]? Je n'imagine pas, en effet, que vous soyez un ange ou un dieu, ou quelque chose d'inanimé.

  A023001309 

 Qui vous a donc établi leur juge? c'est justement de cela que nous nous enquérons.

  A023001312 

 Ce que nous venons de dire de Luther, doit également se dire de tous les autres hérétiques; car leur nom d'hérétiques leur vient justement de ce qu'ils choisissent pour leur usage une interprétation de l'Ecriture telle que, si elle concorde avec celle des Conciles et de l'Eglise, ils la défendent en se basant, non sur l'autorité de l'Eglise ou des Conciles, mais sur leur propre opinion; si, au contraire, elle est différente, ils la soutiennent contre l'autorité de l'Eglise et des Conciles.

  A023001318 

 Nous apportons encore le texte où le même Augustin écrit que «les âmes des défunts sont recommandées aux prières des Martyrs, lorsque les corps des défunts sont ensevelis dans les lieux consacrés à l'honneur de ces Martyrs et contenant leurs reliques.» Comment nos mauvais plaisants échappent-ils à ces textes? En disant tout simplement que ces choses ont été écrites non avec intention, mais en passant et par inadvertance.

  A023001318 

 Nous apportons un texte tiré de ses Commentaires sur l'Exode, où il enseigne ouvertement que, «par les prières des Martyrs, Dieu pardonne aux péchés de son peuple.» Nous apportons aussi le passage cité plus haut, où il affirme clairement que plusieurs personnes ont été guéries ou aidées par les prières de saint Etienne.

  A023001318 

 Or, nous citons un passage plus remarquable, où Augustin lui-même invoque le bienheureux Cyprien en présentant ainsi son désir: «Puisse-t-il nous aider par ses prières, afin que, par la grâce du Seigneur, nous imitions ses vertus autant que nous le pouvons.» C'est là peu de chose, [199] disent-ils, car Augustin ne s'arrête pas longtemps à ces prières.

  A023001319 

 Ce texte se trouve dans le deuxième Sermon sur l'Annonciation: «O bienheureuse Marie,» dit-il, «obtiens le pardon de nos fautes en priant pour nous, reçois nos prières dans le sanctuaire où elles sont exaucées, et rapporte-nous l'antidote de la réconciliation.

  A023001319 

 Que par toi soit digne de pardon ce que par toi nous présentons; que nous puissions obtenir ce que nous demandons avec confiance.

  A023001319 

 Reçois ce que nous offrons, obtiens-nous ce que nous demandons, éloigne ce que nous craignons, car tu es l'unique espoir des pécheurs; par toi nous attendons le pardon de nos fautes, et en toi, toute Bienheureuse, est l'espérance de notre récompense.

  A023001320 

 Attendez-vous encore ou exigez-vous, vous tous luthériens et calvinistes, que nous vous présentions quelque chose de plus clair? Nous avouons ingénûment que nous n'avons rien et ne pouvons rien imaginer, même si vous nous donniez ce que nous ne demandons pas, le droit d'imaginer à notre fantaisie.

  A023001320 

 Il faut cependant pardonner de bonne grâce à des gens qui se moquent si sottement des écrits des Pères, lorsque nous les voyons en agir ainsi à l'égard des Saintes Ecritures elles-mêmes, qu'ils n'admettent ou ne rejettent que suivant leur propre goût.

  A023001322 

 C'est là un trait commun à tous les hérétiques présents et passés, ainsi que l'a autrefois observé notre Vincent de Lérins: «Lorsque,» dit-il, «ils complotent d'échafauder une hérésie sous un faux nom, le plus souvent ils s'emparent de paroles écrites un peu trop obscurément par quelque ancien, pour que, par leur obscurité même, elles s'accordent en quelque façon à leur enseignement, et afin que le je ne sais quoi qu'ils émettent, ils ne paraissent ni les premiers ni les seuls à l'émettre.» Notre distingué ministre, dont nous venons de parler, appliquant cette façon de faire à tous les passages si clairs d'Augustin que nous avons cités, opposait ce seul endroit où, à propos du Christ, il s'exprime ainsi: «Il est le Prêtre qui, maintenant entré dans l'intérieur du voile, est seul, de tous ceux qui ont porté la chair, à intercéder pour nous.» Ainsi ce docteur subtil voulait montrer une contradiction entre Augustin et [204] Augustin, sans voir que dans le dernier texte il s'agit de l'intercession qui s'opère par la rédemption, ce que le contexte indique très clairement.

  A023001329 

 En voici un exemple dans cet article même dont nous avons écrit un peu plus haut: l'intercession des Saints..

  A023001329 

 Mais ajoutons encore à ces caractéristiques d'opiniâtreté une autre caractéristique ayant quelque rapport avec celles que nous avons examinées plus haut, bien que distincte: à savoir, que nos novateurs sont des disputeurs, comme disait le bienheureux Apôtre [205] Jude, des amis de la contention, pour parler comme Paul, de sorte qu'on a beau répondre à leurs arguments, on ne les satisfait jamais.

  A023001330 

 Ainsi nous disons que les ombrages et les tentes tiennent le milieu entre nous et le soleil, bien que non seulement ils ne soient pas à mi-distance, mais qu'ils soient avec nous à une des extrémités.

  A023001330 

 Aussi ne reconnaissons-nous pas les Saints comme médiateurs, c'est-à-dire comme se tenant entre Dieu et nous, à la manière du [207] Christ, qui est en effet entre Dieu et nous, parce qu'il participe à la fois à la nature divine et à la nature humaine, étant Fils de Dieu et fils de l'homme; mais nous invoquons les Saints, pour que ceux-ci coopèrent aux prières que nous adressons par l'intermédiaire du seul Jésus-Christ notre Seigneur.

  A023001330 

 Comme cependant nous comprenons qu'ils sont, eux, plus agréables au Christ et, en quelque manière, plus rapprochés de lui, étant déjà dans la gloire, la plupart des Anciens les ont appelés médiateurs: non point pour la raison qui fait donner au Christ le nom de Médiateur, parce qu'il occupe vraiment ce que je nommerai le milieu mathématique, mais parce qu'on dit de quelqu'un qui est rapproché d'un autre, même d'une distance minime, qu'il tient le milieu entre cet autre et celui dont il est éloigné davantage.

  A023001330 

 Ils objectent qu'en invoquant les Saints nous donnons au Christ des coadjuteurs.

  A023001330 

 Nous répondons en termes on ne peut plus clairs et précis que nous ne donnons de coadjuteurs, ni à Dieu que nous prions, car nous savons fort bien qu'il n'a pas besoin de coadjuteurs pour faire miséricorde, ni au Christ par qui nous prions, attendu que nous savons que son intercession auprès du Père est toute-puissante; mais c'est à nous qui prions, que nous donnons des coadjuteurs, en ce sens que nos prières sont aidées par celles de nos frères, les pieux et les saints surtout, pour que Dieu les exauce par le seul Christ.

  A023001331 

 Que ce seul exemple nous dispense d'en apporter beaucoup d'autres, car le plan que nous nous sommes tracé ne nous permet pas de nous appesantir davantage sur ce point.

  A023001345 

 Ils se moquent de nous parce que nous baptisons les enfants, que nous prions pour les morts, que nous demandons les suffrages des Saints.».

  A023001346 

 Mais qu'avons-nous besoin du témoignage de Bèze? Le coupable lui-même avoue qu'il a agi et écrit d'une manière inconvenante, de la manière, dit- il, qui convient à quelqu'un qui ne se possède pas.

  A023001347 

 «Si,» dit-il, «nous en venons aux personnes, l'on sait assez quels vicaires du Christ nous trouverons: Jules, Léon, Clément, Paul seront les colonnes de la foi chrétienne et les premiers interprètes de la religion, eux qui n'ont admis au sujet du Christ que ce qu'ils avaient appris à l'école de Lucien.

  A023001348 

 Ecoutez Calvin: «Nous concluons que les papistes ne laissent rien au Christ, eux qui ne comptent pour rien son intercession, si elle n'est pas accompagnée de celle de Georges, d'Hippolyte ou de semblables fantômes.» Ailleurs il ment avec la plus grande effronterie, en accusant les catholiques de ne faire «aucune mention du Christ dans toutes leurs Litanies, Hymnes et Proses où ils ne refusent aucun honneur aux Saints défunts.» Quant à Luther, il fait si bien, dans un certain passage, le procès du bienheureux Thomas d'Aquin, qu'il n'a pais honte de dire de lui qu'il est probablement damné! En somme, ces hérétiques n'ont rien respecté, ni au Ciel ni sur terre; et vraiment il était juste qu'ils [211] n'épargnassent pas le Docteur Angélique, eux qui n'ont épargné ni les Anges ni Dieu lui-même..

  A023001385 

 En effet, même en laissant de côté Chrysostôme et Théodoret, certainement Thomas et Nicolas de Lyre (ce [216] dernier est entre les mains de tous) interprètent ouvertement notre texte dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie, bien que l'opinion contraire ne soit pas entièrement improbable..

  A023001386 

 En quatrième lieu, Luther montre bien son impudence lorsqu'il affirme que le passage cité plus haut du Psaume n'a été compris par personne, parmi les catholiques et les Pères, dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie.

  A023001394 

 Nous avons rapporté plus haut le passage fameux de Luther où celui-ci assure que la Messe lui déplaît tellement, qu'il est prêt à tout nier plutôt que de l'accepter.

  A023001394 

 Pour terminer ce que nous avons dit jusqu'ici, il nous reste à parler du début très honteux et tout à fait horrible de l'hérésie luthérienne.

  A023001395 

 En somme (telle est la conclusion de Luther), nous fûmes délivrés de leurs Messes privées et de l'onction des évêques.».

  A023001396 

 Allons, hommes de cœur, nos oreilles ont entendu, nos yeux ont vu! Voilà donc cette fameuse liberté évangélique que Luther, et, à son exemple, les autres hérétiques de notre temps ont introduite! «Nous avons été délivrés,» dit Luther, mais non au moyen de la liberté que le Christ nous a acquise par son sang précieux, mais au moyen de la liberté que Satan a apportée à Luther du fond des enfers.

  A023001396 

 Pour finir, à tous ceux qui suivent Luther, nous lancerons toujours cette apostrophe infamante on ne peut plus méritée, tirée de la confession même de Luther et sur laquelle personne ne peut chicaner: Vous autres, vous avez pour père le diable..

  A023001396 

 Quant à nous Catholiques, nous nous attachons au Christ et renonçons à Satan et à sa doctrine.

  A023001396 

 Que Luther se fasse gloire, tant qu'il voudra, avec ses sectateurs, d'avoir reçu de Satan sa doctrine contre la Messe; pour nous, nous écouterons toujours l'Apôtre qui, traitant du même mystère, mais bien autrement que Luther, nous dit: Pour moi, j'ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis.

  A023001464 

 Nous atteindrons facilement notre but en explosant quelques-unes de leurs propositions, qu'ils défendent avec acharnement comme autant d'articles de foi.].

  A023001470 

 Lorsque nous parlons de monarchie avec louange, et cela même en présence de magistrats représentant la démocratie ou l'aristocratie, le même danger n'est pas à craindre, parce qu'il n'en saurait résulter aucune occasion de trouble, le désir de dominer ou de gouverner empêchant le grand nombre de ceux qui sont au pouvoir de souhaiter la monarchie..

  A023001477 

 La seconde proposition est celle de Luther, que nous avons déjà rapportée plus haut: «Il n'y a absolument aucune distinction à [226] faire entre les diverses circonstances que l'opinion commune de tous les hommes considère comme aggravant les péchés;» de sorte que l'inceste commis par un individu avec sa fille ou sa sœur n'est pas plus grave que s'il était commis avec une veuve étrangère ou avec une courtisane; de sorte aussi que l'homicide d'un ennemi est l'égal de celui d'un père, d'une mère ou du prince.

  A023001483 

 Faudra-t-il ne pas combattre la peste par les remèdes, la famine par les approvisionnements de diverses sortes, uniquement parce que, au moyen de ces afflictions, Dieu, non seulement nous visite et nous châtie, mais nous éprouve, nous traite comme siens et nous perfectionne? Pourquoi donc le prince porte-t-il le glaive et le soldat les armes, si ce n'est pour réprimer les attaques des ennemis et chasser les envahisseurs de la République? C'est pour cela, sans aucun doute, que les soldats sont loués, même dans l'Evangile, parce qu'ils peuvent être justes, comme Corneille, ce noble centurion dont il est question dans les Actes des Apôtres; c'est pour cela aussi qu'ils reçoivent l'approbation de Jean-Baptiste lui-même, non s'ils quittent la milice, mais s'ils ne frappent personne, s'ils ne font pas de calomnie et s'ils se contentent de leur solde.

  A023001498 

 Ainsi donc, si nous t'en croyons, Calvin, il sera bon et convenable, ou au moins utile, aux sujets de désirer l'abaissement de leurs princes!.

  A023001498 

 Puis, parlant en particulier des Français et des Espagnols (on aurait pu croire qu'il parlât plutôt des Turcs ou des Indiens), il ajoute: Nous voyons dès lors quelle est la sottise de ceux qui désirent un roi puissant et commandant à de nombreuses provinces, et combien justement ils sont punis de leur ambition.

  A023001505 

 Il est inutile de discuter cette proposition d'après ce qu'en disent Aristote et les auteurs profanes; [je voudrais plutôt, si nous avions le loisir de le faire avec toute l'ampleur et l'abondance requises par la matière, traiter celle-ci comme elle le mériterait, d'après les raisons qui conviennent à un jurisconsulte, et que nous [233] fournirait facilement notre Jurisprudence.] Qu'il suffise de dire que jamais chez les chrétiens un état n'a été administré sans lois..

  A023001505 

 La sixième proposition est de Luther (nous parlons indifféremment de Luther et de Calvin, parce que nous ne croyons pas que leur enseignement soit fort dissemblable): «Aucun état n'est heureusement administré par des lois.» Et lorsque nos docteurs [232] catholiques eurent tiré cette proposition des assertions de Luther et la lui eurent opposée comme une très absurde erreur, lui, non seulement ne la nia pas, mais l'affirma expressément et en donna la raison par ces paroles: «C'est là un fait d'expérience.» Quelle expérience, ô Luther? As-tu connu, peut-être, de tes yeux, par ouï dire, ou par tes lectures, un état monarchique, aristocratique ou démocratique, qui ne soit régi et dirigé par des lois? Es-tu par hasard meilleur politique et plus prudent que le Dieu très bon et très grand, ou mieux exercé dans l'art d'administrer heureusement un état? Or, à son peuple d'Israël, Dieu a proposé et ordonné des lois à observer, non seulement morales et cérémonielles, mais aussi politiques et judiciaires.

  A023001511 

 La septième proposition de Luther, par laquelle nous voulons terminer, est tirée du passage qui traite de la différence entre la loi et l'Evangile: «La conscience n'a rien à voir avec la loi, les œuvres et la justice terrestre.

  A023001517 

 Il n'a pas honte, en effet, de qualifier tous les rois et les princes de «puissants chasseurs,» comme parle l'Ecriture au sujet de Nemrod: C'est faire trop d'honneur et donner trop de gloire, dit-il, «à la Papauté, que de dire qu'elle est la grande chasse de l'Evêque Romain»; «et cet exemple de Nemrod convient aussi à toutes les puissances séculières, auxquelles cependant Dieu veut que nous soyons soumis, en les honorant, les bénissant et priant pour elles.» Or saint Jérôme explique ainsi quel a été Nemrod et ce qui lui a valu le nom de «puissant chasseur»: c'est parce que, le premier, il s'empara d'un pouvoir tyrannique sur le peuple.

  A023001519 

 Aujourd'hui, en effet, presque personne dans le monde ne se fait hérétique; seuls à le devenir sont ceux qui naissent parmi les hérétiques [237] et d'hérétiques, et qui n'ont jamais entendu parler de notre religion catholique, sinon par des calomniateurs; ou encore, ceux qui désirent plutôt abandonner l'état monastique ou sacerdotal que la religion elle-même, pour chercher parmi les hérétiques l'impunité des crimes qui les ont rendus infâmes parmi nous; ou bien pour obtenir une plus large commodité de se livrer à la luxure et à la débauche, commodité qu'ils «appellent liberté de conscience; ou enfin, ceux qui sont empêchés de revenir à nous pour des motifs d'utilité ou même de fausse honte, plutôt que pour des raisons tirées de la science ou de la conscience.

  A023001519 

 Louange donc gloire, honneur et bénédiction au Seigneur notre Dieu, à la miséricorde duquel nous devons de voir enfin commencer à diminuer de force et à s'écrouler toutes ces hérésies.

  A023001548 

 «Fin du canon [242] de nos Pères les Apôtres, dont la prière et la bénédiction soient sur nous.

  A023001584 

 La sacree parole de Jesus Christ nous en asseure en saint Jean, 6; en saint Mathieu, 26; en saint Marc, 14; en saint Luc, 22; en la I. aux Corinth. XI, ou les paroles sont claires plus que le soleil du mydi, pour cette verité..

  A023001605 

 Or, cecy n'est pas un affaire d'Estat ou il y aille aulcun hasard de perdre aulcune place; mais il est question de maintenir par dispute, publiquement, la doctrine de laquelle on faict profession, afin de desabuser ceux qui nous tiennent pour heretiques et de raffermir les infirmes en la foy et qui s'esbranlent par la veue d'une doctrine contraire; car les escripts de nos docteurs ne peuvent estre leus ni entendus du peuple, qui veut estre esclaircy par une conference faicte par vive voix, joint que tels escripts n'ont point de replicque.

  A023001605 

 Que si l'on se veut excuser sur Messieurs de Berne, c'est aultant a dire que nous ny voulons pas entendre, d'aultant qu'eux aussi ne veulent pas entrer en jeu; mais ils ny ont pas si grand interest que vous, car ils n'ont envoyé personne et n'en ont faict aulcun semblant.

  A023001606 

 Cependant, je loue Dieu qui a encores enflammé le cueur de ces [251] bons Seigneurs pour la tüition de ceste querelle, laquelle je vois qu'ils embrassent a bon escient, n'ayants aultre veue que la gloyre de Dieu et le salut de leurs prochains: que sont tesmoignages d'une vraye charité, sans laquelle nous ne pouvons estre Chrestiens.

  A023001606 

 Mais d'aultre costé, je m'esbahis de messieurs vos Ministres qui semblent ne vouloir incliner a ce party, soubs pretexte de certaines considerations humaines: comme s'il estoyt question de fere un gros d'armee pour assaillir ou defendre quelque place! Que pleut a Dieu l'on n'eusse pas esté si prompts a eschauffer les cueurs des Princes pour s'entreliguer a la guerre! nous ne serions pas a ceste heure en peyne de ceste dispute, jouïssantz auparavant de libre exercice de nostre religion aultant paisiblement que point de nos voysins.

  A023001606 

 Mais puis que Dieu veut ainsi exercer nostre foy, et mesmes nous chastier du mespris de sa parolle, c'est a nous d'aller au devant de son ire, comme de Celuy duquel depend nostre victoyre et la delivrance de ces tentations si vives, que sans luy et sans son assistance nous n'en pouvons eschapper, nostre naturel resistant tous-jours au Sainct Esprit, a la façon dé nos peres qui ont mangé les aigretz et nous en avons les dentz agacez.

  A023001606 

 Tant y a que nous avons esperance que Dieu benira le louable dessein de vos magnifiques Seigneurs en cest affaire, comme je l'en prie de tout mon cueur, et pour leur prosperité, et de la vostre en particulier, demeurant,.

  A023001614 

 Si S. Paul n'eut retenu les batteliers, ils feussent peris en la tourmente; mais les nautonniers Qui debvoyent secourir nostre barque nous ont regardé de loing.

  A023001614 

 Vous sçavez comme prevoyant le danger j'ay crié: A l'ayde! misericorde! nous perissons! Mais quand l'on nous a veu en danger et que l'on nous pouvoyt secourir sans danger, l'on s'est arresté sur des considerations humaines; et cependant les orages ont mis en piece nostre fresle vaisseau.

  A023001615 

 Continues, je vous prie, a vos devotes prieres pour nous: elles sont tres necessaires..

  A023001632 

 Bref, les menaces d'Isaye sont executees sur nous.

  A023001632 

 Dieu, par sa grace, nous fasse misericorde, car nous pouvons dire maintenant:.

  A023001632 

 Nous sommes arrivés au temps de la desolation, et semble que Dieu, par un juste jugement, ayt bandé les yeux aux plus entendus et frappe les voyans d'aveuglement.

  A023001633 

 Las! nous n'avons nul signe accoustumé.

  A023001634 

 De ta bonté, prophetes nous defaillent;.

  A023001635 

 Nous n'avons nuls qui enseigne nous baillent:.

  A023001638 

 Tu nous as, contre nos plus proches,.

  A023001641 

 Rallie nous, o Dieu tres fort! etc..

  A023001646 

 Rallie nous, o Dieu tres doux! etc..

  A023001648 

 Semé nous as de toutes pars.

  A023001651 

 Ceste union doibt estre recerchee plus soigneusement que nous ne faisons pas quand, au heu de nous approucher pour entrer en conference, nous reculions.

  A023001651 

 Si ce chemin a esté licite, voyre choysible aultrefoys, pourquoy ne le sera il encores aujourdhuy? sinon que par nostre opiniastreté nous veulions donner lieu a nos passions plustost qu'a la raison..

  A023001652 

 Mais comment sera il au milieu d'une division? Cerchons donc et embrassons, au nom de Dieu, ceste union, sans laquelle nous ne pouvons estre Chrestiens.

  A023001652 

 [254] Le principal lien, c'est la charité: que donc elle nous eschauffe, afin que non point par vaines disputes et ergoteries, mais par le fil de la verité nous puissions amortir le feu de la dissention qui embrase tout le monde, afin que la charité de Nostre Seigneur nous unisse tous par une vraye et vive foy ensemble pour le glorifier eternellement..

  A023001688 

 Suyvant les ordonnances et Constitutions apostoliques, et le general consentement de l'Eglise de Dieu, Nous intimons par ces presentes le jeusne et abstinence du saint Caresme en tout ce diocese, defendant tres expressement a toutes personnes, de quelle qualité qu'elles soyent, de ne point manger, vendre ni debiter les viandes lesquelles, selon les loix et coustumes de l'Eglise, sont prohibees en ce tems la, sans expresse licence par escrit de Nous, nostre Vicayre general ou autres a ce deputés, nommés au bas des presentes..

  A023001689 

 Par lesquelles Nous intimons encor le Sinode pour le mercredy du second Dimanche apres Pasques, selon la louable coustume; commandant a tous curés et autres a qui il appartiendra, de s'y trouver personnellement pour y entendre les Constitutions et ordonnances necessaires a leur charge et bien de leur troupeau.

  A023001690 

 Nous intimons aussi la residence a tous ceux qui ont des benefices qui, de droit ou par coustume, la requierent; a ce que, dans deux moys precisement des la publication des presentes, ilz ayent a se rendre en leur devoir pour exercer personnellement leurs charges et offices, ou dire cause pour laquelle ilz pourroyent pretendre n'y estre obligés; a faute dequoy il sera procedé contre eux, selon la rigueur des loix et canons..

  A023001695 

 Desirant que les ordonnances faittes au dernier Sinode (qui a esté le premier celebré sous Nostre charge) soyent soigneusement observees, Nous les avons fait imprimer, affin que la communication en estant plus aysee, vous ne pretendies cause d'ignorance, mays que, les ayans devant vos yeux, vous les prattiquies selon leur teneur qui s'ensuit..

  A023001696 

 I. Nous avons intimé et de rechef publié les Canons des anciens Conciles qui defendent aux personnes ecclesiastiques de tenir en leurs maysons et logis aucunes femmes desquelles la demeure et sejour avec eux puisse justement estre suspect; et, en tant que de besoin, avons fait de nouveau ladite prohibition, sur peyne de rigoureuse punition..

  A023001697 

 II. Nous avons donné et donnons pouvoir aux Reverens Surveillans de ce diocese de dispenser de l'observation des festes commandees es parroisses qui leur sont commises, [263] selon la necessité, inhibant a tous curés et autres quelconques, notamment aux officiers laicz, de ne point donner telles licences..

  A023001750 

 Le signe de la cloche estant donné, le Portier ouvrira l'eschole ou l'eglise, disposera les bancs et attendra a la porte ceux qui viendront; introduira les enfans et leur enseignera la façon de saluer, affin qu'ilz sçachent dire: Dieu nous donne sa paix, et former le signe de la Croix avec l'eau benite, comme aussi de reciter l'Orayson Dominicale et la Salutation Angelique; ou s'ilz ne sont pas capables, il taschera pour le moins qu'ilz fassent la genuflexion au tressaint Sacrement devant le grand autel.

  A023001776 

 Si vous le voyes craintif, abbattu et en quelque desfiance d'obtenir le pardon de ses pechés, releves le en luy monstrant le grand playsir que Dieu prend en la penitence des grans pecheurs; que nostre misere estant plus grande, la misericorde de Dieu en est plus glorifiee; que Nostre Seigneur pria Dieu son Pere pour ceux qui le crucifioyent, pour nous faire connoistre que, quand nous l'aurions crucifié de nos propres mains, il nous pardonneroit fort librement; que Dieu fait tant d'estime de la penitence, que la moindre penitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait oublier toute sorte de peché, de façon que si les damnés et les diables mesmes la pouvoyent avoir, tous leurs pechés leur seroyent remis; que les plus grans Saintz ont esté grans pecheurs: saint Pierre, saint Matthieu, sainte Magdeleine, David, etc.; et en fin, que le plus grand tort qu'on peut faire a la bonté de Dieu et a la Mort et Passion de Jesus Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de nos iniquités, et que, par article de foy, nous sommes obligés de croire la remission des pechés, affin que nous ne doutions point de la recevoir lhors que nous [282] recourons au Sacrement que Nostre Seigneur a institué pour cest effect..

  A023001787 

 S'il y a aucun Sacrement en l'administration duquel il faille paroistre en gravité et majesté, c'est celuy de la Penitence, puisqu'en iceluy nous sommes juges deputés de la part de Dieu.

  A023001805 

 J'ay dit, a son escient, d'autant que les mauvaises pensees qui nous arrivent contre nostre gré ou sans que nous y prenions entierement garde ne sont nullement peché, ou ne sont pas peché mortel..

  A023001838 

 Les cas que Nous nous sommes reservés sont peu en nombre:.

  A023001839 

 Quant au premier commandement, Nous avons reservé la sorcellerie et les charmes ou nouëment d'esguillettes qui se font contre l'effect du mariage..

  A023001840 

 Quant au quatriesme, Nous avons reservé le parricide, qui se fait tuant ou battant pere, mere, beaupere, bellemere..

  A023001841 

 Quant au cinquiesme commandement, Nous avons reservé le meurtre effectué volontairement..

  A023001842 

 Quant au sixiesme, Nous avons reservé la bestialité et sodomie, l'inceste au premier et second degré, et le sacrilege qui se commet avec les Nonains et Religieuses, violence et forcement de filles et de femmes..

  A023001843 

 Quant au septiesme commandement, Nous avons reservé le bruslement volontairement fait des maysons d'autruy, le pillement et larcin es choses sacrees..

  A023001845 

 C'est de consoler les penitens qui les auront commis et ne point les desesperer, ains les renvoyer doucement a ceux ausquelz Nous avons donné le pouvoir, que Nous avons mis en grand nombre en tous les endroitz du diocese; car encores qu'ilz ne puissent pas absoudre des cas reservés au Pape, si est ce neanmoins qu'ilz leur donneront tousjours addresse pour obtenir l'absolution..

  A023001866 

 Dieu ne veut pas cela; il se plaint que nos humeurs trop severes rendent ses autelz desertz et ses sacrifices sans victimes: Parce que vous commandes, dit nostre Seigneur parlant a nous autres prestres, dans un pouvoir si absolu, mes pauvres brebis s'en sont fuyes de crainte..

  A023001866 

 Prenes garde sur tout de ne pas user de parolles trop rudes a l'endroit des penitens; car nous sommes quelques-fois si austeres en nos corrections que nous nous monstrons en effect plus blasmables que ceux que nous reprenons ne sont coulpables.

  A023001868 

 Je n'entens pas cette compassion qui pose un oreiller au vice et un carreau pour mettre le peché a son ayse; non, j'entens seulement que nous nous accommodions a la portee de chascun, donnant quelque chose, non pas a la malice, mais a l'infirmité.

  A023001876 

 ( Pour les Ordonnances faites aux Synodes de 1604, 1606-1612, 1614-1616, nous n'avons que les sommaires insérés par le greffier épiscopal dans les Registres de l'ancien Evêché de Genève.

  A023001876 

 On y trouve la pensée de saint François de Sales et les mesures prises par lui pour le bon gouvernement de son diocèse, mais exprimées dans un style qui, souvent, n'est pas de lui; pour cette raison, nous croyons devoir renvoyer ces documents à l'Appendice I.) [298].

  A023001900 

 Aussi voyons nous des-ja qu'on cesse d'oppresser leur innocence a mesure que deschet la secte [304] des calvinistes; ainsy se va diminuant la hayne populaire que les heresiarques avoyent jetté dans l'esprit du vulgaire contre eux.

  A023001900 

 C'est par la que nostre miserable Geneve nous a surpris, lhors que, s'appercevant de nostre oysiveté, que nous n'estions pas sur nos gardes et que nous nous contentions de dire simplement nostre Breviaire, sans penser de nous rendre plus sçavans, ilz tromperent la simplicité de nos peres et de ceux qui nous ont precedés, leur faisant croire que jusqu'alhors on n'avoit rien entendu a l'Escriture Sainte: ainsy, tandis que nous dormions, l'homme ennemy sema l'ivraye dans le champ de l'Eglise, et fit glisser l'erreur qui nous a divisés et mis le feu par toute ceste contree; feu duquel vous et moy eussions esté consumés avec beaucoup d'autres, si la bonté de nostre Dieu n'eust misericordieusement suscité ces puissans espritz, je veux dire les Reverens Peres Jesuites, qui s'opposerent aux heretiques et nous font en nostre siecle glorieusement chanter: Misericordiae Domini quia non sumus consumpti.

  A023001900 

 Ces grans hommes, en la seule vertu de Celuy duquel ilz portent le nom, commencerent fortement a diviser ce parti, a l'heure mesme que Calvin pensa separer la realité dedans le Testament que Dieu nous a laissé.

  A023001908 

 La negligence que la pluspart des ecclesiastiques sousmis a Nostre charge a monstré a l'observation de nos premieres Ordonnances, et la necessité que Nous avons conneu estre au commencement de Nostre Visite generale, affin [305] d'obvier aux contentions et disputes qui pourroyent arriver entre les curés et les parroissiens, Nous ont poussé a faire ces Constitutions..

  A023001909 

 Premierement, Nous avons ordonné que les Constitutions par Nous faittes au Sinode du second octobre l'an mil six cens et trois seront derechef publiees, mesme en ce qui est des tavernes et cabaretz, sous quelque pretexte que ce soit, pour estre observees avec les presentes..

  A023001910 

 Que tous possedans des benefices ayant charge d'ames, ayent a resider en personne dans six semaines, a peyne d'excommunication, s'ilz ne sont deuement dispensés; dequoy ilz seront tenus de faire apparoir par devant Nous ou par devant nostre Vicayre general dans le mesme tems.

  A023001911 

 Il est inhibé a tous ecclesiastiques de n'exorcizer par cy apres, sinon qu'ilz soyent de nouveau admis par Nous ou par nostre Vicayre, et l'admission sera donnee par escrit a ceux qui seront treuvés capables d'exercer telle charge; ausquelz Nous defendons, a peyne d'excommunication, [306] d'exorcizer sinon dans les eglises, et de tenir les possedés dans leurs maysons, sur tout les femmes et filles, et de faire des voyages et pelerinages avec elles; a peyne de vingt cinq livres, et autre arbitraire..

  A023001912 

 Il ne sera loysible a aucuns Religieux, de quel Ordre qu'ilz soyent, de prescher riere Nostre diocese s'ilz n'ont la permission par escrit, de Nous ou de nostre Vicayre; laquelle ilz seront tenus de monstrer aux curés des lieux ou ilz voudront prescher, et de les en advertir avant qu'ilz commencent leurs Grandes Messes, affin qu'ilz ayent loysir d'en advertir les parroissiens pour y assister..

  A023001914 

 Pour ce qui est de ceux qui frequentent parmi les terres des heretiques, voysins de Nostre diocese, ou bien qui sont contraintz d'y demeurer pour gaigner leur vie, Nous avons donné pouvoir a tous curés et autres qui ont permission de confesser, de les ouyr en confession, et absoudre de n'avoir pas celebré les festes commandees par nostre Mere la sainte Eglise, de n'avoir pas jeusné les jours de Veille, de [307] Quatre Tems et de Caresme; comme aussi d'avoir mangé de chair ces mesmes jours, excepté les vendredis et samedis; et pareillement, d'avoir esté aux presches des ministres, pourveu qu'ilz n'ayent pas pris la Cene..

  A023001915 

 Pour eviter plusieurs differens et disputes qui arrivent entre les curés et les parroissiens de Nostre diocese a l'occasion du linceul qui se met sur les deffunctz les portans en terre, Nous avons ordonné qu'il sera au choix des heritiers du deffunct, ou autres qui auront charge des funerailles, de laisser ce linceul au sieur curé, ou de le reprendre en luy payant six florins; et pour le couvrechef ou toilette qui se met sur les petitz enfans, deux florins..

  A023001916 

 Sur les plaintes qui Nous ont esté faittes que plusieurs curés retiennent le luminaire que l'on porte aux funerailles et obseques le jour de l'enterrement, sans en vouloir fournir pour les Messes qui se disent le lendemain, mays en demandent d'autre, Nous avons ordonné que les curés seront tenus de representer le luminaire le lendemain et pendant les troys jours que l'on a accoustumé de faire prier pour les deffunctz, si tant est que ce luminaire puisse suffire; passé lesquelz troys jours, ce qui restera appartiendra aux curés.

  A023001917 

 Parce qu'en plusieurs eglises de Nostre diocese les curés sont priés de fournir le luminaire des sepultures et, quand il vient au payement, sont contrainctz bien souvent d'en tomber en proces avec leurs parroissiens: desirant d'y obvier, Nous avons ordonné que les curés fournissans le luminaire le peseront en presence de ceux qui le leur feront fournir, avant que de le donner, comme aussi quand ilz le reprendront; et leur sera payé de la cire qui se treuvera usee a rayson de cinq florins pour livre du poids d'Annessi; et a mesme prix leur sera payé le luminaire qu'on leur fera fournir tout le long de l'annee.

  A023001918 

 Ayant reconneu qu'il y a plusieurs chappelles de peu de revenu et chargees par la fondation de grand service, auquel les recteurs ne peuvent pas satisfaire, Nous avons ordonné que le recteur d'une chappelle qui n'aura, pour exemple, que dix florins de revenu, ne sera obligé de dire que vingt Messes par an, a rayson de six solz pour Messe, et ainsy des autres; n'entendant pas, toutesfois, d'obliger ceux qui possedent des chappelles de bon revenu a plus de service qu'elles ne se treuvent chargees par leur fondation..

  A023001919 

 Nous commandons a tous ecclesiastiques demeurans riere Nostre diocese de faire par cy apres celebrer la feste de saint Pierre aux Liens avec son octave, comme estant le Patron de Nostre Eglise cathedrale; comme aussi le jour de la Dedicace d'icelle, qui est le huitiesme d'octobre..

  A023001920 

 Nous estant venu a notice que plusieurs curés et autres possedans des benefices riere Nostre diocese intentent des proces contre leurs parroissiens, quelquefois plustost par animosité que pour zele qu'ilz ayent de maintenir les biens de leurs eglises et benefices, et lesquelz il seroit facile d'appointer au commencement: Nous avons defendu a tous curés et autres beneficiers d'intenter par cy apres des proces avec leurs parroissiens qu'au prealable ilz n'en ayent conferé avec leur Surveillant, lequel ayant entendu les parties, taschera de les mettre d'accord; que s'il voit le tort estre du costé des parroissiens et qu'ilz ne veuillent pas se mettre a la rayson, il sera permis aux curés de poursuivre leur droict par justice..

  A023001921 

 Sur la remonstrance qui Nous a esté faitte par nostre [309] Procureur fiscal que, bien que toutes alienations des biens d'Eglise soyent defendues de droict, sinon qu'elles soyent evidemment au prouffit et utilité d'icelle (auquel cas faut il avoir encor la permission des Superieurs), plusieurs beneficiers, tant curés, recteurs des chappelles qu'autres, sans Nostre sceu et consentement ou de nostre Vicayre general, vendent, eschangent et alienent les fons de leurs benefices, ce qui donne occasion a beaucoup de procez, ausquelz desirant obvier: Nous avons declairé nulz tous les contractz d'alienation et eschange des ecclesiastiques, faitz et qui se feront par cy apres sans Nostre sceu ou de nostre Vicayre, enjoignant aux possesseurs des benefices de remettre dans six moys ce qui se treuvera aliené de la façon, a peyne de cinquante livres; avec inhibition a tous beneficiers de n'aliener les biens dependans de leurs benefices sans Nostre permission, a peyne de cent livres; commandant aux Surveillans d'y tenir la main, chacun riere sa surveillance, et d'advertir nostre Procureur fiscal de ceux qui contreviendront, pour y estre par apres pourveu ainsy que de rayson..

  A023002062 

 Dès que j'arrivai, tout le [330] monde, hommes et femmes, du premier au dernier du pays, de s'écrier: Comment se fait-il que nous respections tous les droits ecclésiastiques, que nous payions les dîmes et les prémices, et qu'aucun curé ne nous soit accordé, mais que nous soyons au contraire comme des béliers qui ne trouvent pas de pâturages? Tout, en effet, était touché par l'Abbé le plus voisin..

  A023002067 

 Outre les quatre cent cinquante paroisses qui, nous l'avons dit, sont habitées par de vrais catholiques, il y en a cent trente autres qui sont, partie sous la domination tyrannique de Berne, partie sous le gouvernement du Roi Très Chrétien.

  A023002068 

 Pour ce qui regarde les autres qui sont en la possession du Roi Très Chrétien, [avec raison le Roi lui-même ordonne de toujours espérer, et sur son ordre j'ai espéré pendant quatre longues années; mais mes yeux commencent à se lasser d'attendre sa parole, et [332] disent; Quand me consolera-t-il? Au sujet de toute cette affaire, le très docte et Illustrissime cardinal del Bufalo, étant Nonce du Saint-Siège en France, poussé par son zèle pour la gloire de Dieu, a fait les plus grands efforts pour amener le Roi à établir pour nous, dans les églises en question, le même droit d'entrer en possession des biens ecclésiastiques et, ce qui est le principal, de [333] remplir les fonctions de la religion catholique, qui a été établi dans tout le reste du royaume en faveur des Evêques et des clercs (*).].

  A023002131 

 Ayans receu la Bulle du Jubilé, delaquelle le present Sommaire est extrait, Nous vous commandons et ordonnons de le publier, en toutes vos eglises, aux peuples qui vous sont commis, vous res-jouissans mesme de Nostre part avec eux de cette grande commodité quilz auront de proffiter spirituellement, recueillans avec devotion et charité les graces qui si liberalement leur sont departies en leur propre diocaese.

  A023002166 

 Affin que les peuples qui Nous sont commis ne perdent point la favorable occasion de prendre les graces du saint Jubilé qui se celebre maintenant en cette ville de Thonon, ainsy que ci devant il a esté publié, Nous ordonnons par ces presentes que vous ayes a repeter la publication d'iceluy, exhortans de rechef un chacun d'employer cette benediction [342] au proffit et salut de son ame, asseurans de Nostre part qu'en laditte ville de Thonon ni es lieux circonvoysins il ni a aucune sorte, pas mesme de soupçon, de maladie contagieuse, ni incommodité qui puisse empescher le libre et desirable acces a cette sainte devotion..

  A023002167 

 Si supplions tous les Seigneurs R mes Ordinaires des autres lieux, de vouloir prendre la mesme asseurance sur ce tesmoignage que Nous en faysons, et la faire donner aux peuples de leurs diocaeses, affin que ceux qui auroyent l'intention [et devote] volonté de venir puiser en cette pleyne source les saintes Indulgences, n'en soyent point [343] divertis par les faux bruitz que l'ennemi des ames fidelles a respandu a cett'intention..

  A023002246 

 Parmi eux, et au nombre de Nos prédécesseurs, Nous rappelons l'illustre Ange Giustiniani, homme d'une doctrine et d'un talent incomparables, qui, au retour du Concile, où il intervint, dépensa les plus grands efforts dans ce sens.

  A023002247 

 En effet, tout ce que nous voyons dans ce diocèse qui ne soit pas à regretter, tout [353] cela à peu près, il est juste que nous le reportions avec simplicité à ce remarquable Prélat.

  A023002249 

 C'est pourquoi Nous, qui Nous estimerons très heureux, non seulement d'avoir remplacé un tel Père dans sa charge, mais de Nous montrer son successeur et imitateur dans la façon dont Nous la remplirons, Nous vous présentons enfin cette édition du Rituel qu'il avait lui-même grandement souhaitée..

  A023002249 

 Sur ces entrefaites, pendant que se différait l'édition du Rituel, notre Evêque, au très grand regret de tous les bons, nous est enlevé et, comme il faut l'espérer, [355] élevé au Ciel.

  A023002250 

 Enfin, Nous avons joint à ce livre l'abrégé des principaux points de la religion chrétienne tels qu'ils doivent être exposés aux fidèles chaque dimanche.

  A023002250 

 Ensuite, de tous les exemplaires qu'il Nous fut possible de consulter, Nous avons de ci et de là tiré différentes règles et de nombreux enseignements qui fourniront une ample lumière aux curés et à leurs vicaires sur l'exercice bien réglé de leurs fonctions; c'est ainsi que, à l'exemple des abeilles, Nous avons, de diverses fleurs, amassé le miel dans notre ruche.

  A023002250 

 Tout d'abord, Nous étant adjoint quelques membres doctes et pieux de Notre clergé cathédral et ayant réuni un certain nombre de Rituels de diverses provinces, Nous avons extrait avec soin du seul Rituel Romain tout ce qui touche aux cérémonies de l'administration des Sacrements; des autres, surtout de l'ancien Rituel de Genève, plusieurs formules de bénédictions qu'il Nous a paru à propos de maintenu dans nos populations à cause de la louable coutume qui en a été introduite.

  A023002251 

 Il ne paraissait pas, en effet, qu'on pût désirer autre chose touchant le sujet qui Nous occupe, sinon ces exhortations catéchistiques et familières sur les Sacrements et autres principaux points de la religion, que la plupart d'entre vous m'ont souvent demandées.

  A023002252 

 Ainsi tous, non seulement d'une même foi, mais d'une seule et même bouche, d'une seule et même façon, nous bénirons le Seigneur Dieu dans les églises et, suivant le précepte de l'Apôtre, tout se fera parmi nous avec bienséance et avec ordre..

  A023002252 

 Et afin que personne n'omette de le faire par paresse ou négligence, Nous vous ordonnons et prescrivons au nom du Seigneur, à chacun de vous en particulier et à tous ensemble, que dans l'administration des Sacrements et l'accomplissement solennel des bénédictions et cérémonies saintes, nul dorénavant n'ait la présomption, sous aucun prétexte, d'employer d'autres rites que ceux qui sont contenus dans ce Rituel.

  A023002252 

 Maintenant donc que, par la grâce de Dieu, Nous avons opportunément terminé une œuvre désirée depuis tant d'années, il vous reste à vous en servir tous avec joie et unanimité.

  A023002392 

 C'est pourquoy la sainte Eglise, fondee sur les divines promesses et coustumes apostoliques, a tres bien ordonné qu'es saintz jours de Dimanches et festes nous nous assemblions en l'eglise, laquelle a esté appellee par Nostre Seigneur mayson de Dieu et de priere.

  A023002392 

 Et c'est pour, en icelle, celebrer le tressaint Sacrifice de la Messe, auquel nostre Sauveur, par les mains des prestres, s'offre et presente reellement, sous les especes de pain et de vin, a Dieu son Pere eternel, pour hostie et offrande vivante, en remembrance et commemoration de sa Mort et Passion; affin que, par ce divin Sacrifice, nous fassions hommage, reconnoissance et action de graces a Dieu nostre Createur de tous nos biens et personnes, et qu'en vertu d'iceluy nos prieres soyent encor plus aggreables devant le throsne de sa divine Bonté..

  A023002393 

 Pour donq faire aujourd'huy cette sainte celebration au mieux que nous pourrons, sçachans que Dieu regarde volontier a la priere des humbles et ne mesprise point le coeur contrit et humilié, nous mettrons les genoux a terre et, nous humiliant de tout nostre cœur devant sa divine face, nous le remercierons de tous les biens que nous avons eus et qui nous sont preparés, et principalement de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, par laquelle nous avons esté delivrés de la damnation eternelle; nous tenans et reconnoissans pour ses pauvres et miserables creatures, indignes et inutiles serviteurs, dependans en tout et par tout de sa sainte misericorde et mercy, a laquelle nous recourons pour avoir pardon et remission de nos offenses et iniquités..

  A023002394 

 Et a cette intention nous nous accuserons de tous nos pechés en general, avec vray propos de les confesser en particulier en tems et heu, selon l'ordonnance de Dieu et de son Eglise.

  A023002394 

 Nous dirons donq en cette sorte:.

  A023002398 

 En cette mesme reconnoissance et humilité, nous demanderons a Dieu son ayde et secours pour toutes nos necessités:.

  A023002399 

 Et premierement, qu'il luy playse dresser nos ames a son saint service, affin que, sur le fondement de la vraye foy, nous puissions avoir une sainte esperance de nostre salut par le moyen de la charité, en l'observation de ses commandemens..

  A023002400 

 Nous prierons par apres pour tous nos superieurs, tant spirituelz que temporelz; pour nostre Saint Pere le Pape et pour tous les Prelatz, pasteurs et personnes ecclesiastiques qui sont legitimement deputés au gouvernement des ames, et specialement pour Monseigneur le Reverendissime nostre Evesque et Pasteur, affin qu'il playse a Dieu leur faire la grace de si bien repaistre et guider les brebis qui leur sont commises, que, estans garantis de toutes fauses opinions et seductions, elles vivent et perseverent ça bas en l'union de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, attendans d'estre receus en l'Eglise triomphante, la haut en Paradis..

  A023002401 

 Nous prierons de mesme, comme conseille saint Paul, pour tous Princes et magistratz chrestiens, et particulierement pour Sa Majesté et pour la Reyne regente et pour [367] Messeigneurs les Princes du sang; et non seulement pour eux, mays pour tous ceux qu'ilz ont ordonnés pour gouverner de leur part, affin qu'il playse a Dieu leur donner le don de force et de conseil pour nous maintenir en sainte paix et tranquillité, et administrer droittement la justice, affin que, sous leur obeissance, «nous passions tellement par les biens temporelz, que nous ne perdions pas les eternelz.».

  A023002402 

 Davantage, s'il est ainsy que nostre Sauveur prevoyant la ruine de Hierusalem pleura sur icelle, nous devons deplorer et regretter de tout nostre cœur la perdition des pauvres ames des infideles, schismatiques, desvoyés et faux chrestiens, qui se font un thresor de l'ire de Dieu pour le jour de son courroux, a ce qu'il luy playse les esclairer de sa sainte grace et verité..

  A023002403 

 De plus, Nostre Seigneur reputant estre fait a soy ce qui est fait au moindre des siens, nous prierons pour tous les pauvres affligés et necessiteux, pour les vefves, orphelins, malades, prisonniers, pelerins, et generalement pour tous ceux qui sont en tribulation et adversité, affin qu'il playse au Pere des misericordes et de toutes consolations de les assister de son Saint Esprit, affin que, recevans leur affliction en humilité, ilz puissent posseder leurs ames en patience..

  A023002404 

 Specialement nous prierons qu'il playse a Dieu avoir en sa garde les femmes enceintes, et mesme de cette parroisse, conduisant le fruict de leur ventre au saint Sacrement de Baptesme pour avoir part a l'heritage du Ciel..

  A023002408 

 Nous prierons aussi pour tel N., ou telle N., de cette parroisse, lequel estant touché d'une griefve maladie se recommande a vostre charité, a ce qu'il playse a Dieu luy envoyer ce qu'il sçait luy estre plus prouffitable a son salut.

  A023002409 

 Nous demanderons aussi a ce Pere celeste nostre pain quotidien, ainsy qu'il nous a enseigné, le priant de conserver et multiplier les fruitz de la terre et de donner sa benediction aux labeurs de nos mains, affin que nous les puissions recueillir en bonne paix et santé, pour user sobrement d'iceux, selon sa volonté, et en faire part aux pauvres necessiteux..

  A023002410 

 Finalement, puisque la Sainte Escriture tesmoigne et l'Eglise a tous-jours creu que c'est une sainte et salutaire pensee de prier pour les fidelles trespassés, nous prierons pour nos peres, meres, freres, parens et amis et tous autres fidelles decedés, et en particulier pour ceux desquelz les cors reposent en cette eglise ou cimetiere, et tous bienfacteurs d'icelle (et mesme pour tel N. ou telle N.), lesquelz estans trespassés au giron de l'Eglise, sont et seront tous-jours ses enfans, appartenans a un mesme Royaume de Jesus Christ et membres d'un mesme cors avec nous; affin que, s'ilz estoyent detenus en quelque peyne, il playse a Dieu les en retirer et les colloquer au repos eternel..

  A023002411 

 Or, affin que nos requestes soyent plus aggreables au Pere eternel, nous les luy presenterons selon la forme que Nostre Seigneur son Filz nous a monstree en l'Orayson dominicale, laquelle nous reciterons maintenant, tant pour nous en resouvenir que pour commencer nos prieres par icelle..

  A023002414 

 Donnes nous aujourd'huy nostre pain quotidien, et nous pardonnes nos offences comme nous pardonnons a ceux qui nous ont offencé, et ne nous induises point en tentation, mais delivres nous du mal.

  A023002414 

 Nostre Pere qui estes es cieux, vostre nom soit sanctifié, vostre Royaume nous advienne, vostre volonté soit faitte en la terre comme au Ciel.

  A023002415 

 Nous reciterons aussi la Salutation angelique, tant en memoire de nostre Redemption qui fut annoncee par l'Ange en cette Salutation, que pour nous joindre a la communion de tous les Saintz en la personne de la glorieuse Vierge Marie, laquelle nous prions de prier pour [369] nous Dieu le Pere, au nom de son Filz, nostre unique Sauveur.

  A023002417 

 Je vous salue Marie, pleine de grace, le Seigneur est avec vous; vous estes benite entre les femmes et benit est le fruit de vostre ventre, JESUS. Sainte Marie, Mere de Dieu, pries pour nous pecheurs, maintenant et a l'heure de nostre mort.

  A023002418 

 De plus, parce que non seulement nos prieres, mais aussi toutes nos actions doivent estre fondees en la vraye foy, sans laquelle, comme dit l'Escriture, il est impossible de plaire a Dieu, nous ferons generale protestation de vouloir vivre et mourir en la foy de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, par le recit du Symbole des Apostres, disans:.

  A023002422 

 Benisses le Seigneur, ains plustost, que le Seigneur nous benisse, et que, tant nous que tout ce qui est pour nostre usage, soit beni par la dextre de Jesus Christ.

  A023002460 

 Parce que l'Eglise nous propose aujourd'huy en l'Escriture de l'Evangilement de Baptesme, et que d'ailleurs chaque fidelle peut et doit l'administrer en cas d'extreme necessité, partant vous deves sçavoir qu'en ce cas la d'extreme necessité, c'est a dire quand il y a danger que la creature qui doit estre baptizee ne meure promptement, il suffit de prendre de l'eau naturelle et commune, et la respandre sur l'enfant en telle sorte qu'elle le touche, en disant ces paroles: Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit..

  A023002466 

 Mercredy prochain nous commencerons le saint Caresme et ferons l'imposition des saintes Cendres, selon l'institution apostolique et catholique.

  A023002664 

 Quoique les Monastères de Sixt et de Pellionnex soient visités par l'Ordinaire, auquel ils sont assujettis par un droit antique (bien que jusqu'ici ils aient à peine voulu obéir), cependant Nous n'avons rien obtenu d'eux, parce qu'ils manquent de Règle et de Constitutions, et que par ailleurs, en ce qui regarde la profession ecclésiastique, ils se conduisent avec assez de bienséance.

  A023002709 

 Nous exceptons touttesfois les docteurs et gradués en theologie, qui pourront estre admis sans examen, et ceux ausquels par le passé Nous avons donné telle licence; et n'entendons comprendre en cette defence les sieurs curés qui, par leurs establissemens, non seulement peuvent, mais doivent enseigner les peuples a eux commis, selon leur portee..

  A023002709 

 Nul ecclesiastique, tant seculier que regulier, ne sera receu a prescher la parohe de Dieu avant quil soit examiné par les deputés et appreuvé par Nous ou nostre Vicaire general.

  A023002721 

 Nous implorerons le bras seculier affin que les libraires, tant residants au païs qu'estrangers, n'exposent leurs livres en vente premier qu'avoir donné la liste d'iceulx a nostre Vicaire general, en ceste ville, et allieurs aux curés des lieux esquels ils les vouldront exposer; pour empecher que les livres prohibés ne soient semés au prejudice des consciences..

  A023002725 

 Tous ecclesiastiques qui tiennent des femmes, de quel aage qu'elles soient, pour leurs services ou aultrement, les congedieront et feront retirer dans le mois; a peine d'excommunication termino elapso incurrendae, reservee a Nous, et aultre chastiment arbitraire.

  A023002729 

 Pour remedier, aultant que Nous pouvons, aux grands scandales que plusieurs ecclesiastiques donnent au peuple chrestien par la frequentation des tavernes, mesprisants les deffences auparavant faictes, Nous les renouvelions soubz plus grande peine, asçavoir, d'excommunication ipso facto incurrendae et reservee a Nous; laquelle encourront tous ecclesiastiques qui, dans l'enclos de leurs parroisses et lieux de leur sejour, boiront et mangeront en taverne, saufz es cas de nopces, baptesme, funerailles et Confrairies seulement; dont Nous n'exceptons aucunement les fiançailles, ni anniversaires, ni mises de dismes, ni appointements, ni aultre pretexte quel quil soit..

  A023002749 

 Nous renouvehons la deffence des jeux illicites, conformement aux saincts Canons, voire encores des licites ez lieux publicqs et sacrés, ou aultres esquels l'on peut donner scandale..

  A023002757 

 Nous renouvellons le commandement de la residence es benefices aiants charge d'ames, en suitte du sainct Concile, avec ordonnance de citer ceux qui ne resident n'en estants dispensés par la faveur des induits apostolicqs..

  A023002785 

 Nous renouvelions le commandement d'avoir et tenir le Rituel dressé pour l'usage de ce diocese, et faire le Prosne y contenu, en le lisant au peuple..

  A023002821 

 Ceux qui sont tenus pour concubinaires notoirement, et neantmoins ne le confessent, le curé sera tenu Nous en advertir..

  A023002822 

 Bien permettons Nous de leur toucher les yeux avec la patene et les corporaux apres la celebration de la saincte Messe, et apres que l'Evangile de sainct Jehan sera dict.

  A023002824 

 Seront tenus tous curés Nous rapporter rolle de ceulx qui n'ont poinct communié a Pasques..

  A023002834 

 Ne sera loisible a aucun Religieux incogneu, de quel Ordre quil soit, de prescher en aucune parroche, sil n'a lettres patentes de Nous ou de nostre Vicaire general..

  A023002835 

 Tous seront tenus se confesser [à Pâques] vers leurs curés, ou vers autres qui seront de Nous licentiés, ayant touttesfois attestation des confesseurs, ou vers ceulx qui auront privilege de Sa Saincteté, en rapportant attestation d'eux a Pasques seulement; et se communier en leur parroche audict temps de Pasques, a peyne d'excommunication..

  A023002837 

 Et par ce quil Nous est venu a notice que, en plusieurs endroictz et parroches de ceste diocese, la coustume est que ensepvelissant les [404] decedés, de mettre ung linceul sus les corps d'iceulz et de se servir d'un linceul honneste, lequel les curés ne perçoipvent, mais appartient [aux héritiers]: affin que l'honneur deubt et service soit faict avec la decence requise, a esté ordonné quil ne sera plus exigé par cy apres pour ledict linceul sinon six florins, et pour le couvre-chief accoustumé mettre sus les petitz enfans, deux florins seulement..

  A023002840 

 Et comme Nous avons heu des plaintes et veu des proces sur l'excessive exaction qu'aucuns curés font de luminaire qui se faict en la sepulture des decedés et durant l'annee du dueil: a quoy desirant obvier, a esté dict quil ne sera loisible a qui que ce soit d'user es eglises que de cire pure, et que pour chasque livre de ladicte cire pure fournye par les curés, ne sera permis de demander et se fere paier plus haut que de cinq florins, poidz de ceste ville d'Annessy, lequel sera pesé au commencement et a la fin du dueil..

  A023002857 

 Et l'ayantz, iceulx prebstres [sont tenus] d'user de la forme d'absolution par Nous prescripte, a peyne cinquante livres..

  A023002872 

 Comme aussi pour les Messes et aulmones qui se font par les parroches pour la boyte de touttes ames et trespassés, que les curés exigent plus exactement quilz ne doibvent: a esté dict, que les Survelliantz se transpourteront par les parroches dependant de leur surveillance, pour avoir instruction des coustumes observees en icelles, pour, icelles instructions veues et rapportees par devers Nous, estre donné tel ordre et reiglement que verrons estre expedient et de raison..

  A023002894 

 Que si lesdictz benefices sont chappelles dependant de droict de patronage, seront les patrons et presentateurs d'icelles tenus presenter et nommer pour recteurs desdictz benefices, dans le temps pourté par le droict, gentz capables pour estre institués: a faute de quoy fere, seront les chappelles par Nous conferees comme si icelles chappelles ne dependoient d'aucun presentateur..

  A023002894 

 Que tous beneficiés desirant resigner leurs benefices par cause de permutation, par devant Nous ou nostre Vicaire general, seront tenus par cy apres exprimer la situation et vraye valeur du revenu et en quoy le dict revenu consiste.

  A023002899 

 Et par ce que plusieurs chappelliers tiennent et possedent chappelles sans estre d'icelles institués, a esté dict et ordonné que tous chappelliers feront et Nous rapporteront leurs institutions par devers le greffe dans trois mois; autrement, et a faute de ce, seront par Nous tenus comme intrus, et d'icelles en sera par Nous proveu a d'autres comme verrons a fere..

  A023002901 

 Sur la plaincte a Nous faicte que aucuns curés prennent argent pour publier mariages et Monitoires, des a present il est inhibé a tous curés que, pour publication de mariages ou Monitoire, il n'en soit prins aucun argent; a peyne de vingt cinq livres et autre plus grande, sil y eschoit..

  A023002905 

 Et par ce que plusieurs prebstres ignorantz s'entremeslent de la collation des Sacrementz sans avoir permission de Nous ou de nostre Vicaire, Nous avons enjoinct a tous Surveilliantz de Nostre diocese de Nous rapporter rolle desdictz vicaires et prebstres, pour, sur ce, estre proveu..

  A023002909 

 Comme semblablement les tavernes et jeux en lieu public sont defendus a tous prebstres, sous les peynes cy devant par Nous indites..

  A023002911 

 Comme aussy de Nous rappourter rolle des communiantz de leur parroche touttes les annees, sous la mesme peyne que dessus, et des baptizés et mariages..

  A023002913 

 Sur la remonstrance verbale faicte [par] nostre Procureur fiscal, comme encour qu'il soit pourté par Nos Constitutions sinodales cy devant faictes, se presenter au Sinode et de rapporter annuellement leurs quattre livres, ce neantmoins, au mespris d'icelles, plusieurs curés ne tiennent compte d'obeir a icelles, de sorte quil Nous auroit requis qu'elles fussent refrechies: quoy ouy par Monseigneur le Reverendissime, seroit esté dict et ordonné que tous curés seroient tenus de se presenter audict jour de Sinode touttes les annees personnellement, produire et remettre leurs quattre livres en bonne et deue forme; a peyne de dix livres.

  A023002924 

 Ausquelz [curés] est inhibé de ne dispenser en façon que soit, sinon aux Survelliantz, ausquelz Nous avons permis de pouvoir dispenser..

  A023002930 

 Tous curés seront tenus venir prendre, toutes les annees, les sainctz Huilles aux lieulx accoustumés et establys, a peyne de dix livres contre les contrevenantz; desquelz curés Nous en sera donné le nombre dans la feste de sainct Jehan Baptiste, et la distance de chasqun lieu, pour provoir sur la dispense pour venir [les] querir et conferer a iceulx..

  A023002942 

 Mondict Seigneur le Reverendissime... dict que tous les absentz seront adjournés pour comparoir par devant nous, [Procureur fiscal,] pour se voir declarer d'avoir encouru la peyne de dix livres..

  A023002972 

 Et finalement, que au Mariage sera observé le Rituel par Nous dressé..

  A023002982 

 Attendu la grande estendue de Nostre diocese, environné en divers endroitz d'heretiques avec lesquelz une partie de nos diocesains sont contraintz non seulement de frequenter, mays encor de demeurer la pluspart du temps; desirans sçavoir si un chacun fait devoir de vray catholique, Nous enjoignons a tous curés, vicayres et autres ayans charge d'ames riere ce diocese, de rapporter toutes les annees au Sinode, par devant Nous ou nostre Vicayre general et Official, les noms et surnoms dé ceux qui ne se seront confessés et communiés aux Pasques precedentes, ainsy que dessus a esté dit..

  A023002984 

 Nous defendons a tous curés, vicayres et autres ecclesiastiques de publier aucuns Monitoires et censures les jours et festes de la Nativité de Nostre Seigneur, Pasques, Ascension, Pentecoste, du pretieux Cors de Nostre Seigneur, Annonciation et Assomption de Nostre Dame, saint Pierre aux Liens, la Toussaint et es jours du Patron et Dedicace des eglises, esquelles telles publications [ne] se devront faire.............................................................................

  A023002991 

 Que sur l'opposition de publication de Monitoire ou de mariage, les parties seront renvoyees par devant Nous ou nostre Vicaire general et Official, pour estre reiglé comme en ayant la cognoissance..

  A023002999 

 Touttes provisions Apostoliques fulminees par devant Nous, ou nostre Officiai et Vicaire general, seront mises a execution et mises en possession par nostre greffier qui en fera registre dans le mois..

  A023003025 

 Tous Survelliantz seront tenus de Nous donner advertissement et noms des curés qui tiendront femmes suspectes, et de la vie et meurs d'iceulx..

  A023003040 

 Veu les Requeste et Articles cy attachés, a Nous presentés de la part du Clergé de Savoye, et le tout bien consideré, attendu le faict dont il s'agit; de Nostre certaine science et avec l'advis de Nostre Conseil, vous mandons et ordonnons par ces presentes, que, le tout bien et deuement consideré, ayes a pourvoir sur les fins et conclusions desdicts articles le plus promptement que faire se pourra, ainsy et comme verres estre a faire par rayson et justice, vous donnant de ce faire plein pouvoir, authorité, mandement et commission: car tel est Nostre vouloir..


24-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIV-Vol.3-Opuscules.html
  A024000283 

 A l'approche, presque à la veille de ce jour de fête périodique où l'Eglise catholique notre Mère a ordonné que le grand et vénérable Sacrement de l'Eucharistie soit honoré d'un culte spécial et solennel, et porté en procession en grande pompe et magnificence [3] sur les chemins et places publiques, pour montrer à ses ennemis, par tout ce joyeux apparat, la vérité victorieuse du mensonge et triomphante de l'hérésie: le Saint-Esprit Nous ayant, établi, par la volonté du Siège Apostolique, pour gouverner cette Eglise de Dieu où Nous sommes placé, le soin primordial Nous incombe de tout ordonner, afin qu'il n'y ait rien que de convenable et de beau dans cette solennité..

  A024000284 

 C'est pourquoi, avant tout, Nous exhortons vivement tous les fidèles des deux sexes, les membres du clergé tant séculier que régulier, de tout Ordre et dignité, d'assister à la procession générale dans laquelle est porté ce Corps redoutable; et même, autant que Nous le pouvons dans le Seigneur, en vertu de la sainte obéissance et sous peine d'excommunication latæ sententiæ (à moins d'empêchement légitime), Nous prescrivons à tous de participer à cette procession solennelle avec les ornements sacrés et la pompe convenable.

  A024000286 

 C'est pourquoi Nous, par le présent édit, Nous ordonnons et décrétons ce qui suit: Parmi les ecclésiastiques, viendront en premier lieu les Frères de Saint-François, de l'Ordre des Capucins, puis les Révérends Frères de Saint-François de l'Observance et les Révérends Frères de l'Ordre de Saint-Dominique.

  A024000286 

 En dernier lieu viendra Notre Eglise cathédrale, au milieu de laquelle Nous-même, Dieu aidant, porterons le très auguste et redoutable Sacrement dans le plus grand apparat et la plus grande magnificence qu'il sera possible.

  A024000287 

 Dans Notre volonté absolue de les sauvegarder, Nous sommes prêt, chaque fois que ces droits seront reconnus, à déclarer cette ordonnance, en tant qu'elle s'y opposerait, nulle et sans aucun effet..

  A024000287 

 L'ordre ci-dessus indiqué étant conforme au Cérémonial Romain, au droit commun et aux décrets pontificaux, Nous ordonnons, en vertu de la sainte obéissance, qu'il soit observé par tous les ecclésiastiques, tant réguliers que séculiers, sans aucune contestation.

  A024000288 

 D'ailleurs, pour favoriser le peuple, et exciter sa dévotion envers l'église paroissiale de Saint-Maurice autant qu'il est en Notre pouvoir, Nous avons décidé de célébrer dans cette église l'office solennel de la Messe, à laquelle répondront alternativement les membres du clergé de la Cathédrale et de la Collégiale, de telle sorte que là même tous puissent commencer la procession et la finir.

  A024000301 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ayant deuement faict citer les sieurs Prevost et Chanoennes de Sainct Pierre de Geneve d'une part, et les R dz sieurs Doien et Chanoennes de Nostre Dame de ceste ville d'Annissy, a comparoir par devant Nous a ce jourdhuy, septiesme dudict mois de juin, a l'heure de midy, pour [9] recepvoir l'ordre auquel ilz doibvent respectivement marcher en la future procession du Tressainct Sacrement de l'hostel (sic), et iceulx ayant comparus d'une part et d'autre a l'heure assigné, Nous avons premierement faict ouverture d'une lettre venant de la part de Monseigneur le R me Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain, de la teneur que s'ensuit:.

  A024000311 

 Et avons demandé audict sieur Doien de Nostre Dame sil ne la Nous avoit pas appourté et rendue de main en main de la part de Monseigneur l'Archevesque; lequel l'ayant veue, a faict response l'avoir appourté en la presence et assistence de R dz sieurs Barthollomé Floccard et Jacquiert, Chanoennes de ladicte eglise [10] de Nostre Dame, Dimenche dernier, cinquiesme de ce mois; lequel dict quil a un commandement particulier, non par lettre mais verbalement, de donner la main droicte a messieurs de Sainct Pierre et d'officier ensemblement et marcher en cest ordre de procession..

  A024000312 

 R d messire Loys de Sales, Prevost de Sainct Pierre [de] Geneve, remonstre, parlant au nom de tout le Chappitre de Sainct Pierre, quil n'estoit possible de mettre de chasque cousté gauche ung chanoenne de l'eglise Collegiate de Nostre Dame, attendu la disparité du nombre des uns et des autres; et partant, il requiert que le sieur Doien de Nostre Dame deubt esclaircir l'intention de mon-dict Seigneur de Vienne, laquelle il a receu verbalement, outre la lettre quil Nous a appourté.

  A024000313 

 Et estant revenus avec la-dicte lettre en main et icelle Nous ayant remise, a faict response:.

  A024000314 

 « Nous voyons par ceste lettre et le discour d'icelle, que mondict Sieur de Vienne, a l'occasion d'un advertissement quil a heu [11] de plusieurs chiefz et cas advenus narrés en icelle, que ledict Doien et Chanoennes de Nostre Dame furent contrainctz se tenir hors leur cueur, estant ledict cueur occupé par mondict Seigneur le R me, lesdictz Prevost et Chanoennes de son Eglise; et que l'on collige probablement d'icelle que plainte a esté faicte de la part des sieurs Doien et Chanoennes, lesdictz Prevost et Chanoennes de Geneve leur avoir denyé et donné empechement formel de ne louer Dieu et chanter en ladicte eglise et procession les uns avec les autres.

  A024000315 

 En suite de quoy, Nous avons interrogé ledict sieur Doien sil avoit donné tel advertissement; lequel a demandé se retirer a part avec ses Chanoennes pour fere response.

  A024000316 

 Et partant, nous persistons aux fins que ladicte sentence desja executee demeure en sa force et vigueur; vous suppliant, Monseigneur, prendre en la bonne part la remonstrance que vous est faicte, que feu d'heureuse memoire Monseigneur Justiniani, pour avoir commandé semblable meslange que pretendent se debvoir fere lesdictz sieur et Chanoennes avec vostre Eglise et Chappitre, se y pourtant lors pour appellantz, par sentence du Metropolitan telle procedure fust recogneue et decleree nulle et mal faicte, avec despens.

  A024000319 

 Sur quoy Nous avons summé les deux parties d'acquiescer a l'ordre, par la mesme missive de mondict Seigneur l'Archevesque de Vienne, sellon sa forme et teneur.

  A024000320 

 Lors, ledict sieur de Sainct Pierre de Geneve replicquant, a dict: « Nous protestons en tout et partout vouloir obeir aux commendementz de Monseigneur l'Archevesque, soit par sentence, lettre, voire mesme si nous pouvions apprendre sa volonté par signes nous aurions autant de promptitude a nous y submettre que nous ferions a une sentence definitive; mais nous soustenons la lettre estre subreptice et obreptice, obtenue sus ung faulx donné entendre: ce que se verifie par la lecture de la lettre..

  A024000324 

 « Et quant a l'exemple de vostre predecesseur susmentionné, si celuy qui a informé n'eut pas teuct le vray et parlé contre verité a dessaing (parlant civilement), ains eut dict que Monseigneur vostre predecesseur eut esté condamné de telle procedure et le degout que le Pape [en] avoit receu, nous tenons pour bien asseuré que Monseigneur l'Archevesque ne vous eut faict telle priere, comme se void par ces motz de la lettre: « Ayant esté adverty » et: « m'a occasionné, » etc. Par ou l'on void que l'advertissement estant faulx, il n'a heu volonté de fere telle pretendue priere..

  A024000325 

 Et a faute d'estre receu opposantz, nous nous en pourtons pour appellantz, et protestons formellement de tous attentatz a rencontre desdictz seigneurs Doien et Chanoennes, dommages et interestz.

  A024000325 

 Et la ou il plairoit, au prejudice dudict jugé et execution d'icelluy, nous commander quelque chose, nous vous prions ne treuver mauvais que nous nous opposions, comme nous faisons des a present.

  A024000328 

 Et, en suitte de cela, Nous avons ordonné et ordonnons, tant comme commis par le Siege Metropolitain a l'execution de la sentence provisionelle donnee l'annee passee, que comme deputé par le sacré Concile de.

  A024000328 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par ia grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ayant ouy les requisitions, responses et repliques des parties sus mentionnees, et principalement ayant consideré que la lettre de Monseigneur le R me Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain, ne Nous donne aucun nouveau pouvoir [15] pour contraindre par voye de justice les parties respectivement, pour tenir l'ordre quil desire, et beaucoup moins d'executer nonobstant opposition et appellation; et ayant, entant qu'en Nous est, procuré par voye d'exhortation et de sommation que laditte lettre fust reduitte a son plein et entier effect, ce que n'avons obtenu: apres avoir invoqué l'ayde du Saint Esprit, avons receu et recevons les oppositions et appellations des sieurs Prevost et Chanoynes de Nostre Eglise entant que de droit et de rayson.

  A024000329 

 Que l'ordre observé l'annee passee s'observera la presente annee, sauf au sieur Doyen et Chanoynes de Nostre Dame de pouvoir se trouver dans le chœur de Saint Maurice, et a la main gauche des sieurs Prevost et Chanoynes de Nostre Eglise pour, avec eux ensemblement, respondre a la Messe que Nous ou Nostre Vicayre general celebreront.

  A024000330 

 Si commandons et enjoignons tres expressement, en vertu de la sainte obedience, et ce, sous peyne aux contrevenans, silz sont particuliers, d'excommunication ipso facto incurrendæ, et si c'est un des Cors, d'interdit, d'observer cette presente Nostre ordonnance, laquelle Nous avons declairee executoire, nonobstant opposition et appellation quelcomque..

  A024000336 

 Quoy ouy par Nous, Nous avons declairé Nostre sentence executoire, nonobstant opposition et appellation quelcomque, et sans procedeure, attendu l'exigence du cas et la briefveté du tems dans lequel il faudra comparoir a laditte procession.

  A024000342 

 Et Nous, dit FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, Commissaire, avons de nouveau commandé et enjoint auxditz sieurs Doyen et Chanoynes de Nostre Dame, nonobstant laditte appellation d'abus, attendu laditte briefveté de tems, de comparoir a laditte procession, d'obeyr a Nostre ditte ordonnance, aux peynes y contenues..

  A024000352 

 et percevoir leurs dismes et nouveletz Nous, arbitres.

  A024000355 

 Et neanmoins, ayant aucunement esgard que les nouveletz pour lesquelz le present proces a esté intenté sont de fort peu de revenu, et [que] pour regard d'iceux ne pourroit estre deub que quatre ou cinq quartz au plus d'avoine: nous trouverions bon et raisonnable que lesdictes Dames [19] demanderesses s'emploiassent envers le R. P. General des Chartreux pour obtenir de luy declaration en bonne forme que lesdictz nouveletz contentieux demeurassent acquis audict sieur Curé et a ses successeurs, affin de donner tesmoignage du desir quil a de contribuer quelque chose a l'erection et amplification de l'eglise collegiale de Samoen; a la charge neanmoins que la dicte liberalité ne puisse par cy apres estre tiree a aucune consequence au prejudice de ladicte Maison de Melan, et sans que ledict sieur Curé ny ses successeurs puissent pretendre aucun droict ny disme aux nouveletz qui se feront cy apres riere toute ladicte dismerie (quand elle viendroit a tomber en friche en tout ou en partie, et a estre par apres defrichee et renouvelee), sinon dans les confins dudict quartier auquel lesdictes Dames ne sont costumieres que de prendre les deux tiers du disme.....

  A024000388 

 En l'absence du Doyen, le Chapitre s'occupera des fautes commises ou des omissions imputables aux personnes susdites, au sujet de l'Office divin ou de toute autre chose, pourvu qu'il ne s'agisse de crimes graves, car alors Nous laissons le soin de les punir à l'Ordinaire du lieu.

  A024000396 

 Reverend sieur messire Philippe de Quoex, prestre, né en loyal mariage et noble, tant de la part de son pere que de sa mere ayant presenté des lettres d'institution et provision obtenues de Nous le 6 janvier 1615, pour le [23] canonicat lhors vacant en Nostre Eglise par le deces de feu R. S r Claude Estienne Nouvelet, decedé en l'an 1613, au mois d'octobre, au venerable Chapitre de Nostre ditte Eglise: les RR. SS rs Louis de Sales, Prevost, Jean François de Sales, chantre, Estienne de la Combe, sacristain, Jean Favre, Marc Anthoine de Valence et Janus des Oches, deputés par iceluy Chapitre de Nostre Eglise, se sont presentés devant Nous et, avec les termes et reverence convenables, Nous ont fait plusieurs remonstrances, requisitions et protestations, tant pour la conservation du droit quilz ont d'eslire, nommer et instituer es canonicatz et præbendes de Nostre ditte Eglise es mois de mars, juin, septembre et decembre, comm'aussi pour l'observation des autres privileges et prerogatives desquelles Nostre ditte Eglise et le Chapitre ont accoustumé de jouir... [24] Toutes lesquelles remonstrances, requisitions et protestations Nous avons declairé et declairons, tant pour Nous que pour Nos successeurs quelconques:.

  A024000397 

 Lequel Chapitre en est en paysible et non jamais alteree ni interrompue jouissance, possession et coustume des un tems immemorial, ainsy qu'il conste et appert par plusieurs bons tiltres et documens, et par la continuation de l'usage dudit droit; lequel, comme bon, legitime et solide, et tel reconneu par Nous, non seulement Nous ne voulons en sorte quelconque violer ni contredire, mais plustost, entant qu'en Nous seroit, Nous voudrions maintenir, confirmer et entretenir, selon le devoir que Nous avons a la conservation des droitz, privileges et biens de Nos ditz Eglise et Chapitre..

  A024000397 

 Premierement, que Nous avons esleu et institué le susnommé M re Philippe de Quoex du canonicat et præbende vacans, en vertu de l'alternative [accordée] par nos Saintz Peres aux Evesques et autres Ordinaires residens actuellement en leurs eglises; comme d'ores en avant Nous voulons, en acceptant laditte alternative, jouïr du benefice d'icelle, sauf neanmoins es mois de juin et de decembre, esquelz Nostre alternative auroit lieu si le droit d'eslire et instituer esditz mois n'appartenoit a Nostre dit Chapitre: esquelz mois de juin et de decembre Nous ne pretendons de prouvoir, non plus qu'es autres deux mois de mars et de septembre: advouant, reconnoissant et declairant par ces presentes que ledit droit d'eslire, nommer et instituer es canonicatz et præbendes de Nostre ditte Eglise, qui sont venus, viennent ou viendront a vacquer esditz quatre mois de mars, juin, septembre et decembre, appartient purement et solidairement au Chapitre d'icelle Nostre Eglise.

  A024000398 

 Secondement, Nous declairons ne devoir ni pouvoir prouvoir desditz canonicatz et præbendes que personnes bien et deuement qualifiees, selon les decretz du saint Concile de Trente, et specialement selon les privileges et concessions des Papes faitz en faveur de Nostre ditte Eglise et les Statutz de Nostre dit Chapitre....

  A024000399 

 Tiercement, Nous declairons que l'eslection et nomination [25] aux canonicatz et præbendes desquelz la provision dependra de Nostre authorité ne pourront en aucun cas estre faittes que par Nostre propre personne et par celle de Nos successeurs, sans que laditte election et nomination puisse jamais estre faitte par Nos Vicayres generaux, officiaux ou substitués de nos successeurs....

  A024000400 

 Et en fin, Nous declairons que toutes les provisions par Nous ou Nos successeurs, Nos Vicayres ou les leurs, devront estre commises et addressees a Nostre dit Chapitre; a faute dequoy elles seront tenues pour nulles, comme obtenues subrepticement et contre Nostre intention..

  A024000401 

 Et a ces fins, Nous avons commandé Nostre ditte declaration estre enregistree en Nos greffes, et avons signé les presentes et corroboré par l'impression du grand seel de Nostre Evesché, et contresigné par Nostre greffier, et expedié a la faveur de Nostre ditte Eglise et Chapitre..

  A024000401 

 Toutes lesquelles declarations, comme convenables au bien de Nostre Eglise et a la conservation de la splendeur, bon ordre et sainte discipline d'icelle, Nous avons promis et promettons, par Nostre foy et serment, pour Nous et Nos successeurs, d'inviolablement vouloir observer et tenir.

  A024000443 

 Nous faisons savoir que le très illustre et très magnifique seigneur Gaspard de Genève, marquis de Lullin, chevalier portant le collier de l'ordre suprême du Sérénissime Duc de Savoie, Nous a exposé ce qui suit.

  A024000445 

 Nous donc, FRANÇOIS DE SALES, Evêque et Prince de Genève, approuvant avec bienveillance de si pieux désirs qui tendent à l'augmentation du culte divin, à l'édification de tout le peuple et à l'honneur même de l'église de la Compassion de la Bienheureuse Marie, Nous concédons par les présentes, de Notre autorité ordinaire, au très illustre et très magnifique marquis de construire la chapelle en question, sous le vocable du très saint Nom de JESUS, au lieu indiqué et en la forme marquée, avec ornements et dotation de cent cinquante [32] florins payables annuellement.

  A024000445 

 Nous défendons au recteur de l'église paroissiale de la Compassion de la Bienheureuse Marie, et à tous autres clercs de cette église, ainsi qu'aux syndics de la ville de Thonon, à tous et à chacun des paroissiens, d'empêcher en quelque façon que ce soit la construction de cette chapelle, sa dotation, l'usage du droit de patronage et de sépulture, pour le marquis et tous ses successeurs.

  A024000445 

 Nous ordonnons donc à Notre très cher dans le Christ, Vicaire général de Notre Evêché pour le spirituel et le temporel, de faire en sorte que le très illustre et très magnifique marquis et ses successeurs, hommes et femmes, jouissent pleinement des droits ci-dessus, tout empêchement étant écarté..

  A024000445 

 Pour faciliter l'exécution de tout ce qui précède, le très illustre et très magnifique marquis Nous a demandé avec l'insistance requise de lui accorder, au sujet dé tout ce qui est contenu dans cet acte, Notre consentement, approbation et libre faculté.

  A024000446 

 En foi de quoi Nous avons signé ces lettres d'approbation et les avons fait contresigner et munir de Notre sceau par Notre secrétaire.

  A024000469 

 Que noble et puissant Jean-Louis de Bonivard, chef de la garnison du Sérénissime Duc de Savoie au lieu appelé des Allinges, et [34] sa très chère épouse Anne de Mareschal, dite de Duyn, Nous ont exposé que dans l'église paroissiale des Allinges il y avait jadis une chapelle érigée sous le vocable de la Bienheureuse Vierge Marie et de Saint-Claude, laquelle fut entièrement détruite et rasée par les Bernois et les Genevois, méchants hérétiques, qui envahirent le pays il y a soixante ans ou environ; tellement que l'on ne rencontre plus trace ni de la chapelle, ni de quelques revenus en dépendant, ni du possesseur du droit de patronage, bien que le recteur de l'église paroissiale ait fait les recherches suffisantes en lançant une monition trois dimanches de suite..

  A024000470 

 A ces fins, ils Nous nomment et présentent M. Pierre Mojonier, actuellement recteur de l'église des Allinges, et pour la suite ses légitimes successeurs dûment pourvus, en sorte que leur mense soit augmentée de ce revenu de vingt-cinq florins, sous la charge néanmoins d'une Messe basse le lundi de chaque semaine à l'intention des défunts, à moins que cette Messe ne doive être transférée à un autre jour pour une cause légitime.

  A024000470 

 C'est pourquoi, pour l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Marie et de tous les Saints, et surtout au nom de la Vierge Mère de Dieu et du Bienheureux Claude, se sont-ils proposé de réédifier la chapelle susdite dans la même église et au même endroit, si toutefois cela Nous semble convenable; et aussi de lui fournir les ornements, le calice et autres choses nécessaires à la célébration de la sainte [35] Messe.

  A024000470 

 Ils sont disposés à faire tout cela pour le repos de l'âme de tous leurs aïeux, pour leur propre salut et celui des leurs, si toutefois Nous y consentons..

  A024000471 

 Ces conditions remplies, il sera tenu de célébrer une Messe basse pour les défunts le lundi de chaque semaine, en sorte cependant que s'il omettait ou permettait d'omettre cette Messe trois semaines de [37] suite, Nous donnions aux pauvres la redevance sus mentionnée.

  A024000471 

 Nous approuvons aussi et confirmons la nomination faite en la personne du recteur actuel Mojonier, pourvu toutefois que vous versiez à son profit chaque année la somme de vingt-cinq florins et que vous fournissiez les ornements et autres choses nécessaires à la célébration de la sainte Messe.

  A024000471 

 Nous donc, Evêque et Prince de Genève, accueillant favorablement la demande si raisonnable du noble couple de Bonivard, lui accordons licence et faculté d'édifier dans l'église des Allinges et à l'endroit indiqué la susdite chapelle en l'honneur de la Bienheureuse Marie et de saint Claude.

  A024000471 

 Nous défendons à tous paroissiens et autres d'oser s'opposer à l'érection de la chapelle en question, mais qu'ils laissent le présent induit recevoir pleine exécution..

  A024000472 

 En foi de quoi, Nous avons concédé les présentes lettres d'approbation, signées de Notre main, et avons ordonné qu'elles soient contresignées par Notre secrétaire et munies de Notre sceau..

  A024000501 

 Sachant pertinemment que le vénérable M. Humbert Bochet, prêtre de Notre diocèse de Genève, [recteur] moderne de l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, a atteint la quatre-vingtième année de son âge, ou à peu près, en sorte que, par suite de cet âge avancé et de ses infirmités physiques, il ne peut plus faire les fonctions sacrées, administrer les Sacrements de l'Eglise et accomplir [39] les autres devoirs d'un vrai pasteur; sachant, en outre, que vous Nous êtes présenté, pour les causes susdites, comme coadjuteur dans l'administration et le gouvernement de ladite église, par le Révérend Etienne de la Combe, chanoine de l'Eglise de Genève, procureur de M. Bochet, en vertu de la procuration reçue par François Galmeris (?), notaire, le 3 de ce mois de novembre:.

  A024000502 

 Nous, poussé par les raisons susdites, et dûment informé de votre honnêteté de vie et de mœurs, ainsi que de vos aptitudes et capacité suffisantes, vous décrétons, constituons et députons comme coadjuteur, pour diriger l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, pour y distribuer les Sacrements de l'Eglise et en administrer les revenus.

  A024000503 

 Bien plus, ils doivent vous recevoir et admettre comme coadjuteur, ainsi établi et député par Nous, toute opposition et appellation cessant et ne pouvant porter préjudice..

  A024000503 

 Nous défendons en outre, à tous les prêtres de ce diocèse de Genève, aux syndics et paroissiens de l'église susdite et à tous autres, [40] sous peine d'excommunication et d'une amende de cinq cent livres genevoises, d'oser en quelle façon que ce soit vous empêcher de gouverner cette église, d'y distribuer les Sacrements et d'en administrer les revenus.

  A024000523 

 Le cher et vénérable M. Jacques Albéron, curé du Châtelard-en-Bauges, Nous a exposé qu'il avait construit, de ses deniers, dans sa paroisse, un oratoire le long de la voie publique, et avec la permission du Révérendissime Père dans le Christ, Notre prédécesseur.

  A024000524 

 Aussi Nous, qui approuvons ce pieux dessein et qui devons avoir à coeur le profit spirituel des voyageurs, avons accordé quarante jours d'Indulgence, en la forme habituelle de l'Eglise, à gagner toties quoties, à tous ceux qui visiteront dévotement ledit oratoire et y réciteront une fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique pour la conversion de ceux qui errent dans la foi, s'ils sont confessés ou tout au moins contrits.

  A024000525 

 Afin qu'à tous cela soit notoire, Nous avons fait cet écrit, y avons apposé Notre signature et fait mettre le sceau de Notre Evêché..

  A024000569 

 Bien plus, Nous avons remis et transporté la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix de septembre, à la fête de la [Nativité] de la Bienheureuse Marie, fixée au 8 septembre de [46] toute année, et Nous déclarons que les paroissiens de Saint-André de [Domancy], mandement de Sallanches, devront la célébrer ce jour-là, s'ils veulent éviter la peine contenue dans l'acte écrit ci-dessus..

  A024000569 

 Nous conferons à cet acte toute inviolabilité et force nécessaires, Nous suppléons à tous défauts de droit et de fait qui s'y seraient glissés, et déclarons qu'il faudra célébrer les fêtes indiquées aux jours assignés.

  A024000569 

 Nous faisons savoir qu'après avoir vu l'acte écrit ci-dessus, reçu et signé le 16 août 1596 par l'honorable notaire du Gerdil, et après avoir examiné avec grand soin tout ce qui y est contenu, Nous l'avons confirmé, approuvé et ratifié et tout ce qu'il renferme, comme Nous le confirmons et approuvons par la teneur des présentes.

  A024000570 

 En foi de quoi Nous avons signé de Notre main et avons fait signer Notre secrétaire, et apposer le sceau ordinaire de Notre Evêché..

  A024000592 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve:.

  A024000593 

 Attendu que l'institution de la Confrairie du saint Rosaire tourne a la plus grande gloire de Dieu et porte de [48] grans fruitz de pieté au milieu du peuple qui Nous est confié, appreuvons de Nostre authorité celle qui a esté establie dans l'eglise de Sainte Marie du Petit Bornand par le R. P. François Sebastien de Maurienne, de l'Ordre de Saint François, des Capucins..

  A024000607 

 Nous avons accordé et accordons la requeste selon la forme et teneur quant a son premier chef, sauf les droitz et usufruitz du recteur moderne, lequel soit appellé pour respondre au second chef; luy enjoignans neanmoins de rendre les devoirs qu'il est obligé rendre au service de ladite chapelle, a peyne de privation si dans six semaines il ne fait apparoistre de sa diligence pour ce regard..

  A024000612 

 Nous vous mandons et commandons par ces presentes, que suyvant Nostre decret mis au bas de la requeste cy joincte, a Nous presentee ce jourdhuy par M e Aubert Daran, et, a sa requeste, adjournons en personne a domicile venerable messire Gros, partie supplié, a comparoir Annessy par devant nostre Official, a jour certain et competent, dont requis seres, duquel Nous certifions, pour respondre et defendre au second chiefz de ladite requeste.

  A024000646 

 Et comme cette fondation, dotation, donation et augmentation tend à un grand accroissement de la gloire de Dieu et du salut du peuple, Nous l'avons jugée digne, non seulement d'approbation, mais, autant que Nous le pouvions, de louange, de félicitation et de confirmation.

  A024000646 

 Nous avons vu l'acte écrit ci-dessus de la fondation, donation et [52] augmentation faite par noble Guillaume de Riddes, seigneur des Jalliets, principal auteur de cette fondation, et les nobles François et Jean-François de Riddes, frères du dit Guillaume.

  A024000646 

 Par le présent décret, Nous la confirmons et l'homologuons, sur la demande des nobles frères fondateurs et augmentateurs, [53] à cause d'un don aussi remarquable, qui est un témoignage de leur piété et de leur dévoûment envers la religion catholique et le culte divin, souhaitant et demandant pour eux, selon les promesses du Christ, le centuple en ce monde et la vie éternelle dans l'autre..

  A024000647 

 En foi de quoi Nous avons signé les présentes, et avons ordonné qu'elles fussent munies du sceau de Notre Evêché et du Nôtre..

  A024000674 

 Nous avons inhibé et inhibons aux laïcz n'entreprendre sur le despartement et distribution des offrandes lesquelles auront esté offertes et dediees a Dieu, et ordonnons aux sieurs Curé et commis de saint Anthoine de continuer en leurs coustumes anciennes pour ce regard.

  A024000686 

 Sera sursoyé a l'exaction dont est question, jusques a ce que Nous ayons conferé avec Nos deputés sur les raysons du suppliant..

  A024000695 

 A tous qu'appartiendra, sçavoir faisons, qu'en suite de la visite par Nous faitte de la parrochiale de Versonnex du vingt sixiesme novembre mil six cens et cinq, sur la remonstrance que Nous auroit esté faitte pour lhors par M re Jean Delavenay, moderne Curé dudit Versonnex, du peu de revenu qu'il y a en laditte cure, requerant avec toute humilité luy vouloir assigner portion congrue aux fins d'avoir moyen de s'entretenir honnestement et de faire ce qui est de sa charge:.

  A024000696 

 Apres Nous estre informé diligemment de tout ce qui en pourroit estre, tant des parroissiens dudit lieu qu'autres qui en pouvoyent sçavoir quelque chose, ayant treuvé le revenu de laditte cure ne pouvoir valoir par communes annees, pour consister en terrage, plus de dix huit couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et d'une sommee de vin, tous les dismes de laditte parrochialle tant du blé que du vin estans possedés et perceus par le sieur [58] Prieur de Bonneguette: Le tout meurement consideré, avons ordonné et ordonnons, qu'outre ce qui est du terrage de laditte cure, le sieur Curé present et ses successeurs en laditte cure prendront et percevront annuellement, sur les dismes de laditte parroisse appartenant audit seigneur Prieur de Bonneguette, la quantité de vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et quattre sommees de vin, mesme mesure; et c'est pour complement de la portion congrue demandee par ledit sieur Curé, et pour laquelle avoir il auroit tiré en instance ledit seigneur Prieur de Bonneguette..

  A024000697 

 Et attendu que par le saint Concile de Trente il est ordonné et establi que telles portions congrues s'assigneront en fons, avons ordonné et ordonnons que tant lesditz seigneur Prieur que Curé modernes conviendront de prudhommes et d'expertz dans six moys, pour prendre desditz dismes, tant en blé qu'en vin, qui puisse rendre par communes annees vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure que dessus, et quattre sommees de vin; qui seront desunis dudit prieuré et unis a la parrochiale de Versonnex pour le supplement de la portion congrue par Nous sus adjugé; condamnant en outre ledit seigneur Prieur de delivrer pour l'entretien du sieur Curé, pour la presente annee, a commencer des le jour et feste de saint Jean Baptiste mil six cens et sept, laditte quantité de [59] vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure que dessus, et quattre sommees de vin..

  A024000708 

 Sur les defautz par Nous observés tant en l'Office qu'autres choses concernans l'eglise de Rumilly:.

  A024000709 

 Nous avons ordonné que le revenu d'icelle eglise, qui despend de la communauté ecclesiastique surnommee des Altariens, sera employé dores-en avant en distributions quotidiennes, et selon le roolle ci joint signé de Nostre main; en sorte neanmoins que les florins seront reduitz a certaine quantité de solz, telle quil sera requis pour sauver sur ledit revenu les charges ordinaires quil faut supporter..

  A024000711 

 Mais a cause que les tiltres et biens dependans desdits [60] Altariens se sont esgarés ci devant par le mauvais mesnage desditz Altariens, Nous avons ordonné ausditz Altariens de faire dans tout ce moys un inventaire, en bonne, deüe et probante forme, de tous les tiltres quilz ont a present et de tous les biens quilz possedent, avec les confins d'iceux entant quilz seroyent fonciers, et avec toutes les specifications requises entant quilz seroyent d'autre nature.

  A024000712 

 Et pour le regard des biens ci devant mal alienés, Nous enjoignons a la communauté desditz Altariens de prendre dans la quinzaine un monitoire, pour iceluy faire publier aux fins de revelation des alienations ci devant faites, pour, selon icelles revelations, lesquelles Nous seront rapportees, estre par Nous prouveu par rayson..

  A024000718 

 Nous, dict FRANÇOIS DE SALES, etc., suivant le pouvoir a Nous donné par icelles parties, avons dict, sententié et pour bien de paix arbitré:.

  A024000730 

 Ayant comparu par devant Nous les R. sieurs Prieur et Curé de l'eglise de Rumilly d'une part, et les venerables Altariens d'icelle, pour estre reglés sur les Offices et services [63] deuz par la communauté desdits Altariens en ladite eglise, Nous avons ordonné ainsy qu'il s'ensuit:.

  A024000749 

 Sçavoir faisons que messire Guilliaulme Coudurier, prebstre, Curé de la parroisse de Sainct Lazare du lieu de Feigieres, au balliage de Ternier, se seroit presenté ce jourdhuy, quattriesme jour de juing mil six centz et neufz, par devant Nous, en Nostre palaix, lieu de Nostre accoustumee residence en la ville de Nicy; lequel auroit presenté requeste tendant a ce que portion congrue luy fust assigné, et ce faisant, qu'il Nous pleut d'ordonné que Reverend messire Janus des Osches, prebstre, Sacristain et chanoienne de l'eglise Collegiate de ceste ville de Nicy, en qualité de Curé de l'eglise parrochiale de Sainct Jullien audict balliage de Ternier, seroit tenu et contrainct relascher une corne du dixme qu'il prend et perçoipt riere la parroisse de Feigieres, attendu quil n'a portion congrue..

  A024000751 

 Et appres plusieurs replicques faictes d'un cousté et d'aultre, Nous aurions, pour bien de paix, dict et ordonné que ledict S r des Oches, Curé de Sainct Jullien, et ses successeurs en ladicte cure, paieront annuellement, a chescune feste de sainct André, au Curé dudict Feigieres de present et a ses successeurs en ladicte cure, la quantité de cinq coppes de froment, mesure de Ternier.

  A024000766 

 Apres avoir veu et consideré le proces verbal dressé par le sieur de Ronis, par Nous commis pour entendre la verité des choses exposees par les autres requestes a Nous ci devant presentees par les sieurs supplians, et ayant esgard a icelles, assignons a iceux supplians la chapelle de Saint Laurent; a la charge quilz la maintiendront, orneront et feront les autres incombences, selon les offres par eux faittes, et mesme celle de l'augmentation du revenu..

  A024000767 

 Si commettons le sieur Doyen du lieu pour passer les contratz convenables avec les sieurs supplians en faveur de ladite chapelle, et iceux contratz rapporter par devers Nous pour estre homologués entant que de rayson..

  A024000773 

 Nous publions et annonçons par les presentes, le Briefz Apostolique sus designé, et extraictz, confirmans, en vertu d'iceluy, la Confrairie erigee en l'eglise du grand Sainctz [69] Felix en Genevois, laquelle il Nous appert avoir esté canoniquement instituee; et communicons, en faveurs des confreres d'icelle, tant presentz que futurs, toutes les Indulgences et graces sus escriptes..

  A024000775 

 Nous exhortons en fin, au nom de Dieu, Nostre cher peuple de ladite parroisse de se rendre devot a ceste Confrairie, tant pour participer aux graces, Indulgences et benedictions Apostoliques concedees pour icelle, que pour tesmogner le zele quil a et doit havoir a ce tres divin, tres adorable et tres auguste Sacrement qui contient le Sauveur et Redempteur de noz ames, au quel soit honneur et gloire es siecles des siecles.

  A024000790 

 A tous les chrétiens qui ont visité dévotement l'église le jour même de la consécration, Nous avons accordé un an entier d'Indulgence, et à ceux qui la visiteront le jour anniversaire de la dédicace, 40 jours, en la forme habituelle de l'Eglise..

  A024000790 

 L'an du Seigneur 1610, le 22 février, Nous avons consacré ce maître-autel en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie et du Bienheureux Antoine, et Nous y avons enfermé des reliques du Bienheureux Antoine et du Bienheureux Théodule.

  A024000797 

 Nous avons assigné les dixmes de Loysin, les charges accoustumees destraittes, pour l'entretenement du sieur Curé de Thonnex, jusques a ce qu'autrement soit par Nous prouveu audit entretenement..

  A024000821 

 Nous commettons le sieur Prevost de l'eglise de Salanche, pour voir de la bienseance du lieu dont il est question et des autres particularités mentionnees en la requeste, pour, son advis receu, prouveoir ainsy que de rayson..

  A024000837 

 Nous permettons l'erection des oratoires requis pour, par apres, estre en iceux celebrees les Messes, ainsy que le sieur Curé de Vacheresse verra estre a faire; n'entendant qu'il soit obligé a la celebration d'icelles, ni a plus grande charge d'office pour l'erection desditz oratoires, esquelz se faysant des offrandes, appartiendront a iceluy Curé, ainsy que de droit..

  A024000863 

 Apres avoir oüy ceux quil estoit requis, et reconneu que le traitté d'accord ci joint, fait entre le R. P. Prieur d'Abondance et le R. messire Jean Mocand, Curé du mesme lieu, estoit juste et equitable, et sans aucun præjudice ni dommage de l'eglise parrochiale, Nous l'avons appreu- [78] vé et appreuvons, voulans qu'il demeure ferme et invariable.

  A024000885 

 Nous commettons le seigneur Prevost de Nostre Eglise pour faire la benediction du lieu sur ladite chapelle; et cela fait, permettons que la Messe y soit celebree au jour porté par le consentement du [sieur] Curé, reservans a [80] Nous de prouvoir sur les services et celebrations qui se doivent exercer en ladite chapelle par ordinaire.

  A024000903 

 Les habitants du village de Macherine, paroisse de Doussard, ayant pieusement restauré une chapelle autrefois détruite, sous le vocable de Saint-Roch, pour que le culte divin y soit désormais fréquemment célébré, Nous, dans Notre désir de favoriser leur dévotion, accordons, au nom du Seigneur, à tous ceux qui visiteront pieusement cette chapelle et y prieront pour la propagation de [81] l'honneur divin, une Indulgence de quarante jours dans la forme habituelle de l'Eglise.

  A024000909 

 Et attendu la [82] necessité quil y a de pourvoir presentement d'un curé audit Maxillier, a cause de la longue privation dont les habitans ont esté affligés, eu esgard a la bonté de vie, suffisance de science et autres louables qualités de messire Leonard Monnod, prestre natif d'Evian, Nous luy confions ladite cure, ordonnant que lettres luy en soyent expediees en bonne et deue forme, affin quil jouysse paysiblement dudit benefice et des fruitz en dependans, et notamment de ceux qui sont portés par le consentement sus mentionné, en faysant par luy le service et incombances requis.

  A024000920 

 Sçavoir faisons, aiant veu l'acte de cession, remission, conventions et promesses faictes entre messire Pierre Mojonier, Curé d'Allinges d'une part, et noble sieur Jeanloys [83] de Bonnivard, gouverneur au fort des Allinges, et damoyselle Anne Mareschal de Duing sa femme, du vingt huictiesme decembre mil six centz et neufz, receu et signé par M e Jean Soudan, avons icelluy et tout son contenu confirmé, appreuvé, emologué et authorisé, comme par ces presentes Nous confirmons, appreuvons, emologuons et authorisons; et.

  A024000933 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, appres avoer entendu les parties respectivement et consideré leurs demandes et defences, et que lesdictz deffendeurs sont demeurés d'accord et ont spontaneement confessé la coustume estre et avoer esté inviolablement observé riere les villages du Jourdil, les Costes et Pussye, dependantz dudict Aviernoz, que la premice se paye par les habitantz desditz trois villages en temps de moisson, sçavoer: une bonne gerbe froment, pour ceulx qui ont charrue, et des aultres qui n'en n'ont point une gerbe froment mediocre, a [85] forme que paient tous les parrochiens desdictes Ollieres.

  A024000934 

 Et le tout, sans Nous arrester aux Visites prodhuittes la par lesdictz deffendeurs audict proces, heu esgard a l'Ordonnance sur ce rendue par le sieur Nostre Vicaire general, par Nous a ce delegué, en datte du vingtiesme aoust mil six centz et douze; laquelle Ordonnance Nous avons approuvé, et de nouveau, entant que de besoeng, approuvons.

  A024000934 

 Et ordonnons que, sans s'arrester ausdictes Visites, tous les habitantz desdictz villages paieront la premice, suyvant ladicte ancienne coustume sans aulcune interruption observé jusque a ce jourdhuy; et que tel amendement sera apposé sur le Registre de Nous (sic) Visites par Nostre greffier, auquel est enjoinct de n'expedier cy appres aulcong extraict, sinong a forme de Nostre presente Ordonnance et amendement.

  A024000962 

 Au premier: Les habitans et manans en la parroisse de Saint Nicolas, quoy qu'eux ou leurs prædecesseurs ayent prins leur origine ou soyent extraitz des parroisses de La Giete ou Flumet, sont obligés rendre leurs devoirs parrochiaux en ladite parroisse Saint Nicolas, en laquelle de present ilz font leur sejour et demeure: ce que Nous leur enjoignons..

  A024000975 

 Nous avons esté d'advis et avons dit: Qu'attendu que les habitans Saint Robert sont parroissiens de Moncel, recevans mesme le saint Sacrement de Baptesme en l'eglise dudit Moncel et non a Saint Robert, ou aussi il ny a aucuns fons baptismaux, ilz contribueront, ainsy que les autres [91] parroissiens dudit Moncel, aux entretenemens, refections, reparations et ammeublemens de l'eglise parrochiale dudit Moncel; comme reciproquement, les autres parroissiens dudit Moncel contribueront a l'entretenement, reparation et refection de la nef de la chapelle Saint Robert, ensemblement et semblablement avec les habitans du vilage Saint Robert, en cas que ledit entretenement de ladite chapelle soit a la charge desdits habitans, et non du prieuré.

  A024001015 

 Laditte chappelle demeurant en l'administration du sieur Curé du lieu, comme il Nous est exposé verbalement, Nous permettons selon la requeste, a la charge que contract authentique se passera de la fondation de laditte chappelle..

  A024001027 

 Lequel jour, affin quil soit certain, Nous avons determiné devoir estre le mercredi, quand il n'occurrera aucune feste de commandement, affin que l'eglise parroissiale ne soit frustree des services du Curé et de l'assistence des parroissiens en telz jours de feste..

  A024001071 

 Le R d M. Claude de Reydet, dit de Choisy, doyen de l'église collégiale de Saint-Jacques de Sallanches et recteur de l'église paroissiale de Saint-Nicolas de Bonne, dans Notre diocèse, ne pouvant, à cause de son office de doyen, étant donnée la distance du lieu, et pour d'autres causes raisonnables, exercer sa charge d'âmes dans l'église en question, et ayant jugé à propos de choisir et de Nous présenter un vicaire perpétuel, approuvé cependant par Nous, Nous a humblement demandé, par acte de nomination reçu et signé du notaire Bourgeois, en date du 8 juillet passé, d'admettre et de recevoir comme capable M. Jean-François du Martherey, prêtre..

  A024001071 

 Nous faisons savoir que Nous tâchons volontiers de prêter Notre attention et Notre aide efficace à tout ce qui, suivant les circonstances de lieux et de personnes, est nécessaire au bon gouvernement des églises paroissiales et autres, et à l'augmentation du [101] culte divin.

  A024001072 

 Aussi avons-Nous jugé à propos de choisir, créer et [102] décréter à perpétuité M. du Martherey pour vicaire de l'église paroissiale de Bonne, comme nous le choisissons, créons et décrétons par les présentes; Nous la lui conférons et l'en pourvoyons en qualité de vicaire perpétuel capable, l'avertissant d'avoir à faire dans les deux mois la profession de foi entre Nos mains.

  A024001072 

 En lui faisant baiser Notre vêtement, Nous lui donnons l'investiture, et l'instituons par les présentes, en lui assignant pour son entretien tous les fruits qui appartiennent à la susdite église paroissiale, pourvu qu'ils n'excèdent pas la portion congrue..

  A024001072 

 Nous approuvons une requête qui est juste et raisonnable, d'abord parce qu'il y a contentement de la part des paroissiens et du R d monsieur le Doyen et recteur de ladite église paroissiale; ensuite, parce que, d'après les constitutions du saint Concile de Trente, l'érection de cette vicairerie perpétuelle devait absolument se faire.

  A024001073 

 C'est pourquoi Nous ordonnons à tous prêtres, clercs, notaires et tabellions de Notre diocèse, et à chacun d'eux conjointement, d'avoir à procurer la possession réelle, actuelle et corporelle de cette vicairerie perpétuelle pour la paroisse de Bonne, et de ses droits, fruits, rentes et revenus à M. du Martherey, prêtre, comme capable, et d'avoir à le défendre dans sa possession, en chassant tout illégitime détenteur..

  A024001074 

 En foi de quoi Nous avons signé de Notre main les présentes, et les avons fait signer par Notre secrétaire et munir de son sceau.

  A024001091 

 Ayant examiné les articles ci-dessus, Nous confirmons par ce Décret la Confrérie du saint Martyr Sébastien, accordant, en la forme habituelle de l'Eglise, une Indulgence de quarante jours à tous ceux qui en font ou en feront partie, chaque fois que, selon les articles ci-dessus, ils assisteront dévotement aux processions, aux [104] Messes solennelles et aux Offices, et chaque fois aussi qu'ils recevront les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie..

  A024001092 

 A condition toutefois que sera bien mis à exécution ce qui a trait, dans les mêmes articles, au repas à prendre en commun, et que ce repas se prenne, non en une auberge publique ou une taverne, mais dans une maison privée: Nous le bénissons alors au nom du Seigneur..

  A024001112 

 Nous requerant vouloir iceluy homologuer et insinuer, et sur iceluy interposer Nostre decret et auctorité pastorale, suivant les conventions et astrictions portés par ledict contraict; et ce en presence de M e Pierre Heretier, procureur desdictz scindicques et parroessiens, et tous deux constitués a ces fins au corps dudict contraict: lequel M e Heretier a presté consentement et, en tant que de besoingt, requis la mesme homologation et insinuation..

  A024001112 

 Par devant Nous, FRANÇOYS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et comparu au palaix de Nostre habitation et residence ordinayre de cette cité M re Jacques Duret, procureur de M re Laurent de Collonges, Curé de [106] Morzine, lequel Nous a remonstré comme les scindicques et procureurs dudict lieu auroyent fondez et donné a laditte eglise a perpetuité, et promis paier annuellement audict sieur Curé et a ses successeurs la somme de douze vingtz florins, monnoye de Savoye, pour l'entretien d'ung vicayre audict lieu de Morzine, ainsi que plus amplement est contenu au contraict du premier de ce mois, qu'il exhibe, receu et signé par M e Galliard, notayre.

  A024001113 

 Quoy ouy par Nous, dict Evesque, et appres que lecture a esté faicte dudict contraict, avons iceluy homologué et insinué selon sa forme et teneur, et sur iceluy interposé Nostre decret et authorité pastorale, et ordonné qu'il sera enregistré es Registres de l'Evesché; a la charge que les chappelles mentionnees audict contraict, assignees pour partie de l'entretient dudict vicayre, seront unies, comme par ces presentes Nous les avons uny et incorporé a perpetuité, [107] ensemble les fruictz et revenus d'icelles, a laditte cure de Morzine..

  A024001121 

 Veu par Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque Evesque et Prince de Geneve, le testement sus escript et derniere volonté du sieur [108] testateur y nommé, avons icelluy aucthorisé, confirmé, approuvé et esmologué, ainsy que par ces presentes authorisons, confirmons, approuvons et esmologuons en ce qui regarde la fondation d'icelle et erection d'escolle y mentionnee; dict et ordonné qu'il sera enregistré es Registres de Nostre Evesché pour y avoir recour en tempz et lieu..

  A024001163 

 Nous appliquons volontiers Notre attention à ce qui augmente le culte divin et procure plus heureusement la consolation spirituelle des paroissiens, pour les églises soumises à Notre autorité, surtout pour celles qui ont le privilège de la charge des âmes.

  A024001165 

 En sorte que dorénavant il sera permis aux futurs recteurs de l'église paroissiale de Sales, lesquels dans l'avenir en seront légitimement pourvus par Nous, Nos successeurs ou le Siège Apostolique, d'user, posséder, et jouir librement de ces revenus, et de les employer à leur avantage et utilité, sans la permission du futur recteur de l'église de Cranves et de ses successeurs.

  A024001165 

 Nous accordons l'investiture au recteur de Sales pour pouvoir et devoir assumer toutes les obligations, offices et charges d'un recteur indépendant (ce à quoi Nous le considérons comme tenu), et, pour que soit donnée satisfaction le plus tôt possible aux pieux désirs du patron et de la communauté de Sales, que ladite dissolution obtienne son effet..

  A024001165 

 Nous donc, qui, parmi les autres obligations de Notre charge, n'estimons pas de mince importance celle-ci (c'est-à-dire l'accroissement du culte divin et la consolation spirituelle des paroissiens), et croyons qu'elle sera agréable au Dieu très bon et très grand: Nous montrant favorable à la requête du patron et des habitants de Sales, après avoir fait une enquête sur la vérité des choses y contenues et pris connaissance du consentement de Notre administration [113] fiscale, de par Notre autorité ordinaire, Nous dissolvons et révoquons, dès maintenant et pour toujours, l'union, jadis faite par Nous, des églises paroissiales de Cranves et de Sales.

  A024001165 

 Nous démembrons et séparons pareillement les fruits respectifs de ces églises, et appliquons, unissons et incorporons à perpétuité à celle de Sales les revenus qui lui appartiennent, comme séparés et désunis des revenus de l'église paroissiale de Cranves.

  A024001183 

 Nous faisons savoir qu'après avoir vu l'acte ci-dessus écrit, reçu et signé par le notaire ducal Besson, et avoir très attentivement examiné toutes les choses y contenues, Nous l'avons confirmé, approuvé et ratifié et ce qu'il contient, comme par la teneur des présentes, Nous le confirmons, approuvons et ratifions, et lui accordons force et solidité inviolable, suppléant par ailleurs à tous les défauts de droit et de fait qui s'y seraient glissés, et à chacun d'eux en particulier..

  A024001202 

 Et cependant, enjoignons que la recepte tant desdites censes que dudit vin [118] se face par homme resseant, a ce choysi par le sieur Curé, et les scindiqs, par devant lesquelz il rendra compte de l'emploite, et sera de plus ledit sieur Curé [obligé] Nous tenir adverti d'an en an d'icelle emploite..

  A024001202 

 Et quant a l'employte de l'argent provenant desdites censes, comm'encor de l'argent provenant du vin des vignes mentionnees, Nous ordonnons qu'elle soit faite, tant pour les reparations, ornemens et ustensiles sacrés de l'eglise, que pour l'erection de la chapelle du Saint Rosaire, pour sept ans; apres lesquelz, si l'eglise se treuve en terme quil ne soit plus besoin d'y appliquer lesditz revenus, dont les remonstrans feront apparoir, sera prouveu par l'authorité ordinaire, ainsy que de rayson.

  A024001230 

 Nous avons appreuvé le vœu susdit quant a l'observation de la feste jusques apres le service de la sainte Messe, le reste du jour demeurant a devotion.

  A024001244 

 Nous appreuvons l'erection de la Confrerie mentionnee, exhortans tous les parroissiens de sy enroller et tascher de bien proffiter pour la fin a laquelle elle tend..

  A024001268 

 Nous avons ordonné qu'elles seront l'une et l'autre enregistrées au greffe de l'Evesché, avec Nostre present Decret, par lequel Nous ordonnons de plus, qu'il sera par Nous, ou Nostre Official et Vicaire general, procedé aux formalitées præparatoires a l'union suppliée; et qu'en suitte de ce, tant les deux requestes que le present Decret seront affigés, par copie dheuement expediée, aux grands portes de l'eglise de Rumilly, et y sera ladicte copie trois sepmaines durant, pour servir de signification a tous quil appertiendra et qui porroient pretendre interestz en l'union requise, affin que nul n'en puisse pretendre cause d'ignorance..

  A024001313 

 Nous permettons la celebration de la sainte Messe en l'oratoire basti au pied de la montaigne, en la parroisse de Moÿ, par le sieur Thomasset; commettans pour la benediction du lieu le sieur Prieur de Rumilly ou le P. Gardien des Peres Capucins de Rumilly; a la charge que ledit sieur Thomasset ne laissera pas pour cela de rendre son devoir en l'eglise parroissiale du lieu, et que ladite celebration ne se fera en icelle chapelle les festes de commandement et jours dominicaux, sinon par le gré du sieur Curé du lieu..

  A024001353 

 Sur la remonstrance qui nous a esté faite par les parroissiens de Lully, tendante aux fins que le sieur Curé de Fessi envoye chasque jour de Dimanche et feste de commandement son vicaire en leur eglise pour y celebrer la sainte Messe au matin, en faveur de plusieurs personnes qui, pour quelques incommodités, ne peuvent se transporter a l'eglise dudit Fessi; s'offrans iceux parroissiens de tenir [133] ladite eglise de Luly couverte, bien entretenue et meublee a cet effect:.

  A024001354 

 Nous commettons les sieurs de Blonnay, Prsefect de la Sainte Mayson, et le sieur Chatillon, Plebain de Thonon, avec pouvoir d'associer tel autre ecclesiastique que bon leur semblera, pour voir de l'incommodité et commodité de la proposition et requisition faite par ceux de Luly, ouïr le sieur Curé de Fessi et lesditz parroissiens, et regler le tout selon qu'ilz verront a faire pour la plus grande gloire de Dieu; et du tout Nous donner advis..

  A024001364 

 Sur la remonstrance a Nous faite a Thonon, tendante aux fins que les ecclesiastiques de la Congregation de Nostre Dame de Thonon ayant a faire celebrer la sainte Messe, et faire la station accoustumee dans le diocese pour les fideles trespassés dont les cors reposent au cimitiere de Saint Bon: Nous commettons les sieurs de Blonnay, [134] Prefect, et de Chatillon, Plebain, pour voir ce qui sera plus a la gloire de Dieu, et ordonner de Nostre part ce qui devra estre observé pour ce regard; et s'il y a de la difficulté, Nous renvoyer leur advis, sur lequel Nous puissions prouvoir..

  A024001380 

 Nous chargeons le vénérable M. le Curé de Corbonod de visiter la chapelle ou oratoire bâti dans la maison de Grex, de M. de Croyson; et, s'il le trouve commodément installé pour y célébrer [135] le très saint sacrifice de la Messe, qu'il le bénisse sur notre ordre avec la Bénédiction d'un lieu, qui se trouve dans le Missel ou dans le Rituel du diocèse.

  A024001396 

 Nous, soubsigné, commis pour visiter le lieu supplié, avons icelluy treuvé fort propre et convenable pour la celebration a la sainte Messe; l'ayant a cette fin [137] beni Benedictione loci, et puis permis la dite celebration jusques autrement soit ordonné par Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve..

  A024001418 

 Puisque donc vous désirez, étant donné le voisinage immédiat du diocèse de Belley et du Nôtre, distribuer parfois le [139] pain de la parole de Dieu et exercer les autres fonctions sacrées aux ouailles et dans les églises à Nous confiées, selon l'opportunité des évènements et des temps, sachant que vous avez pour vous l'exemple d'une bonne vie et une parole saine et irréprochable, Nous vous accordons dans le Seigneur, par la teneur des présentes, la faculté de prêcher dans Notre diocèse, de chasser les démons par les.

  A024001419 

 Or, afin que vous sachiez et que tous ceux à qui il appartient sachent aussi que Nous vous avons concédé cette faculté, Nous avons écrit ceci de Notre main, et l'avons signé, en faisant ajouter à cet écrit l'apposition de Notre sceau..

  A024001437 

 Jean-François de Sales, Notre frère et chanoine de Notre église cathédrale, voulant aller à Paris pour des raisons connues et approuvées de Nous, par les présentes, pour cela signées de Notre main et munies de Notre sceau, Nous certifions et témoignons, autant qu'il est en Nous, que c'est un prêtre exempt de toute censure ecclésiastique et partant digne de toutes les marques d'une chrétienne et sincère dilection..

  A024001454 

 Aussi, devant sa requête de vouloir servir Dieu et l'Eglise hors de Notre diocèse, Nous lui avons accordé ces testimoniales dimissoires, par lesquelles Nous souhaitons et demandons que tous les serviteurs du Christ, inférieurs et supérieurs, le considèrent comme à eux recommandé..

  A024001454 

 Nous certifions par la teneur des présentes que le vénérable et à Nous cher dans le Christ M. Henri Barbier, prêtre de Notre diocèse, a été promu selon toutes les règles canoniques, est libre, à Notre connaissance, de toute censure ecclésiastique, n'est entaché d'aucune infamie ou vice répréhensible; bien mieux, a été approuvé, par Nos examinateurs synodaux, pour l'administration des Sacrements.

  A024001465 

 Nous ayant esté remonstré de la part de messire Pierre Rouffille, prebstre, quil auroit cy devant faict permutation de la cure d'Arit, de laquelle il estoit paisible pocesseur et laquelle il avoit descervy l'espasse de trente cinq ans, a une chappelle a luy remise en eschange par messire Jehan Claude Blanc, prebstre et curé moderne dudict Arit, et que depuis ladicte permutation, a raison d'une maladie, joincte a son vieil aage, qu'il luy seroit survenue, il auroit faict despence de toute l'espargne qu'il avoit faict en son jeune aage; si que maintenant il ne luy reste plus aucun moien de pouvoir s'entretenir et secourir en ceste extremité de sa vie, sinon qu'il luy soit par Nous prouveu, attendu que la chappelle sus mentionnee n'est pas de revenu suffisant pour ce faire:.

  A024001466 

 Pour ces causes, lesquelles Nous sont notoires, heu esgard de ladicte vieillesse du suppliant, et a la longueur du service rendu bien et deubuement a ladicte parrochiale d'Arit, comm'aussy a l'inegalité des benefices eschangés et mentionnés [143] cy dessus, Nous avons ordonné audict messire Blanc, de retirer, nourrir et entretenir convenablement ledict messire Pierre Rouffillie le reste de sa vie durant, sur les fruitz et revenus de ladicte cure d'Arit, lesquels Nous chargeons pour les mesmes causes de l'entretenement dudit messire Pierre Rouffillie, saufz audict messire Jehan Claude Blanc et a ses successeurs, s'il y eschoit, de se prevalloir de ladicte chappelle eschangee, pour fere partie dudit entretenement..

  A024001479 

 Nous commettons par ces presentes, signees de Nostre main et seellees de Nostre seel, venerable sieur Scipion Machet, curé de Saint Julien, pour informer, appeller, [instruire] toutes procedures, jusques a sentence definitive exclusivement, es contraventions des festes et autres commandemens de Dieu et de la sainte Eglise dont la connoissance appartient a Nostre authorité episcopale, ou purement ou mixtement; et ce, en ce qui regarde les laicz tant seulement..

  A024001498 

 Nous accordons le pouvoir d'administrer à son gré les Sacrements dans Notre diocèse, toutes les fois qu'il en sera prié par une église paroissiale, pouvoir qui durera aussi longtemps qu'il paraîtra bon à Nous ou à nos successeurs..

  A024001516 

 Et cela, jusqu'à ce qu'il soit jugé autrement par Nous ou Nos successeurs.

  A024001516 

 Nous accordons la faculté au vénérable curé de l'église paroissiale de Pringy et à son vicaire de célébrer deux Messes aux jours de fête: une dans l'église paroissiale, une autre dans la chapelle de M. de Monthouz.

  A024001534 

 Nous accordons le pouvoir de distribuer la parole de Dieu et de conférer les Sacrements dans Notre diocèse, aux conditions ordinaires, au Révérend M. Louis Chevrier, prêtre légitimement promu par Nous..

  A024001555 

 Nous prions en [148] outre, le R me Evêque auquel vous vous serez adressé, de vous conférer les Ordres susdits, pourvu que, surtout lorsque vous voudrez être promu au sous-diaconat, il vous reconnaisse les mœurs, la vie, l'honorabilité, la science et le titre ecclésiastique ou temporel qui sont requis: ce que Nous remettons à la conscience du dit R me Evêque..

  A024001555 

 Nous savons par le témoignage d'hommes très graves que, rentré, par la souveraine miséricorde du Christ notre Seigneur, dans le sein de notre sainte Mère l'Eglise Catholique, vous désirez être promu aux Ordres ecclésiastiques, et que vous ne pouvez, sans grands inconvénients pour vous, venir les recevoir de Nous.

  A024001555 

 Nous vous accordons pleine liberté de recevoir la cléricature, les quatre Ordres mineurs et même les majeurs, sous-diaconat, diaconat et prêtrise, de n'importe quel Pontife en communion avec le Saint-Siège Apostolique.

  A024001577 

 Mais comme il ne peut arriver commodément jusqu'à Nous, soit à cause des troubles apportés par la guerre, soit à cause de la distance qui sépare sa résidence de la Nôtre, sans grand dommage pour sa bourse et surtout pour ses études: c'est pourquoi, Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, avec tout le respect qui convient, Nous vous déléguons à Notre place, vous accordant le pouvoir de conférer tous les Ordres au dit Pierre Godet, et à lui de les recevoir, en observant cependant tout ce qui est requis par le droit, excepté les interstices, au sujet desquels, si cela voas agrée, vous pourrez dispenser.

  A024001577 

 Mais, avant toutes choses, vous vous assurerez des Lettres Apostoliques par [150] lesquelles il se dit envoyé à Nous pour recevoir tous les Ordres.

  A024001577 

 Notre bien aimé dans le Christ Pierre Godet, de Neufchâtel, du diocèse de Lausanne ou Bâle, Nous a exposé que, pour certaines raisons, le Saint-Siège Apostolique l'a envoyé vers Nous pour recevoir tous les saints Ordres.

  A024001577 

 Nous déchargeons en attendant Notre conscience pour tout ce qui précède..

  A024001597 

 Nous accordons par les présentes pleine faculté à ce R me Prélat de vous conférer, et à vous de recevoir de lui, les Ordres en question..

  A024001597 

 Vous pouvez légitimement recevoir la tonsure et les Ordres mineurs de n'importe quel Illustrissime et Révérendissime Archevêque ou Evêque catholique que vous préférerez choisir, et qui exerce effectivement son office et soit en communion avec le Siège Apostolique, sans tenir compte des interstices, et malgré le defectus natalium qui vous atteint, au sujet duquel Nous vous dispensons, pourvu que vous soyez reconnu idoine, ce que Nous laissons au jugement de l'Illustrissime et Révérendissime Ordinant.

  A024001625 

 En outre, vous pourrez absoudre les pénitents des cas à Nous réservés; dispenser de l'observation des fêtes et du jeûne quadragésimal quand il y aura nécessité ou toute autre cause légitime; commuer les vœux, mais non cependant en dispenser; bénir et consacrer les ornements, vases, corporaux et autres objets à dédier à Dieu, quand le saint chrême ne sera pas nécessaire..

  A024001626 

 Et l'Ange du Seigneur se tiendra auprès de vous, et la lumière de Dieu vous environnera; et ainsi, tandis que vous m'aiderez et me soutiendrez dans la charge où je succombe, nous nous donnerons un mutuel appui; comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et nos pieds se poseront [155] avec d'autant plus d'assurance que nous aurons l'un pour l'autre plus de charité et de confiance..

  A024001627 

 Cependant, afin que les intéressés sachent que vous avez le pouvoir de remplir les fonctions indiquées plus haut, Nous avons signé de Notre propre main et ordonné l'apposition de Notre sceau..

  A024001651 

 En outre, vous pourrez absoudre les pénitents sincères de ces paroisses des cas à Nous réservés; commuer leurs vœux, non cependant en dispenser; dispenser de l'observation des fêtes et du jeûne quadragésimal, quand il y aura nécessité ou autre cause légitime.

  A024001652 

 Nous donnant un mutuel appui, et comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et chacun aura d'autant plus d'assurance qu'il s'appuiera avec plus de confiance sur l'autre, jusqu'à ce que, avec l'aide de Dieu, Prince de tous les pasteurs, nous qui participons à ses labeurs, ayons part à ses consolations..

  A024001653 

 Cependant, afin que tous les intéressés sachent que vous pouvez remplir ces fonctions et user des pouvoirs susdits, Nous avons signé ces lettres de Notre propre main et Nous ayons pris soin d'y faire apposer Notre sceau.

  A024001662 

 Nous permettons selon la requeste, et que le tout se passe sans abus et scandale.

  A024001683 

 Nous avons accordé ces lettres, signées de Notre main et munies de Notre sceau, au vénérable M. Jacques Deléglise, prébendé de Notre Eglise cathédrale, lequel part pour certaines affaires personnelles et retournera bientôt.

  A024001683 

 Nous témoignons qu'il a vécu honnêtement tout le temps qu'il est demeuré près de Nous, et qu'il a de même rempli sa charge, en sorte qu'il mérite d'être largement recommandé à tous, ce que Nous faisons..

  A024001706 

 A tous ceux qui verront les présentes Nous attestons que le Révérend M. Louis de Perrucard, Abbé commendataire du Monastère de Chézery, de l'Ordre, de Cîteaux, dans Notre diocèse de Genève, Nous a demandé, avec toute l'humilité convenable, d'accorder [162] un témoignage authentique et basé sur la vérité, au sujet de la naissance, de la foi, de la vie, des mœurs et de la doctrine de Notre bien aimé dans le Christ M. Gaspard de Perrucard, qu'il désire voir notre Très Saint Père le Pape lui donner et assigner comme coadjuteur dans le gouvernement du dit Monastère, avec future succession..

  A024001707 

 Aussi, avant toutes choses, Nous avons entendu M. Gaspard, personnellement présent, et à genoux devant Nous, réciter mot à mot avec humilité et dévotion, la profession de foi selon la forme prescrite par Sa Sainteté Pie IV dans la Bulle Injunctum Nobis, et avons reçu son serment, tel qu'il est indiqué au bas de ladite formule..

  A024001708 

 Aussi l'estimons-Nous digne d'être promu à l'abbatiat en question, surtout parce que le Révérend M. Louis de Perrucard, s'appuyant sur la puissance de son frère et des siens, a si heureusement et fortement administré ce Monastère et sa juridiction temporelle (laquelle en grande partie s'exerce non seulement à proximité des hérétiques, mais chez eux), qu'en ces temps calamiteux rien, semble-t-il, ne peut arriver de plus heureux que de voir son neveu lui être adjoint comme coadjuteur, [164] lequel étant le continuateur de son zèle et de sa vertu, deviendra son successeur dans le titre lui-même..

  A024001708 

 Quant au reste, Nous savons et témoignons en toute vérité que M. Gaspard est né dans ce diocèse, d'illustres et, ce qui vaut bien [163] mieux, de catholiques et très pieux parents; que dès son enfance il s'est adonné à la piété et aux lettres avec un tel profit, que, proclamé docteur à l'Université d'Avignon, il a atteint une connaissance plus qu'ordinaire de la théologie.

  A024001728 

 Il Nous a été très agréable que la Congrégation des prêtres du district d'Evian, établie avec Notre approbation, vous ait choisi pour visiter, selon ses Règles approuvées aussi par Nous, les [166] églises et les personnes ecclésiastiques de tout le district qui sont soumises à la juridiction épiscopale.

  A024001728 

 Nous commandons [167] à tous ceux que cela regarde, d'écouter les corrections que vous ferez et d'exécuter ce que vous aurez conseillé, car votre piété, votre zèle et votre prudence Nous sont un sûr garant que vous vous acquitterez de ces offices pour la gloire de Dieu..

  A024001728 

 Nous vous accordons par les présentes le pouvoir de faire chacune de ces visites et d'ordonner ce qui vous semblera opportun.

  A024001751 

 Par les présentes Nous annonçons et déclarons son ordination.

  A024001751 

 Qu'il soit connu de tous que Nous, le dimanche 5 juin 1622, indiction cinquième, dans l'église susnommée, avons donné la cléricature et la première tonsure régulièrement et légitimement à Notre bien aimé dans le Christ Jean Scozia, jeune écolier de Pignerol, né de légitime mariage, présent, voulant et désirant embrasser la carrière ecclésiastique.

  A024001778 

 C'est pourquoi aujourd'hui, 15 juin, troisième dimanche après la Pentecôte, jour où se rencontre la lecture de l'Evangile qui parle du recouvrement joyeux de la brebis et de la drachme perdues, dans l'église de Notre-Dame de Compassion ou des Sept-Douleurs, de Thonon, le susdit Claude Boucard a comparu en personne devant Nous, de son propre et libre mouvement, et, pour réjouir par son retour l'Eglise qu'il avait contristée par son départ, il a confessé publiquement, devant tout le peuple assemblé, son péché et son injustice, en demandant et suppliant d'être réconcilié avec Dieu et notre sainte mère l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024001779 

 Et Nous, qui avions reçu du Saint-Siège Apostolique, par lettres à Nous adressées par l'IIl me et R me M gr Pierre-François, Evêque de Savone, Nonce de notre Très Saint Père le Pape auprès du Sérénissime Duc de Savoie, la plus ample faculté particulière et nominale de recevoir, absoudre et réconcilier ledit Claude Boucard, [172] Nous l'avons entendu abjurer, condamner et anathématiser toute hérésie, surtout celle de Calvin, et avons reçu sa profession solennelle de foi catholique et d'obéissance au Siège Apostolique..

  A024001780 

 Alors, comme conséquence, en vertu du pouvoir Apostolique à Nous concédé et commis pour cette affaire, Nous avons absous le même Boucard selon toutes les règles et prescriptions des lois et du droit, dans le for intérieur et extérieur, de toutes les censures, absolument, par lui encourues à cause de son hérésie; Nous l'avons ensuite, en vertu de la même autorité, dispensé au sujet des irrégularités par lui contractées; enfin, Nous l'avons libéré entièrement du lien du vœu simple qu'il avait émis dans la Compagnie de Jésus, déclarant, comme Nous le déclarons par les présentes, qu'il n'est plus tenu dorénavant par aucune des lois de la Compagnie de Jésus, mais qu'il doit être considéré par tout le monde comme un vrai clerc et prêtre séculier, capable et participant de tous les privilèges concédés aux prêtres légitimes et honnêtes.

  A024001780 

 En vertu de la même autorité Apostolique, dont Nous sommes revêtu pour cette affaire.

  A024001780 

 Nous défendons sévèrement à tous magistrats et seigneurs, tant ecclésiastiques que laïques, de quelque rang et ordre qu'ils soient [173] et sous aucun prétexte, soit en justice, soit ailleurs, de susciter aucun ennui, procès pu préjudice au sujet de l'apostasie, hérésie, excommunication et de toutes censures encourues en quelque façon que ce soit par ledit Claude..

  A024001781 

 Bien au contraire, Nous exhortons vivement tous les chrétiens du monde à exercer tous les offices possibles de charité envers celui qui est maintenant le Révérend M. Claude Boucard, prêtre et docteur en théologie, de même que Nous le bénissons du fond du cœur par les prières que nous adressons pour lui au Dieu tout-puissant..

  A024001782 

 Et pour que tout ce qui précède soit certifié d'une manière indubitable, Nous avons signé les présentes et les avons fait signer par Notre secrétaire et munir du sceau dont Nous Nous servons dans les cas semblables..

  A024001800 

 Aussi mit-il en œuvre ce qu'il avait conçu en pensée, et conduit par le Dieu très bon, il se présenta à Nous de son propre et libre mouvement.

  A024001800 

 Nous avons reçu son serment solennel de professer et défendre désormais la foi catholique et l'obéissance au Siège Apostolique..

  A024001801 

 Alors, comme conséquence... [La suite de cette minute ne présente guère que des inversions et quelques changements de mots avec le texte définitif; nous renvoyons donc à la traduction de celui-ci, pp.

  A024001818 

 Enfin, par la même autorité, Nous lui avons concédé d'aller et venir, librement et sans reproche de la part de quiconque, avec [177] le costume des clercs et prêtres séculiers, pendant toute cette année 1608.

  A024001818 

 Nous avons déclaré, comme Nous le faisons par les présentes, que pendant tout ce temps il ne peut être obligé ou tenu à porter l'habit religieux ou à obéir aux Supérieurs réguliers..

  A024001852 

 Ayant, par Nous-mêmes, vu, lu et examiné avec soin les Lettres Apostoliques à Nous respectivement adressées et à Nous transmises par le Siège Apostolique, les unes en forme de Bulles sub plumbo, datées de Tivoli, l'an de l'Incarnation du Seigneur mil six cent neuf, le sept des calendes d'octobre, la cinquième année du Pontificat de notre Très Saint Père le Pape, par la divine Providence Paul V; les autres en forme de Bref, sous l'anneau du Pêcheur, et datées de Rome, près de Saint-Pierre, le douze mars 1610, l'année cinquième du Pontificat du même Paul V, expédiées dans les règles, non viciées ni portant de ratures ou uspectes en quelque point, par le Révérend François Bochatton, prêtre de ce diocèse de Genève, obtenues du Saint-Siège Apostolique et à Nous présentées; [182] ayant aussi vu les dépositions de témoins et informations prises et reçues à l'instance du même Révérend François, desquelles il conste clairement, soit de ce qui est contenu et raconté dans les susdites Lettres Apostoliques, soit de la réclamation de ce même François faite secrètement et extrajudiciairement, ante quinquennii lapsum; ayant en outre observé la forme prescrite dans les susdites Lettres, appelé ceux qui devaient être appelés, vu ce qui devait être vu et considéré ce qui, d'après le droit, devait être considéré, ayant devant Nous le Révérend François en habit et tonsure de son Ordre:.

  A024001853 

 Nous, Commissaires apostoliques respectivement délégués dans cette affaire, comme procédant de droit à l'exécution des Lettres [183] Apostoliques, Nous prononçons, décrétons et déclarons, en vertu de l'autorité Apostolique dont Nous sommes revêtus, que la profession autrefois émise par le Révérend François Bochatton (après l'avoir restitué in integrum adversus lapsum quinquennii, comme Nous le restituons,) a été et est nulle et invalide, et d'aucune force ou consistance, parce que faite avant l'âge légitime et sous l'inspiration de la violence et de la crainte.

  A024001854 

 En foi et témoignage de toutes les choses qui précédent et de chacune en particulier, Nous avons fait rédiger ces présentes, signées par Nous, et les avons fait munir du sceau dont se sert le Révérendissime Evêque et Prince de Genève dans les cas semblables.

  A024001879 

 A vous tous qui avez été élus par vos Supérieurs pour prêcher la parole de Dieu ou administrer les Sacrements dans ce diocèse, Nous aussi vous accordons la même faculté, approuvant leur élection au nom du Seigneur.

  A024001879 

 En outre, à vous, comme à Nos vicaires que Nous députons spécialement pour cela, Nous vous chargeons de Nous remplacer pour l'absolution de toutes irrégularités contractées à l'occasion de crimes cachés, excepté l'homicide volontaire réellement commis, selon la concession à Nous faite par le très saint Concile de Trente..

  A024001893 

 Aussi, ceux que vous approuverez, Nous les approuvons; ceux que vous enverrez ainsi dans la moisson à Nous confiée, Nous les envoyons et les réputerons comme envoyés par Nous.

  A024001893 

 Cependant, malgré tout cela, il Nous sera loisible, au cas où [187] Nous le jugerions à propos, d'interdire cette mission: ce que toutefois Nous avons confiance de n'avoir jamais à faire.

  A024001893 

 Comme vous avez coutume de mettre un grand soin à choisir parmi vous les Religieux destinés à prêcher l'Evangile et à administrer les Sacrements, Nous vous accordons, à vous et à vos successeurs, d'employer à ces ministères dans Notre diocèse, aux conditions requises, les prédicateurs et confesseurs par vous approuvés et désignés, convaincu que rien d'inconsidéré ne sera fait par vous en une si grave affaire.

  A024001907 

 Le Frère N. et le Frère N. voulant se rendre à Grenoble ou dans tels autres lieux où se trouve un couvent des Frères Mineurs de l'Observance régulière, vulgairement appelés Récollets, dans le but de s'affilier, si possible, à cette branche, Nous ont demandé de [188] les recommander par des lettres testimoniales auprès des Supérieurs de cette observance..

  A024001908 

 Aussi, condescendant à leurs vœux pieux, Nous certifions, par la teneur des présentes, que les susdits Frères N. et N., nés dans ce diocèse de parents catholiques, ont habité de longues années le monastère de Saint-François de cette ville comme Religieux profès, et n'ont donné, que Nous sachions, aucun scandale ni aux autres Religieux, ni aux fidèles de la ville, des bourgs ou des villages voisins; bien plus, ont répandu pareillement partout la bonne odeur du Seigneur, en sorte qu'ils semblent dignes de toute créance et charité..

  A024001914 

 Ayans sceu que le venerable Clergé du balliage de Gex de ce Nostre diocæse avoit fait choix de vostre personne pour, en son nom, vous acheminer et presenter aux Estatz, tant de Bourgoigne que generaux de France, qui, par le commandement du Roy, se doivent bien tost celebrer: Nous avons icelle election et nomination de vostre personne advoüee, appreuvee et ratifiee, comme par les presentes Nous confirmons, vous nommant aussi, entant [190] quil Nous compete, pour estre auxditz Estatz, dire, remonstrer, requerir et faire a Nostre nom et dudit Clergé de Gex dependant de Nostre charge, tout ce quil conviendra pour le juste soustenement et accroissement de tout ce qui regarde le saint service de Dieu et de l'Eglise audit balliage de Gex.

  A024001933 

 Comme, à ce qui Nous a été rapporté par un témoignage digne de foi, depuis déjà une année entière vous avez très religieusement vécu à Cusy, en administrant, avec Notre permission, les Sacrements et la parole de Dieu partout où vous étiez appelé: pour ce motif Nous vous accordons la faculté de séjourner à Cusy, d'y conférer les Sacrements et prêcher la parole de Dieu, ainsi que d'absoudre des cas à Nous réservés; faculté dont vous pourrez librement user dans tout Notre diocèse, pourvu que les recteurs des églises paroissiales y consentent.

  A024001933 

 Nous exceptons cependant la seule paroisse de Cusy, dans laquelle, pour des raisons à Nous connues, Nous voulons que, même sans attendre ou demander la permission du recteur de l'église de cette paroisse, vous puissiez librement user de la susdite faculté, de façon toutefois à éviter tout scandale..

  A024001934 

 Nous avertissons en même temps Votre Révérence, ce que vous faites du reste, de tempérer la science, qui autrement enfle, par la charité qui édifie, en sorte que votre charité illuminée par la science et votre science enflammée par la charité, tournent au [192] salut du peuple et à l'honneur et à la gloire du Christ Notre Seigneur.

  A024001934 

 Sur ce, Nous vous bénissons..

  A024001950 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; à tous ceux qui verront les présentes Nous faisons savoir et, témoignons que, le jour, le mois et l'année ci-dessous, Notre bien aimé dans le Christ Claude Boucard a comparu devant Nous ici, à Grenoble, et Nous a demandé de [193] daigner l'absoudre, dans le for intérieur et extérieur, de l'excommunication et des autres censures et peines ecclésiastiques dont il s'avouait chargé pour crime d'hérésie et de profession d'hérésie..

  A024001951 

 Enfin, après lui avoir imposé une salutaire pénitence, Nous l'avons régulièrement et légitimement absous, dans le for intérieur et le for extérieur, de toutes les censures et peines qu'il avait en droit encourues à cause de son hérésie et profession d'hérésie, et Nous avons prononcé son absolution.

  A024001951 

 Ensuite Nous avons reçu son serment de se maintenir toujours dans la foi et l'unité de l'Eglise Catholique, Apostolique, Romaine.

  A024001951 

 Faisant bon accueil à cette demande, Nous appuyant sur l'autorité Apostolique à Nous confiée en cette matière, mais ne voulant rien faire de téméraire là-même, Nous avons examiné ledit Claude ainsi qu'il suit.

  A024001951 

 Nous l'avons entendu lire sa formule et abjurer, détester et anathématiser toutes les hérésies, surtout celle de Calvin.

  A024001952 

 En témoignage de tout cela, Nous avons ordonné qu'on l'écrivît, Nous l'avons soussigné et fait munir de Notre sceau..

  A024001976 

 Au vénérable Père Frère André de Constance, Nous accordons ia permission de se rendre à Lyon pour une vingtaine de jours, à cause d'affaires à y traiter.

  A024001996 

 C'est pourquoi le porteur des présentes se disposant, sur l'ordre de son Supérieur, à entreprendre le voyage de Belgique dans le but de quêter au milieu de ce peuple illustre, Nous aussi, dont le diocèse est limitrophe du célèbre Monastère susnommé, et qui connaissons vraiment les actes de charité qui s'y multiplient, Nous [198] recommandons chaudement ce porteur, dans les entrailles du Christ, à tous les Révérendissimes Evêques et autres révérends et vénérables ecclésiastiques, ainsi qu'aux autres fidèles.

  A024001996 

 De même, c'est volontiers et cordialement que jusqu'ici Nous avons reçu ceux qui, recommandés par eux, se sont présentés à Nous..

  A024002008 

 Nous permettons de nouveau au Frère P. André de Constance de demeurer dans Notre diocèse, d'y exercer les fonctions sacrées, d'y administrer les Sacrements et d'y faire de pieuses exhortations au peuple, jusqu'à ce que par Nous soit autrement réglé.

  A024002026 

 Pour ce qui Nous regarde, Nous approuvons cet ouvrage érudit d'un homme érudit, et permettons de l'imprimer..

  A024002047 

 Comme Nous vous confions le soin de Nous remplacer pour cela de la meilleure manière possible, tout ce que vous ferez dans ce but, tenez-le pour confirmé et approuvé..

  A024002047 

 Ne pouvant aucunement, à cause des malheurs innombrables [201] qui ont, à la suite des guerres, agité et comme accablé notre province, visiter personnellement les basiliques des saints Apôtres Pierre et Paul, et manifester extérieurement la vénération et l'obéissance que Nous avons jusqu'ici professées et qu'à l'avenir, avec l'aide de Dieu, Nous professerons toujours à l'égard du Saint-Siège Apostolique Romain; Nous prions Votre Révérence de vouloir bien se charger, puisque elle se trouve à Rome pour d'autres affaires de Notre diocèse, de remplir en Notre nom ces devoirs de visite ad limina et de prestation d'obédience.

  A024002065 

 Le vénérable couvent de Saint-Dominique de cette ville d'Annecy, dans Notre diocèse, couvent de l'Ordre des Frères Prêcheurs, ayant la coutume d'envoyer toujours quelqu'un de ses Religieux pour recueillir, suivant la Règle et l'usage de l'Ordre, les aumônes des fidèles, et l'état de ce diocèse et de tout le pays étant tel qu'on n'arrive pas à subvenir aux besoins des mendiants du Christ qui l'habitent: Nous signons de Notre main et munissons de Notre sceau ces lettres en faveur de Notre bien aimé dans le Christ, le Frère Jacques Chappaz, convers dudit Ordre, que le Révérend Frère Prieuret le vénérable Couvent de Saint-Dominique de [203] Notre diocèse ont décidé d'envoyer même hors de celui-ci, c'est-à-dire dans le pays de Fribourg et autres parties de la Suisse, pour implorer le secours des gens pieux, afin de pourvoir à l'entretien de la communauté et de réparer les ruines déjà subies dans leurs édifices.

  A024002065 

 Par ces mêmes lettres Nous désirons recommander et recommandons chaudement, dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, le quêteur, comme chrétien et Religieux mendiant, à tous les supérieurs et inférieurs, fils et disciples de l'Eglise du Christ..

  A024002082 

 Au Révérend Père, Frère Philibert de Bonneville, théologien et prédicateur de l'Ordre des Capucins, Nous accordons le pouvoir d'ériger et d'instituer partout dans Notre diocèse, aux conditions ordinaires, l'Association ou Confrérie du très saint Rosaire, comme aussi celle du très auguste Sacrement..

  A024002099 

 Nous autorisons le Révérend dans le Christ, Frère André de Constance, à quitter ce diocèse pour se rendre à Lyon en vue de certaines affaires, et d'y demeurer une quinzaine de jours..

  A024002102 

 Nous accordons.

  A024002125 

 Nous FRANÇOIS DE SALLES, par la grace de Dieu et du Siege Apostolique Evésque et Prince de Genéve, aux bien ayméz en Jesus Christ, a celuy qui regie les affaires de la guerre pour la milice du Roy Catolique, et autres, [208] tant soldats qu'autres personnes a qu'il appartiendera, qui sont pour quelque temps ou qui demeurent dans ce dioceze: salut dans le Seigneur..

  A024002126 

 Comme Nous avons sceu qu'un certain soldat hespagnol [209] se seroit retiré dans une eglise dans le bourg de Fabricar affin de jouir de la protection et exemption des eglises, et que neanmoins quelques uns auront (sic) voulu l'arracher et le tirer hors de l'autel pour le forcer de sortir hors de l'eglise, au tort et au mespris de ces sortes d'immunitéz et exemptions:.

  A024002127 

 C'est pourquoy, Nous, a quil appartient de veiller, autant pour conserver les immunitéz de l'Eglise que pour avoir un soin tres particulier de vostre salut, selon la charge qui Nous a eté imposée, vous mandons expressement et precisement par ces presentes, soub peyne d'excommunication, de ne point entrer pour ce subjét dans des lieux saints, soit dans une eglise consacrée a Dieu, et de ne point uzer de violence pour arracher cet homme de l'autel affin de le forcer de sortir de l'eglise, estant fondé sur une telle exemption, mesme sous pretexte de rendre ou de faire la justice..

  A024002128 

 Et pour vous faire connoistre que tel est Nostre sentiment, Nous [avons] escript Nous mesme de Nostre main propre et signé les presentes..

  A024002150 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux que cela regardera..

  A024002151 

 Nous avons appris, non sans un grand ennui, qu'un soldat qui s'était réfugié dans l'église de Faverges pour y jouir de l'immunité, depuis longtemps et par un droit irrévocable accordée aux églises, avait été arraché du saint lieu par certains, violemment et au mépris de Notre commandement..

  A024002152 

 Aussi, par Nos présentes lettres, Nous ordonnons sévèrement dans le Seigneur à tous ceux qui ont donné aide et faveur à un tel acte, et surtout à ceux qui ont agi ainsi contre l'immunité de l'église et Notre commandement, de rendre le soldat en question [211] à cette église et de le laisser jouir de l'immunité, et cela dans les vingt-quatre heures.

  A024002152 

 Ce temps écoulé, s'ils n'ont pas obéi (à Dieu ne plaise) à Notre commandement, ou s'ils ne Nous ont pas fait connaître la cause pour laquelle ils ne sont pas tenus d'obéir, qu'ils se sachent frappés d'une sentence d'excommunication à encourir ipso facto.

  A024002152 

 Dans ce cas, Nous les déclarons et retenons, en effet, ainsi excommuniés, par les présentes..

  A024002153 

 En foi de quoi, Nous avons souscrit de Notre main les présentes et les avons fait munir du sceau de Notre Evêché..

  A024002172 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui il appartiendra..

  A024002173 

 Nous en tenant à Nos précédents commandements, par lesquels Nous avions averti qu'Antoine Garcia, espagnol, arraché à l'église par la violence, devait être rendu à l'église, ou que ceux à qui il appartenait devaient dire pourquoi ils n'étaient pas tenus à cette restitution: Maintenant, après avoir attentivement examiné toutes les circonstances de l'homicide commis, et les raisons sur lesquelles [213] s'appuyait Son Excellence don Alphonse Carrillo, docteur et auditeur de la milice du Roi Catholique, demeurant actuellement dans ces régions, pour refuser de rendre à l'église le susnommé Garcia; par Notre sentence définitive Nous avons prononcé et prononçons ce qui suit:.

  A024002174 

 En second lieu, par cette même sentence, en vertu de la sainte obéissance et au nom du Seigneur, Nous avons ordonné et ordonnons à tous ceux qui ont extrait ledit Antoine Garcia, ou le retiennent hors de l'église, de le rendre immédiatement et exactement à l'église d'où ils l'ont arraché, ou à une autre jouissant de la même immunité.

  A024002174 

 Nous avons enjoint à tous les juges séculiers et autres personnes à qui il appartiendra, de ne pas faire entourer l'église où sera réintégré ledit [214] Antoine Garcia, et de ne pas y mettre des gardes sous quelque prétexte que ce soit, par où l'immunité de l'église serait directement ou indirectement violée et le même Garcia s'en verrait privé..

  A024002175 

 Nous avons ordonné et ordonnons d'observer tout cela, en telle sorte que si quelqu'un faisait autrement, il soit par cette même sentence excommunié ipso facto, comme en réalité, dès à présent et pour l'avenir, Nous l'excommunions d'excommunication majeure et latæ sententiæ..

  A024002195 

 Nous avons écrit les présentes de Notre main, les avons signées et fait munir du sceau de Notre Evêché.

  A024002195 

 Nous recommandons donc à tous dans le Seigneur cette famille, et, pour que cela soit manifeste à tout le monde.

  A024002195 

 Tout cela étant ainsi et Nous étant parfaitement connu, Nous avons voulu lui accorder des lettres de recommandation rendant témoignage d'une si grande foi et force d'âme.

  A024002211 

 Nous avons accordé à M. Antoine Mugnier, de la paroisse du Châtelard, de Notre diocèse de Genève, et à Jeanne de Vimouz, de la paroisse de Faverges, aussi de Notre diocèse, de recevoir la bénédiction nuptiale, en face de l'Eglise, par n'importe quel prêtre, et de contracter mariage en présence de celui qu'ils auront choisi et d'au moins deux témoins.

  A024002211 

 Pour des raisons à Nous connues et par Nous approuvées, Nous les dispensons des bans qui, par ailleurs, devaient être faits..

  A024002212 

 En foi de quoi, Nous avons écrit les présentes, les avons signées de Notre propre main et fait munir de Notre sceau,.

  A024002228 

 Le noble Prosper de Mareste s'étant fiancé par serment avec Georgette Blanc, et ayant ensuite confirmé par un vœu ces fiançailles étant en danger de mort, selon ce qu'il Nous a saintement et religieusement affirmé: Nous, sachant qu'il vaut mieux plaire à Dieu qu'aux hommes, vous chargeons, s'il ne conste aucun empêchement à ce mariage ainsi promis, juré et ratifié par vœu, de le célébrer en face de notre sainte mère l'Eglise.

  A024002228 

 Nous dispensons pour tout le reste..

  A024002228 

 Nous désirons cependant qu'il reste ignoré un certain temps pour des raisons à Nous exposées par ledit noble de Mareste.

  A024002240 

 Nous permettons a messire Guillaume Josserand de [220] recevoir les promesses et celebration de mariage, et de donner la benediction nuptiale a Jaques Truitard et Peronne Triguet, sans proclamations, desquelles Nous les dispensons..

  A024002255 

 Ayant veu la sentence mentionnee en la requeste, et consideré les raysons d'icelle et autres verbalement proposees, Nous avons permis et permettons la celebration dudit mariage estre faitte dans une mayson particuliere; a la charge neanmoins que la benediction se fera dans l'eglise parrochiale, entre les solemnités de la Messe, ainsy quil est porté en l'ordinayre Messel Romain, et toutes autres choses qui sont a observer estant observees..

  A024002265 

 Ayant oüy la relation a Nous faitte par les theologiens a ce deputés, Nous appreuvons l'edition de ce livret contenant [222] la Vie du glorieux saint Bernard de Menthon, comme conforme a la foy de l'Eglise.

  A024002279 

 Nous dispensons des bans concernant la célébration du mariage entre noble Jacques de Chaussat et noble Jeanne Gavens.

  A024002296 

 S'il conste de la dispense Apostolique au sujet de l'empêchement de consanguinité qui existe entre M. Claude de Chabod, seigneur de la Dragonnière, et M lle Claudine-Adrienne de Mouxy de Travernay, on pourra alors, et non autrement, célébrer le mariage, même sans les bans, dont Nous dispensons, en tenant compte cependant des autres formalités requises par le droit..

  A024002329 

 Nous faisons savoir et témoignons qu'aujourd'hui, 19 juin 1618, dans Notre chapelle, selon les rites de la sainte Eglise Romaine, c'est-à-dire pendant la Messe et en tenant compte des autres conditions dè droit, Nous avons donné la bénédiction nuptiale au noble Roch Calcagni, de Plaisance, et à Marguerite de Chavanes, [226] née d'une noble famille de cette ville appartenant à Notre diocèse..

  A024002330 

 En foi de quoi, Nous leur avons délivré les présentes lettres, signées de Notre main et munies de Notre sceau, lettres qu'ils Nous avaient demandées..

  A024002349 

 Nous faisons savoir et témoignons que notre bien aimé dans le Christ M. Alexandre Gauttier, seigneur de Beauregard, de Paris, aujourd'hui même a comparu devant Nous, et, après avoir abjuré [227] comme il convenait, toutes les hérésies, mais surtout celle de Calvin, a légitimement reçu de Nous, qui en avions obtenu le pouvoir de l'Illustrissime Cardinal de Retz, Evêque de Paris, l'absolution des censures qu'il avait encourues à cause de ladite hérésie; en sorte que rien ne s'oppose plus à ce qu'il soit tenu, reçu, aimé et honoré comme un vrai catholique, par tous les vrais catholiques..

  A024002365 

 Nous faisons savoir et témoignons que Notre bien aimé dans le [228] Christ, le noble M. Guillaume de Bernard a vécu pendant deux années entières dans la ville d'Annecy, où se trouve le siège de Notre Eglise, et il y a accompli tout à fait ponctuellement tous les devoirs de la piété catholique; ce qu'il fallait attendre de quelqu'un ayant eu des parents très pieux (à Nous connus à la fois de vue et de réputation), et élevé dès l'enfance dans la demeure du très catholique prince le Duc de Nemours, dont il est maintenant un des principaux officiers, étant attaché à sa chambre..

  A024002366 

 En foi de quoi Nous avons écrit et signé de Notre main les présentes, et les avons fait munir de Notre sceau..

  A024002404 

 Toutes choses bien considerees, Nous avons condamné et condemnons le suppliant a quinze livres d'amende pour les reparations de l'eglise de sa parroisse, quil remettra dans ce moys es mains du sieur Curé ou vicaire, et en la presence des scindiqs, qui auront soin de les employer et dont ilz feront apparoir a Nous ou au sieur chanoyne Jay dans le moys apres, et quinze envers la mense episcopale; et de jeusner chaque vendredi des quatre semaines suivantes, et de dire dans l'eglise d'icelle parroisse chasque Dimanche des dittes trois (sic) semaines quinze Pater noster et Ave Maria a genoux, apres le service de la sainte Messe..

  A024002427 

 Attendu l'absence du sieur Jay, Nous commettons le sieur de Comba, chanoyne et Sacristain de Nostre Eglise, ainsy que dessus..

  A024002432 

 Veu la requeste cy dessus, Noz decretz en fin, des jours douziesme et treiziesme du courant, et tout consideré, Nous vous mandons et commettons par ces presentes, qu'a la requeste desdits suppliantz, vous adjourner a personne ou domicilie parties suppliees a comparoir et [répondre] pardevant... le sieur chanoine Delacombe, par Nous a ce commis et deputé, pour respondre et deffendre aux fins et conclusions prinses par ladite requeste et proceder ainsi que de ....

  A024002448 

 Nous dispensons des bans pour le mariage à célébrer entre l'honorable Claude Chaffarod, Notre bien aimé dans le Christ, et Jeanne Berger, aussi Notre bien aimée dans le Christ, tous deux habitants de Faverges; confiant l'affaire au premier prêtre qui, là-bas, est au service de Dieu et de l'Eglise, à condition que les autres prescriptions du droit soient maintenues..

  A024002457 

 Ayant veu, leu et consideré la Bulle concedee par le Saint Pere Paul V, en laquelle il a dispensé et dispense noble seigneur Jean Anthoine de Rossillon et noble dame Marie de Viri de contracter mariage ensemble, nonobstant qu'ilz soyent parens entre eux au quatriesme degré, Nous avons homologué, interiné le rescrit porté par icelle Bulle, comme ayans veu la deposition bien et legitimement faite par des tesmoins dignes de foy, que la supplication presentee au Saint Pere contenoit verité.

  A024002457 

 C'est pourquoy Nous vous commettons pour celebrer ledit mariage en la face de nostre Mere sainte Eglise, en presence de deux tesmoins, et mesme en lieu particulier, soit en chambre ou ailleurs, secretement, attendu que ledit mariage est des-ja publié, et qu'il n'est besoin de le celebrer sinon pour reparer les defautz de pouvoir, si aucun est intervenu au mariage des-ja, quoy que peut estre nullement, celebré..

  A024002540 

 Par devant Nous FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et compara au palais de Nostre habitation et residence ordinaire de cette cité d'Annessy, M e Jean Thomas, procureur de Ville et des R dz sieurs et nobles Administrateurs du College de laditte cité: lequel Nous a remonstré, comme suivant la bonne volonté de Son Altesse Serenissime et de Monseigneur le Duc de Genevois, Nemours et Chartres, ilz ont remis, cedé et transporté ledit College et administration d'iceluy aux R dz PP. de la devote Congregation de Saint Paul, vulgairement appellés Barnabites, par contract qu'il exhibe, du cinquiesme juillet prochain passé, receu et signé par M e Vassal, notaire et secretaire de laditte ville; Nous requerant vouloir iceluy homologuer en [248] tant que Nous touche, et sur iceluy interposer Nostre decret et.

  A024002541 

 Quoy ouy par Nous, dit Evesque et Prince de Geneve, et appres lecture faitte dudit contract, avons iceluy homologué tant que Nous touche, selon sa ferme et teneur, et sur iceluy interposé Nostre decret et authorité judiciaire, et ordonné qu'il sera enregistré aux Registres de M e Jacques Maurice Dumont, l'un de Nos greffiers..

  A024002566 

 Nous appreuvons les Statutz cy devant escritz, et ordonnons quilz soyent enregistrés en Nostre greffe, et que lettres d'union et annexation desdittes chappelles y mentionnees seront expediees, en bonne et probante forme, en faveur de l'œuvre pie du College de Cluses, attendu le consentement fait par la communauté du lieu de Cluses, lequel Nous avons admis et admettons.

  A024002589 

 Donc, le Révérend François Bochut, prêtre, recteur de l'église paroissiale d'Ayse, et les nobles Jean Mugnier, Pierre de Megève, François Girod et Claude Chastel, syndics de Cluses, dans Notre diocèse de Genève, et Conseillers du même lieu, Nous ont présenté une pétition.

  A024002589 

 Nous faisons savoir que, comme il convient à un Pasteur vigilant, Nous accordons Notre aide et secours surtout à ceux qui partagent Notre sollicitude, et emploient tous leurs soins et travaux à former la jeunesse dans la piété, les bonnes mœurs et les études libérales, [253] et que Nous leur prêtons main forte.

  A024002589 

 On Nous y expose clairement qu'il est très utile, nécessaire même, pour l'établissement d'un clergé de quatre prêtres enseignant dans le Collège de la ville, que certaines chapelles, fondées dans son église [paroissiale], soient unies au Collège en question.

  A024002590 

 C'est pourquoi le Révérend François Bochut, prêtre et recteur de l'église paroissiale d'Ayse, et les Syndics et Conseillers de Cluses Nous ont fait supplier de daigner libéralement et paternellement prendre une décision au sujet de cette union perpétuelle, annexion et incorporation.

  A024002590 

 Nous donc, approuvant une pétition si juste et raisonnable, et étant donné le consentement des Syndics et Conseillers de Cluses, lesquels sont patrons des susdites chapelles, Nous avons jugé bon d'unir, rattacher et incorporer au Collège et clergé en question les chapelles de la Léproserie et de Notre-Dame de Pitié, du même lieu, avec leurs droits, revenus et appartenances, [255] comme par les présentes Nous les unissons, rattachons et incorporons avec ces mêmes droits, fruits, revenus et appartenances.

  A024002591 

 En foi de quoi, Nous avons signé de Notre main les présentes, et les avons fait signer par Notre secrétaire et munir du sceau ordinaire de Notre Evêché..

  A024002614 

 Nous avons vu les lettres patentes par lesquelles Madame la Sérénissime Infante Catherine, fille du Sérénissime Duc, a ordonné que soit écrit ce qui suit:.

  A024002621 

 Ayant vu et considéré ces patentes, Nous nous sommes grandement réjoui dans le Seigneur d'une telle piété chez le Sérénissime Duc et la Sérénissime Infante, et, en outre, de leur sollicitude si paternelle à promouvoir et exalter le culte divin et les revenus du Collège d'Annecy.

  A024002621 

 C'est pourquoi Nous aussi, autant que cela faire se peut, Nous louons les clauses susdites de la patente et, si cela est nécessaire, les confirmons, celle surtout qui a trait à la fondation [258] d'une Messe perpétuelle et à la nomination faite par la Sérénissime Infante pour sa célébration.

  A024002673 

 Apres avoir veu et consideré les depositions des tesmoins ouÿs en la sommaire apprinse faite par M e du Mont, greffier de l'Evesché a ce commis, comm'encor le consentement presté par Nostre Chapitre cathedral, et ayant egard a la bonne volonté, intention et desir de S. A., dont [262] il Nous appert par lettres a Nous envoyees par icelle: avons ordonné et ordonnons que la chapelle de Saint Clair, communement appellee prieuré, biens, fruitz et revenuz qui en dependent, seront mis, annexés et incorporés a perpetuité au College de la presente ville et cité, avec les charges en dependantes; et qu'a ces fins en soyent expediees auxditz suppliantz lettres de provision de ladite union et annexe, telle que de droit et de coustume.

  A024002691 

 Aussi, puisque les saints Canons engagent à [263] attribuer les bénéfices soit à ceux qui célèbrent les Offices divins, soit à ceux qui s'occupent du salut des âmes par la parole, l'enseignement et l'administration des Sacrements, et que tout dernièrement, le saint Concile de Trente a témoigné un intérêt spécial à l'égard des collèges où la jeunesse apprend les rudiments de la piété et des belles-lettres, non seulement en ordonnant de les ériger, mais encore en indiquant les moyens particuliers de subvenir à leurs charges, en leur assignant des revenus ecclésiastiques: Nous, à Notre tour, avons jugé que Nous remplirions plus équitablement le devoir de Notre ministère touchant la distribution de ces revenus, si Notre soin de Pasteur, sur ce point, gratifiait ceux qui s'adonnent avec zèle, non seulement à une des œuvres susmentionnées, mais à toutes simultanément..

  A024002692 

 Or, par de légitimes documents et témoignages reçus dans ce but et à Nous montrés, il est évident que les Révérends Clercs réguliers, de Saint-Paul, appelés vulgairement Barnabites, qui au Collège Chappuisien d'Annecy, sous le vocable des Saints Paul et Charles, tout en s'acquittant, selon les pieux statuts de leur Congrégation, de la célébration des Offices divins, de l'administration des Sacrements, des prédications, du catéchisme, des écoles et autres fonctions [264] religieuses, jouissent cependant d'un si petit revenu, que, ne pouvant suffire à tant de charges assumées, ils se voient forcés à diminuer le nombre de leurs Religieux, et à omettre les fonctions ordinaires plus solennelles, ou à les célébrer moins solennellement que ne le leur permettent leurs Constitutions:.

  A024002693 

 Nous donc, en obéissant, selon Notre devoir, aux décrets des saints Canons et du saint Concile de Trente, en conformité aussi à la volonté du Sérénissime Prince de Savoie et de Piémont, voyant que, pour aider et promouvoir les services si utiles et nécessaires à la vie ecclésiastique que rend le susdit Collège, on peut, sans aucune diminution du service divin, assigner commodément la chapelle séculière ou église de Notre diocèse appelée vulgairement prieuré de Saint-Clair; de Notre autorité ordinaire, aussi bien que de celle qui, en tant que l'affaire le requiert, Nous est déléguée par le Siège Apostolique, suivant les décrets du Concile œcuménique de Trente, et après avoir pris le consentement capitulaire de Nos frères les Chanoines, Nous unissons, annexons et incorporons pour toujours, par la teneur des présentes, au Collège Chappuisien des Saints Paul et Charles d'Annecy, des Clercs réguliers de Saint-Paul, [265] ladite chapelle, église ou prieuré de Saint-Clair, de Notre diocèse, avec tous ses biens, revenus, droits et émoluments, ainsi que tous accessoires, appartenances, annexes et dépendances, eu égard à l'état actuel comme à l'état futur, et vice-versa, aussitôt qu'elle sera vacante par voie de cession pour cause de résignation, de permutation ou toute autre, ou bien, par le décès, ou autre démission ou amission du Révérend Jean Sonnerat, recteur actuel.

  A024002693 

 Nous défendons à [266] chacun et à tous, aussi sévèrement que possible, en vertu de la sainte obéissance et sous peine d'excommunication par Nous dès maintenant et pour l'avenir lancée (assignant pour cela l'espace de six jours, deux pour le premier terme, deux pour le second, et les deux autres pour le troisième), de s'opposer en quelque façon à ce que les Religieux ou leurs procureurs prennent libre possession et en jouissent en paix..

  A024002693 

 Nous ordonnons à tous et chacun prêtres, clercs, notaires et autres personnes de ce diocèse pouvant être requis à cela par le Collège, de favoriser sa prise de possession de ladite église par lui-même ou ses procureurs.

  A024002693 

 Toutefois, par la présente union Nous n'entendons pas priver l'église en question des services dus, mais les charges habituelles en seront, comme il convient, supportées par le Collège.

  A024002694 

 En foi de quoi, Nous avons livré les présentes, munies du sceau ordinaire et de Notre signature et de celle de Notre notaire..

  A024002708 

 Ordonnons a M e De Combaz de rapporter par devers Nous le livre de Visite mentionné en la presente requeste, pour, par apres, prouvoir sur le surplus d'icelle ainsy que de rayson..

  A024002712 

 Ayantz veu le livre de Visite a Nous representé par M e Decomba, disons et declarons que, procedantz a ladite Visite, Nous n'avons eu, pour la plupart du temps, attention a ce qu'iceluy M e Decomba escrivoit sur le fait d'icelle, Nous en estantz quasi entierement remis a son soin et diligence.

  A024002712 

 Et ne croyons pas qu'il se faille arrester a ce qu'en ladite Visite sont estes adjoustés par apostille ces motz: de la præsentation du sieur Baron de Menthon, puisque elle n'a esté appreuvé par Nous, et que pour avoir treuvé, appres que le livre de Visite nous a esté des-ja diverses fois representé, qu'elle avoit esté moins soigneusement et exactement redigee par escrit, Nous ny avons pas cy devant adjousté foy telle qu'est deüe aux actes publicz, mais seulement Nous en sommes servi par forme de memoyres et instructions; aussy ne l'avons Nous voulu ny signer ny appreuver nulle part..

  A024002712 

 [268] Particulierement, n'avons aucune memoire qu'en la Visite de la chapelle appellee prieuré de Saint Clair fust parlé d'aucun droit de patronage; c'est pourquoy Nous l'avons tousjours creu et tenu pour un benefice libre, sans qu'aucun en aye le droit de presentation.

  A024002760 

 Honorable Georges Scheyffer, messager de son impériale Majesté, délégué vers Nous, est arrivé ici très heureusement l'avant-dernier jour du mois de mars, à deux heures après midi.

  A024002760 

 Il nous a remis les lettres de l'Empereur, et il est reparti sain et sauf comme il était venu: c'est ce que Nous attestons par les présentes..

  A024002761 

 En foi de quoi, Nous les avons soussignées et Nous avons fait apposer Notre sceau..

  A024002782 

 Georges Seyffert, d'Augsbourg, notaire du Saint Empire, a désiré de Nous, qui le chérissons dans le Christ, l'attestation qu'il Nous a remis un décret de son auguste Majesté pour Nous inviter à la prochaine diete: ce qui est vrai, Nous le déclarons par ces présentes signées de Notre main et munies de Notre sceau..

  A024002783 

 Aussi, maintenant qu'il [282] retourne vers les siens, Nous l'entourons d'une sincère affection et Nous le recommandons à tous les fidèles du Christ qu'il aura l'occasion d'aborder..

  A024002783 

 De plus, Nous affirmons que le même Georges Seyffert, porteur des présentes, a toujours vécu, pendant le peu de jours qu'il a passés avec Nous, selon les usages catholiques et qu'il n'a rien fait qui ne respire le vrai christianisme.

  A024002853 

 Les évêques, en effet, étant, au dire [292] du grand Pontife Grégoire de Nazianze, les peintres de la vertu, qui est la chose la plus belle, et devant, par leurs paroles et leurs actes, retracer avec art et, autant que possible, exactement une chose si excellente, je ne doute pas que nous ne devions contempler en notre très illustre et distingué Juvénal l'image parfaite de la justice chrétienne, c'est-à-dire de toutes les vertus..

  A024002860 

 Lui aussitôt: « L'affaire, » dit-il, « doit être traitée avec plus d'attention, nous n'aurions pas le temps de le faire maintenant que le jour est à son déclin; si donc demain vous venez me trouver, nous nous occuperons plus opportunément de toute cette question.

  A024002862 

 D'où il est facile de conclure quelle était la persuasion de parole du grand Juvénal Ancina, sa sagacité dans les conseils, et sa constante et parfaite charité à aider le prochain; car ce que je viens de raconter à titre d'exemple, nous savons qu'il l'a fait pour beaucoup d'autres.

  A024002952 

 C'est pourquoy, sur l'humble requeste que Nous a este faicte de vostre part, Nous vous donnons pouvoir de confirmer et enrichir des Indulgences et graces speciales cy dessoubz escriptes, toutes les Confrairies du tressainct Sacrement de l'Autel cy devant canoniquement instituees et dressees en tout le diocese de Geneve..

  A024002952 

 Nous accordons volontiers, pour plusieurs respectz, ce que vous Nous demandes, principalement quand c'est pour l'acroissement du service divin.

  A024002953 

 Or, les Indulgences et graces que Nous accordons en faveur des dictes Confreries sont telles que s'ensuit:.

  A024002981 

 Oultre cela, Nous accordons a tous les confreres et seurs desdictes Confrairies quy, estant legitimement empechés (comme ceux quy seront mallades ou en voyages), ne pourront venir aux esglises, quils puissent en ce mesme temps gaigner les mesmes Indulgences quils gaigneroyent es eglises, selon quil est dict cy dessus, moyennant quils recitent un Chapellet, c'est a dire la troisiesme partie du Rozaire..

  A024002985 

 Et en fin Nous donnons pouvoir ausdictz confreres et seurs de choisir tel confesseur que bon leur semblera (approuvé neanmoins [314] de l'Ordinaire), quy une fois l'annee les puisse absoudre de tous pechés, crimes, exces et delicts, mesme de ceulx quy Nous sont reservés, et au Siege Apostolique (excepté neanmoingz les cas reservés en la Bulle Cæna Domini et en la Constitution de Clement VIII, d'heureuse memoire, Nostre predecesseur, qui se commence: Quæcumque a Sede Apostolica, dattee du septiesme septembre mil six cent et quattre, et encour les reservés aux Ordinaires des lieux), et le tout nonobstant toutes Constitutions et autres choses quy porroint estre a ce contraires..

  A024003086 

 A ce j'adjousteray les moyens et expediens que nous traictons journellement es Estats, pour heureusement et paisiblement parvenir a ceste fin; lesquelz toute fois je n'exprimeray pour n'estre encore divulgués, ayant tous pretez serment de ne rien declaré de tout ce qui se passe es Estats.

  A024003087 

 Il seroit a propos encore d'escrire a Monseigneur l'Archevesque de Bourge et le remercier humblement de centz escus qu'il nous veut donner tous les ans, tant pour nostre entretien que pour employer au faict de nostre mission; c'est outre les centz escus qu'il donne a l'economie et n'ont rien de commun avec iceux.

  A024003103 

 Il y a environ 12 jours que Sa Saincteté nous escrivit, comme aussy a Messieurs de la Noblesse, remerciant bien humblement eux et nous du zelle et affection que nous avions tesmoignez au S t Siege, nous opposant si courageusement a un article du Tiers Estat, fort pernicieux et prejudiciable a l'authorité d'iceluy, lequel, comme desja je vous en ay escript, fut osté de leur cayer par commandement de Sa Majesté, a la requeste tant du Clergé que de la Noblesse, avec deffance a ceux du Tiers Estat de ne plus s'ingerer de traicter des choses qui touchent la religion, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté par l'advis et conseil du Clergé auquel seul appartenoit cet affaire.

  A024003103 

 Je vous ay desja envoyé l'imprimé des motifs qui nous pousserent a impugner cet article, comme aussy a Monseigneur l'Evesque de Geneve dont je suis fort en peine; car depuis mon depart je n'ay receu aucune des siennes, bien que je lui aye escript par plusieurs fois, et particulierement deux fois par la voye de la poste, adressant mes lettres au R. Pere Gardien de Chambery.

  A024003105 

 Je ne pourrois vous exprimer l'honneur que j'ay receu en ceste assemblee, tant de Messeigneurs les Cardinaux, Archevesques, Evesques, Abbés, qu'autres deputez, et combien ils prisent et font estat de nostre mission et quels desirs ils ont de nous y assister, comme ils tesmoigneront a la 1 er assemblee du Clergé, ordonnant quelque somme d'argent a cet effaict, comme plusieurs me l'ont promis, et des principaux.

  A024003105 

 Monseigneur l'Archevesque de Bourge, des maintenant pour son particulier, nous donne tous les ans centz escus, tout autant qu'il faict pour les curez.

  A024003118 

 Succinctement je vous diray que les cayiers furent presentés la veille de S t Matthias, avec parolles de ne point congedier les Estats qu'ils ne fussent favorablement respondus; mais ceste parolle n'a esté gardee, attendu que la veille de l'Annonciation on nous congedia sans aucune response, disant qu'on y travailloit et qu'estant faicte on imprimeroit un arrest qu'on envoiroit par tout..

  A024003119 

 J'attendray ce temps, comme aussy la response des cayers, et si elle n'est favorable pour nous, je tascheray d'obtenir en particulier ce qu'on n'aura peu en general, comme aussi tout ce que je cognoisteray necessaire pour le bien du baillage de Gex; M. de Favey (?), M. Tombet et moy y avons desja faict tout ce que nous avons peu..

  A024003171 

 Et d'aultant que Nostre bon plaisir a esté d'introduire dans le College de ladicte ville les Peres Barnabites, sans que le revenu dudict College soit souffisant pour les entretenir, ladicte ville, en suytte de Nostre intention, leur auroit volontiers lasché et remis la moitié desdictz trois deniers pour les aider aulcunement aux grandes charges quilz supportent, moyennant quil Nous pleust leur laisser l'aultre moitié...: ce que Nous ayant esté d'aultant plus agreable qu'en mesme temps Nous tenons a aider et soulager Nostre bonne ville, comme Nous avons tousjours desiré, et tout ensemble prouvoir a l'establissement d'ung œuvre si saincte (sic) et si utile a Nos peuples et subjectz:.

  A024003171 

 Que Nous ayant tres humblement remonstré et faict entendre les Scindics, bourgeois, manantz et habitantz de Nostre bonne ville et cité d'Annessy, comme Nous ayant pleu par Nos patentes du quatorziesme juin mil six centz huict de leur continuer la levee de trois deniers sur chasque livre de chair se debitant en leur boucherie a perpetuité, que par aultres patentes precedentes Nous leur aurions accordé pour quelque temps, en consideration des grandz debtes quilz auroient faictes et charges par eulx supportees despuis tant d'annees et quilz continuent encores a present...; ce que neanmoins auroit esté restrainct, par Arrest de verification de Nostre Senat de Savoye, au terme de dix annees, sans ce que pourtant ilz ayent peu s'acquiter de telz emprumptz ny en recevoir le soulagement quilz en esperoient.

  A024003172 

 Pour ces causes et aultres, et pour complaire et gratiffier a Nostre tres chere et tres aimee fille l'Infante Cateline, qui Nous en auroit tres instamment supplié en faveur desdictz Peres Barnabites, Nous avons, pour Nous et Nos successeurs,... concedé, permis et octroyé,... en force de privilege perpetuel et irrevocable, auxdictz Scindics, bourgeois et habitantz dudict Annessy et leurs successeurs a perpetuité, de continuer a exiger, prendre et percevoir lesdictz trois deniers sur chascune livre de chair qui se vendra en ladicte ville et ses franchises;... a condition que, devant tout aultre paiement, l'on prendra cinquante ducatons annuelz et perpetuelz sur toute la somme qui se retirera de ladicte boucherie, pour la fondation d'une Messe perpetuelle selon l'intention de ladicte Infante, Nostre tres aimee fille, et pour toute la Maison de Savoye.

  A024003184 

 Nous, Frere BERNARDIN DE CHARPENE, docteur en theologie.

  A024003185 

 Nous erigeons, fondons et instituons en la parroisse de Nostre Dame d'Abondance la Tres-S te Confrairie du Tres-S t Nom de JESUS jouxte ses Status, regles et ordonances, conformement au pouvoir a Nous concede tant par nos S tz Peres les Papes que par nos Superieurs et Majeurs, exhortants et priants M re Jehan Mocand, pasteur et curé de la paroisse de Nostre Dame d'Abondance, de voulloir publier a ses parroissiens cette nostre institution et erection, et les convier a embrasser cette sacree devotion de tout leur cœur et affection, puisqu'il n'y a au Ciel ny en la terre autre nom duquel depende nostre salut que celuy de JESUS. Et ilz gousteront icy bas les douceurs et graces qui accompagnent ce sacré Nom, et decedants de ce monde en la confession d'iceluy, ilz seront comblez de gloire au Ciel..

  A024003201 

 Nous commettons le S r Rolland, Chanoine de Nostre Eglise, pour la formalité supliee; embrassant en oultre et approuvant de tout Nostre pouvoir les sainctes et pieuses intentions dudict S r Prieur touchant le reglement de la discipline reguliere en laquelle si exemplairement il s'occupe avec ses confreres audict prieuré, ainsi que desja feu Monseigneur Nostre predecesseur, de glorieuse memoyre, a faict par cy devant..

  A024003427 

 Il est admirable le signe de la Croix, source de vie, sur le bois de laquelle Notre Seigneur Jésus-Christ, pour le salut du genre humain, [339] n'a pas refusé de subir la mort pour nous rappeler de la mort à la vie; signe qui « apparaîtra dans le ciel lorsqu'il viendra nous juger; » étendard qui protège la religion catholique, et que le semeur de zizanie, l'antique ennemi du genre humain a en horreur; qui, dès les premiers siècles, a valu de nombreuses victoires et de grands triomphes, non seulement aux saints Pères, pour repousser les tentations, mais aussi aux empereurs, rois et princes, pour combattre les infidèles et vaincre les hérétiques..

  A024003430 

 Après avoir détruit les ennemis publics de sa Divinité, de l'humaine nature et des hommes, il fera revivre là, la sainte religion catholique, et nous, soussignés, il nous ramènera et nous réinstallera dans nos sièges d'autrefois et dans notre propre église, d'où, comme il a été dit plus haut, nous avons été bannis en cette ville d'Annecy, depuis plus de cinquante ans, où nous résidons comme étrangers et pèlerins dans une église d'emprunt..

  A024003430 

 Tout cela nous donne, à nous soussignés, le très ferme espoir que, après avoir imploré le secours et l'aide du signe de la Croix, source de vie, et de la très sainte Vierge Marie, ainsi que les suffrages des bienheureux Apôtres Pierre et Paul: si nous nous retournons vers Dieu lui-même, Auteur de toute piété, avec componction de cœur, gémissement et humilité, prières, jeûnes, fréquente confession des péchés, participation à l'Eucharistie, et autres œuvres de dévotion et de charité vraiment dignes de chrétiens; lui qui, même dans sa vengeance, est miséricordieux; lui qui, sévère pour les impénitents, est bon et pacifique envers ceux qui se convertissent; lui qui a coutume de délivrer de leurs tribulations en cette vie et de conduire aux joies éternelles ceux qui se sont amendés; lui qui, par ailleurs, tout clément qu'il est, veut cependant être prié, être forcé, être vaincu par une sorte d'importunité et une prière assidue, il nous [342] arrachera à toutes les vexations des hérétiques, aux incursions et déprédations de la soldatesque, à la famine qui nous oppresse, aux maladies qui nous accablent, aux guerres qui nous enserrent et aux autres périls qui sont à nos portes.

  A024003431 

 Et comme la prière assidue de plusieurs est très agréable au Dieu très bon et très grand, et que la principale raison d'espérer le secours demandé est l'assemblée pieuse et unanime, sous l'action de l'Esprit-Saint, de nombreux fidèles, au nom du Fils unique de Dieu Notre Seigneur Jésus-Christ, lequel a promis de se trouver au [343] milieu d'eux; c'est pourquoi, à l'exemple de ce qui se pratique en d'autres provinces, villes et localités, lesquelles, sous l'empire de nécessités et périls semblables, reçoivent un puissant secours et réconfort par l'érection de Confréries et sociétés sous diverses appellations saintes et pieux vocables, et par les œuvres de piété qui en résultent: pour ce motif, nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en l'un et l'autre droit, Prévôt; Jean Tissot, protonotaire apostolique, sacriste; Jean Coppier, maître de chœur et ouvrier; R mi Louis Reydet, Louis de Sales; François [de] Chissé, vicaire général au spirituel et au temporel du R me Père dans le Christ M gr Claude de Granier, Evêque et Prince de Genève, et Officiai; François de Ronis, Jacques Bally (?), docteur en sacrée théologie; Jean Portier et Etienne de la Combe, maître ès-arts, vicaire substitut du R me Seigneur Evêque; Janus Regard, commendataire perpétuel du prieuré de Lovagny; Jacques Brunet, doyen de Rumilly; Jean d'Eloise, Charles-Louis Pernet, procureur fiscal de l'évêché de Genève; Charles Grosset, Antoine Bochut, Claude d'Angeville, doyen de Vullionnex; Eustache Mugnier, commendataire perpétuel [344] du prieuré de Saint-Bardolphe, du diocèse de Grenoble, et Jean Déage, docteur en sacrée théologie, chanoines théologaux de l'Eglise cathédrale de Saint-Pierre de Genève, capitulairement réunis, selon l'usage, au son de la cloche, au lieu ci-dessous indiqué, [345] constituant plus des deux tiers des résidents et représentant le Chapitre; tant en notre nom qu'en celui des autres chanoines absents, et de nos successeurs dans la même Eglise à l'avenir, à l'honneur de Dieu et à la gloire de toute la Cour céleste, érigeons et instituons à perpétuité une sainte et très salutaire Confrérie ou Société de fidèles des deux sexes, sous le nom ou invocation de la très sainte Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la très pure Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des très saints Apôtres Pierre et [346] Paul, dans ladite Eglise cathédrale de Genève, et à l'autel de la Sainte-Croix y situé, avec cependant le consentement et sous l'autorité de notre Révérendissime Seigneur Evêque, et avec l'agrément de notre Très Saint Père le Pape et du Saint-Siège Apostolique, avec les Statuts et ordonnances ci-dessous: Confrérie à laquelle dès aujourd'hui nous déclarons expressément appartenir comme confrères et vrais fondateurs..

  A024003435 

 Plus tard, lorsque, avec l'aide de Dieu, nous retournerons en notre ville de Genève, cette Confrérie sera placée corporellement, réellement et pour toujours à l'autel de la Sainte-Croix de notre Eglise cathédrale, où elle est érigée jusqu'ici d'une manière fictive, ainsi qu'il a été dit..

  A024003435 

 Tout d'abord, étant donné que, par suite de notre expulsion, [347] comme il a été dit, de notre Eglise et ville de Genève, nous résidons dans cette ville d'Annecy et faisons les divins Offices du Chapitre et de la cathédrale dans l'église de Saint-François des Frères de l'Observance, de la même façon qu'ils se faisaient dans notre cathédrale, et que, parmi les autels érigés dans cette église de Saint-François, il y en a un, outre le maître-autel où sont chantées les Messes capitulaires, sous l'invocation de Saint-Germain, qui sert à la célébration de nos Messes matinales: nous constituons, à cause de cela, la Confrérie érigée par nous, comme il a été dit plus haut, à l'autel même de Saint-Germain.

  A024003439 

 Et parce que, soit pour célébrer et chanter les divins Offices de la [348] Confrérie et exercer les autres œuvres pies, soit pour traiter ses affaires, il est nécessaire d'avoir un lieu particulier tout à fait libre, hors de l'église où est situé l'autel que nous avons érigé (comme cela se pratique partout pour les autres Confréries), et que l'église de Saint-Jean-Baptiste, de la commanderie du Genevois, de l'Hôpital de Jérusalem, sise en lieu public de ladite ville, n'est guère fréquentée à cause du manque de ministres et de l'injure du temps présent, mais qu'il y a lieu d'espérer que les habitants de cette ville, d'ailleurs très religieux et professant avec dévotion de bouche et d'œuvre la foi catholique, visiteront ensuite cette église de Saint-Jean avec plus de ferveur, si l'on y chante plus souvent la Messe et les autres Offices divins, et si les prières publiques et les pieuses exhortations s'y multiplient; pour ces raisons, du consentement de [349] noble et magnifique seigneur Denis de Saconay, baron des Clets, seigneur temporel de Saconay, Truaz et Lorcier, procureur général de l'Illustrissime et Révérend seigneur Pierre de Saconay, son frère, de l'Ordre militaire de l'Hôpital de Jérusalem, prieur du prieuré d'Auvergne et commandeur du Genevois, nous établissons et choisissons, dans cette même église de Saint-Jean-Baptiste l'oratoire de notre Confrérie, tant que le Chapitre de Genève résidera dans la ville d'Annecy.

  A024003439 

 Et pour cette cause nous statuons et ordonnons que les Messes de la Confrérie et Offices divins, les prières publiques, prédications, exhortations et autres exercices [350] spirituels de piété et de religion, ainsi que les réunions concernant les affaires de la Confrérie, se célèbrent, se chantent, se tiennent et soient convoqués dans cette église de Saint-Jean-Baptiste.

  A024003439 

 Nous nous occuperons d'un autre lieu commode et convenable dans la ville de Genève, lorsque, par la grâce de Dieu, nous y retournerons..

  A024003443 

 Mais si, par hasard, il arrive que l'Eglise cathédrale soit transférée en un lieu autre que la ville de Genève, nous déclarons que cette Confrérie, étant unie et incorporée à perpétuité et indissolublement à la susdite Eglise cathédrale, dès maintenant comme alors, est transférée au même lieu, avec tous ses insignes, vases sacrés, ornements et livres.

  A024003447 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons que les fêtes spéciales et perpétuelles de notre Confrérie soient: l'Exaltation de la sainte Croix, la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, l'Invention de la sainte Croix et le jour des saints Apôtres Pierre et Paul..

  A024003447 

 Il est juste que nous fassions à certains jours de l'année une mémoire spéciale de ceux dont nous sollicitons le secours, et que nous en célébrions solennellement les fêtes.

  A024003451 

 Pour que ces fêtes soient célébrées avec solennité, nous statuons et ordonnons que le très saint et adorable Sacrement de l'Eucharistie sera placé publiquement et avec honneur sur l'autel de l'oratoire chacun de ces jours, et qu'il y sera conservé toute la journée avec respect et aussi avec cierges allumés.

  A024003455 

 Nous statuons et ordonnons que la même chose se fasse le second dimanche de chaque mois, excepté septembre, décembre, mai et juin, à cause des fêtes susdites qui y tombent..

  A024003459 

 Toutefois, bien que la majesté du très saint Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ ainsi exposé publiquement demande que tous les confrères passent humblement là toute la journée en louanges, prières et saintes méditations, cependant, la fragilité humaine des confrères, non encore exercés à une telle assiduité dans ces œuvres de piété, ne permettant pas cette action commune; pour que la prière ne cesse pas à l'intérieur de l'oratoire et que la Confrérie elle-même professe, à l'égard de ce très saint Sacrement de l'Eucharistie, un hommage de sa servitude: nous statuons et ordonnons que tous les jours où il sera exposé publiquement sur l'autel de l'oratoire, deux confrères, choisis par le Prieur et ses Assesseurs [353] ci-dessous nommés, pour se partager alternativement les heures, devront passer jusqu'à Vêpres, à genoux, avec l'habit ci-dessous prescrit, une heure entière en saintes prières et divines méditations, en particulier et selon la dévotion personnelle, pour notre très Saint-Père le Pape, pour tous les Prélats de l'Eglise et tout le clergé, pour la tranquillité de la république chrétienne, la sauvegarde de la foi catholique, la paix et la concorde entre les Princes et les peuples chrétiens, la conservation et l'accroissement de notre Confrérie, enfin l'augmentation chaque jour des fruits spirituels qu'elle produit.

  A024003463 

 Pour que Dieu, à qui agrée la diversité des prières et des œuvres de piété, parmi lesquelles se trouvent les pèlerinages (énumérés aussi parmi les pénitences salutaires), exauce la Confrérie en général et chacun de ses confrères en particulier, nous statuons et ordonnons que, aux mêmes jours des fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge [354] Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, et aussi le Jeudi-Saint, se fassent des processions publiques à travers la ville, les bourgs ou les localités où se trouveront alors l'Eglise cathédrale et notre Confrérie, en la manière et forme appropriées aux circonstances de lieu et de temps agréées par le Prieur et ses Assesseurs soussignés.

  A024003467 

 Aussi, rien n'étant plus salutaire, puisqu'il dépasse en excellence tous les autres, nous statuons et ordonnons que tous et chacun des confrères des deux sexes, aux fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, ainsi que Je deuxième dimanche de chaque mois (excepté septembre, décembre, mai et juin où tombent ces fêtes), s'il s'agit des prêtres, qu'ils célèbrent le saint Sacrifice de la Messe à l'oratoire, s'il est possible, sinon dans une autre église à leur choix; s'il s'agit des laïques des deux sexes, qu'ils reçoivent dans l'oratoire le Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, après avoir fait, où il leur plaira, une soigneuse confession de leurs péchés.

  A024003467 

 Parmi les autres Sacrements qui obtiennent la grâce divine, remettent [355] les fautes et méritent le comble des éternelles récompenses, le très auguste et très saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur est vraiment admirable; car par lui nous rappelons le souvenir de notre Rédemption, nous sommes détournés du mal et fortifiés dans le bien, recevant par lui des augmentations de vertu et de grâce.

  A024003471 

 Cependant, pour ne pas sembler imposer un joug impossible à supporter à nous-mêmes et aux confrères, nous statuons et déclarons qu'il sera permis, à quiconque sera légitimement empêché de recevoir la sainte Eucharistie une des fêtes et des dimanches susmentionnés, de satisfaire au statut précédent un autre jour de n'importe quel mois, pourvu qu'il avertisse de son empêchement le Prieur soussigné, qui y pourvoira pour le mieux..

  A024003479 

 Nous exhortons les confrères à y assister, si cela est possible, et à unir leurs prières à celles du célébrant..

  A024003479 

 Nous statuons donc et ordonnons qu'une Messe sera célébrée perpétuellement chaque dimanche dans le même oratoire par un confrère prêtre, à choisir par le Prieur soussigné et ses Assesseurs.

  A024003483 

 Nous statuons et ordonnons pareillement que tous et chacun des confrères des deux sexes seront tenus chaque jour à réciter, à genoux et la tête découverte, cinq fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique, avec cette intention dirigée vers Dieu, qu'il daigne, par les mérites de Notre Seigneur Jésus-Christ, l'intercession de la Bienheureuse Marie toujours Vierge, et les prières des [358] très saints Apôtres Pierre et Paul, veiller à la prospérité et à l'heureux succès de toutes choses dans les provinces et lieux soumis au Sérénissime Duc de Savoie, notre prince, y défendre et conserver la foi catholique, délivrer le peuple des calamités présentes, ramener les hérétiques à l'unité et au sein de notre sainte Mère l'Eglise, ou bien les confondre et humilier, en extirpant jusqu'à la racine les hérésies, et, dans ce but, réconcilier entre eux les princes et les amener à une entente unanime, enfin préserver nos princes de tout malheur..

  A024003487 

 Désirant continuer religieusement le rite antique de la Salutation Angélique, à genoux et tête découverte, lorsque sonne la cloche à l'aurore, à midi et le soir, selon l'ancienne tradition de l'Eglise universelle, nous statuons et ordonnons que la Salutation Angélique sera récitée trois fois le jour par tous les confrères, à genoux et tête découverte, en tout lieu, même s'ils se trouvent dans les rues ou [359] places publiques, chaque fois qu'à l'église principale du lieu où l'Eglise cathédrale aura son siège, la cloche sonnera à l'aurore, à midi et le soir.

  A024003491 

 Par suite, afin que notre Confrérie ci-dessus remplisse, elle aussi, quelque peu son devoir, nous statuons et ordonnons que tous et chacun des confrères qui rencontreront le saint Viatique qu'on porte aux malades, [360] soient tenus, à moins que par hasard ils ne soient empêchés par des affaires très urgentes, de l'accompagner avec dévotion et recueillement de l'esprit en Dieu pour la guérison de l'infirme..

  A024003495 

 Aussi statuons-nous et ordonnons que les confrères qui auront été choisis par le Prieur et les Assesseurs soussignés, pour une œuvre aussi pieuse et charitable (comptée pour cela parmi les œuvres de miséricorde), soient tenus de visiter et de consoler le plus tôt possible ces malades et prisonniers.

  A024003503 

 Aussi, pour ne paraître manquer à un devoir si pieux et nécessaire, le dernier qui est dû à nos confrères défunts, nous statuons et ordonnons que, dès l'annonce faite au Prieur du décès d'un de nos confrères de l'un ou l'autre sexe, la bannière attachée à la Croix de la Confrérie soit mise, revêtue de noir, à la porte de l'oratoire, avec l'indication écrite de l'heure et de l'église où se feront les funérailles, pour que les autres confrères, s'ils ne sont pas absolument empêchés, se sachent tenus d'accompagner le corps du confrère défunt à l'enterrement, priant tous dévotement Dieu pour le salut de l'âme du défunt; nous les obligeons expressément à une œuvre si pieuse.

  A024003507 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons que le lendemain du décès d'un confrère, une Messe soit célébrée dans l'oratoire, pour le salut de son âme et sa délivrance des peines du Purgatoire, par un des confrères prêtres choisi par le Prieur.

  A024003507 

 Quant aux confrères prêtres, nous les exhortons dans le Seigneur à célébrer le plus tôt possible une Messe pour l'âme de chaque confrère défunt..

  A024003512 

 En outre, pour que chaque année une mémoire se fasse en commun [364] des confrères défunts, nous statuons et ordonnons que chaque année, le jour libre le plus rapproché de l'Exaltation de la Sainte Croix, se fasse un anniversaire général dans l'oratoire, où tous les confrères assisteront avec l'habit ci-dessous décrit, et entendront la Messe que le Prieur célèbrera et les autres prières qui se chanteront..

  A024003516 

 Cet habit, nous ordonnons qu'il soit imposé par le Prieur à quiconque entre dans notre Confrérie, en la manière et forme sous indiquées.

  A024003516 

 Pour que, donc, nos confrères apprennent ce qu'ils doivent faire en considérant leur habit, et qu'ils soient reconnus par les autres, à l'exemple des autres Confréries, surtout de l'Archiconfrérie du très saint Crucifix érigée depuis longtemps à Rome dans l'église de Saint-Marcel, [365] de l'Ordre des Servites, à laquelle nous souhaitons vivement être agrégés: nous statuons et ordonnons que l'habit de notre Confrérie de la Sainte Croix sera un sac, ou mieux une chemise de toile noire en chanvre, couvrant tout le corps du cou aux talons, simple, d'un seul tenant, sans ornement de soie ou autre garniture, avec un capuce de même toile et couleur couvrant la tête et le visage.

  A024003516 

 Quant aux femmes qui entrent dans la Confrérie, nous décidons et déclarons qu'elles sont astreintes à porter seulement le cordon et le rosaire sus mentionnés..

  A024003520 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons qu'on puisse et doive recevoir dans la Confrérie, par le Prieur et les Assesseurs soussignés, toutes les personnes des deux sexes, catholiques néanmoins, de bonne vie et renommée, après que chacune aura émis la profession de foi catholique, soit par elle-même, si elle sait lire, soit par une autre personne en son nom, mais elle présente, et aussi après la promesse d'observer les Statuts et coutumes existants et à venir, selon la formule sous indiquée.

  A024003524 

 Quant aux absents qui désirent entrer dans la Confrérie, et qui sont dans l'impossibilité de se présenter immédiatement et en personne à l'oratoire, pour qu'ils ne soient pas empêchés dans leur dessein si pieux: nous statuons et ordonnons qu'ils puissent être reçus et qu'ils le soient par un procureur légitime, ayant pour acela [368] un mandat spécial dont il rendra compte, et qui fasse la profession 4 e foi et la promesse sus mentionnées et sous insérées; cela aura le même effet que si les récipiendaires se présentaient personnellement..

  A024003532 

 Nous aussi, voulant avoir un souvenir perpétuel de ceux qui auront donné leur nom à notre Confrérie, nous statuons et ordonnons que le Secrétaire ci-dessous député, consigne, dans un livre à cela seul destiné, d'abord les noms de baptême et de [369] famille de nous sussignés, comme ils ont été ci-dessus marqués; ensuite ceux de toutes les personnes, de l'un et l'autre sexe, qui y entreront, ainsi que leur qualité, avec la désignation du jour de leur réception et de la somme volontairement offerte par elles..

  A024003536 

 Une république ou une famille est dite par tout le monde bien ordonnée, lorsqu'elle se compose d'une tête et de membres: autrement, comment pourrait-elle se maintenir? Pour que notre Confrérie, instituée avec piété et érigée en esprit de dévotion, dure à perpétuité, et soit régie avec justice et sainteté, et pour que tout souffle de confusion soit aboli, nous, soussignés, constituons et députons comme officiers perpétuels qui seront nommés par nous-mêmes, pour cette première fois, le 13 de ce mois, dans la première assemblée à convoquer alors; et ensuite, chaque année, le jour non empêché le plus proche du 1 er septembre, ces officiers seront changés en l'assemblée générale..

  A024003560 

 En outre, pour que la Confrérie érigée en la forme susdite demeure dans un état ferme et stable, et que tout s'y fasse avec la méthode et l'ordre voulus, nous statuons et ordonnons que la première assemblée générale ait lieu à l'oratoire le 13 de ce mois, à trois heures de l'après-midi, et chaque année le 2 septembre, à la même heure.

  A024003572 

 Et pour que toute matière de doute et toute cause de dissension, soit entièrement éliminée dans les nominations des officiers, nous statuons et ordonnons que le Prieur et chacun des Assesseurs, ainsi [376] que le Trésorier et le Secrétaire, pour ce qui regarde chaque charge en la nouvelle création du propre successeur, puissent désigner à l'assemblée, pour chaque office, deux confrères, de la condition cependant ci-dessus exprimée.

  A024003580 

 C'est pourquoi nous ordonnons que cette Confrérie s'inaugure le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix du présent mois de septembre, jour où ses Statuts commenceront à obliger tous les confrères..

  A024003584 

 Nous réservons cependant, à.

  A024003584 

 nous et aux confrères nos successeurs, le droit et le pouvoir de changer les Statuts et ordonnances ci-dessus, et de les révoquer, amplifier et limiter, comme aussi d'en faire de nouveaux lorsque cela paraîtra expédient, avec le consentement cependant du Chapitre, l'autorisation de notre Révérendissime Evêque, et le bon plaisir de notre Très Saint Père le Pape et du Saint-Siège Apostolique..

  A024003588 

 Enfin, pour que cette Confrérie, instituée comme définitive et ratifiée avec les Statuts et ordonnances ci-dessus, sous l'étendard [378] de la Croix toute-puissante et l'invocation de la Très Sainte Vierge Marie et des Bienheureux Apôtres Pierre et Paul, pour les causes exprimées plus haut, soit aussi protégée contre toutes attaques par le secours de notre Révérendissime Evêque et le patronage du Saint-Siège Apostolique; qu'elle soit pourvue et honorée de quelques faveurs spéciales, de grâces et d'Indulgences, en sorte qu'elle augmente chaque jour, qu'elle produise des fruits plus abondants, et dure et persiste à jamais: nous supplions notre Illustre et Révérendissime Evêque susnommé, de vouloir accorder son assentiment et consentement à l'érection de la Confrérie et autres choses ci-dessus mentionnées, en faisant intervenir son autorité ordinaire; nous supplions aussi notre Très Saint Père le Papè et le Saint-Siège Apostolique de daigner confirmer et approuver la Confrérie, ses ordonnances et Statuts faits et à faire, et lui procurer augmentation et force par les faveurs et grâces apostoliques, par la concession d'Indulgences à perpétuité.

  A024003589 

 En foi et témoignage de toutes les choses qui précèdent et de chacune d'elles, nous avons signé les présentes de notre propre main et les avons fait insérer au Livré de nos Délibérations capitulaires par notre Secrétaire ci-dessous soussigné, qui les a rédigées en forme publique, les a signées et munies du grand sceau du Chapitre..

  A024003621 

 Bien plus, Nous avons trouvé très dignes ces pratiques que, pour l'utilité commune de l'Eglise, ces mêmes confrères observent religieusement; utiles aussi et efficaces pour l'accroissement du culte divin, pour la formation des mœurs et l'exercice des œuvres de piété.

  A024003621 

 C'est donc à bon droit que Nous leur avons donné Notre consentement et qu'elles doivent être reçues et approuvées par Nous comme, par les présentes, Nous les agréons, recevons et approuvons..

  A024003621 

 Nous, CLAUDE DE GRANIER, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, portons à la connaissance de tous et attestons avoir lu attentivement toutes et chacune des ordonnances ci-dessus mentionnées, relatives à l'érection de la Confrérie en l'honneur de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, projetée par Nos bien aimés dans le Christ les Chanoines de Notre [382] Eglise, et n'y avoir rien trouvé qui puisse offenser des oreilles chrétiennes.

  A024003622 

 En outre, en témoignage de Notre bienveillante faveur et désirant étendre toujours plus les grâces que Dieu Nous a départies: à chaque confrère ou autre qui visitera l'oratoire de la susdite Confrérie et suivra la procession les jours où le très saint Sacrement de l'Eucharistie est exposé sur l'autel à l'adoration des fidèles, pourvu qu'auparavant il ait adressé à Dieu des prières pour la paix et la prospérité de l'Eglise universelle, selon le texte des Statuts de la Confrérie, Nous accordons la remise certaine de quarante jours d'Indulgence..

  A024003623 

 En foi de quoi, ces lettres signées de Notre main, contenant Notre assentiment et approbation, Nous avons ordonné à Notre secrétaire de les contresigner et d'y apposer Notre sceau.

  A024003678 

 (Voir ci-après, p. 391.) Le document était de la main de saint François de Sales: fut-il rédigé pour être soumis au Pape entre 1606 et 1607, ou bien date-t-il des débuts de la Confrérie? Aucune donnée ne nous fournit la réponse.].

  A024003678 

 [Le texte donné ci-dessous est celui dont nous avons parlé dans la note de la p. 386.

  A024003734 

 C'est pourquoy Nous avons ordonné que de nouveau la publication en sera faitte par tout Nostre diocese, affin que chacun soit asseuré de pouvoir par cy apres participer a des biens si grans et excellens; suppliant tous les tres Reverens Ordinaires des lieux qui en seront requis, de vouloir permettre et favoriser semblable publication et la cueillette des aumosnes pour l'effect mentionné en la concession dudit Pardon.

  A024003734 

 Comme aussi Nous exhortons les fidelles chrestiens de vouloir honnorer Dieu par leurs bonnes œuvres audit lieu de Thonon, comme [vis à vis] et en face des principaux sectateurs de l'heresie, affin qu'ilz soyent esmeus a glorifier eux mesmes le Pere celeste par [396] leur reduction au giron et sein maternel de la sainte Mere Eglise.

  A024003787 

 Nous exhortons donq tous fidelles Chrestiens, mays specialement ceux de Nostre diocese, de se prevaloir de l'occasion qui leur est presentee par la concession de ces [402] saintes Indulgences, s'enroollant a ladite Confrerie et prattiquant soigneusement les exercices d'icelle.

  A024003965 

 A tous soit notoire et manifeste, que le second jour du present moys de julliet mil six cens et sept, Nous ont esté remises des Bulles de Nostre Saint Pere Paul cinquiesme, deuement expediees, signees et seellees sub plumbo, en date: Apud Sanctum Marcum, anno Incarnationis Domini 1606, Kal.

  A024003965 

 Augusti, Pontificatus ejusdem Sanctissimi Patris anno secundo; par lesquelles il est commandé a nostre Official d'appreuver et confirmer par authorité apostolique certaines Constitutions faittes par l'Illustrissime et R me Nonce de Sa Sainteté aupres de Son Altesse Serenissime, desquelles a ces fins l'original Nous a esté aussi remis, pour l'establissement de la Mayson d'heberge instituee en cette ville de Thonon, sous le nom et invocation de Nostre Dame de Compassion ou des Sept Douleurs; pourveu neanmoins qu'icelles Constitutions soyent loysibles, honnestes et qu'elles ne contrarient nullement aux saintz Canons ni aux Decretz du sacré Concile de Trente.

  A024003966 

 Ce qu'ayant esté faict, Nous avons declairé:.

  A024003966 

 Dont ayant receu lesdites Bulles avec honneur et reverence, pour executer le contenu d'icelles, Nous avons assemblé les jours suivans plusieurs personnes de qualité, doctrine et experience, tant ecclesiastiques que laiz: a sçavoir, le tres Reverend seigneur Vespasien Aiazza, abbé d'Abondance; quant aux ecclesiastiques, le Reverend seigneur Louys de Sales, Prevost de Nostre Eglise cathedrale, le R. P. Frere Abonde de Come, Superieur de la Mission des Capucins, le R. P. Frere Cherubin de Maurienne, predicateur de ladite Mission, et les Reverens sieurs Claude Grand et Nicolas Gottri, docteurs en theologie, predicateurs et chanoines de Nostre Eglise cathedrale, le Reverend sieur Balthazard Maniglier, predicateur, curé de Serraval et Vicepraefect de ladite Mayson [417] d'heberge; et quant aux laiz, le sieur don Thomas Bergere, seigneur du Vilar et chevalier de l'Ordre des Saintz Maurice et Lazare, et noble Claude Marin, procureur fiscal pour Son Altesse en Chablaix: en presence et par l'advis desquelz Nous avons fait les articles ci jointz, pour l'esclarcissement des autres susditz que Son Altesse avoit dressé et pour faciliter l'execution d'iceux.

  A024003968 

 Item, Nous avons declairé que l'union de la Sainte Mayson d'heberge avec la sacree Milice des Saintz Maurice et Lazare seroit reciproque entre ladite Mayson et ladite Milice, non point par incorporement de ladite Mayson a ladite Milice ni au contraire, mais par une simple association et mutuelle correspondance, entant que ladite Milice et ladite Mayson visent et tendent a mesme fin, a sçavoir, l'exaltation de la foy, quoy que par divers moyens: la Milice tendant a cela principalement par les armes exterieures et corporelles, et ladite Sainte Mayson par les armes interieures et spirituelles, comme sont les predications, sermons, catechismes, conferences, prieres, aumosnes.

  A024003968 

 Si que ladite Sainte Mayson ne puisse jamais estre entendue incorporee ni annexee au cors de ladite Milice, mais seulement associee, et que la croix ou autres marques d'icelle Milice, portees par lesditz prestres de ladite Sainte Mayson ou autres officiers d'icelle, ne puissent estre tirees en [418] consequence pour conclure aucune autre dependance ou appartenance de ladite Sainte Mayson envers ladite Milice que de celle d'une mutuelle et reciproque correspondance et association, ladite Milice en la jurisdiction de Son [Altesse], et lesditz prestres et autres personnes ecclesiastiques de ladite Mayson demeurantes en la jurisdiction de Nous et nos successeurs ordinaires.

  A024003969 

 Item, Nous avons declairé que jamais les biens et revenuz de ladite Sainte Mayson ne pourront estre entenduz appartenir a ladite sacree Milice de Saint Maurice et Lazare ni a la disposition d'icelle, mays demeureront a jamais affectés aux œuvres et exercices auxquelz Sa Sainteté et Son Altesse les ont destinés, selon les articles dressés par sadite Altesse et l'Illustrissime Seigneur Nonce, et ceux qui, pour l'esclarcissement d'iceux, Nous avons fait et qui y [sont] jointz..

  A024003970 

 Comme aussi Nous avons receu le serment du sieur Maniglier, Vicepræfect de ladite Congregation, de bien et fidellement observer et exercer sa charge, et faire observer tout ce qui appartient tant a la discipline ecclesiastique et bon ordre de la Sainte Mayson, qu'aussi de bien conserver, entant qu'il luy concerne, ce qui appartient aux biens et revenuz d'icelle.

  A024003970 

 Et en fin, toutes ces choses ainsy faittes, Nous les avons mis en possession un chacun de l'exercice de leur charge..

  A024003970 

 Item, en fin, apres toutes ces declarations par Nous faittes, en vertu de ladite commission, Nous avons receu le serment du susdit seigneur don Thomas Bergere, Conservateur esleu et nommé par ladite Sainte Mayson, et accordé par sadite Altesse et par le tres sacré Conseil de ladite sacree Milice des Saintz Maurice et Lazare, par lequel il s'est obligé de bien et deuement conserver, en ce qui dependra de son pouvoir, les droitz, noms, actions, biens et [419] tiltres de ladite Sainte Mayson, et de procurer par toutes voyes convenables que les articles dressés pour l'establissement d'icelle soyent observés.

  A024003978 

 Il s'essayera d'avoir le plus de connoissance qu'il pourra de la verité du bruit que nous avons de deça, que les seigneurs [420] Chevaliers des Saints Maurice et Lazare pretendent tirer sous leur Religion la Sainte Mayson de Thonon pour en avoir la direction et administration.

  A024004352 

 Aussi, l'acte des pieux Chanoines réguliers de Saint-Augustin, du Monastère de Sixt, non seulement Nous l'approuvons et homologuons, mais Nous le louons et aimons autant que Nous le pouvons dans les entrailles du Christ; et, en vertu de Notre pouvoir et autorité ordinaires sur ce Monastère et ses Chanoines réguliers, Nous ordonnons dans le Seigneur, que dorénavant il y soit observé à la lettre.

  A024004352 

 Enfin, Nous bénissons paternellement tous ceux qui pratiquent cette pauvreté particulière à ceux qui vivent en communauté..

  A024004352 

 Longtemps nous avons désiré le retour de tous les Religieux de Notre diocèse à la Règle et manière de vivre primitives de leur [452] Institut, mais surtout Nous avons souhaité cela et l'avons procuré par Nos exhortations dans les Monastères qui sont confiés à Nos soins et sollicitude, et à Notre juridiction ordinaire.

  A024004434 

 Le Monastère de l'Ordre vénérable des Chanoines réguliers de [454] Saint-Augustin, du pays de Sixt, ayant été confié, par les saintes règles de l'antique droit ecclésiastique, au soin et à la juridiction de Nos prédécesseurs et de Nous-même, Nous devons et voulons Nous occuper et Nous préoccuper d'être le plus utile possible à ce Monastère et aux vénérables Chanoines qui y servent Dieu.

  A024004435 

 Nous aussi, dans le but d'apporter plus facilement à cette entreprise si louable et si souhaitable Notre autorité ordinaire et Notre aide, venant sur les lieux et toutes choses examinées et considérées, [455] et aussi toutes personnes ouïes au sujet de ce qui précède.

  A024004435 

 Nous avons enfin résolu de décréter et de constituer ce qui suit, comme aussi Nous le décrétons et le constituons..

  A024004436 

 Et d'abord Nous ordonnons plus strictement encore de faire tout ce qui a été établi dans Notre dernière Visite, comme conforme au droit et à la raison..

  A024004440 

 Comme aucun des vénérables Chanoines actuellement vivants n'a émis de Profession expresse, avant toutes choses, pour obéir à l'esprit et aux termes du saint Concile de Trente, Nous déclarons et décrétons que tous les vénérables Chanoines sont tenus d'émettre cette Profession expresse, et Nous fixons à tous et à chacun de ceux qui portent maintenant l'habit du Monastère une année qui soit considérée comme année de probation; après laquelle ils [456] devront aussitôt ou émettre la Profession susdite, ou Nous exposer les raisons, s'ils en ont, pour ne pas vouloir la faire..

  A024004446 

 L'Abbaye étant en commende, Nous décrétons qu'on y observera [457] dans l'avenir ce qui y était déjà observé, à savoir que, pour présider et commander le troupeau, on établira et constituera à la tête de tous les Chanoines, selon le Concile de Trente, chap. XXI, Sess.

  A024004473 

 Aussi [461] ordonnons-Nous plus sévèrement, en vertu de la sainte obéissance et sous peine de l'excommunication majeure, à tous et chacun que cela concerne, que toutes les femmes absolument soient par eux écartées, chassées et expulsées, s'il s'en trouve maintenant, et qu'ils ne les admettent jamais, ni elles ni d'autres, et ne leur permettent pas de séjourner dans l'enclos du Monastère..

  A024004473 

 Toute la législation proclame ce que Nous avons décrété dans Notre dernière Visite de ce Monastère, à savoir que les femmes ne doivent pas habiter ou demeurer, même pour peu de temps, à l'intérieur de l'enceinte et des murs extérieurs du Monastère.

  A024004477 

 Nous en tenant à Notre dernière Visite.

  A024004477 

 Nous ordonnons, sous peine d'excommunication majeure, que dans le délai d'un mois, à compter de ce jour, quinze septembre de l'an mil six cent dix-huit, tous et chacun de ceux qui ont des instruments ou titres de ce Monastère, les replacent dans les archives, selon le décret porté par Nous à ce sujet dans la susdite Visite..

  A024004485 

 Quant aux autres bâtiments, il a promis, en père de famille soigneux, qu'il les restaurerait successivement, et d'abord le dortoir et les murs de clôture du Monastère: ce que Nous abandonnons à ses soins, Nous fiant en sa piété..

  A024004486 

 Nous avons jugé bon de ne rien décréter, si ce n'est qu'on observera l'écrit que Nous avons signé comme convenu d'un commun consentement des parties..

  A024004494 

 En fin, Nous asseurons de la benediction et protection de Dieu tous ceux qui embrasseront et prattiqueront avec [464] amour ces Ordonnances que le seul desir du regne de Dieu en vous et l'amplification de sa gloire me fait vous donner; esperant que, par l'accomplissement d'icelles, cette Famille religieuse reprendra sa premiere splendeur et respandra par tout la souëfve odeur dont elle a parfumé autrefois tout le païs..

  A024004501 

 Et d'autant que, a cause de plusieurs et divers negoces a Nous survenus n'y pouvons vacquer, avons, pour l'execution d'iceluy, commis, comme par ces dites presentes commettons, Reverend messire Jean Favre, docteur es droitz, chanoyne de Saint Pierre de Geneve, Nostre Officiai et Vicayre general par Nous establi en Nostre diocese, auquel mandons et commandons de proceder a l'execution dudit Bref selon sa forme et teneur.

  A024004501 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous qui ces presentes verront, sçavoir faisons: que Nous, ayant receu un Bref de nostre Saint Pere le Pape Paul cinquiesme, daté a Rome, pres Saint Marc, du vingthuitiesme septembre en l'annee derniere mil six cens et six, deuëment seellé, et signé COBELLUTIUS, par lequel il Nous est mandé de supprimer les Religieux de l'Ordre de Saint Augustin estant en l'abbaye de Nostre Dame d'Abondance, riere Nostre diocese, et au lieu et place d'iceux y mettre et establir douze moines de l'Ordre de Saint Bernard, de la Congregation de Nostre Dame des Feuillans, pour l'execution duquel sommes esté par ladite Sainteté commis.

  A024004531 

 Notre cher fils Vespasien Aiazza, abbé ou commendataire perpétuel du Monastère-abbaye appelé Sainte Marie d'Abondance, Nous a fait exposer naguère... ».

  A024004531 

 Vous saurez que Nous avons reçu, en parfait état et intégrité, et sans le moindre vice de forme ou chose suspecte, les Lettres Apostoliques expédiées en la Curie Romaine en forme de Bref, sous l'Anneau du Pêcheur, en cette teneur: « Vénérable Frère, ou Fils très cher, salut et bénédiction Apostolique.

  A024004532 

 Après que ces Lettres Apostoliques en forme de Bref eurent été présentées à Nous et acceptées par Nous, Nous fûmes requis, avec l'instance qui convenait, par le même Révérend seigneur Vespasien Aiazza, de daigner procéder à leur exécution.

  A024004532 

 C'est pourquoi Nous, Evêque de Genève, commissaire apostolique susnommé, spécialement délégué pour exécuter ce qui va suivre, considérant que ladite pétition est juste et raisonnable; voulant, comme Nous y sommes tenu, exécuter librement les commandements Apostoliques à Nous adressés: attendu qu'il est de Notre connaissance que la partie des bâtiments du monastère d'Abondance qui était réservée [468] et assignée à l'habitation de son Abbé, et à l'exercice de la juridiction touchant ce monastère a été cédée par l'Abbé dans le but d'empêcher que lui-même et sa famille gênassent aucunement l'observance de la discipline de la part des moines qui y vivent actuellement, et cela en vertu du contrat intervenu entre le même Abbé et les moines susdits, envers lesquels il s'est engagé d'agrandir et de diviser l'église dans le délai de trois ans, afin que les Offices des moines et du curé puissent se célébrer sans empêchement réciproque.

  A024004532 

 Tout cela ne pouvant s'effectuer qu'après un long espace de temps, si l'on se contente des revenus du monastère, qui ne dépassent pas la valeur de douze cents écus d'or, qui sont grevés de nombreuses charges ordinaires et extraordinaires, ainsi que d'une pension accordée et à fournir à l'Illustrissime et Sérénissime Charles-Emmanuel, duc de Savoie: Nous accordons, en vertu de la susdite autorité Apostolique, au Révérend seigneur Abbé, ou commendataire perpétuel de la Bienheureuse Marie d'Abondance actuellement en charge, ou à son légitime procureur, de louer et donner à cens, pour seize ans, à n'importe quelles personnes, même laïques, le membre de Présinges, d'une valeur annuelle de cent [469] écus, à compter du jour de l'accensement, au prix de mille écus à payer en argent comptant et par anticipation; ou bien d'hypothéquer et de céder à un juste prix à ces dites personnes le même membre, toujours pour l'espace de seize ans; en outre, d'hypothéquer d'autres biens du monastère avec tous et chacun des contrats, conventions, commissions, obligations, soumissions, clauses de renonciation et précautions nécessaires et ayant coutume de figurer dans les actes; ainsi que d'exiger de ces mêmes personnes les sommes dues et de leur donner quittance pour celles reçues; enfin, de placer ces sommes sur un édifice sacré ou chez une personne digne de confiance et pouvant répondre, dans le but de faire le plus tôt possible la construction en question, nonobstant la Constitution de Paul II, d'heureuse mémoire, et autres ordonnances.

  A024004533 

 Nous déclarons que ledit membre de Présinges, hypothéqué et donné à cens comme ci-dessus, restera hypothéqué pendant seize ans (même s'il arrive que le Révérend seigneur Abbé meure, ou que la commende cesse d'exister), et que, pendant cette période de temps, les successeurs dudit exposant seront tenus de maintenir l'hypothèque et accensement; décrétant sans valeur ni force tout ce qui serait attenté de contraire à ces diverses dispositions par quelle autorité que ce soit.

  A024004533 

 Que l'Abbé ci-dessus soit tenu de Nous soumettre les locations, hypothèques et accensements susdits, faits à juste prix, pour que Nous les approuvions et confirmions; et aussi que soient suppléés tous et chacun des vices de forme et des manquements au droit établi.

  A024004608 

 Les Peres touttesfois n'y oublieront poinct le dire de sainct Paul, que, qui peu semera peu recuellira, nous exhortans ainsy a estre liberaux et diligens, et non avares et negligens en bonnes œuvres..

  A024004636 

 mentale, nous enseigne, opposé a son contraire le trop parler, le grand fruict qu'on en peut tirer en touttes occasions.

  A024004778 

 Nous, PIERRE FRANÇOIS JAY, Chanoine et Theologal de l'Esglise cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, avons leu diligemment les dictes Reigles par le commandement de Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, esquelles n'avons rien trouvé qui ne soit conforme a la doctrine de l'Esglise Catholique, Apostolique et Romaine, et aux bonnes mœurs, voire grandement faisant, autant que nous le pouvons entendre, a la perfection de la vie heremitique..

  A024004783 

 Nous avons appreuvé ce Projet, sauf a y adjouster ou changer ainsy que, selon Dieu, Nous verrons a faire cy apres..

  A024004788 

 L'année susdicte mille six centz vingt, et le quinziesme du mois de juing, audict hermitage, en presence de nous, Jean Louis Questan, docteur en theologie et Chanoine de l'Esglise cathedrale de la ville de Geneve, a la requisition desdicts Hermites commis Surveillant dudict sainct lieu par Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de ladicte ville, et des tesmoins soubsnommés; personnellement constitués les susdicts quattre Hermites: Frere Jean du Verney, leur Superieur, Jehan Grilliet, Mermet Jorand et Jehan Anthoine Rigault, ont de leur bon gré, libre et franche volunté professé les susdictes Reigles entre noz mains, pour et au nom de mondict Seigneur Reverendissime, leur vray, legitime et immediat seigneur, maistre et protecteur tres clement, en la forme suyvante:.

  A024004792 

 Ilz ont, avec ceste moderation, promis et juré, promettent et jurent, par l'attouchement du sacrosaint Evangile en tel cas requis, a sa Seigneurie Reverendissime et, pour et au nom d'icelle, a nous, dict Surveillant (dheuement invoqué l'aide et grace de Dieu, l'intercession et merites de la tousjours benite et immaculée Vierge Marie sa Mere, et de tous leurs sainctz Patrons et Court celestielie), d'avoir di-je, lesdictes Reigles et leurs consequentes et dependantes tres aggreables, fermes et stables a jamais......

  A024004799 

 Ayans veu cette forme d'establissement et Profession, Nous avons commis le Sr Questan, chanoine de Nostre Eglise, docteur en theologie, curé de Dovenoz, deputé a la surveillance dudit hermitage et habitans d'iceluy, pour recevoir lesditz Hermites a icelle Profession de Nostre part..

  A024004805 

 Nous, Freres Jehan du Verney, prebstre, Jehan Grillier et Mermet Jorand, hermites de Nostre Dame de la Visitation du hault Mont de Voiron, a la veue de la ville de Geneve et dans le Diocese d'icelle: attestons et certifions a tous ceux qu'il appartiendra, devant Dieu et ses sainctz Anges, lesquels nous appelions en temoings de ceste verité par nous, de nostre propre volonté, attestée; que Frere Jean Anthoine Rigault, hermite provençal, admis, receu et confirmé pour nostre confrere par divers escrips authentiques de Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, a vescu, passé et finy parmy nous son an d'approbation, assavoir, des le unziesme julliet de l'annee derniere mil six centz dix neufz, jusques a ce jourd'huy, treiziesme dudict mois mil six centz et vingt.

  A024004806 

 Si declarons en cœur (sic), soubz nostre serment en tel cas requis, estre nostre desir et contentement qu'il continue de vivre avec nous, nostre confrere bien aymé, le reste de sa vie; suppliant tres humblement mondict Seigneur Reverendissime et le sieur Reverend Surveillant de condescendre de leur costé a ce nostre souhait et requeste, qui l'est aussy de toutes les gens de bien qui l'ont cogneu......

  A024004811 

 Nous appreuvons l'establissement du susnommé Frere Jean Anthoine Rigaud en l'hermitage de Voiron, l'acceptant et advouant pour l'un des Hermites d'iceluy..

  A024004844 

 Et specialement si Nous considerons, non seulement les miracles publiques qui arriverent en sa destination, mais encores, entre autres choses notables de sa reparation, que cette pieuse entreprise reuscit, graces a Dieu, si heureusement, que ladite devotion est frequentee de plusieurs milliers de peuples catholiques et de bon nombre d'heretiques circonvoisins, qui en demeurent pieusement edifiés et contribuent aussi promptement et charitablement de leurs aumosnes que les mesmes catholiques plus proches d'icelle, exhortant ouvertement les venerables Hermites, ses restaurateurs, a y continuer leur bon zele et probité..

  A024004844 

 Le culte et honneur de l'Immaculee Vierge Marie estans, apres ceux de Dieu son Filz, les plus recommandés et utiles en tous besoins, principalement en la conversion des heretiques a l'Eglise Catholique, qui, pour ce, luy chante meritoirement: Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti in universo mundo, il semble que Nous ne sçaurions asses cherement recommander la restauration, voire l'amplification et ornement du tres antique bastiment de Nostre Dame de la Visitation du Mont de Voyron, a la veuë orientale de ladite ville de Geneve et a la meridionale de Lausanne, affin qu'on y venere autant et plus la mesme tres glorieuse Mere de Dieu que le diable ne la voulut mespriser, prophanant et ruinant ledit saint lieu par l'introduction de l'heresie aux susdites villes [et] en la [494] duché du Chablaix.

  A024004845 

 Et, ce faisant, qu'ilz les leur recommandent le plus utilement qu'il sera possible, silz desirent d'y concourir avec Nous, et d'y servir la benite Vierge, les exhortans en Nostre Seigneur, tout ainsy que Nous les exhortons eux mesmes et tous Nos autres diocesains, a les recevoir, assister et favoriser au susdit but, de toute sorte de vrais offices chrestiens et charités dignes de leur pieté, pour en percevoir, icy et au Ciel, les fruitz et payemens inestimables de la main de Dieu tres liberale..

  A024004845 

 Nous donq, meus de si juste et puissante cause, combien que nous regrettions infiniment la pauvreté et misere des pauvres de ce païs, si est ce que, croyant tres bien employee la charité quilz feront a cest effect et pour l'entretien desdictz Hermites et leurs messagers, et qu'elle ne diminuera jamais, ains plustost augmentera leurs moyens par l'intercession de Nostre Dame: mandons a tous les RR. Recteurs, Curés, Vicayres et autres ecclesiastiques de ce diocese d'en edifier leurs ditz peuples et les informer, par la lecture de ces Lettres, que lesditz venerables Hermites, [495] ayans et observans des bonnes Reigles et offices de pieté et d'œconomie [sous un] Superieur et Surveillant particulier, vivent sous Nostre obeissance comme prestres et clercs seculiers et suivant les decretz des saintz Conciles, portant toutesfois le nom d'Hermites et l'habit blanc, par Nous dedié au sacré saint mystere de la Visitation, auquel ce tres devot et remarquable desert fut anciennement consacré.

  A024004846 

 Et la ou ladite queste porteroit lesditz venerables Hermites en quelque evesché de nos voysins, Nous prions et requerons en Jesus Christ Nostre Seigneur, Nostre Reverendissime Frere, l'Evesque d'iceluy, les RR. Officiers ecclesiastiques et autres personnes pieuses ausquelles ilz s'addresseront, de les avoir en la mesme sus escrite et non vulgaire recommandation, Nous offrant a la pareille, et en pareil et semblable cas..

  A024004847 

 Donnees a Annessi, le dernier du mois d'aoust de l'an mil six cens vingt deux, sous Nostre signet et seel episcopal, pour valoir le reste de cette annee et durant toute l'autre prochainement suivante, sans qu'il soit requis de les renouveller, attendu l'incommodité de l'interruption de ladite queste, lhors commencee en quelques lieux, et celle desditz Hermites, dont l'integrité Nous est tres notoyre et tres aggreable..

  A024004911 

 A tous et chacun de ceux qui verront et entendront les présentes, Nous faisons savoir et attestons que Nous avons reçu avec toute l'humilité et révérence convenable les Lettres Apostoliques en [502] double expédition, en forme de Bref, sous l'Anneau du Pêcheur, de notre Très Saint Père le Pape Paul V, datées de Rome, près de Sainte-Marie-Majeure, le dix-neuf octobre, l'an 1613, du Pontificat du même Très Saint Pape Paul le neuvième, Lettres à Nous adressées pour l'affaire des Révérendes Doyenne et Chanoinesses de l'église Collégiale de Saint-Pierre, en la ville de Remiremont, diocèse de Toul, en cette teneur; sur le dos d'abord: [503].

  A024004913 

 Tout le reste se trouve danslesdites Lettres, de la teneur desquelles Nous voulons que les présentes fassent davantage foi expressément..

  A024004913 

 « Ayant appris dernièrement que l'église Collégiale de Saint-Pierre, de la ville de Remiremont, diocèse de Toul, église à Nous et au Siège Apostolique immédiatement soumise, et où l'on affirme que, en plus de nos chères filles dans le Christ, l'Abbesse, faisant profession d'appartenir à l'Ordre de Saint-Benoît, [504] et les Chanoinesses, il y a d'autres clercs séculiers, en possession de canonicats, de prébendes ou autres bénéfices ecclésiastiques, tous formant un seul Chapitre: ayant donc appris que cette église a besoin de visite et de réforme, surtout sur ce point de Chanoinesses et de Chanoines constituant un seul Chapitre, et peut-être formant un même choeur pour la psalmodie; Nous donnâmes mission et ordre à Nos vénérables Frères l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul, et à vous, Evêque de Tripoli, par un motu proprio et d'après [505] Notre science certaine, ainsi qu'en vertu de la plénitude de la puissance Apostolique, par d'autres Lettres expédiées semblablement, en forme de Bref, afin que l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul, et vous, Evêque de Tripoli, ou bien les deux premiers, ou encore l'un d'eux en union avec vous, procédassent une fois seulement, à la visite de l'église susdite, aussi bien pour la tête que pour les membres.

  A024004914 

 Enjoignant pour cela à l'Abbesse, aux Chanoinesses, aux Chanoines, aux prêtres et aux clercs présents de vous obéir sans délai en tout ce qui a été dit'et en chaque chose, de recevoir humblement vos salutaires avertissements et commandements, enfin de s'efforcer de les suivre efficacement; sans quoi, toute sentence ou peine que vous prononceriez régulièrement contre des rebelles, Nous l'aurons pour ratifiée, et, avec l'aide du Seigneur, Nous la ferons observer à la lettre, nonobstant tout ce [507] que dans les présentes Lettres Nous avons eu l'intention d'écarter comme empêchement, et nonobstant aussi toutes choses contraires..

  A024004914 

 Nous vous commandons, en effet, et ordonnons de faire tout ce qui a été dit plus haut et tout ce qui se trouve dans les mêmes Lettres, et vous accordons, par la teneur des présentes, la faculté de l'exécuter.

  A024004914 

 « Mais aujourd'hui, pour certaines causes qui agissent sur Notre esprit, déchargeant l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul sus désignés de l'obligation, à eux imposée par Nous, de visiter l'église, son Abbesse, ses Chanoinesses, et les Chanoines en question, et révoquant la faculté à eux concédée plus haut, Nous les remplaçons par vous, vénérables Frères, Evêques de Genève et de Chrysopolis; par une action, une science et une plénitude de puissance semblables, Nous confions le soin et donnons l'ordre à vous trois par les présentes, que, procédant à vous trois, ou au moins à deux de vous ensemble, vous mettiez à exécution les susdites Lettres, en en suivant la forme en tout et pour tout.

  A024004918 

 Avant de vouloir procéder à l'exécution de ces Lettres Apostoliques, Nous ordonnons, de par l'autorité à Nous déléguée dans cette affaire, que ces Lettres et tout ce qu'elles contiennent soient notifiés et intimés avant toutes choses aux Révérendissimes Pères et Seigneurs dans le Christ, Guillaume, Archevêque de Corinthe, et Jean, Evêque de Toul, dont il a été fait mention expresse dans les mêmes Lettres, par le premier clerc ou notaire apostolique requis pour cela, que nous députons spécialement pour cet effet.

  A024004918 

 Décrétant que, après la notification et intimation susdites, et dès que Nous serons légitimement informé de la réponse et de l'assentiment des Révérendissimes Archevêque et Evêque, Nous entreprendrons, en toute justice, conjointement avec le Révérendissime Père et Seigneur [508] dans le Christ, l'Evêque de Chrysopolis, s'il lui plaît de s'unir à Nous, l'exécution des Lettres Apostoliques mentionnées ci-dessus, selon leur forme, contenu et teneur..

  A024004919 

 En foi et témoignage de tout cela, Nous avons ordonné d'établir les présentes, signées de Notre propre main, et munies de l'impression du sceau qui Nous sert en semblables occasions..


25-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXV-Vol.4-Opuscules.html
  A025000316 

 Ainsy disons nous que la logique contient les praeceptes de bien argumenter; la rhetorique, les praeceptes de bien parler ou haranguer; et appelions praecepteurs non tant ceux qui nous commandent, comme ceux qui nous instruisent.

  A025000316 

 Ce qu'il dit: «Ce sont icy les choses que nous vous commandons a ce que vous les observies,» ne doit donner aucun scrupule aux Seurs, comme si cette Regle obligeoit en tous les articles sous peyne de peché; car cela n'est pas, ainsy que, apres le grand saint Thomas, les Docteurs plus asseurés ont observé.

  A025000322 

 Nous avons mesme encor, en ce diocaese de Geneve, quelques Monasteres de Chanoynes reguliers qui sont de la jurisdiction episcopale; et y en a plusieurs ailleurs, notamment de filles, qui, selon l'ancienne discipline, sont en mesme condition.

  A025000328 

 Certes, saint Policarpe, disciple des Apostres, au recit de saint Irenee a tesmoigné que le glorieux saint Jean Evangeliste entrant en un bain a Ephese pour se laver, et y treuvant Cerinthus, haeresiarque, dit a ceux qui estoyent avec luy: «Retirons nous hastivement d'icy, de peur que nous ne soyons accablés de la cheute de cette estuve en laquelle est l'ennemi de la verité.» Ce grand Disciple bien-aymé de Nostre Seigneur ne faysant donq point de difficulté [19] d'aller aux bains, qui pourra, je vous prie, censurer la douceur de saint Augustin s'il en permet l'usage aux Seurs de son Ordre? Je voy que quelques uns ont attribué cette action de saint Jean a une speciale inspiration, comme s'il fut allé aux bains pour avoir sujet de dire la celebre parole qu'il y dit contre Cerinthus; et je voys quant et quant que ce sentiment merite voyrement de n'estre pas mesprisé, a cause du credit que les autheurs d'iceluy ont justement merité parmi les amateurs des Lettres sacrees.

  A025000330 

 En quoy je ne sçay comme quelques uns se sont trompés, pensant que vostre Institut soit ouvrage de ma seule cervelle, et par consequent moins estimable; car, je vous prie, de quelle authorité eussé je peu vous ordonner une telle retraitte et vous obliger a une telle sorte de vie, sinon par la concurrence de vostre propre eslection et volonté? Certes, les conseilz evangeliques ne peuvent estre convertis en commandemens par nos superieurs, si, de nous mesmes, librement et volontairement, nous ne nous obligeons a les observer par vœu, serment ou autre profession..

  A025000332 

 Il donnera de l'amertume a vostre interieur, car il vous conduit a la parfaite mortification de vostre propre amour; mays il sera plus doux que le miel a vostre bouche, par ce que c'est une consolation nompareille de mortifier l'amour de nous mesmes pour faire vivre et regner en nous l'amour de Celuy qui est mort pour l'amour de nous.

  A025000361 

 Ce sont icy les choses que nous ordonnons estre observees par vous qui estes au Monastere:.

  A025000365 

 Avant toutes choses, mes tres cheres Seurs, que Dieu soit aymé, et puis le prochain; car ces commandemens nous ont esté principalement donnés..

  A025000485 

 C'est assurément cette copie que le Fondateur revoyait lorsque, le 7 août 1621, il écrivait à la Sainte: «Il n'y a pas moyen de vous envoyer les Constitutions jusques a la semaine suivante; car il faut que je les revoye, ayant des-ja, des le commencement, treuvé des fautes en l'escriture.» (Tome XX, p. 127.) En effet, à la sixième page nous remarquons à la Constitution De l'obeissance deux corrections de sa main.

  A025000487 

 Le second Manuscrit est aussi un in-8°, de 57 pages, dont 32 de M. Michel Favre et les 25 autres d'une main qui nous est inconnue; plus, trois pages blanches à la fin.

  A025000488 

 «Voyla les Constitutions,» écrit le Fondateur à la Mère de Chantal le 21 septembre 1621 (tome XX, p. 152); et vers la fin de la lettre il ajoute: «Il sembleroit bon que l'on mist es Constitutions que la Superieure puisse changer les officieres a son gré parmi l'annee, mais je n'ay pas eu le loysir de l'inserer: faites le, s'il vous plait, a l'endroit le plus convenable.» (Page 155; cf. ibid., p. 142.) L'addition indiquée se trouve à la fin de la Constitution XLVII e, De l'election de la Superieure et autres Officieres; la Sainte l'a écrite sur une bande de papier, épinglée ensuite au commencement de la page où se termine cette Constitution dans le Manuscrit qui nous occupe..

  A025000489 

 Mais, ma Fille, faites-les toutes regarder, pour voir s'il n'y a point deux feuilles semblables, et, en ce cas, renvoyez les feuilles superflues et nous vous enverrons celles qui manquent.» (Ibid., vol. II, p. 3.) — Le petit volume parut sous ce titre:.

  A025000489 

 Nous en avons la preuve dans ces lignes de sainte Jeanne de Chantal à son Bienheureux Père, 7 décembre 1621: «Je ne sais si l'on m'apportera une Règle reliée pour vous l'envoyer, car il m'en tarde.» ( Lettres, vol. I, p. 591.) Et le 11 janvier de l'année suivante elle mandait à la Mère deblonay: «Nous vous avons envoyé des Règles; envoyez-en à Montferrand et à Valence.

  A025000492 

 Parfois, cependant, on y rencontre des fautes qui ont échappé à sa révision; de plus, comme nous l'avons dit à la page précédente, il y a une lacune de plusieurs feuillets: alors on s'est reporté à la copie de M. Michel Favre, ou encore au Manuscrit de 1618 dont nous allons parler..

  A025000495 

 Il convient de parler maintenant du Manuscrit complet que nous venons de mentionner et qui se conserve au Monastère d'Annecy.

  A025000496 

 Au sujet de ce titre qui manque au Manuscrit, sainte Jeanne-Françoise de Chantal écrivait à la Mère Favre le 17 octobre 1618 ( Lettres, vol. I, p. 282): «Demandez à notre très cher Père, Monseigneur, s'il ne faut pas mettre un titre au fin premier chapitre de nos Constitutions: De la fin pour laquelle elles ont été dressées; et comme il le vous dira vous l'y ferez mettre lorsque nous vous envoierons les Règles.» La Mère Favre était alors à Lyon, où saint François de Sales devait s'arrêter avec l'ambassade du prince cardinal Maurice de Savoie; mais cet arrêt fut si court qu'il eut à peine le temps de voir ses Filles.

  A025000496 

 Le Manuscrit des Constitutions fut néanmoins envoyé à Lyon, et le 23 ou le 24 octobre la Mère de Chantal, de passage en cette ville, dit à la Mère de Chastel (ibid., p. 285): «Nous aurons, Dieu aidant, nos Règles imprimées dans trois semaines... Elles coûteront 20 écus pour l'impression et 10 écus pour la reliure; car nous tirons tout, et il y aura six cents copies.».

  A025000845 

 Ainsy, donq, elle les doit regarder comme la vive image de Jesus Christ crucifié; et si les anciens chrestiens, comme saint Chrisostome asseure, alloyent bien loin en Arabie voir et reverer le fumier sur lequel saint Job souffrit tant de travaux, avec quelle reverence devons nous approcher le lit sur lequel nos freres et nos seurs sont couchés pour endurer leurs maladies au nom de Dieu!.

  A025000885 

 En tout, la [110] Superieure leur commandera avec amour, et les Seurs les nommeront seurs, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles ne laissent pas, selon l'interieur, d'estre filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, esgales en nature et en la praetention de la grace et de la gloire aux plus grandes du monde; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu'un seul Maistre, Jesus Christ, esgalement Seigneur et Sauveur des unes et des autres..

  A025000920 

 Le Pere spirituel confirmera l'eslection au nom de l'Evesque, disant: «Et nous, de l'authorité que nous avons, confirmons vostre eslection a ce que vous soyes Mere et Superieure de toute cette Congregation, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit,» Apres quoy, elle va s'asseoir en la place de la Superieure, et toutes les Seurs, l'une apres l'autre, luy vont bayser la main a genoux.

  A025000949 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, et commis par nostre Saint Pere Paul cinquiesme pour l'erection, establissement et institution du Monastere de la Visitation sous la Regle de saint Augustin, avons dressé et de nouveau examiné et appreuvé les Constitutions ci devant escrites, ordonnant et establissant de Nostre authorité, ains plustost de l'authorité Apostolique a Nous commise pour ce regard, icelles Constitutions devoir estre a perpetuité inviolablement observees et gardees audit Monastere et par toutes les Seurs d'iceluy..

  A025000967 

 Veu l'Approbation des Docteurs Theologiens, Nous permettons l'impression des susdictes Regles et Constitutions, et louons grandement la generosité Chrestienne des ames qui se resolvent a si sainctes et heureuses observations..

  A025000983 

 Monsieur Michel dira, s'il lui plaît, à Monseigneur ce que nous avons pensé là-dessus..

  A025001026 

 Page 167: Ne serait-il point utile d'ajouter trois ou quatre des meilleures pratiques d'humilité que vous nous désirez le plus, mon très cher Père?.

  A025001082 

 Puisque le peuple nous appelle de Sainte Marie, ne faudrait-il point au commencement de la Règle dire: «de la Visitation Sainte Marie»?.

  A025001083 

 Mais, mon Père, gravez ceci avec les paroles les plus prégnantes qui vous seront possibles, et surtout obtenez-nous cette grâce de la miséricorde de Dieu qui soit à jamais béni..

  A025001092 

 Ce Manuscrit est reproduit dans notre texte; nous donnons en variantes les divergences et additions du Directoire de 1637, qui est la leçon actuelle.

  A025001111 

 Nous n'avons aucun lien que le lien de la dilection, qui est le lien de la perfection; car la dilection est forte comme la mort et le zele d'amour ferme comme l'enfer.

  A025001112 

 La charité de Jesuschrist nous presse.

  A025001154 

 A l'eslevation du tres saint Sacrement il faut avec une grande contrition de cœur l'adorer; puis, avec le prestre, l'offrir a Dieu le Pere pour la remission de nos pechés et de tout le monde, et nous offrir nous mesmes quant et luy avec toute l'Eglise et nos prochains..

  A025001158 

 A la benediction il se faut representer que Jesus Christ en mesme tems nous donne la sienne..

  A025001161 

 Faut qu'elles confessent et reconnoissent devant Dieu que ce jour ne s'est point passé sans qu'elles l'ayent offensé en quelque sorte; et parce que nous sommes aveugles en nos [142] propres affaires, il faut demander la grace et lumiere du Saint Esprit affin qu'elles puissent bien reconnoistre leurs fautes..

  A025001247 

 Que nous courons a la mort..

  A025001264 

 Apres quoy elles demanderont tres humblement pardon a Nostre Seigneur et la grace de se corriger; dequoy elles feront une bonne resolution, specialement des choses plus importantes qu'elles remarqueront, les detestant et taschant de donner a leur ame une vraye douleur de leurs fautes, pour petites qu'elles soyent; car c'est tous-jours trop de mal d'avoir despieu a la souveraine bonté de Nostre Seigneur qui nous fait journellement tant de misericorde..

  A025001266 

 Puis iront avec humilité devant le Confesseur, ou estant, elles feront un enclin fort bas, les mains jointes et les [156] yeux en terre, honnorant Dieu et le sacré sacerdoce en la personne du prestre, le considerant en Confession comme un ange de Dieu, qu'il nous envoye pour nous reconcilier avec sa divine Bonté..

  A025001283 

 On pourra encores semondre l'ame a plusieurs saintes affections, comme de crainte de contrister et perdre ce Saint des Saintz, disant avec David: Seigneur, ne vous despartes point de moy; et avec les Pelerins: Demeures avec nous, car il se fait tard..

  A025001289 

 O Dieu, que de suavité et douceur! Et partant, l'ame peut bien dire comme cette [161] sainte Dame, apres cette consideration: Voyci la servante du Seigneur, me soit fait selon sa parole, qu'il a dite de sa sacree bouche: Que quicomque le mange, il demeure en luy et luy en nous; que quicomque le mange, il vivra pour luy, par luy et en luy, et ne mourra point eternellement..

  A025001289 

 Or, quant a nous, nous recevons une pareille grace en la Communion; car non un Ange, mays bien Jesus Christ mesme nous asseure qu'en icelle le Saint Esprit vient en nous [et la vertu celeste nous enombre, et le Filz de Dieu vient reellement en nous,] et, par maniere de dire, il naist en nous et y est conceu.

  A025001331 

 Mais en tout le reste elles parleront en pluriel, comme: Nous avons des cellules; nostre robbe est gastee; nostre lit est fait; nous avons donné une image.

  A025001374 

 Une chose avons nous demandé au Seigneur, c'est celle que nous requerons maintenant: que nous habitions en cette mayson du Seigneur tout le tems de nostre vie..

  A025001382 

 Et partant, nous perseverons et repetons en toute humilité la demande que nous avons faite; car esperant en la bonté de Nostre Seigneur, si une armee estoit campee devant nous, nos cœurs ne la craindront point, et si [179] la bataille nous estoit livree, en cela mesme nous nous encouragerons..

  A025001405 

 Receves, ma tres chere fille (ou mes tres cheres filles), la lumiere corporelle en signe de la lumiere spirituelle de laquelle nous supplions Dieu vous illustrer, affin qu'avec la ferveur du Saint Esprit vous puissies parvenir a l'eternelle societé de l'Espoux sacré de la tressainte Eglise, Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le mesme Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles.

  A025001459 

 Nous nous sommes destournees de la vanité et en avons lavé nos pieds; jamais nous n'y retournerons..

  A025001459 

 Nous nous sommes volontairement despouillees des robbes mondaines; jamais, Dieu aydant, nous ne les reprendrons.

  A025001477 

 O Seigneur Dieu, confirmes nous a cette heure, affin que nous facions ce que nous voyons pouvoir estre fait par vostre grace.

  A025001477 

 Receves nous selon vostre parole et nous vivrons, et ne nous esconduises point de nostre attente..

  A025001477 

 Voyci, o mon Dieu, que nous venons a vous parce que vous nous aves appellees.

  A025001523 

 Receves nous, o Pere eternel, entre les bras de vostre tres pitoyable paternité, affin que nous portions constamment le joug et le fardeau de vostre saint service, et que nous nous abandonnions a jamais et totalement a vostre divin amour, auquel derechef nous nous dedions et consacrons..

  A025001524 

 O tres glorieuse, tres sacree et tres douce Vierge Marie, nous vous supplions par l'amour et par la mort de vostre Filz, de nous recevoir au giron de vostre protection maternelle..

  A025001644 

 Trois Manuscrits des premières rédactions sont groupés ici; nous y joignons quelques fragments qui datent de la même époque et se conservent en divers lieux..

  A025001648 

 Tâtonnements, ratures et surcharges permettent de croire que nous possédons le premier jet d'une rédaction suivie des Constitutions de la Congrégation nouvelle..

  A025001654 

 La Mère de Chaugy raconte dans l' Histoire de la Fondation: «Notre B x Pere... fut long tems dans la pensee que nous nous appellerions les Filles de S te Marthe, chere et bien aimee hostesse du Sauveur du monde; mais Dieu luy donna quelque lumiere speciale qu'il vouloit que ce petit Institut s'honnora du nom de sa tres sainte Mere, et un matin, le saint Prelat, tout extraordinairement joyeux, dit a notre digne Mere: «Il faut que notre petite Congregation s'apelle la Visitation de Notre Dame, et que nous soions tout dediés au service de cette grande Reine du Ciel.» Dans l' Année sainte (ancien Ms. d'Annecy), l'annaliste relate que le 1 er juillet 1610 le Fondateur «fut visiter» les «premieres Meres dans la clôture de leur Noviciat, et leur dit qu'apres avoir mile fois pensé et repensé au nom particulier qu'il devoit laisser a la Congregation, il s'etoit enfin resolu qu'elle seroit nommee de la Visitation.» Les deux récits et le texte cité du Ms.

  A025001654 

 e) La Congrégation «a convenablement choysi pour Patronne Nostre Dame de la Visitation,» lisons-nous dans le Ms.

  A025001655 

 Nous donnons in-extenso, en seconde leçon, le texte du Ms.

  A025001659 

 15, 16 du Manuscrit, est en réalité le second en rédaction: celui du Manuscrit de Guingamp — nous en parlerons ci-après, p. 206 — est absolument le même, sauf de très légères variantes à l'article 24.

  A025001661 

 Nous désignerons la feuille de Turin sous la lettre I, et les fragments de Caen et d'Annecy sous la lettre J1, J2..

  A025001665 

 c) Le Saint dit encore à son ami: «En leur establissement, elles offrent leur ame, leur cors et l'usage de leurs biens a Dieu et a Nostre Dame;» et dans la première ébauche de la formule de l'«Oblation» déjà mentionnée nous lisons: «...J'offre et dedie et consacre a vostre divine Majesté et a la sacree Vierge vostre Mere nostre Dame, mon ame, tout mon cors et toute ma vie.» Enfin le saint Fondateur ajoute que cet «establissement...se fait par une belle ceremonie» (tome XIV, p. 330), preuve qu'il en avait au moins ébauché le Formulaire, s'il n'était déjà complètement rédigé..

  A025001667 

 Des retouches ne furent pas faites au Manuscrit après janvier 1611; plusieurs preuves pourraient être alléguées, mais nous n'en citerons que deux:.

  A025001668 

 Or, comme nous l'avons remarqué ci-dessus, le premier article des Constitutions désigne sous le titre de «Bienheureux» l'Archevêque de Milan, et n'a pas été corrigé par le Fondateur qui, cependant, a fait sur la même page deux modifications..

  A025001669 

 Nous avons dit plus haut (p. 204), que d'après le Ms.

  A025001670 

 K dont nous allons parler, sont celles des Mss.

  A025001680 

 K. — Deux pages appartenant à la Visitation de Milan (Ms. M) se retrouvent exactement, sauf de très petites variantes, dans le même Manuscrit; nous en exceptons l'article: Du maintien exterieur et des devis, qu'on trouvera plus loin.

  A025001680 

 — Pour quelques articles, nous avons des fragments autographes qui sont des minutes du Ms.

  A025001681 

 C'est quelques jours avant l'«Oblation» des trois premières Mères que fut réglée la manière d'arranger le voile; elle est indiquée, avec le reste du costume religieux, dans le Manuscrit qui nous occupe, tandis qu'il n'en est pas question dans le Ms.

  A025001681 

 H. Celui-là marque également que la nouvelle Novice recevra «les habitz et coeffures de la Mayson...dedans le choeur,» pendant le chant du Veni, creator; comme nous l'avons dit ci-dessus (p. 206, n° 2), cela se pratiqua pour la première fois le 6 juin 1611..

  A025001683 

 Mais nous croyons pouvoir préciser davantage et dire que le Ms.

  A025001690 

 De tout ce que nous venons d'exposer, on peut conclure avec beaucoup de vraisemblance que la date du Ms.

  A025001691 

 H et des autres fragments dont nous avons parlé.

  A025001707 

 Afin donq que telles ames pleines de bonnes affections ayent moyen, parmi tous ces empeschemens que nous avons dit, de se retirer du monde, fuir les occasions du peché et s'appliquer plus doucement et parfaittement a l'exercice du divin amour, cette devote Congregation a esté dressee et procuree, sur l'exemple de celles qu'a mesme intention furent instituees par saint Charles, Cardinal Borromee, en son diocese de Milan, et de celle de sainte Françoise, de Rome..

  A025001820 

 La Superieure et les Seurs estant venues dans le refectoir ou en quelqu'autre chambre, ayant dit le Veni, creator Spiritus, toutes se mettront a genoux; la Superieure s'assiera, et les autres demeurant a genoux diront: Nous demandons l'obeissance pour aller visiter les malades de [229] Nostre Seigneur, affin qu'au jour du jugement il nous puisse dire, selon l'Evangile: J'estois malade, et vous m'aves visité..

  A025001822 

 Et les filles respondront: Nous treuvons qu'il est juste et raysonnable qu'en tout et par tout vous soyes la premiere a bien faire..

  A025001823 

 Lhors la Superieure dira: Dieu nous en face la grace.

  A025001827 

 Celles qui sortiront le doivent faire de bon coeur, pour exercer la charité selon la volonté de Dieu, et penser que Nostre Seigneur, tandis qu'il vesquit en ce bas monde, quoy qu'il peust guerir les malades sans aller vers eux, voulut neanmoins plusieurs fois les visiter, les toucher, affin de nous donner exemple d'une cordiale affection et d'une sainte douceur envers les infirmes..

  A025001969 

 Personne ne leur commandera que la Superieure et l'Œconome et celle a qui la Superieure l'ordonnera, et la Directrice tandis qu'elles seront Novices; et tant la Superieure que les autres leur commanderont avec respect amiable, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles sont neanmoins filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, nos Seurs selon l'esprit et nos esgales en nature; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu' un seul Seigneur Jesus Christ, esgalement Seigneur des uns et des autres.

  A025002003 

 Elle les doit regarder comme la vive image de Jesus Christ crucifié; et s'il est vray, comme saint Chrisostome l'asseure, que les anciens chrestiens alloyent en Arabie pour seulement voir et reverer le fumier sur lequel saint Job souffrit tant de travaux avec quelle reverence devons nous approcher les litz sur lesquelz nos freres et nos seurs endurent leurs maladies pour Jesus Christ!.

  A025002085 

 Prenes bien courage, ne vous troubles point pour cela; si vous sçaves faire vostre prouffit de ce retardement en vous humiliant, vous en aures par apres de la consolation et toutes nous autres de l'edification.».

  A025002125 

 Et la Seur respond: O Dieu, v ostre parolle est une lampe devant mes pieds, une lumiere a mes sentiers; [284] vostre lumiere est marquee sur nous, vous aves donné l'allegresse a mon cœur..

  A025002142 

 Entretien de saint François de Sales à ses Filles, nous renvoyons le lecteur à notre tome VI, page 5.).

  A025002181 

 De tout ce que nous avons dit jusques a present provient la difference que l'on observe entre l'erection et l'institution des Congregations qui portent tiltre de Religion, et les Congregations qui sont marquees du seul nom de simple Congregation; car nulle Religion ne peut estre instituee sans l'expresse approbation du Siege Apostolique, ayant esté ainsy determiné au Concile de Latran.

  A025002182 

 C'est pourquoy, cette approbation appartient ou au seul Evesque qui, a rayson de sa primauté, tient la surintendence generale en l'Eglise universelle, ou a la generale congregation des Evesques, que nous appelions Concile, qui n'est qu'une mesme chose quant a ce point; puisque l'authorité du Pape est tous-jours es Conciles generaux et celle des Conciles au Pape, l'Eglise estant en son Evesque, comme dit saint Cyprien, et l'Evesque en son Eglise..

  A025002184 

 Mais, pour ne point trop s'amuser a preuver une chose qui est si evidente, la coustume, qui donne la loy aux loix, ou qui du moins leur sert d'authentique interprete, nous oste de toute difficulté en cet endroit; car, comme du tems de saint Gregoire Nazianzene, de saint Hierosme et de saint Basile les Evesques avoyent erigé force Congregations presque en tous les endroitz du Christianisme, aussi du despuis, et jusques au tems ou nous sommes, les Evesques en ont dressé en plusieurs lieux, et mesme en Italie, ou il semble que la prattique de la discipline ecclesiastique doive estre plus exactement observee..

  A025002204 

 Il arrive quelquefois que pour eviter un danger present, nous employons des remedes qui en engendrent de plus grans a l'advenir; l'esprit humain se contente maintesfois plus a se desfaire promptement des affaires que de demeurer longuement a les bien faire, et semble que le mal n'est pas mal quand il ne paroist pas..

  A025002204 

 Si souvent le marcher nous lasse, souvent aussi le repos nous engourdit.

  A025002206 

 Mais en fin, combien ces Congregations sont desirables, le grand saint Gregoire, Pape, le tesmoigne suffisamment, qui, ayant dit que de son tems il y avoit a Romme bien troys mille femmes et filles dediees a Dieu, il adjouste: «Or, leur vie est telle, que nous croyons que si elles n'estoyent point, nul de tous nous, il y a long tems, n'eust peu durer en ce lieu parmy les espees des Lombars.» Et l'autre grand saint Gregoire, Evesque de Nazianze, estimoit tant les servantes de Dieu, soit qu'elles fussent en Congregation, soit qu'elles fussent es maysons de leurs parens, qu'il ne fait point de difficulté de les appeller son grand honneur et la tres illustre lumiere de son parc; car encor que le sçavant et devot de Billy estime ces tiltres estre donnés [320] a une seule de ces Religieuses, qui surpassoit les autres en vertus, si est ce qu'il y a, a mon advis, plus d'apparence que cela soit attribué a la trouppe entiere; d'autant que ce mesme Saint ayant descrit par apres la vie de ces Dames, il poursuit en cette sorte: «Quoy que certes, quant a moy, j'aye peu de telles femmes, toutesfois je tressaillis tellement d'ayse de voir ces celestes et tres belles estoiles, que pour ce peu que j'en ay je ne fay point de difficulté d'entrer en desfy d'excellence de vertu avec un beaucoup plus grand nombre.» Et sur cela il proteste qu'il se glorifie plus d'avoir quantité de gens dediés a Dieu, qu'il ne feroit de toutes les grandeurs du monde, et dit que sa petite Nazianze estoit appellee Bethleem pour les amys de Dieu qui y estoyent.

  A025002213 

 C'est pourquoy cela appartient au seul Evesque qui, a rayson de sa primauté, a la surintendence generale sur l'Eglise universelle, ou a la generale congregation des Evesques, que nous appelions Concile, qui n'est qu'une mesme chose; puisque l'authorité du Pape est tous-jours es Conciles generaux, et celle des Conciles en celle du Pape, l'Eglise estant en son Evesque, comme dit S t Cyprien, et l'Evesque en son Eglise..

  A025002216 

 Et la coustume, qui semble donner la loy aux loix mesme et laquelle au moins leur sert de tres bon interprete, nous oste de toute sorte de difficulté en cet endroit, et monstre bien que l'Eglise et le S t Siege tient pourlegitimement et canoniquement instituees et appreuvees les simples Congregations erigees par les Ordinaires qui, en cela, possedent sans contradiction quelcomque leur ancienne authorité.

  A025002225 

 Mays quant a l'oblation et offrande, n'estant qu'une simple declaration de la resolution que nous avons de donner a Dieu.....[Le saint Auteur a laissé sa phrase inachevée pour lui substituer une autre leçon.].

  A025002225 

 Or, l'oblation ou offrande n'oblige pas si fort que le vœu; car au vœu il [y] a trois nœuds qui nous obligent: la verité, foy et loyauté que nous devons avoir en nos paroles, nous obligent d'observer nos legitimes promesses a un chascun, mais sur tout a [307] Dieu tout puissant auquel devans, outre cela, porter un souverain respect, c'est un acte d'irreverence extreme de ne point tenir les promesses et vœux que nous luy faysons.

  A025002245 

 Et certes, c'est une tentation extreme de ne vouloir que l'extreme [316] et rigoureuse clausure pour les femmes et filles; car si bien par icelle il semble que l'on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, neanmoins, on la diminue extremement ostant la commodité de se retirer a toutes celles qui ne sont appellees qu'a la retraite suffisante et moderee, que l'antiquité et l'experience nous tesmoigne estre neanmoins fort aggreable a Dieu et utile au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002247 

 Si souvent le marcher nous lasse, souvent le repos nous engourdit..

  A025002266 

 Je ne sçaurois que dire de celles qui sont hors de Romme, sinon que, par les petitz livres que nous an avons, il se peult colliger que les dictes Congregations sont instituees principalement pour recueillir les pauvres filles qui n'ont pas les moiens qu'il fault pour entrer an Religion.

  A025002269 

 Tant il y a, que voyant une Religieuse par le monde et dans les affayres, il s'an scandalisera; tant y a, que les Monasteres lesquels an execution du Concile on veult remettre an closture, auront fort que dire et dequoy se plaindre; tant y a, que les protestans et les libertins auront dequoy censurer les clostures de nos Monasteres, puisque par le moien des Congregations nous sçavons bien nous an passer, et prouver qu'elles n'estoyent point an la primitive Eglise; tant y a, que ces sorties seront occasion de grandes distractions aux Sœurs qui sortent, et de tentations a celles qui demeurent a la maison, et, par succession de temps, l'on ne peult que l'on n'an apprehande des desordres.

  A025002273 

 Et il ne fault pas dire qu'an cela le Sainct Siege fasse prejudice aulx Ordinaires; car nous sommes tous d'accord qu'il leur laisse ce qui leur appartient, et qu'ils peuvent eriger des Congregations et Confreries seculieres tant qu'ils vouldront.

  A025002273 

 Mais nous disons qu'ils ne peuvent pas, soubs le nom de Congregation ou College, eriger des assemblees qui ayent toutes les, marques et l'essence encor des Religions, an sorte qu'il n'y aye a dire que le nom: les trois vœux, la communauté, l'eglise, Sacrement, le chœur, chanter tous les jours les divins Offices; et que? peult on avoir plus que cela an la Religion?.

  A025002310 

 Nous désignerons le premier sous la lettre Q et le second sous la lettre P. L'ordre chronologique exige que nous parlions d'abord de ce dernier..

  A025002322 

 On pourrait multiplier les remarques et par là même les preuves [344] en faveur de la date que nous suggérons: août-novembre 1615; mais celles que nous venons de donner suffisent amplement..

  A025002327 

 P. Nous avons donné ci-dessus, p. 283, le passage de la formule primitive, et voici celui de la nouvelle: «Je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en cette vostre Congregation de ceans pour vous y servir en obeissance et pauvreté, selon les Regles et Constitutions d'icelle Congregation...».

  A025002328 

 (Ibid., p. 92.) Enfin, le jour même de Pâques elle mande à sa grande fille: «Vous les aurez, ces chères Règles, sans faillir, Dieu aidant, à la première commodité; mais non pas polies, car le bon Père n'en peut sitôt prendre le loisir, et je pense encore que pour nous reculer, il lui vient un ouvrage sur les bras du côté de Thonon.

  A025002328 

 P. «Je vous prie, renvoyez-nous nos Règles; elles nous font grand' faute,» écrit-elle à la Mère Favre le 26 février 1616.

  A025002334 

 Q, comme nous l'avons dit ci-dessus, p. 343..

  A025002561 

 Or, les enseignemens qu'elle leur donnera seront principalement de la fin pour laquelle elles se doivent estre retirees du monde, qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu; que non seulement elles sont entrees en la Congregation pour se retirer du monde, mais pour se retirer et separer d'avec elles mesmes, mortifians leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, rappellant toutes leurs forces au service de Nostre Seigneur, par une chasteté tres parfaite, une pauvreté et despouillement de toutes choses tres entiere, et par une obeissance et abnegation de toute propre volonté; et que, en somme, toute la Congregation est fondee spirituellement sur le mont Calvaire, pour considerer Jesus Christ crucifié pour l'amour de nous, affin que toutes les Seurs apprennent a crucifier leurs sens, passions, inclinations et humeurs pour l'amour de luy..

  A025002669 

 Et tant la Superieure que les autres leur commanderont avec amour et les appelleront leurs Seurs, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles ne laissent pas, selon l'interieur, d'estre filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, esgales en nature et en la praetention de la grace et de la gloire aux plus grandes dames du monde; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu' un seul Maistre, Jesus Christ, esgalement Seigneur et Sauveur des unes et des autres..

  A025002871 

 Et comme en l'ancienne Loy la victime et hostie, c'est a dire l'animal qui devoit estre immolé, estoit premierement escorchee, ainsy les Seurs qui desirent offrir et vouer leurs personnes a Dieu en cette Congregation, [422] doivent escorcher leurs cœurs, se resouvenant que Nostre Seigneur mesme voulut s'offrir a Dieu son Pere pour nous, tout nud et despouillé sur l'arbre de la croix..

  A025002874 

 A la liberté d'aller ça et la en divers lieux; a l'estime de soymesme; a la liberté de parler et converser avec autruy; a la liberté de se vestir, mirer, accommoder, faire paroistre aggreable et bref, de monstrer les advantages que la nature peut avoir donné a quelques unes; a la liberté du choix des exercices spirituelz, laquelle d'autant plus qu'elle semble honneste, d'autant est elle difficile a quitter; au contentement de voir et frequenter ses parens; a l'inclination que nous avons d'estre estimees judicieuses, sages, discrettes, bien seantes, car on ne peut y vivre selon son jugement, ni selon sa propre sagesse ou propre discretion, ni; selon sa propre bienseance, mays selon celle d'autruy..

  A025002877 

 Mais affin que nostre sacrifice soit un sacrifice d'holocauste, il nous faut eschauffer nostre cœur et allumer en iceluy le feu du saint amour par diverses meditations, que nous ferons par maniere d'orayson, si nous pouvons, et si nous ne pouvons, par maniere de consideration simple.

  A025002881 

 Et pour nourrir en nous cette affection, nous pourrons employer l'exemple d'Isaac, lequel se laissa lier et se disposa d'estre immolé, sans repliques ni difficultés, parce qu'Abraham qui l'immoloit estoit son pere, remettant ainsy son estre a celuy qui, selon nature, le luy avoit donné..

  A025002881 

 Mays en lieu de toutes autres affections, il n'en faut tirer que celle de l'offrande: considerant combien il est raysonnable que nous nous offrions et donnions a Dieu qui nous a donné l'estre, et le nous a donné affin que nous [426] fussions tres uniquement siens.

  A025002881 

 Or, la premiere meditation pourra estre celle de la creation, jointe a celle de la fin pour laquelle nous sommes creés.

  A025002886 

 Mais les autres, affin de suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a sa suite, quittent les richesses et commodités mondaines (qui pour l'ordinaire nous incommodent tant au chemin du Ciel), quittant tout comme les Apostres, s'attachant seulement au seul soin de plaire a Dieu et de le suivre, ne voulant que leur cœur soit partagé ni distrait de la variété des choses, mais cherchant simplement, d'un cœur tout uni, l'unité d'un seul et unique amour de Dieu.

  A025002887 

 O s'il y avoit encor quelque autre façon de suivre de plus pres Nostre Seigneur, combien serions nous obligés, par amour, de l'entreprendre et embrasser!.

  A025002888 

 La troisiesme meditation sera de l'offre que Nostre Seigneur nous fait de l'eternité et du Paradis..

  A025002889 

 Nostre Seigneur nous offre la tressainte aeternité, affin qu'en icelle nous jouissions d'une jouissance parfaite de sa fœlicité; n'est il pas donq bien raysonnable que nous luy offrions les momens du tems que nous avons a vivre, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, jouissant de nostre estre, qui n'est qu'une vraye misere, sans que nous nous en reservions un seul moment, ni aucune partie de nostre vie, ni une seule de nos actions? Helas! qu'est ce que nous offrons a Dieu en eschange des choses qu'il nous offre? [430].

  A025002890 

 Mays, puisque nous n'avons et ne sommes rien qui merite luy estre offert, faisons qu'au moins nous luy offrions de grand courage et avec grande affection cette misere mesme que nous sommes.

  A025002893 

 Et quant aux Saintz, quelle oblation fut celle des Apostres! Voici, Seigneur, que nous avons tout quitté, disent ilz, et t'avons suivi.

  A025002896 

 C'est a dire: Qu'a jamais soyons nous siennes, qu'a jamais le puissions nous servir.

  A025002896 

 Or, David avoit praedit que plusieurs filles seroyent amenees et conduittes a Jesus Christ apres elle: voyla pourquoy, a son imitation, ayant ouy que Nostre Seigneur conseille que, pour plus entierement, plus purement et plus constamment estre servantes de sa divine Majesté, il failloit quiter tout et renoncer tout son estre entre les mains de sa Providence, vous deves d'un grand courage, apres Nostre Dame, dire: Nous voyci meshuy servantes de Dieu, ayant tout quitté pour cela; nous soit fait selon sa parole.

  A025002898 

 Helas, combien est il juste que nous nous offrions a luy, et que pour luy nous nous attachions et soyons clouees en nostre vocation! Et pour cette meditation suffisent les paroles de saint Paul: Jesus Christ, dit il, est mort four tous, donques tous sont mortz en luy.

  A025002898 

 Nostre Seigneur s'est offert pour nous sur la croix, a laquelle il voulut estre cloué.

  A025002900 

 C'est bien la rayson de nous donner a Celuy qui s'est si liberalement et absolument donné pour nous.

  A025002902 

 Choysissons encor quelque Saint special et nostre bon Ange; et ayons confiance en leur charité, et qu'en mesme tems que nous nous sacrifierons et vouerons icy bas en terre, ilz nous offriront la haut, au Ciel, ou ilz celebreront et solemniseront nos vœux a la veiie de toute la Cour celeste.

  A025002902 

 La, Nostre Seigneur tiendra le lieu du Pere spirituel, Nostre Dame de la Superieure, et les Saintz que nous avons choysis seront comme les deux Assistentes.

  A025002902 

 Mais, avec quelle ferveur, avec quel zele feront ilz cette solemnité, esperant que, par le moyen d'icelle, nous arriverons a la celebrité de l'aeternelle gloire! A ces parrains, il nous faut [435] bien protester que nous ne les desavouerons point en ce qu'ilz pleigent pour nous, et les conjurer qu'ilz soyent speciaux protecteurs de nos vœux..

  A025002902 

 Nous avons choysi la Sainte Vierge pour nostre Protectrice; supplions-la qu'elle nous offre comme chose sienne et ses filles, quoy qu'indignes, a son Filz Nostre Seigneur.

  A025002915 

 La premiere meditation pourra estre celle de la creation, jointe a celle de la fin pour laquelle nous avons esté creés.

  A025002915 

 Mays au lieu de toutes autres affections, il n'en faut tirer que celle des vœux de la Profession: considerans combien il est juste et raysonnable que nous offrions, dediions et consacrions a Dieu l'estre, l'ame et le cors qu'il nous a donné luy mesme, et qu'il nous a donné affin que nous fussions tres uniquement siens.

  A025002916 

 O que ne sommes nous aussi bons, doux et reconnoissans que le juste Isaac qui, sans replique ni difficulté quelcomque, s'exposa librement a la mort, et se disposa pour estre sacrifié par les mains de son pere Abraham, remettant et abandonnant sa vie et son estre a celuy qui, selon nature, le luy avoit donné!.

  A025002922 

 O s'il y avoit en cette vie mortelle une plus digne maniere de suivre Nostre Seigneur, combien serions nous heureux de l'embrasser et entreprendre par amour!.

  A025002923 

 meditation sera de l'offre que Nostre Seigneur nous fait de son Paradis et de son aeternité bienheureuse, affin qu'a jamais nous jouissions parfaitement de son infinie fœlicité; car n'est il pas donq reciproquement convenable que nous luy consacrions et donnions les petitz et chetifz momens de cette vie mortelle, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, [430] jouissant de nous mesme et de nostre estre qui n'est en effect qu'une veritable misere? Helas! qu'offrirons nous a Dieu en contrechange de la sainte œternité de son Paradis qu'il nous offre?.

  A025002924 

 Mays, puisque nous ne sommes rien et n'avons rien qui merite luy estre offert, donnons luy, au moins, et luy dedions ce mesme rien et cette mesme misere que nous sommes, benissans son infinie Bonté qui ne dedaigne point, ains accepte cordialement nostre neant et nostre misere en sacrifice..

  A025002927 

 Et quant aux autres Saintz, quelle profession fut celle des Apostres! Voici, disent ilz, o Seigneur, que nous avons tout quitté et t'avons suivi.

  A025002930 

 Et sur ce point, nous devons peser et ruminer ces admirables paroles de S t Paul: Jesuschrist est mort pour tous, donques tous sont mortz en luy.

  A025002932 

 Nous avons choysi la S te Vierge Nostre Dame pour nostre Protectrice au Ciel; supplions-la qu'elle nous presente a son Filz..

  A025002933 

 Choysissons encor quelque Saint particulier: comme S t Joseph et nostre bon Ange, ou S t Augustin, ou S t Dominique; et ayans confiance en leur charité, supplions les de nous presenter a Dieu, le Pere aeternel, par le merite de son Filz, en la dilection du Saint Esprit.

  A025002933 

 Et prenons confiance qu'au mesme instant auquel nous ferons icy bas en terre les actes de nostre Profession et de nos vœux solemnelz, ilz les celebreront et solemniseront la haut au Ciel, a la veue de toute l'Eglise triomphante, ou Nostre Seigneur luy mesme nous sacrifiera a son Pere eternel, nous immolant a son amour aeternel; et Nostre Dame, avec tous les Saintz, appreuvans nostre Profession, chanteront les alleluya et le Te Deum d'allegresse.

  A025002934 

 Disposons nous donques a bien correspondre icy bas, et pensons que comme Nostre Dame, par son infinie bonté, chantera sur nostre Profession son divin cantique: Magnificat anima mea Dominum, aussi serons nous obligees de le chanter interieurement [435] nous mesme; et le saint esprit de devotion nous fera sentir combien grande est la grace que Dieu fait a un'ame de la tirer a soy par un attrait si excellent comm'est celuy de la Profession religieuse.

  A025003018 

 Nostre tres honnoré Seigneur et Pere desiroit ardemment que nous eussions l'esprit d'une entiere dependance du soin paternel de nostre bon Dieu en nostre Congregation, et que tout nostre repos et confiance fust en sa providence.

  A025003068 

 La Directrice s'estant mise a genoux devant l'autel (qui sera d'environ troys pieds ou troys pieds et demy), elle commencera a dire: «O mon Dieu, je deteste la desobeyssance,» et toutes les Novices respondront: «Nous la detestons aussi.» La Maistresse: «Je deteste l'envie;» les Novices: «Nous la detestons.» Et ainsy des autres vices qu'elle verra plus familiers entre elles.

  A025003068 

 Puis, en ayant detesté deux ou troys, la Maistresse ensuite benira les vertus contraires aux vices qu'elles ont detestés, disant: «Benite soit la sainte obeyssance;» et les Novices respondront: «Benite soit elle.» Et ainsy des autres; la Maistresse concluant par une petite orayson, comme seroit: «Seigneur Jesus, regardes, s'il vous plaist, ce petit troupeau des yeux de vostre misericorde et respandes sur iceluy [454] vos celestes benedictions, par les merites de vostre glorieuse Mere, nostre sainte Maistresse, affin que nous puissions, par la prattique de ces benites vertus, vous estre aggreables en cette vie et jouir de vous en l'autre.

  A025003310 

 Nous terminons vostre voïage [489] a dix semaines, a conter des ce jour de vostre despart, priant Dieu qu'il vous conduise et ramene, avec la paix, grace et consolation de son Saint Esprit, et vous tienne tous-jours sous la protection de sa misericorde.

  A025003310 

 Nous vous donnons le congé requis, affin qu'au nom de Nostre Seigneur vous allies au duché de Bourgoigne pour l'accommodement de quelques affaires qui regardent vostre soin, lesquelles estans [malaisées], ne peuvent estre faites en peu de jours.

  A025003319 

 Nous attestons que nostre tres chere Seur en Jesus Christ, M. Jeanne Françoise Fremyot, Baronne de Chantal, et Perrette de Chatel sa compaigne, de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation erigee en cette Nostre [490] citté d'Annessi, partent de ce lieu par le consentement de ladite Congregation et le Nostre, pour les affaires que ladite Jeanne Françoise Fremyot doit traitter en Bourgoigne, lesquelles ne pourroyent bonnement estre faites sans sa presence; et c'est pour le tems, et non plus, que lesdites affaires requerront..

  A025003320 

 Qu'elles aillent donq sous la grace et protection de Nostre Seigneur et de sa sainte Mere, et en ce nom Nous les recommandons a tous..

  A025003328 

 Nostre ennemy est tous-jours aux aguetz pour [491] nous surprendre, et il dresse ordinairement sa batterie contre la citadelle de nostre cœur a l'endroit le plus foible et ou il connoist, par nos frequentes cheutes, le penchant de nostre inclination perverse ou passion mignonne qui nous fait le plus de mal, et que nous pensons le moins de destruire parce qu'elle nous est aggreable et que nous nous [492] flattons dans la croyance que nos pertes y sont petites; et c'est par la neanmoins que nostre ennemy fait ses advances et tasche de nous surprendre et prendre s'il peut.

  A025003342 

 La serieuse attention a nous mesmes et a nos offices propres, contre le soin superflu de la charge des autres et contrerollement de leurs actions.

  A025003348 

 L'indifference en la qualité et quantité de viandes, comme a toute autre chose qui repugne a nostre sensualité; contre la douilletterie et le soin de nous mesme.

  A025003352 

 Le renoncement de la propre volonté en tout et pour tous ceux que nous pouvons, indifferemment, avec la promptitude de l'obeissance envers ceux qui ont pouvoir sur nous; contre la propre volonté et liberté imparfaite.

  A025003368 

 La parfaitte envie de contenter Dieu et nos Superieurs en nos actions; contre la propre inclination de nous rechercher nous mesme et de playre au monde.

  A025003370 

 Ne se point plaindre d'aucune chose qui nous arrive, comme: infirmité, incommodité ou disette de quelque [499] chose temporelle, ni mesme de nos imperfections ou retardement a la perfection; ne se point accuser a tous propos par humilité, ou plustost par legereté, et ne faire point la correction a nostre prochain.

  A025003390 

 La frequente rememoration de la praesence de Dieu, de nostre profession et du devoir envers nous mesmes; a l'amende de l'antienne, Dominus pars hœreditatis meæ, etc., pour tous ceux qui se sont voués a Dieu..

  A025003392 

 Le renoncement a la propre volonté en tout et pour tous ceux que nous pouvons, indifferemment, avec la promptitude de l'obeissance [496] envers ceux qui ont pouvoir sur nous; a l'amende de l'orayson Respice quaesumus, Domine, etc., pour tous les captifs et prisonniers..

  A025003408 

 La perpetuelle envie de contenter Dieu et les Superieurs en nos actions, contre la propre inclination de nous y rechercher nous mesme et de plaire au monde; a l'amende de Regi sœculorum immortali, etc., pour l'exaltation du nom de Dieu parmi tous les mortelz..

  A025003410 

 Ne se point plaindre d'aucune chose qui nous arrive: comme infirmité, incommodité, manquemens, ni mesme de nos imperfections ou retardement a la perfection; comme encor de ne point [499] se troubler, s'accuser a tous propos par humilité, ou plustost legereté; a l'amende d'un De profundis pour les trespassés du Purgatoire..

  A025003432 

 N'y ayant absolument rien remarqué qui n'exhalât le parfum et n'eût la saveur de très saintes mœurs, des pratiques approuvées et la mise à exécution des saintes instructions de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, notre Mère; autant que Nous l'avons pu, avec l'aide du Seigneur, Nous avons très volontiers employé Notre soin et Notre autorité pastorale à favoriser, encourager et promouvoir les très saints efforts de ces Sœurs, assurés dans le Saint-Esprit que ces Congregations fourniront un port de salut à de nombreuses vierges et veuves que le même Esprit daignera arracher aux flots tempetueux du siècle..

  A025003432 

 Nous avons vu et, en raison de Notre charge pastorale, attentivement examiné tout ce qui avait trait aux débuts, aux progrès et aux fruits des Congrégations des Sœurs de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu, établies dans Nos diocèses.

  A025003433 

 Et comme il est arrivé que ces Communautés, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, augmentent tous les jours d'une manière sensible en mérite et en nombre, pour qu'un Institut si pieux et digne de louange se conserve fixe et stable, Nous lui avons unanimement [501] destiné et assigné ces Règles et Constitutions qui, à l'instar de murailles très solides, serviront de rempart et de fondement à son genre de vie, voulant mettre avec un amour puisé dans les entrailles du Christ, sous Notre garde pastorale et sollicitude et celle de Nos successeurs, les Congrégations susdites établies dans Nos diocèses..

  A025003434 

 Afin que ceci soit attesté et manifesté pour l'avenir, autant que cela peut l'être de Notre part, Nous avons rédigé et signé ces lettres..

  A025003450 

 Ayant esté desiree et invitee par Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime Archevesque et Patriarche de Bourges, duquel vous aves le bien d'estre seur selon le sang, affin qu'avec nombre suffisant d'autres Seurs de vostre monastere vous allies fonder, eriger et establir un monastere de pareil Institut en la cité de Bourges, et que d'ailleurs vous estes de mesme invitee a faire semblables fondations a Paris et Dijon: Nous vous permettons la sortie de vostre monastere et les voyages requis a cet effect; comm'aussi de prendre avec vous autant de Seurs et telles que vous jugeres convenable pour des si bonnes œuvres, sans que pour telles sorties, ni vous ni vos Seurs puissent estre censees violatrices de la sainte clausure; a la charge neanmoins, qu'apres avoir fait les fondations et establi l'ordre convenable, vous vous retiries dans vostre dit monastere, selon que par Nous ou Nos successeurs il [504] sera treuvé convenable, et que par tout vous observies la Regle et les Constitutions de vostre dit Monastere..

  A025003477 

 Nous imposons et ordonnons aux mêmes Sœurs de se soumettre à la clôture perpétuelle, selon les décrets du Concile de Trente, avec toutes les lois qui concernent la solennité des vœux..

  A025003477 

 Vu et considéré ce qui devait l'être, Nous avons érigé et érigeons la présente Maison appelée «de la Congrégation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu de la Visitation», en Monastère, sous la Règle de saint Augustin, décrétant, en vertu de la même autorité Apostolique, que toutes les Sœurs ou Religieuses de cette Maison et tout le monastère lui-même devront à l'avenir jouir et profiter de toutes et chacune des immunités, privilèges, induits et concessions dont les autres monastères de Religieuses vivant sous la même Règle ont coutume de faire usage, de jouir et profiter; en outre.

  A025003478 

 Mais comme Nos bien aimées Sœurs dans le Christ, Jeanne-Françoise Frémyot, Supérieure de la Maison, et Marie-Madeleine de Mouxy Nous ont exposé qu'elles avaient encore la propriété de certains biens dans le monde, dont elles n'ont pu jusqu'ici disposer [506] commodément, et auxquels cependant elles désirent renoncer avant d'être tenues aux lois de la solennité des vœux: en conséquence, Nous leur fixons, à toutes deux, le délai de six mois, à dater du jour des présentes, pendant lequel elles pourront licitement disposer des biens susdits; après lequel délai, qu'elles soient tenues de déclarer si elles veulent se soumettre à la solennité des vœux et à ses effets.

  A025003478 

 Une fois écoulé le délai et reçu leur déclaration, Nous reglerons leur situation comme il Nous semblera convenable..

  A025003486 

 Nos tres cheres Seurs Paule Jeronyme de Monthou et Françoise Jacqueline de Musy, Religieuses professes du monastere de Nostre Dame de la Visitation de cette contree d'Annessi, ayant esté desirees par les Seurs du monastere de Moulins qui est du mesme Ordre, l'une pour y estre Superieure et l'autre pour l'y accompaigner, sous le bon playsir de Monseigneur de lion, et ayant eu, sur [508] ce, ledit consentement dudit Monastere de cette presente cité: Nous leur donnons aussi le congé a ce requis, et ce pour le tems que, par les occurrences, il sera treuvé a propos; suppliant Dieu qu'elles soyent benites en son nom, allant, demeurant et revenant, affin qu'elles facent son service en l'œuvre pour laquelle elles vont, en toutes leurs actions et en toutes les peynes qu'elles endureront pour ce sujet..

  A025003499 

 Ayans veu et consideré l'escrit fait en l'autre part de cette feuille, et sachans fort bien la verité des choses [510] qui y sont contenues, Nous l'avons treuvé bon, le louons et, entant qu'en Nous est, Nous l'appreuvons..

  A025003690 

 Toutes les regles et Constitutions de cete Congregation, tant communes a toutes les Sœurs cy dessus expliqués que particulieres des Officiantes, que nous n'avons icy mises pour briefveté, n'obligent aucunement d'elles mesmes soubs peine d'aucun peché ny mortel ny veniel, ains sont seulement donnés pour la direction et conduicte de la Congregation.


26-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXVI-Vol.5-Opuscules.html
  A026000034 

 — Considérons nos propres défauts, et nous ne verrons pas les vices du prochain. 54.

  A026000034 

 — Le temps fera voir si nous sommes meilleurs que ceux que nous jugeons.

  A026000048 

 Pourquoi sommes-nous en ce monde? — Tout ce qui est contraire à notre fin dernière doit être rejeté.

  A026000079 

 Faire sa confession devant Jésus crucifié qui, » avec une douceur de misericorde incomparable », nous prépare son pardon.

  A026000112 

 Pourquoi le Saint-Esprit nous donne le don d'intelligence.

  A026000156 

 — « Celuy qui nous a donné la fleur du desir nous donnera aussi le fruit de l'accomplissement.

  A026000157 

 — Ce n'est pas « nostre mal qui nous fait mal », c'est l'amour-propre.

  A026000157 

 — Il faut le chercher par le chemin qu'il nous a marqué.

  A026000159 

 — Nos misères ne nous doivent pas accabler ni étonner.

  A026000159 

 — Nous n'avons pas à craindre le jugement du monde.

  A026000160 

 — Ce qui nous empêche de nous jeter à corps perdu entre les bras de la Providence.

  A026000164 

 Bonté de Dieu qui se contente de nous obliger à garder ses Commandements.

  A026000164 

 — Ce qu'il nous conseille.

  A026000164 

 — Toujours nous aurons à combattre.

  A026000165 

 — Tout est pauvre dans cette naissance, et nous ne cherchons qu'à nous satisfaire.

  A026000253 

 — Les [7] larrons aussi; l'un: Si tu es Christ, sauve toy et nous.

  A026000277 

 ( Gabbatha signifie hauteur; Lithostrotos, en grec, balcon de pierres, lieu de jugement.) C'était la préparation de la Pâque, environ la sixième heure (c'est-à-dire la sixième heure de la prière: ainsi divisait-on le jour: 1, 3, 6, 9), et il dit aux Juifs, [etc.] Les princes des [5] prêtres répondirent: Nous n'avons de roi que César. (Donc le Messie vient, Gen. XLIX: Le sceptre ne s'éloignera point, etc.).

  A026000305 

 L'une nous rend innocens, et l'autre spirituelz..

  A026000307 

 Nous pensons es choses, sans fin et intention; nous les estudions pour estre plus doctes; nous les meditons pour les aymer, et nous les contemplons pour nous y plaire.

  A026000308 

 La meditation se fonde sur ia foy, considerant ce que nous croyons pour l'aymer; la demande sur l'esperance, demandant ce que nous esperons pour l'obtenir; la contemplation [11] sur la charité, contemplant ce que nous aymons pour nous y plaire..

  A026000309 

 En sorte que la ou est la foy, nous sommes faitz plus prompts a croire par la devotion; la ou est l'esperance, nous sommes rendus plus prompts a desirer ce que Dieu promet, et par la charité, a aymer ce que Dieu commande; par la temperance, a nous abstenir; par la force, a endurer, et ainsy des autres.

  A026000309 

 Neanmoins, le sujet de ce Livre ne comprend pas la demande ni les deux seules considerations affectives, ni mesme la devotion, laquelle n'est ni meditation ni contemplation, mais en est l'effect, n'estant autre chose qu'une vertu generale, contraire a la paresse spirituelle, qui nous rend prompts au service de Dieu.

  A026000311 

 Le courtisan qui a receu de son prince diverses faveurs, acquiert une habitude avec laquelle il le sert non seulement promptement, mais gayement: ainsy, nous devons tous-jours servir Dieu promptement; nous le servons seulement gayement quand nous recevons plusieurs goustz spirituelz qui reviennent de l'orayson mentale.

  A026000315 

 Mais nous n'avons rien entrepris sans imitation des meilleurs autheurs et sans apparente convenance entre le terme signifiant et le signifié; et ayant donné une fois une signification a un terme, nous ne l'avons despuis jamais changé.

  A026000316 

 Mais quelles choses en veut dire Salomon, ou plustost le Saint Esprit? Il nous veut monstrer par combien de degrés une ame, estant en l'orayson mentale, peut monter a la plus haute consideration de Dieu, et avec quelz remedes elle se peut ayder contre beaucoup d'empeschemens.

  A026000333 

 Et quant au premier, elle dit: Tes amours sont meilleurs que le vin et plus odorans que les parfums; quant [16] au second: Ton nom est le mesme parfum respandu; pour le troysiesme: Les jeunes filles t'ont aymé; et pour le quatriesme: Tire moy apres toy, nous te suivrons et courrons a l'odeur de tes parfums.

  A026000333 

 Et tout incontinent, portee par une grande confiance d'obtenir ce qu'elle demande, comme si des-ja c'estoit fait elle adjouste: Mon Roy m'a menee en ses cabinetz; nous sauterons de joye et nous res-jouirons en luy et avec luy de la souvenance de tes amours qui sont meilleurs que le vin; les bons t'ayment et te prisent..

  A026000341 

 Tu verras ces biens accidentelz, comme quoy tout le monde a esté fait pour ton usage, ornement et service: Nous te ferons des bagues d'or qui seront esmaillees d'argent; qui sont des bienfaitz si grans, que l'ame les meditant s'enflamme d'amour et est contrainte de s'escrier: [18] Puisque je ne puis autre chose, au moins t'aymeray je, o mon Espoux, et seray moy mesme ta salle royale, laquelle je parfumeray de nard; c'est a dire, je m'empliray d'amour: Tandis que mon Roy sera en sa salle, mon parfum, qui est composé de nard, embaumera tout ce lieu de la suavité de son odeur; et de plus, je m'uniray tellement avec luy, que je le porteray comme un bouquet dedans mon sein: Mon Bienaymé est le bouquet de mirrhe que je porteray tous-jours entre mes deux mammelles.

  A026000344 

 Lhors Dieu a soin que les choses basses ne nous empeschent cette divine consolation; dont il dit au chœur des dames: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et par les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000348 

 Mais aussi, par telz chemins nous arrivons plus tard au giste, parce qu'ayant beaucoup de connoissances, icy nous parlons a l'un, la a l'autre; icy nous entrons en la boutique de l'un, la nous nous arrestons avec un amy.

  A026000348 

 Plus un chemin nous est conneu, plus nous le hantons; plus nous y connoissons de gens, et plus volontier aussi nous y cheminons et plus facilement.

  A026000348 

 Pour la consideration de Dieu, nul chemin ne nous est plus battu, conneu et familier que celuy des choses corporelles entre lesquelles nous vivons; nul n'a en soy plus de facilité, mays aussi, nul n'a plus de distractions.

  A026000348 

 Quand je medite Dieu en l'Ange, qui [20] est une chose invisible et qui ne m'est nullement familiere, il n'engendre en moy que peu de fantosmes et distractions; mais si je considere Dieu en l'homme, mon imagination descend de l'universel au particulier, et, sous le nom d'homme, me represente Pierre, Paul, ou chacun d'eux, lhors que nous faisons telle ou telle chose.

  A026000348 

 Si bien que tandis qu'en ce chemin qui nous est si familier nous nous arrestons a toutes les boutiques de nostre connoissance, ou nous arrivons tard a nostre but, ou jamais..

  A026000349 

 Et lhors, nostre Espoux nous parle et vient a nous, mais non pas pour y demeurer et reposer, ains il vient par sautz et eslancemens: C'est la voix de mon Bienaymé, le voyla qui vient aux montaignes, saillant et traversant les collines.

  A026000353 

 Or, il ne faut pas s'ennuyer demesurement en ces distractions, car elles sont conjointes a nostre nature, et nous n'en pouvons estre repris si elles ne viennent de nostre faute.

  A026000371 

 La justice [24] et la misericorde sont les deux colomnes qui soustiennent ceste Croix: Il a fait les colomnes d'argent, l'appuy ou reposoir en est d'or, d'autant que tout s'est fait pour conduire les ames a la gloire, l'appuy d'or; la montee en est de pourpre, car il ne nous conduit a la gloire que par son sang.

  A026000398 

 L'ame donques, degoustee par le travail de l'orayson, doit s'addresser a des personnes spirituelles et les prier de l'ayder a trouver son Espoux: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, que si vous trouves mon Bienaymé, vous luy disies que je languis d'amour pour luy; et elles, sçachant la necessité, la mettront sur le discours des qualités de l'Espoux: Quel est vostre Bienaymé, o belle entre les femmes, que, pour luy, vous nous aves si fort adjurees?.

  A026000399 

 Il est Dieu, candeur de la mesme lumiere, mays fait homme pour nous pouvoir racheter au pourpre de son sang: Mon Bienaymé [30] est blanc et rouge; et, entant qu'homme, il est si singulier qu'on le peut connoistre entre mille: choysi de mille.

  A026000405 

 Et si les personnes avec qui elle est veulent poursuivre et luy disent: Ou est allé vostre Espoux, o la plus belle entre toutes les femmes? ou s'est il destourné? et nous le chercherons avec vous, elle ne veut plus les entretenir; mays, reconnoissant qu'encores que les travaux luy fissent sembler que son Espoux se fust retiré bien loin, neanmoins il ne s'en estoit pas allé, au contraire, il estoit tous-jours demeuré avec elle comme en son jardin ou comme en un cabinet de parfums; et, tirant de la plus grande occasion de inerite, elle peut dire qu'il en a cueilli des lys tres odoriferans: Mon Bienaymé est venu en son jardin, au parterre des fleurs aromatiques, pour repaistre aux jardins et y cueillir des lys.

  A026000412 

 Quand quelqu'un arrive a quelque maniere de vivre rare et non accoustumee, non seulement chacun le loüe, mays il semble que chacun desire de le voir, et on crie apres l'ame: Reviens, reviens, o Sulamite, reviens, reviens, affin que nous te voyons..

  A026000419 

 Premierement, on se resveille mieux a l'examen de la conscience: Levons nous du matin pour aller aux vignes; voyons si la vigne est fleurie, si les fleurs porteront du fruict, si les grenades sont fleuries; secondement, on y fait une plus entiere resignation de la faculté concupiscible et de ses desirs: La, je te donneray mes mammelles; tiercement, la devotion croist: Les mandragores ont rendu leur odeur; quatriesmement, on y presente plus humblement a Dieu nos petitz merites passés et presens: J'ay serré pour toy, o mon Bienaymé, au dedans de nos portes, toutes sortes de fruictz, vieux et nouveaux.

  A026000424 

 Mays entre les fruictz de la solitude, cestuy ci est eminent, qu'on y peut considerer plus aysement Dieu comme Dieu: ce qui fait user a l'Espouse de ces deux paroles, seul et hors; c'est a dire, hors de toute creature: Qui te donnera a moy, mon frere, sucçant les mammelles de ma mere, et que je te trouve dehors, tout seul? Consideration qui fait saintement affoler les hommes, les fait danser devant l'Arche; d'ou vient que jusques a ce que l'ame soit arrivee a l'affection du mespris de soy mesme, elle a tous-jours quelque honte: c'est pourquoy elle desire la solitude, affin, dit elle, que je le bayse sans que personne nous voye..

  A026000425 

 O Dieu, quand nous serons en la vraye mayson et en la vraye chambre de la nature humaine, qui est au Ciel, quand je te meneray en la mayson de ma mere et en la chambre de celle qui m'a engendré, la je verray tout ce qui appartient a mon bonheur comme en un miroüer; la tu m'enseigneras, et quand tu auras tiré de moy, pour ma felicité, le vin de la vigne et le moust des grenades, la gloire essentielle et accidentelle (et je te donneray d'un breuvage de vin composé, et du moust de mes grenades), et voyla les goustz qui arriveront, voyla les extases, voyla les sommeilz des puyssances; de façon que l'Espouse sacree demande des oreillers pour dormir: qu'il mette sa main gauche dessous ma teste, et qu'il m'embrasse de sa main droitte. L'Espoux aussi, de son costé, tasche de faire qu'elle ne soit point esveillee: Je vous adjure, filles de Hierusalem, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000428 

 Au contraire, elle parle tous-jours avec son Espoux du grand signe d'amour qu'il donna la ou il avoit esté le plus offencé, et qu'il resoulut de mourir pour nous apres qu'Adam et Eve luy eurent desobey: Je t'ay esveillee dessous un pommier; la, ta mere a esté corrompue, la, celle qui t'a engendré a esté violee..

  A026000430 

 Quant aux louanges qui luy sont donnees, l'ame ne s'en soucie point, pour ce qu'elle dit dedans soy: Quelles sont ces ames impàrfaittes qui, n'ayans aucun bien propre, [37] veulent s'embellir de parures externes? Mes petites seurs, c'est a dire les ames imparfaittes, sont celles qui doivent penser a cela, car elles n'ont point de mammelles d'elles mesmes, de propres vertus et merites: Nostre petite seur n'a point de mammelles; que ferons nous a nostre petite seur au jour qu'il faudra parler a elle? En elles, on peut suppleer le defaut avec louanges estrangeres, tout ainsy que si on couvroit d'argent un mur crevé et corrompu, et de cedre un huys qui seroit pourry: Si c'est un mur, bastissons dessus des boulevars d'argent; si c'est un huys, renforçons le d'ais de cedre; mays, moy bien heureuse, dit l'ame, je me soucie fort peu de plaire aux hommes, mon Espoux m'ayant faitte comme un mur tel et comme une tour telle, que je suis fort playsante et aggreable: Je suis un mur, et mes mammelles comme une tour, dont je suis faitte, trouvant repos et paix devant luy..

  A026000431 

 Et moy, dit l'ame, je n'ay point affaire de tant de choses: Ma vigne est devant moy autant que mille pacifiques; au contraire, je veux encor donner deux cens pour aumosne a ces pauvres, qui, avec leurs oraysons, nous gardent nos biens: et deux cens a ceux qui gardent les fruictz d'icelle; au reste, estant abstraitte de toutes les choses sensibles, je ne veux que pas une d'elles puisse me distraire ou me troubler..

  A026000432 

 Et finalement, si nous voulons passer aux playsirs mondains: Je sçay, dit l'ame, que mon Espoux ne veut endurer des compaignons, et qu'avec les consolations qu'il me donne [38] il ne veut pas que je mesle les consolations qu'autres que luy me pourroyent donner; ains il me commande que, me resveillant, et me resignant du tout a luy avec une claire et ouverte protestation, je renonce a tous autres espoux: Toy qui habites es jardins, tes amys t'escoutent; fais moy ouÿr ta voix.

  A026000433 

 Et pour conclure, il ne nous reste rien a faire qu'a prier Nostre Seigneur qu'il veuille, par sa misericorde, nous tirer a soy par ces degrés d'orayson mentale, a ce qu'estans des-ja unis avec luy en ce monde par grace, nous le soyons encor par devotion, affin qu'apres nostre mort nous le puissions estre eternellement par gloire; et en toutes ces saintes unions, qu'il nous bayse, ce divin Espoux, d'un bayser de sa bouche sacree.

  A026000438 

 Nous soubs-signez, Docteurs en Theologie de la Faculté de Paris, Maison et Societé de Sorbonne, certifions avoir leu et examiné un petit Livre intitulé: Declaration Mystique sur le Cantique des Cantiques, composé par le, Bien-heureux François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, dans lequel n'avons rien trouvé qui soit contraire à la Foy Catholique: ains l'avons jugé digne d'estre donné au public, pour la consolation et profit des ames spirituelles et esclairées dans la vie intérieure..

  A026000439 

 En foy dequoy nous avons signé à Paris, ce 24.

  A026000449 

 L'Etude sur les Vertus, que nous allons reproduire, fut imprimée pour la première fois par Blaise, en 1833, à la fin du tome XVI des Œuvres de saint François de Sales, Opuscules inédits.

  A026000449 

 Plusieurs passages sont cependant restés inédits jusqu'ici; nous les signalerons sur place..

  A026000450 

 Et plus loin (p. 58) il dit: « Elle » — la dévotion — « nous fait particulierement faire la sainte offrande, donation et dedicace de nous mesme a la divine Majesté, que nous avons ci dessus marquee; » évidemment, il entend renvoyer au morceau qui se lit au tome V de notre Edition, p. 486, et qui est de nouveau donné ici, p. 44..

  A026000450 

 Mais aujourd'hui, après nouvel examen, nous croyons devoir publier en entier ce qui nous est parvenu du Manuscrit sur les Vertus, et répéter pour cela les deux fragments que nous venons de signaler, d'autant plus que le Saint y fait plusieurs allusions.

  A026000457 

 A plus d'un siècle de distance, la plupart des propriétaires des fragments autographes ont changé; nous les signalerons à mesure que nous les rencontrerons dans les pages qui vont suivre.

  A026000458 

 D'autre part, la première rédaction du Traitté de l'Amour de Dieu fut achevée vers la fin de 1614 (voir notre tome IV, Introduction, pp. XI, XII); il convient, par conséquent, de ne pas reculer au delà de cette année celle des pages qui nous occupent.

  A026000466 

 O que bienheureux sont ceux qui sçavent faire le despouillement de soy mesme duquel nous avons parlé ci dessus! car par ce moyen ilz n'ont qu'a faire un petit souspir ou un petit regard en Dieu, pour tesmoignage [43] qu'ilz confirment leurs despouillemens et qu'ilz ne veulent rien qu'en Dieu et pour Dieu, et qu'ilz ne s'ayment eux mesmes, ni chose du monde, que pour cela..

  A026000470 

 En ce second paradis mystique, Dieu a fait sourdre et jaillir le fleuve de la rayson et lumiere naturelle, de laquelle il est dit: La lumiere de vostre visage est marquee sur nous; et ce fleuve que Dieu fait sourdre pour arrouser tout l'homme en toutes ses facultés et exercices se divise en quatre chefs, selon les quatre parties ou regions de nostre ame, qui produisent les actions humaines et libres.

  A026000471 

 Or, outre cela, Nostre Seigneur voulant favoriser [44] l'homme pieux, affin de rendre le paradis du cœur humain plus aggreable et delicieux, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de nostre ame une fontaine surnaturelle que nous appelions grace, composee de la foy, esperance et charité, qui espanche ses eaux sur toute nostre ame et l'arrouse tout entierement, la rendant gracieuse a merveilles et grandement aymable a sa divine Majesté.

  A026000479 

 Ainsy, quand nous sommes passionnés, nous employons toute nostr'industrie en faveur de nostre passion, et par ce moyen la prudence est convertie en ruse, finesse et tromperie..

  A026000479 

 Les advis [d'un] ........., [d'un] avare, d'un voluptueux ont accoustumé [d'être fort] panchans a la faveur de la passion qui domine; et l'amour, comme estant le poids et contrepoids de l'horologe de nostre ame, il nous fait juger en faveur du bien quil affectionne.

  A026000479 

 Que si c'est l'amour de charité, il nous fait juger en faveur du vray bien; c'est pourquoy il employe saintement la prudence et la gouverne.

  A026000481 

 Et en fin, la prudence requiert en nous la vivacité et habileté d'esprit, la promptitude a bien remarquer et apprendre, la memoire des choses passees, l'intelligence des presentes, la prouvoyance des futures, le discours pour bien tirer consequence d'une chose a une autre, la curieuse [perception] des circonstances et des choses qui sont autour de nous qui peuvent ou nuire ou favoriser nostre dessein, et la prouvoyance pour se garder des inconveniens et se prevaloir des occasions..

  A026000487 

 Le grand saint Augustin, au livre De Moribus Eccles., c. 15, monstre que les 4 vertus cardinales et toutes vertus ne sont autre chose que l'amour de Dieu qui fait tout en nous.

  A026000487 

 Que si la vertu, dit il, nous conduit a la vie bienheureuse, j'asseureray que la vertu n'est nullement autre chose sinon le souverain amour de Dieu; car « ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre, on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: dont je ne feray nul doute de definir en cette sorte ces quatre vertus (desquelles comme les noms sont en la bouche d'un chacun, ainsy pleut a Dieu que l'efficace fut es espritz!), de maniere que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droitement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choysit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuysible.

  A026000488 

 Et par ce que nous savourons par la volonté et l'amour, saint Augustin a eu rayson de dire que la prudence chrestienne n'estoit autre chose sinon un amour discernant le bien d'avec le mal; comme sil eut dit, par les paroles du Prophete, que la prudence estoit une manducation amoureuse ou un savourement du beurre et miel spirituel, c'est a dire des suavités divines, par le moyen duquel on sçait rejetter et repreuver le mal et eslire le bien convenable a s'unir a Dieu..

  A026000490 

 Les enfans de Dieu sont comme cela: leur sagesse est toute simple, ronde, franche, car l'amour qui les gouverne ayant reduit toutes choses a son obeissance les fait marcher selon luy; et, comme dit saint Hierosme, Nostre Seigneur veut que nous soyons prudens non pas pour l'offensive, mais pour la defense: prudens comme le serpent, pour n'estre point deceuz; simples comme la colombe, pour ne point tromper personne..

  A026000492 

 Aussi Nostre Seigneur veut que nous soyons comme petitz enfans: or, les petitz enfans n'ont point de plus grande finesse que de se tenir entre les bras de leur mere, en quoy ilz establissent toute leur richesse..

  A026000495 

 En somme, ou la prudence est amour, ou elle depend de l'amour et est servente de l'amour qui la fait marcher devant la trouppe de toutes les vertus; comme nostre Seigneur, qui estoit assis sur le propitiatoire, c'est a dire sa majestueuse presence, faysoit marcher la colomne de nuee et de feu devant le peuple d'Israel comm'une guide, ainsy que nous voyons les grans faire porter les flambeaux devant a (sic) eux a leurs pages, pour servir de guide a leurs pas et de ceux qui les suivent, et le phanal aux navires..

  A026000498 

 Mays au l. 19 de la Cité, chap. 21, il declare plus amplement que c'est que la justice, disant que c'est une « vertu qui rend a chacun son droit, » c'est a dire ce qui luy appartient et luy est deu: si que, parlant chrestiennement et joignant les deux passages de saint Augustin en une seule intention, nous pouvons dire que la justice n'est autre chose que l'amour de Dieu entant que par iceluy nous avons une constante et perpetuelle volonté de rendre a chascun ce qui luy appartient.

  A026000499 

 Et pour acela [55] nous employons premierement deux actes, l'un de l'entendement et lautre de la volonté; car en l'entendement nous faysons ceste connoissance que le grand saint Augustin demandoit si ardemment: Noverim te, noverim me; et le grand saint François: Quis es tu, et quid sum ego? et sur cette connoissance nous establissons l'acte de la volonté, qui s'appelle reconnoissance, c'est a dire la protestation de l'excellente superiorité infinie de Dieu sur nous et de l'infinie dependence que nous avons de Dieu.

  A026000499 

 Et pour tout ce que nous devons a Dieu, nous avons un'espece de vertu qui s'appelle religion, par laquelle nous rendons a Dieu la reverence, hommage et sousmission que nous luy devons comme a nostre souverain Seigneur et premier principe.

  A026000499 

 Or cette protestation se fait interieurement, par les actes propres de nostre volonté qui se sousmet et fait reconnoissance a la divine Majesté, et par tous les autres actes qui rendent tesmoignage de nostre sousmission; et exterieurement, par des actes par lesquelz nous declarons cette sousmission.

  A026000499 

 Or, comme remarque le grand saint Bernard, nous sommes debiteurs superiori, inferiori, æquali; mays a Dieu premierement, a qui nous devons honneur, gloire, louange, action de graces et toute sorte de sousmission et sujettion.

  A026000500 

 Car c'est elle qui fit prendre le soin a saint Abel de prendre le meilleur de ses trouppeaux pour offrir a Dieu, comme la nonchallance contraire fit que Cain choysit le moindre; [56] c'est elle qui fit tumber en terre Daniel et les autres Prophetes a moytié mors devant la majesté de Dieu; c'est elle qui fait qu'emmi les tressaillement et plus grandes consolations nous tremblons et craignons d'estre devant une si grande majesté; c'est elle qui fait que les Seraphins mesme voylent leurs yeux et leurs pieds, comm'indignes de regarder Dieu et de s'arrester pres de luy; c'est elle qui fait dire a David: Te decet hymnus silentium in Syon, car la grand'estime de la perfection divine fait qu'on n'ose pas en parler, crainte d'en parler peu convenablement.

  A026000500 

 Et cette sainte affection se respand generalement en toutes les œuvres de religion, et est contraire a la negligence et peu d'estime des choses divines, et au manquement d'attention de la veneration que nous devons apporter de la grandeur de l'excellence que nous servons et honnorons.

  A026000500 

 La reverence, qui est un des actes procedans de la religion, et n'est autre chose qu'une certaine vive apprehension et juste crainte de ne se pas bien comporter, et manquer d'honneur et de respect envers Dieu et les choses divines; et de cett'apprehension procede un soin particulier de rendre le plus exactement quil se peut toute sorte de tesmoignage de l'estime que nous faysons de la majesté et eminence de Dieu et de nostre vileté et bassesse, et de la disproportion quil y a entre nous et Dieu.

  A026000501 

 Or cette reverence interieure nous fait prosterner extérieurement, demeurer sur les genoux, faire des abbaissemens de cors, tenir les yeux en terre, les mains jointes, porter les voyles sur nos yeux, vestir le sac et le cilice; elle nous empesche de toucher les choses sacrees qu'avec beaucoup de preparation et de protestation de nostr'indignité, elle nous fait confesser nos miseres et la grandeur de Dieu..

  A026000502 

 Et par ce que ceux qui sont animés de cette tant desirable vertu se dedient et consacrent, donnent et addonnent totalement au service de Dieu et a tout ce qui le regarde, elle nous fait particulierement faire la sainte offrande, donation et dedicace de nous mesme a la divine Majesté, que nous avons ci dessus marquee, par laquelle nous sommes rendus voués, dediés, consacrés a Dieu, et comme specialement Religieux, que, au commencement de l'Eglise, on appelloit moynes, c'est a dire uns ou unis, a cause de la speciale union avec Dieu a laquelle ilz se dedioyent, ou de l'unité de leur intention et profession qui n'estoit que du seul service de Dieu; et, comme parle le grand saint Denys, a rayson de leur vie une et simple, non distraitte ni divisee, ains toute ramassee et recueillie, pour estre toute destinee [58] a la perfection de l'unique amour de Dieu.

  A026000502 

 La devotion en matiere de religion n'est autre chose qu'une ardeur et ferveur d'esprit qui nous rend promps a faire tout ce qui regarde le service et lhonneur de Dieu; vertu toute pareille a la devotion en matiere de charité, dont nous avons parlé au commencement de l' Introduction, car comme l'une est un'excellente charité, l'autre [est] un'excellente affection de religion.

  A026000503 

 Les autres le font par des vœux acceptés par l'Eglise pour establir une personne en l'estat que nous appelions [59] regulier, soit que telz vœux soyent solemnelz, soit qu'ilz soyent simples, comme ceux des coadjuteurs formés de la Compaignie du nom de Jesus..

  A026000508 

 L' orayson, certes, ou la priere n'est autre chose, a proprement parler, qu'une demande faite a Dieu de ce que nous praetendons obtenir de luy.

  A026000508 

 Nous pouvons demander une chose diversement: car nous la pouvons demander par droit de justice, comm'un debte; ou par droit d'authorité, comm'un devoir; ou comm'une grace et faveur, par le seul droit de liberalité, de courtoysie et de bienveuillance.

  A026000509 

 Certes, nous ne pouvons rien donner a Nostre Seigneur, a proprement parler, ains seulement rendre; et il ne peut rien prendre sur nous, oui bien reprendre, puis que nos mains ne luy peuvent rien presenter que nous n'ayons receu des siennes..

  A026000509 

 Or, Dieu ne nous doit rien, Philothee, a tous tant que nous sommes, pour nostre regard et pour nostre consideration; car, qu'avons nous pour l'obliger de quoy il ne nous ayt premierement obligés? Nous ne luy sçaurions jamais rien donner, car si nous luy presentons quelque chose, l'ayant premierement receue de luy, c'est rendre, non pas donner; c'est payer, non pas obliger; nous ne l'obligeons pas, mais nous nous acquitons de la dette.

  A026000510 

 Ce n'est pas, Philothee, que Nostre Seigneur ne se soit constitué debteur envers nous des recompenses immortelles, si nous observons ses commandemens, et quil ne die souvent que non seulement il nous les donnera, mais quil les nous rendra: Mon Pere, dit il a celuy qui priera en son nom, te le rendra; et l'Apostre, parlant de la coronne de gloire: laquelle, dit il, en ce jour la advenir le juste Juge me rendra.

  A026000510 

 Ouy, en verité, Philothee, nos bonnes œuvres faites en la grace de Dieu meritent recompense, et Nostre Seigneur s'oblige de la rendre, comme toute l'Escriture tesmoigne; mays ce n'a pas esté par [62] droit de justice que Nostre Seigneur s'est obligé de nous rendre recompense, ça esté par pure misericorde, selon la grandeur de laquelle il nous a voulu sauver.

  A026000511 

 C'est pourquoy, demandons au Pere eternel quelque chose au nom de Nostre Seigneur, nous la demandons par justice et par grace tout ensemble: en justice, entant que c'est au nom de Nostre Seigneur; en grace, entant que c'est pour nous, qui de nous mesme en sommes grandement indignes.

  A026000511 

 Et bien que nous ayons [63] promesse expresse d'obtenir tout ce que nous demanderons au nom de Nostre Seigneur, cela neanmoins s'entend sous cette condition, que nous soyons enfans de Dieu et que nous ayons l'esprit d'adoption qui nous donne la hardiesse de crier: Abba Pater, ou convenablement disposés pour le devenir; dequoy n'estant pas asseurés, nous ne pouvons jamais demander qu'en grace pour nostre regard..

  A026000511 

 Il nous a merité la grace et tout ce qui est necessaire pour nous acheminer a la grace, pour cheminer en la grace et pour obtenir, par sa grace, la grace consommee et parfaite, qui est la gloire et vie eternelle.

  A026000511 

 Imagines vous, Philothee, le petit Thobie qui demande le payement a Raguel pour son pere, et voyes comme il est payé favorablement par ce quil ressembloit son pere; car il en est de mesme: nous demandons au Pere ce quil doit a son Filz, auquel si nous sommes rendus semblables par une sainte charité, mon Dieu que de graces! Or il doit a son Filz selon mesme toute la rigueur de justice, ainsi que nos sçavans theologiens enseignent, tout ce quil a merité pour nous: or il a merité pour nous que nous puissions meriter, si que le pouvoir que nous avons de meriter est un rejetton du merite de Nostre Seigneur.

  A026000511 

 Mays outre cela, il ne nous considere pas en nous mesme, ains en Nostre Seigneur son Filz, sur lequel nous sommes entés comme des greffes sur un noble tige; et partant, en qualité de membres d'un tel chef, au nom duquel nous demandons toutes choses, il nous rend ce qui luy est deu.

  A026000512 

 En quoy les uns et les autres ont eu rayson: car il demande sans doute a son Pere les benedictions que nous recevons, et sa demande n'est pas priere quant a ce quil demande, car ce quil demande luy est deu par justice; mais elle ressemble pourtant a la priere, par ce qu'il ne demande [64] pas avec moins de reverence, d'humilité et de sousmission que si ce qu'il demande ne luy estoit pas deu..

  A026000512 

 Mays quant a Nostre Seigneur, estant au Ciel et ayant achevé toutes les œuvres par lesquelles il a merité aux Anges et aux hommes la grace et la gloire, il demande a son Pere toutes les benedictions que nous recevons, par droit de justice, comme les ayant acquises par son sang.

  A026000513 

 Or, l'orayson consiste donq principalement a demander a Dieu quil nous donne par faveur, grace, liberalité et misericorde ce qui est requis pour nostre salut, et depend principalement de l'esperance, comme la meditation de la foy et la contemplation de l'amour: car la meditation considere ce que nous croyons, pour l'aymer; la priere demande ce que nous esperons, pour l'obtenir; et la contemplation regarde ce que nous aymons, pour nous y plaire..

  A026000514 

 Mays, outre ces trois parties de l'orayson, il y a la louange de Dieu, en laquelle nous employons une partie des Heures canoniales; il y a aussi l'action de grace pour les benefices receus, et l'offrande et sousmission de nous mesmes a Dieu: lesquelles parties sont principalement fondees sur la vertu de religion, par laquelle nous sommes portés a rendre a Dieu l'honneur et gloire qui luy est deüe, entant qu'elle luy est deüe; comme aussi l'adoration accompaigne tous-jours l'orayson, car personne ne prie Dieu qu'il ne l'adore..

  A026000516 

 Nous prononçons telles ou semblables paroles, du plus profond de nostre esprit, ou si nous ne les prononçons pas, nous en avons le sentiment: Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des armées.

  A026000516 

 Or, entre toutes les adorations il y en a une qui est hors de toute comparayson; car l'honneur se donne en contemplation de l'excellente vertu de quelqu'un, et l'adoration se donne non pour la vertu entant qu'elle est excellente, mays pour l'excellence entant qu'elle nous est [incompréhensible] a cause de son infinie grandeur et profondité, et laquelle, comme dit Anastase, Evesque de Theopolis, est l'emphase et sureminence de tout honneur: qui est l'adoration deue a Dieu, et que non seulement les hommes, mays aussi les Anges ont commandement de luy rendre; et ce n'est autre chose que la plus grande, juste et profonde sousmission [65] et reconnoissance spirituelle que nous puissions faire a la supresme et, pour dire ainsy, incomprehensible sursouveraine Majesté et superiorité de Dieu.

  A026000517 

 Par l'adoration nous regardons Dieu, par l'humilité nous nous regardons nous mesmes.

  A026000517 

 Telles ou semblables sont les actions interieures et essentielles de l'adoration; differentes des actions de l'humilité [66] en cela seulement, que nous adorons en reconnoissance de l'eminence et majesté devant laquelle nous nous prosternons en esprit et a laquelle nous nous sousmettons, mays nous nous humilions en reconnoissance de nostre bassesse et vileté.

  A026000521 

 Et par ce que nos parens sont des appartenances plus proches de nos pere et mere, et que toute la parentee semble estre un seul arbre a diverses branches esquelles toutes un mesme sang, commune mesme seve, joint et sustente, partant la pieté s'estend encor a eux; comm'aussi, par ce que les alliés et amis de nostre patrie sont comme ses appuys et mainteneurs, nous les cherissons aussi par pieté..

  A026000522 

 Or, le devoir de pieté s'estend a tous les offices qui se peuvent legitimement rendre, soit en honneur, soit en service, mais sur tout a sustenter et servir nos pere et mere en leurs necessités: obligation qui passe si avant, que nous ne pouvons pas mesme faire aucun vœu qui nous puisse empescher de rendre ce devoir; et si nous l'avons fait, il ne nous tient pas liés de ce costé la, ains, nonobstant iceluy, nous pouvons et devons rendre ce devoir originaire de pieté auquel la nature nous oblige.

  A026000523 

 En quoy nous donnons les premiers rangs a nos gouverneurs et princes spirituelz; car l'authorité et [68] pouvoir quilz ont estant surnaturel et leur gouvernement tendant a une fin surnaturelle, le devoir de sousmission et service que nous leur avons a cette consideration est surnaturel, religieux et purement pieux..

  A026000523 

 L' observance est une vertu par laquelle nous rendons l'honneur et le service qui est deu a ceux qui sont ordonnés a nostre gouvernement ou qui sont propres a cela: car, comme nous honnorons et servons avec une speciale affection nos pere, mere et patrie par ce qu'ilz nous representent Dieu en qualité d'autheur, principe et origine de nostre estre, et comme instrumens de sa puissance productrice, aussi honnorons nous ceux qui nous gouvernent par ce quilz representent Dieu en qualité de gouverneur et recteur des hommes et comm'instrumentz de sa providence.

  A026000524 

 Car un œuvre que nous n'estions pas obligé de faire avant quil fut commandé, soudain quil est commandé nous sommes obligés de le faire, et d'œuvre simple elle devient debte ou devoir pour nous, le commandement liant et obligeant nostre volonté avec cett'œuvre: et partant, l'obeissance est la vertu par laquelle nous rendons aux superieurs ce que leur authorité nous oblige de faire par leur commandement..

  A026000524 

 En suite de la pieté et de l'observance vient la sainte obeissance: vertu par laquelle nous faysons volontairement ce que nos superieurs et [ceux] qui ont authorité legitime nous ordonnent ou commande (sic) par ce quilz le nous commandent, c'est a dire par ce que nous devons le faire.

  A026000525 

 Obeissance, vertu admirable, qui nous rend toutes les actions des vertus aggreables, qui establit la justice en paix et donne la victoire en la guerre.

  A026000525 

 Or, toute l'authorité a laquelle nous rendons obeissance procede de Dieu, ou par l'ordre special quil a mis en son service et pour nostre conduite au salut eternel, donnant la puissance spirituelle a ses Apostres et a leurs successeurs; ou par l'ordre naturel, donnant aux peres, meres, mari authorité sur leurs enfans et femmes; ou par l'ordre civil, aux princes et magistratz sur leurs sujetz: de sorte que la vertu d'obeissance se termine en fin finale a l'authorité divine, bien que sensiblement et selon nostr'apprehension particuliere elle regarde cette varieté de superieurs a l'authorité desquelz Dieu nous a sousmis.

  A026000526 

 Et cette vertu requiert: [1.] que nous estimions et prisions grandement et au plus haut pris le bien fait, et sur tout l'affection avec laquelle le bien facteur le distribue et nous le departit; 2.

  A026000526 

 La debte de gratitude doit estre aggreable, et ne se doit pas payer par ce quil nous deplait de devoir, mais par ce quil nous plait et aggree de rendre le reciproque.

  A026000526 

 La gratitude est une vertu par laquelle nous rendons a ceux qui nous ont fait du bien quelque sorte de contrechange, ou par honneurs, ou par services, ou par des autres reciproques bien faitz.

  A026000526 

 que nous declarions combien il nous aggree et en facions une protestation et reconnoissance; 4.

  A026000526 

 que nous en conservions et pratiquions la souvenance, faysant volontier mention lhors que l'occasion s'en presente; 5.

  A026000526 

 que nous le recevions cordialement; 3.

  A026000526 

 que selon les occurrences et nostre pouvoir nous rendions bienfait pour bienfait.

  A026000528 

 Nous pouvons celer nos sentimens quand il en est tems, mais si nous les voulons exprimer, nous le devons faire fort veritablement et ne point mentir..

  A026000529 

 Or, quand nous disons nos sentimens, nous n'entendons pas parler des sentimens involontaires que nous avons quelquefois contre nos prochains, mays de vrays sentimens que nous avons selon nostre volonté superieure.

  A026000530 

 Or, puisque les signes sont ordonnés pour exprimer les choses, nous nous devons cela les uns aux autres, de ne nous point decevoir par iceux, les employant a signifier le mensonge et ce qui n'est point..

  A026000531 

 S'ensuit la douce affabilité, qui donne une aggreable [72] bienseance a nos conversations serieuses, affin que d'un costé nous ne soyons ni trop blandissans, amadoüans et flateurs, ni de l'autre trop aspres, austeres, rebarbatifs, durs, desdaigneux et fascheux; mais qu'avec une condescendance bien assaisonnee, nous traittions, en paroles, actions et contenances, suavement et amiablement avec le prochain..

  A026000532 

 La suave amitié est une vertu differente de l'affabilité, car elle se prend a un chacun, pour inconneu quil soit; mays l'amitié ne se fait qu'avec privauté et familiarité, car c'est une reciproque et manifeste affection par laquelle nous nous souhaitons et procurons du bien les uns aux autres, selon les regles de la rayson et de l'honnesteté: dont j'ay parlé ailleurs, en l' Introduction et au livre de l' Amour du prochain..

  A026000533 

 Apres, vient la liberalité, qui nous donne la juste estime et.

  A026000533 

 affection des richesses, ne permettant pas qu'on les prise plus quil ne faut, et par consequent nous porte a les despenser et employer volontier et librement quand il est convenable, affin que d'un costé nous ne soyons pas avares, soyt a ramasser et acquerir trop ardemment les biens de ce monde, soit a les retenir trop chichement, et que d'autre part nous ne soyons pas prodigues, donnant a gens indignes, comme sont les flateurs, bouffons, joüeurs, ni pour choses frivoles et vaines.

  A026000534 

 Il faut rendre a chacun ce qui luy appartient: rendes donc a ce furieux son espee, et il en tuera quelqu'un sur le champ! Non, Philothee, cela ne se doit pas faire; car bien quil faille rendre a chacun ce qui est a luy, cela s'entend quand il n'en abuse pas au plus grand dommage du prochain, et l'equité nous enseigne cela.

  A026000534 

 Mays sur tout ce qui regarde la justice, il y a une vertu que nous appelions œquité, qui empesche que la justice ne soit pas injuste et que le droit ne se change pas en injure; c'est cette prudence qui modere les loix inferieures par les superieures, en sorte que une loy cede a l'autre selon que la rayson requiert et que le legislateur mesme le diroit sil voyoit l'estat present des affaires.

  A026000538 

 A la force appartient la magnanimité, qui n'est autre chose qu'une vertu qui nous porte et incline aux [actions [74] grandes ] et relevees en chasque matiere et espece de vertu, non pour le regard du bien quil y a en l'action grande de la vertu, mais pour le respect de la seule grandeur de l'action.

  A026000539 

 Et en fin, nous evitons la pusillanimité ou decouragement, par lequel [75] nous fuyons les grandes actions, les grans honneurs et les grans offices pour la trop grande apprehension que nous avons de la grandeur, n'estimans pas nos forces asses dignement et selon leur mesure; car, comme les presomptueux entreprennent indiscrettement outre leur pouvoir, les pusillanimes n'entreprennent pas selon leur pouvoir, ains laissent une partie de leurs forces inutiles, faute de cœur pour les employer..

  A026000540 

 De la magnanimité depend la magnificence, qui nous porte non aux actions grandes des vertus, mays aux grans et somptueux ouvrages qui requierent force despence; car cette vertu nous les fait entreprendre genereusement, destournant d'un costé une certaine sotte affection de despence par laquelle on fait des frais inutiles et outre la bienseance, et d'autre costé une certaine vileté d'esprit par laquelle on n'esgale pas la despence a la dignité et bienseance de l'ouvrage qu'on entreprend..

  A026000541 

 Apres, vient la tressainte patience, par laquelle nous moderons les tristesses et fascheries qui nous arrivent des maux ordinaires en cette miserable vie mortelle: la mort des parens et amis, les bannissemens, les pertes, les maladies, les injures et opprobres, et autres sortes d'afflictions de la vie mortelle ...........

  A026000541 

 Or, la patience nous fait supporter tranquillement ces afflictions pour l'honnesteté et le bien qu'elle reconnoist estre en l'egalité de l'esprit et la bonn'assiette de l'ame entre ces occasions..

  A026000542 

 Et tant la patience que la longanimité sont requises, affin que d'un costé nous evitions l'insensibilité, qui n'est autre chose qu'une certaine stupidité et brutale lourdise par laquelle, comme si nous avions nos sens assoupis, nous ne sentons aucune douleur ni tristesse de maux, et par consequent sommes hors de tout sujet de patience; et d'autre costé, que nous evitions l'impatience, par laquelle nous ressentons immoderement les afflictions et contradictions..

  A026000542 

 Or, quand, outre le mal que nous endurons avec moderation, nous devons l'avoir longuement: c'est a dire, [76] qu'outre le mal nous devons supporter une longue duree du mal, qui est une grandeur en duree et estendile de continuation, nous n'avons pas seulement besoin de patience, mays de longanimité, qui est la vertu par laquelle nous supportons ou une longue attente du bien, ou une longue duree du mal.

  A026000543 

 Ainsy, au chemin de la vertu, deux choses nous lassent: la duree et continuation de mesm'exercice, et contre cet ennuy nous avons la vertu de perseverance; et les autres difficultés et resistances, comme sont les oppositions des hommes, nostre foiblesse, les murmurations, les remonstrances de ceux qui sont de contraire opinion, [77] et toutes autres telles [choses] contre lesquelles la constance nous arme: en sorte que nous ne sommes ni opiniastres et aheurtés pour continuer et vouloir poursuivre chose quelconque contre rayson; ni inconstans et legers pour nous laisser vaincre a la duree et longueur du tems requis a nostre entreprise; ni molz, tendres ou delicatz de courage pour nous laisser surmonter aux autres difficultés..

  A026000543 

 Deux choses nous lassent en un chemin: la longueur et esgalité, car, comme dit Aristote, on se plait plus en un chemin ou il y a par fois des [inégalités] et varietés, qu'en un chemin tous-jours uni et sans diversité, et les pierres, les ronces, les fossés, les fanges et autres difficultés.

  A026000543 

 Je ne dis pas le don de perseverance, car c'est une grace toute divine dont nous avons parlé, en passant, ailleurs; mays la perseverance qui est une vertu par laquelle nous continuons et poursuivons un bien jusques a la fin, contre la difficulté et l'ennuy que la longueur et duree d'un affaire ou entreprise peut apporter.

  A026000543 

 Mays quand, outre l'ennuy de la duree et longueur du tems, nous avons encor des autres obstacles et resistances exterieures qui s'opposent a la poursuite et continuation de nos exercices en la vertu et du dessein que nous avons fait pour le bien, lhors nous avons besoin de la constance.

  A026000547 

 La complaisance que nous prenons es choses sensibles par le moyen de nos cinq sens corporelz attire puissamment nostr'ame aux objetz de ces cinq sens, lesquelz estant bas, corporelz et caduques, rendent aussi nostr'ame telle, quand elle est passionnee de leur delectation et jouissance.

  A026000548 

 Mays parce qu'entre tous les sens il y en a deux qui sont plus grossiers, brutaux et impetueux en leurs actes, et qui par consequent dissipent et divertissent plus furieusement et desbordent la force affective de nostre ame, c'est a sçavoir l'attouchement et le goust (qui, comme dit Aristote, n'est presque qu'un certain attouchement par lequel nous nous appliquons immediatement aux objectz les plus grossiers), partant la temperance modere les playsirs et voluptés de ces deux sens principalement, bien qu'elle regie aussi les autres playsirs, soit interieurs ou exterieurs, entant que par iceux la force affective pourroit estre mise en desordre et dissipee contre la juste rayson.

  A026000550 

 Mays l'autre, qui s'appelle intemperance, est le grand vice du monde, par lequel on desire les playsirs sensuelz outre mesure et sans discretion; et c'est le vice qui attira le deluge, qui fit perdre les quatre cités et les fit fondre et en somme c'est le vice le plus infame et vilain, comme dit Aristote, qui nous rend pareilz aux bestes brutes, assoupit l'usage de la rayson et, comme dit Hippocrate, le plus vehement de tous ces playsirs sensuelz n'est autre chose qu'une epilepsie passagere.

  A026000551 

 C'est a dire, qu'il faut premierement prendre ce qui est requis pour maintenir la vie: Ayant la nourriture, dit l'Apostre, et dequoy nous couvrir, nous en sommes contens.

  A026000555 

 Mon Dieu, Philothee, que la chasteté est belle, qui range [82] l'appetit brutal de nostre concupiscence a la pureté des Anges et Espritz caslestes, desquelz comme la pureté est plus pure, aussi la nostre est plus vaillante, car ilz l'ont sans vertu, par nature, et nous la conquerons entre mille hazars, par une continuelle guerre que nous faysons a nos ennemis et, ce qui est plus considerable, a nos amis: aux sens, a l'imagination et a toute cette trouppe de sentimens rebelles et mutins que nostre chair fournit a nostr'ennemi.

  A026000558 

 La continence est comme la fleur qui nous donne promesse du fruit, et comm'un'aube qui nous annonce le jour.

  A026000559 

 Nostre Seigneur, en S t Marc, 3, regarda les Scribes et Pharisiens avec indignation et cholere, mais l'effect ne fut autre chose que de guerir ce pauvre perclus, malgré leur obstination: ainsy nostre cholere ne se doit estendre qu'a vaincre les difficultés qui s'opposent aux bonnes œuvres, affin que nous les facions nonobstant les contradictions..

  A026000559 

 Or, parce qu'ell'est si dangereuse et que c'est un ingredient si perilleux pour la vertu, il en faut user tres rarement, et lhors seulement qu'on a des-ja acquis une grande maistrise sur ses passions; autrement, en lieu d'en user ell'abusera de nous et nous præcipitera.

  A026000560 

 La clemence est proprement es superieurs, pour moderer la punition quilz doivent faire des criminelz, affin que autant que la justice le permet, on n'use pas de toute la rigueur, ains on addoucisse la peyne; car, comme Dieu punit tous-jours moins que nous ne meritons et [84] recompense tous-jours plus que nous ne meritons, aussi la clemence punit non selon la rigueur et severité, mais avec douceur, moderation et temperament: en sorte neanmoins qu'evitans la cruauté, ilz ne tumbent pas en la lascheté et exces de douceur.

  A026000562 

 Et parce que l'exercice des voluptés charnelles est le plus laid, desreglé, messeant, vil, vilain et deshonneste, l'honnesteté nous retient plus fort pour ce regard; et puis encor, comme en suite, ell'a soin de repouser tout ce qui est difforme et desordonné [85] au commerce des playsirs sensuelz, affin que rien ne s'y passe contre la bienseance..

  A026000562 

 L' honnesteté est une certaine vertueuse affection que nous avons de rejetter tout ce qui est contraire a la beauté, proportion, bienseance et ornement de nostre conversation et de toutes les actions qui en dependent, tant interieures qu'exterieures.

  A026000563 

 Et je dis que nous reconnoissons et faisons cette profession de nostre neant en ce qui est de nous mesme, parce qu'en ce qui est en nous de Dieu nous ne laissons pas, pour l'humilité, d'avoir un extreme courage et une sainte hauteur d'esprit, l'humilité n'estant nullement contraire a la magnanimité; car l'humilité fait une juste estime de ce qui est de nous en nous, comme la magnanimité de ce qui est de Dieu en nous.

  A026000563 

 La sainte humilité, qui est la plus petite et neanmoins la plus necessaire de toutes les vertus, n'est autre chose qu'une volontaire profession et reconnoissance de nostre vileté et abjection en ce qui, en nous, [est] de nous mesme.

  A026000565 

 En fin, l'humilité nous fait glorifier Dieu et vilipender nous mesme; mays l'orgueil nous fait estimer nostre excellence ou comme plus grande qu'elle n'est, ou comme plus nostre qu'elle n'est, et partant est contraire a l'humilité comm'a l'opposite..

  A026000565 

 Et comme l'humilité nous ravale en nous mesme devant Dieu, elle nous fait aussi humilier devant le prochain, car elle nous fait regarder qui nous sommes selon nous, et quel est le prochain selon Dieu.

  A026000565 

 Et comme par l'humilité nous n'osons rien entreprendre sur nos forces, aussi par la magnanimité nous entreprenons tout sur la faveur divine: c'est pourquoy l'humilité nous rend vrayement magnanimes, comme l'orgueil donne une faulse magnanimité.

  A026000565 

 La charité donne la juste estime a Dieu, et l'humilité a nous mesme: et comme ceux qui ont esté longuement parmi la splendeur ne voyent [86] goutte en l'ombre ou en quelque lumiere un peu obscure, ainsy ceux qui se sont addonnés grandement a l'estime de Dieu ne s'estiment rien eux mesme; comm'au contraire, ceux qui ont demeuré longuement, en tenebres, venans a la clarté du soleil n'en peuvent presque soustenir la grandeur, laquelle leur est dautant plus esclattante, ainsy ceux qui ont demeuré en la connoissance de leur neant admirent bien davantage la majesté de Dieu.

  A026000566 

 En somme, a mesure que nous descendons par l'abjection et mespris de nous mesme et vraye estime de nostre neant, nous remontons par l'estime de Dieu et de ses dons; et c'est cette sainte vertu qui supprime la fause estime de nous mesme produite par l'amour propre, affin que nous [87] estimions plus les graces de Dieu, tant en luy, qu'au prochain, qu'en nous mesme..

  A026000566 

 La vileté de cœur non seulement nous ravale jusques a nostre neant, mais nous y laisse, sans nous vouloir permettre [de voir] ce qui est de Dieu en nous; l'humilité nous ravale en ce qui est de nous, mais c'est pour nous faire plus estimer ce qui est de Dieu en nous.

  A026000566 

 La vileté nous demet et nous laisse sans cœur, sans mouvement, et, pour nous faire fuir l'estime de nostre propre excellence, ne veut pas que nous considerons (sic) l'excellence de Dieu en nous.

  A026000567 

 Car en fin, le mespris que nous faysons de nous mesme en l'humilité tend a nous faire plus hautement estimer Dieu et le prochain en Dieu, et nous aussi en Dieu, mais pour la mesme rayson pour laquelle la charité nous commande d'aymer Dieu et le prochain.

  A026000567 

 Et quant a nous, il ny a pas besoin de commandement, pour la mesme [raison qu'] il n'y a pas besoin de commander nostre estime, ni d'y appliquer la vertu..

  A026000567 

 Mais par ce que la sainte humilité est une vertu qui nous regarde principalement, nous pratiquons l'humilité seulement en nous mesme et sur nous mesme; car, quant aux autres, nous la prattiquons envers eux et non en eux ni sur eux: c'est pourquoy nous ne regardons pas en eux ce quilz sont d'eux mesme, mais ce quilz sont en Dieu, et partant nous les estimons grandement, et non pas nous.

  A026000568 

 Il y a encor une vertu qui range nostre esprit en l'estude et appetit de connoistre les choses, affin que nous ne desirions sçavoir que ce qui est convenable, comm'il est convenable et autant quil est convenable, et pour la fin convenable, en sorte que nous evitions d'un costé, la curiosité qui nous porte au desir [de] sçavoir ce qui ne nous appartient pas, ou d'autre façon quil n'appartient, ou plus qui' n'appartient, ou pour autre intention quil n'appartient, et d'autre part, la negligence qui, par une contraire extremité, nous destourne d'apprendre ce qui nous est necesre et convenable.

  A026000569 

 (De ceci il y a un chapitre en l' Introduction: De la conversation.) Et par ce que cette bienseance a une beauté particuliere, qui de soymesme est aymable, la vertu qui nous affectionne a procurer cette beauté est aussi particuliere; bien qu'outre cela plusieurs dignes respectz nous obligent a cette modestie, et sur tout l'amitié, affabilité et edification du prochain.

  A026000576 

 Par Marie le Verbe s'est fait chair, et nous pouvons dire: O Jesus, soyes moy Jesus, c'est a dire soyes moy Sauveur; et nous pouvons aussi dire: O Marie, soyes moy Marie, c'est a dire: Soyes nous Mere et nous unisses a Jesus vostre Filz, affin qu'il soit nostre Espoux et que nous soyons ses espouses..

  A026000580 

 Si la femme de l'Evangile crioit dans les places publiques ou Jesus passoit: Beni soit le ventre qui vous a porté et les mammelles qui vous ont allaité, devons nous pas donner des benedictions perpetuelles au sacré cœur de Marie qui a tant aymé Jesus? O Vierge glorieuse, vous aves receu le Verbe en vostre cœur avant que de le recevoir [90] en vostre sein, et vous estes plus heureuse de l'avoir aymé souverainement et sans intermission que de l'avoir porté corporellement en vostre sein et entre vos bras; et c'est ce que Nostre Seigneur nous vouloit signifier quand il a dit: Mays plustost bienheureux sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est aux Cieux, c'est a dire qui n'ont qu'un mesme esprit et qu'un mesme cœur avec Dieu.

  A026000586 

 Le Pere eternel a tant aymé le monde qu'il luy a donné son propre Filz, ce Filz s'est livré luy mesme a la mort; et nous pouvons dire que Marie, Mere de ce Dieu mourant, a tellement aymé le salut du monde qu'elle a volontairement offert, son Filz a la mort et elle mesme en son Filz.

  A026000591 

 Qu'apres son Filz nous luy disions: O Sainte Vierge, les yeux de tous les croyans sont fixés sur vostre majesté; nous attendons le secours de vos graces, et si vous ouvres vos mains liberales, nous serons tous remplis de benedictions.

  A026000615 

 Considerons-nous, et nous ne serons point tentés, dit le saint Apostre.

  A026000615 

 Judas eut des commencemens de sainteté plus accomplis que ceux qu'on se pourroit figurer en la personne qu'aujourd'huy nous estimons la plus parfaitte; saint Paul en eut de pires et fut plus cruel persecuteur de l'Eglise de Jesus Christ que le plus eschauffé tyran de ce siede ne l'est a nos pauvres freres qui sont parmy les infideles: celuy qui estoit Apostre et l'un des plus cheris de Dieu, se rendit le plus malheureux du monde; et celuy qui ne valoit rien devint le meilleur et le plus ardent defenseur de l'Evangile..

  A026000615 

 S'il nous semble que nous sommes meilleurs que ceux desquelz nous parlons, il y a asses de tems pour leur ceder la place, ilz rempliront peut estre nostre siege dans les Cieux; ilz se releveront de nostre cheute, et nous enseveliront sous leurs vielles ruines, car Dieu est puissant pour leur donner la main quand ilz sont tombés.

  A026000623 

 On ne se doit point tant embrouiller la teste d'advis ni en multiplicité de conseilz; les livres sont plus croyables et moins interessés que ceux en qui nous avons confiance, et il faut prendre garde que les autres se trompans ne nous abusent aussi, et ne sortent d'avec nous comme la guespe, apres avoir laissé son aiguillon.

  A026000844 

 Le serpent se despouille premierement la teste, puis le reste, et non en un'heure mais en 24: ainsy nous devons scindere primo corda, et non vestimenta.

  A026000981 

 Nous, Jean d'Aranthon D'Alex, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut..

  A026000982 

 Sçavoir faisons et attestons, que les seize feulliets escripts et conteneus dans le present cayer a Nous exhibé par R d Seigneur M re Joseph de Sales, seigneur de Richemont, Docteur en saincte Theologie, chanoine de Nostre Esglise cattedrale de Sainct Pierre de Geneve, et ont esté escripts de la main propre et caracthere de nostre incomparable predecesseur Sainct François de Sales, comme ayant esté par Nous dheuement recogneus et parangonné (sic) sur des autres escripts dudit Sainct, treuvés et delaissés dans les Registres du Greffe de Nostre evesché.

  A026001084 

 L'amour de complaysance provoque a la louange et honneur, par maniere d'admiration et de declaration du sentiment que nous avons: c'est pourquoy, au traitté de l'Orayson, il en faudra faire mention es chapitres de la louange, etc..

  A026001149 

 Apres tout cela il faut faire la demande, suppliant Dieu quil luy playse nous donner la grace de bien le servir et executer fidellement nos bonnes resolutions, l'adjurant par le merite de son Filz, et particulierement par celuy qui reluira au mistere que nous aurons medité, par l'intercession de la Vierge et des benitz Saintz.

  A026001149 

 Il faut demander le mesme pour toute l'Eglise, specialement pour le Pape, les Evesques et nommement pour le nostre, pour le Prince sous lequel nous sommes, pour les pere, mere, parens, amis, bienfacteurs, ennemis..

  A026001153 

 Et en fin, s'offrir entierement a Dieu, protestant de vouloir que nous et nos actions soyent a luy et pour luy en pureté d'intention, et luy offrir tous les susnommés, le priant [173] les avoir aggreables pour l'amour de nostre Sauveur, au nom duquel nous luy demanderons la benediction pour nous et pour tous ceux pour lesquelz nous avons prié, dirons le Pater et Ave, puis nous.

  A026001157 

 Et comme ceux qui sortent d'un jardin cueillent quattr'ou cinq fleurs pour les porter en leur main, les sentir et regarder le long de la journee, ainsy nous faut il choisir deux ou trois point (sic), ou au moins un de ceux que nous aurons le plus gousté, pour, le long de la journee, le sentir et ressentir coup sur coup selon la diversité des occasions, et s'en aller en paix et tranquillement vacquer aux affaires ausquelles Dieu nous appelle, quelles qu'elles soyent..

  A026001214 

 De la commiseration ou compassion naist ordinairement le desir de secourir celuy auquel nous compatissons; partant, a la precedente affection j'adjouste celle-cy:.

  A026001230 

 Mais doresnavant, o mon ame, je veux que nous soyons patiens, doux et gracieux, et que jamais l'eau de contradiction ne puisse esteindre le feu sacré de la charité que nous devons au prochain..

  A026001244 

 Chacun est obligé d'aspirer a la perfection de la vie chrestienne, car Nostre Seigneur commande que nous soyons parfaitz, et saint Paul le repete aussi..

  A026001245 

 Pour donques acquerir la perfection, nous devons tous-jours considerer et reconnoistre quell'est la volonté de Dieu en tout ce qui nous regarde, affin que nous fuyons ce quil veut que nous evitions, et que nous observions ce quil veut que nous facions..

  A026001246 

 C'est pourquoy nous devons tous-jours regarder a bien observer ce que Dieu commande a tous les chrestiens, et aussi ce que nostre vocation requiert de nous particulierement; et qui ne fait soigneusement ceci ne peut jamais avoir qu'une devotion trompeuse..

  A026001247 

 Ainsy, les mortz des parens, pertes, maladies, secheresses, distractions, nous donnent sujet de nous perfectionner..

  A026001248 

 Mais il faut passer plus avant et bien considerer ceste volonté non seulement es grandes afflictions, mais jusques aux petites traverses et moindres incommodités que nous sceussions recevoir en cette miserable vie.

  A026001259 

 Nostre Dieu nous commande d'estre parfaitz; mais en quoy consiste la perfection? C'est chose asseuree qu'elle n'est autre chose que la charité, qui comprend l'amour de Dieu et du prochain.

  A026001260 

 Puis donq que nous sommes obligés d'aspirer a la perfection, il est requis de connoistre les moyens propres pour l'acquerir, et tout ensemble les actions qu'elle produit en nous, qui n'est qu'une mesme chose; car tout ainsy que le grain du froment produit la plante et la plante produit le grain, ainsy les saintz exercices produisent la perfection et la perfection fait naistre les saintz exercices.

  A026001260 

 Puisque la perfection de l'ame consiste en la charité, et la charité est [188] le don principal du Saint Esprit, le premier moyen pour obtenir la perfection, c'est de la demander humblement, instamment et continuellement a Dieu par prieres et meditations; le deuxiesme, c'est l'usage des Sacremens, car ilz sont les canaux par lesquelz Dieu distille en nous la grace, charité et perfection; le troisiesme, c'est l'exercice des vertus en general..

  A026001265 

 L'obeyssance a trois degrés en ce qui concerne les personnes a qui nous rendons obeissance.

  A026001265 

 Le premier degré, c'est d'obeyr aux Superieurs et [à ceux] qui ont du pouvoir sur nous, comme peres, meres, maris, Prelatz: donq le filz doit obeyr a son pere avec la mesme souplesse qu'un Novice d'une Religion fort reglee feroit a son Superieur; et est une niayserie de s'imaginer qu'on obeyroit bien a un Superieur de la Religion qu'on aurait choisie, si on ne peut obeyr aux Superieurs que Dieu mesme et la nature nous a donnés..

  A026001266 

 degré, c'est d'obeyr a nos compaignons et a ceux qui nous sont esgaux; et ce degré se prattique en se rendant doux et facile a la volonté de nos compaignons.

  A026001267 

 Et cela est ordonné par l'Apostre, qui veut que nous soyons sujetz a un chacun pour l'amour de Dieu..

  A026001270 

 degré, c'est d'obeyr aux conseilz, chacun selon sa vocation: comme de demeurer vefve quand on l'est; de rechercher celuy qui nous a offencés, par caresses et courtoysies; d'ayder ceux qui en ont quelque besoin, encores qu'ilz ne soyent pas en grande necessité.

  A026001271 

 La prattique de ce troisiesme degré fait qu'en tout et par tout nous nous conformons a Dieu et a sa sainte volonté.

  A026001273 

 L'obedience a encores troys autres degrés, prins de la facilité ou difficulté que nous avons en l'obeyssance.

  A026001273 

 est lhors qu'on nous commande quelque chose aggreable, comme seroit de ne point travailler les festes, de chanter en musique, ou quelque autre chose semblable, laquelle de soy mesme nous est aggreable; et en cela il n'y a pas grande vertu en obeyssant, mais il y a bien du grand vice en des-obeyssant.

  A026001274 

 c'est quand on nous commande des choses indifferentes, c'est a dire choses qui de soy mesme ne sont ni aggreables ni desaggreables, comme seroit de se promener, de porter tel ou tel habit; et lhors la vertu de l'obeyssance est grande, et le vice aussi de la des-obeyssance bien grand..

  A026001275 

 est quand on nous ordonne de faire des choses aspres et difficiles, comme de pardonner aux ennemis, souffrir patiemment les afflictions, ou faire quelque autre chose qui soit fort contraire a nostre inclination; et lhors le merite est extremement grand en obeyssant, et le peché moins grand en des-obeyssant..

  A026001276 

 La prattique de ces trois degrés fait que nous obeyssons entierement, soit en choses grandes, soit en choses petites.

  A026001281 

 Voyant le jour, passés de la consideration de la lumiere corporelle a la spirituelle, ou bien de la temporelle a l'eternelle, et dites avec David: O Seigneur, en vostre clarté nous verrons la lumiere..

  A026001319 

 Je me diray a moy mesme, et puis aux autres: Serons-nous plus cruelz au Sauveur que les vautours ne le sont aux colombes? ilz n'en deschirent jamais le cœur.

  A026001319 

 Serons-nous si acharnés contre le saint Colombeau qui niche sur [197] l'arbre de la croix, que de massacrer et deschirer son cœur avec les malheureuses dens de nos impietés? Ah, Seigneur, ah! je seray doresnavant impitoyable en la resolution que je fay d'aymer et de secourir les pauvres, qui sont vos membres, et de procurer mon amendement et celuy des autres..

  A026001337 

 Il souffre pour nous tesmoigner son amour envers nous.

  A026001348 

 Je vous advertis premierement, qu'encor qu'il soit [200] bon pour l'ordinaire de tenir cette methode, c'est a dire, d'adjouster les affections aux considerations et les resolutions aux affections, en sorte que la consideration marche la premiere, toutesfois, si apres la proposition du mistere l'affection se treuve asses esmeue, comme il arrive quelquefois, alhors il luy faut lascher la bride et la laisser courir, car c'est signe que le Saint Esprit nous tire de ce coste la; et puis, la consideration ne se fait que pour esmouvoir l'affection..

  A026001351 

 Mais il faut que le tout se face tous-jours en la presence de Dieu, c'est a dire, en vertu de l'attention que nous nous sommes procuree au fin commencement de la meditation.

  A026001355 

 Ainsy devons-nous venir a l'orayson comme a la chambre de nostre Roy, pour luy parler et l'ouyr en ses inspirations et mouvemens interieurs; ce qui arrivant, ce nous est un playsir tres delicieux.

  A026001355 

 Mais quand il ne le feroit jamais, contentons-nous que ce nous est un honneur trop plus grand d'estre aupres de luy et a sa veue..

  A026001355 

 Mais si, ne pouvant luy parler ni l'ouyr, nous demeurons la en devotieuse contenance, il aggreera nostre patience et favorisera nostre assiduité, et sans doute qu'une autre fois il nous prendra par la main, s'entretiendra avec nous et nous fera voir toutes les allees du saint jardin de l'orayson.

  A026001355 

 Que si apres tout cela vous demeures encor en secheresse et sans consolation, mesme en telle sorte que vous ne puissies proferer aucune parole ni interieurement ni exterieurement, ne laisses pas pour cela de [202] vous tenir en une contenance devote, sans vous inquieter ni troubler, vous resouvenant qu'il y a deux fins principales pour lesquelles on se met en la presence de Dieu et en orayson: l'une est pour exciter son affection en l'amour de Dieu, et lhors que nostre affection n'y est point vivement excitee nous disons que nostre ame est en secheresse; l'autre est de rendre hommage a Dieu, protestant qu'il est nostre souverain Createur et Seigneur: et cette fin est extremement noble, parce qu'il y a moins de nostre interest.

  A026001355 

 Que si, venant a l'orayson, nous ne pouvons pas faire le premier, il se faut contenter du second, qui est tous-jours beaucoup, encor que nous ne puissions parler a Dieu et qu'il semble qu'il ne nous parle point. Combien y a-il de courtisans qui vont cent fois l'annee en la chambre du Roy et en sa presence, non pour luy parler ni pour l'ouyr, mais simplement pour estre veus de luy et tesmoigner par cette assiduité qu'ilz sont ses serviteurs.

  A026001370 

 On remercie Dieu de ce qu'il nous a conservé cette nuit la, et on considere que si Dieu nous donne le jour present, c'est pour l'employer a sa gloire et a nostre salut, et que sa Majesté hait et deteste souverainement le peché, suyvant le dire de David: Au grand matin je m'approcheray de vous, o mon Dieu, et reconnoistray que vous estes un Dieu qui n'ayme point l'iniquité..

  A026001373 

 En fin on prie Dieu de nous estre propice et de nous fortifier en nos bons desseins; et a mesme intention on invoque la Vierge et les Saintz pour qui nous avons le plus de devotion, avec tous les autres, et particulierement nostre bon Ange.

  A026001378 

 Il ne reste que la consideration des dispositions et affaires de la journee, qui ne se doit pas faire parmi la meditation, parce qu'elle regarde trop par le menu nos occupations, nostre mesnage, nos rencontres des personnes avec qui nous avons a traitter, avec leurs conditions: comme si elles sont choleres, despiteuses et semblables, et tout cela nous distrairoit trop.

  A026001384 

 A l'eslevation du tres saint Sacrement, il faut avec une grande contention de cœur l'adorer, puis, avec le prestre, l'offrir a Dieu le Pere pour la remission de nos pechés et de ceux de tout le monde, et nous offrir nous mesmes avec toute l'Eglise, et nos parens et nos amis..

  A026001388 

 A la benediction, il faut se representer que Jesus Christ en mesme tems nous donne la sienne..

  A026001391 

 Pendant les affaires de la journee, il faut le plus que l'on peut regarder souvent a Nostre Seigneur Jesus Christ, [207] et se resouvenir du poinct de la meditation que l'on a le plus gousté et ressenti; comme si la douceur de ses yeux nous a esté aggreable, nous nous les representerons en disant: Ja ne vous playse, mon Sauveur, que je fasse chose qui puisse offencer vos yeux; et ainsy des autres. Il est bon aussi d'avoir certaines parolles enflammees qui servent de refrain a nostre ame, comme: Vive mon Dieu! VIVE JESUS! Dieu de mon cœur!.

  A026001392 

 D'autres fois, nous souvenans que nous nous acheminons a l'eternité, dire: Beni soit Dieu! Dieu soit loué.

  A026001392 

 Quand l'horloge sonne, il est bon de se resouvenir qu'il est autant passé de cette vie mortelle, et se resouvenir de la derniere heure qui sonnera pour nous.

  A026001392 

 Quelquefois, nous repentant des heures inutilement passees: Dieu me donne la grace de mieux faire; d'autres fois simplement: JESUS, MARIA; Dieu me soit en ayde; Dieu soit avec nous..

  A026001395 

 Il ne faut jamais oublier l'examen de conscience tel que tous ces petitz livres nous l'enseignent..

  A026001397 

 Se couchant, il faut se resouvenir du tombeau; et comme on se couche pour le repos temporel, il faut avoir memoyre du repos eternel, et dire ce que l'on dira pour nous quand nous serons mortz: Requiem æternam; et: Sancta Maria, Mater Dei..

  A026001409 

 Et pour le sujet duquel nous parlons, considerons les facultés principales de l'ame.

  A026001409 

 Voyons donques en quelle disposition nous devons mettre nostre ame, pour, autant qu'il nous sera possible, dignement communier.

  A026001410 

 C'est a Dieu d'avoir le soin de le faire, nous n'avons pas besoin de nous en empescher; c'est a nous seulement d'avoir le soin de le bien croire et de nous en prevaloir..

  A026001410 

 Non, il faut tenir nostre entendement clos et couvert a telles vaynes et sottes questions et curiosités, car nous n'avons que faire de sçavoir comme ce divin Sacrement se fait: il suffit que nous sçachions qu'il se fait.

  A026001411 

 Ce poinct est commun a tous les misteres de la sainte foy et a plusieurs autres choses, comme a la creation du monde, duquel nous ne sçaurions dire comme Dieu fit quand il le crea, ni comme il fit quand il crea nostre ame et la mit dans nostre cors.

  A026001411 

 En figure dequoy la celeste manne tomboit jadis au desert, non de jour, mays de nuit, si que nul ne sçavoit comme elle se faisoit, ni comme elle descendoit; mais le matin estant venu, on la voyoit toute faite et descendue: ainsy cette surceleste et divine manne de l'Eucharistie se fait en une façon et maniere qui nous est secrette et cachee; nul ne peut dire comme elle se fait et vient a nous, mais par la lumiere de la foy nous la voyons toute faitte.

  A026001411 

 Qu'est-il donques besoin de sçavoir comme il met son tressaint cors, son sang et son ame en ce Sacrement? C'est a luy de le faire, c'est a nous de le croire.

  A026001412 

 Que si contre cette pureté d'entendement le malin esprit nous donne des tentations, il s'y faut opposer, s'humiliant devant la toute puissance de Dieu, disant, ou de cœur, ou de bouche: O sainte et immense toute puissance de mon Dieu, mon entendement vous adore, trop honnoré de vous reconnoistre et de vous faire l'hommage de son obeissance et sousmission.

  A026001413 

 Il est aussi bon quelquefois de mespriser ces pointilles et tentations, et n'en tenir conte quelcomque, laisser japper et clabauder ce matin et passer outre en son chemin; car encor qu'il est enragé, si est ce qu'il ne mord que ceux qui le veulent; et partant, tenant la volonté constante en la foy, qu'il aboye tant qu'il voudra, nous ne craignons rien..

  A026001416 

 C'est la plus entiere communication qu'il pouvoit faire de luy mesme, par laquelle il se joint a nous d'une façon merveilleuse et toute pleine d'amour.

  A026001416 

 C'est le mistere de la plus intime union que nostre Redempteur pouvoit faire avec nous.

  A026001416 

 En fin ce Sacrement, c'est Jesus Christ luy mesme qui, d'une façon nompareille, vient a nous et nous tire a soy..

  A026001416 

 Et qu'est ce qu'il faut considerer? Il ne faut pas considerer comme ce Sacrement se peut faire, car ce seroit nous perdre; mais il faut bien considerer ce que c'est que ce Sacrement.

  A026001416 

 Qu'est cecy, disoyent-ilz, qu'est cecy? Considerons donq ce que c'est que ce divin Sacrement, et nous treuverons que c'est le vray cors de Nostre Seigneur, son sang, son ame, sa Divinité.

  A026001420 

 Ainsy, en ce divin Sacrement, nous devons [214] nous reduire en memoire la journee en laquelle Dieu, par son amere Passion, nous delivra de la damnation..

  A026001420 

 Il faut, apres cest oubli volontaire, parer la memoire d'une sainte souvenance de tous les bienfaitz dont Dieu nous a gratifiés: la creation, conservation, redemption et plusieurs autres, mais sur tout de sa sainte Passion, en memoyre de laquelle il a voulu nous laisser le propre cors qui souffrit pour nous, en ce divin Sacrement, n'ayant peu nous en laisser une plus vive et expresse representation.

  A026001436 

 Car a cette intention Nostre Seigneur vient a nous, affin que nous soyons tous en luy et a luy; ce que nous ne sommes pas si nous nourrissons des affections desordonnees, voire es choses de soy bonnes et legitimes..

  A026001436 

 Quant a la purgation de la volonté, il la faut tenir nette en tout tems de toutes affections desreglees, mais sur tout allant a la Communion, et regarder a quoy et a qui nos affections tiennent en ce monde, et si c'est point trop tendrement, trop ardemment; et si nous y voyons du trop, il faut peu a peu le retrancher pour pouvoir dire a Nostre Seigneur avec David: Qu'est ce qu'il y a au Ciel pour moy, ou que veux je en la terre sinon vous? Vous estes le Dieu de mon cœur et mon partage eternel.

  A026001437 

 Et quant au desir du saint Sacrement, il le faut exciter par l'amour de l'Espoux et par la consideration de l'honneur et du bien que nous recevons de sa venue: a quoy serviront les eslancemens spirituelz desquelz j'ay parlé ci dessus, et les considerations que je mettray ci dessous, avec les imaginations que j'y depeindray..

  A026001441 

 C'est pourquoy il faut l'entretenir de nos necessités, impuissances et imperfections; il faut en ce tems-la traitter avec luy de nos desseins, intentions et prætentions que nous avons a son amour, de l'esperance que nous avons en luy, et bref, nous donner a luy comm'il s'est donné a nous.

  A026001441 

 Or, tout cela se doit faire par eslancemens de cœur et de voix, par regars interieurs de Celuy que nous possedons et par l'orayson mentale, selon que nous aurons commodité d'en faire un peu apres la Communion..

  A026001443 

 Et ainsy nous exciterons en nous le desir, l'amour et la confiance, avec une grande [reverence],.

  A026001443 

 Nous aussi devons considarer qu'en ce cæleste banquet nous unissons nostr'ame par une liayson indissoluble avec Nostre Seigneur; c'est pourquoy nous avons rayson de dire: Vadam, J'y iray.

  A026001443 

 Tantost comme l'enfant prodigue, nous excitans a nous aller jetter entre les bras de nostre Pere et luy demander de rentrer en son service.

  A026001443 

 Tantost comme la Cananee, nous excitans a courir apres luy et demander la guerison de nostr'ame.

  A026001444 

 A la joye d'esprit, a l'exemple de la bonne Lia, laquelle voyant qu'ell'avoit conceu un enfant en son ventre, s'escrioit tout par tout de joye: Ce sera maintenant que mon mari m'aymera; car ainsy, ayans en nous-mesme le Filz de Dieu, nous pouvons bien dire: C'est maintenant que Dieu le Pere m'ayme.

  A026001444 

 [Apres la Communion, nous devons semondre nostre ame a plusieurs affections,] comme par exemple: a la crainte de contrister et perdre ce saint Hoste, comme faysoit David, disant: Seigneur, ne vous departes point de moy; ou comme les deux pelerins d'Emaüs qui luy disoyent: Demeures avec nous, car il se fait tard.

  A026001445 

 A l'action de graces, par les paroles que Dieu mesme dit a Abraham quand il luy eut voüé le sacrifice de son filz; car nous pouvons les addresser a Dieu le Pere qui nous donne son propre Filz en viande: O Seigneur, par ce que vous m' aves faitte cette grande grace, je vous beniray de benedictions immortelles et multiplieray vos louanges comme les estoiles du ciel..

  A026001447 

 Combien de goustz et consolations pendant l'enfance de Nostre Seigneur, quand ilz le portoyent en leurs bras et sur leur poitrine, quand ilz le baysoyent et que de ses divins bras il les accoloit souaifvement! et puis, considerer que nous sommes faitz semblables a eux par la Communion, en laquelle Nostre Seigneur s'unit bien plus a nous que sil nous baysoit et accoloit.

  A026001447 

 Encor se faut il servir de l'imagination pour nous ayder a bien festoyer nostre Hoste.

  A026001447 

 Or, nous les pouvons faire diverses; les plus [utiles] sont de Nostre Dame et de saint Joseph.

  A026001448 

 Or, quant a nous, nous recevons une pareille grace en la Communion, [car] non un Ange, mais bien Jesus Christ mesme nous asseure qu'en icelle le Saint Esprit vient en nous et la vertu celeste nous enombre, et le Filz de Dieu vient reellement en nous, et, par maniere de dire, il naist en nous et y est conceu.

  A026001454 

 Et l'un de ses principaux fruitz c'est la charité mutuelle et la douceur de cœur les uns envers les autres; car nous nous tenons tous a un mesme Seigneur, et en luy nous nous devons entretenir cœur a cœur les uns avec les autres.

  A026001454 

 J'avois oublié de vous resouvenir que ce Sacrement ne nous unit pas seulement avec Nostre Seigneur, mais avec nos prochains, avec lesquelz, participant a mesme viande, nous sommes rendus une mesme chose.

  A026001459 

 Et affin que vous entendies comme la tristesse et l'inquietude s'engendrent l'une l'autre, sçaches que la tristesse [224] n'est autre chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre nostre gré, soit que le mal soit interieur ou qu'il soit exterieur, comme pauvreté, maladie, infamie, mespris; interieur, comme ignorance, secheresse, mauvaise inclination, peché, imperfection, repugnance au bien..

  A026001467 

 C'est pourquoy, estans tumbés clans les filetz de quelques imperfections, nous n'en sortirons pas par l'inquietude, au contraire nous nous embarrasserons tous-jours davantage.

  A026001467 

 Il faut sur tout tenir la sentinelle de laquelle parle le Combat spirituel, laquelle nous advertira de tout ce qui voudra esmouvoir aucun trouble ou empressement en nostre cœur, sous quelque pretexte que ce soit.

  A026001467 

 Or, cette sentinelle ne doit estre autre chose qu'un soin tres particulier de la conservation du repos interieur, lequel nous devons specialement renouveller au commencement de tous nos exercices, au soir, au matin, au midi..

  A026001467 

 Quand nous cherchons trop ardemment une chose, nous la passons souvent sans la voir, et jamais besoigne [226] que l'on fait a la haste ne fut bien faite.

  A026001486 

 Il la faut recevoir avec patience, comme une juste punition de nos vaynes joyes et allegresses; car le malin, voyant que nous en ferons nostre prouffit, ne nous en pressera pas tant; bien qu'il ne faille pas avoir cette patience pour en estre delivré, mais pour le bon playsir de Dieu, et la prenant pour le bon playsir de Dieu, elle ne layssera pas de servir de remede..

  A026001487 

 Il faut contrevenir vivement aux inclinations de la tristesse et forcer ses suggestions; et bien qu'il semble que tout ce qui se fait en ce tems-la se face tristement, il ne faut pas laisser de le faire, car l'ennemy, qui pretend de nous allentir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant [230] qu'il ne gaigne rien et qu'au contraire nos œuvres sont meilleures estans faites avec resistance, il cesse de nous plus affliger..

  A026001493 

 La frequentation de la Communion a cette intention est excellente, car elle nous donne le Maistre des consolations..

  A026001494 

 L'un des plus asseurés remedes est de desployer et ouvrir son cœur, sans y rien cacher, a quelque personne spirituelle et prudente, et luy declairer tous les ressentimens, affections et suggestions qui arrivent de nostre tristesse, et les raysons avec lesquelles nous les nourrissons; et cela il le faut faire humblement et fidellement.

  A026001579 

 Mais cela s'entend des desirs qui sont formés, et non pas de certaine sorte de mouvemens interieurs qui, de sursaut, a l'improuveüe et sans nostre consentement, [247] passent par nostre cœur, pendant lesquelz mesmement, qui nous interrogeroit sy nous voudrions les choses ausquelles ces mouvemens semblent nous porter, nous dirions indubitablement que non; car par la on void bien que ces desirs sont des actions de nostre nature et non pas de nostre franc arbitre..

  A026001582 

 Il se faut encor accuser des mauvaises pensées quand, avec une volontaire complaisance au peché, nous nous y arrestons, car elles sont un degré du peché, encor bien qu'elles n'ayent esté suyvies ny du desir, ny de la resolution.

  A026001589 

 En ce premier commandement il nous est ordonné de servir, honnorer et aymer Dieu selon les reigles de la vraye relligion; les especes de peché qui se commettent contre ce commandement sont:.

  A026001590 

 Premierement: le blaspheme, qui n'est autre chose qu'une mesdisance de la divine Majesté faite par mauvaise affection; comme quand on dit que Dieu n'est pas bon, qu'il n'est pas juste, qu'on le renie, qu'on le maugrée, qu'on le despite et, enfin finale, toutes fois et quantes que volontairement et a nostre escient nous parlons de Dieu [249] incivilement, ainsy que l'on fait quand on dit: Aussy vray comme Dieu est; un tel est vilain comme Dieu est noble; Dieu ne se soucie pas de ce que nous faisons; laissons Dieu en Paradis et demeurons icy; et semblables impertinences..

  A026001592 

 La seconde espece des pechés contre ce commandement, c'est l'impieté, qui consiste és actions par lesquelles nous voulons deshonnorer Dieu ou les choses sacrées: comme font ceux qui employent les Sacremens, le saint Cresme, les paroles sacrées pour des charmes, ou qui les foulent par desdain, rompent les images, ruinent les autelz, les reliques et semblables choses..

  A026001595 

 Tenter Dieu, c'est a dire vouloir espreuver et essaier si Dieu est bon, juste ou puissant, soit expressément, comme faisoient les Juifz demandant des miracles a Nostre Seigneur sans necessité ny raison quelconque, soit tacitement, [250] comme font ceux qui, sans necessité ny occasion, mesprisent les moyens ordinaires que Dieu nous a donné pour faire les choses, pretendantz que Dieu en fournira d'extraordinaires, et ceux qui, sans necessité, se mettent en des dangers eminentz, presumans que Dieu les en doive delivrer..

  A026001646 

 A l'orgueil est attachée la vaine gloire, qui est se glorifier de ce que l'on n'a pas, ou de choses qui ne le meritent pas, ou de choses qui ne nous appertient (sic) pas, ou de choses mauvaises; ou vouloir avoir la gloire du bien que l'on a, sans reconnoissance de Dieu duquel il vient..

  A026001651 

 De tout cela naist la presomption, par laquelle on entreprend de faire, dire, paroistre et estre plus qu'il ne nous appartient: comme quand on veut parler de choses qu'on n'entend pas, ou faire un art que l'on ne sçait pas, ou paroistre plus que l'on n'est pas, ou qu'on veut estre plus que l'on ne peut pas.

  A026001659 

 Or, l'appetit est desordonné, ou parce qu'il veut prendre le plaisir sur un sujet qui n'est pas a [259] nous, comm'il advient en la fornication et en l'adultaire; ou parce qu'il le veut prendre contre l'ordre estably par la nature; ou parce quil le veut prendre contre la fin et l'intention pour laquelle ce plaisir est destiné.

  A026001663 

 L'ire n'est autre chose qu'un appetit de vengeance, et produit tous les pechés que nous avons marqué au cinquiesme commandement, qui engendrent les pechés suivans:.

  A026001675 

 L'envie n'est autre chose que la tristesse que nous avons du bien d'autruy en tant qu'il semble diminuer le nostre.

  A026001680 

 Elle procede d'une trop grande affection aux choses temporelles et des trop grandes delectations es choses sensuelles, qu'il nous fascile de laisser pour suivre la vertu; comm' aussi elle procede encor de l'apprehension du travail et de ia peine qu'il y a a pratiquer les bonnes œuvres..

  A026001681 

 Elle produit le decouragement, par lequel on n'ose pas entreprendre le bien qui nous est conseillé; l'engourdissement d'esprit, par lequel on est empesché de se mouvoir a bien faire; l' aigreur malicieuse, par laquelle on hait la perfection chrestienne; la rancune et desgoust contre les personnes spirituelles, parce qu'ilz nous provoquent au bien; l' inadvertance aux choses bonnes; le desespoir, comme sy c'estoit chose impossible de garder les commandemens de Dieu et de se sauver..

  A026001684 

 On peche contre le premier commandement de l'Esglise, [261] violant le Caresme, les vendredis, samedis, vigiles et Quattre Tems quant a l'usage des viandes prohibées, ou bien ne jeusnant pas; ce qui s'entend, sinon que quelque legitime occasion nous empesche..

  A026001693 

 Premierement: de la part de nostre volonté, lorsque nostre liberté n'est pas parfaite et que, par consequent, [262] nostre volonté n'agist pas avec pleine deliberation ny avec un total usage de son franc-arbitre: comm'il arrive quelque fois que nous dirons un'injure a quelqu'un par une si soudaine surprise de colere, que nous l'avons plus tost dite que pensée; car alors, bien que d'injurier le prochain soit ordinairement un peché mortel, toutesfois, a raison de ce que l'acte de la volonté a esté fort imparfait et indeliberé, ce n'est qu'un peché veniel, parce que la contrarieté a l'amour de Dieu en cet acte de la volonté n'a pas esté une pleine et accomplie contrarieté, ains une contrarieté sortie par surprise et inadvertence et la volonté n'estant pas pleynement a soy mesme..

  A026001695 

 Or je dis neammoins que la perfection de la charité est violée, parce que la perfection de la charité ne requiert pas seulement que nous ne nuysions pas au prochain, mais aussy que nous ne le frustrions pas de ses justes desirs et que nous ne nous contrarions pas nous mesmes: or, chacun desire naturellement de sçavoir la verité des choses qui luy sont representées, et nous nous contrarions nous mesmes quand nous parlons contre nostre pensée.

  A026001695 

 Tiercement: la contrarieté a l'amour de Dieu et du prochain est imparfaite a raison de la nature mesme de l'action que nous prattiquons, laquelle de soy n'est pas parfaitement mauvaise, mais seulement a quelque sorte de defaut en soy, lequel defaut ne la rend pas contraire a l'amour de Dieu et du prochain, ains seulement a la perfection de l'amour.

  A026001701 

 Quand on s'est resoulu a bon escient de se retirer de ce vice, il est bon de s'en declairer parmy ceux qui sont le plus pres autour de nous, affin de nous brider par nostre propre parolle et declaration..

  A026001702 

 Bon encores en la priere du mattin et du soir de faire une resolution particuliere contre ce peché et offrir cette resolution a Dieu, tantost a l'honneur de sa Passion, tantost a l'honneur de sa Nativité, tantost a l'honneur de sa sepulture; quelquefois a l'honneur de la glorieuse Vierge Marie, sa Mere; d'autrefois a l'honneur de nostre Ange gardien; et ainsy diversement a l'honneur des Saintz que nous honnorons le plus, protestant que pour l'amour d'eux nous observerons nostre resolution.

  A026001723 

 O Dieu eternel, Pere d'infinie bonté, qui aves ordonné le mariage pour en multiplier les hommes ici bas, repeupler la celeste cité la haut, et aves principalement destiné nostre sexe a cet office, voulant mesme que nostre fecondité fust une des marques de vostre benediction sur nous: hé, me voyci prosternee devant la face de vostre Majesté que j'adore, vous rendant graces de la conception de l'enfant auquel il vous a pleu donner estre dedans mon cors.

  A026001727 

 O saintz Anges de Dieu, deputés a ma garde et a celle de l'enfant que je porte, defendes nous, gouvernes nous, affin que par vostre assistence nous puissions en fin parvenir a la gloire delaquelle vous jouisses, pour, avec vous, louer et benir nostre commun Seigneur et Maistre, qui regne es siecles des siecles.

  A026001733 

 En cela donq nous devons ressembler aux petitz enfans.

  A026001733 

 Le Sauveur de nostre ame inculque si souvent la simplicité des petitz enfans, que nous la devons aymer tres particulierement.

  A026001734 

 De cette activité d'esprit et du soin que nostre amour nous suggere d'avoir de nostre cœur et de ce qu'il fait, provient l'inquietude de nostre cœur lhors que nous appercevons soit de loin, soit de pres, quelques tentations ou de la foy ou de quelques autres vertus que nous cherissons fort, ou mesme quand nous craignons de perdre la douceur et consolation: c'est pourquoy il faut simplifier nostre esprit, et ayant abandonné et quitté tout ce qui desplaist a Dieu, demeurer en paix dans nostre barque, c'est a dire faire en paix les exercices de nostre vocation.

  A026001734 

 Et ne nous empressons point de nostre advancement; car, comme ceux qui sont en une barque ou il y a bon vent, sans remuer tirent au port, aussi ceux qui sont en une vocation bonne, sans s'embesoigner de leur prouffit, prouffitent et s'advancent perpetuellement.

  A026001734 

 Ma tres chere Fille, il faut accoyser nostre activité d'esprit, puisque nous voyons manifestement que Dieu nous appelle a cette unique, tres simple attention de confiance.

  A026001748 

 En ce saint jour anniversaire auquel nous celebrons la memoire de nostre Redemption, je vous escris ces lignes, ma tres chere Fille, comme un abbregé des resolutions plus convenables a vostre advancement au pur amour de Nostre Seigneur crucifié..

  A026001749 

 Helas! nos satisfactions et consolations ne satisfont pas aux yeux de Dieu, ains elles contentent seulement ce miserable amour et soin que nous avons de nous mesme, hors de Dieu et de sa consideration..

  A026001750 

 Les enfans, certes, que Nostre Seigneur nous inculque devoir estre le modelle de nostre perfection, n'ont ordinairement aucun soin, sur tout en la presence de leurs pere et mere; ilz se tiennent attachés a eux, sans se retourner a regarder ni leurs satisfactions ni leurs consolations, qu'ilz prennent a la bonne foy et en jouissent en simplicité, sans curiosité quelconque d'en considerer les causes ni les effectz, l'amour les occupant asses sans faire autre chose.

  A026001751 

 Cet exercice d'abandonnement continuel de soy mesme es mains de Dieu comprend excellemment toute la perfection des autres exercices, en sa tres parfaitte simplicité et [273] pureté, et tandis que Dieu nous en laisse l'usage, nous ne devons point le changer..

  A026001754 

 Apres que nous aurons dit cela, ma tres chere Mere, que reste-il, sinon d'expirer et mourir de la mort de l'amour, ne vivant plus a nous mesme, mais Jesuschrist vivant en nous?.

  A026001755 

 Alhors cesseront toutes les inquietudes de nostre cœur, provenantes du desir que l'amour propre nous suggere et des tendretés que nous avons en nous et pour nous, qui nous fait secrettement empresser a la queste des satisfactions et perfections de nous mesme; et, embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de cette simple amoureuse confiance, sans nous appercevoir de nostre progres nous le ferons grandement, et sans aller nous avancerons; sans nous remuer de nostre place, nous tirerons païs, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice..

  A026001757 

 Alhors nous serons tout destrempés en douceur, en suavité envers les Seurs et les autres prochains, car nous verrons ces ames la dans la poitrine du Sauveur.

  A026001758 

 Quand sera ce que cet amour naturel du sang, des contenances, [275] des bienseances, des correspondances, des sympathies, des graces, sera purifié et reduit a la parfaitte obeissance de l'amour tout pur du bon playsir de Dieu? Quand sera ce que cet amour de nous mesme ne desirera plus les presences, les tesmoignages et significations exterieures, ains demeurera pleinement assouvi de l'invariable et immuable asseurance que Dieu luy donne de sa perpetuité? Que peut adjouster la presence a un amour que Dieu a fait, soustient et maintient? Quelles marques peut on requerir de perseverance en une unité que Dieu a creé? La distance et la presence n'apportera ni n'ostera jamais rien a la solidité d'un amour que Dieu a luy mesme formé..

  A026001759 

 Soit fait de nous et en nous selon le bon playsir royal de ce cœur souverain, auquel, par lequel et pour lequel nous voulons vivre et mourir ainsy et comme il luy plaira, sans reserve et sans exception quelcomque..

  A026001759 

 Sur ces fondemens, abandonnons et delaissons-nous nous mesmes dans le fond du cœur percé de Nostre Seigneur.

  A026001805 

 Pour cela, Dieu veut que nous soyons comm'un petit enfant.

  A026001807 

 Si ce ne sera pas un bon exercice de se rendre attentive, sans attention pénible, de demeurer tranquillement dans la volonté de Dieu en tant de petites occasions qui nous contrarient et voudraient fâcher (car pour les grosses on les voit de loin): comme d'être détournée de cette consolation qui semble être utile ou nécessaire; être empêchée de faire une bonne action, une mortification, ceci ou cela, quel qu'il soit, qui semble être bon, et, au lieu, être divertie par des choses inutiles et quelquefois dangereuses et mauvaises?.

  A026001813 

 Se laisser gouverner absolument pour ce qui est du corps, recevoir simplement tout ce qui nous est donné ou fait: bien, mal, incommodité, ce qui sera de trop selon notre jugement, sans en rien dire ni témoigner nulle sorte de désagrément; prendre les soulagements du dormir, reposer, chauffer, de l'exemption de quelque exercice pénible ou de mortification; dire à la bonne foi ce que l'on peut faire: que l'on s'insiste, céder sans rien dire.

  A026001814 

 Il faut dire a la bonne foy ce que l'on sent, mais en telle sorte que cela n'oste pas le courage de repliquer a ceux qui soignent de nous.

  A026001823 

 Sans doute, qui parle peu de soymesme fait extremement [283] bien; car, soit que nous en parlions en nous accusant, soit en nous excusant, soit en nous louant, soyt en nous mesprisant, nous verrons que tous-jours nostre parole sert d'amorce a la vanité.

  A026001823 

 Si donques quelque grande charité ne nous attire a parler de nous et de nos appartenances, nous nous en devons taire..

  A026001827 

 Tous les prédicateurs et bons livres enseignent qu'il faut considérer et méditer les bénéfices de Notre-Seigneur, sa grandeur, notre rédemption, et spécialement quand la sainte Eglise les nous représente.

  A026001840 

 Cecy doit estre vostre exercice continuel; car cette simplicité de cœur vous empeschera de penser distinctement (car nous ne sommes pas maistres de nos pensees, pour n'en avoir que celles que nous voulons) qu'a ce que vous aures a faire et a ce qui vous est marqué, sans espancher vostre ame ni a vouloir, ni a desirer autre chose; et fera que toutes ces pretentions de plaire et ces craintes de desplaire a nostre Mere, s'esvanouiront, reservant le seul desir de plaire a Dieu, qui est et sera l'unique objet de nostre ame..

  A026001841 

 Mais vous sçaves tres bien que les sentimens, non plus que toute autre tentation, ne nous rendent pas moins aggreables a Dieu, pourveu que nous n'y consentions pas..

  A026001877 

 Le Saint Esprit nous donne le don d'entendement pour trois fins: premierement, pour nous faire croire et admirer les mysteres de la foy; secondement, pour les nous faire honnorer et reverer; troysiesmement, pour les nous faire aymer et cherir..

  A026001885 

 Il faut donq obeir a celle que Dieu nous a donnee pour Superieure en regardant tous-jours Nostre Seigneur en elle, par l'ordonnance duquel elle nous commande et conseille ce qui est pour nostre bien et avancement spirituel.

  A026001885 

 Tandis que nous regardons aux creatures et non au Createur nous ne ferons jamais rien qui vaille, ni ne ferons aucuns progres en la vertu.

  A026001886 

 Il faut faire ainsy: obeir simplement a la voix de Dieu qui nous est signifiee par nos Superieures, ne faisant aucun discours ni pensee pour en juger selon nostre inclination..

  A026001887 

 Et soyes bien ayse de n'avoir point de sensible satisfaction, car nous aymons tant ceux qui nous disent de belles choses!.

  A026001888 

 C'est un grand moyen d'avancer en la vertu et en l'amour de Dieu quand nous avons des Superieures qui ne nous ayment pas et que nous n'aymons pas aussi.

  A026001890 

 En fin, le cœur obeyssant racontera les victoires; les victoires nous les remportons quand nous sousmettons nostre volonté et jugement a celuy d'autruy, a l'imitation de Nostre Seigneur qui s'est rendu obeissant jusqu'a la mort, et a la mort de la croix, et a mieux aymé mourir que de perdre l'obeissance..

  A026001891 

 Il ne faut jamais rien faire contre l'obeyssance, specialement quand il nous vient en l'esprit que cela n'est pas bien, et que le scrupule nous prend ou que nous ne voudrions pas que nos Superieures le sceussent..

  A026001891 

 Quand la cloche sonne et nous appelle pour quoy que ce soit, il faut estre prompte a partir et quitter tout.

  A026001894 

 Ainsy, ne nous aymons point par les [294] sentimens, mays selon l'esprit, pour nous perfectionner et nous unir davantage a l'amour de Dieu..

  A026001894 

 Saint Paul dit une bonne parole: Nous avons conneu Nostre Seigneur selon la chair, mais nous l'aymons maintenant selon l'esprit.

  A026001895 

 Il faut bien prattiquer tous les moyens qui nous sont donnés pour arriver au Ciel et au salut, purement pour Dieu et pour luy plaire, parce qu'il le veut ainsy et qu'il est bon de le faire.

  A026001898 

 C'est le plus haut point de l'humilité de s'humilier pour Nostre Seigneur, parce qu'il s'est humilié pour nostre amour, pour nous donner exemple de faire comme luy..

  A026001900 

 Que vos imperfections vous servent a cela et ne vous facent entrer en nul descouragement; nous sommes en bon chemin, par la grace de Dieu.

  A026001900 

 Rien ne nous peut nuire que la propre volonté: or nous n'en devons point avoir, car nous l'avons toute consacree a Dieu; donq encourageons-nous sans presomption..

  A026001903 

 Il faut avoir une gravité de princesse, par ce que nous sommes espouses du Filz de Dieu; mais simple, sans affectation; et l'humilité du publicain, pleine de confiance.

  A026001909 

 L'humilité nous perfectionne envers Dieu, et la douceur envers le prochain.

  A026001912 

 Si cela ne fait rien, il faut pourtant tous-jours essayer, affin que la negligence ne nous face accroire que le divertissement n'y fait rien; alhors il faut avoir patience avec soy mesme.

  A026001924 

 La vraye generosité consiste a se rendre independante de toutes choses et des creatures, et ne point penser si elles nous ayment et pensent a nous ou non; il ne faut point s'amuser a cela.

  A026001925 

 En effect, nous ne sommes plus a nous mesme, nous sommes consacrés a Dieu pour l'aymer et servir parfaitement.

  A026001925 

 Nous n'aurions jamais fait si nous voulions tout considerer et peser les pensees et reflexions.

  A026001926 

 Il nous suffit, ma chere Fille, que nous sachions Jesus Christ crucifié.

  A026001927 

 Quand les mouches nous piquent, il ne faut que tout simplement les oster; ainsy, quand il nous vient des contradictions, il ne faut que tout simplement les oster, c'est a dire s'en destourner et non pas s'en occuper.

  A026001933 

 Il faut tous-jours dire ainsy, car nous ne pouvons ni faire le bien, ni resister au mal sans la grace de Dieu..

  A026001936 

 On vous parlera autant que vous en aures besoin, et qu'il plaira a Dieu nous inspirer.

  A026001943 

 Ne vous estonnes pas de vos cheutes et imperfections; qu'elles ne vous fassent entrer en aucun descouragement, car cela est contraire a la perfection que nous desirons..

  A026001945 

 Vous sçaves combien mon cœur vous ayme et que, tout a fait et sans reserve, vous vous estes donnee a moy et que nous avons ensemble le cœur: le vostre est a moy et le mien est a vous, tout a fait, et quand vous entendres parler de vostre cœur ce sera du mien.

  A026001947 

 Ainsy, tandis que nous serons en cette vie, nous aurons tous-jours des miseres.

  A026001947 

 Il se faut fort humilier et prendre bon courage pour combattre nos imperfections, car tandis que nous serons en cette vie, nous aurons tous-jours a faire et a combattre: c'est l'exercice de nostre humilité.

  A026001948 

 Il a dit que nous ne sçaurions changer un seul cheveu de nostre teste pour le faire blanc ou noir..

  A026001948 

 Nous ne pouvons rien de nous mesme sans la grace de Dieu.

  A026001949 

 Au reste, il ne faut pas [303] aller dire ses troubles sur le champ, quoy qu'ilz nous pressent bien; il faut attendre qu'ilz soyent un peu passés..

  A026001949 

 Qu'on vous accuse a tort? dites la verité; nous devons cela.

  A026001953 

 Il faut tourner son esprit a toutes mains par une excellente mortification de nous mesme et de tout ce qui est du naturel, pour se ranger au bon playsir de Dieu..

  A026001953 

 Mais il vous semble que vous ne faites rien si vous ne sentes des consolations et satisfactions en ce que vous faites, car nous aymons tant cela! — Oh! je veux que vous soyes plus courageuse, ma chere Fille, et que vous ne soyes attachee a rien, ni aux consolations sensibles de Dieu, ni aux affections des creatures.

  A026001953 

 Nostre Seigneur veut que nous facions quelque chose de plus que les payens qui ayment davantage ceux qui les ayment; il veut que nous exercions nostre vertu a l'endroit de ceux que nous aymons moins, et il le faut faire.

  A026001962 

 L'amour de nous mesme ne meurt jamais qu'avec nous; on le mortifie bien, mais il revient tous-jours.

  A026001962 

 Quand nous voyons que nous ne sommes pas si parfaitte que nous voudrions, il se faut humilier devant Dieu et luy dire: Seigneur, vous voyes ce que je suis; je voudrois bien estre plus parfaitte pour mieux vous plaire et aymer..

  A026001962 

 Rendes vous toute abjecte a vos propres yeux: nous en avons bien sujet.

  A026001964 

 Pour nous, c'est le chemin du Ciel que nos Regles et Constitutions.

  A026001964 

 Unisses vous fort a Dieu, et ne luy demandes rien que son amour et l'union de vostre volonté a la sienne, et dites souventesfois: Vostre volonté soit faite, vostre Nom soit sanctifié, vostre royaume nous advienne.

  A026001965 

 En fin, nous sommes espouse d'un Espoux crucifié; il est raysonnable que nous le soyons aussi avec trois clous comme luy.

  A026001968 

 Ce n'est pas aller droit de penser beaucoup a ses fautes, et aussi si les Superieures nous ayment.

  A026001968 

 Il faut estre bien ayse si elles nous ayment, parce que cela donne courage a s'avancer; mais ce n'est pas marcher droit de penser beaucoup a cela..

  A026001968 

 Il ne faut pas estre marrie si elles ne nous ayment et ne tesmoignent point d'affection a nostre avancement; il suffit qu'elles l'ayent devant Dieu.

  A026001968 

 Si elles nous negligent et nostre avancement, il ne faut pas se negliger soy mesme, ni perdre courage a s'avancer.

  A026001975 

 Si Jesus Christ estoit present et qu'il voulust que nous allassions rire avec quelqu'un par charité et en sa presence, comme ferions nous cette action?.

  A026001976 

 Cela nous doit bien encourager a l'aymer et servir de bon cœur et joyeusement..

  A026001976 

 Nostre Seigneur a tant aymé ses creatures, qu'il a estimé qu'il ne pouvoit envoyer ni Anges ni Saintz pour nous monstrer l'amour qu'il nous portoit, s'il ne venoit luy mesme en personne prendre nostre humanité et donner son sang et sa vie pour nostre redemption.

  A026001977 

 Essayons nous de n'avoir en l'entendement que Jesus, en la memoire que Jesus, en la volonté que Jesus et en l'imagination que Jesus.

  A026001977 

 Prononçons souvent ce saint Nom, comme nous pourrons; que si pour le present ce n'est qu'en begayant, a la fin nous apprendrons a le bien prononcer.

  A026001979 

 L'ame du prochain, c'est l'arbre de vie du paradis terrestre; il est defendu d'y toucher parce qu'il est a Dieu qui le doit juger, et nous aussi.

  A026001979 

 La confiance, deference et sousmission attirent le Createur et les creatures a nous aymer et nous procurer le bien par inclination.

  A026001979 

 Nous devons a Dieu la bonne conscience, et au prochain le bon [308] exemple.

  A026001979 

 Quand il nous vient envie de nous fascher avec quelqu'un, il faut tout aussitost regarder cette ame dans le sein de Dieu; a cette heure nous n'aurons garde de nous fascher avec elle, et c'est le vray moyen de conserver la paix en nostre cœur et l'amour du prochain..

  A026001980 

 Et pourquoy ne nous appartient il d'avoir des graces, desirs et sacrees inspirations? Nostre Seigneur commande que nous soyons parfaitz comme son Pere celeste; il faut tascher de se perfectionner et y employer toutes nos forces.

  A026001980 

 Et pourquoy ne recevrons nous pas les sacrees inspirations de nostre divin Espoux, qu'il nous envoye avec tant d'amour?.

  A026001982 

 Il ne nous oste jamais sa grace pour ces petites choses; il n'est sujet a se fascher contre nous quand nous manquons, pourveu que nous retournions a luy en nous humiliant avec amour et confiance.

  A026001982 

 Quand nous sentons que nous n'avons point de confiance en Dieu, il en faut aller prendre dans son cœur, car Nostre Seigneur en est tout plein.

  A026001985 

 L'amour propre n'est pas si satisfait, car nous voudrions tous-jours avoir des goustz, des satisfactions et consolations, ou autrement tout est perdu.

  A026001985 

 Nous voudrions avoir les vertus sans qu'il nous en coustast rien.

  A026001992 

 En fin, ce sont des [310] mouches du monde qui nous piquent, mais il [ne] faut que tout simplement les oster..

  A026001994 

 Il faut faire son devoir en ces tentations; Nostre Seigneur veut que nous les ayons et que nous rendions nostre devoir aux creatures; puis, qu'elles pensent de nous ce qu'elles voudront..

  A026001994 

 Jamais nous ne l'acquererions si nous n'avions des occasions de combattre, comme cette fille qui alla treuver saint Athanase affin qu'il luy baillast une femme qui l'exerçast a la patience, pour en acquerir la vertu.

  A026001994 

 Je vous diray, ma tres chere Fille, une chose que vous diries bien a une autre: c'est que ou il y a plus de repugnance, Nostre Seigneur veut que nous prattiquions plus de grandes vertus, car la vertu ne s'acquiert que par son contraire.

  A026001994 

 Si nous ne nous mettions point aupres de ceux qui nous piquent, nous n'acquerrions jamais la douceur et patience.

  A026001997 

 L'envie c'est que l'on est marri du bien du prochain; l'aversion est une passion qui vient sans que nous voulions, et pour la vaincre quand elle est forte il se faut divertir et n'y point penser que le moins que l'on peut.

  A026002000 

 Quand bien nous aurions fait un grand peché, il ne faudroit se descourager ni entrer en aucune sorte de desfiance de la misericorde de Dieu.

  A026002000 

 — Il vaut bien mieux ne rien dire qui vaille, pour aymer son abjection, que suivre son humeur, car c'est ce que nostre ennemi pretend: nous abattre le courage, pour aucunes choses qui nous puissent arriver.

  A026002003 

 Nostre Seigneur a laissé escrit en sa loy que nous aurions tous-jours des ennemis a combattre jusqu'a la mort.

  A026002003 

 Nous voudrions estre saintz et qu'il ne nous coustast qu'un Ave Maria!.

  A026002008 

 Il ne faut point penser a ses charges ni a ce que nous ferons apres, quand l'Office sera dit; vous y penseres quand vous seres sortie du chœur.

  A026002017 

 Il faut fonder toutes nos oraysons sur celle de Nostre Seigneur au Jardin des Olives, nous despouillant de nous mesme et de tout propre interest, nous resignant a la volonté de Dieu; puis luy demander nos necessités et de toutes les creatures, et que son Nom soit sanctifié.

  A026002019 

 Il s'y faut bien preparer, puis, si Nostre Seigneur prend nostre cœur, il le faut laisser faire et suivre son attrait, sans nous destourner pour regarder ce que nous faysons ou sentons, car c'est une des plus fines tentations et distractions que celle la; il [s'en] faut bien garder..

  A026002020 

 Nostre Seigneur nous attire a luy, nous voulant donner ses graces, et nous resistons! Il est bien employé [316] qu'il nous laisse la tout imparfaitz, puisque nous ne voulons pas recevoir la grace et l'honneur qu'il nous fait avec tant d'amour, sans que nous l'ayons merité.

  A026002020 

 Nous sommes bien coupables.

  A026002024 

 Il faut tous-jours avoir Nostre Seigneur crucifié devant les yeux; il nous regardera, pour respandre sur nous la suavité de ses parfums..

  A026002024 

 Nostre Seigneur nous donnera d'autres choses qui sont meilleures pour nous.

  A026002024 

 Un des preceptes de la vie spirituelle est de prendre deux ou trois Saintz et les prier qu'ilz intercedent pour nous vers Nostre Seigneur; mais s'ilz ne nous impetrent pas ce que nous voulons et desirons d'eux, il ne les faut pas quitter.

  A026002044 

 Ne nous troublons point pour nos fautes, ni pour nostre peu d'advancement, ni pour rien qui soit en nous, ni que nous puissions faire..

  A026002048 

 Ne point desirer ni aymer que l'on appreuve ou estime ce que nous disons ou faisons..

  A026002049 

 Nous res-jouir de voir et entendre parler de la vertu [319] de nos Seurs; porter un grand respect a nos Seurs, les regardant toutes comme nos Superieures, et mesme oyant en toutes les sacrees paroles de Nostre Seigneur..

  A026002052 

 Estre toute courageuse et preste de faire et entreprendre tout ce que l'obeissance nous ordonne..

  A026002059 

 Quand on a fait quelque acte de colere ou d'impatience, reparer la faute par un acte de douceur exercee promptement a l'endroit de la personne mesme; tenir son visage doux, respondant et faysant gratieusement tout ce que l'on nous ordonne..

  A026002062 

 Ne tesmoigner jamais aucun mescontentement, pour chose qu'on fasse ou dise de nous..

  A026002063 

 Ne nous despiter jamais contre nous mesme, ni contre nos imperfections..

  A026002064 

 Ne se point troubler ni inquieter pour nous voir imparfaitte et mal mortifiee.

  A026002064 

 Reprendre et corriger son cœur doucement et par voye de compassion, disant: Oh! mon pauvre cœur, nous voyla tombé; or sus, relevons nous et quittons pour jamais nos imperfections..

  A026002065 

 Ne se point estonner de nos cheutes, puisque ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme et la foiblesse foible; et en fin nous humilier de toutes nos fautes generalement, soyent elles grandes ou petites; mettre cela devant Dieu par une humble reconnoissance de nostre misere, puis nous relever tout doucement..

  A026002068 

 D'avoir une tres unique pretention en toutes ses œuvres et actions, qui est de plaire a Dieu; de voir et aymer la volonté de Dieu en tout ce qui nous arrive, tant du bien que du mal..

  A026002072 

 Regarder plustost ce que dira Dieu et ses Anges sur ce que nous faisons et disons, que non point que diront ceux qui nous voyent et entendent..

  A026002073 

 Vivre au jour la journee, sans tant de prevoyance ni de soin de nous mesmes, ni de tout ce qui doit arriver..

  A026002074 

 Faire ce qui nous est present selon nostre vocation, et nous confiant entierement en la divine Providence..

  A026002081 

 Ne point trop familiariser, principalement avec celles a qui nous avons de l'inclination..

  A026002088 

 Ne point tant chercher de moyens pour bien aymer et servir Dieu, mais se tenir aux pieds de Nostre Seigneur, demandant sa grace et son amour, sans rechercher autres moyens pour y parvenir que ceux qui nous sont marqués dans nos Constitutions..

  A026002093 

 Ne jamais rapporter aux autres ce que nous aurons ouy dire d'elles, [si c'est] chose qui puisse mortifier ou mescontenter; ne jamais dire aucune chose qui puisse tant soit peu mortifier les Seurs.

  A026002099 

 Ne laisser de parler, regarder et se mettre aupres de celles qui nous auront donné quelque mescontentement..

  A026002103 

 Bien faire son prouffit de toutes les mortifications qui nous arrivent de la part de Dieu, de la Superieure et des Seurs..

  A026002105 

 Bien faire les choses ordinaires que nous faisons tous les jours, tant interieures qu'exterieures..

  A026002108 

 Ne point desirer sçavoir ni demander ce qui ne nous touche point..

  A026002113 

 Ne donner aucun signe d'impatience quand il (le prochain) ne prend pas bien ce que nous faisons ou avons en charge.

  A026002115 

 Ne se point ennuyer des advertissemens ni que l'on nous reprenne de nos defautz..

  A026002116 

 Souffrir avec patience la peyne que nous avons que l'on nous monstre et redise souvent une mesme chose..

  A026002117 

 Ne point s'impatienter quand on a de la peyne de retenir et comprendre ce que l'on nous monstre..

  A026002128 

 Aymer et nous res-jouir quand le moindre de la Mayson nous est donné..

  A026002128 

 Ne prester ni recevoir aucune chose, pour petite qu'elle soit, sans congé; aymer et nous res-jouir quand quelque chose qui nous est necessaire nous manque.

  A026002132 

 Ne point manger avidement, ni desirer d'avoir autre viande que celle que l'on nous donne..

  A026002134 

 Estre bien ayse que l'on ayme plus les autres que nous et que l'on se playse plus a leur conversation qu'a la nostre..

  A026002135 

 Se res-jouir quand on ne tient conte de nos raysons et que l'on tesmoigne que l'on ne prend gueres de playsir de nous entendre..

  A026002139 

 Estre bien soigneuse de se bien occuper en Dieu, nous divertissant promptement et soigneusement de toute sorte de pensees et souvenir des choses que nous avons autrefois veuës et ouÿes..

  A026002147 

 Ne faire non plus d'estat de tous nos sentimens, pour grans qu'ilz soyent, que nous ferions des abbayemens des chiens..

  A026002149 

 Pretendre au plus haut point de la perfection parmi la veuë et sentiment de nos miseres, foiblesses et infirmités, appuyees sur la misericorde de Dieu; ne se point estonner, encor que nous nous voyions comme engluees dans nos imperfections, attendant avec une douce et tranquille [325] patience nostre delivrance de Nostre Seigneur, et quand nous l'avons, la tenir bien chere comme un don pretieux de sa bonté..

  A026002152 

 Ne se point fascher si d'abord nous ne marchons pas si fermement et fidellement comme nous voudrions, ains nous contenter de marcher le petit pas a nos commencemens, pour puis apres courir et marcher a grande course..

  A026002154 

 Tirer de l'humilité de nos imbecillités, particulierement quand nous voyons l'advancement des autres..

  A026002165 

 Prendre toutes les occasions qui nous arrivent, grandes et petites, comme venant de la main de Dieu.

  A026002174 

 I er Point de l'obeyssance est que nous devons croire et tenir pour asseuré que Dieu a establi toute sorte de Superieures et que ce ne sont pas les hommes qui les eslisent, c'est Dieu mesme..

  A026002175 

 C'est que Dieu a establi les Superieures comme ses lieutenantes en terre, affin que nous leur obeyssions comme a luy mesme, et tient estre fait a luy ce qui est fait aux Superieures, comme il le tesmoigne par ces parolles: Celuy qui vous obeit m'obeit, et celuy qui vous mesprise me mesprise..

  A026002177 

 C'est qu'il ne faut jamais regarder au visage des Superieurs ni dire: Sont ilz propres pour nous? commanderont ilz bien? ains obeyr a l'aveugle en tout ce qu'ilz nous commandent, car ce ne seront pas les Superieures qui nous rendront parfaittes, mais la sousmission et obeyssance que [327] nous leur rendrons.

  A026002177 

 Toutes les autres sont suspectes et ne viennent que d'une vayne recherche de nous mesmes.

  A026002187 

 De plus, remarques les illustrations que Dieu donne en l'orayson, nous faisant voir ....

  A026002194 

 Et moins nous sentons de capacité en nous pour ce faire, dautant plus nous nous devons serrés et ataché a Nostre Seigneur, nous confiant et apuyant toutalement en luy seul, en son assistance et en sa grace, laquelle sa Bonté ne manquera de nous donné pour nous acquiter de nostre devoir selon sa sainte volonté, si nous sommes remplie d'humilité et defiance de nous mesme; car il est tout assurer que nous ne pouvons chose quelconque de nous mesme, mais c'est la verité qu'en Dieu toutes choses nous seront possible..

  A026002194 

 Monseigneur m'a dit que les armes quil faut enporté pour aler en quelque fondation ne sont autre que la saincte humilité, de laquelle vertu il m'a dit quil me faloit estre toute couverte; car l'humilité est toute genereuse, et nous fait entreprendre avec un courage invincible tous ce qui regarde le service de Dieu et l'agrandissement de sa gloire.

  A026002195 

 Nous ne sommes pas Econnome ni Superieure des talans et dons que Dieu a mis en nous, mais seulement Depenciere, pour les distribuer aux autres, pourtant l'esprit de la Visitation par tout afin de le repandre au prochain; [329] tachant de polir, purifier et formé les esprits de celles que Nostre Seigneur nous commettra, qui se treuveront fort divers, esquels il faudra que nous exercions une grande douceur, simplicité, suport et patience pour les voir cheminer le petit pas et tousjours commettre des imperfections; inculquant en ces ames là la vraye humilité, generosite, douceur et charité, qui est le vray esprit de nos Regles, afin que par ce moyen elles parviennent a la perfection de l'amour sacré et a l'union de leurs ames avec sa divine Majesté, qui est la fin pour laquelle elle les a apellé a la Religion..

  A026002217 

 Que nous apprend cette conduitte, sinon qu'il se faut resoudre, a l'exemple de cette Vierge sacree, de passer nos jours dans la privation des graces sensibles et extraordinaires, pour vivre dans les tourmens, les peynes et la mort, quand il plaira a nostre Bienaymé ..................................................

  A026002242 

 Par ces presentes Nous avons donné la sainte benediction de l'obeissance a Nostre tres chere Fille et Seur en Jesus Christ Paule Hieronyme de Monthoux, Religieuse professe du monastere de Sainte Marie de la Visitation de Nostre cité d'Annessi, pour aller demeurer en la ville de Nevers, y estre Superieure au monastere nouvellement establi en icelle [337] du mesme Institut, pour le tems qu'il sera jugé a propos, sans que par le sejour qu'a cet effect elle pourra faire hors le monastere de Nostre cité elle laisse d'estre tenue et censee veritablement pour Religieuse de la Mayson d'Annessi, a laquelle, en tems et lieu, selon qu'il plaira a Dieu en disposer, elle devra et pourra estre receuë avec toute sorte de charité et pour toutes sortes d'offices; priant Dieu qu'il la tienne en sa sainte main allant, demeurant et revenant, et qu'il rende toutes ses actions et tous ses travaux utiles a la vie eternelle..

  A026002252 

 JESUS, Sauveur du monde, si nous aymons bien vostre Croix, que nous serons humbles, doux, gratieux, patiens! L'amour de la Mort et Passion de Nostre Seigneur donne la mort a toutes nos passions, et en la mort de nos passions consiste la vie de nostre cœur..

  A026002268 

 Du jeusne, j'appreuve grandement que personne ne s'en dispense de soy mesme; mays si l'on en a besoin, il en faut laisser le soin a ceux qui ont charge de nous.

  A026002296 

 Serves vous volontier des conseilz, lhors qu'ilz ne seront point contraires au projet que nous avons resolu, de suivre en tout l'esprit d'une suave douceur et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur; car en fin, la beauté des filles du Roy est au dedans, qu'il faut que les Superieures cultivent, si elles n'ont elles mesmes ce soin, crainte qu'elles ne s'endorment dans leur chemin et ne laissent esteindre leurs lampes par negligence; car il leur seroit dit indubitablement comme aux vierges folles se presentant pour entrer au festin nuptial: Je ne vous connois point..

  A026002302 

 C'est es choses difficiles, malaysees et desaggreables que nous devons prattiquer la fidelité envers Dieu, laquelle sera d'autant plus excellente que nous aurons moins de choix a ce qui nous sert d'exercice.

  A026002302 

 L'amour propre se contente aucunement entre les souffrances, quand elles sont de son eslection; l'amour de Dieu s'exerce plus heureusement es sujetz que la Providence divine permet ou ordonne sans nous, mais sur nous et pour nous..

  A026002303 

 Si vostre cœur craint plus la tentation qu'il ne faut, il donne l'ouverture a son ennemy; comme au contraire, si nous avons une confiance filiale en Dieu et que nous nous retournions de son costé prenant asseurance en sa bonté, l'ennemy craindra de nous tenter, voyant que sa tentation nous donne sujet de nous jetter entre les bras de Nostre Seigneur.

  A026002304 

 Confions nos bons desirs a Dieu et ne soyons point en anxieté s'ilz fructifieront, car Celuy qui nous a donné la fleur du desir nous donnera aussi le fruit de l'accomplissement pour sa gloire, si nous avons une fidelle et amoureuse confiance en luy..

  A026002304 

 Helas! tandis que les ames servent au peché, l'ennemy leur donne quelque apparence de vertu pour quelque particulier sujet, affin de nourrir en elles quelque sorte de presomption et une vayne complaysance en elles mesmes, sans laquelle on ne pourroit gueres demeurer en peché; car, comme l'on ne peut gueres ressentir de perfection sans humilité, aussi ne peut on long tems demeurer en peché sans la vanité, c'est a dire sans presomption..., nous confians en ce grand Salutaire, esperans qu'en sa sayson [349] elle le rendra multiplié.

  A026002304 

 N'estimer rien de soy mesme, sinon seulement parce que nous appartenons a Dieu et sommes a luy, et s'aneantir soy mesme.

  A026002306 

 La devotion nous aydera beaucoup et nous servira grandement a la vraye perfection.

  A026002306 

 Tout ainsy comme nous aydons aux malades, quand nous les allons visiter, a supporter leur mal en le regrettant et lamentant, de mesme aussi la devotion nous ayde, quand elle est simple et selon Dieu, a supporter plus patiemment les afflictions et tribulations quand elles nous arrivent..

  A026002307 

 Nous lisons en la Vie du bienheureux Amedee, que ceux qui le voyoyent en devotion [disaient qu'il] falloit qu'ilz n'eussent point de cœur ou bien [qu'] ilz l'avoyent de roche s'ilz ne l'amollissoyent, a l'heure particulierement que l'on le voyoit a la Messe ou aux Offices divins, « ou jamais il ne parloit a personne [qu'] a Dieu.

  A026002308 

 Il faut tous-jours bien faire de mieux en mieux, car quand [nous] vivrions les siecles entiers en souffrance et peyne, nous ne pourrions trop faire pour un si bon Dieu qui nous a fait tant de graces et tant de biens.

  A026002308 

 L'« homme qui ayme Dieu et qui a le cœur vivement frappé » de l'amour de Dieu « ne treuve rien de trop, hormis » le peché, et « luy semble de faire tous-jours trop peu pour Dieu qui a fait tant d'exces d'amour et de souffrance pour nous; » mais nous autres, pour peu que nous fassions, nous pensons encor « avoir fait trop et que Dieu » nous en « doit de reste.

  A026002308 

 Servons le donq de bon cœur, avec amour; courons a luy, affin qu'il nous donne sa gloire et la consolation de son Saint Esprit, laquelle soit a jamais au milieu de nos cœurs.

  A026002308 

 » Miserables que nous sommes! Oh, a Dieu ne playse que cette presomption si vayne nous entre dans la cervelle.

  A026002313 

 O si nous ne cherchions que cela, que nous serions heureux, car nous le treuverions tous-jours en le cherchant et le chercherions en le treuvant; nous croistrions d'heure en heure au desir de le treuver, et le treuverions en la perseverance de le desirer..

  A026002314 

 Mais, ce me dires vous, que desiray je sinon luy? — Escoutes, ma Fille, et consideres le premier point de la simplicité celeste, qui consiste a ne chercher Dieu que par le [352] chemin qu'il nous a marqué; car qui ne veut pas aller par ou Dieu le conduit ne le treuvera jamais, d'autant qu'il ne le cherche pas simplement.

  A026002315 

 L'hiver nous nous plaignons du froid et l'esté du chaud; les mouches nous mettent en peyne sur le chemin; en fin il n'y a que l'homme simple qui ne se trouble point, car il ne cherche que Dieu par le chemin auquel il est.

  A026002315 

 Nous avons passé plusieurs jours d'extreme ennuy du tems que nous n'estions pas tant a Dieu que nous devions estre, mays nous y remedierons, moyennant son ayde, et commencerons ainsy:.

  A026002315 

 O combien de gens changeroyent volontier la leur a la nostre! Ce n'est pas tant nostre mal qui nous fait mal, comme c'est nostre amour propre qui s'aigrit et inquiete a tout ce qu'il a a contre cœur.

  A026002318 

 Et en suite de cela, il est a noter que nous ne sommes pas obligés sous peyne de peché mortel ni mesme veniel d'ouyr la Messe, si ce n'est les jours de festes et Dimanche, non plus que d'ouyr les prieres extraordinaires du soir; * nous ne sommes point obligés d'ouyr Vespres ni de dire le Benedicite entrant a table, ni Graces en sortant, sous peyne de peché; et pourtant, quand nous faysons ces actes de religion et de devotion, nous sommes obligés de les faire serieusement et avec reverence.

  A026002332 

 En fin, c'est le Maistre souverain que le Pere eternel a envoyé au monde, pour nous enseigner ce que nous devons faire: et partant, outre l'obligation que nous avons de nous former sur ce divin Modele pour ce sujet, nous devons grandement estre excités a considerer ses œuvres pour les imiter, parce que c'est une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous avons a faire et que nous faysons, que de [357] les faire parce que Nostre Seigneur les a faites, c'est a dire prattiquer les vertus parce que Nostre Seigneur les a prattiquees et comme il les a prattiquees.

  A026002334 

 Il y a tout a craindre en ces manieres d'oraysons relevees; mais l'on peut marcher en asseurance dans la plus commune, qui est de s'appliquer tout a la bonne foy autour de nostre Maistre pour apprendre ce qu'il veut que nous fassions..

  A026002334 

 Mais, generalement parlant, il faut faire que toutes les filles, tant qu'il se peut, se tiennent en l'estat et methode d'orayson qui est la plus seure, qui est celle qui tend a la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disions premierement, qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur.

  A026002348 

 Il faut treuver bon que nostre parfum sente mauvais au nez du monde; ne craignons point le jugement qu'il fait de nous, ne nous abbattons point, car tant que Dieu nous voudra bien faire la grace de nous tenir de sa main en nous conservant le desir que nous avons de l'aymer, nous n'avons rien a craindre..

  A026002348 

 Ne veuillons pas estre trop tost des anges; soyons de petitz poussins sous l'aisle de nostre mere, car nous ne sçaurions pas encores voler.

  A026002348 

 Prattiquons les petites vertus qui nous sont propres et qui n'ont pas tant d'esclat; resjouissons nous de nostre propre abjection.

  A026002349 

 Il ne faut pas aymer nos imperfections, ouy bien l'humiliation qu'elles nous causent.

  A026002349 

 Mais qu'est ce que nous portons quand nous nous portons nous mesme? C'est rien qui vaille; il ne faut pas que cela nous estonne.

  A026002350 

 Tenons nous dans cette disposition devant Dieu; ne luy parlons que de nos miseres, allons a son temple sacré luy exposer ce que nous sommes, mais ne nous abbattons pas..

  A026002352 

 Et tant que ce sentiment sera bien gravé dans nostre cœur, pourquoy nous tourmenter? Ne voyes vous pas que c'est l'amour propre qui se mesle subtilement de nous donner la torture? Je vous exhorte encor une fois de tenir vostre cœur au large; Dieu mercy, il se porte bien, puisque l'amour l'anime et quil veut tous-jours aymer..

  A026002352 

 Tant que nous serons ferme dans nostre resolution que Dieu regne dans nostre cœur, ne craignons point.

  A026002354 

 Et pour recevoir cette grace, il faut nous repaistre de Jesuschrist crucifié; c'est luy qui eschauffera et fortifiera l'estomac de nostre ame, et qui nous preparera et rendra dignes de le recevoir souvent..

  A026002355 

 Et puisque vous cherches nostre divin Maistre, ou le pouves vous mieux treuver que dans le throsne de son amour? Il veut estre nostre Roy: et ainsy il nous donnera la paix, il fera cesser la guerre, il mettra le calme dans nos puissances et nous fera recueillir..

  A026002356 

 En fin, ce divin Sauveur veut bien estre le gage de la gloire qu'il nous a promise..

  A026002357 

 Hastons nous d'aspirer a cette bienheureuse eternité; elle s'approche, le tems passe.

  A026002357 

 Hé, quil importe peu, ma Fille, que les momens de cette vie soyent fascheux, pourveu qu'a jamais nous louions et benissions Nostre Seigneur..

  A026002366 

 Au contraire, le malin esprit nous suggere des desirs des vertus avec aspreté, inquietude, chagrin et empressement; si nous treuvons quelqu'obstacle, tout a l'heure nous sommes troublés, nous nous empressons.

  A026002366 

 Ne sçaves vous pas, ma Fille, que nostre Dieu est le veritable Salomon qui veut se reposer dans nostre cœur? Il est bon; si nous pouvons le placer dans le Ciel, nous ne nous troublerons pas des accidens de cette vie..

  A026002366 

 Remarqués que lhors qu'elles viennent du Seigneur, c'est avec douceur et suavité qu'elles nous portent au bien, et nous sommes indifferens du succes, parce que, pourveu que nous ayons fait de nostre costé ce qu'il demande de nous, nous demeurons en paix.

  A026002367 

 Ne nous affligeons pas si nous sommes appesantis par le poids de nos mauvaises inclinations; aymons l'abjection [365] qui nous en revient.

  A026002370 

 Nous croyons, parce que nous ne valons rien, que le Seigneur n'aura point soin de nous: ne voyes vous pas la finesse de la prudence humaine qui nous trompe en nous faysant sortir de l'estat d'une parfaitte confiance? Ne faysons point ce [tort] a sa divine Majesté de raysonner si bassement; Dieu n'est pas comme les hommes, qui ne font cas que de ce qui peut leur estre utile.

  A026002370 

 Pour affermir nostre amour pour nostre souverain Bien, resveillons nostre foy; car la prudence de la chair et les raysonnemens de nostre esprit nous nuysent souvent et nous empeschent de nous jetter a cors perdu entre les bras de la divine Providence.

  A026002371 

 C'est dans la sainte dilection, ma chere Fille, quil faut bastir nostre demeure ou tabernacle, car il n'y a rien de bon [366] pour nous que d'aymer sans mesure l'Amour eternel.

  A026002378 

 [C'est] avec la mesme moderation qu'il faut aymer les biens de la Communauté, les regardant non avec une affection proprietaire qui nous oste la paix du cœur ou nous desregle en la pretention, conservation ou distribution d'iceux, ains avec un esprit religieux, comme choses consacrees a Dieu, lesquelles il ne faut aymer que selon le goust du Seigneur a qui elles sont consacrees..

  A026002379 

 Cela doit sembler [367] necessaire, dont nous ne sçaurions nous passer commodement; tout le reste doit estre retranché, autant que nous pourrons.

  A026002379 

 Il se faut mesme retrancher quelquefois des choses mesme necessaires; mays sur tout accepter avec amour tous les manquemens des choses necessaires qui nous arriveront, de quelque part qu'ilz viennent, recevant aussi de bon cœur les choses pauvres qui nous arriveront, en quoy que ce soit..

  A026002380 

 Par dessus toute pauvreté, il nous faut avoir celle du cœur, qui nous rend humbles et petitz a nos yeux.

  A026002381 

 La grande et sainte pauvreté est de reconnoistre que nous n'avons rien [et] ne pouvons rien de nous mesme que misere.

  A026002391 

 » Saint Bernard dit: « Celuy que nous avons pour Superieur au lieu de Dieu, nous le devons ouyr comme Dieu mesme, es choses qui ne sont apertement contre Dieu.

  A026002409 

 Consideres premierement, que Nostre Seigneur ayant peu obliger ses creatures a toutes sortes de services et obeissances envers luy, il ne l'a pas neanmoins voulu faire, ains s'est contenté de nous obliger a l'observation de ses Commandemens; de maniere que s'il luy eust pleu d'ordonner que nous jeusnassions toute nostre vie, que nous fissions tous vie d'hermites, de Chartreux, de Capucins, encor ne seroit ce rien au respect du grand devoir que nous luy avons: et neanmoins, il s'est contenté que nous gardassions simplement ses Commandemens..

  A026002410 

 Consideres secondement, qu'encor qu'il ne nous aye point obligé a plus grand service qu'a celuy que nous luy rendons en gardant ses Commandemens, si est ce qu'il nous a invités et conseillés a faire une vie tres parfaite, et observer l'entier renoncement des vanités et convoytises du monde..

  A026002411 

 Consideres troysiesmement, que, soit que nous embrassions les conseilz de Nostre Seigneur nous rangeant a une vie plus estroitte, soit que nous demeurions en la vie commune et en l'observance seule des Commandemens, nous aurons en tout de la difficulté: car si nous nous retirons du monde, nous aurons de la peyne de tenir perpetuellement bridés et sujetz nos appetitz, renoncer a nous mesmes, resigner nostre propre volonté et vivre en une tres absolue [371] sujettion sous les loix de l'obeissance, chasteté et pauvreté; si nous demeurons au chemin commun, nous aurons une peyne perpetuelle a combattre le monde qui nous environnera, a resister aux frequentes occasions de pecher qui nous arrivent, et a tenir nostre barque sauve parmi tant de tempestes..

  A026002412 

 Consideres quatriesmement, qu'en l'une et en l'autre vie, servant bien Nostre Seigneur nous aurons mille consolations.

  A026002419 

 Ou sont les superbes edifices que l'ambition du monde esleve pour l'habitation des vilz et detestables pecheurs? Ah! quel mespris des grandeurs du monde nous a enseigné ce divin Sauveur! Que bienheureux sont ceux qui sçavent aymer la sainte simplicité et moderation! Miserable que je suis, il me faut des palais, encor n'est ce pas asses; et voyla mon Sauveur sous un toit tout percé, et sur du foin, pauvrement et piteusement logé..

  A026002420 

 Helas! que tout est pauvre, que tout est vil et abject en cet accouchement, et que nous sommes doüilletz et sujetz a nos commodités, amoureux des sensualités! Il faut grandement exciter en nous le mespris du monde et le desir de souffrir pour Nostre Seigneur les abjections, mesayses, pauvretés et manquemens.

  A026002425 

 Ayant pris vostre chapelet par la croix et l'ayant baysee, vous feres avec icelle le signe de la Croix sur vous, et vous mettres en la presence de Dieu, luy offrant vostre ame avec toutes ses puissances, principalement vostre entendement et volonté, avec un grand desir de considerer avec attention les misteres de nostre foy et de tirer d'iceux quelque sainte affection d'imiter les vertus que nostre Redempteur nous a enseigné, et de faire d'autres actes d'amour de Dieu, d'admiration de ses perfections infinies, d'actions de graces pour ses benefices, de contrition de vos pechés, de saintz propos de vous amender, de surmonter vos passions, de prouffiter en la vertu.

  A026002428 

 Et apres, dires l'Orayson dominicale, par laquelle doivent commencer toutes vos oraysons, comme estant la plus excellente que nous puissions faire; et ensuite vous dires les dix Ave Maria, continuant en cette maniere de dire les cinq dizaines d'une partie du Rosaire..

  A026002588 

 Ayant d'abord fléchi les genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ en toute humilité, que Votre Excellence lève au Ciel les yeux de son âme et s'imagine voir ce grand Père des lumières, Dieu, assis sur le trône de sa gloire, entouré de millions d'Anges et de Séraphins; puis, avec une grande foi, respect et amour, faites cette prière que Jésus-Christ nous a enseignée, et adressez-lui ces sept demandes qui y sont contenues.

  A026002593 

 Un pauvre berger qui garde ses brebis dans les champs s'estimerait heureux et bien fortuné si Votre Excellence l'adoptait pour fils et pour son héritier; bien plus, etc. Nous pouvons [378] dire à bon droit ce que David répondit au roi Saül quand il lui offrit pour épouse sa fille [Mérob]: Qui suis-je et qu'est-ce que ma vie, qu'est-ce que la famille de mon père en Israël, pour que je devienne le gendre du roi? Et qui suis-je, ô Dieu du Ciel, pour que vous me vouliez pour votre enfant et que vous vouliez que je vous appelle Père?.

  A026002596 

 Considérez en notre bon Père et vis-à-vis de nous tous, les effets de père.

  A026002596 

 Il nous aime: Dieu a tellement aimé le monde; Mon [379] Père nous aime, dit le Christ.

  A026002596 

 Il nous dirige vers le Ciel par la prédication de son Evangile, nous aide et défend contre nos ennemis, nous conseille, nous honore, nous revêt et nous châtie aussi quand il en est besoin..

  A026002596 

 Il nous pourvoit de tout ce qui nous est nécessaire pour le corps et pour l'âme; il met à notre service toute cette grande machine du monde, ces éléments, ces cieux et même les Anges; il pourvoit notre âme de sa nourriture, qui est le précieux Corps et le Sang de son Fils unique.

  A026002597 

 Enfin il faut lui demander que puisque nous nous réjouissons d'avoir un Père si bon, il nous rende tels qu'il puisse se réjouir de nous avoir pour enfants.

  A026002597 

 Lui demander que puisqu'il exerce si bien vis-à-vis de nous les offices d'un bon père, nous exercions aussi à son égard les devoirs de bons fils, qui sont l'amour, l'obéissance, le respect; que nous l'aimions tendrement et nous réjouissions d'avoir un Père si bon, si saint, si sage et si puissant, qu'il est la même bonté, sainteté, sagesse, beauté et infinie puissance; que nous obéissions à sa loi, que nous lui portions en tout lieu le respect qui lui est dû et que nous cherchions que le monde entier l'honore et le révère.

  A026002602 

 Notre, pour nous révéler que nous sommes tous frères, que nous devons aimer tout le monde, prier pour tous et observer les deux commandements auxquels se rattache toute la Loi: le premier, d'aimer Dieu parce qu'il est Père; le second, d'aimer le prochain parce qu'il est notre frère..

  A026002603 

 C'est bien la raison: nous sommes tout siens parce qu'il est tout nôtre.

  A026002603 

 Notre, afin que nous soyons siens.

  A026002609 

 Pour que je comprenne bien que mon âme ne doit pas embrasser la terre, mais le Ciel; qu'elle ne doit plus cheminer ayant l'affection aux choses basses et transitoires, mais s'élever aux choses du Ciel, afin que notre conversation soit dans les Cieux, où nous avons pour Père Dieu lui-même.

  A026002615 

 Le prier de donner à tous l'entendement, afin que nous puissions comprendre avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur: la largeur de ses bienfaits, la longueur et grandeur de ses promesses, la hauteur de sa Majesté et la profondeur de ses jugements.

  A026002619 

 Demander instamment qu'il vienne en nous ce céleste Royaume que son Fils béni nous a mérité par sa très sainte Passion..

  A026002620 

 Que pendant que nous sommes en cette vallée de larmes, il règne par sa grâce en notre âme et sur notre corps, et qu'il donne à l'un et à l'autre de lui obéir comme à leur Roi..

  A026002625 

 Demander que de même que les cieux, qui sont les Anges et les Saints, font toujours sa volonté, de même la terre, c'est-à-dire nous, la fassions aussi..

  A026002626 

 Que votre volonté soit faite. Cette volonté est que nous aimions Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toutes nos forces, et le prochain comme nous-mêmes..

  A026002627 

 Que votre volonté soit faite, afin que nous imitions le Christ qui a dit: Non pas ma volonté, mais la vôtre soit faite.

  A026002629 

 Sur la quatrième demande: Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour.

  A026002631 

 Demander le pain pour nous, pour tout le monde et surtout pour le pauvre..

  A026002632 

 Notre pain supersubstantiel, qui est son saint Fils dans le Saint Sacrement, afin que nous ayons le souvenir et l'intelligence de l'amour qu'il nous a porté et des choses qu'il a faites et souffertes pour nous, qui sont infinies..

  A026002633 

 Pain de sa sainte parole qu'il nous distribue par ses prédicateurs, et par lui-même lorsque nous faisons oraison..

  A026002635 

 Cinquième demande: Pardonnez-nous nos offenses comme, etc..

  A026002637 

 Considérer qu'il veut que nous nous humiliions, confessant que nous sommes pécheurs: Si nous disons que nous sommes sans peché, nous nous séduisons nous-mêmes..

  A026002638 

 Considérer qu'il dit, debita, dettes, afin que nous comprenions que nous péchons tous en beaucoup de choses; comme on le voit dans la parabole de celui qui devait dix mille talents.

  A026002639 

 Comme nous les pardonnons, car de la même mesure que nous [aurons] mesuré, on nous mesurera..

  A026002641 

 Sur la sixième demande: Et ne nous induisez point en tentation.

  A026002645 

 Sur la septième demande: Mais délivrez-nous du mal.

  A026002649 

 De toutes les adversités, de tous les dangers, de tous les maux qui nous arrivent du dehors..

  A026002655 

 Ce mot m'atteste l'amour immense que vous me portez, Seigneur; c'est pourquoi votre Evangéliste, émerveillé, dit: Voyez quel amour le Père nous a témoigné, que nous soyons appelés enfants de Dieu, et que nous le soyons en effet.

  A026002655 

 Quel fils ingrat peut-on trouver au monde, qui ayant un Père bon, saint, doux, glorieux et aimant comme vous l'êtes, il ne l'aime pas? O Père, où trouverons-nous quelqu'un qui soit aussi bon, aussi saint, aussi doux et aimant que vous l'êtes? Donc, Père, que de mon cœur soit chassé tout autre amour, qu'il soit enflammé, afin qu'entre vous, mon Père, et moi votre enfant il y ait un continuel amour réciproque..

  A026002660 

 Ceux-ci mettent leur confiance dans leurs chars et ceux-là dans leurs chevaux; nous, nous exulterons dans le nom de notre Dieu.

  A026002661 

 Chaque jour, ô Père, vous préparez la table et faites le festin pour le monde entier, et je participe toujours à ce festin; chaque jour vous faites [391] que le soleil nous éclaire, nous vos enfants, et le soir vous cachez cette belle lampe et il semble en certaine façon que vous éteigniez cette belle lumière afin que nous, vos enfants, puissions reposer et prendre le sommeil; vous occupez, Seigneur, le ciel et la terre à mon service, et vous m'avez même confié aux soins des Anges: tout cela afin que j'obtienne l'héritage réservé à vos enfants, qui est le Royaume des Cieux.

  A026002661 

 Par là je reconnais quel Père prévoyant vous êtes pour nous, qui sommes vos fils..

  A026002667 

 Il me semble, Seigneur, que vous êtes comme le soleil qui communique sa lumière et envoie ses rayons à la plus petite fleur de la montagne comme à la montagne même; ainsi vous, mon Seigneur, communiquez également votre nom si doux de Père aux grands et aux petits, aux riches et aux pauvres, et vous voulez que pour cela nous vous appelions nôtre..

  A026002669 

 Enfin vous êtes notre Père parce que, après cette vie de travaux et de pénitence, vous nous préparez une vie de repos et d'éternelle béatitude..

  A026002669 

 Vous êtes notre Père, parce que vous nous avez créés: Vos mains Seigneur, m'ont formé; N'abandonnez pas l'ouvrage de vos mains. Vous êtes notre Père parce que vous nous avez achetés avec le précieux sang de votre Fils, l'Agneau immaculé, notre Christ Jésus, avec qui nous avons été adoptés pour vos enfants.

  A026002669 

 [394] Vous êtes notre Père parce que vous nous consolez très suavement dans cette vallée de larmes.

  A026002670 

 Ces mots: Notre Père, siéront bien sur mes lèvres quand mon âme et mon corps seront tout vôtres, puisque vous êtes tout à nous..

  A026002670 

 Enfin vous êtes notre Père parce que vous vous employez tout entier pour nous, si pauvres, et parce que vous nous avez tout communiqué en ce monde dans le Très Saint Sacrement; et puis, au Ciel, vous vous communiquerez plus manifestement, nous découvrant votre bienheureuse essence, les trésors infinis de votre béatitude et la gloire de votre Majesté.

  A026002683 

 Nous savons.

  A026002683 

 Père, avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur: nous connaissons la largeur de vos bienfaits envers nous, qui est plus vaste que la mer et la terre; la longueur de vos promesses, [400] qui sont infinies; la hauteur de votre Majesté, qui est immense; la profondeur de vos jugements, qui sont un abîme..

  A026002689 

 En ce saint royaume, nous vous louerons toujours, nous vous aimerons et nous jouirons de vous, ô Père saint, avec votre Fils béni et le Saint-Esprit.

  A026002690 

 Dans votre bonté, Seigneur, répandez vos bienfaits sur Sion et que les murs de Jérusalem soient bâtis. Voyez, ô Père, une [402] bonne partie des murs de votre Jérusalem sont tombés jusqu'au profond de l'enfer; recueillez-nous dans votre bonté, ô Père saint, et placez-nous dans cette glorieuse cité, afin que vous puissiez achever de bâtir ses saintes et bénites murailles..

  A026002691 

 Comme les pèlerins désirent la dernière journée qui terminera leur voyage et où ils retrouveront leur ville et leurs demeures, ainsi nous désirons que votre règne arrive, afin que s'achève notre pèlerinage et que nous entrions dans le séjour que vous nous avez préparé dans votre saint royaume..

  A026002691 

 Que votre règne arrive: Père saint, bannis de votre royaume, nous sommes « dans cette vallée de larmes.

  A026002691 

 » Faites, ô Père, que nous y revenions.

  A026002692 

 Que votre règne arrive: nous sommes en guerre; faites, Seigneur, que nous remportions la victoire, afin que nous obtenions le prix qui est votre saint royaume.

  A026002692 

 Vous êtes juste, Seigneur, vous serez trouvé juste dans votre sentence. Vous nous avez promis votre royaume; je vous prie donc humblement de ne pas regarder nos démérites, mais le sang précieux de votre Fils bien aimé Jésus-Christ Notre-Seigneur: Regardez, Père, la face de votre Christ, et que par votre Christ votre règne arrive.

  A026002701 

 Je vous demande avec instance, ô Père, que votre volonté soit faite en moi et en tous, parce que je suis sûr que votre volonté est que nous soyons tous des saints.

  A026002701 

 Soyez saints, car je suis saint; et: Ce que je veux, c'est votre sanctification. O Source de toute sainteté, faites-nous saints, car telle est votre volonté.

  A026002703 

 Vous nous avez ordonné, Père, qu'il y eût toujours du feu sur votre autel.

  A026002705 

 Sur ces paroles: Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour.

  A026002708 

 Donnez-nous, ô Père, notre Pain supersubstantiel, votre Fils unique Jésus-Christ Notre-Seigneur [409] dans le Très Saint Sacrement, afin que par ce Pain nous soyons nourris dans la vie spirituelle, nous croissions dans la vertu et nous soyons tellement fortifiés, que nous puissions faire le voyage en cette vallée de larmes, jusqu'à la montagne de Dieu, à Horeb.

  A026002708 

 Oui, Père, les enfants ont besoin de pain; ne nous le refusez pas, de peur que nous ne mourions.

  A026002708 

 Père saint, ce Pain est celui que votre Fils nous a apporté, ce sont les choses merveilleuses qu'il a opérées, prêchées, endurées; faites, ô Père saint, que pendant la durée de ce pèlerinage, cette manne céleste ne vienne jamais à nous manquer et que nous goûtions son immense suavité..

  A026002710 

 Donnez-nous en outre, ô Père, le pain de votre suave et très douce parole; rompez-le-nous, coupez-le en morceaux par le moyen de vos ministres qui sont vos prédicateurs; faites qu'il fructifie dans nos âmes, comme ce bon grain qui tomba dans la bonne terre et qui rapporta le cent pour un..

  A026002713 

 Sur ces paroles: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

  A026002716 

 Père, nous sommes pauvres et pleins de dettes; vous, vous êtes riche et notre créancier; il faut que le riche remette au pauvre ses dettes: remettez-nous donc nos dettes.

  A026002717 

 Enfin je vous prie, Père saint, par votre miséricorde infinie, par la vertu de cette Passion que votre Fils bien aimé endura sur le bois de la croix et par les mérites et l'intercession de la Bienheureuse Vierge et de tous les élus qui existent depuis le commencement du monde, de daigner nous remettre nos dettes.

  A026002718 

 Comme nous les remettons à ceux qui nous ont offensés.

  A026002718 

 Je vous prie aussi, ô Père, de me donner assez de vertu et votre grâce pour que je puisse parfaitement pardonner à ceux qui m'ont offensé; et si vous trouvez dans mon cœur quelque reste d'imperfection contre ceux qui m'ont offensé, vous, Père, par le feu de votre charité, faites-le disparaître, brûlez-le, faites que nulle trace ni ombre de rancune demeure dans mon cœur, afin que je puisse dire en toute vérité: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés..

  A026002720 

 Et ne nous induisez point en tentation.

  A026002722 

 Notre adversaire, le diable, rôde autour de nous, cherchant qui dévorer.

  A026002722 

 Nous sommes, ô Père, en un lieu de tentation.

  A026002723 

 Ne nous induisez donc pas en tentation, ô Père, afin que nous n'offensions pas une telle Majesté..

  A026002725 

 Mais délivrez-nous du mal.

  A026002728 

 Donc, du péché, de la faute et de la peine due au péché, je demande d'être délivré: Mais délivrez-nous du mal..

  A026002731 

 Je me souviens aussi, Père, qu'il n'était pas permis aux fils de Jacob de paraître une seconde fois en présence de Joseph s'ils ne conduisaient avec eux leur frère cadet Benjamin; et à nous il n'est pas permis de paraître en votre présence sans notre frère aîné, qui est votre Fils unique Jésus-Christ.

  A026002862 

 O bienheureuse Vierge Marie, digne Mere de Dieu et fidele Dispensatrice de toutes les graces qu'il veut nous distribuer en cette vie, je vous supplie, par l'amour de vostre cher Filz, nostre Sauveur Jesus Christ, de m'obtenir de vostre divin Espoux, le Saint Esprit, une lumiere celeste et un bon conseil pour connoistre ce que je dois faire et comment je dois me conduire pour la gloire de Dieu et l'advancement de mon salut..

  A026002870 

 Toutes les éditions des Œuvres de saint François de Sales, à commencer par celle in-folio de 1637, p. 1033, donnent une pièce intitulée: Maniere devote pour celebrer avec fruict le tres-sainct Sacrifice de la Messe. On nous permettra de l'écarter de notre Edition, comme n'ayant aucune preuve d'authenticité; on n'y retrouve ni les pensées du Saint, ni son style, mais un amas de considérations qui suffoquent l'esprit, au lieu de le recueillir; plusieurs mots y sont employés qui ne se rencontrent pas dans ses écrits..

  A026002872 

 Robert Berthelot, évêque de Damas, ne se rapporte qu'au second traité; il nous paraît très sec, contrairement à son habitude, quand il s'agit des ouvrages de saint François de Sales.

  A026002873 

 Pour ces raisons, qui nous semblent probantes, nous supprimons dans notre Edition authentique l'opuscule en question.





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